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29/02/2012

Est-ce de l'Art Brut?

   Voici quelques dessins pour les amateurs de taxinomie (c'est une maladie que je trimballe). Son auteur, ou sa créatrice, est quasi inconnu(e), je l'ai découvert(e) récemment. Où classeriez-vous ce genre de dessin, qu'est-ce que cela vous inspire? Le (ou la) rangeriez-vous dans l'art brut? (Les proches de cette personne sont bien évidemment priés de ne pas interférer...).

 

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L'homme aux bonbons

    Marie Paccou est cinéaste à Billom où elle organise un Festival du Film Bricolé. Elle a aussi consacré un court-métrage de 8 min 10 exactement, L'Homme aux bonbons (sous-titre: "l'histoire vraie d'un homme qui cherchait l'amour") à un certain Hubert Germain, qui était jusqu'à une époque récente une figure populaire de cette ville du Puy-de-Dôme (il est décédé en ), où on le surnommait "le Père Noël ambulant". Doux, plutôt innocent, sans doute muni d'une pension d'invalidité, il était connu pour deux comportements que le film souligne, il offrait sans cesse des bonbons (des Magnificat, sortes de caramels au lait crémeux), parfois en cachette, et surtout aux femmes, à qui il décernait des étoiles de gentillesse (en tout bien tout honneur comme on dit).marie paccou,l'homme aux bonbons,hubert germain,billom,cinéma et arts populaires,musiques d'outre-normes Ces douceurs étaient des petits cailloux blancs qui reliaient les gens les uns aux autres. Le deuxième comportement était sa participation, avec le groupe de rock auvergnat les Flying tractors, à des concerts, où il effectuait des sortes de performances, se roulant par terre, et chantant des scies de Joe Dassin (j'irai cueilir sur la colline un bouquet d'églantines...) ou de Pierre Perret (Tonton Cristobal est revenu...). Le film est court et faute de plus d'archives ne montre pas beaucoup cet aspect du talent très spécial d'Hubert Germain. Il semble du reste que dans la région, on n'ait pas pu garder beaucoup d'enregistrements de ces performances qui pourtant tenaient, a priori, du chant d'outre-normes tel que nous le cherchons et tel que nous le trouvons rarement. Le film de Marie Paccou est réalisé de façon atypique pour un documentaire, c'est presque un film d'animation avec son montage rapide, ses pixillations, ses témoignages hachés. Ce qui émerge à la toute fin, c'est la solitude de cet homme privé d'amour en raison de son handicap. Le cri final jeté en concert apparaît déchirant à cette lumière.


DVD : HUBERT l'homme aux bonbons (extrait) par heeza

Je crois savoir que le film sera diffusé le samedi 2 juin prochain dans le cadre du Festival Hors-Champ de cinéma autour des Arts singuliers à Nice (auditorium du MAMAC le samedi et bibliothèque Louis Nucéra le vendredi 1er). On peut demander le film en écrivant aux Films de l'Arlequin, 23, rue de Meslay, 75003 Paris (00 331 42 77 20 55), et arlequin@wanadoo.fr ou www.filmsdelarlequin.com

Drôles de billes (un complément d'Emmanuel Boussuge)

         Le jeu de piste à la recherche des œuvres populaires signées par leurs créateurs dans la superbe vallée de Brezons (Cantal) évoqué dans le texte Art populaire et affirmation individuelle: deux maîtres-maçons de la vallée de Brezons (note publiée sur ce blog le 17 février 2009) s’est prolongé. J’ai repéré depuis une nouvelle croix sculptée attribuable à l’admirable tailleur de pierre naïf nommé Chanssans (ou Chassang ou Chanson…). Et c’est ma préférée.

 

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Le Bourguet, ph. Emmanuel Boussuge, 2010

         La croix se trouve au bas du hameau du Bourguet près du pont qui enjambe le Brezons. La figuration de l’avers est très similaire à celle de la croix plus haut dans le village ou à celle de Liverninx. Au revers, une croix en relief toute simple. Mais surtout, si on s’approche, on aperçoit quatre petites boules posées sur les bras de la croix.

 

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Le Bourguet, ph. EB, 2011

         Et sur ces boules, un visage très élémentaire : deux yeux, un nez, une bouche. Je suis presque sûr que le tailleur s’est inspiré des putti, ces angelots qu’on trouve quelquefois sur les croix à partir de l’époque baroque. Mais voilà, en simplifiant radicalement son objet, ces créatures ailées sont devenues des billes souriantes.

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Le Bourguet, ph. François Puzenat, 2010

          Je ne sais pas vous, mais, moi, ça me plaît bien que ce soit un mec au fin fond d’une vallée auvergnate, à la fin du XVIIIe siècle, qui ait inventé Pacman¹.

         Emmanuel Boussuge

         (PS : Cette notule est dédiée aux promeneurs avec qui j’ai arpenté à plusieurs reprises la vallée sur la trace du sieur Chanssans : Didier, Pascale, Emmanuelle et Clio Kahn, François Puzenat et Doudou).

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¹ Pacman est le nom de cette boule vorace connue des amateurs de ce jeu vidéo primitif des années 80.

