19/09/2022
Une idée pour un autre Salon...
Je ne suis qu'un écrivain et un artiste, et j'en ai marre de cette Outsider Art Fair qui nous revient depuis dix ans, avec son prix d'entrée pour élite friquée, et sa conception étriquée, parce que strictement mercantile, de la communication autour des arts spontanés et alternatifs.
En fait, cette Foire disparaîtrait corps et biens, que je n'en souffrirais pas le moins du monde.
Un Forum basé sur des principes différents, organisé et monté par des Français qui plus est, à un coût moins élevé, pas seulement axé sur le marché de l'art, mais où on inviterait, dans une conception infiniment plus large, des musées, des associations, des ateliers collectifs pour handicapés, des photographes, des architectes alternatifs, des libraires, etc. serait beaucoup plus intéressant à monter.
Halle Saint-Pierre, 2e étage, exposition "Sous le Vent de l'Art Brut 2", 2014 ; à gauche des oeuvres à moi... ; photo Bruno Montpied.
Quel local faudrait-il proposer pour un tel Forum? Eh bien, la Halle Saint-Pierre serait toute indiquée. Qu'elle soit installée au pied de Montmartre, aux lisières de quartiers populaires (la Goutte d'Or notamment), et de quartiers plus chics (la Butte Montmartre), me paraît tout à fait adapté aux substrats culturels des différentes formes d'expression que ce Forum réunirait et présenterait. Disposant d'un auditorium et d'un cafétaria permettant les échanges formels et informels, elle autoriserait dans une seule unité de lieu toutes sortes d'animations, conférences, débats, présentations de films. Le forum pourrait durer une grosse semaine (dix jours), plutôt que les quatre malheureux jours de la Foire d'Art Ousider actuelle. Les prix de location pour les galeries et autres musées et associations concernés (qui tourneraient au fil des éditions) ne seraient pas trop élevés, ce qui éviterait que les prix des oeuvres en vente soient trop élevés, les participants craignant de ne pas rentrer dans leurs frais à la fin du Forum (ce qui est le cas actuellement pour les galeristes qui participent à l'OAF). Les musées, librairies, associations de défense des arts indigènes (entre autres), ateliers pour handicapés, collectionneurs, organisation pour l'auto-construction, etc., qui participeraient pour faire connaître leurs passions et leurs activités, vendant au passage des catalogues d'expositions, procédant à des échanges divers et variés.
On aurait davantage affaire en l'occurrence à une réunion ayant pour but la communication et l'échange autour de passions communes ou à découvrir qu'à une vulgaire foire de mercantis, qualification dans laquelle l'OAF est en train de se couler (à tous les sens du terme "couler")...
11:32 Publié dans Amateurs, Anonymes et inconnus de l'art, Architecture insolite, Art Brut, Art de l'enfance, Art des croûtes, art des dépôts-ventes, Art des jardins secrets, Art forain, Art immédiat, Art inclassable, Art insolite, Art involontaire, Art naïf, Art populaire contemporain, Art populaire insolite, Art rustique moderne, Art singulier, Art visionnaire, Boîtes aux lettres insolites, Cahiers et manuscrits naïfs ou bruts, Cinéma et arts (notamment populaires), Détestations, Environnements populaires spontanés, Environnements singuliers, Fous littéraires ou écrits bruts, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés, Graffiti, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies, Street art marginal (art de rue sauvage) | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : outsider art fair, foire d'art marginal, art brut, salon, échange, passion, arts spontanés, arts divers d'autodidactes, halle saint-pierre, forum des arts spontanés | Imprimer
10/05/2020
De l'art involontaire à la poésie naturelle
Voici un art qui n'a pas besoin de ministre de la culture auprès de qui aller pleurer pour défendre ses subventions. Car il est dans nos yeux, notre regard. Cela a à voir avec les ready made de Marcel Duchamp, l'artiste détesté de Mme Esterolle. Cet art, c'est par exemple un dispositif insolite dû à des dépôts de hasard sur un trottoir...
Photo José Guirao, février 2020 ; une installation involontaire, comme un matelas amoureux d'une bouteille et qui fait tout pour la protéger...
... Un mannequin sanguinolent, trucidé par un surréaliste de passage...
Photo José Guirao, mars 2020.
Ou encore une bouche d'incendie tentaculaire, prête à saisir quelque proie au passage, ou à partir en quête, à défaut...
Photo José Guirao, novembre 2019.
