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31/12/2010

Voeux...

Carte de voeux 2011, Adofe-Julien Fouré, Rochers Sculptés de Rothéneuf, ph. Bruno Montpied, 2010.jpg

Adofe-Julien Fouré, tête barbue (le Christ?), site des Rochers Sculptés, Rothéneuf, photo Bruno Montpied, 2010

28/12/2010

Bruno Montpied bientôt au musée de la Création Franche (lui itou)

      Si Jean-Louis expose une centaine de peintures et dessins, je suis resté pour ma part dans des limites plus modestes, une cinquantaine d'oeuvres. Il ne s'agit pas de deux expos en une, mister Jean Granier (merci de votre intérêt), mais plutôt de deux expos personnelles parallèles. Jean-Louis Cerisier est au rez-de-chaussée, et Bruno Montpied, prenant de la hauteur (sans pour autant devenir hautain), est au premier étage du même musée de la Création Franche. Mêmes dates: du 5 février au 20 mars 2011 (inauguration le samedi 5 février).

 

Inconnu-comme-le-loup-blanc.jpg

Bruno Montpied, Inconnu comme le loup blanc, 38 x 46 cm, 2010, technique mixte sur carton entoilé, avec collage de deux moitiés de noyau d'avocat légèrement sculptées

 

    J'exposerai une douzaine de tableaux de format 8 Figure (comme celui que je reproduis ci-dessus), le reste se composant de travaux sur papier, le plus souvent à l'encre et autres techniques mixtes comme on dit. L'ensemble s'efforce d'être varié, les travaux ayant été choisis en fonction de cela et aussi de leurs dates, du plus ancien datant de l'an 2000 jusqu'à cette année, histoire de montrer une partie de ce qui a été produit depuis ma dernière exposition au musée de la Création Franche (en 1998). Les critères de sélection au sein d'une production qui demeure abondante (la plupart du temps en petit format, faute au manque d'espace et de volume de mon logis, et aussi parce que "small is beautiful", qu'en petit on peut plus facilement faire surgir de l'inopiné, alors qu'en grand on se résigne souvent à composer avec l'inspiration, la tuant quelque peu), les critères de sélection sont liés quelquefois au fait que certaines oeuvres qui me satisfont étaient déjà encadrées, et pas assez exhibées à mon gré. Et aussi bien sûr au fait que certaines oeuvres produites  plus récemment suscitent mon désir de voir comment les amateurs réagiront devant. Je mets en ligne ci-dessous quelques exemples de ces récentes productions qui seront exposées à Bègles en février-mars prochains:

La-fillette-au-pantin,-env-.jpg

 

BM, La fillette au pantin, 35 x 27 cm, 2010, photo de magazine modifiée



LaChamane-Entre-En-Transe-p.jpg

BM, La chamane entre en transe par le charleston, 43 x 30, technique mixte sur papier pur chiffon, 2010

Lourd-de-menaces,-24x17cm,-.jpg

BM, Lourd de menaces, 24 x 17 cm, lavis, encre, crayons, et marqueurs sur papier aquarelle, 2010

 

      Régulièrement, je reviens vers les modifications, pour reprendre un terme mis à l'honneur je crois à l'époque des années 1960 par le peintre Asger Jorn, et qui désigne des oeuvres exécutées par-dessus des  images trouvées, déjà faites. C'est généralement à des reproductions que je m'attaque, plus rarement à des oeuvres originales (récemment j'ai utilisé des gravures ; il m'est arrivé de repeindre une fois ou deux par-dessus des toiles). Il y aura une catégorie d'oeuvres non représentées dans cette expo ce sont les oeuvres exécutées en collectif, le collectif se limitant le plus souvent au nombre 2. Je ne désespère pas de pouvoir en montrer un jour dans un lieu intéressé par la chose.



26/12/2010

Jean-Louis Cerisier bientôt au Musée de la Création Franche

      J'annonce cette exposition longtemps à l'avance pour le cas où l'on voudrait faire le voyage en réservant un billet à tarif réduit. L'inauguration aura lieu en effet le samedi 5 février, un samedi pour les voyageurs qui viendraient de beaucoup plus loin que Bègles, merci aux organisateurs du musée qui ont eu cette délicate attention.

 

 Jean-Louis Cerisier, Mythologie, 2009.jpg 

   Jean-Louis Cerisier, Mythologie, 2009

 

      Jean-Louis Cerisier, cela faisait longtemps que je n'avais plus parlé de ses travaux. J'avais même cru à un moment qu'il allait laisser tomber la peinture. Et puis voici que pas du tout il est reparti la fleur au fusil, ou plutôt qu'il n'a jamais cessé de créer sous roche, continuant à produire des tableaux, des travaux graphiques avec une belle opiniâtreté. Peut-être n'était-ce qu'une stratégie pour pouvoir continuer sur d'autres voies plus inédites, tranquillement, en se procurant le calme nécessaire. Je l'ai un peu enfermé au début dans l'art naïf, tant je continue de croire que dans ce domaine, on peut rencontrer d'aussi poétiques trouvailles qu'ailleurs (et Jean-Louis me faisait l'effet d'une de ces trouvailles). Naïf n'est pas forcément synonyme de mièvre et de peinture cu-cul. Lui-même paraissait s'enfermer dans un système, tout en cherchant à casser les limites qu'il s'assignait inconsciemment. Plusieurs de ses peintures, à un moment, attestent de ce besoin de rupture, par des jeux de décadrement. A une époque, comme le rappelle Françoise Limouzy dans le texte qui présentera Jean-Louis sur le carton d'invitation à l'exposition, ce dernier allait même jusqu'à scier ses anciens tableaux, cherchant de nouveaux cadrages, déboîtant, recomposant ses images comme un photographe ou un joueur de casse-tête genre Rubik's cube.Jean-Louis Cerisier, Portrait masqué,collage et peinture, 2000.jpg Certains  portraits masqués représentait un homme se cachant derrière un masque tatoué de cases, de grilles, de labyrinthes vaguement inquiétants. Aujourd'hui, il semble vouloir dépasser cette période. Une de ses dernières peintures, Mythologie (voir notre première illustration), montre ainsi un trio, au sein duquel on peut imaginer un personnage bras en croix comme une projection de l'auteur, enfin sorti avec ses compagnes d'un jardin fermé de grilles, à la végétation envahissante, quelque peu étouffante, s'échappant avec satisfaction semble-t-il de la toile d'araignée de fils blanchâtres qui occupe la composition par-dessus le jardin et le voile noir qui bouche une partie du cadre.

