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05/08/2012

Pierre Sourisseau sculpteur de souvenirs en chemin creux

     J'ai découvert un nouveau site de création en plein air dû à un autodidacte encore en Vendée, dans le même département que celui d'André Pailloux, ce bon Pailloux qui est en passe de devenir célèbre désormais depuis que ses coordonnées ont été jetées  en pâture au public (inconsidérément, je ne le répéterai jamais assez).

 

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Autoportrait du créateur Pierre Sourisseau en chef de chantier, ph. Bruno Montpied, 2012

         Le monsieur qui l'a créé depuis déjà quelque temps, depuis qu'il a pris sa retraite de maçon (encore un), s'appelle Pierre Sourisseau. Ses terrains où il a semé diverses sculptures et peintures, ainsi que des textes,  se situent dans la région des Herbiers, dans les terres donc. On peut donner son nom, car son travail, son œuvre, qui tiennent à la fois du mémorialiste et de l'artiste, tantôt naïf, tantôt réaliste (au point d'en être ici et là presque kitsch), sont assez particuliers pour qu'on tente de leur faire un peu de publicité. De plus, il a déjà fait l'objet d'une courte évocation dans un magazine diffusé à l'intention des retraités "entre Sèvre et Loire", le magazine Racines (article n°221 de juillet 2011 dû à Yvelise Richard).

 

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Vue d'une partie du petit musée de Pierre Sourisseau, 2012, ph. BM

 

         Grosso modo, il y a trois zones d'intervention. La première est en intérieur, il s'agit d'un petit musée où dans deux pièces, situées dans un petit bâtiment en annexe de son habitation principale, on trouve des peintures, des sculptures, et des objets divers, des textes visant à fixer les souvenirs de l'auteur, notamment de sa participation à la guerre d'Algérie durant un an, dans l'Oranais. L'autre grand sujet qui fascine M. Sourisseau étant les guerres de Vendée, ainsi que les filiations qu'il entretient via la lignée de sa femme avec les acteurs vendéens de ces conflits de l'époque révolutionnaire, notamment avec un certain Charles Deslandes. Il a établi l'arbre généalogique de sa famille en lien avec cette histoire (arbre illustré d'un tableau naïf).

 

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Pierre Sourisseau, peinture dans son petit musée, scène de la guerre de Vendée, ph.BM, 2012

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Pierre Sourisseau, souvenir de la guerre d'Algérie

 

      Un parallèle curieux entre ces deux séries d'événements s'est esquissé par la suite en moi lorsque je revisitai les photos que j'ai faites de ces œuvres. C'est étrange comme les soldats républicains venant menacer les paysans vendéens dans certaine peinture de Sourisseau paraissent ressembler aux soldats français face aux Arabes d'Algérie. Il s'agit de semblables affrontements de soldats de l'état républicain face à des populations indigènes qu'il s'agit de mettre au pas. Pourtant, dans l'esprit de M. Sourisseau, ce parallèle est loin d'être patent, m'a-t-il semblé, Quoiqu'il ne m'ait pas donné son opinion à l'égard de la guerre à laquelle il avait participé ("sans tuer personne", ajouta-t-il tout de même, et fréquemment, pendant nos entretiens).

 

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Le jardin de M. Sourisseau, au premier plan Charles Deslandes, l'ancêtre de la famille, le cavalier à l'arrière-plan, le Chevalier du Landreau, autre personnage historique régional et au loin, les bustes de Sarkozy et de sa femme Carla Bruni... Ph BM, 2012

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Pierre Sourisseau, Sarkozy et sa Carla, qui paraît représentée telle un pesant fardeau, ph. BM, 2012

 

     La deuxième zone concerne le jardin qui entoure sa maison et longe la route, d'où l'on peut apercevoir, si l'on ne passe pas trop vite, de la voiture, les quelques statues, point trop nombreuses, qui l'agrémentent avec sobriété.pierre sourisseau,environnements spontanés,archéologie naïve,guerres de vendée,guerre d'algérie

De haut en bas sur l'image ci-contre, Mitterrand, De Gaulle, Chirac, Sarkozy, Giscard, Pompidou, ph. BM, 2012

     La troisième zone s'étire sur près de 500 mètres, tout au long d'un chemin creux d'âge respectable, dont l'histoire fait rêver grandement l'auteur, qui passe devant sa maison et s'enfonce dans le bocage en direction d'une ancienne gare où allaient s'embarquer les appelés militaires, où passèrent aussi, à une époque encore plus ancienne, les Vendéens insurgés. Pierre Sourisseau, qui nous en fit faire la visite, tel un guide de monument historique, paraît toujours peu ou prou entendre les cliquetis des faux, ou des baïonnettes, ou les cris des hommes se pressant sur l'étroit et profond chemin chargé d'une histoire invisible à tout autre oeil que le sien.

 

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Pierre Sourisseau devant sa "hutte gauloise" sur le chemin creux, ph. BM, 2012

 

      Le chemin égrène sur une très grande longueur (originalité unique à ma connaissance) des statues, taillées directement dans le bois des arbres (naïves et visionnaires) ou modelées dans l'argile (très, trop, réalistes), des installations du genre écomusée, bricolées en plein air par cet historien autodidacte, des panneaux explicatifs, des installations plus ludiques aussi à l'intention de ses petis enfants (une fusée qui décolle à la manivelle un peu plus bas dans le chemin). On y évoque pêle-mêle les Gaulois, des saints chrétiens (St-Roch), les guerres vendéennes encore et toujours, des figures politiques (Sarkozy, Ségolène Royal, séquelles de la campagne présidentielle de 2007), certaines plus régionales (des maires locaux). De temps à autre, comme émergeant du fond d'une mémoire ancestrale plus païenne, des figures féériques ou fantastiques, hélas trop rares, poussent vers le spectateur leurs trognes ou leurs corps de racines, ce qui je dois bien l'avouer m'enchante davantage que tout le reste.

 

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Pierre Sourisseau, figure fantastique dans un arbre creux, ph.BM, 2012

 

      Pierre Sourisseau paraît ainsi hésiter, comme bon nombre d'autres autodidactes point trop sûrs de leur langage et déférents envers l'art savant, entre un réalisme de santons et un art naïf qui paraît d'emblée, en ce qui le concerne, correspondre pourtant à son langage naturel. Dans l'épaisse brochure de souvenirs qu'il a laissée derrière lui en 2008, il se recommande, comme pour asseoir une légitimité d'artiste qu'on pourrait lui contester puisqu'il n'a pas fait d'école, de l'enseignement et de l'appui d'un sculpteur local de monument aux morts, Yves Guiberteau. Parler de lui sur ce blog, qui est comme on sait acquis aux langages plus ingénus qui nous touchent davantage que les langages pompiers, pourra peut-être aider ce créateur original à choisir une voie plus en accord avec la langue féérique de la nature qui visiblement l'interpelle et nous enchante comme lui.

 

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Pierre Sourisseau, au bout du chemin creux, avec son "Tractosaure", voiture-arbre... qui fleurit encore, ph.BM, 2012

 

08/05/2012

Deux outre-vélos

     Deux vélos autres se sont manifestés sous mon regard à quelques jours d'intervalle. D'abord celui ci-dessous, une mante qui se prend pour un vélo, ce qui est assez peu banal. Trouvé sur le site d'Etienne Cornevin, Nouvelles Hybrides.

sauterelle-à-velo, site Nouv Hybrides.jpg

      Et puis ce deuxième, venu du bord de l'Océan Atlantique, grâce à l'oeil avisé d'André Bernard. Très "surréaliste", si l'on pense à la selle d'abeilles, visible sur une ancienne (?) photo (?) de Meret Oppenheim (?)...

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Vélo d'huîtres, créé naturellement par le temps et la mer, photo André Bernard, 2012

  Il me revient que l'on trouve aussi de temps à autre, parmi les cartes postales sur des sujets insolites, certaines images exhibant ce genre de concrétions sur vélocipède.  Par exemple cette dernière carte extraite de ma collection personnelle.

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Vélo d'huîtres, carte postale sans date (années 70?)

     Le texte de la correspondante qui est au verso de cette carte non datée est d'un pathétique si poignant, en dépit de sa briéveté, que je ne résiste pas à vous le recopier (en modifiant légèrement le patronyme de son auteur):

"Bonjour, je m'appelle Pascal Erronée, j'ai 16 ans. Je ne part [sic] pas en vacances alors j'aimerais jouer à 3 mots pour une chanson. Voici mon numéro de téléphone: 4.... J'habite en Charente-Maritime, Marennes."

   Le jeu mentionné dans le texte de cette jeune fille qui-ne-partait-pas-en-vacances devrait donner la date approximative de cette courte missive qui ressemblait à une bouteille à la mer. Situation, hélas, banale...

