28/02/2015
Méfiez-vous des slips moulants, super-héros...
Voici ce que m'envoie l'ami Alain Dettinger depuis Lyon, grâce à une photo malheureusement un peu floue. Mais l'on peut deviner ce qu'il a vu, un curieux télescopage (si je puis m'exprimer ainsi) entre l'avertissement publicitaire sur les slips moulants et la vitrine abritant l'annonce qui (du coup?) a explosé. Si vous portez ce genre d'accessoire, il faut s'attendre à tout, et par exemple à briser la glace plus vite que vous ne l'auriez voulu.
Ph Alain Dettinger, Lyon, 2015
15:47 Publié dans Inscriptions mémorables ou drôlatiques | Lien permanent | Commentaires (4) | Imprimer
27/02/2015
Corbeau roux
Apparu tout à coup dans la déchirure d'un papier peint dans un atelier d'arts plastiques, sans qu'il y ait eu volonté de créer une figure apparemment (et après vérification auprès d'une animatrice de l'atelier), voici un drôle d'oiseau au long bec qui me regardait dans le couloir où j'étais tombé nez à nez avec lui. Personne n'y faisait attention. Il fallut le photographier et ainsi le recadrer pour que les autres personnes présentes ce jour-là admettent de le voir..
Dans le Xe arrondissement, Paris, photo Bruno Montpied, février 2015
00:18 Publié dans Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : figurations dues au hasard, poésie naturelle, déchirure, pareidolies, corbeau | Imprimer
26/02/2015
Tous égoïstes et bientôt...
Graffito relevé rue Bochart de Saron, IXe ardt, Paris, avril 2012, ph. Bruno Montpied
15:21 Publié dans Graffiti, Tel quel | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
24/02/2015
Stimulantes parenthèses au Musée National d'Art Moderne
La balade que je relaterai ici commence à dater un peu. Elle fut faite en mars 2014 dans les collections permanentes du Musée National d'Art Moderne suite à une indication que m'avait donnée une membre du CrAB (Collectif de recherche autour de l'Art Brut). On sait que la collection permanente de ce musée, malheureusement toujours prisonnière de l'affreuse raffinerie beaubourgeoise et pompidolienne de la rue Rambuteau à Paris (que ne l'exile-t-on pas, celle-ci et sans le MNAM, à Marseille pour qu'on nous rapatrie en échange les collections du MUCEM?) est de temps à autre remodelée, ré-accrochée, bouleversée, etc. C'était le cas au début de l'année dernière. Je ne sais si elle a encore changé depuis, ne passant guère mon temps dans ces parages. En mars 14, il y avait du nouveau. Si le groupe CoBrA paraissait glorieusement absent des cimaises, ou du moins passablement sous-représenté, quelques insolites œuvres avaient été tout à coup sorties des réserves, en majorité liées au fonds d'œuvres naïves que recèle le MNAM, grâce semble-t-il aux acquisitions de l'ancien directeur du musée Jean Cassou.
Tableau de Colette Beleys (1911-1998), La Maison Potagère (1950), intégré aux collections du MNAM du temps de Jean Cassou ; Colette Beleys était une artiste qui se disait "peintre instinctive", non pas participant d'une "naïveté" mais se revendiquant plutôt d'une "innocence poétique" ; ses compositions fort élaborées, pour moi essentiellement des années 1930 à 1950, sont d'une poésie délicate (merci à Jean-Louis Cerisier qui attira autrefois mon attention sur elle) qui me font songer à certains autres figuratifs cousins par le style et l'esprit de sa manière, comme Elie Lascaux par exemple ; une exposition consacrée à elle tourna en 95-96 entre diverses villes, comme Montauban, Aix-en-Provence, Besançon, etc. et un catalogue fut publié à cette occasion
Il s'agissait, semble-t-il, dans les espaces que les conservateurs leur avaient consentis (des couloirs aux murs vitrés comme autant d'espaces interstitiels entre les différentes salles, parenthèses, intervalles où on logeait ainsi des marginaux, des œuvres posant question?), il s'agissait de proposer des rapprochements entre figuratifs savants et figuratifs autodidactes dits ailleurs naïfs qu'un même sens de la stylisation "primitiviste", ou un refus du réalisme – attitudes que l'on pourrait résumer en un seul mot, "réalisme intellectuel" – unissaient. Du reste avant que le visiteur ne tombe sur ces couloirs-intervalles, une première salle du parcours des collections, consacrée à une évocation de l'exposition expressionniste du Blaue Reiter (de 1911-1912), proposait déjà, éparses parmi des œuvres des artistes contemporains de l'époque réunis autour de Kandinsky, quelques pièces liées à l'art populaire de l'époque et revendiquées par le groupe avant-gardiste du Blaue Reiter. Histoire de murmurer à l'œil et l'oreille des visiteurs que ces confrontations art populaire/art moderne ne dataient pas d'aujourd'hui (et avaient peut-être aussi une autre allure que les confusions actuelles entre art contemporain et art brut).
