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30/12/2013

Cabane tatouée en Louisiane et délires de persécution en France

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"Voici une photo provenant d'un vinyle de musique cajun. Il n'y a aucune explication sur la chose mais on peut supposer que cette construction se trouve (si elle a tenu le coup) en Louisiane..." (Darnish)

 

    A verser donc au dossier des architectures tatouées d'inscriptions de persécutés et autres paranos aux hantises justifiées ou non. et en particulier à rapprocher par exemple des images ci-dessous faites par moi en 2006 d'après les inscriptions d'un parano dans le Limousin qui les traçait à tous les endroits de sa propriété où il voyait les preuves d'un vandalisme orchestré par une "cabale" menée contre lui de façon systématique (merci à François L. et Isabelle D. qui m'avaient fait découvrir ce lieu). Il qualifiait dans des inscriptions enflammées ces ennemis, probablement largement fantasmés (je n'ai pas pu –ni eu envie de...!– démêler le pourquoi du comment de cette affaire), de "bandes noires de son village", "d'assassins de la Seine-et-Marne" (pourtant tout cela se passait dans les Monts d'Ambazac loin de la région parisienne...), de "pègre", de "peste brune", de "chimistes de Pol Pot", de "terroristes", toutes engeances qui cherchaient selon lui à anéantir ses constructions et à le persécuter.

 

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Inscriptions sur des feuilles de papier placées derrière des vitres, où sont soulignées en rouge les brisures faites, selon l'auteur, volontairement sur ses fenêtres,  ph. Bruno Montpied, 2006

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Acide chlorhydrique"..."Banditisme pur et dur"... "Matraquage, peinture"..., "Pour ceux qui veulent voir seulement"..., ph. BM, 2006


27/12/2013

L'art pur de Christopher Simmons

     J'ai précédemment évoqué fort succinctement la figure et l’œuvre secrète d'un certain Christopher Simmons, totalement inconnue dans le monde extérieur à l'Australie où elle fut (et est encore?) produite à la fin des années 70 de l'autre siècle.


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Christopher Simmons, Autoportrait avec coupe en brosse (autres inscriptions: "Plus d'une larme doit couler mais cela fait partie du jeu", "un verre de vin rouge"), 22 x 22 cm environ, 1980 "A.D. or B.C." ("Après Jésus-Christ ou avant Jésus-Christ", que voulait signifier Simmons par là? L'intemporalité de ses saynètes?), ph. Bruno Montpied


      Alain Dettinger, l'excellent galeriste de la place Gailleton à Lyon dont je ne manque jamais de dire le plus grand bien tant il est un chercheur sans cesse à la recherche de nouveaux talents, était tombé sur lui et l'avait connu entre 1979 et 1982, en Australie donc, où il résidait. L'homme dessinait à l'époque (en particulier ? Ou exclusivement?) sur des serviettes en papier, fragiles supports peut-être en lien avec le sentiment de fragilité que ressentait l'auteur lui-même par rapport à son activité de dessinateur (voire plus)? Ces serviettes étant empruntées aux restaurants où il déjeunait.

 

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Christopher Simmons, sans titre, sans date, Galerie Dettinger-Mayer, ph.BM

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Christopher Simmons, sans titre, "1979 AD or BC", Galerie Dettinger-Mayer, ph. BM


    Dettinger a conservé quelques-uns de ces dessins qui étaient récemment exposés à l'Ecole Nationale Supérieure de Lyon, prêtés par ses bons soins. Tous montrent un personnage masculin principalement, entouré de divers motifs ornementaux, tracés au stylo (semble-t-il) noir mais aussi souvent avec quelque couleurs, toujours les mêmes, des bleus des rouges et des verts, parfois du rose. Ces motifs permettent de remplir le fond du dessin, suppléant la couleur qui n'a pas été employée pour l'occasion.

 

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Christopher Simmons, Small man with Big Head (Petit homme avec une grosse tête), "1980 AD or BC", Galerie Dettinger-Mayer, ph.BM


         Ce personnage se tient la plupart du temps les bras croisés sur sa poitrine, dans une attitude voisine de celle dans laquelle sont représentés les pharaons égyptiens, les cheveux hérissés et séparés un par un sur le crâne, "en brosse" comme le décrit un "autoportrait" avoué, autoportrait qui pourrait bien être répété dans tous les autres personnages solitaires malgré l'absence d'explicitation. C'est un style de dessin très simple en vérité, mais qui retient le regard, et ne lasse pas à la longue, ce serait plutôt le contraire même... Je m'en suis convaincu en en acquérant un, qui apparemment dans ce cas n'est plus un autoportrait, mais le portrait d'un "Martien" (ou d'un commissaire de police?).

