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28/03/2010

Les paradis de Cherbourg, la Passerelle expose

    Je reçois de l'animateur de l'atelier d'arts plastiques La Passerelle à Cherbourg l'annonce d'une exposition organisée à la Maison des Jeunes et de la Culture de la ville. Bel événement étant donné l'apparente qualité de ce qui se produit dans cet atelier, qui j'espère fera plus amplement connaître ce foyer remarquable de créativité. Elle a débuté le 29 mars et se terminera le 7 mai.

Affiche expo La Passerelle, mars-mai 2010.JPG

     Voici comment Romuald Reutimann, l'encadrant de cet atelier, présente leur travail sur son blog (où comme je l'ai déjà dit on peut découvrir un grand nombre des travaux réalisés par les participants à l'atelier):

     « La Passerelle est un atelier d'art plastique inauguré il y a 20 ans, dans le cadre d'un service d'insertion sociale, s'adressant à des adultes vivant avec une déficience intellectuelle.

       La plupart travaillent au Centre d'Aide par le Travail (C.A.T.) de LA GLACERIE. Nous accueillons également une personne du C.A.T. des Pieux et un retraité.

André,Sans titre,sans date,crayon,65x50cm, Blog La Passerelle.jpg
André, sans titre, sans date, 65x50 cm ; extrait du blog de La Passerelle

       Depuis l'origine prés d'une centaine de personne sont passées par l'atelier. Actuellement, il compte 16 participants répartis en deux groupes. Chaque groupe se retrouvant deux heures par semaine.

Annick,Abécédaire,70x5O cm,2004, blog La Passerelle.jpg
Annick, Abécédaire, 70x50 cm, 2004 ; extrait du blog de La Passerelle

 

       Il s'agit avant tout d'un lieu de détente et d'expression autour des arts plastiques. Nous accueillons tous ceux qui en manifestent le désir pour peu qu'ils soient régulièrement présents et qu'ils s'investissent dans une production.

Pascal,sans titre, 45x43,5 cm,2003, blog La Passerelle.jpg
Pascal, sans titre, 45x43,5 cm, 2003 ; extrait du blog de La Passerelle

       Les propositions de travaux sont le plus souvent amenées au cas par cas. Nous cherchons à leur faire plaisir mais aussi à les provoquer au travers de voies graphiques qu'ils ont souvent découvertes, initiées et développées eux-mêmes. »

26/03/2010

Exposition des Prévost, les Bâtisseurs de l'Imaginaire à Melun

 

     Les frères Prévost, Claude et Clovis... Quoi, le sciapode, que dites-vous là? Ce ne sont pas des frères, enfin, que ces Claude Lenfant (nom prédestinant?)-Prévost et Clovis Prévost, mari et femme, chercheurs associés depuis quelques décennies pour nous parler de, ou pour laisser parler plutôt, les dix même créateurs singuliers aux pas desquels ils se sont attachés depuis les années 70, les années des cultures alternatives (outsider en somme) dont ils sont imprégnés passablement  (surtout Claude?). Ils les ont exposés depuis cette époque dans de nombreux lieux, notamment à la mythique exposition des Singuliers de l'Art en 1978 au musée d'art moderne de la ville de Paris.

 

Mme Isidore devant la maison Picassiette, ph. Clovis Prévost, 1977.jpg
Mme Isidore, épouse de Raymond Isidore, surnommé "Picassiette" par les journaux, ph. Clovis Prévost (extrait du livre de Claude et Clovis Prévost sur Picassiette aux éditions du Chêne, 1977)

     Les dix: soit le facteur Cheval, l'abbé Fouré (qu'ils s'entêtent à orthographier Fouéré, respectant plus l'état-civil que le choix propre de l'abbé qui signait Fouré sur ses autographes), Picassiette (lotissement décoré d'une immense mosaïque de bouts d'assiettes à Chartres), Camille Vidal (statues en ciment à Agde), Marcel Landreau ("le caillouteux" de Mantes-la-Jolie), Irial Vets (l'homme qui se bricola une Chapelle Sixtine dans une chapelle qu'il avait rachetée pour son usage privé, à Broglie dans l'Eure), Robert Garcet et sa Tour de l'Apocalypse (Eben-Ezer en Belgique), Fernand Chatelain (avant ripolinage maquillé en restauration),Fernand Châtelain, ph. clovis Prévost, années 70.jpg le mirobolant Monsieur G. (Nesles-la-Gilberde, Seine-et-Marne). A ces neuf créateurs s'ajoute Chomo, présenté judicieusement par les Prévost, qui connaissent leurs gammes, comme un "artiste plasticien", ce qui le distingue des neuf précédents, moins "artistes", même s'ils sont tout autant des créateurs (et même infiniment plus originaux à mon humble avis que le Chomo). Ils vont présenter à Melun, à l'Espace Saint-Jean, à partir du 10 avril, une exposition multi-média (photographies et films) intitulée "Les Bâtisseurs de l'Imaginaire et hommage à Chomo", dont le tire entérine la différence qu'ils établissent entre les deux groupes (oui, on va dire que Chomo est un groupe à lui tout seul, même s'il vaudrait mieux parler d'un groupe de groupies...). L'expo se terminera le 10 juillet.

