13/09/2009
Réédition du "Paris insolite" de Jean-Paul Clébert, avec les photos de Patrice Molinard
RENCONTRE
Le vendredi 25 septembre à 18h
Pour fêter la réédition du livre (enrichi en 1954 des photographies de Patrice Molinard)
de
Jean-Paul Clébert
Paris insolite
Aux éditions Attila
En présence des éditeurs ainsi que d'Olivier Bailly
Auteur de Monsieur Bob
(sur Robert Giraud) aux éditions Stock
A LA LIBRAIRIE PAGE 189, qui est comme de juste au 189, rue du Faubourg Saint-Antoine, Paris XIe...
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26/08/2009
Passage Dieu
Petit ajout à la balade dans le XXe arrondissement que j'ai mise en ligne il y a quelques jours. En recherchant la rue des Vignoles, je suis tombé sur un passage Dieu dont je ne me souvenais plus. Sans doute parce que la rue Dieu, dans le Xe, prés du Canal Saint-Martin, l'avait éclipsé. Placer deux fois le nom de Dieu sur des voies parisiennes faisant décidément un peu too much (d'autant que Satan de son côté n'a droit qu'à une pauvre impasse, comme par hasard, probablement par souci de le limiter, dans le XXe aussi).
Ce passage s'est révélé riche d'une inscription en nom prédestinant, comme on peut le voir ci-dessus. Et riche aussi, un peu plus loin, de la collision cocasse entre sa plaque de rue et un avis de chantier placé en contrebas...
19/08/2009
Naïve aventure
NAÏVE DEVANTURE
Quand on quitte la station de métro Maraîchers par la sortie donnant sur la rue des Pyrénées, on rencontre aussitôt une ruelle transversale dénommée rue du Volga. Son nom masculinisé de façon insolite, son étroitesse, qui contraste avec l'idée d'immensité qu'on se fait d'un tel fleuve, et surtout le pont du chemin de fer de ceinture qui arrondit sa voûte au-dessus d'elle une centaine de mètres plus loin, agissent comme autant d'irrésistibles appâts qui aimantent les pas du promeneur et l'incitent à s'y engager.
Il longe alors sur le trottoir - ou, devrais-je dire, la rive gauche - quelques ateliers transformés en isbas, dont les jolies façades de bois le font rager d'autant plus fort contre les promoteurs coupables d'avoir bâti juste en face une de ces casemates de béton bouygo-stalinien qui défigurent, tel un lupus hideux, le visage des villes. Mais alors que le promeneur croyait son chemin tout tracé jusqu'à la voûte du chemin de fer, il est arrêté par le débouché de la rue des Grands-Champs qui, à la manière d'un indolent affluent, se jette dans le Volga par la rive droite; et là, comme l'âne de Buridan, notre homme hésite sur le parti à prendre. Les grands champs évoquent en lui tout à la fois la clé des champs et les grandes largeurs, deux pôles inscrits depuis longtemps sur le cryptogramme de sa sensibilité. Mais la voûte l'attire, comme tout ce qui lui rappelle les arcades, ces reconstructions urbaines de la caverne primitive où prend son élan la poussée utopique de l'humanité. Or justement, en ce soir de mai, ce n'est pas d'un abri qu'il a besoin, ni de la nostalgie des origines, mais de la liberté des grands champs, ce qui le décide finalement à s'y vouer. Par un détail qui ne manque pas d'avoir infléchi ce choix, la rue ne présente pas de perspective au regard, mais amorce un virage à quelques encablures; et nul n'ignore que le flâneur est toujours avide de découvrir ce qu'il y a après le virage.