 

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Christopher Simmons, Small friendly martian, or small friendly marshal (Petit Martien amical ou petit (commissaire?) amical), 1980 "AD or BC", coll. et ph. BM

     Comme on le voit ci-dessus, le dessinateur se délectait à trouver des motifs décoratifs variés, ici des sortes de roses des vents entourées de guirlandes bouclées coloriées, et des formes d'éclairs en zig-zag. Des croix, des sortes de serpentins, des étoiles, des croix dans des cercles, des points, des grilles, des points d'interrogations, des lignes sinueuses, des formes fermées non identifiables reviennent régulièrement, semblant jouer comme une partition et une danse autour des personnages se tenant assez paisibles et plutôt souriants en général.

 

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Christopher Simmons, The Tap (le Robinet), Karl Marx, Agamennon and The Sphinx, 1979 "AD or BC", Galerie Dettinger-Mayer, ph. BM ; ce dessin qui montre une image apparemment simple, un homme qui ouvre un robinet et fait couler de l'eau, devient très mystérieux dès que l'on lit l'inscription qui parle de Marx, d'Agamemnon et d'un Sphinx

    Il reste une photo de ce créateur mystérieux prise au début de ces mêmes années 80, dans un restaurant, où on le voit attablé et un stylo apparemment en main en train de s'apprêter à dessiner sur une feuille placée en dessous de lui. L’œil est malicieux, il est jeune, porte moustache et barbiche, et il est roux. Alain Dettinger m'a confié que son œuvre avait peut-être été signalée à l'époque à la collection de l'Art Brut du vivant encore de Dubuffet, ce dernier cherchant partout des créations qui auraient pu alimenter son corpus, y compris en Australie. La Collection de Lausanne a-t-elle conservé des dessins de Simmons, à voir... Il semblerait en tout cas que notre héros soit toujours de ce monde, et qu'il soit interné actuellement dans un hôpital à Sydney. Une galerie "d'art brut", le studio 79 Balmain, à Sydney encore, exposa longtemps ses œuvres...

 

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Christopher Simmons, Forever or infinity (A jamais ou l'infini) et MAN AND BOLT OF LIGHTNING (Homme avec éclair), 1980 "AD or BC", Galerie Dettinger-Mayer, ph.BM

 

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Photo de Christopher Simmons, auteur inconnu, fin des années 70, typique de la photo pouvant servir à mythifier, n'est-ce pas?

24/12/2013

Séminaire Processus créatifs à l'INHA à propos de la Passerelle avec Reutimann et Montpied

    "Nous avons le plaisir de vous inviter à une séance exceptionnelle du séminaire « Processus Créatifs », que nous organisons à l’Université Paris 1- Panthéon-Sorbonne pour l’année universitaire 2013-2014.

     Nous vous donnons rendez-vous samedi 11 janvier 2014, de 11 heures à 13 heures en salle Jullian de l'INHA (2, rue Vivienne, Paris), où nous avons le plaisir d'accueillir Romuald Reutimann, chargé de l'atelier de la Passerelle à Cherbourg à destination d'adultes en situation de handicap psychique, et Bruno Montpied, auteur du blog « Le poignard subtil », pour une réflexion sur « La création dans le cadre des ateliers médico-pédagogiques »." (Emilie Bouvard et Hugo Daniel).

 

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Hervé Blétel, Dictée, Atelier La Passerelle, Cherbourg, ph. R. Reutimann


     Ça fait un peu laconique tel que je le présente là, mais cette rencontre, initiée par deux chercheurs en art contemporain (dont l'une, Emilie Bouvard, a déjà fait parler d'elle sur ce blog avec l'organisation de l'exposition De la lenteur avant toute chose à la galerie ABCD) qui aura lieu l'année prochaine, dans une quinzaine de jours en fait, cherche à provoquer un questionnement sur les conditions de production de l'art des handicapés et à voir entre autres, si par hasard il s'agit bien d'un art qui pourrait être rangé dans l'art brut qui, a priori, au rebours de l'art d'atelier, se passe de tout médiateur/incitateur à créer, car l'art brut est un art fort intériorisé, se déployant hors "communication", ou du moins hors médiatisation (au départ, parce qu'aujourd'hui que le marché commence à vouloir s'en emparer, on en parle tant et plus). J'espère que l'on en profitera pour montrer quelques images des productions du fameux atelier de La Passerelle dont j'ai déjà plusieurs fois parlé ici.