les-soeurs-jumelles.jpg

Jean-Louis Cerisier, Les soeurs jumelles, 2010   

      A Bègles, au Musée de la Création Franche, du 5 février au 20 mars 2011, Jean-Louis Cerisier présentera une centaine d'oeuvres dont beaucoup d'inconnues, puisque la politique du musée est d'offrir aux regards, durant ces expositions, avant tout des oeuvres nouvelles de l'artiste, susceptibles de migrer vers d'autres collections. Jean-Louis a pour ambition de montrer diverses facettes de ses expérimentations, qui contiennent parfois des compositions en collage d'éléments pré-fabriqués par d'autres (comme dans l'oeuvre ci-dessus où l'on découvre un véritable dessin d'enfant recollé dans sa peinture), des peintures sur ardoise, des surlignages, des dessins fantastiques, parfois semi abstraits, etc., etc. Rendez-vous donc à Bègles le 5 février! 

25/12/2010

Bonzom's de neige, gardiens de Nono, gardiens de Noël, hips!

    Voici des bonshommes tendrement amassés, tassés, palpés, façonnés par l'ami Max T., que la neige inspire toujours, malgré l'âge venu. Il essaie de les collectionner, me dit-il, mais l'on conviendra que c'est une collection des plus éphémères, bien accordée à la spontanéité de sa création. Une véritable collection d'art immédiat pour le coup. Encore une fois, pour s'en rendre compte et garder quelque souvenir de cette forme d'art collant à l'inspiration quotidienne, rien ne vaut la photo (ou le film).

 

Max T., bonhomme de neige[1], 2010.jpg

 

Bonhom' number one, photo et sculpture Max T.

 

        Le premier est raide comme la justice, un balai peut-être fourré là où je pense au lieu d'être dans ces bras qu'il n'a pas (ce qui explique qu'il a bien fallu mettre l'outil ailleurs). Bonhomme de neige genre sentinelle qui n'alertera personne.

  

 

Max T., bonhomme de neige (2), 2010.jpg

 Bonhom' number two, idem

 

     Pour le second, la nuit est tombée, manteau traditionnel qui va bien au teint des bonhommes de neige. C'est un boulimique, un obèse rembourré d'une baudruche qui pendra lamentablement sur l'herbe brûlée par le froid une fois le redoux bien amorcé, à moins que cette sous-ventrière trop gonflée n'explose sous la pleine lune, par suite d'une vilaine farce (encore un balai). On admire cependant le chapeau effilé à quatre testicules. 



 Max T., bonhomme de neige[3], 2010.jpg

Bonhom' number three, idem

 

    Enfin vint le troisième, avec son large sourire benêt, ses trous de nez en route pour devenir un groin, son poitrail de lutteur, ses onze âmes tournoyant autour de son chef, âmes boules de neige qu'il pourrait lancer à tous ceux qu'il aime, s'il avait des bras (il ne lui reste que des moignons) et s'il y avait des gens qu'il pût aimer.

22/12/2010

Beaucoup d'artistes et trop peu de titres?

     Il peut parfois y avoir surpopulation et bousculade pour trouver un titre inédit à un dessin ou une peinture... L'imaginaire permet en même temps des rencontres logiques, comme dans les deux cas ci-dessous, Gilles Manero et Bruno Montpied. A l'actuelle exposition du premier au Musée de la Création Franche à Bègles, on peut découvrir sur un mur ce dessin appartenant à une série intitulée "Sur la Terre comme au ciel". C'est daté de 2008. Eh bien, Bruno Montpied fut prem's sur le titre (vraiment? A ma connaissance bien sûr, car il serait bien étonnant qu'il n'y ait pas eu d'autres prédécesseurs...). Voir cette peinture de 2000, intitulée pareillement que celle de Gilles Manero, Sur la Terre comme au ciel. Je m'empresse d'ajouter qu'il n'y a aucune chance que Gilles ait pu connaître cette peinture qui ne me paraît pas être beaucoup sortie des cartons de BM... 

Gilles Manero, Sur la Terre comme au ciel,n°9, 2008.jpg

 

 Gilles Manero, Sur la Terre comme au ciel, n°9, mai 2008



Bruno Montpied, Sur la terre comme au ciel,2000.jpg

Bruno Montpied, Sur la terre comme au ciel, 2000 

 

     A noter une curieuse coïncidence supplémentaire dans les deux dessins. On trouve deux personnages faisant la sieste dans ces deux compositions, l'un assis se reposant au pied de ce qui peut tenir lieu d'un arbre dans le cas Montpied (l'arbre rouge se révèle être aussi un autre personnage), l'autre étant vautré dans le cas Manero le long d'un talus, personnage résumé à une tête quelque peu chauve (à moins que je n'hallucine?).

20/12/2010

Rothéneuf sous la neige, une sculpture de l'abbé Fouré réapparaît

               Le ciel était incroyablement noir en plein jour, la neige hésitait entre le gel et la déliquescence glacée. Ilot de lumière et de chaleur relative, une salle des fêtes sans fête abritait une exposition consacrée à l'ermite de Rothéneuf qui ne fut jamais vraiment un ermite.