    Enfin, pour complaire à RR qui grâce à sa mémoire sans faille (voir commentaire ci-après) se rappelle le vélo que nous vîmes ensemble dans le jardin de l'habitant-paysagiste naïf André Hardy à St-Quentin-des-Chardonnets (Orne), aujourd'hui en voie de démantélement et dispersion, voici le deux-roues que ce dernier avait installé sur sa pelouse. Sa mosaïque de coquillages peints en bleu et disposés assez régulièrement, à la différence des manières de la Nature, a certainement été inspirée peu ou prou par les fameux vélos couverts d'huîtres qu'on trouve exhibés ici et là sur les littoraux.

 

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Chez André Hardy, ph. Bruno Montpied, 2010

17/03/2012

Un saint en dentelle

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Saint Vaast dévaasté

Eglise de St-Vaast-la-Hougue (Manche), 2011, ph. Bruno Montpied

01/03/2012

Face de poutre

   La théorie des trois points suffisant pour faire un visage, cette barre de protection sur une route des Cévennes l'été dernier l'illustre parfaitement je trouve.

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Cévennes, ph. Bruno Montpied, 2011

17/02/2012

Nouveau jeu... qu'est-ce que c'est?

    Il faut que je l'admette, le jeu des 7 différences n'a rien donné... Alors j'en lance un autre, plus dans le style Schmilblic...A gagner la même chose que dans le jeu précédent, puisque les livres sont toujours là à poireauter:

   Soit le livre (en italien), abondamment illustré de Gustavo Giacosa, Noi, quessi dessa parola che sempre cammina, sur les inscriptions graffitées de Babylone, Giovanni Bosco, Helga Goetze, Oreste Nannetti, Melina Riccio et Carlo Torrighelli (2010)...

Art br fribourgeois.jpg

        Soit cet autre ouvrage, Art brut fribourgeois, catalogue d'une exposition de la Collection de l'Art Brut en 2008...

     Que faut-il trouver cette fois? Eh bien, que signifient les objets ci-dessous, à quoi servaient-ils? Le premier qui trouve la solution gagne un des deux livres.

 

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Photo La Patience, 2012


04/10/2011

Un Monch et un Paillard s'exhibent à Montreuil

    Hasard du calendrier et des événements, deux créateurs fort inventifs vont bientôt pouvoir montrer aux curieux leurs productions que personnellement j'apprécie déjà hautement, sans attendre l'assentiment général. Dans la même ville, le même week-end, c'est-à-dire dans le XXIe arrondissement de Paris à Montreuil-sous-Bois.

 

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    Cela se passera les 15 et 16 octobre après-midi pour Serge Paillard, 12, rue des Sorins (c'est près du métro Croix-de-Chavaux). C'est dans le cadre des portes ouvertes des ateliers d'artistes de cette bonne ville. Serge Paillard expose depuis quelques années les images qu'il confectionne de retour de ses explorations dans un pays imaginaire créé par lui, la Patatonie. On nous promet rue des Sorins que l'on pourra à nouveau observer des "merveilles archéologiques" venues  de cette Patatonie, "objets divers, gravures galactiques, empreintes pariétales, spectres circonspects, autant de fenêtres sur l'infini peaufinées par un vitrier hors circonstance, artiste extravagant, métaphysicien en culotte courte" (Jean-Claude Leroy). Peut-être seront-elles assez semblables aux dessins à l'encre ci-dessous.

 

monch,poésie naturelle,photographie modifiée,serge paillard,art singulier,patatonieSerge Paillard, Pomme de terre dite de la petite lampe, 2007 

SP, Pomme de Terre en Cosmos, 2007monch,poésie naturelle,photographie modifiée,serge paillard,art singulier,patatonie

 

       Ces Portes Ouvertes sont donc également un autre prétexte d'exhibition pour les travaux photographiques de Monch, que j'avais découverts je ne sais plus trop comment, par son intermédiaire direct je crois, par mail, voici déjà quelque temps. J'aime beaucoup le travail de celui-ci, tel qu'on peut le découvrir sur son site web. Surtout parce qu'il travaille sur les formes naturelles, des pierres ou du bois,monch,poésie naturelle,photographie modifiée,serge paillard,art singulier,patatonie faisant des séries de photos non retouchées des formes visionnarisées dans la nature (l'angle de vue, et l'instant où l'éclairage est propice, sont autant de "retouches" apportées au réel, ce qui remet quelque peu en cause l'aspect de "non retouché" absolu, qui est une vue de l'esprit en définitive ; il y a finalement toujours une projection de l'esprit du photographe). Ces visions naturelles, il les appelle des pareidolies, je ne connaissais pas le mot (pour la définition, allez faire un petit tour sur Wikipédia).monch,poésie naturelle,photographie modifiée,serge paillard,art singulier,patatonie Monch, connaissant les limites de l'objectivité humaine en matière de regard, compose aussi  des séries de photos sciemment retouchées (mais si peu). Le photographe joue alors à se mesurer davantage avec l'inconscient naturel dans lequel il avait commencé à se plonger avec innocence (mais y a-t-il un inconscient naturel?).

 

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Monch, Mais où est passée Mère-Grand

 

     Une autre série sur le site de Monch concerne des portraits interprétés, réalisés à partir de photos que lui ont confiées volontairement divers amis ou relations. Je me suis personnellement prêté au jeu. Un des résultats de la métamorphose que m'a fait subir Monch est paru dans la revue L'Or aux 13 îles n°2 dont je parlerai bientôt sur ce blog. Voici l'autoportait de Monch de cette série: 

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Monch, Retour aux racines...

     Comme on le voit, amateurs de poésie naturelle et autres pareidolies, le monsieur a un certain talent qui mérite un petit détour par Montreuil. Monch, 14h-20h, 15-16-17 octobre (vernissage  le 15, à partir de 14h), à l'Usine Chapal, 2, rue Marcellin Berthelot, Esc. D, 4e étage, M° Crois-de-Chavaux, Montreuil.

 

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Annonce expo Monch, "Emoi, émoi, émoi"

 

  

27/08/2011

Kadhafi squelettisé et bandit manchot emplumé

    Dans la transmission récente de photos estivales d'un genre particulier, mais bien plus réjouissantes que les usuelles, le hasard (qui n'existe pas comme on sait) a voulu que me parviennent deux effigies au garde-à-vous qui ont pour point commun, outre une rigidité longiligne, celui de venger, au moins symboliquement de vieilles haines à l'égard de figures répressives. L'une vient de Tripoli, et l'autre du XIVe ardt de Paris.

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Ph. Tahar Hani, source France 24 (signalée par Régis Gayraud); vision prophétique de Kadhafi par un bricoleur spontané des rues prénommé Mohamed

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Apparition nocturne, rue Gazan (XIVe ardt), punition à base de goudron et plumes sur la personne d'un horrordateur par un usager en colère contre l'augmentation actuelle des amendes ; ph. Mathilde Maraninchi

11/08/2011

René Rigal, ou la sculpture-phasme

    Qu'il est doux de vagabonder dans le labyrinthe des minuscules départementales, bien loin des autoroutes où comme de juste, on ne trouve aucun inspiré du bord des autoroutes, cela tombe sous le sens. On voyage au cœur du néant sur ces rails de ciment, hors géographie, si loin de toute réalité que les régions et édifices que l'on aurait pu rencontrer n'existent que sur le papier, je veux dire, sur ces panneaux couleur de fèces qui nous donnent l'impression de flotter dans un monde virtuel. Sur les autoroutes, on ne sort pas de son ordinateur.

 

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Ph. Bruno Montpied

 

      Je vois tout à coup une flèche, "Musée éclaté". Je murmure dans ma barbe, on ne va pas aller voir bien sûr ce musée éclaté, pourtant, c'est un drôle de  nom... Et surprise, mon camarade au volant braque aussitôt, enfilant une route encore plus minuscule qui serpente en grimpant sur des collines en direction d'un village nommé Cardaillac. On est au nord de Figeac, et non loin de Capdenac. Le "Musée éclaté" se fait désirer, et l'on finit par y pénétrer, alors que ce n'est pas l'heure d'ouverture. Il y a un sculpteur à l'intérieur qui pourrait m'intéresser, me dit une dame qui anime ce musée, qui est en réalité "éclaté" parce qu'en plusieurs parties, genre écomusée rural sur les métiers et les écoles de jadis. Marie Mage, c'est son nom magnifique, nous conduit à la partie brocante, musée de tout (des museums of everything, y en a aussi dans nos belles provinces, y a pas qu'à Londres), où elle me montre le sculpteur en question, ou du moins ses oeuvres. Et je reconnais subitement les figures filiformesmusée éclaté,rené rigal,association hors-champ,marie mage,macary et pennet,galerie la menuiserie,jean-michel deslettres aussi dégingandées que des phasmes humains saisis dans le bois, c'est de René Rigal!