 

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Yann Dorval, sans titre, février 2011, coll et ph. Bruno Montpied



 

23/12/2013

Le Rêve de Makar

     Tenez, voici la couverture d'une nouvelle de l'écrivain russe Vladimir Korolenko que j'ai illustrée. C'est une première pour moi, et j'en reste fort surpris. Je dois cette initiative à l'éditeur-écrivain de la Librairie la Brèche (maison d'éditions basée à Vichy dans l'Allier), Joël Cornuault, qui a trouvé un rapport entre l'univers de cette nouvelle, par moments fort visionnaire, et l'univers de mes dessins. Pourquoi pas? Et donc j'ai fourni des dessins en me basant sur de pures intuitions, une dizaine peut-être et au final c'est le petit échevelé de cette couverture, magnifiquement imprimé je dois dire, qui a été adoubé. Il provient d'un petit carnet où en de tous petits formats (8,5 x 9 cm) j'avais enserré diverses expériences graphiques en 2001. Généralement, le regard se desserre dans ce genre de production, l'inconscient n'est plus autant surveillé, car peu destiné a priori à partir s'exposer dans le monde extérieur (je n'avais pas songé en dessinant dans ce carnet à une utilisation comme illustration dans un livre). Ils n'en deviennent que plus libres, "échevelés" en somme, mais d'une autre manière... C'est tout à l'honneur de Joël Cornuault d'avoir osé demander ce genre d'image à un gars comme moi qui ne suis pas du tout illustrateur de métier à la base, mais plutôt un imagier qui œuvre avant tout pour lui-même.

 

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    "Comment cela s'était fait, il ne l'avait pas remarqué. Il savait que quelque chose devait sortir de lui, et il attendait que cela sortît de lui d'un instant à l'autre... Mais rien ne sortait...

     Pourtant il se rendait bien compte de son état: il était mort. Aussi, restait-il sans mouvement, calme. Il demeura longtemps couché de la sorte, si longtemps qu'il finit par s'ennuyer.

      Il faisait complètement noir quand Makar sentit tout à coup quelqu'un le heurter du pied. Il tourna la tête, souleva ses paupières..."

     (Extrait de Vladimir Korolenko, Le Rêve de Makar)


18/12/2013

Charles Daucin, l'art souterrain

   Il y a quelques années, au début des années 2000, plusieurs amis et relations avaient attiré mon attention par leurs témoignages de rencontre avec un clochard qui hantait un certain couloir de correspondance à la station Montparnasse, entre les lignes 6 (Nation-Etoile par Denfert-Rochereau) et 13 (St-Denis-Châtillon-Montrouge). Ces témoignages campaient un clochard dessinateur qui vendait à l'occasion ses petites productions aux (apparemment rares) passants intéressés. Le fanzine Zon'Art de Denis Lavaud avait publié trois pages illustrées de quatre dessins qu'accompagnait un texte d'"Eric G." dans son n°8 (automne-hiver 2002-2003). Un dessinateur mendiant dans le métro parisien, je trouvais ça extrêmement rare -et je dois dire que cela fait des années que je me demande pourquoi on n'en rencontre pas plus étant donné que cela pourrait représenter une possible source de revenus pour ces personnes en difficulté, tout aussi valable que le fait de faire de la musique, forme d'expression ultra majoritaire dans le métro au contraire.

 

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Charles Daucin, alias "Charlemagne", un couple et leur fille, un avion, une barque parachutée, des soleils partout..., 2002, coll. Musée du Veinazés (dans la Châtaigneraie cantalienne) ; à noter que la photo ne montre pas le dessin complètement, à gauche il y a vraisemblablement une bande violette qui entoure les saynètes centrales, constituant le cadre par lequel le dessinateur semblait toujours commencer son dessin

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Charles Daucin, alias "Charlemagne", couple de part et  d'autre d'une voiture, maison, 2001


     Charles Daucin était le nom que donnait Eric G. dans Zon'Art. Ce dernier décrivait les dessins qu'il présentait comme étant "toujours vendus par 4". Cela semblait être des sortes de séries, représentant la plupart du temps sur deux niveaux les mêmes saynètes, des membres d'une famille se tenant la main, faisant la fête ("les verres n'étant jamais vides", fantasme indépassable du clochard), des véhicules, des arbres, des maisons, des intérieurs d'appartements avec postes de télévision (voir ci-dessus et ci-dessous des exemples).