Expo Fouré, nouvelle salle de quartier de Rothéneuf, 18 décembre 2010, ph.Bruno Montpied.jpg

 

 Vue de la nouvelle salle de quartier de Rothéneuf où se tenait (le 18 décembre seulement) une expo sur l'abbé Fouré montée par l'Association des amis de l'oeuvre de l'abbé Fouré, ph. Bruno Montpied, 2010

 

        On essayait de reconstruire l'œuvre, sa signification, ses sujets, comme dans une course après un gibier qui fuirait toujours plus dès qu'on s'en rapproche. Où étaient les visiteurs? Une petite trentaine, des gens âgés surtout, transis, grelottant sous d'épaisses couches de vêtements, qui avaient risqué les routes annoncées glissantes, dangereuses. Pour venir jusque là, du reste, il semblait qu'il ne pût y avoir que les taxis comme moyens de locomotion, ces derniers devant être pourvus de moyens magiques auxquels le conducteur ordinaire ne pouvait avoir accès... L'organisatrice se démenait, bien seule, ses rares aides l'ayant abandonnée, bloqués par les routes enneigées ou en retard. Le spécialiste parisien de l'ermite était là, lui, fidèle au rendez-vous, en dépit de ses éternels problèmes intestinaux. On l'enrôla comme magasinier, factotum, accrocheur de panneaux...

 

Table Montpied et de l'Or aux 13 îles, expo Fouré, Salle de quartier à Rothéneuf, 18 décembre 2010, ph.Bruno Montpied.jpg

Vue de l'expo à l'intérieur.jpg 

  Vue de l'exposition dans la grande salle de quartier, ph.BM

 

         Il y avait aussi un autre spécialiste présent, le régional de l’étape, retenu avant tout par la signature de son dernier livre, car il était là pour le vendre après tout, il ne participait en rien à l’organisation pratique de l’expo qui se montait devant ses yeux, ayant pris du retard.  

         L'organisatrice recevait pendant le même temps coups de téléphone sur coups de téléphone qui paraissaient destinés à lui ruiner le moral.         

        Tout ce travail ne se déployait que pour une journée, l’exposition devant être déménagée plus loin dans un autre local plus petit où l’accrochage s’annonçait moins volumineux. On s'agitait et on bossait comme des perdus pour une esquisse d'exposition permanente dans un lieu en plein hiver où l'on pouvait être assuré que l'on ne rencontrerait pas le moindre touriste en une telle saison. Il flottait un parfum très fort d'inanité sur tout cela...Est-ce pour cette raison que l'hiver et la neige m'apparurent menaçants, mortels? Les problèmes intestinaux y contribuaient aussi probablement...

Oeuvre de l'abbé Fouré, réapparue le 18 déc. 10, datée 1904, signée, offerte à Joséphine Macé, 1910, ph. Bruno Montpied.jpg

Une sculpture inconnue de l'abbé Fouré réapparaît..., photo BM

 

         Au milieu de ce qui aurait pu tourner finalement à la cagade généralisée, survint paradoxalement le petit miracle: apportée par une dame d'un âge avancé, apparut comme par enchantement une sculpture inconnue de l'abbé Fouré! Signée sur son socle, et datée de 1904 avec une autre inscription, "Oeuvres de l'ermite de Rothéneuf". Le pluriel sur "oeuvres" était curieux. L'objet, paraissant représenter un bouquet de roses, provenait de la fille - devenue la dame d'un âge avancé, s'appuyant sur une canne - de la personne à qui avait été offerte originellement la petite sculpture. Le nom de cette dernière se lisait sous le socle: Joséphine Macé, avec une date, 1910. La date même du décès de l'abbé, et de la vente aux enchères de ses meubles et sculptures... De là, à imaginer que cet objet avait été acquis à cette vente aux enchères où plusieurs habitants eurent à coeur d'emporter un souvenir de l'abbé (selon ce qu'en raconte Noguette dans son article "Au gré des enchères", voir mon dossier sur l'abbé Fouré dans L'Or aux 13 îles n°1), il pourrait n'y avoir qu'un pas. 



17/12/2010

Postérité des environnements (5): Franck Barret renaît (un peu) de ses cendres

   Ah oui, c'est un drôle de nom que celui de cet ancien coureur cycliste régional, qui sonne comme prédestiné à une existence excentrique. Franck Barret est un peu connu des amateurs d'environnements depuis que Pierre Bonte l'interviewa dans les années 1970 et publia cet entretien par la suite aux éditions Stock (1977). Avant cela, des magazines s'étaient déjà intéressés à lui de son vivant comme L'Information Artistique n°55 au milieu des années 1950 (comme me l'avait signalé en son temps J-F. Maurice). Après un accident qui l'avait rendu incapable de reprendre le vélo en compétition, il devint agriculteur, et sur le tard quelque peu rebouteux.Franc Barret, photo Musée du Pays Foyen, extraite de leur site web.jpg 

 

  On l'associe généralement, pour les statues fort proches de l'art brut qu'il créa, aux créateurs d'environnements, mais à la différence de ceux-ci, s'il organisa lui aussi une mise en scène pour les camper, et semble-t-il un parcours comme dans un musée de cire (auquel son site fait immanquablement penser), ce ne fut pas sous le ciel qu'il choisit de le faire mais bien à l'intérieur de sa ferme, dans deux pièces vouées à l'exposition (entre1948 à peu prés et 1968, les visites étant autorisées par lui à partir de 1955).

 

       Un reportage paru dans la revue des patrimoines de la région Aquitaine, Le Festin n°15, en 1994, de Jean Vircoulon, avec des photographies en noir et blanc de Christophe Garcia, permettait d'avoir quelques idées sur l'ambiance qui pouvait régner dans ce réduit. L'homme a expliqué ses créatures par les rêves  qui le mettaient dans un état second. Dalinien au petit pied, Franc Barret? Peut-être. Cependant, on constate en se documentant sur les sujets de ses modelages et assemblages (plus que des sculptures) qu'il allait aussi les puiser dans la littérature (Le Fantôme de l'Opéra de Gaston Leroux, la mythologie chrétienne, Joseph, Marie, le Christ enfant puis adulte,  Sainte Blandine, Jeanne d'Arc, la préhistoire avec son homme de Néanderthal, les animaux fabuleux avec son Yéti et son dragon de carnaval, des personnalités historiques comme Pie XII...Pour son homme préhistorique, on a retrouvé une image gravée qui lui servit de modèle, ce qui paraît indiquer que comme de nombreux cas de créateurs populaires il recourait à la copie qui se trouvait ensuite au cours du façonnage transformée, transcendée.

