31/01/2016
Noms prédestinants, une ribambelle... Avec Georges Courtois, et tant d'autres...
"On est passé devant le juge d'instruction Cavaud, qui nous a offert l'hospitalité à la maison d'arrêt de Nantes, en préventive. Il faut le faire, hein, s'appeler Cavaud, pour un juge. Dans ma carrière [de "malfaiteur professionnel", NDR], j'en ai connu des magistrats comme ça : Cadenas, Peureux... ou des flics qui s'appelaient Poulard... Moi, je suis toujours resté Courtois."
Georges Courtois, Aux marches du palais, mémoires d'un preneur d'otage, Le nouvel Attila, Paris, 2015
Photo Samuel Cousin, 2015
Après cette citation de Georges Courtois, spirituel malfaiteur, repartons à la cueillette aux noms prédestinants, aussi appelés aptonymes par de plus savants que nous.
Et par exemple, il n'y a pas de place ici que pour un Montpied, il y a aussi des Tripied, qui sont, comme de juste, bouchers, cas de déviation légèrement contre-aptonymique, car enfin ils auraient pu s'occuper plus directement d'entrailles.
Non loin d'eux, n'oublions pas le footballeur Jeremy Pied.
Mais pour rester dans la boucherie, reprenons cet ancien commentaire d'Isabelle Molitor, à propos cette fois d'un lieu possiblement prédestinant : "Il y a des faits divers qui ont lieu dans des lieux aux noms quasi prédestinants, de vrais calembours par anticipation. A cause sans doute de l'aspect épouvantable de ces actes, les journalistes tournent autour sans oser l'indiquer, malgré toute leur envie, semble-t-il.
C'était le cas cet automne avec la tuerie de Chevaline (dans les Alpes). Partout on lisait : "La Tuerie de Chevaline". C'était l'expression consacrée. Et personne n'a jamais osé parler de boucherie, alors que, bien sûr, chacun y pensait."
Le hasard ne s'encombre pas de morale. Si cela m'est permis (et pardonné), je pointerai ici par exemple, ce scabreux clin d'œil du destin, très peu élégant, qui accompagnait la tuerie du Carillon et du Petit Cambodge dans le Xe ardt parisien en novembre dernier. On n'a pas beaucoup souligné le voisinage de l'hôpital St-Louis à ce carrefour. Et en particulier, l'officine de transfusion sanguine qui se trouvait devant les deux établissements. Un panneau y invite depuis longtemps à donner son sang, ce qui, vu les événements de novembre 2015, a pris un sens des plus grinçants.
Devant le Petit Cambodge, au carrefour rue Bichat/rue Alibert, le panneau de la transfusion sanguine masqué (provisoirement) par des fanions commémoratifs, ph. Bruno Montpied, 2016
Les amateurs d'humour noir ne me pardonneraient pas de ne pas continuer sur cette pente. Toujours du point de vue des lieux inclinant à certains actes, citons ces mots de Régis Gayraud, notre correspondant clermontois ès-noms et lieux prédestinants, lui-même reprenant des termes empruntés à France-Info TV, concernant une affaire de pédophilie et d'attentat à la pudeur s'étant passée en avril 2015 : « Le suspect, un agriculteur de 48 ans vivant seul, séparé de son épouse, dans sa ferme, rue Tourne cul à Montzéville (Meuse) faisait l'objet d'une enquête en cours suite à une plainte déposée à Verdun pour agression sexuelle sur mineurs et qui concernait trois membres de sa famille dont deux de ses nièces ». (France TV Info).
Troublant pour le moins, non?
Le même Régis nous a également communiqué l'information suivante :
« Michel Fuhrer (je précise, c’est un Français), directeur technique du SESM, service pour l’entretien des sépultures militaires allemandes au sein du Souvenir Français, organisme chargé de l’entretien des tombes militaires de France. La Montagne, mercredi 12 février 2014 ». Encore plus saisissant, n'est-ce pas? Peut-être moins que la révélation très récente de Régis toujours, concernant un certain Marc Dufumier, agronome toujours en Limagne...