La poésie involontaire (pour emprunter ce terme à Eluard), ce peut être aussi ce que l'on a appelé la poésie naturelle, dont Camille Bryen et Alain Gheerbrant firent une anthologie en 1949. Ce peut être des dessins de lézardes dans les murs ou sur le bitume (je songe à mon petit film en Super 8 Sur les trottoirs de nos villes, de 1982), ou des contours signifiants dans des vitres trouées.
Photogramme d'après Bruno Montpied, Sur les trottoirs de nos villes (6 min.), 1982.
On se reportera avec fruit à la catégorie listée à droite de mon blog : Art involontaire. On y retrouvera plusieurs notes parues à ce sujet les années précédentes sur ce blog. Celle ici présente s'y ajoutera.
La sorcière assise ; photo Bruno Montpied, Cannes, vers 1988 ou 1989.
Une catégorie connexe, c'est la poésie du hasard naturel, et ce que l'on appelle les paréidolies, ces projections, ou ces reconnaissances, de notre mémoire durant la contemplation de formes significatives dans le spectacle du monde extérieur. J'en ai déjà parlé, la dernière fois, c'était il y a un an. C'est un domaine assez vaste là aussi, qui débouche bien souvent sur des personnes fortement tentées d'interpréter, de jouer des formes trouvées dans la nature, pierres, bois flottés et tutti quanti (il y en a un certain nombre dans les arts populaires spontanés, qu'on se reporte entre autres à mon Gazouillis des éléphants)...
Les arbres extraordinaires aussi sont un sous-ensemble des formes naturelles qui parlent à l'imagination.
Ancien tronc de tilleul à Lafauche (Vosges) ; ph. B.M., 2016.
If millénaire, La Lande-Patry (Orne) ; ph. B.M., 2010 ; signalé par Remy Ricordeau.
Mais revenons à notre art involontaire, expression parfois d'une autre nature, celle qui est inscrite dans l'homme, et qui pousse par exemple certains individus à triturer de la corde et obtenir de façon automatique, germinative, un dessin et une matière aussi singulières qu'inutiles...
Cordelette triturée machinalement par M. Bernard Massénat, anc. coll. Alice Massénat.
... Ou à ces dessins d'animaux obtenus par le hasard de décollage de silhouettes publicitaires ou décoratives peut-être, en tout cas, sûrement involontaires.
Dessins laissés par de la colle, après décollage de silhouettes découpées en bois peint? ; aperçus en compagnie de Fatimazara Khoubba et Alain Dettinger, à Nivolas-Vermelle (Isère) ; ph. B.M., 2016.
Enfin, évoquons en conclusion provisoire, ces petites compositions, du hasard toujours, fragments de couleurs encadrés dans un but non artistique, plutôt avec une finalité professionnelle...
Anciennes couches de peinture, dégagées par des peintres en bâtiment probablement, peut-être pour des restaurations à venir : le "pas toucher!" prend un sens ambivalent assez drôle, plutôt sacralisant ; Galerie Vivienne, à Paris ; ph. B.M., 2018 (merci à Régis Gayraud avec qui je découvris ces petites œuvres du hasard).
19:47 Publié dans Art immédiat, Art involontaire, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : art involontaire, installations de hasard, poésie naturelle, josé guirao, bruno montpied, arbres remarquables, sur les trottoirs de nos villes, ready made, marcel duchamp, triturations automatiques, alice massénat, pareidolies | Imprimer
25/03/2017
Carnaval chez les chiens
Chiens habillés, Paris Xe ardt, photo (prise à la volée) Bruno Montpied, octobre 2013.
M'avaient frappé l'esprit, ces deux clebs vêtus par un automne commençant sans doute fraîchement, à tel point que je décidai de les saisir avec leurs beaux atours anthropomorphes... Aujourd'hui, retombant sur cette image, je me dis qu'il serait fort amusant, probablement, de colliger toutes les photos qui existeraient sur le même sujet, de façon à débuter d'envisager un carnaval de médors accoutrés de la manière la plus excentrique.
Il doit bien y avoir parmi ces vêtures insolites, des plus brutes que les autres, reflétant comme chaque fois la mentalité de leurs maîtres, car bien sûr, en principe...