Les arcs-en-ciel du noir, invitation à Annie Le Brun

     Cette exposition, conséquence de l'invitation lancée à Annie Le Brun par le musée Victor Hugo de la Place des Vosges à Paris, s'articule, nous dit le dossier de  presse, autour de "7 sections thématiques et chronologiques": Noir comme la jeunesse, l'entrée dans l'obscurité (conçue comme le fil rouge de la visée hugolienne)  à travers les premiers romans, noir comme le théâtre des passions, le théâtre hugolien interrogeant le cœur et l'amour,  noir comme les voyages, ceux des années 1840 où les paysages sont les supports de la rêverie (Hugo écrivait: "C'est au dedans de soi qu'il faut regarder le dehors"...), noir comme la liberté, car Hugo se sentait attiré par les marges sociales et littéraires (il abrita des Communards en fuite dans sa maison étonnante de Guernesey),  le choix du noir dans l'aménagement de Hauteville House qu'il avait conçu comme un théâtre mental, noir comme l'infini, car Hugo interrogeait les forces obscures du monde comme dans Les Travailleurs de la Mer et peut-être aussi, mais cette expo paraît ne pas en parler (ce sera l'affaire d'une autre expo à venir), comme dans les séances de spiritisme où Hugo et ses proches partaient en quête de l'au-delà et de ses possibles habitants, et enfin noir comme l'éblouissement, l'éclatement lyrique des poèmes hugoliens.Le phare des Casquets.jpg

     On se doute bien que l'exposition repose aussi sur la présentation de dessins et d'encres rarement montrées, en provenance des réserves du musée. C'est alors très concrètement que l'on peut voir surgir de ces encres, et de ces sépias, la lumière venue des ténèbres que dépeint et interroge l'exposition. De même que dans la photographie, alors uniquement en noir et blanc, et technique nouvelle que Hugo  expérimente avec audace. L'invitation à Annie Le Brun est lancée au moment où paraît simultanément chez Gallimard (le 15 mars) son nouvel essai "Les Arcs-en-ciel du noir: Victor Hugo" dans la collection Art et artistes, en même temps que reparaît dans la collection L'Imaginaire Promontoire du songe du même Hugo, préfacée par Annie Le Brun, promontoire qu'illustre parfaitement l'image du Phare des Casquets qui a été choisie pour le carton d'invitation à l'exposition.

 

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Les Arcs-en-ciel du noir. Invitation à Annie Le Brun, Musée Victor Hugo, 6, place des Vosges, Paris, du 15 mars au 19 août 2012

Ubu, plein de latence, de forces contenues...

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De l'autre côté de la cour, ph. Bruno Montpied, 2012

     La grosse forme rouge qui attend là-bas, de l'autre côté de la cour, penchée au balcon, le regard perdu dans le vide, comme cueillie en plein recueillement, quelle est-elle? Que retient-elle au fond de son corps boursouflé, bouffi de tant de contention et sûrement pas de contentement...? Les yeux fendus en amande, hybride de Fu Manchu et d'un vague insecte extra-terrestre, il ne regarde personne en particulier, il est plongé en lui-même, rassemblant ses forces dispersées en dedans, les pognes crispées au fond des poches, comme bougon, très renfrogné. A quoi va-t-il  faire servir toute cette énergie rameutée? Quelques jours plus tard, il aura disparu.

 

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Les perles n'en finissent plus de tomber, Jean-Pierre Le Goff est mort

      Depuis quelques années déjà, nous ne recevions plus ses petits papiers où il nous invitait à chaque fois à réenchanter un carré de trottoir, l'orée d'un bois, un moment de la vie : je viens d'apprendre la mort de Jean-Pierre Le Goff, survenue lundi 26 février. Il sera enterré au cimetière Ploaré à Douarnenez demain [jeudi 1er mars], à 14 heures.

      Sa mémoire l'avait quitté. Il ne quittera pas la nôtre.

      Encore un ami qui s'en va, nous privant d'un peu de nous-mêmes.

       Joël Gayraud

      *

    Si je peux me permettre de rajouter quelques lignes après l'hommage ci-dessus, moi qui ai eu il y a bien longtemps un soupçon de correspondance avec Jean-Pierre Le Goff, j'ai retrouvé cette citation que Jean-Pierre m'avait envoyée, relative à un projet de revue à quatre que nous avions seulement esquissé avec d'autres amis, projet qui ne réussit jamais à aboutir (inventée par le poète franco-irakien Abdel-Kader El Janaby, elle aurait dû s'appeler Quatrain, devait être rédigée par quatre auteurs, qui avait la responsabilité chacun de quatre pages, un auteur laissant la place à chaque numéro à un nouvel arrivant... L'idée était belle, las! Rien ne put se mettre en place...). C'est le dernier mot que je reçus de lui (vers 1984). Cette citation prend aujourd'hui un sens autre, au regard de sa disparition, coïncidence qui l'aurait peut-être retenu:

     "Alors on se dit que le petit frisson est passé, et l'on pense déjà que la soirée est achevée quand, de nouveau, un quatrain vole dans la salle, nous enchaîne, allonge les volutes de ses voyelles et s'arrête net, ayant été jusqu'au bout de son pouvoir, nous laissant médusés, affamés encore de son charme, tandis que de l'autre côté du détroit, j'aimerais que ne désespère pas de m'attendre, dans sa maison de bois, quelque ami à venir."

(Les échelles du temps, Jacques Bussy, p.48, Fata Morgana, 1984).

*     

      Et je rajoute ici ce supplément que Joël Gayraud nous a adressé aujourd'hui:

        "Voici une bibliographie, forcément incomplète étant donné le grand nombre de textes non publiés à ce jour, de l'œuvre de Jean-Pierre Le Goff:

      Ne voir que du bleu (Arabie-sur-Seine, 1983), Journal de neiges, avec deux dessins de Jean Benoît (Le Hasard d'être, 1983), Lettre Sépia (AKEJ, 1984), Les Remparts de Brouage, avec un collage de Véronike Keczkowska (Orbe, 1984), Sur le tas (s. l., La Petite Chambre Rouge, 1984), Rutilance du trésor (Lille, A. Buyse, 1987), Le Cachet de la poste, feuilles volantes, préface de Jacques Réda (Gallimard, 2000), Du crayon vert (Au Crayon qui tue, 2001), L'Ecriture des fourmis (Au crayon qui tue, 2003), Les Abymes du Titanic (Au Crayon qui tue, 2006), Catalogue de fils à plomb offerts à Jean-Pierre Le Goff (s.d.)."

 

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Recueil de Jean-Pierre Le Goff édité par moi à l"enseigne de "la petite chambre rouge", qui se voulait un supplément à la petite revue littéraire, La Chambre Rouge que j'auto-éditai entre 1982 et 1985. "Sur le tas" date de 1984 (il comportait en frontispice un petit dessin de BM représentant un sablier).