  

 

Franc Barret,deux vues par J-C. Garcia de son musée à Saint-Philippe du Seignal, revue Le Festin n°15, 1994.jpg

 

 Ci-dessus, deux photos de Jean-Christophe Garcia dans Le Festin n°15

 Le gorille de Franc Barret, ph. Musée du Pays Foyen.jpg 

Le gorille du petit musée de Franck Barret

Guynemer, le fantôme del'Opéra, ph. Musée du Pays Foyen.jpg 

De gauche à droite, Guynemer, le Fantôme de l'Opéra avec, derrière, la poitrine nue, Sainte Blandine, et la main sur l'épaule du fantôme, Christine Daaé (autre personnage du roman de Gaston Leroux ayant servi de source aux statues), ph.Musée du Pays Foyen (date?)

 

 

Franc Barret,Christine Daaé, vestige de la statue originale, musée du pays foyen, 2008, ph Bruno Montpied.jpg 

La même Christine Daaé, dans son état 2008, le jour où je passai dans le musée : on mesure ici l'étendue des problèmes de restauration pour M. Lamothe... ph.Bruno Montpied

 

  

       Heureusement d'autres photos existent, en couleur qui plus est, montrant l'intérieur de ce musée, et publiées récemment sur le site du Musée du Pays Foyen (voir ci-dessous le lien), musée qui a conservé quelques pièces que j'avais photographiées en 2008 avant restauration. On doit ces clichés sans doute à Pierre Lamothe, par ailleurs sauveur de ce qui pouvait encore être sauvé, ce qui reste n'étant certes qu'une petite partie de l'ensemble, mais conservée au prix d'efforts incroyables chez un homme seul, acharné à préserver des lambeaux d'un patrimoine auquel on le sent profondément attaché. Il raconte sur le site du Musée du Pays Foyen, petit musée que la municipalité de Sainte-Foy-la-Grande lui laisse organiser, l'histoire des difficultés rencontrées du fait de l'extrême fragilité - et du poids - des matériaux employés par Barret qui édifiait ses statues couche par couche au moyen d'une argile jamais cuite, ce qui leur assura de se dissoudre peu à peu dans le temps, la terre redevenant friable progressivement... C'était de l'art éphémère, comme le dit très bien M. Lamothe sur son site, art pratiqué dans l'urgence, pour satisfaire un besoin d'expression irrépressible se déployant dans la plus stricte immédiateté.

Pierre Lamothe avec les vestiges d'un homme préhistorique, 2008, photo Bruno Montpied.jpg

 

Pierre Lamothe devant des vestiges d'un homme préhistorique de Franc Barret, gageure de restauration, photo BM, 2008

 

    Bonne nouvelle que celle-ci, la restauration a dû aller assez loin pour que Pierre Lamothe ait pu enfin juger venue l'heure d'ouvrir les portes du Musée du Pays Foyen.

Bâtiment-du-musée-du-pays-f.jpg

 Le Musée du Pays Foyen, Sainte-Foy-la-Grande, 2008, photo BM

 

 

Le musée va éditer une plaquette, plus complète,  en couleur, de 26 pages, en vente à l'Office de tourisme de Sainte Foy à partir de janvier 2011. L'exposition est visitable, uniquement sur rendez vous, au 142 rue de la république, Sainte-Foy-La-Grande (Gironde), le mardi soir à partir de 20h30,  le samedi après midi de 14h à 18h et le dimanche. Téléphone : 05 57 46 59 73  - 06 75 70 35 34  - 06 28 37 73 63

10/12/2010

Un nouveau livre sur les Rochers sculptés de Rothéneuf, et une exposition sur place

     Annoncé depuis plusieurs mois, voici qu'est paru, selon une information de Joëlle Jouneau, fondatrice de l'Association des Amis de l'Abbé Fouré (qui veut se consacrer à mieux faire comprendre la vie et l'oeuvre du fameux ermite), le livre du photographe et cinéaste Jean Jéhan, Saint-Malo-Rothéneuf, au temps des Rochers Sculptés, aux éditions Cristel. Je peux montrer ici, transmis par cette même Joëlle, la couverture et le 4e de couv de cet ouvrage qui paraît fort coquet ma foi:

  

Couverture du livre Jean Jéhan, St-Malo-Rothéneuf au temps des rochers sculptés, éd. Cristel, 2010.jpgCouverture du livre de Jean Jéhan, éd Cristel, préface d'Alain Bouillet, 2010

4e de couverture du livre de Jean Jéhan.jpg

 4e de couv' avec un curieux photomontage

  

     On notera le format italien du livre qui paraît par son titre (ne mentionnant curieusement pas le nom de l'auteur des rochers sculptés) mettre l'accent avant tout sur l'aspect régionaliste du thème traité, annonçant des reproductions de cartes postales anciennes, ainsi que des photographies en noir et blanc de l'auteur extraites des 300 clichés de sa collection personnelle (prises à des époques où certaines statues, disparues depuis, existaient encore, ce qui permet de mettre en évidence la dégradation du site). Dès que j'aurai pu davantage le consulter, j'y reviendrai bien entendu (puisque mon blog sert de caisse de résonance à ma propre recherche sur l'abbé depuis déjà plusieurs notes). D'ores et déjà, on attend avec impatience de trouver dans le livre de Jean Jéhan  la reproduction promise de plusieurs pages du Livre d'Or de l'abbé, que celui-ci gardait à la disposition des visiteurs de son petit musée dans le bourg. Ce livre d'or contiendrait des dessins de l'abbé. Une rumeur court ainsi comme quoi certaines "enluminures" de ce livre, les dragons ci-dessous par exemple (reproduits d'après une photocopie d'un autre article paru cette année dans Le Pays Malouin sur l'existence de ce Livre d'Or, conservé jusqu'à présent par une descendante de l'abbé), seraient de la main de l'abbé, ce qui serait, si cela s'avère bien attesté, une belle découverte de la part de M. Jéhan.