11:37 Publié dans Art immédiat, Art involontaire, Fantastique social, Littérature jeunesse, Paris populaire ou insolite, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : chiens habillés, anthropomorphisations, accoutrements d'animaux, poésie involontaire, littérature jeunesse, il ne faut pas habiller les animaux | Imprimer
07/01/2016
Le mystère de la chaussette en boule
Sculpture involontaire, photo Bruno Montpied, janvier 2016
23:35 Publié dans Art immédiat, Art involontaire, Photographie, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : art involontaire, poésie du hasard, bruno montpied, chaussettes, sculpture involontaire, art fortuit | Imprimer
24/08/2014
Misanthropie pour le moins
Voici une publicité naïve et fort ambigüe que m'a transmise récemment J-C Sandré du blog Des Signes sur les murs (se spécialisant sur les murs peints principalement publicitaires). Il y trouve du nihilisme caché derrière le prétexte d'une plaisanterie publicitaire "améliorée" par un garagiste ("améliorée" parce qu'elle prolonge un slogan pour les Rustines qui proclamait, déjà naïvement, "vous pouvez crever"...). A moins que derrière l'argument publicitaire toujours il ne s'agisse d'amertume se parant de misanthropie? En tout cas, cela fait regretter qu'on n'ait pas plus d'initiative publicitaire amateur et détournante du même genre, on se marrerait plus.
Publicité ambigüe sur la devanture d'un garage d'Auray (Morbihan), transmis par J-C Sandré ; pas de date mais on peut supposer qu'on est dans les années 50 (n'est-ce pas Darnish, cette bourgade vous parlera sûrement?)
24/07/2014
Une signalétique pour une pratique populaire peu connue, les rassègues...
Insolite panneau de stop au coin d'une rue à Port-la-Nouvelle, 2014
Etrange mot n'est-ce pas? Mais il n'est étrange qu'en dehors de Port-la-Nouvelle dans l'Aude, où ce terme dérivé de l'occitan désigne la scie... Dans la région le mot est familier, et sert à désigner les discussions à n'en plus finir où l'on scie le même sujet, en long, en large, et en travers, le malaxant dans tous les sens et finissant par le débiter en tranches bien souvent... Le bavardage en somme, à perte de vue, et pratiqué presque comme un sport régional.
Port-la-Nouvelle, 2014
Au coin de cette rue, tout près de l'Hôtel du Port, bien sympathique halte et estaminet, la scie clouée au panneau de stop désigne un lieu où plusieurs se rassemblent régulièrement pour ces "parties" de rassègue à n'en plus finir. D'où l'insolite panneau de circulation. Où, plus que les autos, ce sont les piétons qui stoppent longuement.
04:08 Publié dans Art involontaire | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : art involontaire, rassègue, port-la-nouvelle, dispositif insolite dans la rue, hôtel du port port-la-nouvelle, aude, occitan, panneau de stop insolte, pratiques populaires | Imprimer
12/01/2014
Araignées au plafond
Je suis sur le point de quitter ma chambre d'hôtel à Périgueux, et je ne sais pourquoi, alors que je n'ai aucune raison de le faire, et que je ne l'ai pas fait depuis que je suis entré dans cette chambre la veille au soir, je lève les yeux au plafond, peut-être pour faire le tour complet de ce que j'aurais pu oublier (d'ailleurs j'oublierai quelque chose: la clef). Et qu'est-ce que je découvre? Ces deux araignées-là, ou plutôt ces deux soleils, ces deux étoiles...
Etoiles, araignées ou soleils créés par cloquage sur plafond, ph. Bruno Montpied, Périgueux, 2013
23:08 Publié dans Art involontaire, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cloques au plafond, poésie du hasard, chambres d'hôtel, art involontaire | Imprimer
10/04/2012
Campagne de pliage
Xe ardt, Paris, ph. Bruno Montpied, avril 2012
Les palissades où les colleurs d'affiches, entre autres électorales, s'en donnent à cœur joie, ont parfois de ces cannelures prononcées qui provoquent des sortes d'anamorphoses cocasses sur les tronches de nos candidats au poste de conducator suprême. Cela donne du simili-collage à la Jiri Kolar tout à fait involontaire. Qu'on en juge avec le clin d'œil diabolique ci-dessus du candidat Bayrou.
Ph. BM, 2012
Le candidat Hollande devient quant à lui un véritable cyclope. Et que dire de la pauvre Nathalie Arthaud ci-dessous? Défigurée en diable...
Ph. BM, 2012
23:08 Publié dans Art involontaire | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : art du pliage, anamorphoses, art involontaire, campagne électorale, bayrou, hollande, arthaud, élections, affiches déformées | Imprimer
01/03/2012
Face de poutre
01:21 Publié dans Art involontaire, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : visages en trois points, art involontaire, anthropomorphisations, poésie naturelle | Imprimer
29/02/2012
Ubu, plein de latence, de forces contenues...