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Charles Daucin dit "Charlemagne", la maison idéale avec poste de télé, les verres jamais vides, le couple faisant la fête... 2002, coll. Musée du Veinazès

 

     Je partis à la recherche de cet homme mais ne le rencontrai jamais, le divin hasard ne voulant pas me favoriser pour ce cas. Mais je ne l'oubliai pas. Le hasard me permit seulement, récemment (2013), les voies de ce dernier étant décidément impénétrables, de tomber sur Bernard Coste et son camarade Jean-Pierre, qui animent dans le Cantal le musée du Veinazès (Emmanuel Boussuge nous en a déjà entretenu si vous vous en souvenez) et passent aussi souvent par Paris. Ils avaient eux aussi dans ces mêmes années 2001-2002 rencontré le fameux Charles Daucin qui signait "malicieusement", écrit Bernard Coste, ses dessins "Charlemagne" (c'est le genre de blague en faveur chez les gueux qui se fabriquent aisément des titres bouffons en rapport avec des royautés imaginaires, inversées..., cela va parfois jusqu'à la sculpture de trônes). D'après les souvenirs de Bernard Coste, ce M.Daucin vendait ses dessins cette fois par  6 et plus par 4 comme à Eric G. Peut-être voulait-il plus rapidement s'en débarrasser. Il lui arrivait apparemment aussi de travailler d'après des commandes et des modèles (des reproductions de tableaux, Munch, une Madone...). Il semble qu'au-delà de 2002, on ne trouve plus de témoignage de la présence de Charles Daucin dans les couloirs du métro à Montparnasse. Sa présence paraît attestée seulement entre 1999 (Eric G.) et juin 2002 (Bernard Coste). Les dessins que je reproduis ci-dessus et ci-dessous (un dessin au sujet plus rare) appartiennent tous à la série de douze dessins acquis par Bernard Coste pour le musée du Veinazès (qu'il en soit donc chaudement remercié ici). Si des lecteurs avaient des informations complémentaires à apporter sur notre héros, qu'ils n'hésitent pas à nous faire part de leurs témoignages.

 

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Charles Daucin, dit "Charlemagne", personnage seul (un fumeur), 2002, coll. Musée du Veinazès

 

Musée du Veinazès, Lacaze, 15120, Lacapelle del Fraisse (entre Aurillac et Montsalvy), tél. : 04 71 62 56 93 - 04 71 49 25 81. Le musée se visite en été tous les après-midis. Ajoutons que ces dessins de Charles Daucin ne sont pas actuellement accrochés dans les collections visibles du public.


14/12/2013

Rafiot dans le raffut, Albarracin pensait sans le savoir à Jean Branciard

 

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Jean Branciard, la Grande Limule (crabe des Moluques), 2009, ph. Bruno Montpied


    "Regardez comme le papillon roule et tangue sur les très réels et enivrants flots du néant, il a l'air d'un rafiot dans le silencieux raffut."

(Laurent Albarracin, Le Ruisseau, l’éclair, Rougerie, 2013).

11/12/2013

Darnish débarque à Paris

    J'ai eu l'occasion de vous parler de l'ami Darnish, un artiste rennais qui me paraît inventif. Il est attentif qui plus est à la créativité autour de lui, même si elle se trouve dans des recoins peu observés, que ce soit dans les parenthèses oubliées d'Essaouira ou au fond des bois de Bretagne.

 

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Quatre oeuvres diverses du sieur Darnish, ph. Samantha Richard, 2013


    Le voici qui s'en vient pour une exposition à Paris à la Galerie 17, tenue et animée par les animateurs du foyer d'édition Venus d'Ailleurs de Yohan-Armand Gil et autres, loin de Nîmes leur port d'attache, à Montmartre cette fois, tout près de la rue Lepic (et située entre l'ancien appartement de Ghérasim Luca d'une part et celui de Jacques Prévert d'autre part). Il présentera dans cette petite galerie des collages et des assemblages. Le vernissage c'est ce vendredi 13, à partir de 17h. Ça va sûrement lui porter bonheur.