Monsieur G., photogramme du film de Clovis Prévost, 1977.jpg
Monsieur G. ou le sanctuaire des lasers, photogramme du film de Clovis Prévost, 1977 (merci à Frédérique Michaudet pour la capture)

     Le propos des deux chercheurs est de laisser parler les créateurs sans chercher à raconter leur histoire. Il n'y a en apparence aucune intervention des cinéastes durant le film, un effet de réel étant poursuivi tout du long, les créateurs parlant ou se taisant et apparemment laissés à eux-mêmes, comme on se figure qu'ils sont la plupart du temps en l'absence de tout spectateur, dans l'intimité de leur vie quotidienne de créateur oeuvrant avant tout pour soi-même.

Brochure-catalogue exposition des Bâtisseurs de l'Imaginaire par les Prévost, Chartres-Rennes-Lausanne, 1977-1979.jpg
Couverture de la brochure catalogue d'une des premières expos des Prévost en 1977 à Chartres, puis à Rennes, et ensuite à Lausanne en 1978-1979 (cette expo montrait aussi d'autres créateurs que les préférés des Prévost, comme Victor Grazzi ou Joseph Meyer)

       Voici en supplément quelques éléments biographiques et conceptuels prélevés dans le petit catalogue de la rétrospective qui fut consacré à Clovis Prévost par le musée national d'art moderne en 1993 au Centre Georges Pompidou:

        "Clovis Prévost est né le 5 novembre 1940 à Paris. Après des études d'architecture à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris et de sémiologie des médias à l'Université de Paris VII, il dirigera à partir de 1969 le département Cinéma créé par Aimé Maeght. (...) Montrer "comment l'imaginaire se symbolise à travers certaines figures formelles, spatiales, comportementales" est le sens du regard porté par Claude et Clovis Prévost tout le long de leur recherche cinématographique sur l'art." 

 

Espace Saint-Jean, 26, place St-Jean, 77 Melun. Vernissage le samedi 10 avril à 18h. Cinq films au programme, Monsieur G. et le sanctuaire des lasers, Chomo: le fou est au bout de la flèche, Chomo le débarquement spirituel, La légende du silex: Robert Garcet, Le facteur Cheval: où le songe devient réalité. En outre, le samedi 29 mai, à 15h, Claude et Clovis Prévost assureront une visite guidée de l'exposition. 

22/03/2010

Le plein pays de Jean-Marie M., nouvelle projection parisienne

     A signaler en complément de l'annonce ci-dessous, l'intervention d'Antoine Boutet le réalisateur du Plein Pays, film consacré au créateur d'un environnement souterrain du côté de Marminiac dans le Lot, lundi 22 mars, ce soir donc, dans l'émission Songs of praise sur Aligre FM. Les animateurs de cette émission m'ont également transmis un lien vers Daily Motion qui permet de voir un extrait du film et un entretien avec Antoine Boutet.
invitation à une projection à la SCAM, Le Plein Pays d'Antoine Boutet,26 mars10.jpg

21/03/2010

Etoiles noires de Robert Giraud

      Robert Giraud, on commence à le connaître davantage, grâce au blog d'Olivier Bailly, Le copain de Doisneau, qui a ranimé sa mémoire sur internet avant de publier une courte biographie sur lui chez Stock, intitulée Monsieur Bob. Plusieurs livres de lui sont aujourd'hui disponibles, notamment chez l'éditeur Le Dilettante. Son livre le plus connu, Le vin des rues a été réédité chez Stock, en même temps que sortait la biographie d'Olivier Bailly.Monsieur Bob d'Olivier Bailly.jpg

      C'était un connaisseur et un écrivain du Paris populaire des années 50 aux années 90 (il est disparu en 1997) que l'histoire littéraire a tendance à passablement occulter. Lisons ces lignes d'Olivier Bailly qui cerne en quelques mots les centres d'intérêt du personnage: "Il ne traitera que de sujets en marge: clochards, tatoués, gitans, petits métiers de la rue, prostitution, bistrots, sans oublier la cohorte des excentriques de tout poil. Son premier coup d'éclat, il le réalise avec Doisneau, dans Paris-Presse, avec la publication d'un reportage au long cours, "Les étoiles noires de Paris", onze articles consacrés à des personnages insolites qui peuplent le Paris de cette époque et que Bob croise pour certains dans ses périples journaliers et là où il boit son vin quotidien." (Monsieur Bob, p.84). Le vin était une autre de ses passions, sang de la vigne qui irriguait le corps de ses passions pour la vie immédiate. Olivier Bailly note qu'il fréquentait les bistrots qui avaient une certaine exigence en matière de crus, ceux tenus par des bistrotiers qui allaient sur place dans les régions chercher leurs récoltants, en évitant les "bersycottiers", c'est-à-dire les négociants de Bercy qui s'étaient enrichis pendant la guerre grâce au marché noir avec des mauvais vins (surnommés "côteaux de Bercy", synonymes de piquettes). Giraud, qui fut aussi un temps secrétaire de Michel Tapié au début de l'histoire de la collection de l'art brut, en 1948, alors que Dubuffet était parti voyager en Algérie, et qui garda mauvais souvenir de ce dernier qui le traitait en factotum (bien longtemps après, il parlait de lui en disant que Dubuffet n'était qu'un cave...), Giraud eut-il le temps de lire la "biographie au pas de course" (publiée dans Prospectus et tous écrits suivants, tome IV, 1995) où Dubuffet se vante lorsqu'il était marchand de vins justement à Bercy d'avoir renfloué son entreprise grâce au marché noir (il précise avoir alors vendu des "vins d'une qualité un peu supérieure" au vin de consommation courante, ce qui lui procura des bénéfices qui lui permirent d'éponger les dettes de son commerce d'avant-guerre, car il n'y avait sans doute plus de taxes sur ce négoce réalisé sans factures, sur parole)...? Nul doute que cela lui aurait confirmé ses impressions de la fin des années 40.Robert Giraud au comptoir chez Albert Fraysse, par Maximilien Vox, blog Le Copain de Doisneau.jpg