De l'autre côté de la cour, ph. Bruno Montpied, 2012
La grosse forme rouge qui attend là-bas, de l'autre côté de la cour, penchée au balcon, le regard perdu dans le vide, comme cueillie en plein recueillement, quelle est-elle? Que retient-elle au fond de son corps boursouflé, bouffi de tant de contention et sûrement pas de contentement...? Les yeux fendus en amande, hybride de Fu Manchu et d'un vague insecte extra-terrestre, il ne regarde personne en particulier, il est plongé en lui-même, rassemblant ses forces dispersées en dedans, les pognes crispées au fond des poches, comme bougon, très renfrogné. A quoi va-t-il faire servir toute cette énergie rameutée? Quelques jours plus tard, il aura disparu.
15:37 Publié dans Art involontaire | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
17/02/2012
Nouveau jeu... qu'est-ce que c'est?
Il faut que je l'admette, le jeu des 7 différences n'a rien donné... Alors j'en lance un autre, plus dans le style Schmilblic...A gagner la même chose que dans le jeu précédent, puisque les livres sont toujours là à poireauter:
Soit le livre (en italien), abondamment illustré de Gustavo Giacosa, Noi, quessi dessa parola che sempre cammina, sur les inscriptions graffitées de Babylone, Giovanni Bosco, Helga Goetze, Oreste Nannetti, Melina Riccio et Carlo Torrighelli (2010)...
Soit cet autre ouvrage, Art brut fribourgeois, catalogue d'une exposition de la Collection de l'Art Brut en 2008...
Que faut-il trouver cette fois? Eh bien, que signifient les objets ci-dessous, à quoi servaient-ils? Le premier qui trouve la solution gagne un des deux livres.
Photo La Patience, 2012
23:43 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art involontaire, Art populaire insolite, Graffiti, Jeux, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : la patience, art populaire insolite, art brut, gustavo giacosa, art brut fribourgeois, art involontaire, schmilblic | Imprimer
27/08/2011
Kadhafi squelettisé et bandit manchot emplumé
Dans la transmission récente de photos estivales d'un genre particulier, mais bien plus réjouissantes que les usuelles, le hasard (qui n'existe pas comme on sait) a voulu que me parviennent deux effigies au garde-à-vous qui ont pour point commun, outre une rigidité longiligne, celui de venger, au moins symboliquement de vieilles haines à l'égard de figures répressives. L'une vient de Tripoli, et l'autre du XIVe ardt de Paris.
Ph. Tahar Hani, source France 24 (signalée par Régis Gayraud); vision prophétique de Kadhafi par un bricoleur spontané des rues prénommé Mohamed
Apparition nocturne, rue Gazan (XIVe ardt), punition à base de goudron et plumes sur la personne d'un horrordateur par un usager en colère contre l'augmentation actuelle des amendes ; ph. Mathilde Maraninchi
18:42 Publié dans Art immédiat, Art involontaire, Art populaire contemporain, Confrontations, Danse macabre, art et coutumes funéraires, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art involontaire, art populaire politique, khadafi, poésie naturelle et de hasard, horodateurs | Imprimer
15/06/2011
La chose étrange place de l'Hôtel de Ville
Nous avons remarqué une étrange boîte vitrée installée sur les marches (ou les bancs) des fontaines de l'Hôtel de Ville mercredi 1er juin, un camarade et moi.
Place de l'Hôtel de Ville, Paris, ph. Bruno Montpied, 2011
Son auteur ne paraissait pas (plus?) être aux alentours. A quoi servait-elle? Cela ressemblait vaguement à une machinerie. Il y avait une chaîne de vélo à l'intérieur paraissant destinée à entraîner quelques rouages indistincts dans le bas de la boîte. On remarquait des lettres placées verticalement, des blanches, H M N G, et des noires à l'horizontale, J (?), T U R. Une étiquette était en outre collée, comme menaçante: "Pas dproblem je vous retrouverai / Promi". Que voulait dire ce dispositif? Comment avait-il pu atterrir là? Mystère et boules de gomme... Si quelque lecteur pouvait nous apporter quelques éclaircissements, nous lui en serions extrêmement reconnaissants.
23:46 Publié dans Art involontaire, Fantastique social, Paris populaire ou insolite | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : paris populaire, figures de la rue, fantastique social, hôtel de ville, machines bizarres, poésie de la rue | Imprimer
01/10/2009
Le Plein Pays, documentaire d'Antoine Boutet sur Jean-Marie M., archéologue sauvage
Je n'avais plus de nouvelles de ce monsieur Jean-Marie M. depuis bien longtemps. Depuis que j'étais allé le voir en 1987 avec Gaston Mouly qui s'était gentiment chargé de faire le médiateur entre nous (j'ai tourné un petit film en Super 8 à cette occasion que j'ai intégré par la suite à l'ensemble de petits films d'amateur sur les environnements que j'ai intitulés Les Jardins de l'art immédiat). L'ami Joël Gayraud m'avait signalé un article de Walter Lewino paru en 1984 dans Le Nouvel Observateur qui évoquait cette présence peu commune dans une forêt du Lot (article Le Malthusien des Bruyères).