Et de fait, le flâneur, qui n'éprouvait qu'un vague espoir de trouvaille, n'a pas été déçu dans son attente sans objet : au rez-de-chaussée du numéro 107 de la rue des Grands-Champs, juste après le virage, s'ouvre la vitrine d'un salon de coiffure, ornée sur les murs qui en constituent la devanture de fresques murales représentant une énorme paire de ciseaux, une sirène alanguie (1) et d'autres figures naïvement peinturlurées. Au-dessus de la porte une plaque de pierre où s'inscrit l'expression latine TEMPUS FUGIT nous rappelle notre condition de mortel, reliant sans doute, dans l'esprit de la tenancière des lieux, une nommée Virginie, s'il en faut croire l'enseigne, le thème de la fuite du temps à celui de la chute irrésistible des cheveux, l'universelle et inexorable calvitie que seuls des soins appropriés prodigués par une main experte, et l'on espère très caressante, sont capables de retarder.
Joël Gayraud
___________
(1). Note du Poignard Subtil: à l'époque où fut faite la photo du salon de coiffure en question, à savoir seulement quelques semaines après que ce texte ait été rédigé, la "sirène" s'était visiblement transformée en clown... Ou faut-il croire à quelque hallucination de la part de l'auteur de ce texte? D'autre part, à nos yeux, il ne s'agit pas là d'un décor proprement "naïf" mais plutôt d'un exemple de ce que le peintre Di Rosa appelle de l'Art modeste, à mi-chemin entre la décoration des camions et les fresques de graffeurs.
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28/07/2009
Rue à nom prédestinant?
Cela fait déjà quelque temps que je n'ai pas évoqué les noms prédestinants, appelés ailleurs aptonymes. Il est des cas où la question peut se poser aussi, parfois, à propos de la destination (conjecturale en l'occurrence) de certains noms de rue... On préfère faire ici bien sûr une mauvaise conjecture. Une amie, Arielle Gallet, pour ne pas la nommer, m'a signalé ainsi que la rue du XXe arrondissement de Paris (à Belleville) où vient d'ouvrir une piscine flambant neuve, la piscine Alfred Nakache, s'appelle, tenez-vous bien, la rue Dénoyez...
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28/06/2009
Passage de la Sorcière: laissez passer!
Je suis le premier à regretter qu'un des passages qui fait le charme des vagabondages transversaux à travers Paris soit tout à coup privatisé, et ferme complètement ou à moitié (c'est assez énervant quand vous prenez un de ces passages et que vous butez à l'autre bout sur une porte fermée qui donne vers la rue où vous désiriez aller). Ces dernières années, le phénomène a eu tendance à se généraliser. Surtout dans les passages peu connus du public, où ne sont pas installées des boutiques bien sûr. Bien sûr que les habitants souhaitent se protéger des cambriolages ou des usagers des stupéfiants, d'un autre côté, on aboutit à la confiscation d'un espace public et à une régression de la démocratie dans l'usage social de l'espace.
C'est pourquoi je m'étonnais (avec plaisir...) qu'un certain passage du haut de Montmartre, joignant l'avenue Junot, à côté de l'ancienne maison de Tristan Tzara et Greta Knutson (architecte Adolf Loos), à la rue Lepic située en contrebas, que ce passage ait pu résister si longtemps. Un terrain de boules, appartenant à la ville de Paris, était sans doute la raison pour laquelle le passage était maintenu ouvert au public. Passage sans nom affiché, très buissonnier, orné en son col d'un rocher aux formes sauvages, que les riverains appellent paraît-il le "rocher de la sorcière" (voir ci-dessus ; trés étonnant rocher en plein Paris, sans doute une simulation en rocaille?). Je n'en connais pas l'histoire, à peine sais-je que l'endroit, où subsiste un lambeau fantomatique de l'ancienne campagne montmartroise, était appelé autrefois "le Maquis" (des cabanes, des jardins, de la friche) . C'est vrai que le plan de Paris n'indique pas son nom. Je ne suis pas allé vérifier dans le dictionnaire des rues de Paris de Jacques Hillairet. Cependant, il semble que les riverains devant cet anonymat aient remédié à la situation en lui en collant un. On l'appelle le "passage de la sorcière", du nom de ce rocher justement. Ce passage est en danger d'être privatisé, et c'est