 

 

Page du Livre d'Or de l'abbé fouré, d'après photo Pays Malouin.jpg

 "Enluminure" du Livre d'Or de l'abbé, tel que parue dans un numéro du Pays Malouin, journal de la région de St-Malo

 

    Autres révélations que l'on devrait aussi trouver dans ce livre de Jean Jéhan, des témoignages de personnes ayant connu dans leur enfance l'abbé, personnes disparues depuis. Le Pays malouin cite l'anecdote rapportée par l'une d'elles des bains de sable que l'on faisait prendre à l'abbé pour le soulager de ses rhumatismes... De même, le caractère taciturne et pour le moins taiseux du personnage se trouve corroboré dans ces témoignages (mais s'il avait des difficultés d'élocution engendrées par sa surdité, cela ne pouvait que le rendre taiseux, non?...). On attend certes beaucoup de ce livre que d'aucuns présentent déjà, de façon pour le moins précipitée comme celui qui traiterait enfin de "l'intégralité" de l'abbé Fouré... Attention de ne pas lui en demander trop. Mais il faut certes se féliciter de ce qu'un ouvrage sérieux ait enfin paru sur les terres mêmes de l'abbé Fouré, cent ans que ses mânes, errant entre les falaises de Rothéneuf, attendaient cela.

   Joëlle Jouneau me signale par ailleurs que le livre reprend « en annexe » le Guide du Musée de l‘ermite de Rothéneuf dont on se souviendra peut-être que j’ai donné au début de cette année, date anniversaire des cent ans de la mort de l’abbé Fouré, dans le n°1 de la revue apparentée au surréalisme L’Or aux 13 îles la première édition commentée depuis son édition originale en 1919. Je ne suis pas mécontent de vérifier qu’une fois de plus, face aux partisans de l’art brut, les surréalistes auront encore tiré les premiers ! (Ce qui explique peut-être l’attitude assez mesquine d’une Animula Vagula, sur un blog parallèle, qui s’empresse de ne pas mentionner notre première édition lorsqu’elle apprend avec ravissement la publication prochaine du livre de M. Jéhan - éternelle jalousie du parti de l’art brut ?).

     Mais revenons à Joëlle Jouneau. Cette dame, intéressée vivement à la vie et  à l'oeuvre de l'abbé, surprise comme beaucoup de visiteurs des rochers que l'on n'ait jamais songé sur place à communiquer davantage d'informations véridiques sur le compte de l'abbé, au lieu de se contenter des légendes créées de toutes pièces par les ancêtres des gérants du lieu, cette dame a décidé de créer donc une association qui se donne pour mission d'aider à restituer la mémoire et le sens de l'oeuvre de l'abbé. Il va de soi que je m'associe pleinement à cette mission. C'est pourquoi je viendrais à la journée du 18 décembre prochain à la salle de quartier de Rothéneuf, qu'organise Joëlle Jouneau en prélude à une exposition qui sera ensuite installée au manoir Jacques Cartier qui vient d'être donné à la Ville de St-Malo par la fondation canadienne qui le gérait jusque là. Voir l'affiche ci-dessous:

 

affiche exposition  sur l'abbé Fouré et journée du 18 décembre 2010 à la nouvelle salle de quartier de Rothéneuf.jpg

 

 

     Je devrai normalement, au cours de la soirée, si la technique ne nous fait pas faux bond, présenter un film surprise sur la question des environnements spontanés contemporains afin de situer les rochers sculptés dans un contexte plus général (je donnerai bientôt plus de détails à propos de ce film). L'exposition essaie de retracer l'ensemble de ce que l'on sait du parcours biographique de l'abbé, et de la signification de ses sculptures sur pierre ou sur bois, à partir des recherches des divers exégètes de l'abbé Fouré .

 

expo abbé Fouré, manoir Jacques Cartier.jpg

 

 

Papier Gâché contre Recoins, tout contre (et non pas Recoins contre Tumbélé), samedi, rue de la Fontaine au Roi

    Titre mystérieux, n'est-ce pas? Un peu moins si l'on se réfère à ma note du 2 décembre, et encore moins si on a déjà eu l'audace d'aller compulser fiévreusement le n°4 de la revue Recoins-Coins dans les deux seules librairies parisiennes à l'avoir (La Halle Saint-Pierre et Bimbo Tower). Il contient un article que je n'avais pas évoqué, en dépit de la légitime curiosité qu'il avait fait naître en moi, qui traitait de la musique antillaise d'avant le zouk, dont l'auteur de l'article, Emmanuel Boussuge, nous disait que la réputation était envahissante (je suis bien d'accord, le zouk me gonfle très vite). EuBé attire l'attention dans cet article sur les racines de la biguine (pour résumer vite, comme il dit), racines qu'on appelle Tumbélé, musiques faisant l'aller-retour entre rumba congolaise et biguine. Cette musique que je suis allé consulter sur le site de l'éditeur de la compil (Soundway Records, label britannique) que l'article cherche à nous faire découvrir paraît en effet tout à fait excitante. Qu'on en juge avec cet extrait en libre écoute sur le site en question:
podcast

Extrait de la compil d'Hugo Mendez de musique Tumbélé parue chez Soundway Records

Tumbele, couverture de la compil de Hugo Mendez sur les racines de la musique antillaise.jpg La compil en question 

     C'est assez agréable, hein? Et puis le créole est si fascinant... Eh bien, une occasion va peut-être être donnée d'entendre plus de disques en rapport avec ça (ou autre chose) au cours d'une réunion intitulée "Papier Gâché Party vs Recoins  Tumbélé" et programmée à 20h pour demain samedi 11 décembre. Ce sera au "Un Do/ Re-Do", 75, rue de la Fontaine-au-Roi, Paris XIe ardt. On y mangera, boira et écoutera des disques, paraît-il. Papier Gâché est le nom d'un fanzine graphique où l'on retrouve un collaborateur de Recoins, Bastien Contraire.