         On peut déjà y ajouter aussi le texte de Le Goff, paru dans le n°12 de Viridis Candela (1 gidouille 130 EP, vulg. 15 juin 2003), carnet trimestriel du Collège de 'Pataphysique, p.49 à p.64, "L'Affaire des Plaques": sur les fausses plaques commémoratives qui fleurirent un moment sur divers murs d'immeubles à Paris, apposées par deux personnes restées anonymes, plaques qui disparurent partout subitement (avis aux lecteurs, qui aurait un ou plusieurs clichés de ces plaques?). Il y a probablement beaucoup d'autres textes de Jean-Pierre Le Goff publiés dans les revues du Collège.

        (Il n'y a pas du reste que dans les publications du Collège de 'Pataphysique que l'on peut dénicher des textes de Jean-Pierre Le Goff : pour mémoire je mentionnerais les revues Le Désir libertaire, Camouflage, Le Château-Lyre, Surr, Empreintes et j'en oublie bien évidemment . JG)

PS: On pourra aussi se référer à cette note parue sur l'Alamblog d'Eric Dussert, qui contient un texte de Stéphane Mahieu. Et aussi à celle-ci, publiée sur le blog de la revue Nouvelles Hybrides d'Etienne Cornevin. Et encore ces deux dernières: http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3860 et http://nouvelles-hybrides.fr/wordpress/?p=3862, qui contiennent entre autres, pour le dernier, un texte de Bruno Duval. Nouvelles Hybrides annonce du reste, et on peut lui faire confiance étant donné sa "puissance de feu", une série d'études sur Jean-Pierre Le Goff.

 


Capter Capt

   Le 14 mars, voici un autre événement à la collection de l'Art Brut à Lausanne, une "lecture-performance" de Geneviève Pasquier et Mathias Demoulin à l'occasion de la parution de Ecrivainer, la langue morcelée de Samuel Daiber, par Vincent Capt dans la nouvelle collection d'ouvrages "Contre-Courant", éditée par la collection de l'Art Brut et In Folio.

 

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     La présentation du livre nous assure que Samuel Daiber (1901-1983), "enfermé dans un asile psychiatrique en Suisse durant la seconde partie de sa vie, a inventé un langage personnel riche de nombreux néologismes tels que "paroler", "ma voixadée", "c'est Effrayantadique", ou "écrivainer"." A noter que le 8 mars à 15h, au Pavillon Carré de Baudouin à Paris, rue de Ménilmontant, en marge de l'expo Marcel Storr, comme je l'ai déjà mentionné, Vincent Capt interviendra également à propos des "architectures et des écritures folles".

Rumours au MADmusée plutôt que Josef Hofer à la Collection de l'Art Brut à Lausanne

    Si on devait m'obliger à choisir, dans une espèce de victoire à un improbable, très improbable jeu télévisé qui consisterait à envoyer ses participants visiter obligatoirement une exposition d'art brut, entre l'expo "Josef Hofer et le miroir" qui se tiendra à la collection de l'Art brut à Lausanne du 9 mars au 13 mai 2012 et l'expo "Rumours, Morton Bartlett/Lee Godie/Loulou/Miroslav Tichy" qui se tiendra au MADmusée de Liège du 10 mars au 6 mai, je sais que c'est la seconde qui recueillerait tous mes suffrages. Hofer, je n'arrive pas à m'y intéresser. Graphiquement surtout, car je trouve cela d'un insupportable misérabilisme ethétique. Peut-être que c'est le discours autour de ce personnage qui en fait tout l'attrait pour certains, mais la barrière du graphisme maigrichon me tient en deçà. Tandis que du côté de Liège, oui, c'est plutôt excitant avec ces deux grands voyeurs poétiques que furent Bartlett,En robe jaune, site Time out, Courtesy Julie Saul Gallery.jpg avec ses poupées de plâtre qu'il photographiait dans un théâtre mental qui lui était propre (et qu'on connaît mal de ce côté de l'océan Pacifique), et Tichy, le bricoleur d'appareils photo qui saisissait au vol les jolies femmes désirables qu'il regardait à la dérobée. Lee Godie, dont on nous dit dans le dossier de presse qu'elle vivait dans la rue, faisait des portraits et des autoportraits photographiques tout en se proclamant "impressionniste française". Loulou, alias Louise Tournay, décédée en janvier 2010, est plus connue depuis que l'Aracine l'a présentée dans ses expositions et sa collecion.

 

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(Illustration: La fille en robe jaune, galerie Julie Saul, New York)


Poupées russes, version Laurent Jacquy

   J'ai bien ri à la vision des matriochka d'après Tchernobyl telles que les a vues et réalisées Laurent Jacquy sur son excellent blog Les Beaux Dimanches.

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Laurent Jacquy, Matriochkatastrof, peinture sur bois, 2012


Disparition de Lino Sartori

    C'est l'ami Alain Garret qui m'apprend cette triste nouvelle. Lino Sartori nous a quittés le 21 décembre 2011. C'était un peintre sur souches de toute première force que je n'ai pu rencontrer qu'une seule fois en juin de l'année dernière, si éphémèrement, une après-midi fugace, tout en me laissant un grand souvenir cependant.

 

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Lino Sartori face à sa créature, photo Bruno Montpied, juin 2011


    Epoux d'une autre grande créatrice singulière, au parcours différent de Sartori, Andrée Acézat (ce fut au départ une peintre académique de la région bordelaise qui avait rompu à 180° avec ses anciennes habitudes de représentation, creusant la geste enfantine en la revisitant à travers un regard adulte), il avait d'abord été une grande partie de sa vie chef de chantier dans le bâtiment. C'est le compagnonnage avec cette femme artiste atypique, et peut-être aussi la mue opéré par cette dernière dans sa propre production, débouchant sur une expression infiniment plus directe, qui provoquèrent le désir chez Lino Sartori de créer à son tour.