Exposition Darnish, du 13 décembre au 10 janvier 2013. Galerie 17, 17 rue Constance, Paris 18e. M°Blanche, ouv. le vendredi du vernissage de 17h à 21h. Puis sam. et dim. de 10h à 12h et 14h à 19h. Dans la semaine et autres jours, sur rendez-vous: 06 11 49 38 21. galerie.17@free.fr et http://galerie17.over-blog.fr

09/12/2013

La Fabuloserie a trente ans, exposition au musée Singer Polignac

     Pour les trente ans de la Fabuloserie, Déborah Couette, une des trois commissaires de l'exposition "Un Autre Regard, l'Art-Hors-les-Normes d'Alain Bourbonnais dans les murs de la collection Sainte-Anne" qui durera du 13 décembre 2013 au 16 février 2014, Déborah Couette, ainsi qu'Antoine Gentil, m'avaient récemment confié qu'on allait sortir des réserves de la fabuleuse collection de Dicy (c'est dans l'Yonne, pas loin de Joigny) un certain nombre de trésors cachés et donc peu connus. On allait voir ce qu'on allait voir... Voici en définitive la liste des créateurs qui seront exposés au musée Singer Polignac (qui se trouve dans l'enceinte de l'Hôpital Sainte-Anne dans le XIVe ardt à Paris) par nos trois commissaires (le troisième est Anne-Marie Dubois):

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     Les amateurs d'art brut fraîchement débarqués sur le sujet y trouveront sans doute leur miel, puisqu'on a semble-t-il songé à eux en ménageant quelques grands noms au sommaire, Aloïse, Scottie Wilson, Thérèse Bonnelalbay, Gaston Chaissac, Simone Le Carré Galimard, François Portrat, Pascal Verbena, Emile Ratier, Michel Nedjar, "Pépé" Vignes, Joseph Barbiero... tous ayant été exposés aux cimaises de la maison-musée, ou dans le parc unique en son genre consacré à des fragments d'environnements créés par des habitants-paysagistes imaginatifs, au fil des trente ans (et n'en ayant été que rarement décrochés). Mais peut-être que les commissaires  auront sélectionné quelques œuvres moins connues, gardées au secret ? Nous verrons bien.

 

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Thérèse Bonnelalbay, sans titre, encre sur papier, 24x32 cm, 1979, coll. BM


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A la Fabuloserie, la salle sous les combles, Albert Sallé, Pierre Petit, Emile Ratier, Pascal Verbena, etc., visuel dossier de presse "Un Autre Regard"

        J'attendais personnellement cependant un peu plus de folie dans cet accrochage d'"Un Autre Regard"... On a voulu au musée du Centre d'Etude de l'Expression du Musée Singer-Polignac ménager la chèvre et le chou, en choisissant d'organiser à la fois une expo anniversaire de la Fabuloserie et une expo de ses collections les moins souvent présentées. Ce qui a pour effet de décevoir un peu les connaisseurs de la Fabuloserie qui trouvaient justement qu'on n'avait que trop tendance à Dicy à ne pas suffisamment faire bouger les accrochages... Raconter l'histoire de la Fabuloserie et de son concepteur Alain Bourbonnais, architecte ayant mis son inventivité au service de la présentation la plus adéquate de ses collections d'art hors système des beaux-arts, cela n'a-t-il pas déjà été fait (Michel Ragon, Laurent Danchin)? Je pose la question, tout en reconnaissant par ailleurs qu'il n'y avait pas eu d'exposition des collections de la Fabuloserie à Paris depuis bien longtemps ce me semble. Et reconnaissons en plus que le Musée Singer Polignac lui au moins fait un réel effort pour défricher le champ de l'art brut en France, domaine que, dans une note précédente, je signalais délaissé par exemple dans les expos montées à la Halle Saint-Pierre depuis quelques années.