Affiche Papier Gäché et Recoins Party.jpg 

 

 

 

07/12/2010

Un créateur secret au Musée de la Création Franche, Gilles Manero

Plaquette exposition Gilles Manero, dessin sans titre, musée de la Création Franche, 2010-2011.jpg

 

      Voici Gilles qui dévoile à nouveau ses dernières investigations du côté de l'imaginaire expérimental. Manero, l'esthète discret, photograveur de métier (ce qui influe sûrement sur ses recherches), revient avec un cabas rempli de mystères à Bègles, la patrie de la Création dite Franche, et ce du 10 décembre 2010 (l'inauguration, c'est vendredi soir) au 23 janvier 2011. Cet alchimiste de l'image prospecte toujours du côté des supports inédits, les papiers en tous genres, par exemple les papiers photographiques comme ces deux exemples de dessins sans titre (à l'encre et à la mine de plomb) qui sont publiés sur le 4 pages qui tient lieu de catalogue pour son expo. Remarquables dessins qui nous changent de ses vinyls repeints de volailles bizarres (comme des personnages de Bosch ou de Breughel qui se seraient métamorphosés en espèces de Shadoks) qu'il produisait presque à la chaîne auparavant (tout en cultivant des images plus secrètes en marge de cette production, souvent des détournements et autres modifications d'images trouvées, vieilles gravures de planches anatomiques ou photographies anciennes)...Gilles Manero,sans titre, dessin mine de plomb,200l, coll.BM.jpg L'image ambivalente, Gilles connaît cela, il sait que la mémoire du spectateur va se mettre à s'affoler. Qu'est cela?, se dira-t-elle... Elle cherchera à combler les vides laissés par la perception trop rationnelle et se propulsera alors vers des horizons où se dévoilera peut-être quelque secret inavouable.

 

Gilles Manero,dessin sans titre, Musée de la Création Franche, expo 2010-2011.jpg

Gilles Manero, sans titre, 2010, encre et mine de plomb sur papier  photographique, 50 x 46 cm

Gilles Manero, sans tire, encre et mine de plomb, exposition 2010-2011, Bègles, musée de la création franche.jpg GM, sans titre, 2010, même technique que ci-dessus, 42 x 35 cm

 

    La mienne de mémoire a sa propre vision automatique du premier dessin du dépliant annonçant l'expo (juste ci-dessus), vision qui exprime cette fois un secret bien avouable. Je reconnais à cette calvitie rêveuse mon propre portrait en vagabond, vu de dos, la besace en travers de l'échine, mes hardes volant au vent, m'acheminant lentement moi aussi vers Bègles où j'arriverais le 5 février à mon tour pour m'exposer, en compagnie d'un autre camarade habitué des lieux, Jean-Louis Cerisier.

Pour situer le musée de la Création Franche voir leur site web

06/12/2010

Guo Fengyi, une créatrice brute chinoise à Paris

    Guo Fengyi (1942-2010), première exposition à Paris, c'est à la galerie Christian Berst que l'événement aura lieu, et ce dès jeudi 9 décembre prochain date du vernissage. On va enfin pouvoir mieux cerner les travaux de cette femme, disparue cette année même, ancienne ouvrière d'une usine de caoutchouc, métier qu'elle dut abandonner par suite de crises d'arthrite (réaction à la souplesse du caoutchouc?) à l'âge de 39 ans, ce qui lui fit découvrir le Qi-Gong, médecine traditionnelle chinoise. En 1989, elle éprouve des visions qui la mènent vers le dessin, qu'elle exécute de façon automatique, le découvrant au fur et à mesure qu'il se développe.Guo Fengyi, Sans titre, s.d.,Encre de couleur sur papier de riz, 169 x 70 cm Galerie Christian Berst.JPG Les résultats sont des oeuvres tout en hauteur (mesurant parfois jusqu'à cinq mètres), tracées sur papier de riz au pinceau et à l'encre de Chine, sortes de bannières déroulées où je ne peux m'empêcher de voir comme des Ophélies nageant entre deux eaux par delà les spectres, dragons ou phénix qu'elle affectionnait de représenter, allant parfois jusqu'à des évocations de monstres ou d'esprits malfaisants, survenant par contraste au sein d'un dessin raffiné et délicat qui ne les laissait guère prévoir.

Guo Fengyi, sans titre, vers 2002, encre de couleur sur papier de riz, 213 x 69 cm.jpg

     Un catalogue paraît à cette occasion, riche idée pour tous ceux qui voudraient se documenter sur cette nouvelle créatrice à découvrir jusqu'au 15 janvier 2011. A noter qu'une rétrospective se prépare également à la Collection de l'Art Brut à Lausanne. Elle devrait être accompagnée d'un court-métrage de "Philippe Lespinasse qui a filmé Guo Fengyi sur son lieu de vie, en entretien et en pleine création. Il a aussi rencontré ses proches, et pris des images d’œuvres" (texte repris du site web de la Collection d'Art Brut, et apparemment aujourd'hui plus disponible). 

Guo Fengyi sans titre, 2004, encre de Chine sur papier de riz, 233 x 97 cm.jpg

 Toutes les illustrations de cette note sont empruntées au site web de la Galerie Christian Berst, 3-5, passage des Gravilliers, Paris IIIe ardt (en baladant votre souris vers le premier lien de cette note et en cliquant dessus, vous aurez toutes les précisions souhaitables sur la galerie).

  

 

05/12/2010

Le Théâtre Bois De Bout de François

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François le marionnettiste, photo Bruno Montpied, décembre 2009

      Depuis quelques mois, l'ami Remy Ricordeau me l'ayant signalé sur le parvis du Centre Beaubourg à Paris, je garde des photos de côté sur un marionnettiste de rue, dont je viens de découvrir qu'il se prénomme François. Remy me l'avait présenté en me disant qu'il s'exprimait avec ses marionnettes dans une musique qu'on pourrait apparenter à une sorte d'art brut musical. J'étais allé le voir, l'avais écouté. Il s'exprime avec un sabir étrange, déformant les mots, prenant un drôle d'accent en effet. Mais lorsqu'on l'entend répondre aux questions d'un interview dans le web-documentaire présent sur le site Brèves de trottoir (excellent site qui se voue à l'illustration sonore, visuelle, cinématographique des figures de la rue parisienne - et voilà encore un crêneau de pris sur le web!), on se dit qu'il a de la culture - il cite Dubuffet et son "homme du commun" à un moment - il nous dit descendre d'une famille de marionnettistes, il n'est pas complètement "barré".