 

Lino-Sartori,-bois-peint-au.jpg Bois peint de Lino Sartori, coll. BM


     Durant  notre rencontre, avant tout centrée sur l'évocation de sa femme qu'il faut aussi faire reconnaître, je ne pouvais m'empêcher d'être gagné du coin de l'œil, séduit par les œuvres de Sartori qui se trouvaient semées dans sa maison, mêlées à celles d'Acézat. L'enchantement continua quand j'allai dans la suite de l'après-midi chez un collectionneur qui a conservé de nombreuses pièces des deux créateurs.Tronc-creux-peint-9.jpg

        Le problème de cette œuvre, qui comprend aussi des peintures en deux dimensions à côté des souches peintes, c'est sa proximité ave le travail d'un Gaston Chaissac. La façon qu'a Sartori de cerner ses couleurs de manière compartimentée, sa liberté de traçage sur des surfaces aussi bosselées et imprévisibles que peuvent l'être des morceaux de bois brut, cela l'apparente fortement à Chaissac et peut nuire à une approche immédiate de son travail. Il faut en particulier ne pas s'arrêter à l'image en deux dimensions de ses souches peintes qui bien entendu aplatissent ces dernières, et le rapprochent encore plus de Chaissac. Quand on fréquente assez longtemps les oeuvres de Sartori, cette référence peu à peu s'estompe et surnage l'opinion que l'on a affaire ici à un amoureux des formes naturelles qu'il sublima par la caresse de ses couleurs, et le dessin de ses figures tendres et naïves, parfois humoristiques.

 

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Lino Sartori, sans titre (un dialogue entre marionnettes?), 2007, coll. privée, Bordeaux

     Il faut absolument se pencher sur cette oeuvre, en dresser le catalogue avant que l'oubli et ses mâchoires de néant ne se referment sur le personnage qui fut discret, réservé, s'effaçant derrière une épouse déjà elle-même fort secrète, véritable ombre derrière une autre ombre...

 

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Acézat et Sartori, Hymne à l'unanimité, il faut de tout pour faire un monde, 1994 ; peinture commune aux deux époux (l'église étant plutôt du fait de Lino apparemment), émaillée d'inscriptions variées et datée de la période charnière dans la production d'Acézat


Tandis que le petit monde dégringolant de Ruzena s'expose (à nouveau) à Lyon...

     Des singuliers, il se peut qu'il s'en montre de fort belle facture à Lyon, mais pas où on le croit généralement, pas dans les piscines du bord du Rhône, mais plutôt à la Galerie d'Alain Dettinger, place Gailleton, non loin de la place Bellecour.

 

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Ruzena, image sur le carton d'invitation à son exposition à venir à la Galerie Dettinger

     C'est le retour dans ces murs de Ruzena, à partir du 3 mars jusqu'au 31 du même mois, le vernissage étant pour vendredi prochain 2 mars à partir de 18h. L'expo s'intitule "Parce que ce que j'écris peut se lire dans le noir", qui est une citation d'Antonio Lobo Antunes. Une lumière au fond du noir, ça éveille un écho avec l'expo autour de Victor Hugo que je vais annoncer ci-dessus (dans cette colonne de notes). C'est d'ailleurs étonnant parfois tous ces échos autour d'un même thème qui s'agrègent par une sorte de hasard orienté (hier, j'ai reçu aussi d'un correspondant éminent la nouvelle qu'il émergeait, lui et ses compatriotes britanniques, des "ténèbres", de l'hiver s'entend...).

 

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Tiens, en prime, un Ruzena inhabituel, un dessin (Ex-voto (plumes), 19-11-05) avec collage (une plume), broderie sur papier calque, pas forcément exposé à Lyon, ph. Bruno Montpied


Quatre singuliers à Carquefou

    J'ai commencé cette journée par des Singuliers, et tout s'enchaîne, il y a justement une nouvelle exposition avec au moins trois créateurs que j'ai déjà eu l'occasion de vanter ici et là, à Carquefou, cette commune prés de Nantes qui s'intéresse visiblement avec persévérance aux créateurs proches de l'art brut, sans être pour autant des artistes contemporains à part entière. Il existe ainsi une catégorie de créateurs qui œuvrent avant tout pour leur propre délectation, hors souci vénal ou d'arrivisme.

 

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    Au programme donc, à partir du 3 mars, Pierre Albasser, Céline Ranger (je connais pas), Patrick Chapelière et Noël Fillaudeau (un grand ancien de l'art singulier celui-ci, disparu en 2003). A propos de ce dernier, on peut aller faire un tour sur le site web qui lui est consacré et qui propose, entre autres, à la vente une petite monographie élégante que l'on peut commander directement auprès de sa femme Alice qui veille fidèlement à la mémoire de Noël.

 

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Première de couverture du catalogue "Indomptés de l'art", 1986

      Noël Fillaudeau, que j'avais rencontré chez lui à Boussay (Loire-Atlantique) il y a plusieurs années, suite à ma découverte de son œuvre à l'exposition Les Indomptés de l'Art à Besançon en 1986 (j'ai écrit à son sujet deux articles: « Noël Fillaudeau, très brève biographie », et « L’atelier du Père Noël (Fillaudeau) », dans la revue Création Franche n°9, en avril 1994), est un grand créateur que j'admire absolument et dont je me sens particulièrement frère.

 

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Noël Fillaudeau, sans titre, photo surpeinte de la série des "Métamorphoses", 29x13 cm, coll BM


Singuliers à l'écart, une exposition virtuelle

      Cela fait longtemps que je souhaite établir mon propre rassemblement de créateurs que je range dans mon for intérieur sous le qualificatif, fourre-tout je m'en avise volontiers, de "singuliers". Singuliers, mais à l'écart alors, et d'abord à l'écart des singuliers pluriel qui s'affichent – contradictoirement, parce que très exhibitionnistes finalement, et de plus très identiques les uns aux autres avec leurs tics graphiques et plastiques tirant du côté du Chaissac mal digéré, de la Tête à Toto déclinée industriellement – qui s'affichent dans les festivals dits "d'art singulier" comme ceux de Banne, de la biennale hors-les-normes de Lyon, la galerie Singul'Art de la Croix-Rousse, etc, etc. Comme sous-titre de mon exposition virtuelle, je pourrais mettre "autodidactes marginaux, imaginistes, intimistes et visionnaires".