Jean-Marie creusait le sol, effectuant un travail colossal à mains nues au début, puis, après s'être perfectionné côté outillage et engins, avec plus de moyens, élargissant ses tunnels, ses puits, ses crevasses dans l'espoir de découvrir une civilisation préhistorique sous son terrain. On était dans une région de grottes célèbres, Pech-Merle, Cabrerets... Le Périgord aussi n'était pas très loin.
Il fouillait la terre comme une taupe humaine, acharné de façon hyperbolique, creusant sans cesse comme à la poursuite du secret des origines. Qui n'étaient à chercher nulle part ailleurs, bien sûr, qu'au sein de la terre-mère. Il vivait seul avec sa mère sur ce territoire qu'il perçait de galeries. Il interdisait qu'on aille vers sa maison qu'on devinait par delà deux pyramides de pierres, où vivait la génitrice protégée comme une idole. Il interdisait aussi qu'on emmène de la terre de son fief sous les semelles de nos chaussures. Il nous épousseta bien soigneusement, Gaston et moi, avant que nous ayons eu le temps de franchir la limite de la propriété.
Je ne suis pas descendu dans les galeries et les salles creusées dans la terre rouge quand je vins chez lui, tellement cela me paraissait périlleux en l'absence de lumière et sans plus d'information. Le sculpteur Ipoustéguy qui a visité en 84 le site avec Walter Lewino avait été plus téméraire, il descendit au fond, se frottant aux parois de terre rouge, rapportant que l'on voyait quelques gravures de Jean-Marie à certains angles. Sur le terrain lui-même, il y avait peu d'interventions "artistiques". Sur les pyramides évoquées ci-dessus (des cairns améliorés), on pouvait apercevoir quelques grossières incisions, tentant d'imiter les gravures rupestres du Val Camonica en Italie ou de la Vallée des Merveilles dans les Alpes françaises. Interrogé par nous sur ce qu'il avait réussi à mettre au jour jusqu'alors (1987, je le répète), il s'était embrouillé, avait seulement soulevé une bâche pour nous montrer une belle améthyste, qui consistait à ce que nous crûmes comprendre en son unique trouvaille de quelque valeur... Peut-être était-ce avant tout sa quête qui le faisait vivre, et peu importait la fin.
A suivre l'article de Walter Lewino, J-M en 1984 avait un message écologique et démographique à faire passer au monde (ce qui le range aussi du côté des "fous littéraires"). Selon lui, la Terre étant bien trop peuplée, il fallait réduire d'urgence la population en cessant de procréer (sa théorie était peu claire, il militait pour une "extinction de l'espèce humaine", ce qui est nettement plus radical qu'une simple diminution démographique ; de plus il en voulait à son père de lui avoir donné le jour, il prédisait l'arrivée des extra-terrestres qui retrouveraient ses vestiges et en feraient un palais merveilleux ; au fond, il proclamait son désir de n'avoir jamais existé). Il avait confié à Lewino un message à publier dans les média, ce que ce dernier fit (voir ci-dessous).
Texte dicté à sa mère par J-M, photos de l'article de Walter Lewino, Le nouvel Observateur, 8-6-1984
Je commençai d'écrire quelque texte à son sujet, que je finis par délaisser, n'ayant que peu de tribunes à ma disposition, puis je me mis à en parler autour de moi, le cas était tout à fait intriguant, j'attendais une occasion, et je me demandais comment en parler adéquatement... J'étais impressionné aussi par l'impact que pourrait avoir la révélation de cette existence sur un public plus large. Des articles parurent cependant ici et là, par exemple dans le magazine Dire Lot qui ne cacha pas le nom de Jean-Marie, si je me souviens bien, ou dans Gazogène également à qui je l'avais signalé (revue éditée à Cahors). Dans ce dernier bulletin, vers 2000, il fut fait état d'une nouvelle fantastique, la mère de Jean-Marie étant décédée, et ayant été enterrée au cimetière, loin de leur terrain sacro-saint, celui-ci n'avait pu le supporter et était parti la déterrer (toujours cette quête du souterrain), pour l'exhumer et la ramener chez lui. Cela ressemble au comportement de l'auteur du fameux plancher de Jeannot dont j'ai déjà parlé ici. Jean-Marie, avais-je alors appris, avait pu regagner son domicile après quelques démêlés avec les autorités. Depuis je n'avais plus de nouvelles.