 

 

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René Rigal, Si tous les gars du monde voulaient se donner la main... Expositon le Musée éclaté, Cardaillac, été 2011, ph. BM 

   Ô, la belle coïncidence... Je n'en avais jamais vu autrement que sous la forme d'un charmant petit documentaire projeté dans un festival Hors-Champ à Nice (René ne tape pas la belote de Philippe Macary et Jean-Marc Pennet, 13 min, 2000 ; à noter que René Rigal apparaît aussi plus briévement dans un film de Paolo Mucciarelli, Truc d'esprit, art singulier en France, 30 min, 2006).

 

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Ph.BM

 

      Des sculpteurs autodidactes exploitant les formes naturelles du bois, les racines, les branches ou les souches, il en existe souvent. Dans le cas de René Rigal, disparu hélas tout récemment (il sculpta de 1978, date de sa mise à la retraite de conducteur de train, jusqu'à sa mort, survenue apparemment en novembre 2008voir commentaire ci-après), on a affaire à un exceptionnel créateur du fait de son choix de bois aux formes étirées, tendant au filiforme, à la liane serpentine, ce qui ne l'empêchait pas pour autant de voir en eux divers personnages ou animaux.musée éclaté,rené rigal,association hors-champ,marie mage,macary et pennet,galerie la menuiserie,jean-michel deslettres Dans le musée éclaté, c'était surtout des personnages humains qui avaient colonisé l'espace pour une période sans doute transitoire (je ne me rappelle plus très bien ce que Mme Mage nous a dit, c'était comme un tourbillon de rencontrer ces statues si étonnantes, si dansantes).

     Dans le livre édité par l'association Hors-Champ, le Petit Dictionnaire Hors-Champ de l'Art Brut au Cinéma, Gilbert Fenouille fait une remarque fort plausible: "René Rigal en a eu assez de suivre les rails du conformisme social et les horaires rigides. C'est peut-être pour ça qu'au moment de la retraite, il s'est mis à sculpter les bois tordus." La sinuosité de ses chevaliers à longues figures renvoie probablement à la capricieuse ligne de vie qu'il avait dû suivre dès le travail abandonné.

 

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Ph.BM

 

     Le film de Pennet et Macary ne durait qu'une douzaine de minutes et les renseignements sur M.Rigal manquent aujourd'hui passablement. Il faudrait probablement s'adresser à la galerie La Menuiserie à Rodez pour en apprendre un peu plus. Ce sculpteur a eu ses œuvres fort bien servies par un excellent photographe, Jean-Michel Deslettres. Des clichés de ce dernier ont été notamment publiésdans un petit catalogue non daté que réalisa la galerie La Menuiserie après la mort du créateur (donc cette année). Il est souhaitable cependant qu'on consacre un jour un peu plus de papier à l'évocation de l'ensemble des pièces sculptées de cet excellent créateur. 

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Photo Jean-Michel Deslettres sur la couverture du catalogue de La Menuiserie

 

Comment accéder au Musée Eclaté? On va jusqu'à la place de la Tour, 46100, Cardaillac. Tél 05 65 40 10 63 ou 05 65 40 15 65. www.musee-eclate-cardaillac.fr (7 lieux "chargés d'histoire" à visiter avec des guides, maison du semalier, saboterie, moulin à huile de noix, l'étuve à pruneaux...). Le village de Cardaillac est très charmant, et il y a un bistrot si je me souviens bien... 

02/05/2011

Coup de fusil

    Tous les jours j'arpente ce trottoir pour descendre au turbin et en revenir. Cela fait déjà un paquet d'années que je l'use, et mes grolles aussi dessus. Je ne l'avais pas remarquée cette lézarde.

Unelézarde, Paris Xe ardt, fév 2011, ph Bruno Montpied.jpg  

    Les fentes sur le goudron, je ne les vois pas toujours, même si autrefois il m'est arrivé de faire un petit film Super 8 à leur sujet (cela s'intitulait Sur les trottoirs de nos villes). Celle-ci, vue en perspective, dans le sens de la marche, cadrée comme je l'ai fait avec mon portable, pourrait faire penser tout au plus à une espèce de profil aux lèvres pincées, pas très folichon. Ce soir-là, je n'ai rien vu pourtant, que des lignes tremblotantes. et puis tout à coup ce fut là, évident.

 

Fusil de hasard, Paris Xe ardt,2011, ph.Bruno Montpied.jpg

      Un fusil, et un immense qui plus est. Tracé avec un réalisme étonnant. Tellement étonnant qu'on en venait à imaginer un signe prophétique.

 

07/04/2011

Gilles Ehrmann une expo rue Monsieur-le-prince pour flâneurs des deux rives

      Vous êtes conviés jeudi 7 avril à partir de 18 heures au vernissage de l'exposition Gilles Ehrmann, Champs de force à la librairie Le Flâneur des deux rives. (Il s'agit apparemment de photographies de reportage, oeuvres moins connues de Gilles Ehrmann, comme ces splendides rochers zoomorphes de Ploumanach qu'il me semble reconnaître sur la photo de l'affiche ci-dessous).

GillesEhrmann Affiche le flâneur des 2 rives.jpg

     Exposition du 5 avril au 14 mai, Librairie-Galerie Le Flâneur des deux rives. 60, rue Monsieur-le-Prince, (6e). RER Luxembourg. M° Odéon. 01.46.33.45.52. Du mardi au samedi de 11h à 19h30. Le dimanche de 15h à 19h. Entrée libre.

16/01/2011

Lundi 17 janvier, Recoins sur Aligre FM

       J'ai oublié... Demain a lieu une réunion au sommet de votre serviteur avec Emmanuel Boussuge, et Cosmo Hélectra, assisté de ses camarades de l'émission Songs of Praise sur Aligre FM (93.1), pour causer du dernier numéro 4 de Recoins. L'émission se tient de 19h30 à 21h, tous les lundis (elle peut être réécoutée par la suite sur le site d'Aligre FM). On va pouvoir entendre la musique dont nous parle Emmanuel et ses amis de la revue (Franck Fiat, Bastien Contraire, etc.) un peu plus concrètement qu'en lisant les pages de cette stimulante et attachante revue, où j'ai publié pour ma part en pré-publication un article sur Pierre et Yvette Darcel, qui se retrouvera dans mon livre, L'Eloge des Jardins Anarchiques.

(L'émission peut être écoutée en suivant ce lien vers un téléchargement: http://songsofpraise.hautetfort.com/)

     A noter aussi que la situation financière de cette radio associative est actuellement "au plus mal" pour citer les mots de Cosmo, "mettant en péril son avenir". Si vous pensez qu'il faut soutenir cette radio, faisant partie des lieux d'expression alternatifs qui nous sont précieux face aux grands médias décervelants, envoyez donc un chèque de soutien à Aligre FM, 42, rue de Montreuil, 75011 Paris.

Photo Emmanuel Boussuge, un poteau anthropomorphe du côté de Valuéjols, Cantal, 2010.jpg

 Photo Emmanuel Boussuge, 2010

09/01/2011

L'Eloge des Jardins Anarchiques, le livre de Bruno Montpied sort en mars

Maquette de le 1ère et de la 4ème de couv de L'Eloge des Jardins Anarchiques, Editions de l'Insomniaque, mars 2010.jpg

1ère et 4ème de couverture du livre L'Eloge des Jardins Anarchiques, éditions de L'Insomniaque, avec les rabats déployés (dernière maquette établie au moment où j'écris ces lignes)

 

     Il y a le film, Bricoleurs de Paradis, qui sort bientôt à la télévision, mais il y aura aussi dans un peu plus de temps, quand le méchant hiver sera balayé par les giboulées, et que les bourgeons reviendront, L'Eloge des Jardins Anarchiques, publié par votre serviteur aux Editions de l'Insomniaque en mars. Les deux se complètent, et c'est pourquoi on retrouvera le film en DVD sous les rabats du livre.