Un des murs de la salle consacrée au Blaue Reiter, MNAM Centre Georges Pompidou, mars 2014
Une sirène, art populaire (entre 1850 et 1890), legs Nina Kandinsky, MNAM Centre Georges Pompidou
André Bauchant, Louis XI faisant planter des mûriers près de Tours, 1943, don de l'artiste (1950), MNAM Centre Georges Pompidou
Des œuvres d'artistes consacrés depuis longtemps comme Naïfs, tels Aristide Caillaud, André Bauchant, Séraphine ou Germain Van Der Steen, se rencontraient au hasard des couloirs, non loin de pièces de Henri Gaudier-Brzeska, d'André Derain ou encore, exposée plus loin dans une salle, d'une œuvre de Feininger, digne d'être mêlée à du brut des plus contemporains.
Henri Gaudier-Brzeska (1891-1915), Samson et Dalila (1913), don Ezra Pound, MNAM Centre Georges Pompidou (là, cependant, il paraît difficile de rapprocher cette œuvre de celles de l'art naïf ou de l'art brut ; plutôt de l'art ethnique éventuellement, par exemple l'art inuit...)
Œuvre de l'expressionniste Feininger, d'une modernité étonnante, préfigurant l'essor du primitivisme contemporain d'un bon siècle et se référant visiblement, et respectueusement, à l'art des enfants, MNAM Centre Georges Pompidou
On trouvait aussi dans un recoin une peinture de la jeune Algérienne Baya qu'André Breton aida à se faire révéler, ainsi qu'une scène de bataille avec des cavaliers, fort naïve et attachante, d'une certaine Janice Biala (1903-2000), une encre sur toile de Géra, primitiviste éthiopien, dont l'œuvre fort colorée était prêtée par le Musée du Quai Branly (on est là en présence d'art africain singulier dérivé de l'art traditionnel éthiopien notamment à base iconographique chrétienne ; l'œuvre se voulant thérapeutique, soignant l'âme et le corps à la manière d'un talisman).
Janice Biala, scène de bataille équestre, 1934-1936, MNAM Centre Georges Pompidou
Géra, encre sur toile, provenance Musée du quai Branly, MNAM Centre Georges Pompidou
Plus loin, on trouvait diverses autres allusions à la créativité populaire ou singulière, hors champ de l'art "mainstream", comme cette photo de Gisèle Freund (voir ci-contre, photo de 1951) s'attardant sur le mur d'ex-voto fauchés par Diego Rivera dans les églises de son Mexique chéri (comme quoi André Breton, qui faisait la même chose, au grand dam de Trotsky paraît-il, si l'on suit l'auteur d'une récente biographie de Jacqueline Lamba, avait des exemples autour de lui au cours de son voyage des années 30 au Mexique). Ou bien encore les statues africaines d'Aniedi Okon Akpan telles qu'elles aussi avaient été empruntées au Musée du quai Branly, dans une salle qui évoquait les anciennes expos du Centre Beaubourg, Les Magiciens de la Terre ou Africa Remix.
Statues d'Aniedi Okon Akpan, MNAM Centre Georges Pompidou (cet Akpan est connu aussi pour de célèbres statues funéraires, à la fois réalistes et naïves, qu'il installait au Nigeria sur les tombes des personnes représentées)
Mais ce qui me scotcha véritablement fut la découverte, toujours dans un de ces couloirs interstitiels si pleins de surprises, de deux œuvres de grand format d'un "anonyme", dont les œuvres étaient entrées selon les cartels du musée en 1953 par don dans la collection permanente. Avait-on jamais vu ces œuvres-là au MNAM, très colorées, plus que naïves, presque brutes pour le coup étant donné leurs audaces s'émancipant grandement des références à la réalité visuelle, et faites à coup de collages et de juxtapositions, surlignés à la gouache? Je parie bien que non. Les cartels, concernant de telles œuvres de format et retentissement si importants, auraient pu nous donner des pistes plus conséquentes, mais on n'avait pas cru bon de le faire... Le visiteur n'avait qu'à se dépatouiller avec ces deux surprenantes compositions qu'on avait daigné leur sortir des réserves, faut pas exagérer non plus...