      Giraud vécut de divers petits métiers (il vola même un temps des chats, il fut avec sa femme Paulette bouquiniste à la hauteur de la Samaritaine). Ses sujets de prédilection étaient les clochards, les tatoués, les bistrots, et l'argot sur lequel il publia de nombreux livres. Il s'intéressa aussi aux créateurs insolites, plusieurs de ses articles publiés dans différentes revues et journaux (outre Paris-Presse, il y eut aussi Franc-Tireur et la revue Bizarre) s'y rapportent: par exemple Frédéric Séron dans Les étoiles noires de Paris (1950 ; avec Robert Doisneau, son complice photographe qui fit de nombreux reportages avec lui, il paraît l'un des tout premiers à avoir rendu visite à Séron, avant Gilles Ehrmann en particulier), Picassiette (dans Bizarre n°V en juillet 1956), ou encore Gaston Chaissac dans Franc-Tireur en août 1956 (Chaissac de qui il reçut une correspondance dont certains éléments ont été publiés par Dubuffet et Paulhan dans Hippobosque au bocage en 1951). Charles Soubeyran (auteur des Révoltés du Merveilleux, livre consacré à Doisneau et Ehrmann où l'on voit plusieurs des créateurs évoqués dans les "étoiles noires de Paris" comme Jean Savary, Maurice Duval, Frédéric Séron, Pierre Dessau) a un jour signalé que certain "dandy de muraille" peint par Chaissac renvoyait au frère de Robert Giraud, Pierre Giraud qui était un dessinateur et un peintre spontané, associé un temps à l'aventure de la débutante collection de l'art brut.Pierre Giraud enchanteur limousin, plaquette art brut éditée par la Galerie René Drouin en 1948.jpg

      Les chroniques de Robert Giraud sur les figures de la rue parisienne, vivant sous d'autres coordonnées mentales que le commun des mortels, au fond, on pourrait les voir comme issues d'une tradition de chroniqueurs du Paris populaire excentrique, qui rassemblent par exemple ces auteurs du XIXe siècle connus sous le nom de Lorédan Larchey (Gens singuliers), Champfleury (Les Excentriques), Charles Yriarte, Charles Monselet, etc, tous auteurs que l'on retrouve aujourd'hui au catalogue des précieuses éditions Plein Chant.

      En attendant que quelque éditeur veuille enfin réunir les différentes contributions de Robert Giraud à la cause de l'art brut, on se contentera d'initiatives isolées comme cette réédition à Noël 2009  des onze articles parus dans Paris-Presse, "Les étoiles noires de Paris", sous l'aspect d'un livre-objet conçu par Bernard Dattas qui s'est amusé pour le compte des "Editions des Halles" à publier cet ensemble sous la forme d'un livre massicoté en étoile, qui une fois ouvert révèle des dizaines d'autres étoiles de toutes couleurs (c'est joli mais ne va pas sans faire des difficultés pour la lecture...).

RGiraud-RDoisneau-Etoilesno.jpg
Réédition des Etoiles noires de Paris de Robert Giraud par Bernard Dattas, 2009

      Bonne idée qu'a eu là Bernard Dattas (qui ne paraît pas à son coup d'essai, d'autres ouvrages ont semble-t-il été réalisés auparavant sur lesquels je n'ai que des ouï-dire, le monsieur cultivant, semble-t-il, un certain secret). On découvre ainsi l'ensemble des personnages qu'avait évoqués Giraud en 1950, ceux que j'ai déjà cités, plus Armand Févre, André Gellynck, Salkazanov, M. Dassonville et sa cane Grisette, Gustave Rochard, M. Nollan dit l'Amiral, le peintre Héraut, Pierre Dessau qui se baladait en costume Directoire et juché sur un grand Bi à travers Paris... Malheureusement je ne puis renvoyer mes lecteurs à une quelconque adresse qui leur permettrait d'avoir accès à leur tour à cette charmante publication. A moins que M. Dattas, s'il nous lit, veuille bien éclairer nos lanternes.