Article de La Montagne sur Marc Dufumier plaidant pour une agriculture revenant vers l'artisanal
Les cimetières fournissent souvent de l'eau à notre moulin, si l'on peut s'exprimer ainsi. Voir les trois occurrences photographiques ci-dessous:
Tombe de la famille Revenant, cimetière de La Guillotière, Lyon, photo Emmanuel Holterbach, transmise par Jean-Christophe Guédon, que je remercie par la même occasion; on peut dire que cette famille entière − fait terrible! − était prédestinée patronymiquement à l'empire de la mort, espérons que cela est arrivé le plus tard possible, comme pour tout un chacun
La rue qui passe le long du cimetière Montparnasse à Paris porte un nom en rapport avec les "refroidis" du voisinage, n'est-il pas? Ph. Bruno Montpied, 2009
Tombe d'une certaine Simone Bonnenfant à Coltines (Cantal), ph. Cosmo Hélectra ; à noter la faute d'orthographe : sous cette stèle, seule paraît vraiment reposer cette "bonne enfant", ses parents en étant exclus par la coquille
Des bonnes filles, pourtant, plusieurs parents concevraient davantage de se reposer sur elles, comme dans le cas de cette distribution des prix :
Document transmis par Emmanuel Boussuge
Restons dans ces occurrences plus fraîches, et revenons notamment du côté des sportifs, domaine inépuisable en terme de noms prédestinants. Il nous est arrivé de relever les noms d’un joueur de rugby, appelé Adrien Planté (dans l'équipe de Clermont-Ferrand) − qui peut ainsi planter plus facilement ses essais − et d’un joueur de basket appelé Mike Gélabale, qu'on imagine criant sans cesse son patronyme de façon burlesque pendant les matchs chaque fois qu'il file vers le panier...
On (pas noté le nom de la personne, donc qu'il se nomme s'il se reconnaît...) nous a également signalé un auteur de spectacles musicaux (conte et blues) en baie de Somme qui s’appelle Xavier Letocart. On espère pour lui que ce nom ne va pas porter ombrage à ses productions...
Que dire encore de ces agents immobiliers, comme celui-ci, à Joigny dans l'Yonne, qui s'appelle Bourreau (aptonyme ou contre-aptonyme ? Tout dépend de ce qu’il vend comme logements), ou celui-là, à Clermont, nommé Dubien, ce qui est la moindre des choses quand on vend des biens ? Ceci dit, méfions-nous des noms commerciaux bidouillés pour favoriser la fonction. Ce qui ne peut être soupçonné dans le cas de ce salon de coiffure, signalé encore par Régis Gayraud à Clermont-Ferrand (c'est aussi lui qui nous a mentionné le nommé Dubien), tenu par une certaine Mme de Quatrebarbes...
Régis est d'ailleurs très favorisé par la chance en ce moment, si l'on en juge par cette autre note qu'il a concoctée à propos de la ville d'Auch en octobre 2015. Est-ce que l'opticien Dupuy, nous demanda-t-il dans un premier courriel, vu dans cette ville, ne ferait pas non plus un bel aptonyme ? Derrière cette perfide question se profilait en réalité un aptonyme à tiroirs ‒ comme il y a des charades à tiroirs, telles que Luc Etienne les a fait connaître dans son livre éponyme (L'art des charades à tiroirs). Régis, donnant sa langue au chat, révéla le fin mot de sa plaisanterie: "Dupuy peut vendre des lentilles, parmi d’autres articles dans son magasin. Des lentilles… du Puy ?" Ah, ah, ah...
Enfin, finissons-en avec quelques autres cas. Un ami qui vit en Normandie me signale un M. Barrault, gardien de prison… et une Mme Sueur, prof de gym d’un de ses enfants. Comme on voit, tout cela est en rapport. De même pour ce dernier aptonyme que nous a communiqué Mathieu Morin récemment, le sieur "Picon Pierre", à qui l'on souhaite de ne pas abuser des apéritifs.
Un grill qui a grillé (à Cesson-Sévigné)... Inévitable, diront certains (après les noms et les lieux, les boutiques prédestinantes ?) ; ph. Darnish, 2014 ; en souhaitant que ce ne soit pas le propriétaire qui ait servi de viande à ses brochettes...