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De haut en bas, et de gauche à droite, des œuvres de Jean Branciard, Andrée Acézat, Géral Stehr, Bruno Montpied, Ruzena et Monique Le Chapelain

      En attendant de pouvoir trouver l'espace d'exposition matériel adapté (on a un peu d'espoir), je commence par un espace virtuel ici même et dans ma colonne de droite du blog consacré aux albums. Le nouvel album que je commence aujourd'hui, et qui sera évolutif en fonction des découvertes, des rencontres à venir, et aussi des lassitudes, des rectifications, des changements d'avis, devrait contenir pour le moment 46 créateurs. Voici les noms (dans l'ordre alphabétique des patronymes): Acézat, Marie Adda, Pierre Albasser, Jean-Christophe Belotti, André Bernard, Michel Boudin, Emmanuel Boussuge, Jean Branciard, Jean-Louis Cerisier, Thierry Chanaud, les créateurs de l'atelier La Passerelle (Béatrice B., Lydie B., Kevin R., Cyrille A., Monique M.), Caroline Dahyot, Gabrielle Decarpigny, Joseph Donadello (Bepi Donal), Jean Estaque, Noël Fillaudeau, Yves-Jules Fleuri, Alain Garret, Régis Gayraud, Guy Girard, Armand Goupil, José Guirao, Pascal Hecker, Emilie Henry, Hérold Jeune, Laurent Jacquy, Monique Le Chapelain, Stéphanie Lucas, Gilles Manero, Pierre-Louis Martin, Bruno Montpied, Huub Niessen, Serge Paillard, Jean-Pierre Paraggio, Marilena Pelosi, Jean-Christophe Philippi, Sylvia Katuszewski, Marcel Katuchevsky, Ruzena, Lino Sartori, Chrsitine Sefolosha, Petra Simkova, Gérald Stehr, Thibaud Thiercelin, Bernard Thomas-Roudeix.  

Le coup d'oeil de JB

     J'ai reçu voici quelques jours de Jean Branciard –grâces lui en soient rendues – l'adresse significative d'une ophtalmologue lyonnaise, le docteur Safia Bounoua qui habite au 28, rue louis loucheur dans le 9e arrondissement.

26/02/2012

2e édition des 24 heures du blog

    Allez, je remets ça. Mercredi 29 février (on va me dire que désormais cela me permettra en promulguant cette journée de travail sur le blog non-stop à chaque 29 février de faire cela seulement les années bissextiles, mais non, c'est l'occasion qui fait le larron, un jour de plus cette année, c'est comme si on avait un bonus dans notre existence, et c'est donc une manière de le fêter...). De 3 heures du matin le 29 février à 3 heures du matin le 1er mars.

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      Je rappelle le principe, pour ceux qui ne se souviendraient pas de ma première édition (à ma connaissance, je suis l'inventeur de cette manifestation), elle-même ayant pris place aussi en février, voici trois ans (donc cela prend l'allure involontaire d'une triennale, encore un effort et je fais cela toutes les années bissextiles). Il s'agit avant tout de travailler à mettre des notes en ligne sans discontinuer, c'est-à-dire de rédiger, faire des recherches, éditer des images de façon à les insérer au format adapté au blog, mettre en pages les notes, répondre aux commentaires possibles durant ces 24 heures, etc. Cela ne veut donc pas dire que les notes vont se succéder sans intervalles de temps! Elles viendront naturellement, au gré de l'inspiration et des associations d'idées, durant vingt-quatre heures.

      Rendez-vous donc mercredi, 3 heures du mat', à tous ceux qui voudront bien suivre mon panache blanc.

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24/02/2012

Un nouveau film de Remy Ricordeau

     Avant les projections publiques qui seront au printemps, le nouveau film de Remy Ricordeau, Inventaire avant liquidation (2012), est édité en DVD avec Putain d'Usine, un de ses précédents films, adapté du livre éponyme de Jean-Pierre Levaray.

Inventaire avant liquidation from mutins on Vimeo.

    On trouvera d'autres renseignements sur le site des Mutins de Pangée.

 

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17/02/2012

Nouveau jeu... qu'est-ce que c'est?

    Il faut que je l'admette, le jeu des 7 différences n'a rien donné... Alors j'en lance un autre, plus dans le style Schmilblic...A gagner la même chose que dans le jeu précédent, puisque les livres sont toujours là à poireauter:

   Soit le livre (en italien), abondamment illustré de Gustavo Giacosa, Noi, quessi dessa parola che sempre cammina, sur les inscriptions graffitées de Babylone, Giovanni Bosco, Helga Goetze, Oreste Nannetti, Melina Riccio et Carlo Torrighelli (2010)...

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        Soit cet autre ouvrage, Art brut fribourgeois, catalogue d'une exposition de la Collection de l'Art Brut en 2008...

     Que faut-il trouver cette fois? Eh bien, que signifient les objets ci-dessous, à quoi servaient-ils? Le premier qui trouve la solution gagne un des deux livres.

 

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Photo La Patience, 2012


13/02/2012

Cogner, bégayer, éborgner...

    Il paraît que le Jean-Noël Cognard, selon les mots de Cosmo Hélectra, qu'il invitait avec ses amis dans son émission Songs of Praise ce lundi 13 sur Aligre FM de 19h30 à 21h (à propos, ils ont heureusement récupéré leur fréquence), il paraît donc que Jean-Noël Cognard est un des meilleurs batteurs de la place de Paris...