 Les étoiles noires de Paris par Robert Giraud et Robert Doisneau, édité par Bernard Dattas.jpg
L'ouvrage étoilé une fois ouvert... Une photo de Frédéric Séron par Robert Doisneau apparaît à droite 

 

 

20/03/2010

Friches de l'art, le blog

     Joseph Ryczko, un des accros des arts singuliers sur la planète des amateurs d'art spontané, auteur d'un fanzine intitulé Les Friches de l'Art , qui était plutôt confidentiel il faut bien le dire, et traitait souvent davantage d'art des Singuliers que d'art brut proprement dit (je me base sur les rares numéros auxquels j'ai été éphémèrement abonné) - continue-t-il d'être publié (il semble que oui, ils en étaient il y a peu encore au n°33 et des brouettes... de facteur Cheval bien sûr)? L'information ne me parvient que difficilement, par bribes... - Joe Ryczko s'est lui aussi mis au blog depuis 2008. Il semble que ce fut un départ bref, suivi d'un long silence - pas de notes après 2008, durant toute l'année 2009. Cela reprend plus énergiquement puisque les notes tombent à présent comme à Gravelotte. Mais peut-on faire remarquer qu'on aimerait tout de même lire sur ce blog autre chose que des resucées des dossiers de presse, et autres copiés-collés d'anciens articles repris du fanzine, et davantage d'articles écrits spécialement pour le blog, des interprétations ou des opinions personnelles, et surtout inédites? Je sais qu'on me rétorquera que cela permet de donner les articles non lus au public qui n'est pas abonné, mais cela donne en même temps l'impression aux internautes qu'on ne trouve pas internet digne de recevoir autre chose que les copies des éditions papier, cela marque ainsi un certain dédain préjudiciable à la lecture de ce blog. Au point de vue de l'esprit critique, cela reste aussi pour le moment largement consensuel et plutôt timide. 

Joe Ryczko, Les Frichesde l'Art,fanzine.jpg
Quelques numéros anciens du fanzine édité pour Paris, Londres, New-York...

     Je suis loin, également, de partager les mêmes enthousiasmes que lui vis-à-vis de tel ou tel sujet ou créateur, mais enfin, il fait partie du paysage des amateurs qui militent pour une reconnaissance des différentes formes d'art spontané depus tellement d'années qu'il serait malhonnête de ne pas signaler ce nouveau blog éponyme de ses Friches de l'Art donc (plus je le regarde, plus je me dis que le blog est conçu comme la vitrine du fanzine). Je le joins à ma liste de liens pour que le lecteur se fasse une idée. A souligner la note que Joe Ryczko  - le premier? - a écrit sur Gabrielle Decarpigny, créatrice de Bagnères-de-Luchon (Non! Bagnères-de-Bigorre, voir commentaire ci-dessous...) à qui il avait d'abord consacré un article dans Création Franche, que j'avais signalée en son temps sur ce blog. Cette dame a elle aussi créé un site que j'ajoute également dans mes liens.

Gabrielle Decarpigny, dessin.jpg
Gabrielle Decarpigny, dessin, extrait de son site

18/03/2010

Hung-Tung, le retour

Cette note contient une mise à jour

      Prononcez paraît-il "Rong-Tong". Mais ça s'écrit Hung-Tung, et on l'a déjà vu à Paris, c'était à la Halle Saint-Pierre en 1998, sous le titre "17 Naïfs de Taïwan", une exposition organisée par le musée d'art moderne de Taipei en collaboration avec le musée d'art naïf Max Fourny (qui est toujours hébergé encore aujourd'hui quelque part dans la Halle, c'est même un jeu, enfants, cherchez où se cache la collection Max Fourny...). Il y avait aussi le musée de Louvain-la-Neuve sur le coup à l'époque. Etaient exposés des naïfs (peintures de genre exécutées avec des distorsions, des perspectives non réalistes, des couleurs subjectives, une déformation primitiviste des lignes, etc.) effectivement, fort séduisants, mais aussi des créateurs plus détachés de la référence au réel comme Lin Yuan par exemple ou le fameux Hung-Tung, né en 1920 et disparu en 1987.

Hung Tung, peinture reproduite dans le programme du Festival de l'Imaginaire 2010 à Paris.jpg
Image récupérée sur le site du Festival de l'Imaginaire, Maison des Cultures du Monde