révoltant. Les copropriétaires qui partagent le passage avec la Ville (semble-t-il) laissent pourrir le chemin, l'escalier donnant sur la rue Lepic notamment voit sa main courante se déliter chaque jour davantage, créant du danger. Le but sournois étant de faire entériner la fermeture du passage que les copro du lieu souhaitent en secret se réserver (depuis le 22 juin dernier, c'est d'ailleurs chose commencée, le passage est fermé par décision unilatérale du syndic de la copropriété). Si cet état de fait se maintenait, ce serait la fin d'un des ces chemins transversaux qui font le sel des dérives parisiennes, pour les promeneurs de toutes obédiences. Il faut donc comme on dit, se mo-bi-li-ser! Une affichette a été collée en maints lieux de Montmartre avec une adresse e-mail pour signer une pétition contre la fermeture. N'hésitons pas en effet à faire savoir notre opposition à ce projet, amoureux des balades insolites (car il faudrait faire remarquer aux auteurs de la pétition mise en lien ci-dessus qu'il n'était pas forcément de très bonne suggestion de demander des rondes de police supplémentaires dans ce passage, comme me l'a fait remarquer RR dans son commentaire ci-dessous ; la pétition sur ce point devrait être corrigée)! D'autant que depuis quelque temps, je trouve que cela commence à faire beaucoup d'endroits qui ont fermé à Paris, en dépit de leur poésie (fermeture récente de la librairie sur le thème de Paris, rue Malher, à côté de St-Paul, alors qu'elle appartenait à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, bibliothèque qui par ailleurs se met à bazarder à la benne des collections entières de périodiques sous prétexte de manque de place (voir ce lien vers un article de la Tribune de l'Art signalé par Rodolphe Trouilleux sur son blog Paris Secret et Insolite)...! Fermeture depuis quelque temps déjà du Pavillon des Arts pour en faire un lieu de soupe populaire, sans remplacement par un autre lieu culturel équivalent - alors que les expositions qui y avaient été montées étaient remarquables, d'une grande novation...- Difficultés accrues pour la Halle Saint-Pierre, à Montmartre là aussi, qui a moins de subventions et bénéficie de moins en moins d'aide de la part de la municipalité...).
13/04/2008
Marges à la sauce parisienne
On a déjà remarqué qu'il n'y avait guère d'environnements bruts sur le territoire des grandes agglomérations. Il faut aller le plus souvent en banlieue pour en trouver (du moins autrefois, car aujourd'hui, il semblerait que même les banlieues deviennent stériles de ce point de vue, surtout la banlieue parisienne). Je l'ai déjà dit dans ma note du 7 mars à propos du géant Isoré. La pression sociale, la promiscuité des grandes villes, l'embourgeoisement aussi (tellement patent à Paris en particulier) en sont cause. Sans compter les réglements liés au bâti, les contraintes des copropriétés...
Dès qu'un individu exerce une action sur son décor à Paris, ce n'est généralement que dans le secret de son intérieur, et lorsqu'il se trouve en place publique cela découle souvent d'un comportement à la limite du pathologique triste. Un environnement naïf sur lequel je reviendrai plus tard fait exception à la règle sur la rive gauche, bâti dans une zone pavillonnaire préservée par chance ou miracle... Pour satisfaire à un besoin très nettement individualiste dans son essence, il faut en effet jouir d'un espace individuel, sans contrainte collective marquée. Les maisons individuelles sont devenues rares à Paris, et donc les environnements qui pourraient s'y développer le sont devenus aussi.
Je suis récemment tombé sur un habitat tenant à la fois du jardin, de la remise et un peu aussi, il faut bien le dire de la décharge, en lisière d'un bâtiment prestigieux, le contraste entre les deux étant assez remarquable. Je ne peux pas trop indiquer son emplacement histoire de ne pas nuire à son habitant. Ce dernier ne paraît du reste pas trop accommodant, lorsqu'on découvre la proclamation plutôt agressive qu'il a apposée à l'entrée de son jardin, situé en contrebas d'un escalier public. Il a dressé un drapeau français, ainsi qu'un européen, bien en évidence au-dessus du jardin, et cela paraît cause de conflit avec le voisinage.