L'Eloe des Jardins anarchiques, 1ère de couv, Editions de l'Insomniaque.jpg

Voir l'avis de souscription (pour acquérir ce livre avec une réduction) au bas de cette note

     Il s'est agi de rassembler un certain nombre d'articles anciens en les joignant à de nouveaux rédigés spécialement pour l'occasion. Les articles anciens ont été remaniés, pourvus de notes concernant quelques mises à jour d'information. La réédition de ces textes était souhaitée par moi depuis longtemps car ils avaient fait l'objet de publications dans des revues ou des livres restés en diffusion passablement confidentielle (Plein Chant, Création Franche, les premiers numéros de Raw Vision, Réfractions, Le Monde Libertaire, L'oeuvre énigmatique de François Michaud, Recoins...), quand ils n'avaient pas été raccourcis par les tribunes qui les avaient accueillies (Artension, 2ème série, pour Les Inspirés qui expirent, titre qui devint Voués à la destruction). Le projet parallèle de film avec Remy Ricordeau me permit de découvrir d'autres sites pour lesquels de nouveaux articles s'imposaient, sur Bohdan Litnianski, les vestiges du jardin d'Emile Taugourdeau, ou sur le jardin de moulins multicolores d'André Pailloux, par exemple. Par manque de place, j'ai été amené à regrouper un certain nombre de notices sur des sites pressentis pour être incorporés au film et qui ne furent pas toujours gardés au montage final (sur Alexis Le Breton, Bernard Roux, la maison "tricotée" de Madame C., André Hardy, André Gourlet, Léon Evangélaire, Joseph Meyer, Michele et Concetta Sassano, Remy Callot, etc.). J'en profitais aussi pour prolonger certains articles anciens en les incorporant dans une  mise à jour étendue (La Dynastie des Montégudet, rare cas de prolongement du travail d'un créateur par son fils).

René Montégudet portrait sur son crocodile, ph. Bruno Montpied, 2009.jpg

René Montégudet sur son crocodile (fils de Ludovic, dont des photos du site qu'il avait créé furent exposées aux Singuliers de l'Art en 1978 à Paris), ph. Bruno Montpied, 2009

 

    Il doit bien y avoir une trentaine de sites évoqués avec une certaine ampleur dans ce livre. Mais si l'on se réfère à l'index que j'ai ajouté au bout du livre, uniquement consacré à l'indexation des noms des créateurs cités à un moment donné de l'ouvrage, on atteint plus de  90 sites mentionnés, avec leur localisation (ou non!), leur état actuel (dans la mesure où j'ai  toujours l'information à ce sujet), les lieux qui les conservent en partie.... Une bibliographie passablement épaisse, et pas assez exhaustive à mon goût (mais il a bien fallu que je me réfrène), complète je pense utilement l'ensemble, à l'usage des chercheurs et des amateurs qui sont toujours attentifs à la mémoire de ces créateurs et des médiateurs qui ont aidé à les faire connaître.

Table des matières de L'Eloge des Jardins anarchiques, Ed. de L'Insomniaque.jpg

     Le problème de la médiation est un problème délicat. On a affaire en l'espèce - il faut sans cesse le rappeler - à des créateurs qui agissent au sein de propriétés  privées, avec, certes, à l'évidence, le besoin de montrer leurs réalisations depuis la rue ou la route qui passe devant chez eux. Parfois même, le jardin de ces gens ressemble à une galerie en plein air (exemple de Joseph Donadello, que j'ai évoqué sur ce blog, note qui a été développé pour les besoins du livre d'ailleurs).

Le-voile-de-ciment,détailGC.jpg

 Monsieur C., site en Normandie, détail d'une photo plus large de BM, 2010

 

       Il n'en reste pas moins que ces créateurs aiment montrer leurs "oeuvres" (mot qui les gêne) dans un cadre qui reste de l'ordre de l'environnement plus ou moins immédiat. Les relais sur l'information concernant leur existence, par des média plus ou moins puissants  (du petit passionné dans mon genre, jusqu'à la télévision régionale, voire nationale, en passant par la presse régionale) les dépassent généralement, même si ici ou là certains se montrent un peu mégalomanes.  La méfiance est même souvent au rendez-vous avec parfois des récriminations concernant une possible exploitation de leurs travaux par les photographes de passage, ou les cinéastes comme ceux de l'équipe à laquelle j'ai collaboré (j'en profite pour dire que jusqu'à présent, dans notre cas, ces profits sont restés largement imaginaires! Si les techniciens sont payés dans ce pays,  les auteurs ne sont pas souvent servis à la même enseigne...).

Chez Joseph Donadello, Panneau peint:Ralenti regarde moi, ph. Bruno Montpied, 2008.jpg

 Panneau chez Joseph Donadello, Saiguèdes, Haute-Garonne, ph. BM, 2008

 

      Les créateurs ne sont donc pas toujours bien conscients de ce qui peut arriver par ce long ruban routier dont ils attendent des regards, mais quels regards au juste? Je pense personnellement qu'ils les souhaitent discrets, bien élevés, respectueux. Les gros sabots des médias de ce point de vue pourraient leur causer du tort. Soyons-en conscients à leur place...

Alexis Le Breton, L'Art Sacré,ph. Bruno Montpied, 2010.jpg

 Alexis Le Breton, L'Art sacré..., parc de "la Seigneurie de la Mare au Poivre", Locqueltas, Morbihan, ph. BM, 2010

 

      A-t-on affaire à de l'art? Oui, si on entend ce terme dans son acception liée au seul façonnage, à la seule mise en forme. Mais non, si on rappelle que l'art c'est aussi un mode social de production, un discours théorique, une histoire, un marché surtout, une vision d'une certaine pérennité de l'oeuvre produite.     Mon livre, et le film aussi bien, évoquent l'aspect extrêmement éphémère de ces créations de plein vent, ce qui me fait les ranger sous le terme "d'art immédiat" (art de l'immédiat), et les problèmes de conservation qui découlent inévitablement de leur façon d'être créées (le problème est fort apparent dans le film lorsqu'est interrogé Claude Vasseur, le fils de Robert, qui se débat actuellement dans des difficultés quasi inextricables pour tenter de sauver le jardin de mosaïque de son père ; ce genre de problème est tellement aigu qu'on ne peut s'en tirer en traitant tous ceux qui prennent parti pour l'éphèmère "d'imbéciles", d'ignorants, etc, comme c'est le cas sur certains sites se présentant en champions exclusifs de la conservation de ces sites).

Robert Vasseur, honneur aux visiteurs, photo Remy Ricordeau, 2008.jpg

Chez Robert Vasseur, photo Remy Ricordeau, 2008

 

      Rendez-vous donc en mars, et le 3 avril plus physiquement parlant, à la Halle Saint-Pierre en début d'après-midi, un dimanche, pour la signature du livre et la présentation du film. En attendant, veuillez prendre connaissance de l'avis de souscription du livre (soit en PDF en cliquant sur le lien de l'avis ci-dessus, soit en imprimant l'image en faible résolution ci-dessous).

Avis de souscription pour L'Eloge des Jardins Anarchiques, Editions de l'Insomniaque.jpg  

      Les Editions de L'Insomniaque: 43, rue de Stalingrad, 93100 Monteuil-sous-Bois, Tél: 01 48 59 65 42. insomniaqueediteur@free.fr et le site web: www.insomniaqueediteur.org. Pour les libraires qui souhaitent vendre le livre, il faut s'adresser au diffuseur Court-Circuit Diffusion.

  

  

10/12/2010

Un nouveau livre sur les Rochers sculptés de Rothéneuf, et une exposition sur place

     Annoncé depuis plusieurs mois, voici qu'est paru, selon une information de Joëlle Jouneau, fondatrice de l'Association des Amis de l'Abbé Fouré (qui veut se consacrer à mieux faire comprendre la vie et l'oeuvre du fameux ermite), le livre du photographe et cinéaste Jean Jéhan, Saint-Malo-Rothéneuf, au temps des Rochers Sculptés, aux éditions Cristel. Je peux montrer ici, transmis par cette même Joëlle, la couverture et le 4e de couv de cet ouvrage qui paraît fort coquet ma foi:

  

Couverture du livre Jean Jéhan, St-Malo-Rothéneuf au temps des rochers sculptés, éd. Cristel, 2010.jpgCouverture du livre de Jean Jéhan, éd Cristel, préface d'Alain Bouillet, 2010

4e de couverture du livre de Jean Jéhan.jpg

 4e de couv' avec un curieux photomontage

  

     On notera le format italien du livre qui paraît par son titre (ne mentionnant curieusement pas le nom de l'auteur des rochers sculptés) mettre l'accent avant tout sur l'aspect régionaliste du thème traité, annonçant des reproductions de cartes postales anciennes, ainsi que des photographies en noir et blanc de l'auteur extraites des 300 clichés de sa collection personnelle (prises à des époques où certaines statues, disparues depuis, existaient encore, ce qui permet de mettre en évidence la dégradation du site). Dès que j'aurai pu davantage le consulter, j'y reviendrai bien entendu (puisque mon blog sert de caisse de résonance à ma propre recherche sur l'abbé depuis déjà plusieurs notes). D'ores et déjà, on attend avec impatience de trouver dans le livre de Jean Jéhan  la reproduction promise de plusieurs pages du Livre d'Or de l'abbé, que celui-ci gardait à la disposition des visiteurs de son petit musée dans le bourg. Ce livre d'or contiendrait des dessins de l'abbé. Une rumeur court ainsi comme quoi certaines "enluminures" de ce livre, les dragons ci-dessous par exemple (reproduits d'après une photocopie d'un autre article paru cette année dans Le Pays Malouin sur l'existence de ce Livre d'Or, conservé jusqu'à présent par une descendante de l'abbé), seraient de la main de l'abbé, ce qui serait, si cela s'avère bien attesté, une belle découverte de la part de M. Jéhan.