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François, 2009, ph. BM 

 

   Mais qu'est-ce que ça fait au fond? L'homme est éminemment sympathique. Il vient en vélo tous les jours d'une campagne située à 50 kms de Paris pour rencontrer un public divers et varié (ou non, il lui est arrivé de jouer devant le vide, en continuant quand même), il manipule ses marionnettes à fil, tirant des borborygmes par-dessus l'action de ses histoires décousues, soufflant dans son harmonica avec une sainte inspiration. Il fait de "l'art populaire", il maintient le théâtre de marionnettes en public, comme il dit à un moment où on n'en voit plus beaucoup dans les rues. Son désintéressement est peut-être ce qui lui fait  avant tout rencontrer quelque public plus ou moins éberlué et lentement gagné à sa cause. Son jeu, son accent pâteux, comme d'un dyslexique ou d'un handicapé verbal, intriguent, donnant à ses spectacles un aspect vaguement foutraque.

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 Les marionnettes épuisées, ph BM, 2009

04/12/2010

Une sirène africaine à Pamiers

     Les Amoureux d'Angélique m'ont fait un magnifique cadeau avant l'heure, en se baladant aux Puces de Pamiers, où ils ne se sont pas pâmés devant des puciers, non, au contraire, ils sont tombés sur une petite merveille, une sirène à queue bifide, c'est-à-dire deux queues. Qui a tout l'air d'une Mami Wata, avec ce serpent qui lui passe sous les reins, en tout cas, eux comme moi avons plaisir à nous l'imaginer... Elle valait 1 €. Comme quoi nul besoin de s'en aller faire ses emplettes avec la Jet Set de l'art brut du côté des grandes foires d'art brut à la mode pour trouver de la poésie populaire à portée de tout un chacun.

 

 

Anonyme,-sirène-(mami-wata-.jpg

Anonyme, sirène, peut-être une Mami Wata africaine, des traces de trous sur le haut de la pièce peut laisser imaginer qu'elle servit peut-être de figure de proue sur quelque grosse barque, comme image propitiatoire chargée d'éloigner les  esprits malins des eaux  ; dénichée par Martine et Pierre-Louis Boudra à Pamiers, 2010, photo BM

02/12/2010

Recoins n°4

Couverture du n°4 de la revue Recoins.jpg

 

     Les recoins se sont agrandis, la revue, pour les besoins de ce n°4, a  repoussé les murs comme on dit pour se donner un peu plus d'air (format 25x20cm). Si je n'arrive pas à me départir de l'impression que la revue par certains aspects de sa mise en pages tient un peu comme à distance les sujets qu'elle présente à ses lecteurs, du fait du corps des caractères qui reste encore trop petit pour mes yeux fragiles, je comprends par ailleurs qu'étant donné la richesse des matières traitées dans ce numéro, les rédacteurs (tous des passionnés et des bénévoles) aient été placés devant des choix cornéliens sur la question de la mise en pages. On retiendra donc avant tout la nette amélioration de cette dernière, ainsi que de la ligne éditoriale.

 

 

Pierre Darcel,Les 4 danseurs et le dos de la Statue de la Liberté, ph. Bruno Montpied, 2010.jpg

 

Pierre Darcel, danseurs bretons en ciment couvert de coquilles de moules, coques, berniques, coquilles Saint-Jacques, ph. (inédite) Bruno Montpied, 2010

 

 

     Il s'est passé en effet quelque chose de plus, la revue a basculé dans une autre ère il me semble. On est là face à un saut qualitatif indéniable. Un de ses plus grands mérites est son excellent équilibre en dépit de sa variété. Car le sommaire marie les environnements spontanés (c'est moi qui m'y recolle avec un article sur un site nouveau en Bretagne, de Pierre et Yvette Darcel, statufieurs et mosaïstes, du côté de St-Brieuc), à la boxe, le rock n'roll, le blues ou la country, voire la musique antillaise d'avant le zouk (tiens il y a aussi un texte de Cosmo Helectra sur la musique de ski nautique, Cosmo un habitué de nos parages et animateur de l'émission Songs of praise sur Aligre FM tous les lundis soirs). Le mixage continue avec des articles sur un auteur de livres anticléricaux du  XVIIIe siècle, plus une très belle étude de Bertrand Schmitt sur un créateur tchèque Vladimir Boudnik (non, ni beatnik, ni spoutnik, quoique nom-valise on dirait, comme fait à partir des deux). Sont également convoqués deux très beaux textes de Régis Gayraud à thématiques contrastées (démontrant une fois de plus le grand talent du bonhomme, et je ne dis pas ça parce que c'est un ami, c'est plutôt le contraire, c'est parce qu'il crée aussi des choses de ce calibre qu'il est mon ami), une (trop) courte intervention d'Olivier Bailly sur Robert Giraud, une notice d'André Vers sur le Vin des Rues de Giraud, de l'art populaire dans les oratoires du Cantal, 

Pieta,Cantal,ph.Bruno Montpied, 1990.jpg

 

 

des compte-rendus de divers livres, des aphorismes (d'Olivier Hervy, en petite forme, j'ai trouvé), des brèves de comptoir comme celle-ci:

 

"La fin du monde, c'est mieux à la campagne, tu te fais pas piétiner"

(Tirée d'une anthologie de Jean-Marie Gourio, concoctée par l'auteur à partir de propos tenus dans les bistrots, pratique certes antérieure à Gourio, mais mettant en relief l'indéniable esprit des rues, volatil, anonyme, difficile à fixer en littérature, une création littéraire immédiate en quelque sorte)

 

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Sommaire de Recoins n°4

      Au sein de ce sommaire éclectique, et parce qu'il faut bien se limiter sur ce blog à quelques détails seulement, les deux interventions sur lesquelles j’ai tendance à focaliser sont celles de Régis Gayraud pour son texte « Méritoires d’outre-terre, feuilleton (1) », et l’étude de Bertrand Schmitt sur le poète, plasticien et théoricien tchèque Vladimir Boudnik.