Le lieu est insolite, non pas en raison de l'esthétique du décor créé, fait d'accumulations de débris divers -et comme cela arrive souvent dans nombre de sites de type accumulatif, orné de poupées démantibulées, de fragments de figurines, de mannequin vaguement attifé - il est atypique à cause de sa situation extrêmement marginale dans le tissu urbain, sous un escalier, coincé le long d'un bâtiment imposant où se prépare la relève du cinéma français, légèrement proliférant, sans excès non plus, son auteur prenant soin aussi de laisser la végétation s'y développer, ce qui est toujours bien vu à Paris où l'on manque de verdure...
Il est assez cousin des habitats précaires de SDF qui se rencontrent ici ou là, jouissant de tolérances éphémères de la part de la force publique, comme l'homme en cabane à roulettes ci-dessous,
ou cet habitat de clochard passage Hébrard dans le Xe arrondissement où pendant un moment son auteur accumula en pleine rue l'ameublement d'un véritable studio en plein air, avec salle de bain, salon, salle à manger à ciel ouvert, au vu et au su de tous, plus transparente demeure que celle-ci, tu meurs (littéralement d'ailleurs...)...
On l'associera aussi aux créations ambulantes de diverses figures de la rue, tel que celles sur quatre roues de "Monsieuye X", révélées par Marc Décimo dans son livre "Les Jardins de l'Art Brut", ou la tenue vestimentaire toute de fils brodés de multiples couleurs que portait un vieil Arabe dans les rues du centre de Paris voici quelques années (individu que je n'ai jamais réussi à identifier, ni à photographier, si quelqu'un avait des photos ou des informations supplémentaires à son sujet, il est le bienvenu ici).
20:43 Publié dans Environnements populaires spontanés, Paris populaire ou insolite | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : environnements spontanés, habitants-paysagistes destroy, drapeau français | Imprimer
08/04/2008
Hasards poétiques, par Régis Gayraud
Vu en vitrine de l’antiquaire "L’œil du pélican", 13, rue Jean-Jacques Rousseau, une maquette de cathédrale, belle réalisation d’art bout-de-ficelle élaboré à partir d’objets détournés de leur fonction initiale. Dans la décoration, on distingue des trombones, des clous de tapissier, et peut-être bien des balles de fusil. Paraît en contreplaqué recouvert de plâtre poli et peint, mais il y a également d’autres éléments que je n’arrive pas à définir.
Qu’allais-je faire rue Jean-Jacques Rousseau ? J’allais seulement, voyageur solitaire dans ma mélancolie, sur les traces des années perdues, du côté du "Pompadour", et j’ai composé cette petite chanson :
Te souviens-tu du Pompadour ?
Nous en rêvions tous les jours
C’était le temps du Pompadour.
Le miroir veuf au mur du fond
Ne mire plus le noir profond
De nos sourcils et se morfond
Dans les soucis neufs d’aujourd’hui
Que ceux qui tournent dans la nuit
En brûlant dans le feu ont fuis.
L’escalier qui grimpe à la tour
A perdu le nord des toujours,
Le steak au bleu et tes atours.
Trop loin m’ont emporté mes pas
J’y reviens et tu n’es plus là
Il n’y a plus de Big Buddha.
A l’issue de la rue Jean-Jacques Rousseau, dont la géographie me fera longtemps penser à celle des divers appartements que j’ai habités, invariablement encombrés d’objets empêchant la marche en ligne droite, je me suis assis à l’intérieur du café de la Bourse pour écrire tout ce qui précède et ce que j’écris en ce moment-même, tout en déplorant la fin de "la Cigale" et de "la Fourmi" et après avoir méprisé le café portant le nom prétentieux et provocateur de "Café des initiés". Crétins qui vous croyez libres, esclaves de vos déterminismes qui vous croyez des initiés parce que vous précédez la mode à venir dans deux ans.