Anonyme, Le cheval de Troie, (1930-1945), gouache sur papiers découpés et collés, MNAM Centre Georges Pompidou ; on excusera le flou du cliché pris avec un portable pas terrible et placé qui plus est entre des mains tremblant de surprise...
Anonyme (le même que ci-dessus à l'évidence), Le Roi et la Reine, (1930-1945), gouache sur papiers découpés et posés sur une toile collée sur contreplaqué, don à l'état 1953, MNAM Centre Georges Pompidou ; à bien les contempler, on peut se demander s'il ne s'agit pas là de grands travaux d'un enfant ou plutôt d'un adolescent ; il reste que ces deux compositions énigmatiques sont fort étranges et que l'on aimerait en savoir plus...
Note Subsidiaire: Eh bien, voici qu'un commentateur me donne des précisions disant avoir vu un cartel précisant qu'il s'agit de dessins d'enfants. Je n'ai personnellement pas vu les mêmes cartels que lui, peut-être ont-ils été modifiés depuis ma visite qui date de l'année dernière. Mais je veux bien le croire même si cette précision n'apparaît pas sur la fiche de la RMN qu'il nous met en lien (ce serait signé Escolier, et cela signifierait écolier donc?). De toute façon, ces travaux paraissent bien des dessins d'enfant, mais qui les a assemblés, si ce n'est un adulte, un éducateur sans doute....? En cherchant mieux sur la base du MNAM on trouve enfin la référence complète: "Elèves de la Ville de Paris, sous la direction du peintre M. Jean Lombard et de Mme Vige Langevin". Donc il y a bien eu médiation d'enseignants, et la relation des uns avec les autres a donné au moins deux bien belles œuvres. Ce qui me confirme personnellement dans la qualité qui peut se rencontrer dans un travail accompli en commun entre enfant(s) et adulte(s), genre d'action artistique aujourd'hui pas très en vogue, et même plutôt combattu dans les ateliers pour enfants, voire dans les écoles, au nom de l'autonomisation de l'enfant.
On me dira que les écoles en ont beaucoup de ces travaux. Sans doute, je le sais bien, moi qui vois disparaître régulièrement des tombereaux de chefs-d'œuvre dans les poubelles des écoles. D'aussi fouillés, d'aussi bien composés (la guerre de Troie avec le cheval, les Troyens derrière leurs murailles, les Grecs sur le point d'envahir la cité), par contre, je pense que c'est plus rare. Peut-être travaillait-on avec plus d'application dans les années 40. Cela doit nous faire regretter qu'on n'ait pas eu plus envie jusqu'à présent de créer des musées d'art enfantin. Et qu'on ait commis tant de vandalisme aux dépens des œuvres des moutards. Le MNAM a tout de même recueilli ces deux chefs-d'œuvre, constituant par là même l'ébauche d'une section d'art enfantin dans ses réserves. Y en a-t-il d'autres?
12:01 Publié dans Art Brut, Art de l'enfance, Art immédiat, Art moderne méconnu, Art naïf, Confrontations, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : mnam centre georges pompidou, art brut, art naïf, blaue reiter, feininger, kandinsky, art populaire, diego rivera, ex-voto, gera, akpan, anonymes de l'art, colette beleys, janice biala, baya, andré breton | Imprimer
18/02/2015
Vue sur les Alpes sans bouger de Paris
Les Alpes de ma fenêtre à Montmartre, ph. Bruno Montpied, janvier 2013
00:36 Publié dans Photographie, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies, Tel quel | Lien permanent | Commentaires (25) | Tags : poésue naturelle, délire d'interprétation, paysages dans des taches, au delà du réel, visions, hallucinations | Imprimer
15/02/2015
Trois récentes publications de l'auteur de ce blog (pour mon fan-club, si j'en ai un)
J'ai omis, pour mon auto-promotion – et désolé si ça fait grincer quelques dentitions peu amènes à mon encontre – de signaler trois de mes récentes publications. Pour mon fan-club, si du moins mon imagination narcissique a raison de me le suggérer, cela peut avoir son importance. Et puis ce blog sert aussi à ça.