      Voici qu'il nous revient, dans le cadre du Festival de l'Imaginaire patronné par la Maison des Cultures du Monde, à la Galerie Frédéric Moisan (sur laquelle j'ai déjà eu l'occasion de faire une note lorsqu'elle avait exposé le peintre d'ex-voto mexicain Alfredo Vilchis). C'est commencé depuis jeudi 11 mars et c'est prévu pour se terminer le 10 avril 2010. Il s'agit il est vrai avant tout d'une exposition de trois "artistes taïwanais contemporains" (Hung Tung, Hou Chun-Ming, et Mei Dean-E). Mais je ne choisis dans le cadre de ce blog qui s'intéresse avant tout à la création spontanée que d'évoquer la figure de Hung Tung, créateur "brut", homme d'extraction humble, aux parents disparus alors qu'il était encore enfant, et qui fut une bonne partie de sa vie un pauvre paysan. Le taoïsme eut une grosse influence sur la formation de son caractère, nous renseigne la notice que l'on trouve dans le catalogue des "17 Naïfs de Taïwan" (édité par le musée d'art moderne de Taipei ; j'emprunte quelques photos à ce catalogue en espérant qu'on me pardonnera du côté de Taipei, c'est pour la bonne cause).Hung Tung, titre inconnu, encre, 102x34 cm, ph. Lin Chung-Hsing, musée d'art moderne de Taipei, Expo 17 Naïfs de Taïwan, 1998.jpg Le village où habitait notre héros possédait un temple renommé fréquenté par de nombreux fidèles. Hung-Tung fut enrôlé dans ce temple comme médium chargé de transcrire les paroles des dieux par le papier et l'encre, paroles interprétées ensuite par les moines. Tout à coup, à 50 ans pile, notre médium décide de cesser de pourvoir à l'entretien de sa famille (une femme et cinq enfants) pour se consacrer à une pulsion graphique et picturale irrépressible qui va l'occuper toute sa vie jour et nuit désormais. Il semble qu'il voulut montrer ses oeuvres dans un premier temps, allant jusqu'à les exposer dans la rue.Hung-Tung, Idem, ph. Lin Chung-Hsing, mus d'art moderne de Taipei.jpg après avoir d'abord essuyé des rebuffades, notamment de la part des milieux artistiques conventionnels (un peu comme dans le cas de ce qui se passe vis-à-vis de l'art brut au Japon dans les milieux intellectuels et esthètes), il est remarqué par un journaliste qui le fait connaître à Taipei la capitale. Il est exposé au centre d'information américain dans cette ville (en 1976), puis dans un grand magasin. Mais après cette date, il décide de s'enfermer dans sa maison, comme las de ses démarches pour la reconnaissance, ou tout simplement las des autres... Il rejette les visiteurs, même ceux qui veulent lui acheter ses peintures. Sa femme, son seul soutien matériel, décède en 1986. On le retrouve au début de 1987, mort dans son atelier, vingt-quatre heures après qu'il a rendu son dernier soupir.

Hung-Tung, tire inconnu, 122x69cm, ph Lin Chung-Hsing, mus. d'art moderne de Taipei.jpg
Hung Tung, titre inconnu, encre de couleur, 122x69cm, ph. Lin Chung-Hsing, mus. d'art moderne de Taipei

      Hung-Tung n'a donc jamais suivi de cours artistiques. Il semble que son inspiration et ses stimulations à dessiner soient à rechercher du côté de ses fonctions de médium au temple de son village. Cela le relie aux profils sociologiques de plusieurs créateurs de l'art brut occidental. Son comportement vis-à-vis du monde de l'art, son renfermement, le style de ses oeuvres, qui paraissent empreintes de références aux légendes populaires et à la culture religieuse taoïste (je pense notamment devant ses peintures aux silhouettes découpées dans le cuir du théâtre d'ombres chinois), ses imitations de l'écriture chinoise qu'il ne savait pas écrire, la traitant comme si elle était revenue à sa seule apparence de dessin, de signe cabalistique, tout cela le distingue grandement des deux autres artistes taïwanais qui sont ici exposés avec lui. Cela le distingue, et ne l'amoindrit pas, tout au contraire! Il est simplement autre. Ailleurs. Avec ce type de créateurs, nous rencontrons une autre pratique de l'art, profondément immergée dans la vie quotidienne, vécue tellement immédiatement qu'il n'y a plus aucun temps de disponible pour sa sa médiatisation. Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer sur ce blog des cas comparables, je pense ainsi sur le moment au "photographe" Miroslav Tichy. C'est sans doute ce total investissement intellectuel et physique qui garantit à de telles oeuvres cet impact esthétique d'une grande intensité stylisée.

Merci à Remy Ricordeau qui m'a signalé l'expo

Et à propos de Hung Tung, lisez cette note supplémentaire que m'a envoyée le même Remy Ricordeau:

            "Concernant son expression graphique, il est à noter une autre inspiration qui n'a certes pas été relevée mais que je crois réelle, même si Hung Tung lui-même ne l'a pas revendiquée (mais en général les artistes bruts ne revendiquent rien quant à leur inspiration): la proximité de couleurs vives (avec dominante de rouge) de beaucoup de ses tableaux ainsi que celle de la forme des visages qu'il peint ou dessine, avec les représentations de l'art aborigène taïwanais me semble frappante (particulièrement avec les bas-reliefs sur bois ou les tissages).

Robedechamanpaiwanvers89.jpg
Chamane aborigène païwan avec le collectionneur Hsu Ying-Chou, extrait du catalogue de l'exposition de la Maison des Cultures du Monde "Sculptures sur bois Païwan, art des aborigènes de Taïwan" (Paris, 1989) ; le vêtement de la chamane a effectivement un rapport avec les dessins de Hung Tung...