 

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Ce Janko Domsic est fort inhabituel, avec son dessin plaqué et surgissant de la photo, il justifierait à lui seul le projet annoncé de montrer des œuvres peu exposées à la Fabuloserie, visuel dossier de presse "Un Autre Regard"


       Par contre, extirper quelques pépites enfouies dans les réserves, voilà qui promettait davantage. Dans la liste citée ci-dessus, qu'est-ce qui serait donc vraiment original et inédit ? L'"anonyme" cité en premier, nous n'avons pas de précisions dans le dossier de presse à son sujet, ma curiosité s'aiguise. René Guivarch? Un créateur populaire breton que les catalogues montrent sans plus de développement il est vrai (il y avait une notice sur lui dans "les Singuliers de l'Art" en 78 à Paris, expo montée grâce aux nombreux prêts de l'Atelier Jacob, galerie qui a précédé la Fabuloserie, créée elle en 1983 ; la notice était en fait composée de fragments d'entretien avec lui qui confiait qu'"il n'aimait pas être commandé, qu'il n'aimait pas les patrons, qu'il se débrouillait seul...", un tel homme ne pouvait pas être foncièrement mauvais, donc bravo si on en apprend plus). Marianne Brodskis me paraît bien inconnue au bataillon, à découvrir... Gala Barbisan, une reproduction assez maigre, en noir et blanc, figurait dans le premier catalogue de la Fabuloserie (paru l'année même de l'ouverture au public de cette collection), donc on est heureux de s'instruire davantage, et de visu. Jacqueline Barthes, dit Jacqueline B., a été montrée via le premier catalogue, et n'est donc pas très connue non plus (car il y eut par la suite un deuxième catalogue, publié en 2001, qui ne reprenait pas forcément les mêmes créateurs, Jacqueline B. ne fut pas de ce deuxième catalogue par exemple). Le graveur de galets Jean Pous est lui plus notoire auprès de ceux qui suivaient les manifestations de l'Aracine dans les années 80-90. Il est aujourd'hui du reste représenté au LaM dans le département des habitats poétiques (voir ci-dessous). Mais il mérite certes qu'on lui consacre au moins un dossier.

 

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Deux galets gravés de Jean Pous au LaM, département de l'art brut, photo Bruno Montpied, 2010


      Michèle Burles et Jean Couchat font plus partie de ce que l'on appelle l'art singulier, des artistes marginaux qui ont pris exemple sur l'indépendance morale et esthétique des créateurs de l'art brut, et ce très tôt dans les années 70 (comme d'autres, fort nombreux à la Fabuloserie, Nedjar, Verbena, Marshall, Eckenberger, Monchâtre, Jano Pesset, Bourbonnais lui-même qui aimait s'entourer de ceux qu'il se reconnaissait pour des alter ego...). On parle bien moins de Burles et Couchat depuis plusieurs années. Il me semble que Michèle Burles avait fait une expo il y a quelques années chez Béatrice Soulié (me trompé-je?). On aurait pu joindre à ces deux-là un créateur qui mériterait une exposition à lui seul et qui a été grandement défendu par la Fabuloserie, à savoir Alain Genty, mais il n'a pas été retenu. Philippe Mahaut et Thomas Boixo sont eux inconnus, du moins de moi, mais je ne sais si pour le second cela vaut le coup de le faire connaître davantage ! C'est encore un de ces obsédés des architectures, et des véhicules, thèmes qui commencent depuis quelque temps à devenir des poncifs chez les nouveaux créateurs d'art brut qu'on nous présente venus d'un peu partout dans le monde (comme ces autres poncifs que sont certains gribouillages proposés en tant que tels comme des échos de l'art contemporain, afin de brouiller les cartes avec ce dernier...). Les visuels de ce Boixo proposés par le dossier de presse, un peu bouillasseux, ne sont à dire vrai pas très engageants...

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Jean Bordes, visuel du dossier de presse "Un Autre Regard"


     Jean Bordes (aussi appelé Jean de Ritoù) est un peu plus connu, du reste le dernier numéro de l'Œuf sauvage (n°11, 2012) a consacré un article (dû à Jano Pesset qui l'a découvert il y a déjà quelque temps) à ce créateur véritablement sauvage. Il sera cependant curieux de voir ce que l'on pourra nous en montrer. On annonce aussi Marcello Cammi. Ce créateur d'environnement étourdissant à Bordighera sur la Riviera italienne dans les années 80-90 (j'en ai déjà parlé sur ce blog), également peintre singulier et naïf, on le sait peu, avait, je crois, offert quelques sculptures à la Fabuloserie, sans doute par l'intermédiaire de l'épouse d'Alain Bourbonnais, Caroline, de passage dans son jardin en bordure du Rio Sasso (hypothèse...). On sait que cet environnement a été rasé après avoir été abîmé par une crue du fameux Rio. Très peu de statues semblent avoir été sauvées. Les quelques pièces qui sont à la Fabuloserie, nous en sommes donc fort curieux.