Solange Knopf, Astral Odyssey (n°2), technique mixte sur papier, 72,8 x 55 cm, 2014 ; exposé à l'Inlassable Galerie (voir ci-dessous)
En un, je signale donc la publication dans le dernier numéro de Création Franche, le quarante-et-unième de la série (décembre 2014), d'un entretien de mézigue avec l'artiste belge Solange Knopf dont je vous ai déjà causé il y a peu ici et là. La revue nous a fort bien servis, nous consacrant plusieurs pages. Solange Knopf se dévoile un peu dans cet entretien exécuté par correspondance. "Un peu" parce que c'est là l'interview paradoxale d'une taiseuse.
Elle est par ailleurs actuellement exposée à Paris dans l'Inlassable Galerie rue de Nevers dans le VIe ardt (expo collective "L'autre intérieur", en compagnie de Guylaine Bourbon, Josette Exandier, Marcella Barceló, et l'abbé Coutant (l'erreur de casting de cette manifestation, parce que ce n'est pas parce qu'il fut en relation avec Chaissac qu'il fut automatiquement aussi inspiré que lui...), qui se déroule du 7 février au 16 mars ; 13 rue de Nevers, tél: 06 71 88 21 14 et 06 20 99 41 17).
En deux, je dois également signaler le n°33 de la revue Cultures et Sociétés (janvier 2015), édité chez Téraèdre/L'Harmattan où, sur la demande de Patrick Macquaire, pour un dossier qu'il y a constitué, "L'homme ou le travail à toutes fins utiles?", j'ai glissé un article intitulé "La retraite aux flambeaux", sous-titré "Les environnements populaires spontanés". J'y parle bien évidemment du moment souvent partagé par plusieurs créateurs d'environnements lorsque la prise de la retraite peut devenir traumatisante.
On se retrouve brutalement désocialisé, devenu inutile, comme plus bon à rien pour les autres. Et c'est parfois ce moment-là que certains anciens travailleurs choisissent pour se révéler créatifs, prenant le contrepied de leur mise au néant. Comme Picassiette qui avait œuvré pour sa part en opposition avec le cimetière de Chartres où il s'était trouvé employé. On m'a mis parmi les morts, vous allez voir ce que je peux faire pourtant... La retraite, autre petite mort, est ainsi grosse d'une possible renaissance. La société accorde aux travailleurs enfin l'occasion de vaquer à leurs occupations personnelles, au moment où leurs forces commencent à faiblir, c'est alors le moment de montrer ce que l'on est encore capable d'accomplir d'épanouissant et de créatif! C'est ce que ne manquent pas de faire nos créateurs d'environnements bruts ou naïfs. A noter que dans ce texte, j'annonce le projet en cours de la publication de mon inventaire des sites français d'art brut en plein air (le tapuscrit a été rendu, les options de financement sont à l'étude (comme on dit), et l'on a bon espoir...).
Pour acquérir le numéro (16 euros), écrire à L'Harmattan, 16 rue des écoles, 75005 Paris.
En trois, il s'agit d'une toute autre publication, cette fois nettement plus littéraire (quoique), un texte de souvenir relatif au XIe arrondissement qui fut longtemps un de mes arrondissements préférés dans Paris, tant qu'il resta populaire, lié aux artisans en tous genres.
Il me semble que cet aspect commença de changer vers 1986, à peu près au moment où l'on détruisit l'ancienne gare de la Bastille pour y mettre à la place la gigantesque molaire de l'Opéra. C'est à cette date que je déménageai du XIe pour aller dans le XVIIe puis très peu de temps après dans le XVIIIe. "Souvenirs de la Onzième Case", texte illustré de photos noir et blanc de José Guirao, avec qui j'écumai à un moment les rues entre la Roquette et Charonne pour garder traces de quelques paysages urbains appelés à disparaître (il vendit ensuite certaines photos à la Bibliothèque Historique de Paris), "Souvenirs de la Onzième Case" donc a été publié dans le n°6 de la revue de Anne Guglielmetti et Vincent Gille, justement nommée Mirabilia, numéro placé cette fois sous le thème du Temps, précisément...