            Si Hung Tung n'était pas lui-même d'origine aborigène, il vivait dans un village près de Tainan (au centre/sud de l'ile) où vivent plusieurs communautés aborigènes différentes. Dans cette région, les populations sont mélangées au sein des villages et il ne pouvait donc que connaître ou au moins avoir vu plusieurs représentations de cet art populaire à connotation tribale et religieuse (en général représentation des esprits). Ma remarque est bien sûr une hypothèse, mais compte tenu du fait qu'à l'époque où Hung Tung a été remarqué, l'art aborigène était encore l'objet de beaucoup de mépris de la part de la plupart des Taïwanais (ce qui a changé depuis pour des raisons qu'il serait trop long d'exposer ici), cette "filiation", je pense, a été passée sous silence et maintenue par paresse ou conformisme jusqu'à maintenant.

PanneausculptéPaiwan.jpg
Panneau sculpté mural païwan, village de Kuabar, extrait du même catalogue que cité ci-dessus

            Mon amie taïwanaise qui s'intéresse à l'art brut formosan, me dit par ailleurs qu'aujourd'hui la plupart des créateurs contemporains sont des aborigènes (ou métis) qui se sont émancipés de l'inspiration spirituelle d'origine de leurs ancêtres pour représenter des scènes de la vie  quotidienne ou en rapport plus ou moins direct avec l'actualité. Leur style reste cependant très influencé par leur milieu culturel d'origine. Il y a là tout un univers à découvrir..."

 (Remy Ricordeau)

PS: Cette évolution de l'inspiration des aborigènes formosans, s'affranchissant de leur inspiration spirituelle pour aller vers des contenus plus contemporains, profanes, est à mettre en rapport avec l'évolution de l'art des aborigènes australiens.

17/03/2010

Sanfourche, fin de partie

       Jean-Joseph Sanfourche, le disciple de Chaissac, l'émule de Dubuffet, dont j'appréciais l'oeuvre fort modestement en ce qui me concerne (ce qui explique que je m'étendrai pas sur le sujet, d'autres ne manqueront pas de le faire), est décédé samedi 13 mars dernier. Ses obsèques ont lieu ce mercredi 17. Paix à ses cendres et condoléances à ses proches. Une page de l'art singulier, de la "neuve invention" et de la création franche se tourne.

JJ-Sanfourche,-personnage-e.jpg
Une oeuvre de Sanfourche pas vilaine exposée dans la Maison-Folie de Wazemmes en 2009, expo "Sur le fil"


Une petite vidéo sur FR3 

14/03/2010

Une vie dans les plis, le cas Clelia Marchi

     Récupérée je ne sais plus où (les balades sur Internet brouillent la mémoire, tous les carrefours sont faits de références, mots, images qui se recouvrent et s'effacent dans leur sources), l'information du drap de Clelia Marchi m'est parvenue un jour. Il y a bien sûr un article en italien sur Wikipédia que je me suis traduit. Mais comment ai-je découvert son existence? Je ne sais plus. Je possède un entrefilet sur elle, découpé dans un magazine spécialisé pour les retraités, Notre Temps, qui a dû être publié vers 1995...

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Clelia Marchi devant son autobiographie sur drap, ph. inconnu, DR

     Il était une fois une paysanne italienne qui vécut toute sa vie de misère à Poggio Rusco en Toscane, non loin de Bologne, Venise (née en 1912, elle mourut à 94 ans en 2006)... Elle eut un mari, Anteo, et sept fils dont quatre moururent en bas-âge. Son époux lui aussi disparut prématurément, à la suite d'un accident. C'est après ce drame, en 1982, que Clelia décida de raconter sa vie de rude travail, de souffrance mais aussi d'amour sur un drap de 2 mètres sur 3, car il lui en restait de trop après la mort de son mari, disait-elle. Ce fut le support insolite de ce qui devint petit à petit, couverte de lignes serrées et minuscules, écrites en certains endroits à l'encre rouge, l'autobiographie d'une prolétaire moderne. Ces lignes font deux mètres de long, et une frise de poèmes orne le bas de ce drap devenu célèbre en Italie. Surtout depuis que la Fondation Mondadori décida de publier l'écrit en 1992 sous le titre "Gnanca na busia" (ce qui pourrait semble-t-il se traduire par Sans mentir). L'ouvrage obtint un franc succès, connaissant plusieurs réimpressions. Suite à l'intervention du maire de Poggio Rusco, que Clelia avait sollicité en 1985, le drap fut déposé aux archives nationales du journal intime de Pieve San Stefano qui sont situées à Arezzo (en France aussi il existe un centre de documentation qui se consacre à archiver ce même genre d'écrit, des autobiographies ; Philippe Lejeune en est il me semble l'un des fondateurs - sinon l'unique fondateur...). Ces archives, véritable "banque de la mémoire" selon Saverio Tutino, leur fondateur, conservent près de 2000 manuscrits autobiographiques, certains vieux d'une centaine d'années.

Clelia March lenzuolo.jpg
Le drap exposé aux archives nationales du journal intime à Pieve San Stefano

    Au fond, écrire sur un drap quoi de plus naturel, et de plus inspirant aussi? Ils nous enveloppent contre le froid, nous servent parfois de linceul après avoir accueilli notre repos, nos songes, nos cauchemars et nos amours. Combien d'heures passons-nous entre eux? Il n'est que trop juste qu'ils recueillent aussi un jour nos confessions...

Portrait présumé de Hung Tung?