14:19 Publié dans Art immédiat, Danse macabre, art et coutumes funéraires, Noms ou lieux prédestinants | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : noms prédestinants, georges courtois, mémoires d'un preneur d'otages, le nouvel attila, prison, inscriptions drôlatiques, lieux prédestinants, régis gayraud, darnish, mathieu morin, tombes insolites | Imprimer
28/01/2016
Posters du Ghana peints à la main, une expo de quelques jours à Ménilmontant
Une affiche du Ghana exposée au Monte-en-l'air
Pressons-nous de réagir si on s'intéresse aux affiches peintes à exemplaires uniques africaines, une petite exposition d'une jolie sélection de plusieurs d'entre elles, réunie par Vincent Privat, est montrée depuis ce jeudi 27 janvier jusqu'à dimanche prochain à la librairie Le Monte-en-l'air rue des Panoyaux, à Ménilmontant. Ce n'est pas loin du tout des ateliers de l'ESAT de la même rue, où officie, entre autres créateurs handicapés, Philippe Lefresne.
Une autre affiche du Monte-en-l'air
Cela n'est pas la première fois que ce genre d'affiches est montré (il y eut dans le passé de nombreuses occasions d'en présenter déjà à Paris, rappelons-nous en effet les expos de la galerie Art factory quand elle se trouvait rue d'Orsel à Montmartre, et il me semble qu'il y a eu aussi, il n'y a pas si longtemps, une expo au Musée du quai Branly...), mais cela reste relativement peu fréquent (il se murmure en outre que ces posters commencent à se faire rares). L'ensemble ici présenté dans cette librairie n'a jamais été montré, car il vient d'une collection qui n'a fait l'objet d'aucune expo jusqu'à présent.
On sait que ces affiches furent produites dans les années 1980 dans le cadre des productions de films d'action ou d'horreur de série Z venus de ce que l'on appelle Nollywood. Chaque officine qui passait une vidéo d'un de ces films avait besoin d'une affiche à l'extérieur du lieu de projection pour faire enseigne. Des peintres amateurs, démarquant plus ou moins naïvement les affiches imprimées commerciales, ou créant de toutes pièces, se chargeaient alors de réaliser une affiche peinte sur un support d'occasion (on parle souvent de sacs à farine par exemple).
"Les Ténèbres du mal"... "Nous avons besoin de sang frais"... Sanglant à souhait...
19/01/2016
Le 6 février à Talence on causera d'Andrée Acézat
Rendez-vous à la librairie Georges, à Talence, le samedi 6 février prochain à 16h pour une rencontre avec le livre que j'ai écrit, Andrée Acézat, oublier le passé, publié récemment chez l'Insomniaque. Et avec moi... Car je serai présent pour un dialogue avec les lecteurs et les amateurs de cette créatrice atypique, peintre de genre issue des Beaux-Arts de Bordeaux, qui à plus de 70 ans, jeta ses recettes aux orties pour partir librement à la découverte d'un expressionnisme primitif par lequel elle caricaturait des types d'êtres humains, des personnages mythiques ou tout simplement des gens de rencontre dont la mise, la physionomie la divertissaient. Une cohorte de bonshommes aux grosses têtes le plus souvent grotesques, collées sans transition à des boules chargées de représenter leurs bustes, des petits bras minuscules comme des fils de fer poussant, malingres, de part et d'autre de ces boules, se mit à proliférer dans une série qu'elle ne montrait qu'avec parcimonie, en donnant quelquefois certains dessins à des proches, les confiant au final à un dépôt de brocante. Parmi ceux qui découvrirent cette étrange production, difficile à classer, entre art singulier et expressionnisme naïf, deux viendront m'épauler pour évoquer sa figure, Alain Garret et Jean Corrèze, tous deux également artistes. Michel Jolly, le responsable des expositions au Forum des Arts, et l'organisateur de cette rencontre sera également présent. Il était primordial que cette rencontre et cette présentation aient lieu à Talence, la ville où Acézat résida en compagnie de son mari, Lino Sartori, devenu à son contact créateur autodidacte de toute première force. Le Forum des Arts de Talence les a exposés tous les deux à plusieurs reprises. On peut espérer aussi que tous les amateurs de cette artiste - il en existe un nombre encore peu délimité, quoique certain -, généralement des collectionneurs de la période classique d'Acézat, possédant des paysages, des marines du bassin d'Arcachon, des natures mortes, voire des nus, sauront se manifester à l'occasion de cette présentation et confronter ce qu'ils savent de la part classique d'Acézat à sa part plus spontanée, proche du graffiti et de l'art enfantin. Rendez-vous donc à Talence, bientôt, pour tous les amis de cette attachante artiste...