 

 

Page du Livre d'Or de l'abbé fouré, d'après photo Pays Malouin.jpg

 "Enluminure" du Livre d'Or de l'abbé, tel que parue dans un numéro du Pays Malouin, journal de la région de St-Malo

 

    Autres révélations que l'on devrait aussi trouver dans ce livre de Jean Jéhan, des témoignages de personnes ayant connu dans leur enfance l'abbé, personnes disparues depuis. Le Pays malouin cite l'anecdote rapportée par l'une d'elles des bains de sable que l'on faisait prendre à l'abbé pour le soulager de ses rhumatismes... De même, le caractère taciturne et pour le moins taiseux du personnage se trouve corroboré dans ces témoignages (mais s'il avait des difficultés d'élocution engendrées par sa surdité, cela ne pouvait que le rendre taiseux, non?...). On attend certes beaucoup de ce livre que d'aucuns présentent déjà, de façon pour le moins précipitée comme celui qui traiterait enfin de "l'intégralité" de l'abbé Fouré... Attention de ne pas lui en demander trop. Mais il faut certes se féliciter de ce qu'un ouvrage sérieux ait enfin paru sur les terres mêmes de l'abbé Fouré, cent ans que ses mânes, errant entre les falaises de Rothéneuf, attendaient cela.

   Joëlle Jouneau me signale par ailleurs que le livre reprend « en annexe » le Guide du Musée de l‘ermite de Rothéneuf dont on se souviendra peut-être que j’ai donné au début de cette année, date anniversaire des cent ans de la mort de l’abbé Fouré, dans le n°1 de la revue apparentée au surréalisme L’Or aux 13 îles la première édition commentée depuis son édition originale en 1919. Je ne suis pas mécontent de vérifier qu’une fois de plus, face aux partisans de l’art brut, les surréalistes auront encore tiré les premiers ! (Ce qui explique peut-être l’attitude assez mesquine d’une Animula Vagula, sur un blog parallèle, qui s’empresse de ne pas mentionner notre première édition lorsqu’elle apprend avec ravissement la publication prochaine du livre de M. Jéhan - éternelle jalousie du parti de l’art brut ?).

     Mais revenons à Joëlle Jouneau. Cette dame, intéressée vivement à la vie et  à l'oeuvre de l'abbé, surprise comme beaucoup de visiteurs des rochers que l'on n'ait jamais songé sur place à communiquer davantage d'informations véridiques sur le compte de l'abbé, au lieu de se contenter des légendes créées de toutes pièces par les ancêtres des gérants du lieu, cette dame a décidé de créer donc une association qui se donne pour mission d'aider à restituer la mémoire et le sens de l'oeuvre de l'abbé. Il va de soi que je m'associe pleinement à cette mission. C'est pourquoi je viendrais à la journée du 18 décembre prochain à la salle de quartier de Rothéneuf, qu'organise Joëlle Jouneau en prélude à une exposition qui sera ensuite installée au manoir Jacques Cartier qui vient d'être donné à la Ville de St-Malo par la fondation canadienne qui le gérait jusque là. Voir l'affiche ci-dessous:

 

affiche exposition  sur l'abbé Fouré et journée du 18 décembre 2010 à la nouvelle salle de quartier de Rothéneuf.jpg

 

 

     Je devrai normalement, au cours de la soirée, si la technique ne nous fait pas faux bond, présenter un film surprise sur la question des environnements spontanés contemporains afin de situer les rochers sculptés dans un contexte plus général (je donnerai bientôt plus de détails à propos de ce film). L'exposition essaie de retracer l'ensemble de ce que l'on sait du parcours biographique de l'abbé, et de la signification de ses sculptures sur pierre ou sur bois, à partir des recherches des divers exégètes de l'abbé Fouré .

 

expo abbé Fouré, manoir Jacques Cartier.jpg

 

 

30/10/2010

Sculpture d'eau

Sculpture-d'eau5,La-gifle.jpg

Photo Bruno Montpied, Paris, octobre 2010

    Sur qui va s'abattre cette main, ce poing, ou cette badine, suspendue par la photographie ? Sur quelle infante en mantille qui tente vainement de se protéger? L'écume n'est cette fois pas seulement montée aux lèvres, elle a envahi les deux protagonistes, elle les a littéralement bâtis de sa colère blanche et grasse. 

29/08/2010

Info-Miettes (9)

Galerie Susi Brunner, Zürich

    Je viens de recevoir des dépliants, une carte postale, pour m'inciter à aller faire mon marché - mon expéditeur me supposant collectionneur avisé - du côté de l'art brut à Zürich, à la galerie de Susi Brunner, apparemment une bonne adresse  pour ce genre d'emplettes. "C'est depuis 1973 que je m'implique de façon professionnelle dans l'art "outsider" et l'Art Brut", écrit-elle dans une courte présentation traduite en français dans sa présentation de la galerie. Le programme des derniers mois de 2010 s'annonce comme d'habitude stimulant: nous aurons ainsi Umberto Gervasi, Giuseppe Zivieri, Alberto Guindani et Nicola Gianini, quatre créateurs apparemment italiens - l'Italie se fait beaucoup remarquer ces temps-ci du côté de l'art brut ; voir Bonaria Manca, ou ce Giovanni Bosco sur lequel un blog parallèle, celui de la Madame Figaro de l'Art Brut, en fait des caisses depuis déjà quelque temps - quatre créateurs qui exposeront entre le 18 septembre et le 18 octobre ; Alain Signori, sans titre, 30x21cm.jpgun certain Alain Signori, venu de France (une sorte de figuratif naïf on dirait? Il y a pas mal de renseignements sur lui et ses travaux sur internet, notamment un site web à lui seul consacré), exposera ensuite de ce 18 octobre jusqu'au 18 novembre,Alain Signori, sans titre 20x12cm.jpg date à laquelle sera fait place aux "acquisitions" de la galerie et ce jusqu'au 18 décembre, date à laquelle les relaieront Paul Amar et ses boîtes de saynètes incrustées de coquillages et autres loupiotes parfaites pour aller avec les arbres de Noël qui refleuriront, façon de parler, un peu partout en Europe en cette fin d'année... Un film de Philippe Lespinasse sur Amar (déjà ancien) sera également projeté à cette occasion.

Galerie Susi Brunner, Spitalgasse 10, Suisse, 8001 Zürich. Tél 41(0)44 251 23 42. www.susibrunner.ch

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Jarousse chez Chave

     La galerie Alphonse Chave de son côté poursuit son défrichement des créateurs un zeste obsessionnels en exposant du 21 août au 30 novembre Isabelle Jarousse et ses oeuvres en papier épais, couverts de faunes et flores divers dessinés méticuleusement à l'encre par-dessus des vagues et des plis tortueux. Nous avons déjà eu l'occasion de l'évoquer sur ce blog ainsi que dans la revue Création Franche (n°23, cotobre 2003, article Sans paroles, Isabelle Jarousse).

Isabelle-Jarousse-Chave-201.jpg

 

   A signaler la parution d'un catalogue à l'occasion de cette exposition, reproduisant 25 oeuvres d'Isabelle Jarousse, faisant partie d'une série intitulée "Fleurs et couronnes", avec un texte de Damien Chantrenne. Deux expositions supplémentaires consacrées respectivement à Pascal Verbena et à "l'Art Brut et ses alentours" se poursuivent dans la même galerie, à ses premier et second étages.

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Insectes en tous genres à Verderonne

21x30.jpg

     Photos et dessins d'insectes sont au menu de l'expo d'été qui se poursuit actuellement au Centre Artistique de Verderonne, animé par Caroline Corre dans l'Oise jusqu'au 27 novembre prochain. Pour les photos (d'Alain Muriot), je suppose que c'est de la photographie entomologico-poétique, style Roger Caillois (à seconde vue, ce serait plutôt proche des évocations de Nabokov). Pour les dessins, nous avons l'occasion ici de retrouver les bestioles voraces de Michel Boudin, que j'ai déjà aussi eu l'occasion d'évoquer ici et là (dans le catalogue de l'exposition Créations et Visions Dissidentes au Musée de la Création Franche à l'automne 2001).