Pour prendre davantage connaissance de la revue et de ses anciens numéros, pour consulter le sommaire de ce n°6, pour l'acquérir, il suffit de se reporter au site de la revue, ici même ou encore là. On la trouve également dans plusieurs librairies à Paris, notamment dans l'excellente librairie de la Halle Saint-Pierre, rue Ronsard, au pied de la Butte Montmartre (XVIIIe ardt).
Photo José Guirao, vers 1986, (il me semble qu'elle fut prise dans le Passage de la Main d'Or), publiée dans Mirabilia 6
Une autre de José Guirao (vers 1986), non retenue dans l'édition de Mirabilia, "faute de place", parce qu'il faut bien qu'on en enlève une, et ce fut celle-ci, etc... ; moi, j'y vois un autocar en ruine
00:09 Publié dans Art singulier, Environnements populaires spontanés, Littérature, Paris populaire ou insolite, Photographie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : revue création franche n°41, solange knopf, bruno montpied, cultures et sociétés n°33, patrick macquaire, environnements spontanés et retraite, mirabilia, josé guirao, paris populaire, photographie | Imprimer
14/02/2015
Une jeune pousse parmi nos amies
Léo Première SS15 from leo paris on Vimeo.
Au passage, rien à voir avec les centres d'intérêt principaux de ce blog, mais un simple clin d'œil à quelques happy few qui auront reconnu une ancienne tartinée de ce blog (je n'ai pas le droit d'en dire plus, de même que ceux qui auront deviné).
22:00 Publié dans Musiques d'outre-normes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : happy few, juliette cerisier, musique électronique | Imprimer
08/02/2015
Un dessin séditieux bonapartiste... Vraiment? Paranoïa-critique ou image réellement double?
Un correspondant, collectionneur à ses heures, M. Jean-Christophe Millet (oui, le même nom que celui du peintre de l'Angélus, de Millet comme on dit usuellement... Tableau sur lequel on sait que Dali a constitué tout un dossier d'interprétations exemplaires de sa méthode dite paranoïa-critique), ce correspondant donc m'a récemment fait parvenir un dessin qu'il qualifie de "dessin séditieux" dans le genre de ces images à double entente qui servirent à une époque au XIXe siècle de propagande bonapartiste. Comme celle ci-dessous, qui figure dans un ouvrage L'Œil s'amuse paru aux éditions Autrement en 1999 et que j'ai déjà utilisée pour illustrer une note sur ce blog à propos de la merveilleuse exposition du Grand Palais en 2009, "Une image peut en cacher une autre".
Gravure populaire anglaise, vers 1830, extraite de l'ouvrage L'oeil s'amuse, éd. Autrement, 1999 ; on notera que la silhouette de Napoléon entre les deux arbres est parfaitement nette
Présentons le fameux dessin retrouvé par notre collectionneur à la suite, auquel j'ajoute en guise de légende (au double sens du mot) la description interprétative que m'en dressa mon honorable épistolier électronique (les reproductions avec les détails agrandis sont légendés par moi).
Coll. J-C. Millet
"…j'avais immédiatement repéré l'arbre aux branches minutieusement réalisées qui devaient cacher bien des choses et surtout le profil napoléonien à gauche du tronc avec le bicorne... mais également le chien apeuré au milieu du cimetière, symbole de dévouement et de fidélité.
Dans ce détail agrandi, on pourrait apercevoir, quelque peu fantomatique, aux limites du mirage, la silhouette, seulement esquissée, contre le tronc à gauche, sous une branche, d'un Napoléon...
J'ai curieusement, c'était trop gros pour le voir, mis un peu de temps, en repérant l'ombre du chien qui n'avait rien de canin, à voir le célèbre bicorne !
Le masque mortuaire de Napoléon (dit masque de François Antommarchi), tête-bêche dans la partie droite de l'arbre, popularisé à partir de 1833 avec l'ouverture d'une souscription par Antommarchi pour la vente de moulages, devait suivre.
Voici le masque mortuaire qu'évoque J-C. Millet et qu'il a lui-même placé en vis à vis du profil qu'il croit voir dans les zigzags des branchettes de l'arbre nu
Il y avait donc sans doute à trouver L'Aiglon et Marie-Louise comme dans les célèbres gravures.
A la cime de l'arbre à gauche, se trouve à mon avis, le long du liseré une tête belliqueuse de Napoléon, l'air mauvais en vis à vis du portrait du vainqueur de Waterloo, le Duc de Wellington avec le large col de son uniforme (que l'on trouve sur tous ses portraits), son nez fin et pointu et ses rouflaquettes.