Andrée Acézat, Céparla, env. 30 x 25 cm, coll. particulière, région bordelaise
Chez Lino Sartori, quelques mois avant sa disparition, certains de ses bois peints au milieu de petites peintures d'Acézat, ph. Bruno Montpied, 2011
23:41 Publié dans Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : andrée acézat, lino sartori, alain garret, jean corrèze, bruno montpied, michel jolly, forum des arts de talence, expressionisme naïf, art singulier, l'insomniaque, librairie georges | Imprimer
16/01/2016
Benjamin Péret, la riche actualité d'un révolutionnaire surréaliste qui s'intéressait à l'art populaire
Le coffret avec le film de Ricordeau sur Benjamin Péret, coll.Phares, prod. Seven Doc
Robert Benayoun, inversage sur un portrait de Benjamin Péret, paru dans l'Anthologie du Nonsense du même Benayoun
La Légende des minutes
Deux autres ouvrages sortent également bientôt, une réédition du Déshonneur des poètes – ce brûlot contre les ex-poètes surréalistes, devenus communistes staliniens et épris de nationalisme qu'étaient Aragon et Eluard pendant l'Occupation – accompagné d'une réédition de Les syndicats contre la révolution (écrit avec Grandizo Munis) aux éditions Acratie, et une édition d'un récit de Péret peu connu Dans la zone torride du Brésil, visite aux Indiens, sorte de journal de son voyage en forêt amazonienne en 1955. Là, c'est publié aux éditions du Chemin de Fer.
Une des photos de Benjamin Péret à paraître aux éditions du Sandre
Ce sera publié par les éditions du Sandre, sur lesquelles je reviendrai bientôt à propos d'autres prochaines parutions nous concernant encore plus directement sur ce blog.Benjamin Péret face à Gaston Chaissac en 1959, photo de Gilles Ehrmann ; il l'appela le "dandy rustique", appelation qui plut à Chaissac
de Rémy Ricordeau, éditions Sevendoc
00:55 Publié dans Photographie, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : benjamin péret, seven doc, collection phares, poète révolutionnaire, art populaire et surréalisme, remy ricordeau, gaston chaissac, art populaire du brésil, envois, dédicaces, merveilleux | Imprimer
15/01/2016
Invocation...
Ô, rage, Ô, désespoir, Ô, vieillesse ennemie...; XIe ardt, Paris, ph. Bruno Montpied, 2015
09:56 Publié dans Art immédiat, Enseignes fautives mais suggestives, Inscriptions mémorables ou drôlatiques, Tel quel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : connes, invocation, enseignes caviardées, inscriptions insolites, paris insolite | Imprimer
11/01/2016
Dictionnaire du Poignard Subtil
CONTRE :
"Against, again.
Etre contre,
c'est être encore."
Pierre Peuchmaurd, 2007 (cité dans Soapbox n°42, janvier 2016)
00:44 Publié dans DICTIONNAIRE DE CITATIONS DU POIGNARD SUBTIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dictionnaire du poignard subtil, pierre peuchmaurd, contre, encore, soapbox n°42, aphorismes | Imprimer
10/01/2016
Shadok pour Régis Gayraud
J'aime modérément les Shadoks, inventés par un certain Jacques Rouxel, pour des films d'animation diffusés à la Télévision au début des années 70 et repris dans les années 2000 (ça vous a une tonalité souvent potache, je trouve). Mais comme ils ont été récemment cités par Régis Gayraud dans un commentaire où il voyait un rapport avec certains dessins de Claude Haeffely (voir note précédente), je suis allé me renseigner. Et j'ai trouvé la devise Shadok ci-dessous qui, effectivement, tout en démarquant les "objets introuvables" de Jacques Carelman, apparus au même moment -1968- que les Shadoks (et, eux, d'une inspiration de bien meilleure venue), fait un peu songer au dessin haeffelyen (quoique ce dernier me paraisse lui être supérieur) :
12:21 Publié dans Cinéma et arts (notamment populaires) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : shadoks, régis gayraud, claude haeffely | Imprimer
07/01/2016
Le mystère de la chaussette en boule
Sculpture involontaire, photo Bruno Montpied, janvier 2016
23:35 Publié dans Art immédiat, Art involontaire, Photographie, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : art involontaire, poésie du hasard, bruno montpied, chaussettes, sculpture involontaire, art fortuit | Imprimer
Claude Haeffely, à découvrir sur le blog de Jean-Louis Bigou dans l'Aude
Claude Haeffely, né à Tourcoing en 1927, est un dessinateur et un poète qui apparemment a longtemps vécu au Québec, ayant travaillé là-bas dans l'édition et aussi à l'Office national du film du Québec (faisait-il du cinéma d'animation?). Jean-Louis Bigou lui a consacré une série de photos de ses dessins, qui sont appelés par Haeffely "poèmes en pointillés", et une notice sur son blog excellent, De l'art improbable aux jardins insolites dans l'Aude et les environs. Je renvoie bien entendu les lecteurs intéressés à sa note, où l'on trouve beaucoup d'autres photos des dessins de Claude Haeffely, légers, désinvoltes, tout en ayant surgi automatiquement semble-t-il dans le droit fil d'une certaine tradition surréaliste (l'auteur a fréquenté autrefois Roland Giguère, qui lui-même avait côtoyé le surréalisme à Paris dans les années 1950 ainsi que l'animateur de la revue Phases, Edouard Jaguer). J'aime beaucoup ces œuvrettes funambulesques, tracées sans pesanteur aucune.