     Cosmo me signale aussi les cas de l'orthophoniste Christophe Lebègue à Hautmont, prés de Maubeuge, et d'une ophtalmologue de Niort, Mme Joëlle Le Borgne... Ah, noms prédestinants, quand vous nous tenez...!

12/02/2012

"303" n°119

      C'est bien énigmatique comme titre, n'est-ce pas?303,eva prouteau,art brut,art immédiat,art singulier,bruno montpied,laurent danchin,armand goupil

    303, arts, recherches et créations est en réalité le titre complet de cette belle revue qui existe depuis au moins trente ans, financée par la région des Pays de la Loire, dans un premier temps consacrée en grande partie au patrimoine de cette région, puis depuis quelques années plus spécialement à la recherche en art. Le n°119, daté de janvier dernier, est un numéro spécial "art brut, outsider, modeste", concocté par Eva Prouteau qui collabore régulièrement à la revue.

    Au sommaire, on n'a pas joué forcément la carte du foisonnement comme ce fut le cas lors du numéro spécial de la revue Area sur le même sujet l'année dernière. Les textes sont plus longs que dans ce dernier magazine qui privilégie les entretiens synthétiques plutôt que les textes de fond. Eva Prouteau a préféré placer l'éclairage sur certains points permettant de souligner l'éclectisme des productions classées avec plus ou moins de rigueur dans l'art soi-disant "brut", toutes relevant cependant d'une forme de poésie singulière. Derrière son entreprise de "décloisonnement" des catégories et des appellations –ce qui ne signifie pas pour elle confusion des genres et des catégories, mais plutôt besoin d'établir des passerelles dans le respect de la valeur des uns et des autres– on sent chez elle un goût marqué pour les petites collections secrètes, notamment d'art populaire insolite, comme celle du musée des traditions de la Guérinière à Noirmoutier, ou celle des cibles de tir du Cercle de Chemazé (sud de la Mayenne ; déjà évoquées par Pascale Mitonneau dans le n°78 de la même revue 303 en 2003 avec des illustrations différentes), passionnantes œuvres d'art forain destinées à être criblées de balles, goût également apparent lorsqu'elle évoque avec sagacité l'existence de la Folk Archive, ce collectage par la photographie de "formes esthétiques non valorisées" (graffiti, sculptures de sable, motos et voitures customisées, épouvantails... Que des sujets que sur ce blog nous prisons particulièrement comme nos lecteurs l'ont sûrement remarqué) établi par deux artistes anglais, Jeremy Deller et Allan Kane. Il est aussi question ici et là dans la revue de l'art des douilles d'obus ciselées par les Poilus (article de Laurent Tixador et Eva Prouteau), et aussi d'un environnement belge, celui de Jean-Pierre Schetz, à Jupille, prés de Liège (dont Brigitte Van Den Bossche, collaboratrice du MADmusée dans cette dernière ville, auteur de l'article dans 303 a contribué à sauver des vestiges à la Fabuloserie, comme je l'avais constaté en juillet dernier –voir également la note que j'avais consacrée à ce site sur ce blog ; les quelques sculptures conservées par Caroline Bourbonnais ont été installées sur une sorte de ponton)

 

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Le cochon, 1963, contreplaqué, collection des cibles de l'Union de Chemazé, photo extraite du n°78 de la revue 303 (article de Pascale Mitonneau) en septembre 2003

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Cible peinte, collection Jean Estaque, ph. Bruno Montpied, 2009 (collection donc distincte de la collection des cibles de Chemazé)

 

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Fragments préservés de Jean-Pierre Schetz à la Fabuloserie dans le parc d'environnements, et au loin les statues de Camille Vidal, ph. BM, 2011 (ceci n'est pas dans le n° spécial de 303)

   A propos d'environnements, j'ai participé à ce numéro avec deux textes, l'un sur les sites d'habitants-paysagistes dans les Pays de la Loire (Aux jardins des délices populaires, texte où sont évoqués Louis Licois, Marcel Baudouin, Camille Jamain, Emile Taugourdeau, André Pailloux, Michel Chauvé, Henri Travert, Bernard Roux, et les maisons de Rossetti et Pennier dans la périphérie du Mans), plus un autre sur Armand Goupil, ce peintre amateur étonnant, ancien instituteur, originaire de la Sarthe, dont j'ai déjà eu l'occasion de donner sur ce blog maints autres aperçus.

 

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Armand Goupil, Barbe blanche, 11-X-61, huile sur carton, rassemblement Jean-Philippe Reverdy (image inédite, non publiée dans le numéro de 303)


    Laurent Danchin publie une contribution à propos de la distinction à faire selon lui dans l'art des médiumniques entre les créateurs savants et les créateurs plus populaires. Oubliant peut-être de préciser que l'art brut n'a pas insisté sur cette distinction parce que ses thuriféraires cherchant à mettre en évidence l'existence d'un art intime, surgi des profondeurs de l'inconscient, n'avaient que faire d'opérer de telles distinctions (de même qu'entre art des fous et art des non-fous). En fait, l'intervention de Danchin participe d'une remise en cause de la validité conceptuelle de l'art brut, ce qui peut paraître surprenant de la part de quelqu'un qui fait désormais partie du comité consultatif de la collection d'Art Brut à Lausanne. Personnellement, dans l'art des médiumniques, à qui je trouve généralement de l'unité, (s'il fallait opérer des distinctions, ce serait plutôt au niveau formel, les architectures, les symétrisations d'Augustin Lesage, Fleury-Joseph Crépin, Victor Simon d'un côté, face aux sinuosités botaniques des spirites tchèques par exemple), dans l'art des médiumniques donc, je trouve un raffinement qui n'est lui pas plus le fait des autodidactes populaires que des savants en rupture de ban (comme Victorien Sardou ou Marguerite Burnat-Provins), provenant en fait plutôt du recours à l'automatisme graphique, ce qui avait fasciné André Breton en 1933 (dans Le Message automatique), mais n'avait pas empêché un peintre comme André Masson de pratiquer le dit automatisme dans son dessin et sa peinture dès les années 20.