Napoléon et Wellington?
Un buste de personnage, tourné à gauche, semble également se trouver dans la partie droite de l'arbre.
Sur le côté gauche du tronc, une fleur (j'ai un temps pensé à la violette, symbole napoléonien)... Il s'agit en fait d'une Légion d'Honneur, ordre créé par Napoléon.
La tour isolée, tombant un peu comme un cheveu sur la soupe dans la composition, a donné beaucoup de fil à retordre. Toutes ses fenêtres (des yeux ?), ces éléments accolés inutiles (le toit triangulaire sur le côté gauche en particulier), le double crénelage, un minuscule toit au centre de la tour perché sur une longue arête verticale, deux petites boules inutiles au niveau du créneau du premier étage de la tour... Il y avait probablement une tête, mais où ? Il suffisait de retourner le dessin pour découvrir une tête de soldat avec un long nez, le petit toit triangulaire formant les narines, les yeux de part et d'autre, les boules... les oreilles, la fenêtre verticale entre les étages pour la bouche, un niveau de barbe matérialisé par la séparation-créneau de l'étage, les trois toits formant un couvre-chef à la « hussard » pendant sur le côté droit.
La tour retournée... Cherchez non pas Hortense (comme Rimbaud) mais le soldat...?
L'église... vaste problème indiquant minuit quarante-cinq (a priori pas de symbole), coiffée d'un curieux clocher allongé dont le côté droit présente au niveau du premier étage une légère inflexion puis au niveau du second étage un mur concave bien entendu volontaire. Je n'ai toujours pas réussi à identifier la forme cachée pourtant visible (espace blanc vertical coincé entre le clocher et le bord du dessin). Le symbole est également peut-être caché dans le clocher.
Idem pour le ciel orageux et ses nuages multiples qui doivent a priori cacher bien des choses ?
Sans doute également d'autres choses dans les branches de l'arbre ?
Je n'ai toujours pas réussi à identifier les trois éléments, en bas à gauche du cimetière, au niveau du mur en arc de cercle (bâton vertical avec un "œil", étoile noire à 4 branches, une urne couchée avec son pied orienté à gauche... peut-être une simple pierre mal dessinée ?
Ce détail à gauche donne l'impression que le dessinateur a voulu représenter une tête de profil grotesque, son œil étant au bout de l'espèce de tige poussant sur le bord de pierre, sa bouche entrouverte étant figurée par cette étrange forme en queue de poisson... Mais tout cela se veut-il allégorique, ou n'est-ce que fantaisie d'un dessinateur visionnaire amateur?
Un dernier point mais cela n'engage que moi... Prenez de la distance et vous apercevrez le visage de l'Empereur :
- le mur en arc de cercle (celui de l'étoile et du bâton) formant l'arrondi du visage
- le tronc de l'arbre formant le nez
- les toits des maisons du village formant les yeux
- le mur maçonné du cimetière le bord droit du bicorne
- le ciel autour de la cime de l'arbre le bicorne
Cela n'engage que moi mais c'est pourtant troublant !... " (J-C. Millet)
Toutes ces interprétations de notre collectionneur sont passionnées, on le voit. Et cela finit par entraîner notre propre désir de voir à sa suite des images cachées dans l'image. Pourtant, en ce qui me concerne, je reste dubitatif. Si ce dessin est effectivement curieux, maladroit du point de vue des perspectives, de l'ombre du chien bizarre, etc., est-il véritablement un dessin de type "séditieux" du genre de celui que j'ai reproduit en tête de cette note, où la silhouette napoléonienne est nettement représentée? Il est tout de même permis de s'interroger et notamment de se demander si on n'aurait pas affaire à un dessin d'amateur naïf que son inconscient (peut-être à orientation bonapartiste prononcée) tarabusterait passablement... Aux lecteurs de cette note de nous en dire plus s'ils ont davantage de lumière que nous sur la question..
07/02/2015
Dictionnaire du Poignard Subtil
ARTISTOCRATIE:
« L’artistocrate est plus qu’un anarchiste : c’est l’anarchiste, dont la vie est un foyer d’art, un centre de beauté, une création incessante, un épanouissement perpétuel. Il se développe, et il développe les autres par l’exemple qu’il leur donne d’une vie supérieure. »
G. Lacaze-Duthiers, cité par Hem Day dans un numéro de la revue Spiritualité, repris dans la revue (spiritualiste) 3e Millénaire.