Et voilà que j'apprends qu'on a fait un film avec lui, où son nom - à juste titre peut-être - n'est pas prononcé. Seul son prénom apparaît dans les dossiers de presse qu'on m'a communiqués (grand merci à Remy Ricordeau pour cette information précieuse). L'auteur du documentaire est Antoine Boutet. Le film, daté de 2009, est un moyen-métrage de 56 minutes. Son titre: Le plein pays. Il sera projeté dans la région parisienne incessamment (c'est l'avant-première). Rendez-vous le mercredi 7 octobre à 21h au cinéma Le Méliès à Montreuil. Je ne sais pas vous, mais moi, j'y serai. Voici le résumé tel que je l'ai trouvé sur le site des "Rencontres cinématographiques autour du documentaire" qui se tiennent du 6 au octobre à Montreuil:
"Robinson au milieu d'une forêt française, avec pour seuls compagnons une radio et un magnétophone : l'homme que filme Antoine Boutet est un solitaire, un homme qu'on pourrait dire « des bois » ou « des grottes », tant il fait corps avec ces lieux secrets. Il les sculpte et les manipule, les chamboule et les creuse. Dans un même mouvement, du plus profond de lui, éclôt sa voix, ses mythes et bientôt, par bribes, son histoire."
C'est le genre de film à rapprocher de celui qu'ont fait les animateurs du blog "Playboy communiste" sur le "griffonneur de Rouen", Alain R. Voir dans ma note ancienne ce que j'en avais dit. Ainsi que le lien vers leur blog dans ma colonne consacrée aux liens.
15/07/2009
Anonymous Works, un nouveau lien
Cette courte note veut vous engager à cliquer encore et toujours vers d'autres sites ou blogs où vous trouverez sûrement matière à rêvasser devant des découvertes captivantes ou surprenantes, tel ce blog d'Anonymous works, rédigé aux USA apparemment (Los Angelés) et que je mets dans mes doux liens à partir de ce jour (sous le titre, traduit, de "Travaux anonymes").
11:22 Publié dans Art immédiat, Art involontaire, Art naïf, Art populaire insolite, Sur la Toile | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anonymous works, art populaire américain, folk art, photographie vernaculaire, art naïf, limners | Imprimer
05/07/2009
Doudou saga
La petite chanson de l'été consacrée aux doudous est revenue... Voici qu'un lecteur enthousiaste m'adresse un rapport sur le doudou de sa fille de 6 ans et demi qui a un lapin nommé Rose Fleur pour compagnon, lapin tant adoré qu'il a fallu tout l'amour d'une mère pour le maintenir en vie à force de rapetassages divers et variés. Voici ce que m'écrit à ce sujet Cosmo Helectra (qui anime par ailleurs une émission de radio, Songs of praise, sur Radio Aligre à propos des "musiques de traviole"):
« Le lapin a subi plusieurs greffes car au bout d'un an, je pense, il était déjà en miettes, ma femme a eu l'idée de faire plusieurs masques de remplacement successif du visage et surtout des oreilles (importantes pour un lapin !) à partir de vieilles chaussettes d'enfant.
Il a été aussi rhabillé avec une tenue de poupée rose d'ou le nom que lui donne ma fille "Rose fleur", à l'origine il était bleu à rayure, et plutôt "masculin". »
Voici donc le doudou à trois stades de sa vie de doudou palpé, trituré, bisouillé, déchiqueté de tendresse pulsionnelle. Il finit par ressembler à l'autre doudou-lapin que j'avais dessiné chez des amis et que j'ai mis en ligne récemment.
01:04 Publié dans Art de l'enfance, Art immédiat, Art involontaire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art involontaire, art enfantin, songs of praise, musiques de traviole, doudous | Imprimer
31/05/2009
Voitures fantômes revenues du Malawi 1990
Un ami de la région nîmoise, Yohan-Armand Gil, qui fait partie du groupe de créateurs regroupés sous la bannière du titre Venus d'ailleurs (voir leur site en lien), m'a mis en relation avec un autre de ses amis, Claude Ballaré qui en compagnie de son épouse Chris, en 1990, au cours d'un séjour au Malawi, en Afrique australe (c'est entre la Zambie, la Tanzanie, et le Mozambique, pays à la carte tout en longueur, tassé contre l'immense lac Malawi), fit un jour la découverte d'un original qui tressait des simulacres de voitures en bordure de chemin. Effectivement, cette rencontre méritait d'être photographiée et mise au jour. Loués soient donc Chris et Claude Ballaré pour leur ethnologie brute. Je joins ci-dessous les lignes que Claude m'a envoyées pour expliciter autant que faire se peut cette création d'une sorte de land art tout à fait brut.