05/01/2016
Eloge des pochards
Dans le métro, depuis les attentats récents (13 novembre), on ne regarde plus ses semblables, passagers inconnus de ces rames promises à des dangers de tous les instants, qu’avec des yeux vigilants, anticipant tout ce qui pourrait advenir de meurtrier. Des scénarii s’ébauchent, peignant de possibles attaques non prévues jusqu’alors : tous ces hommes ‒ mais pourquoi pas des femmes ? ‒, arborant des sangles abdominales prononcées, ne seraient-ils pas ceints d’explosifs ? Que faire si un sniper d’occasion dégommait le conducteur de la rame depuis le quai ? On voit d’ici le train s’emballer, dérailler, ou peut-être allant s’encastrer dans le convoi qui le précède… Et lorsqu’on est dans les ascenseurs de stations profondément enfouies sous la ville (comme à Montmartre ou du côté de la Place des Fêtes), cages emplies au bas mot d’une centaine de voyageurs aux heures de pointe ? Avec un tireur posté à chaque sortie mitraillant tout ce qui voudrait en sortir, ne serait-il pas aisé de causer la mort d’un seul coup à une belle brochette de victimes qui tomberaient entassées les unes sur les autres dans ces caques obscures (et le plus souvent puantes)? L’imagination, morbide, brode machinalement sur ces cas de figure, et cela n’arrange pas le moral.
Seuls, par ces temps où la méfiance règne en maîtresse tyrannique, les pochards rassurent. Ils n’inquiètent pas, pour autant qu’ils aient jamais fait peur à quiconque. Aujourd’hui plus que jamais, les ivrognes sont en effet peu soupçonnables d’appartenir à quelque gent puritaine analogue à la clique dite « jihadiste ». Bienheureux saoulards qui deviennent à la lumière de tels événements de braves bougres sur qui on peut compter, tranquillisantes incarnations de la bénignité !
(Décembre 2015)
René Rigal, un fêtard..., bois sculpté et teint, env. 56 cm de hauteur, sans date (années 1990?), coll. privée, Paris
09:01 Publié dans Art immédiat, Art populaire contemporain, Papillons de l'immédiat | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : attentats, pochards, imagination morbide, scénario, anticipation, métro, sécurité, rené rigal, art populaire contemporain | Imprimer
03/01/2016
"Voyages en Patatonie", le livre sur le visionnaire de la pomme de terre, Serge Paillard, est paru
L'association CNS53 (Création Naïve et Singulière en Mayenne), dont j'ai déjà eu l'occasion de parler à propos des expositions qu'elle a initiées en Biélorussie et en Estonie naguère, publie son premier "Cahier", intitulé Serge Paillard, Voyages en Patatonie, Les pommes de terre, Dessins à l'encre 2002-2015, véritable monographie entièrement consacrée à cette période graphique particulière propre à l'artiste lavallois Serge Paillard qui, depuis quelques années, s'est fait le chantre visionnaire de pommes de terre qu'il scrute en creusant sans cesse. leurs interprétations.