N-B: Ne dirait-on pas ici, dans cette vision de "l'artistocrate", comme une préfiguration du situationniste, ou du créateur d'art brut vivant l'art au cœur de sa vie quotidienne? Si le terme, artistocrate, paraît d'un choix peu judicieux, car il implique un aspect quelque peu élitiste, bien que je crois son auteur, Lacaze-Duthiers, s'en défendît absolument, la revendication d'une pratique de l'art incessante fondue avec la vie sonne en effet précurseur (Le sciapode).
Voici une notice sur lui extraite d'un site internet qui ne paraît plus exister, mais qui est cité sur le site de cette revue 3e Millénaire: "Gérard de Lacaze-Duthiers (1876-1958) homme de lettres, grand-prix de l’Académie française. Militant anarchiste individualiste, ami des arts et intellectuel pacifiste. Il est né le 26 janvier 1876, à Bordeaux. Professeur de lettres, il collabore dès 1911 à « L’Idée libre » publiée par André Lorulot, puis aux nombreuses publications de la presse libertaire. Il adhère à l’Union Anarchiste puis devient membre du groupe « l’Action d’Art » animé par André Colomer. En 1931, faisant de la devise « Fais de ta vie une œuvre d’art », il crée la « Bibliothèque de l’Artistocratie », qui publiera de nombreux ouvrages d’art et de littérature. En 1933, il est président de l’Union des Intellectuels pacifistes, et l’année suivante co-directeur de la Ligue Internationale des combattants pour la paix. En 1947, il devient un des responsables du Parti Pacifiste Internationaliste puis, en 1954, Président du Syndicat des journalistes et écrivains. Outre sa participation à la presse libertaire et à « l’Encyclopédie Anarchiste » de Sébastien Faure, il est l’auteur de plus de 40 livres et brochures, traitant d’art de littérature et de pacifisme : « Le culte de l’idéal », « Psychologie de la guerre », « Sous le sceptre d’Anastasie », « Pensées pacifistes », etc."
00:38 Publié dans DICTIONNAIRE DE CITATIONS DU POIGNARD SUBTIL, Questionnements | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : artistocratie, lacaze-duthiers, hem day, anarchisme, art et anarchie, art et vie quotidienne, situationniste, art brut | Imprimer
03/02/2015
Marcel Vinsard de Pontcharra, le site aux mille "modèles"
Site de Marcel Vinsard, épris de gigantisme à la Giacometti, et boulimique de la déco brute de jardin, ph. Bruno Montpied, 2013
Marcel Vinsard, dont j'ai visité avec un camarade en juillet 2013 l'environnement bourré de statues en majorité taillées dans le polystyrène et violemment colorées, avait alors atteint le respectable chiffre de 650 "modèles" comme il dit, et comme il le proclamait sur des panneaux multiples en devanture de sa propriété, visibles des passants sur la route. Je me doutais qu'il allait bien vite atteindre les mille vu l'allure soutenue qui était la sienne...
Panneau à l'entrée du site de Marcel Vinsard, ph. BM, 2013
Eh bien, c'était chose faite fin décembre 2014, comme il me l'a fièrement annoncé par téléphone. Car c'est un homme qui aime les records comme du temps où léger comme une plume il escaladait en vélo les cols de sa région en cyclotouriste conséquent.
Chez Marcel Vinsard, ph BM, 2013
Le mot de "modèles" lui vient apparemment de son ancien métier de coiffeur ("coiffeur qui rase les murs et frise la neurasthénie", comme il est inscrit sur un panneau en bordure de son chemin d'exposition - voir ci-dessus), car il lui servait d'exemples de coupes à proposer à ses clients. Seulement, en l'espèce, avec sa galerie en plein air de trognes et personnages hétéroclites, figures connues de lui dans sa région ou vedettes du cirque audio-visuel, c'est à une autre sorte de modèles qu'on se trouve avoir affaire, une fois qu'on a pénétré dans sa propriété, où ils s'exposent en une longue perspective à peine tempérée par la présence de grands arbres ou de massifs de fleurs, de la route jusqu'à son habitation, un chalet en rondins comme dans les alpages... Sans qu'on sache si l'auteur nous les propose en exemples (des modèles... de vertu?) à copier, ou simplement en effigies faites pour amuser (cette deuxième hypothèse restant la plus probable).