Là, au "Café de la Bourse", j’ai assisté à l’arrestation d’une jeune femme très digne – mais manifestement bouleversée – dans une petite voiture noire à l’élégance bourgeoise tout comme elle, arrestation effectuée par deux policiers dont l’un ressemblait plutôt à un de ces étudiants à barbe de chèvre d’aujourd’hui et l’autre, asiatique, tonfa au côté, souriant de toutes ses dents malgré sa détermination, sortait d’un film de karaté. Ils l’arrêtèrent tranquillement – pour quel motif ? – en lui barrant la route sans brusquerie, l’aidèrent même à se garer. Elle sortit de l’auto, tendit ses mains lorsqu’ils sortirent les menottes, et ils l’emmenèrent doucement vers le fourgon qui attendait au coin de la rue et que j’avais remarqué quelques minutes plus tôt sans comprendre qu’il était l’outil du drame à venir. Tout cela dans le plus grand silence, à deux mètres de ma table, de l’autre côté du carreau. Je fus le seul à le remarquer et j’eus l’impression de regarder une pièce de théâtre ou mieux un ballet bien réglé. Rien ne paraissait conforme, tout semblait arrangé d’avance. Je crois que je me souviendrai toujours de cette femme, qui avait l’air d’une jeune cadre dynamique, de ce désarroi fulgurant dans ses yeux, mais aussi de cette résignation et de cette façon de dire quelque chose du genre de « Vous m’avez eue », que je n’ai pas entendu mais que j’ai deviné.
Décidément, la rue Jean-Jacques Rousseau n’a cessé de me rappeler à elle. Quelques heures plus tard, chez le bouquiniste et antiquaire russe Lampert, dans un tout autre quartier, rue de Miromesnil, chez qui j’ai acheté quatre recueils de Boris Bojnev en édition originale, j’ai aperçu sur le bureau qui lui sert de comptoir une carte d’une librairie ésotérique sise au 15, rue Jean-Jacques Rousseau, c’est-à-dire exactement à côté de l’antiquaire "L’œil du pélican" déjà noté plus haut, libraire que je n’ai pas remarqué le matin même, alors que mon regard avait été attiré par l’étrange maquette de cathédrale. En écrivant cela le soir dans le train qui me ramène à Clermont, je remarque que la boucle est bouclée. Moi qui n’achète jamais rien chez les antiquaires, qui m’intéresse peu à leurs devantures, qui n’entre qu’exceptionnellement dans leurs boutiques – d’ailleurs ce matin, après avoir hésité à entrer à "L’oeil du pélican", je suis peureusement resté sur le trottoir – deux fois aujourd’hui je me suis trouvé intéressé par une boutique d’antiquités, la deuxième fois j’y suis entré et y ai même fait des achats. Reste à savoir quel rôle joue dans cela la jeune femme blonde et triste à cette heure-ci prisonnière, et si la librairie ésotérique qui m’a fait signe depuis la rue Jean-Jacques Rousseau chez Lampert a quelque chose à voir avec elle.
Régis Gayraud, 6 septembre 2007
30/03/2008
La photographie inventive à travers la carte postale de fantaisie, une expo parisienne que vous ne devriez pas manquer
"La photographie timbrée, l'inventivité visuelle de la carte postale photographique, à travers les collections de cartes postales de Gérard Lévy et Peter Weiss", tel est le titre exhaustif de l'exposition consacrée à la carte postale fantaisie au Jeu de Paume site de l'Hôtel de Sully, prévue pour durer du 4 mars au 18 mai 2008 et organisée conjointement avec le Museum Folkwang d'Essen en Allemagne. Le commissaire de l'exposition est Clément Chéroux, qui avait déjà collaboré à des expositions fort curieuses comme Le Troisième Oeil, la photographie et l'occulte, qui s'était tenue en 2004-2005 à la Maison Européenne de la Photographie à peu près dans le même quartier que l'Hôtel de Sully, à Paris (exposition sur la photographie de fantômes, d'esprits ou de matérialisations (ectoplasmes) venues soi-disant de l'au delà...). Il est également l'auteur d'un petit livre paru naguère chez Actes Sud sur la photographie chez Auguste Strindberg.