 

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Marcello Cammi et ses chiens en bordure du Rio Sasso, certaines de ses sculptures installées en berges autour de lui, dans les années 90, photographe inconnu (peut-être Raymond Dreux), archives BM


     Enfin, à la fin de cette liste, se trouve un créateur inconnu de moi, et je gage de beaucoup d'autres amateurs, désigné sous le vocable d'"Anonyme, dit Pierrot le Fou". Un dessin, apparemment exécuté dans les années 1930, sorte de planche de zoologie annotée comme un journal, fort naïvo-brut, est reproduit dans le dossier de presse, particulièrement intrigant. Rendez-vous donc le 12 décembre, au vernissage de cet "Autre Regard".

 

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Anonyme, dit Pierrot le fou, visuel fourni dans le dossier de presse d'"un Autre Regard"


07/12/2013

"Opposants poétiques" le 9 décembre au Centre Culturel Tchèque, Paris

     "Vous êtes très cordialement invités le lundi 9 décembre à 19h au Centre Culturel Tchèque (18 rue Bonaparte, VIe ardt, métro Saint-Germain des Prés) pour la projection du film documentaire Opposants poétiques consacré aux poètes tchèques et dissidents Jan Vladislav et Prokop Voskovec, film réalisé par Pierre André Sauvageot et Bertrand Schmitt. (Entrée libre).

     La projection se fera en présence des réalisateurs..."

     A signaler que les auteurs de ce documentaire font partie (ou ont fait? Le temps de conjugaison dépend du fait de savoir si le groupe existe encore officiellement...) du Groupe de Paris du Mouvement Surréaliste. Bertrand Schmitt, en plus de ses travaux cinématographiques, est aussi poète, traducteur, et historien de l'art. Il a récemment signé un énorme ouvrage d'art sur le réalisateur surréaliste tchèque Jan Svankmajer publié en République Tchèque. Il avait aussi réalisé il y a quelques années (2001) un documentaire sur Jan Svankmajer et sa femme Eva Svankmajerova, intitulé Les Chimères des Svankmajer (voir fragment ci-dessous paru sur YouTube).


Les chimères des Svankmajer par chaletpointu

01/12/2013

Naïfs et Singuliers de Mayenne à Minsk, nul ne serait prophète en son pays?

   Jean-Louis Cerisier, auto-bombardé ces temps-ci président d'une nouvelle association des Créateurs Naïfs et Singuliers de la Mayenne (CNS 53), me transmet l'information d'une exposition fort intéressante qui va se monter en Biélorussie à Minsk. Génial, les populations de là-bas pourront découvrir ce qu'ici en France on ne paraît pas capable de découvrir, à savoir qu'a existé, qu'existent encore, à Laval et dans sa région, une pléiade de créateurs et d'artistes talentueux et originaux, à la figuration tantôt poétique tantôt singulière (j'en ai déjà plusieurs fois parlé sur ce blog, voir plus loin). Nul ne serait décidément prophète en son pays, l'adage ne cesse de se vérifier dans notre beau pays qui paraît condamné à s'exporter pour se faire reconnaître. Comme me le disait récemment Jean-Louis, il y a de la frilosité dans ce pays. En témoignent, entre autres, toutes ces expositions d'art brut japonais, britannique, américain, italien, serbe, etc., qui se succèdent à Paris, tandis que pas une ne se consacre à nous montrer l'art brut français. Quoi? Qu'ai-je dit? On dirait presque un gros mot. Vous avez bien écrit: l'art brut français? Mais il ne faut pas y songer, nom d'une pipe. Cela ne peut être envisagé, ou bien alors il faut le faire à l'étranger, mis à distance, on acceptera peut-être de considérer la question. Je me demande aussi quelquefois si ces expos d'art brut de plus en plus exotiques ne se font pas surtout pour permettre aux commissaires et "curateurs" (ouh, le vilain mot à la mode) des collections d'art brut de se payer des voyages aux frais de la princesse... Parler de ce qui se produit en France serait-il forcément une attitude nationaliste? Ne serait-ce pas plutôt lié à notre volonté de parler de nos voisins créatifs, de ceux qui vivent sur un territoire quotidien que nous connaissons bien, dans un pays qui est le nôtre, autour de nous où nous pouvons facilement voyager, les distances étant courtes...? Ne serait-ce pas parler d'une création démocratique se manifestant dans l'immédiat et de façon directement poétique?