Couverture de l'ouvrage consacré aux dessins de Serge Paillard
Parmi plusieurs intervenants où l'on retrouve Michel Leroux et Patrice Repusseau, on lira une présentation de l'œuvre de Paillard par votre serviteur, intitulé "Le voyage vers les racines" ainsi qu'une autre, faisant office d'introduction, de son ami de toujours, Lavallois comme lui, Jean-Louis Cerisier, par ailleurs peintre naïvo-singulier, comme on commence à le savoir sur ce blog. Michel Leroux rappelle dans son texte qu'on peut évidemment apparenter l'univers imaginaire qu'a bâti peu à peu Serge Paillard – découlant de ses visions d'après pommes de terre –, sa planète de Patatonie (qui cependant n'est pas évoquée outre mesure dans ce livre, avant tout centré sur les dessins), à d'autres univers tout aussi imaginaires inventés par des Marc Pessin (la civilisation pessinoise) ou des Jephan de Villiers (sa forêt d'Arbonie). On pourrait également se référer à Henri Michaux et à sa grande Garabagne, et puis citer encore d'autres exemples, choisis dans la littérature, comme plusieurs de ces contrées inventées qui furent autrefois recensées dans le Dictionnaire des lieux imaginaires d'Alberto Manguel et Gianni Guadalupi (réédition Actes Sud, 1998 ; la première édition, parue en 1981 aux éditions du Fanal, s'intitulait Guide de nulle part et d'ailleurs). Serge Paillard met de l'humour, bien entendu, dans l'évocation pince-sans-rire de cette antique civilisation patatonienne, à l'exploration archéologique de laquelle partent diverses missions chargées de ramener à notre artistes des vestiges variés, qu'il a commencé de divulguer en les exposant ici ou là.
Pomme de terre s'envisageant en quatre tempéraments, 2012
Mais cette planète et cette civilisation lui ont été révélées après sa longue fréquentation des pommes de terre qu'il couchait sur des socles, tels des modèles nus. Leurs rotondités, leur surface grenue, leurs taches, tout l'inspire et génère, dans le report de ses visions à l'encre sur papier, des îles, des paysages, des apparitions, divers personnages, des fragments de cosmos restreints, parfois des cellules... Le livre joliment imprimé (à Laval) nous présente ces dessins confortablement exposés, nous laissant tout loisir de les détailler. C'était le désir de leur auteur, les offrir ainsi facilement en pâture à notre curiosité, pour que sous notre nez ils dévoilent leurs charmes parfois hallucinatoires. Pari réussi. 600 exemplaires du livre ont été pressés pour multiplier et partager ces visions (les dessins exécutés par Serge Paillard s'élevaient au moment où fut imprimé le livre, en 2015, au nombre de 340 ; une petite centaine ont été sélectionnés pour cet ouvrage).
Pomme de Terre en Ampoule qui éclairera puis illuminera la Nuit, 2012
Comment se procurer le livre (29,7 x 22 cm, 96 pages, 4 illustrations couleur et 90 en noir et blanc, 25€ + 5€ de frais de port)? Tout simplement, en consultant le fichier PDF que je mets ici en lien. Il contient un bon de commande à imprimer. Depuis début février 2016, on peut également consulter et acheter l'ouvrage à la librairie de la Halle St-Pierre.
18:36 Publié dans Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : serge paillard, bruno montpied, jean-louis cerisier, création naïve et singulière, csn53, mayenne à l'oeuvre, patatonie, pommes de terre, art visionnaire, lieux imaginaires, alberto manguel | Imprimer
01/01/2016
Un jeu de nouvelle année: qu'ont fait ces gus?
Pour ce début 2016, faisons un nouveau jeu. J'ai photographié quelque part en Europe l'année dernière les photos de quatre personnages dont on avait éprouvé le besoin de faire figurer dans un lieu public les têtes. D'après vous, qu'est-ce qui justifiait cette exposition? Qu'avaient-ils fait pour se rendre célèbres?
Ph. Bruno Montpied, 2015
(A gagner un livre surprise)
22:23 Publié dans Jeux, Photographie | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : jeux, photographie de gens connus, énigme, notoriété | Imprimer
En 2016, plus de chapelles... sixteen
Bruno Montpied, La découverte, 29,7 x 21 cm, dernier dessin de 2015, pour songer à ce qui va advenir en 2016...
Et en prime, un petit cadavre exquis rédigé cette nuit vers 3h du matin par moi et un certain Laurent Mahuas, chacun écrivant un vers sans le montrer au suivant :
L’ourlet déchiqueté de sa jupe,
Je n’en ai rien à foutre.
Là, au fond de la trompe de l’éléphant,
Une petite chapelle inconnue
Baisse les yeux
Avec le temps.
00:05 Publié dans Voeux de bonne année | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : voeux de nouvel an, 2016, bruno montpied, découverte, anticipation, cadavre exquis, chapelles | Imprimer