     Du premier, on peut retenir son étourdissante habileté à plonger le lecteur dans un climat de pur onirisme qui a cette particularité de ne pas se cantonner au réveil - à cet entre deux où la conscience pas encore complètement extirpée du sommeil vacille entre deux mondes - mais bien plutôt à s’étendre progressivement, insidieusement à tout l’ensemble de l’activité diurne. Monde renversé, où la veille devient territoire du rêve, ce qui n’est pas sans laisser le lecteur au bord d’une certaine angoisse assez voisine de celle qui préoccupe un Roger Caillois par exemple dans les expériences qu’il relate dans son petit livre L’Incertitude qui vient des rêves. Régis l’a déjà écrit ailleurs (dans une enquête sur les rêves publiée naguère par le groupe de Paris du mouvement surréaliste –auquel soit dit en passant appartient Bertrand Schmitt), les rêves ont pour lui un autre aspect que celui de révéler des désirs enfouis et refoulés, selon la doctrine freudienne. L’activité onirique brasse les cartes des situations possibles, se prêtant ainsi à une véritable combinatoire des situations qui pourraient se produire. Ce qui explique qu’elle puisse prendre l’aspect d’un terrain propice aux prémonitions. Il semble que le texte de Régis publié dans ce nouveau numéro de Recoins joue quelque peu avec ce désir d’anticipation. Comme si l’auteur cherchait à diriger son destin, comme d’autres cherchaient à diriger leurs rêves.

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Vladimir Boudnik, du cycle Variations sur le test de Rorschach, 1967 (extrait des illustrations de la revue Recoins)

 

     L'étude de Bertand Schmitt qui présente le fort peu connu Vladimir Boudnik (1924-1968) m'a fait l'effet d'une véritable illumination. J'ai reconnu en lui - comme certainement cela a été le cas pour la rédaction de Recoins (il faut repérer dans la revue les photos d'Emmanuel Boussuge qui comme moi s'intéresse de fort prés aux images créées par le hasard, figures anthropomorphes des ferrures de portes, piquets de clôture, taches diverses) - un précurseur, ou un continuateur, de la création immédiate. Ce poète, plasticien, et théoricien tchèque, instruit des ravages profonds induits dans l'âme des hommes par les désastres de la Seconde Guerre Mondiale, chercha à créer une nouvelle forme d'expression qu'il appela "l'explosionnalisme", qui consistait entre autres à pousser les individus dans la rue à projeter leurs inconscients à travers les traces existant sur les murs. "Armé de fusains, de craies, de graphites, il lit et interprète les vieux murs, fait surgir de la chaux des fantômes endormis". Ce que Bertrand nous apprend des actions et de la quête de Boudnik le montre assez parallèle avec les idéaux des membres contemporains du groupe Cobra, convaincus de la transfusion de l'art dans la vie quotidienne des classes populaires, ou d'un Dubuffet, également contemporain, qui découvrait à cette époque-là le génie populaire individualiste des oeuvres de ce qu'il appela "l'art brut". Il écrit les phrases suivantes, qui font indéniablement écho à l'illustration et à la défense de la poétique de l'immédiat que je cherche à promouvoir sur ce blog: "Un [...] appel à la création immédiate et concrète avait été exprimé dans le premier manifeste de l'explosionnalisme...". "Cette exhortation à la création collective, directe et populaire contient aussi une remise en cause du statut séparé de l'artiste professionnel". Et voici aussi cette phrase empruntée aux écrits de Boudnik: "Regardez autour de vous! Sur le mur sale, le marbre, le bois... Ce que vous voyez est ce qui est à l'intérieur de vous. Ne sous-estimez pas les taches. Faites-en le tour avec votre doigt, redessinez-les sur le papier... Saisissez votre monde intérieur." C'est la leçon de Léonard de Vinci proposée à l'homme du commun! Travaillant en usine, il va former des groupes de prolétaires à l'étude et à la création de formes inspirées d'images aléatoires comme les taches, les traces que l'on trouve communément autour de soi (les nuages, les signes sur les peaux de bananes, n'est-ce pas Bruly-Bouabré?...). Il organise des expositions dans les couloirs de son usine "au grand ébahissement des cadres et des ouvriers"...

Extrait d'un documentaire sur Boudnik sur You Tube (plusieurs oeuvres de cet étonnant expérimentateur sont ainsi visibles ici)

 

       Il expérimente à tout va (il fera ainsi une suite d'interprétations des tests de Rorschach), cherchant apparemment à ce que suggère Bertrand Schmitt dans son si éclairant article à partir en quête des secrets de la matière, de l'énergie génitrice présente au sein de celle-ci. Bref, on a là  à l'évidence une étude tout à fait passionnante, et rien que pour ces textes-ci, la revue Recoins dans ce n°4, a déjà rempli son office d'illuminatrice. J'encourage naturellement tout un chacun à s'enquérir du reste de son contenu.

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Recoins  est disponible en écrivant et en s'abonnant 13, rue Bergier, 63000 Clermont-Ferrand. Adresse e-mail: revuerecoins@yahoo.fr

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A signaler également ce jeudi soir 2 décembre au Kiosque/Images, 105, rue Oberkampf, la présentation de l'ouvrage Les 12 travaux d'Hercule, édité par Recoins et Cie, sur les dessins de Pascal, un des créateurs fréquentant le foyer d'arts plastiques La Passerelle à Cherbourg (voir les notes que j'ai consacrées sur ce sujet).

La revue est disponible également sur Paris à la librairie de la Halle Saint-Pierre (XVIIIe ardt), ainsi que chez Bimbo Tower, passage Saint-Antoine dans le XIe arrondissement. D'autres librairies seront bientôt pourvues à leur tour.