02/08/2010

Bruly-Bouabré, Ataa Oko, les films

Ataa Oko et Bruly-Bouabré,jaquette des films à eux consacrés par Philippe Lespinasse et Andress Alvarez-.jpg

     Il y avait l'expo à la Collection de l'Art Brut de Lausanne, il y aura désormais, pour s'en souvenir plus longtemps, les films de Philippe Lespinasse (accompagné d'Andress Alvarez et de Regula Tschumi) sur nos deux compères respectivement ivoirien (en fait, i voit beaucoup) et ghanéen, Frédéric Bruly-Bouabré et Ataa Oko, deux grands voyants venus du continent africain (voir ma note de mars au sujet surtout d'Ataa Oko).

Bruly-Bouabré,dans le film de Philippe Lespinasse, 2010.jpg
Frédéric Bruly-Bouabré dans le film de Philippe Lespinasse et Andress Alvarez, 2010

     Nous avons donc deux courts-métrages sur ces créateurs, produit par Lokomotiv Films et la Collection de l'Art Brut. Le premier, Frédéric Bruly-Bouabré, l'universaliste, fait 32 minutes, et le second, Ataa Oko et les esprits, 16 minutes.

Dessin de taches sur une banane,Frédéric Bruly-Bouabré,film Philippe Lespinasse.jpg

      "Théodore Monod, le savant blanc, m'avait dit, mon fils dans la vie il faut être observateur", nous confie celui qui, à 88 ans (dans le film), devenu un vieux sage et un patriarche respecté, reste plus que jamais un adepte de la divination. Observer les nuages, les peaux de banane, les signes de scarification, la disposition du marc de café, les taches de ciment dans la rue, pour y déceler un message du hasard, les fixer sur des bristols qu'il encadre de commentaires descriptifs, telle fut la tâche de Bruly-Bouabré durant ses soixantes dernières années. Composer un alphabet de 449 pictogrammes associés à des syllabes, afin d'inventer un langage qui réunirait toutes les langues du monde (projet assez voisin de celui de certains fous littéraires chers à André Blavier), a été une autre des grandes préoccupations de cet homme qui fut profondément influencé, paradoxe pour un créateur que l'on range désormais dans l'art brut (censé être un art produit en dehors de toute influence culturelle), par Victor Hugo. Il dit par exemple dans le film de Philippe Lespinasse, "J'étais littéraire au début... J'ai été envoûté par Victor Hugo, puis finalement c'est le dessin qui a dominé...". Le même Hugo qui lui aussi avait été requis par les taches d'encre, et autres accidents du hasard (sait-on bien que le poète à Guernesey, signait, à la façon des pierres de rêve chinoises, des galets trouvés sur la grève?), fut il est vrai enrôlé par Michel Thévoz (voir son livre L'Art Brut de 1975) comme un précurseur de l'art brut... Bruly-Bouabré a été frappé à n'en pas douter par l'idée très hugolienne que le poète est l'instrument de Dieu, qu'il est la main, l'oeil et l'esprit qui témoignent des miracles créés par la divinité. Etonnante postérité du grand Hugo tout de même...

Dessin vu sur une noix de cola,Frédéric Bruly-Bouabré, film de Philippe Lespinasse.jpg
"Divine peinture relevée sur noix de cola ou l'art de déterrer les "os" pour la résurrection", dessin de Frédéric Bruly-Bouabré
Ataa Oko,photogramme film Philippe Lespinasse et Andress Alvarez.jpg
Ataa Oko, son fils (et Régula Tschumi?), décrivant les esprits qui sont représentés dans les dessins sur la table, 2010 

      On voit les créateurs dessiner devant la caméra, et notamment, dans le cas d'Ataa Oko, ce prodigieux créateur de cercueils imagés au début, qui passa sur ses vieux jours au dessin aux crayons de couleurs, sur la demande de l'ethnologue Regula Tschumi (qu'on aperçoit brièvement à un moment du film), on les voit parfois commenter leurs créations, parler des esprits avec lesquels Oko paraît s'entretenir familièrement. Il y a de l'enfantin résiduel chez ce nonagénaire lorsqu'il explique le sens des attitudes de certains esprits par exemple.

Ataa Oko, dessin d'un Cercueil-espadon,film de Philippe Lespinasse.jpg
Un des premiers dessins d'Ataa Oko, au départ sollicité par Régula Tschumi pour redonner une image des cercueils qu'il avait créés autrefois et qui étaient désormais impossibles d'accès puisqu'enterrés

      C'est un des intérêts majeurs de ces films, nous faire sentir le feeling profond d'un Bruly-Bouabré par exemple, la jeunesse et la malice de ces vieillards, à fond dans le seul réel qui vaille, qu'on appelle aussi ailleurs surréel.

L'exposition Bruly-Bouabré se termine le 22 août, tandis que celle des oeuvres d'Ataa Oko, devant le succès rencontré, comme dit le site web de la Collection de l'Art Brut, est prolongée jusqu'au 30 janvier 2011. Le DVD est disponible à la Collection de l'Art Brut.

17/07/2010

Antonio de Pedro

      Au musée des Amoureux d'Angélique à Carla-Bayle cet été, en plus des masques, j'ai oublié de mentionner une autre exposition, celle des sculptures sur formes naturelles en bois étonnamment ouvragées par un monsieur appelé Antonio de Pedro. Les affichettes éditées par le musée en 10 x 15 cm disent à peu prés toute ma science sur le personnage et son oeuvre. Je m'abrite donc trés paresseusement derrière elles.

Affichette Antonio de Pedro, musée des Amoureux d'Angélique .jpg
Affichette Antonio de Pedro au musée des Amoureux d'Angélique.jpg
Affichettes confectionnées par Martine et Pierre-Louis Boudra

14/07/2010

La sorcière qui attend

     Il y a un certain nombre de sorcières qui hantent les pages de ce blog depuis trois ans qu'il existe. En voici une que j'avais repérée avec un choc, il y a plus de 20 ans, un jour de flânerie sur les hauteurs de Cannes, zone fleurant bon l'ennui des dimanches que l'on a étendus à toute la semaine, Cannes ce mouroir pour riches.

Sieste de la sorcière, ph. Bruno Montpied, 1988.jpg
Sieste de la sorcière, ph. Bruno Montpied, 1988

13/06/2010

Château de la Loire

 

Château-barbouillé-,Saumur.jpg
Château de Saumur ou Tour de Robert Garcet ? Photo BM, 2009

12/06/2010

Empreintes au marché de la poésie

    Ca fait un bout de temps que la revue Empreintes, imprimée volontairement en noir et blanc, dans la conception classique de la photographie, animée par Claude Brabant, par ailleurs maîtresse de la Galerie l'Usine, du 102, boulevard de la Villette dans le 19e arrondissement - depuis quoi? Au moins trente ans? - sort des numéros avec de ci de là des textes en relation avec les dadas de ce blog,  sur des environnements spontanés par exemple. Petite recension ultra rapide et parcellaire: dans le n°13 (sans date),Couverture d'Empreintes n°13.jpg on trouve un article sur Lucien Favreau avec des photos de Claude (p 35 à 41) et dans le n° 14, un texte sur Bohdan Litnianski (p 22 à 27). Le noir et blanc va particulièrement bien au jardin de rebuts assemblés de Bohdan.

Lucien Favreau,ph.Claude Brabant.jpg
Lucien Favreau, photo Claude Brabant, Empreintes n°13

    Pour la couleur des statues de l'environnement de  Lucien Favreau (que je n'ai jamais trouvé l'occasion d'aller visiter), on peut trouver sur le web des photos en couleur abondantes sur un site anglo-saxon Outsider art in France (signalé par le blog d'Henk Van Es, Outsider environments Europe).

Lucien Favreau sur le site web Outsider art in France.jpg
La même oeuvre que ci-dessus, site anglo-saxon Outsider art in France

    Pour Litnianski, on peut aussi aller sur mon propre blog (où plusieurs photos sont d'ailleurs faites sous le même angle que celles de Claude B.).

      D'autres numéros contiennent d'autres sujets en rapport avec les environnements (il me revient qu'il y en a eu un avec des photos sur la cave sculptée des Mousseaux à Dénezé-sous-Doué, dans le Maine-et-Loire). Je vous invite à aller les repérer au prochain Marché de la Poésie, stand F.11, où la revue Empreintes sera présente. Du 17 au 20 juin prochain, place Saint-Sulpice, Paris 6e ardt. Et si vous n'avez pas l'opportunité, ni les moyens d'y aller, voici le lien vers le site de l'Usine où vous trouverez d'autres renseignements.