 

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Cecilie Markova, sans titre, daté 22-5-1960, coll. BM (illustration non insérée dans le numéro de 303)

    Ce numéro se focalise sur certains autres points, les écrits de Chaissac, l'art d'Hélène Reimann, le point de vue de Savine Faupin sur la réouverture du LaM avec son extension vouée à l'art brut, et surtout avec son opinion sur l'art brut aujourd'hui, cohérente avec la position d'une conservatrice de musée. Ce qu'elle dit de la façon dont André Breton envisageait l'art brut, et de son clivage avec Dubuffet me paraît discutable mais ce serait trop long d'en parler ici.

 

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Hélène Reimann, sans titre, avant 1987, donation L'Aracine, LaM de Villeneuve-d'Ascq ; reproduit dans 303


     La coordonnatrice de ce numéro a également donné l'occasion à Jean-Louis Lanoux alias Animula Vagula (le pseudo a été révélé publiquement sur internet) de se lancer dans un grand numéro impérialiste de "mère des blogs" qu'il espère sans doute, comme à son habitude, masquer sous l'humour (jamais exempt de coups de pied de l'âne). Le chapeau de cette intervention intitulée "les  Dérives d'Animula Vagula" définit comment, avec sa femme Catherine Edelman, il a orienté leur projet de blog fin 2005, en élaborant une autofiction campant une "jeune blogueuse affairée" imaginaire, "qui adore jouer avec les codes identitaires de la blogosphère"... [Ce chapeau, rédigé par l'éditeur du dossier sans que cela soit indiqué par un artifice typographique distinctif – voir commentaire de J2L ci-après – reflète assez bien le concept du blog animulesque selon moi, à tel point qu'y sentant à ce point l'influence des auteurs de ce blog, je suis fondé à considérer ce chapeau comme étant écrit par eux...]. Lanoux cherchant ainsi comme souvent à paraître rester "djeune", non déconnecté de la réalité, toujours "in", comme on disait autrefois. Cette explication permet aussi, bénéfice secondaire, de noyer le fait que ce genre de "cybercarnet" n'est en réalité qu'un support d'expression nouveau pour des intellectuels marginaux qui faisaient
auparavant, par exemple, des fanzines tapés à la machine, et qui, désolé Jean-Louis, pour le coup, l'avaient du reste cette fois précédé, en particulier dans l'intérêt pour les formes d'art populaire les plus hétéroclites ("Animula" ne cesse de le répéter, elle se veut la prem's, belle imposture). "Mère des blogs", tu parles! Sa dérive dérape vite dans le gonflage de chevilles (comme il s'en aperçoit d'ailleurs, car il est lucide le bougre, trop peut-être), et dans un narcissisme échevelé dont le lecteur n'a que faire. Laissons-le se caresser avec ces qualifications de "référence dans le monde de l'art brut" et passons à autre chose. 

   On regrettera dans ce numéro spécial, au chapitre des absents, qu'on n'ait pas plutôt interrogé ou demandé des contributions à la Collection ABCD qui s'interroge sur l'art brut aujourd'hui, ou bien qu'on ne se soit pas intéressé à l'évolution, en direction de l'art singulier, du musée d'art naïf de Laval, musée de la région des pays de la Loire pourtant. Etait-ce par manque de place? Le numéro en l'état actuel suscitera déjà, rien que dans les régions ouest, de bien fécondes questions sur les nouvelles façons d'envisager et de pratiquer l'art aujourd'hui. 

A signaler le samedi 21 avril, au Lieu Unique à Nantes, la présentation de la revue, dans le cadre d'un "week-end singulier" organisé par Patrick Gyger (auteur également dans la revue d'un article sur Daniel Johnston), où sera également projeté le film Bricoleurs de Paradis, Le Gazouillis des éléphants de Remy Ricordeau, avec un débat pour suivre, animé par Eva Prouteau. Durant la période du 7 mars au 20 mai, se tiendra au Lieu unique une expo consacrée à Daniel Johnston, Welcome to my world! D'autres intervenants sont également annoncés durant ce week-end comme Bruno Decharme, Barbara Safarova, Mario Del Curto, etc. Voir le site web du Lieu unique.

11/02/2012

Art de rue

boîte à lettres, Montmartre, sept 11.jpg

Montmartre, sept 2011, ph. Bruno Montpied

04/02/2012

Info-Miettes (15)

Clovis Prévost expose à la Galerie Maeght

        C'est commencé depuis le 19 janvier et cela se terminera le 17 mars. Le photographe et cinéaste Clovis Prévost présente son parcours de photographe, ainsi que quelques films dans une salle à part, à la galerie Maeght pour qui il travailla longtemps à son département cinéma, faisant des films avec des artistes défendus par la célèbre galerie (Adami, Pol Bury, Calder, Chillida, Arroyo, Monory, Miro, Tapiés, Ubac, etc.). On trouvera également quelques évocations de créateurs plus autodidactes et populaires comme Robert Garcet et sa tour d'Eben-Ezer, le Facteur Cheval, l'abbé Fouré, monsieur G....martine lamy Des graffiti ont aussi fait l'objet des recherches de Prévost, de même que les architectures de Gaudi à Barcelone. A noter que le lien, qui aurait dû mener l'internaute, sur le site web de la galerie, vers un communiqué de presse, ne fonctionne pas. Le Poignard Subtil vous en donne plus... Ayant reçu du photographe le dossier de presse, probablement le même que celui qu'on devrait trouver sur le site de la galerie, je me fais un plaisir de vous le procurer, si vous voulez bien cliquer ici. A noter encore que sur les pages d'accueil de la galerie, on se garde bien de mentionner nos chers inspirés bruts, pas encore assez présentables peut-être?

(Illustration: Monsieur G., devant son autoportrait dans le Sanctuaire des Lasers à Nesles-la-Gilberde, Seine-et-Marne, 1977)

Martine Lamy, déesse avec arbre et oiseau?