Objet sculpté dans une variété de noix, auteur inconnu, date inconnue, coll. et ph. Bruno Montpied.jpg

    Cela fait quelque temps que je possède cette tête insolite, rigolarde, bienveillante, sculptée dans une variété de noix (très légère) que je ne parviens pas à identifier, son sourire découvrant des gencives noircies qui paraissent plutôt mal en point. Je l'appelle à part moi "Le Chinois". C'est une sorte de coolie détendu, alors que normalement il n'y a vraiment pas de quoi chez les portefaix. Un portrait présumé de Hung Tung? 

09/03/2010

Quel titre lui donneriez-vous?

    Je lui ai donné un titre bien sûr, au dos. Mais vous, qu'auriez-vous écrit?

Bruno Montpied, galet peint à l'encre,2003.jpg
Bruno Montpied, galet peint à l'encre, 2003
      Et spéciale dédicace à Cosmo Hélectra, voici une autre image bien double, plus parfaite que la mienne certes, qui figure en frontispice (sans crédit il me semble) dans le catalogue de l'expo de Düsseldorf "The endless enigma" (2003 ; voir commentaires ci-dessous):
Endless enigma, double image.jpg

05/03/2010

Fantaisie forgée rue Durantin prolongée

     Curieuse intervention créative qui a dû nécessiter un temps considérable pour être confectionnée puis ensuite disposée sur ces fenêtres en rez-de-chaussée, dans cette rue de Montmartre au nom cocasse, la rue Durantin prolongée... (Comme si on avait manqué d'imagination pour trouver un autre nom à cette voie qui ne ressemble du coup qu'à une excroissance méprisable).

Anonyme, fers forgés fantaisie,Rue Durantin prolongée, Paris 18e ardt,ph.Bruno Montpied, 2002.jpg
Photo Bruno Montpied, 2002

      C'est plutôt rare à Paris les décors originaux, faits en matériaux de récupération en l'espèce, et placés en plein air, au vu et au su des passants. Sans doute parce que les règles d'ornementation sont contraignantes dans les grandes villes et que peu osent s'en affranchir. Ici, la rue est maigrement fréquentée, malgré sa fonction de raccourci commode dans Montmartre. Cela a dû contribuer à l'audace du créateur qui a composé ces arabesques de fers tordus et soudés où l'on reconnaît entre autres dans le labyrinthe des lignes un plateau de dérailleur de bicyclette. Tout prés se tenait aussi (rue Durantin - non prolongée), à la même époque, l'atelier d'un sculpteur-assembleur connu des amateurs d'art singulier et qui se nomme Gilbert Peyre. Une enseigne en tôles peintes et sculptées, due à Peyre, au style voulu de guingois, représentant un moulin où s'agitait un automate au visage rigolard (la rue mène au moulin de la Galette que l'on aperçoit plus haut), donnait déjà l'exemple au coin de la rue Durantin prolongée et de la rue Tholozé (la rue du cinéma le Studio 28, où eut lieu le scandale de L'âge d'or de Bunuel). Le coin a ainsi l'aspect d'un bout de terrain libéré par les créateurs singuliers de plein vent parisien.

Gilbert Peyre, enseigne au petit moulin,rue tholzé, Paris 18e ardt, ph Bruno Montpied, 2002.jpg
Enseigne du restaurant Au petit Moulin créée par Gilbert Peyre, rue Tholozé, ph. BM, 2002

 

 

03/03/2010

Ataa Oko et Frédéric Bruly-Bouabré, deux créateurs africains à la collection de l'art brut à Lausanne

       La Collection de l'Art Brut de Lausanne, qui était fermée depuis quatre mois suite à des dégâts des eaux, réouvre ses portes le 5 mars prochain avec une exposition qui fera date dans l'histoire de la collection. Elle accueille deux créateurs africains, Frédéric Bruly-Bouabré tout d'abord, déjà bien connu (cet ancien collaborateur de Théodore Monod fut montré notamment à la grande exposition du Centre Georges Pompidou et de la Grande Halle de la Villette en 1989 Les Magiciens de la Terre ; vous savez, cette expo où Jean-Hubert Martin s'illustra en affirmant qu'il ne voyait aucun singulier primitiviste en occident, à part Chomo, pour être mis en parallèle avec les créateurs du tiers-monde qu'il voulait présenter à Paris, c'était dire l'étendue de son savoir...), ce qui fera que je ne m'étendrai pas à son sujet (même si ses oeuvres sont absolument séduisantes) et un autre créateur qui, lui, est beaucoup moins notoire, Ataa Oko Addo.

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Ataa Oko (au milieu) avec Kudjo Affutu (à gauche) et son fils Kofi (à droite), devant un cercueil-coq commandé à Oko par Regula Tschumi pour une exposition, 2009, ph. R.Tschumi

      Ataa, ça veut dire "grand-père" au Ghana, dans l'ethnie Ga dont fait partie cet étonnant nonagénaire toujours actif aujourd'hui (Oko signifie "jumeau", il eut une soeur jumelle qui mourut peu après la naissance). Cette fameuse ethnie s'est rendue célèbre auprès des amateurs d'art populaire africain contemporain par la confection de ces cercueils imagés (fèves de cacao, effigies de policiers, mercédès-benz, lion, oignons, etc) dédiés aux grands personnages que l'on veut enterrer pour se concilier leurs faveurs (voir ma note précédente sur le sujet). Certains de ces cercueils, qui intéressent maintenant les collectionneurs, ont été montrés dans des grandes manifestations (ceux de Kane Kwei furent présentés aux Magiciens de la Terre).