03/06/2010

Tonton

L'Oncle réincarné, ancre de marine, ph.Bruno Montpied,St-Malo,2010.jpg
L'oncle réincarné, photo Bruno Montpied, Saint-Malo, 2010

16/05/2010

Je vois un pays désertique

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Paysage désertique (image dans une bâche sur le parapet du pont de Sully, Paris 4e ardt), ph BM 2010
     Je vois un pays blanc, désertique, une forte casemate se dessinant à l'horizon de ce monde unicolore, où traînent des ombres sales, et le spectre d'une tête aux orbites creuses, la gueule édentée ouverte pour happer, ou pousser une plainte. Comme de la poussière, soulevée perpétuellement par des bourrasques, trouble le regard de ses grains virevoltant en tous sens. Un cerf-volant inattendu en ces lieux est relié à un fil qui provient de l'ombre sale, tenu par une main que je ne discerne pas, noyée qu'elle est dans l'obscurité de ce qui est peut-être en définitive une caverne. Je devine que dans la bâtisse trapue à l'horizon se tient prostré un roi déchu, la tête tombant sur sa poitrine, les yeux à demi clos, la couronne d'un or ayant perdu tout éclat posée de guingois du fait de l'inclinaison. Je viens de loin pour lui parler.
*
      Suite à l'interprétation "automatique" ci-dessus, Gilles Manero m'a renvoyé le paysage "bâchique" modifié (numériquement?) par ses soins, voici le résultat:
PaysAge[1]GillesManero.JPG
 

04/05/2010

Tirer les vers de la bouche, tirer les vers des yeux

    Pas besoin d'une glose ici, la photographie parlera seule. Juste pourra-t-on ajouter que l'image est à verser dans la catégorie des visages en trois points, plus touchants d'êtres ainsi dûs au hasard que la moindre des "têtes à Toto" des artistes dits singuliers.

Tirer les Vers de la bouche,ph.Bruno Montpied,St-Malo, 2010.jpg
Photo BM, Saint-Malo, 2010
     Et comme certain commentateur -voir ci-dessous- ne paraît pas voir ce que je veux dire en matière d'artistes singuliers, je republie sur ce blog l'article que j'ai publié en avril 2008 dans Création Franche n°29:

"L'Attaque des Clones       

le-bon-grain-010.jpg
Dessous de tabouret à traire, ph. Philippe Lalane, 2007

         Je demandais il y a tout juste vingt ans (Actualités de l'art brut dans Artension, deuxième série, début 1988) que l'on fasse davantage de place aux singuliers de l'art en tous genres,  pas seulement à l'art brut.

      Ce dernier triomphe aujourd'hui internationalement.

   C'est loin d'être le cas pour ceux qu'on a rangés tantôt dans « l'art singulier » (renversement des termes popularisé dans le Sud-Est par les festivals organisés par Danielle Jacqui et feu Raymond Reynaud à Roquevaire puis à Aubagne), tantôt dans la Neuve  Invention (terme usité à Lausanne, forgé par Dubuffet et Thévoz, et qui n'a pas rencontré beaucoup de succès, on doit l'avouer) ou encore dans la Création Franche chère à Gérard Sendrey dans son site-musée éponyme à Bègles. Outre-Atlantique, cependant, sous le terme d'Outsiders, parviennent à se faire reconnaître nombre de créateurs que l'on rangerait ici plutôt du côté des Singuliers. C'est en France que la sauce ne prend pas...

       Les Singuliers de l'Art, c'était une façon au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris en 1978 de créer un rassemblement qui englobait à la fois l'art brut, les créateurs d'environnements et tous les marginaux coincés entre professionnels de l'art contemporain et création autodidacte sauvage. L'exemple des expositions surréalistes bien sûr était passé par là et inspirait ce genre d'initiatives (qui fut relancé à Paris une autre fois pour Art Brut et Compagnie à la Halle Saint-Pierre en 1995-1996). Ce type de grande exposition dans des lieux aux moyens limités n'est bien entendu pas facile à monter et cela explique qu'on n'ait pas beaucoup  renouvelé l'expérience. Mais d'autres raisons sont à invoquer dans ce qu'il faut bien appeler aujourd'hui un certain déclin, voire une certaine déliquescence du corpus qu'on cherche à nous faire avaler comme étant de l'art singulier.

        Les festivals, après Roquevaire, toujours plus chargés de poncifs en matière d'art de la récupération (ça porte bien son nom...), se sont multipliés dans des petites villes à l'écart ou non des grandes routes, Banne en Ardèche, plus récemment à Lyon qui a sa "Biennale de l'art singulier", à Grenoble aussi dans le temps, à Praz-sur-Arly, ou du côté de Montpellier (je ne pense pas aux expositions de la collection d'Alain Bouillet qui est un amateur exigeant ; je mets également à part les expositions du Pluriel des Singuliers qui se tinrent, semble-t-il avec un certain soin, à Aix-en-Provence), présentant toujours plus de seconds couteaux de l'art vite fait sur le gaz... Paris eut son Printemps des Singuliers quelque temps, avec des accrochages fourre-tout où une chatte n'aurait pas retrouvé ses petits. Depuis quelques années, on voit aussi un salon appelé La Métamorphose des matériaux se tenir dans la capitale, se faisant une spécialité de recycler ad nauseam les récupérateurs de la récupération dans un vaste fourbi dégénérant en salon de l'art décoratif puisé dans les poubelles (très chic et très rentable).

       Parmi les raisons de ce galvaudage généralisé de l'art singulier, il y a eu aussi l'influence délétère d'un magazine comme Artension qui n'opère plus aucun tri vis-à-vis des œuvres bâclées qu'on lui propose, les motivations profondes de ce magazine semblant être devenues avant tout d'ordre commercial et donc le menant à toujours plus de complaisance à l'égard du premier faiseur venu (je me souviens encore comment m'a été présentée l'offre de figurer dans leur "Bible de l'Art singulier", il fallait d'abord s'engager à acheter dix exemplaires du livre, sinon il était fort probable que je n'aurais aucune chance d'y figurer ; inutile de dire que je ne donnai aucune suite à cette proposition et que je ne fis en conséquence nullement partie de cette bible, anti-référence parfaite aujourd'hui en matière d'art singulier).

      Sévit également en France un manque d'exigence et d'esprit critique érigé à la dimension d'une mode, popularisé et massivement diffusé par le grand outil de décervelage national qu'est la télévision.

      Tout cela combiné a progressivement été cause d'une mise sur le circuit d'un nombre toujours plus croissant de sous-produits, d'ersatz d'art singulier. Le moindre petit artisteux un tant soit peu narcissique, s'il a croisé un jour la route d'un épigone de Chaissac vulgarisé par quelque télé ou plumitif locaux, peut se mettre à fabriquer des têtes à Toto de façon quasi industrielle, finissant par remettre totalement en question les mots art brut (que l'on emploie à tire-larigot), tandis qu'art singulier, n'en parlons même plus!

        Je revois encore Simone Le Carré-Galimard ronchonner en descendant l'escalier de la Halle Saint-Pierre, peu de temps avant sa disparition, regimbant contre tous ces artistes nés de la dernière pluie de grêlons gros justement comme des têtes à Toto. Quoi de plus facile que de faire de "l'art brut" avec le moindre débris récupéré dans la rue ? Donnez-moi trois doigts, un peu de pâte molle, et je vous colle un de ces visages primitifs, moi[1]... On s'amuse, on se fait plaisir, on joue à l'art.

       C'est bien une décadence complète et absolue. Il faut désormais que les créateurs authentiques, s'il en reste, se rassemblent et résistent contre cette attaque des clones ! Il faut surtout créer de nouveaux espaces alternatifs et les confier à des incorruptibles de l'art ! Et republier des listes comme le faisaient les surréalistes. Lisez... Ne lisez pas... Regardez... Ne regardez pas... ! Tant pis si des esprits grincheux viennent nous traiter de donneurs de leçons et de maîtres d'école. Ce sont justement les mêmes qui sont les responsables de cette invasion de primitivisme avarié qui finit par tuer tous les espoirs que l'on mettait dans ces alternatifs de l'art, apparus dans les années 70, inspirés par l'exemple moral, social et esthétique des créateurs de l'art brut que ne tourmentait aucune vénalité.

      Qu'attend-on donc de l'art ? N'est-il qu'un supplément d'âme ? Une force décoratrice ? Ou bien le miroir d'une révélation-révolution ? Un état d'esprit chargé de réenchanter notre vie quotidienne non seulement par son langage mais aussi par un comportement qu'il implique, bien loin du désolant "travailler plus pour étouffer davantage" que voudraient nous fourguer les nouveaux riches au pouvoir actuellement ?

Bruno Montpied, janvier 2008.


(1) La photo d'un dessous de tabouret à traire que j'insère au début de cette tribune aura davantage de chances de figurer un visage, par hasard, que le moindre visage traité en poncif de l'art "brut" par ces artistes si peu singuliers nés de la dernière pluie."