 

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    Voici la lettre qui annonce l'événement. Avec le bon de souscription pour commander le catalogue qui aura 56 pages et 31 illustrations (si l'on veut imprimer le bon de commande plus nettement on clique ici). L'exposition qui va être montée à Minsk prendra place au Musée National des Beaux-Arts de Biélorussie du 2 décembre 2013 (demain) au 6 janvier 2014. Elle devrait présenter en tentant d'en expliciter les rapports et les filiations les œuvres du Douanier Rousseau (le grand ancêtre d'où tout découle... Et ceux qui exposeront à ses côtés en sont grandement honorés), Henri Trouillard (un Naïf visionnaire trop méconnu dont on peut admirer au musée de Laval les chefs-d’œuvre), Jules Lefranc (fondateur en 1967 du musée d'art naïf de Laval grâce au don de ses propres œuvres et d'une partie de ses collections d'art naïf d'autres créateurs), Jacques Reumeau, Robert Tatin, Alain Lacoste, Brigitte Maurice, Serge Paillard, Jean-Louis Cerisier, Céneré Hubert (un habitant-paysagiste populaire, une fois n'est pas coutume), Patrick Chapelière (pour le coup pas originaire de Laval je crois).

 

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Jean-Louis Cerisier, sans titre, février 1976, coll privée, version avant retouche restauratrice (avec traces de maculation), Laval, ph. Bruno Montpied

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La même peinture sans titre, stylo bille et gouache, 29,7x21 cm, 1976, retouchée et rénovée, coll. privée, Laval, ph. J-L.Cerisier

      Il faut espérer, et faire une petite prière pour que le musée de Laval, entre autres, par la suite accepte d'héberger cette exposition pour laquelle il prête  des Reumeau, des Trouillard, et des Lefranc. Après tout ce musée qui s'ouvre depuis quelque temps déjà à l'art singulier, sautant depuis l'art naïf dans la chronologie des arts d'autodidactes à pieds joints par-dessus l'art brut, poursuivrait sa mise en valeur des artistes régionaux qui ont peut-être été à l'origine de sa mue actuelle. Car plusieurs d'entre eux sont déjà accrochés aux cimaises du musée (en plus des trois déjà cités et prêtés, on notera que Cerisier, Lacoste et Tatin sont présentés en parmanence au musée).

 

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Henri Trouillard, Le Yéti, 1962, Musée d'Art Naïf et d'Art Singulier du Vieux-château, Laval, ph. BM


      Il serait urgent de mettre en lumière ce que j'ai appelé dans le n°49 de la revue 303, Arts, recherches et Créations, en 1996, il y a déjà quatorze ans, "l'Ecole de figuration poétique lavalloise" qui, du fait de ses artistes consacrés de l'Art Naïf, Rousseau, Trouillard et Lefranc, naquit petit à petit, se développant en direction de formes d'art figuratif poétique ou singulier avec les Tatin, Reumeau, Lacoste, puis les Cerisier, Paillard et tutti quanti, et s'ancrant dans la région mayennaise sans se couper pour autant d'autres régions (Lefranc entretenait des rapports avec la Vendée par exemple, où il prit contact avec Elie-Séraphin Mangaud et Gaston Chaissac, encore deux créateurs dont les liens avec Lefranc n'ont pas fait l'objet de beaucoup de recherches parmi ceux qui s'intéressent aux arts singuliers).

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Serge Paillard, Pomme de terre dite de la petite lampe, 2007

     Enfin, voici en prime un petit documentaire de la télévision biélorusse diffusé ces jours-ci je pense, que je ne peux vous traduire (M. Gayraud nous éclairera peut-être en commentaire) mais qui présente en arrière-plan quelques-unes des œuvres de l'expo, des Trouillard, des Paillard, des Reumeau, des Cerisier, etc., ainsi que des vues du Vieux Château à Laval. Merci à Jean-Louis Cerisier qui nous a communiqué le lien et l'info. Le tapis rouge est décidément déroulé à Minsk pour nos chers Lavallois!