Ce parc automobile important était situé au sud du pays, un peu à l'écart de la route principale, à proximité de la frontière séparant le Malawi du Mozambique qui était alors en guerre civile. Il ne nous a pas été possible d'établir un quelconque contact avec l'auteur, qui était muet, et semblait être la risée des quelques villageois rencontrés. Il habitait dans l'une de ses voitures. Compte tenu de l'abondance et de la vigueur de la végétation, je pense qu'il devait passer autant de temps à construire ses véhicules qu'à les défendre contre leurs pousses intempestives.
Ces réalisations étaient son unique activité, elles étaient à peine visibles de la route et à distance se confondaient avec la végétation. Pour le reste, il était totalement pris en charge par ses voisins.
Cela se passait il y a vingt ans, compte tenu de l'espérance de vie moyenne dans ce pays, je ne pense pas que ce mystérieux concepteur de véhicules soit encore en vie.
(Claude Ballaré)
Il est à noter qu'un des artisanats répandus au Malawi est la vannerie, et le tissage des fibres végétales (joncs, roseaux...) que l'on trouve en abondance dans les régions côtières du lac, comme Claude Ballaré l'a signalé dans le catalogue de l'exposition Malawi, des jouets, des jeux qu'il rédigea et semble-t-il organisa au Musée d'Allard Montbrison (dans la Loire) en 1989-1990, à partir de ses collections de jouets malawites, dont une partie est entrée par la suite dans les collections du Musée du Jouet de Moirans-en-Montagne (Jura).
00:54 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art involontaire, Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : malawi, claude ballaré, voitures sculptées, land art brut | Imprimer
29/05/2009
Tour du monde pacifiste conservé en carte postale
L'homme semble nous proclamer quelque important message qu'il faut de toute urgence transmettre au reste du monde.... Il se tient assis, le front ceint d'un couvre-chef de type oriental, tenant dans ses mains un curieux fil (de fer?). A ses pieds une sorte de marmite décorée dirait-on de grelots...
On perçoit certes en premier lieu l'énorme globe terrestre qui par ses dimensions signifie clairement quel est le sujet principal de cette mise en scène en remorque. La planète fait le souci de l'homme assis fièrement. Une inscription "Tour du Monde Globe de la Paix" - avec peut-être un numéro de téléphone en dessous? - indique le programme du monsieur, peut-être en train d'effectuer une tournée internationale pacifiste en solo. A droite, un bout de la voiture chargée de remorquer cet étrange attelage laisse voir une plaque d'immatriculation en 06, désignant donc, semble-t-il, un véhicule immatriculé en France.
De quand date cette image? Les années 50 ou 60, époque de guerre froide où le mouvement des citoyens du monde avec Garry Davis recueillait quelque écho...? Un croissant de lune sur la gauche de l'image, la coiffe de type oriental peuvent suggérer que nous avons affaire ici à un Mahométan. Tous renseignements supplémentaires sur cette image seront bien entendu les bienvenus sur notre blog...
09:04 Publié dans Art immédiat, Art involontaire, Photographie, Véhicules créatifs | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cartes postales insolites, art immédiat, art involontaire, pacifisme excentrique | Imprimer
26/04/2009
Du monde au balcon
14:12 Publié dans Art involontaire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art involontaire, poésie involontaire | Imprimer
15/10/2008
Naissance de l'Homme Sauvage
Voici une image qui est à verser au dossier de l'art involontaire, une catégorie qui flirte avec la poésie naturelle sur ce blog. Il m'est revenu qu'il y a plusieurs années une maison de la culture du côté d'Amiens avait concocté une exposition sur ce thème. Les épouvantails y tenaient peut-être une bonne place. Les empilements de bottes de foin y étaient représentés en tout cas à ce que l'on m'avait dit. J'ai eu déjà l'occasion de parler et de montrer des cas d'art involontaire ici, les doudous par exemple, ou certains objets emballés sans intention artistique. Cela n'est au fond qu'une variante des ready-made chers à Marcel Duchamp.