02/05/2010

Encore la Sirène

      Je viens de recevoir communication de l'apparition d'une projection lumineuse en forme de sirène sur le mur intérieur d'une maison dont j'ai déjà parlé en novembre 2008 sur ce blog. Si l'on veut se souvenir, devant cette maison, pousse un rosier de la variété de roses Mermaid (sirène en anglais). La mère de la jeune personne qui a photographié la dite projection lumineuse de ces derniers jours est décédée lorsque cette jeune fille avait douze ans. Elle prisait particulièrement la thématique de la sirène. C'est comme si elle envoyait depuis le pays d'où personne ne revient des signes d'affection, des clins d'oeil de l'au delà. Comme si une maison, saturée de son souvenir, était désormais hantée de fantômes aux doux aspects d'ondines.

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Projection lumineuse suite à un reflet sur de la vaisselle, photo Juliette C., avril 2010
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La voyez-vous bien, l'ondoyante sirène?
 

27/04/2010

Dessin de feu

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Photo Bruno Montpied, Saint-Malo, 2010

     Dans cette immensité blanche, tapis de neige d'une bitte d'amarrage, attendait une figure de feu. Coulée de rouille faite femme. Ou petit enfant né du hasard, lutin songeur et renfermé, un peu hâbleur cependant, la bouche entrouverte sur une réflexion qui meurt au bord des lèvres. En contrebas, un autre individu est sur le point de naître. Très opaque, comme calciné, figure charbonnée, le torse à peine esquissé, tourné de trois-quart. Tous deux sortent fumées d'une lampe invisible, génies inaperçus sur la rive du bassin portuaire, guettant peut-être le navire qui les embarquera, futurs passagers clandestins.

09/03/2010

Quel titre lui donneriez-vous?

    Je lui ai donné un titre bien sûr, au dos. Mais vous, qu'auriez-vous écrit?

Bruno Montpied, galet peint à l'encre,2003.jpg
Bruno Montpied, galet peint à l'encre, 2003
      Et spéciale dédicace à Cosmo Hélectra, voici une autre image bien double, plus parfaite que la mienne certes, qui figure en frontispice (sans crédit il me semble) dans le catalogue de l'expo de Düsseldorf "The endless enigma" (2003 ; voir commentaires ci-dessous):
Endless enigma, double image.jpg

06/01/2010

Encyclopédie Des Figures

"C'est la nouvelle année, embrassez votre installation électrique"

(Emmanuel Boussuge)

Emmanuel Boussuge,photo à Mons de Virargues, 30 déc 2009.jpg

Mons de Virargues, ph. E.Boussuge, 30 déc 2009

29/12/2009

Ephémère enfant des parapets

    Une minute plus tard, je ne l'aurais pas vu, nous ne nous serions jamais rencontrés. Il ne devait son existence qu'à cette grosse goutte d'eau qui s'évaporait lentement, teintant le parapet de brun. Parapet qui paraissait sous la belle lumière de ce jour-là, sur le Pont du Carrousel, fait de nougat. Il était à "croquer", mais non, je préférai me rabattre sur un instantané. Un clic et ce visage enfantin, en trois trous et deux pieds patauds, fut figé dans le souvenir.

L'enfant-la-bouche-béante,o.jpg
Ph. Bruno Montpied, 2009

29/11/2009

Comme enragé

Protest song, bande piétonnière usée, rueVivienne, Paris 1er ardt, ph. Bruno Montpied, oct 2009.jpg
Protest song, bande piétonnière usée, rue Vivienne à Paris, oct 2009, ph.Bruno Montpied
(ou "un couple improbable de danseurs de tango...", selon un de mes lecteurs, Gilles M.)

23/11/2009

Une exhumation: "L'Homme-Serpent" de Pierre Jaïn

« L'Homme-serpent »

Fig 1, Homme-Serpent, ph. Benoît Jaïn.jpg
1. Os, fer, L: 15,3 cm , H: 10,5 cm , P: 7 cm, vers 1965, collection Benoît Jaïn

       Cet objet a été découvert lors des fouilles menées pendant l'été 2006 dans l'ancien jardin de Pierre Jaïn, à Keryoré sur la commune de Kerlaz dans le Finistère. C'est au cours de son récent nettoyage (août 2009), que la trouvaille a révélé sa véritable nature ; les petites traces laissées par des outils indiquent visiblement l'intervention du sculpteur ; ainsi, sur la face postérieure, à la perpendiculaire de la base du nez, deux marques de sciage sont nettement apparentes (Fig. 2).

Fig 2, ph.Benoît Jaïn.jpg
2.

     Enfoui pendant près d'une quarantaine d'années - entre 1967, année du décès du sculpteur et 2006, année de son exhumation - l'objet est en assez bon état. Il s'agit du cartilage d'une corne de vache, demeuré à l'état brut ; à peu près en son milieu et à sa base, un trou de 2 cm de diamètre laisse deviner sa structure interne cloisonnée. A son extrémité, le petit bout de crâne subsistant représente la tête d'un personnage vu de profil (Fig. 3).

Fig 3, ph.Benoît Jaïn.jpg
3.

     Le nez est long et recourbé ; par sa forme, selon le point de vue adopté, la bouche, peut paraître petite et fermée sur des lèvres fines ou alors, plus large et ouverte sur des petites excroissances comme des dents. La mâchoire est soulignée par la forme naturelle de l'os, la jonction du crâne et du cartilage se poursuivant sur toute la hauteur de la tête du personnage ; un trou perçant la cloison de l'os figure un œil à l'expression triste. Un clou en fer rouillé y est introduit, l'os ayant été exhumé dans cet état. Cet élément matériel mais aussi l'esthétique et la forme générale de cette petite sculpture viennent interroger son association possible avec les thèmes abordés par le sculpteur Jaïn dans l'environnement de son jardin.

      L'os était enfoui à une faible profondeur, au pied d'un tertre de 1,50 m de hauteur élevé par Jaïn à proximité d'un jeune pommier au début des années 1960. Il y avait aménagé une niche abritant une sculpture en bois, toujours existante, figurant un homme nu et barbu portant un cache-sexe (Fig.4, ci-contre)Fig 4, Adam, ph.Benoît Jaïn.jpg; la « Hutte d'Adam » était reliée par une chaîne à une autre composition, le « Baquet d'Eve ». Cette demi-barrique renversée, décorée de ciment incrusté d'objets divers, redécouverte en 2006, était le refuge d'une autre sculpture représentant une femme nue couchée (Fig. 5) inspirée de La Tentation d'Ève d'Autun, un bas-relief d'époque romane.Fig 5, Eve, ph.Benoît Jaïn.jpg L'ensemble de cet aménagement formait ainsi une évocation personnelle du paradis terrestre (Fig. 6).

Fig 6, ph. Dr.Maunoury, 1964.jpg

     L'os était-il fixé sur les montants en bois encadrant la « Hutte d'Adam », comme laisse présumer ce clou ? Probablement car une scène du film super 8 tourné par le Docteur Maunoury et son épouse en 1965 permet d'entrevoir un objet à la forme similaire aux abords de l'aménagement.

     Simple conjecture, en observant cette œuvre singulière, il est possible d'imaginer que cette tête humaine et son appendice animal est une créature fantastique, une sorte de monstre hybride, mi-homme mi-serpent, marchant sur son ventre. Et comme cet « Homme-Serpent » semble exprimer ici un grand désarroi, comment ne pas voir en lui Nahash, le « Serpent » de la Genèse qui entraîne la chute d'Adam et Ève en les faisant goûter au fruit défendu ? La thématique religieuse et biblique est omniprésente dans l'œuvre de Jaïn, grand mystique aux interrogations millénaristes.

     Par son matériau, cet objet n'est pas unique dans la création de Jaïn puisqu'il en réalisa environ une trentaine entre 1964 et 1966, alors qu'il souffrait en silence d'une psychose hallucinatoire chronique. La Collection de l'Art Brut conserve neuf os sculptés et colorés ; les héritiers de l'artiste en possèdent une douzaine dont une tête de personnage, également déterrée à Keryoré au début des années 1990 (Fig. 7).Fig 7, Pierre Jaïn, Tête en os, ph.Benoît Jaïn.jpg Sculptée à l'épiphyse d'un fémur, semblable aux pièces conservés à Lausanne (cf. notamment Pierre et Renée Maunoury, « Pierre Jain », in L'Art Brut, fascicule n° 10, p.92) elle est singulièrement expressive et, à l'inverse du sombre « Homme-Serpent », celle-ci détonne par son sourire farceur.

Benoît Jaïn

(Saint-Brieuc, 1er Novembre 2009)

Post-scriptum du sciapode: On ne s'étonnera pas de constater que ce farceur de Pierre Jaïn, ton grand-oncle, a choisi pour représenter ce "serpent" tentateur (proche d'un pommier dis-tu) un os à la forme phallique bien conquérante.