      Son histoire et son destin sont hors du commun sur le plan de l'histoire des arts populaires en Afrique (et ailleurs). D'après l'ethnologue suisse Regula Tschumi (qui fut hôtesse de l'air avant de choisir cet autre métier), qui étudie les coutumes religieuses des Ga, c'est Ataa Oko qui aurait créé le premier cercueil sculpté en 1945, à l'effigie d'un crocodile. Mais elle ne fournit pas de preuve photographique du fait (puisque les cercueils que les menuisiers ont sculptés avec soin, telles de véritables oeuvres d'art, sont enterrés avec les défunts à l'intérieur, disparaissant donc sous la terre, où, nous dit Philippe Lespinasse dans son documentaire Ghana, sépultures sur mesures (1), ils sont rapidement dévorés par les termites).

 

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       Dans le catalogue qu'édite la Collection de l'Art Brut en collaboration avec l'éditeur suisse Infolio, elle ne montre qu'une photo datant de 1960 (où l'on voit Oko ave sa femme posant devant un cercueil en forme de cargo). L'ethnologue se base sur le témoignage du dit Ataa Oko et le recoupe avec les témoignages d'autres personnes qui confirment que Oko construisait bien des cercueils sculptés, et qu'il encouragea Kane Kwei à en faire à son tour, ce même Kane Kwei qui a été présenté internationalement comme le fondateur de cette tradition (il ne fit rien pour démentir la rumeur). L'idée vient alors à Regula Tschumi de demander à Ataa Oko de lui dessiner ses cercueils de 1945-1948, histoire de voir à quoi ils pouvaient bien ressembler...

Ataa Oko,dessin sans titre (deux esprits), collection de l'art brut, Lausanne.jpg
Ataa Oko, sans titre, dessin à la mine de plomb et crayons de couleur, 26 octobre 2008, 29,7x42 cm, Collection de l'Art Brut, Lausanne

     Elle apporte des blocs de papier à dessin, des crayons de couleur et Ataa Oko se prête de bonne grâce au jeu. Il commence à dessiner prudemment, sans appuyer, les formes des cercueils qu'il a confectionnés après 1945. Puis petit à petit, il se pique au jeu, il s'enhardit, prend confiance, et de dessin en dessin se lance à corps perdu dans son imaginaire délaissant les représentations imitatives du début (qui durèrent de 2004 à 2005, les années de début de cette production graphique). Ce sont ces dessins aux crayons de couleur, où se donne libre cours l'imagination de l'auteur, quoiqu'avec des références à l'animisme Ga, qui ont intéressé la Collection de l'Art Brut qui en possède désormais une bonne sélection semble-t-il, si l'on se rapporte aux oeuvres illustrant le charmant catalogue d'exposition. Le reste est dans les mains de Regula Tschumi qui a acheté régulièrement, au fur et à mesure qu'elle était produite, toute la production d'Ataa Oko. Ce qui est unique dans l'histoire des oeuvres d'art brut sur lesquelles on ne possède généralement pas de renseignements par exemple d'ordre chronologique. Lucienne Peiry précise au début du catalogue: "C'est ainsi que 2500 dessins ont vu le jour en six ans (2003-2009)". On voit là une oeuvre rangée dans le corpus de l'art brut en train de se faire quasiment sous nos yeux, ce qui est un fait nouveau.

 

Ataa Oko, sans titre, ph Amélie Blanc, Collection de l'art brut,Lausanne.jpg
Ataa Oko, sans titre, 2008, crayon de couleur et mine de plomb sur papier, 21x29,7cm, photo Amélie Blanc, Collection de l'Art Brut, Lausanne

      Autre fait étonnant et rare, on se confronte avec cet Ataa Oko à un autre phénomène qui m'apparaît unique. C'est un créateur qui est à l'origine à la fois d'une tradition de sculpture funéraire populaire et, par la suite - soixante ans après, excusez du peu! - aussi, d'une nouvelle expression individualiste populaire, dite "brute". C'est Dieu, ce type-là.   

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(1) Ce film a été édité en DVD chez Grand Angle Productions. Grand Angle Distribution, 14 rue des Périchaux, 75015 Paris. +33 1 45 359 258. n.labid@grandangle.com et www.grandangledistribution.com. Philippe Lespinasse livre aussi un texte de témoignage sur Ataa Oko dans le catalogue de l'exposition. Cette dernière se tient à Lausanne du 5 mars au 22 août 2010 (en parallèle avec Bruly-Bouabré): www.artbrut.ch

Cercueil sculpté en forme de policier au Ghana,film de Philippe Lespinasse, Grand Angle Productions, 2009.jpg
Une image tirée du film de Philippe Lespinasse, un cercueil en forme de pandore, avec vrai policier mort à l'intérieur...