C'est dire l'intérêt de ce chercheur pour les formes bizarres de la création photographique. Plaçant son travail sur les cartes postales de l'époque 1900 sous les auspices d'une tendance récente de la réflexion sur la photographie qui "consiste à interroger [cette dernière] en fonction de son support de diffusion", Clément Chéroux profite de cette exposition pour montrer les relations très fortes qui unirent les créateurs souvent anonymes des photographies de cartes postales avec différents artistes d'avant-garde, comme les dadaïstes (Hannah Höch) ou les surréalistes, dont Paul Eluard. Le Musée de la Poste, il y a quelques années (en 1992-1993), avait déjà présenté, parmi d'autres collections de cartes postales, celle qu'avait amassées ce dernier entre 1929 et 1932 (voir le catalogue de l'expo "Regards très particuliers sur la carte postale", avec un texte de José Pierre sur la collection Eluard où il rapproche la passion des cartes postales de la recherche du poète qui devait l'amener à son anthologie poétique de 1942 où il mettait en parallèle ce qu'il appelait la "poésie intentionnelle" -la poésie des écrivains- avec la "poésie involontaire" -la poésie populaire ou de ready-made, les littératures orales, etc.).
La carte postale a été le premier support permettant de diffuser en masse la photographie vers un vaste public, il n'est pas étonnant d'apprendre que les surréalistes (notamment Georges Hugnet) songèrent à éditer leurs oeuvres et l'expression de leurs recherches sous forme de série de cartes postales. Ce qui nous enseigne que les surréalistes de l'époque furent soucieux d'organiser la diffusion de leur poétique d'une façon qui permettrait d'atteindre le grand public (sans passer par un diffuseur centralisé qui n'existait pas encore alors et dans une société du spectacle qui n'en était qu'à ses balbutiements).
L'exposition présente un certain nombre de cartes postales dites "fantaisie", genre choisi en raison de l'imagination dont elles faisaient preuve en recourant à de multiples techniques nécessaires pour permettre de tenir en haleine l'intérêt du public (un grand choix de ces dernières est proposé dans le très beau catalogue qu'il ne faut pas manquer d'acquérir). Elles sont regroupées en trois sections: les cartes postales produites par des éditeurs, celles produites par des studios photographiques (par exemple les fameux portraits de groupe dans des décors où les clients passaient la tête, voir la carte avec les têtes d'Eluard et de Breton ci-dessus...), et enfin les cartes produites par des amateurs, encouragés par l'industrie photographique de l'époque qui mettait à leur disposition des papiers au format cartes postales sur lesquels ils pouvaient coller leurs propres réalisations.
C'est ainsi qu'on peut découvrir toutes sortes de récréations visuelles, insolites souvent mais non dénuées parfois de vulgarité, ou d'un certain sentimentalisme, dérivant d'une culture de masse voguant au ras des pâquerettes (la facilité n'étant bien entendu pas toujours absente des goûts populaires, nos médias actuels l'ont compris depuis longtemps en surfant sur les plus petits communs dénominateurs de leurs différents publics). Cette vulgarité prend parfois des aspects humoristiques à interprétation immorale comme dans le cas de ce légume terriblement sexué où passe l'écho de l'esprit carnavalesque et rabelaisien.
On y aime aussi beaucoup les décapitations, le décapité portant son chef sur un plat ou au fond de son panier. Les dédoublements, les permutations entre les sexes, les disproportions, les déformations (bien avant les distorsions d'un Kertesz), les formes grotesques se font nombreuses aussi, parfois en écho à des traditions présentes dans l'imagerie populaire et le folklore depuis bien plus longtemps que l'invention de la photographie. Je pense à cet ensemble de trois cartes postales illustrant à l'évidence le thème du "Monde à l'envers" que les anciennes gravures sur bois avaient déjà passablement mis à l'honneur dans les siècles précédents, ou bien à ces cartes esthétiques traitant des proverbes ou des expressions populaires, relatives au "panier percé", aux "poires", au "rasoir", aux cornes (de cocus), etc.