      Jusqu'à présent, je n'étais pas trop amateur des créations de Martine Lamy. Je trouvais ses dessins de petites filles un peu trop sages (les dessins, mais aussi les petites filles?). Voici qu'elle expose sous le titre générique suivant, "L'arbre, l'oiseau, la déesse" au Centre Culturel de Saint-Yrieix (dont elle est native) dans la Haute-Vienne du 14 janvier au 10 mars. Je n'ai qu'une affiche/dépliant pour me faire une idée.Martine Lamy, 2012.jpg Il ne paraît plus y avoir dans ces compositions, tantôt broderies, tantôt peintures, qu'une seule petite fille, probablement la "déesse" promise par le titre. Toujours la même, clonée dirait-on, bizarrement "figée" comme dit Claudine Goux qui préface l'exposition, fillette modèle dont  l'impassibilité finit par inquiéter. Poupée qui ne paraît pas voir le décor autour d'elle changer de façon presque vénéneuse. La nuit l'entoure, les branches de l'arbre serpentent comme langues de plantes carnivores ou lanières de fouet. Cette imagerie devient donc un peu plus inquiétante, et du coup plus attirante.

Le Répertoire 2011 des Macchabées célèbres, tomes I, II, et tombe III, est paru...

    Je crois avoir annoncé l'année dernière la parution de ces listes dessinées par Laurent Jacquy à Amiens, qui s'amuse à une comptabilité graphico-nécrologique passablement déprimante de toutes les vedettes qui ont passé l'arme à gauche dans le courant de l'année écoulée. L'année 2011 s'avère avoir été plus remplie que la précédente en cette matière. Laurent Jacquy le souligne dans une note de son excellent blog Les Beaux Dimanches. Offre de troc originale pour l'occasion, il propose l'échange de ces répertoires avec ceux qui lui enverront une représentation de leur cru d'une de ces vedettes trépassées. Avis aux amateurs...

La vie et l'œuvre de l'abbé Fouré aux Forges de Paimpont

martine lamy     L'association fondée par Joëlle Jouneau continue de faire voyager ses documents, articles, cartes postales anciennes, sur le fameux abbé dont elle déplore qu'on ne connaisse pas mieux la vie et la signification de ses sculptures semées en plein vent sur la côte de Rothéneuf ainsi que par le passé dans le petit musée de l'ermitage qu'il louait dans le bourg (voir ici le lien vers la note qui renverra au dossier que j'ai concocté en janvier 2010 sur le sujet). L'expo est prévue pour débuter le 11 février tout proche et cette fois c'est à Paimpont qu'elle va. Et non, ce n'est pas un village de pompiers...

 

martine lamy

Les rochers de Rothéneuf à marée haute, ph. Bruno Montpied, 2010

 Et deux nouvelles expos au Musée de la Création Franche, Natasha Krenbol et Yvonne Robert

      Natasha Krenbol, j'aime bien ce qu'elle dessine, et depuis déjà longtemps (c'est même moi qui l'ai présenté le premier au musée de Bègles, en janvier 1996 dans Création Franche n°12, texte intitulé par la rédaction "Pour Natasha Krenbol" alors que le véritable titre était "Pour Natasha la Krenbol"... comme on disait "la" Callas, car c'est un peu une diva en effet, Natasha...). Voici qu'elle arrive avec pour la première fois une expo personnelle au musée de la Création Franche, pourquoi si tard, le dossier de presse ne nous le dit pas. C'est une peinture avec des silhouettes obtenues par évidement ou cernage de formes peintes dans de premières couches puis laissées en réserve, une peinture où souffle la note bleue du jazz, avec des petits esprits espiègles comme les Totopioks empruntés je crois aux Inuits, mais aussi des ânes qui trottent entre deux lignes, entre deux graffitis ressemblant comme deux gouttes d'eau à des improvisations au saxo. On pense aussi à Klee de temps à autre, lui qui était aussi pas mal obnubilé par la musique. Natasha exposera une centaine d'oeuvres au rez-de-chaussée du musée, peintures, dessins, et des planches de timbres également.

 

martine lamy

Natasha Krenbol, "Nous deux", technique mixte (extrait de la plaquette que lui consacre le musée)

     Avec elle, à Bègles, on retrouvera aussi la chroniqueuse plus ou moins moqueuse de sa campagne, Yvonne Robert, nonante ans en juin de cette année, que l'on a rangée dans l'art brut, mais qui pourrait tout aussi bien figurer dans l'art naïf contemporain. Elle, c'est sa quatrième expo à Bègles! 60 peintures acryliques et 20 à l'huile, le tout récent.

 

martine lamy

Yvonne Robert, acrylique sur papier, 2011 (extrait de la plaquette que lui consacre le musée)

   Comme d'autres raconteurs ruraux, elle croque ses voisins, les habitants de son pays vendéen, et a une prédilection aussi pour ceux qui ne font que passer en revanche, tout au contraire de ces sédentaires,  à savoir les Gitans, les Romanichels, les Bohémiens, les Tziganes, les Roms, dont elle a tiré plusieurs fois le portrait dans des variantes multiples.

Pour tout savoir sur ces expos qui se tiendront du 3 février au 18 mars 2012 au musée de la Création Franche, lire ici le dossier de presse.

Des connivences dans le Marais

       Au 15, rue de Thorigny, où gîte l'espace Topographie de l'Art, on nous annonce du 4 février (vernissage le 9) au 15 avril avoir aperçu des "connivences secrètes" entre les artistes Anémone de Blicquy (connais pas), Dado (connu, lui), Richard Greaves par l'entremise du photographe Mario Del Curto, Louis Pons, Judith Scott, Ronan-Jim Sévellec (des mises en boîte) et Davor Vrankic (connais pas non plus). Cette galerie avait déjà exposé par le passé l'excellent Marcel Katuchevsky.

 

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