Marcel Vinsard, skieur et autre épouvantail, soleil, figures fantaisistes diverses... Ph BM, 2013
Ce créateur a été très peu repéré jusqu'ici. Bien sûr on le connaît localement, des télés régionales sont venues le voir (on sait que ce sont les journalistes localiers qui repèrent toujours en premier les faiseurs d'environnements insolites). Aujourd'hui, internet a pris le relais de surcroît, YouTube ou Dailymotion y vont de leurs vidéos plus ou moins abouties techniquement. A tel point qu'en restant chez soi, sans sortir de son fauteuil (bonjour les tours de taille qui s'arrondissent du coup!), en se servant de cet outil merveilleux mais aussi diabolique qu'est l'ordinateur (avec Google Street par exemple, on peut se balader virtuellement un peu partout ; plusieurs sites y sont mentionnés et visibles, de façon volontaire ou involontaire), on peut trouver les mêmes environnements d'art brut ou naïf qu'on aurait dû mettre auparavant des années à découvrir en parcourant la France avec ses petits pieds et sa voiture.
Marcel Vinsard, Gérard Depardieu, la photo de référence et l'œuvre qui en a dérivé, muséographie souvent réitérée dans le décor de la vie de Vinsard, ph BM, 2013
Marcel Vinsard, Einstein..., ph BM, 2013
Marcel Vinsard est un personnage survolté, affable, en recherche de visiteurs. Il ne cesse de faire sa publicité par tous les moyens. Il appelle à tour de bras, sans craindre à un âge pourtant avancé de voir un jour l'affluence des amateurs en tous genres l'envahir et le submerger... Il ne cesse de produire une œuvre aux thématiques variées. Il se présente capable de produire du "Giacometti", du "Uriburu" (connais pas...), du "Braque", du "Moligliani", qu'il ne néglige pas de signaler, au cas où on en aurait douté, comme des "copies"... Bien sûr, le tuyau télévisuel qui cascade dans tous les logis de France ne l'a pas épargné, et comme ailleurs lui fournit une matière abondante pour son inspiration. Hommes ou femmes politiques (François Hollande - voir ci-contre - Sarkozy, l'abbé Pierre, Bernadette Chirac, le président chinois Hu Jintao), vedettes du show-business (Coluche, Gérard Depardieu), personnages du cinéma (Shrek), vedettes des arts ou de la science (Einstein -voir ci-dessus- une poupée de Picasso, la Joconde... qu'il a installée dans son propre lit...), des figures populaires (l'homme le plus grand du monde, l'homme le plus petit...), qu'il mêlera volontiers à l'évocation de figures d'amis ou de proches de sa famille.
Dans la cuisine de Marcel Vinsard, évocations de sa famille dont celle de sa femme avec sa photo incrustée dans la sculpture (derrière le buste de "Kiki Vinsard") et placée tout près de la photo de Marcel son époux, ph. BM, 2013
Et parmi ceux-ci, au premier rang, trône dans son cœur le souvenir de sa femme disparue trop tôt, blessure affective inguérissable. Dans sa cuisine, bourrée comme les autres pièces de sa maison de statues proliférant sans contrôle, la figure de sa femme, sa photo et sa statue, apparaît posée sur un buffet telle une icône vénérée sur un autel d'église. On sent bien que cette perte l'a touché cruellement, et l'on ne peut s'empêcher de penser que la foule des statues colorées, pleines de joie de vivre, a accouru chez lui, dans son jardin et sa demeure, pour lui faire escorte, et plus encore, pour le soutenir dans son deuil et pallier à sa solitude, boucher le manque...
Marcel Vinsard, l'entrée du châlet, la foule des œuvres... Ph. BM, 2013
Et tiens, pour conclure ici provisoirement, une question. En combien de temps ce site que je vous révèle ici va se retrouver sur les blogs d'Henk van Hes et de Sophie Lepetit, hein? Top départ (mais y a rien à gagner)...
10:35 Publié dans Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : marcel vinsard, environnements spontanés, pontcharra, isère, polystyrène, cyclotourisme, giacometti, modèles, hu jintao, bernadette chirac, coluche, gérard depardieu, einstein, culture de masse, coiffeur | Imprimer