Cette apparition cornue paraît figurer la naissance d'un géant, quelque "Meurt-de-faim", quelque Otesanek (l'enfant-racine qui mange tout sur son passage dans le conte tchèque mis en film par le surréaliste Jan Svankmajer), réveillé par une effroyable faim... Il est sur le point de se soulever, il est encore à moitié enfoui dans la terre, c'est qu'il faisait frisquet ce matin d'octobre du côté de Viry-Noureuil, non loin de chez Bodan Litnanski, il se calfeutrait encore...
00:45 Publié dans Art involontaire, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : homme sauvage, poésie naturelle | Imprimer
27/07/2008
Le monde est une toile constamment peinte
Le 14 juillet, la population descend danser et va voir le feu d'artifice. On se pose sur le pont où l'on est bien placé pour assister au grand spectacle pyrotechnique qui sera donné (pour l'occasion à Montauban). La foule, relative, s'agglutine gentiment au parapet, aux réverbères et attend sagement. Lorsque la nuit est enfin bien noire, aux environs de 22h30, sur le fond d'encre, les tirs commencent. Pas de cris, pas de soupirs collectifs cette fois-là. Le public assiste dans un silence étonnant au spectacle des gerbes et des bouquets éclatants, aussi multicolores qu'éphémères.
Ils regardent avec acuité, ne loupent pas la moindre étincelle. Dans le ciel nocturne, analogue à la toile de fond du sommeil où les rêves et les cauchemars se déploient, toutes sortes d'images crépitent, dans le bruit (assourdi) et l'éclat scintillant des fusées, des araignées de fumées dont les panaches s'évanouissant semblent semer des figures fantômatiques que l'appareil photo peine à capter-capturer... La même foule qui n'ira jamais voir une seule exposition dans le musée Ingres tout proche (les gerbes se peignent dans le ciel au-dessus de lui, du violon caché de monsieur Ingres...) assiste religieusement au spectacle éphémère des grands bouquets de lucioles et sillages de couleurs enflammées. La taille du spectacle, aux dimensions du paysage, art créé sur la toile de fond du monde, absolument immédiat (l'oeuvre se dissout dés l'instant où elle apparaît), est peut-être la raison de l'engouement populaire. Ce plaisir éphémère, cette conscience qu'il ne faut pas en manquer une miette, qu'il faut le vivre intensément au moment fugace où il se déploie, cela fascine sans doute. Et puis il y a la beauté des dessins dans le ciel, analogue à celle qu'on trouve dans l'art en deux dimensions, comme un créateur anonyme -déjà montré sur ce blog- l'avait en son temps évoqué (rare exemple à ma connaissance de tentative de représenter en le figeant un feu d'artifice ; intelligemment, l'auteur y a ajouté les figures fantastiques que sa fantaisie a cru y deviner).
L'art se fait partout à tout moment par la grâce de notre imagination, et de nos perceptions. J'aime assez le projet pictural qui consiste à mêler aux reflets du monde réel les projections de nos fantaisies intérieures, tel que cela s'effectue, par exemple, dans l'art naïf au réalisme poétique injustement sous-estimé par les tenants de l'art brut (mais un heureux revirement se dessine depuis quelques années).
12:09 Publié dans Art immédiat, Art involontaire, Art singulier, Confrontations, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : bruno montpied, pyrotechnie, robert roseff | Imprimer
08/01/2008
Land art involontaire des lendemains de fête
Du Christo, comme s'il en pleuvait, mais bien plus énigmatique. Le land art involontaire, comme l'ont très bien compris dans Le Sens de la vie les délicieux Monty Python (avec cet immeuble bâché pour ravalement, si mes souvenirs sont bons..., qui se transforme en galère qui arrache ses amarres du bitume londonien où était arrimé l'immeuble en question), avec ses bâches de ravaleurs de façades, ses coques emmitouflant les monuments en restauration (la Tour St-Jacques à Paris emballée depuis une éternité, on ne sait pourquoi), ce land art brut-là, c'est celui que je préfère définitivement à celui d'un Christo, capable d'agresser des jeunes gens, m'a-t-on dit, qui avaient eu l'audace de graffiter sur son emballage du Pont-Neuf à Paris voici déjà plusieurs années, les accusant de vandalisme sur son oeuvre. Christo, couvert par Chirac à l'époque, qui emballant le Pont-Neuf confisquait en définitive ce dernier, espace public au départ, pont entre deux rives, au bénéfice d'un art devenu du coup dictatorial...
00:56 Publié dans Art involontaire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : land art, christo, monty python, poésie du hasard | Imprimer
08/09/2007
Toile d'araignée balbutiante, MASSIF EXCENTRAL (8)
14:45 Publié dans Art involontaire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie involontaire, valuéjols | Imprimer