Les photomontages y règnent en maîtres, bien avant John Heartfield et les dadaïstes ou surréalistes, prophétisant avant la date les inondations de Paris en 1910 et créant par des rapprochements hétéroclites (la mer aux pieds de la Tour Eiffel) une poésie du détournement et de l'utopie urbaine qui précède d'un demi-siècle les embellissements surréalistes ou situationnistes de Paris (par exemple).
21:00 Publié dans Art immédiat, Art populaire insolite, Images cachées, images délirantes?, Paris populaire ou insolite, Photographie, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : photographie insolite, cartes postales fantaisie, hôtel de sully, la photographie timbrée, clément chéroux, poésie naturelle, andré breton | Imprimer
07/03/2008
Le géant Isoré
Je commence une nouvelle catégorie (c'est bon d'ouvrir toutes ces fenêtres, tant qu'on ne rétablit pas l'impôt dessus) sur le Paris populaire ou insolite. Difficile de trouver des environnements singuliers à Paris, les inspirés vivent au bord des routes et semble-t-il pas des rues. La pression sociale étant peut-être plus grande, ceci explique peut-être cela. Que diraient les voisins?
On habite les grandes villes où l'anonymat est souvent la règle, même si cela peut changer depuis quelque temps avec toutes ces fêtes de quartier et de voisinage où les habitants essayent de remettre de la convivialité au sein d'une froideur générale. Cela est parfois rendu possible par la persistance d'un caractère de "village" dans de nombreux quartiers de Paris (la Butte aux Cailles, Belleville, Ménilmontant, Montmartre...). Ce n'est pas pour autant qu'on rencontre beaucoup de sites bizarres en ces lieux. Ce qui existe se déploie de façon très marginale, soit naïvement (très rare), soit de façon à la limite du pathologique, comme une manifestation de grande dépression. Je donnerai quelques exemples dans les semaines qui viendront.
Me baladant récemment avec des amis dans le 14e arrondissement (j'allais photographier le Plancher de Jeannot devant Ste-Anne, qui en dépit de sa calamiteuse présentation, se trouve tout de même être devenu une création brute en plein air dans la rue parisienne, rue Cabanis exactement, voir ma note du 5 août 2007 ), ces derniers m'emmenèrent voir le géant Isoré qu'une artiste (nommée Corinne Béoust), avec l'appui d'un groupe enseignant et celui des conseils de quartier, a installé avec l'accord des autorités sur le mur d'une école maternelle donnant sur l'angle de la rue de la Tombe-Issoire et de la rue d'Alésia (cette installation a bien entendu engendré de nombreuses réactions de colère de la part d'esprits conventionnels se croyant les défenseurs du sacro-saint "bon goût").
Ce géant est inspiré d'une ancienne légende assez obscure relative au passé et à la géographie de ce coin de Paris. Le nom Isoré serait à l'origine du mot Issoire, ce dernier étant aussi associé parfois à la ville du même nom dans le Puy-de-Dôme. La légende parle d'une ancienne tombe, d'un menhir christianisé, de Sarrasins venus attaquer Paris, de géant gaulois. D'autres sources avancent qu'il s'agissait d'un fief où se trouvait la tombe d'un brigand appelé Issouard, bref, on peut se perdre allègrement dans les hypothèses et vaticiner tout à plaisir autour de ce colosse. L'essentiel étant qu'en l'occurrence une artiste ait pu installer cette statue aux proportions considérables en pleine rue, et dans une position qui la rend très surprenante. Et que cela ait fait jaser, notamment autour d'une légende locale enracinée dans l'histoire du quartier, cela peut participer d'une réappropriation collective du folklore oublié de ce coin de territoire parisien.
13:21 Publié dans Paris populaire ou insolite | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : isoré, rue de la tombe-issoire, paris insolite | Imprimer