10/04/2011
Les beaux dimanches, un nouveau blog, par Laurent Jacquy
Ah, que je suis content ce matin d'avoir enfin trouvé le temps d'aller me promener sur le blog récemment créé (en février 2011) de Laurent Jacquy dont j'ai déjà parlé ici et là. "Les beaux dimanches", que cela s'appelle. "Une chose en amenant une autre" est le sous-titre et le programme du blog fonctionnant par association d'idées, très bon concept adapté à la forme des blogs qui incite à être primesautier, à sauter du coq à l'âne perpétuellement, entraînant leurs lecteurs dans un vagabondage infusant progressivement dans une atmosphère d'onirisme éveillé.
Carte postale réalisée par Laurent Jacquy d'après photos de Gilles Ehrmann (pour Picassiette à sa fenêtre) et ancienne carte postale du facteur Cheval, titre de la carte: "En gîte à Chartres", 2011
Laurent Jacquy paraît être un chineur invétéré (d'où peut-être les beaux dimanches de découverte?), et le créateur de cartes postales par photomontage concentrées sur les aventures imaginaires du facteur Cheval, voir la dernière ci-dessus. Il est collectionneur aussi de divers objets, sculptures et peintures naïves, ou naïvistes décalées (je pense notamment aux sculptures représentant des personnages célèbres de son copain Yann Paris, dont un portrait pris au musée de la Création Franche figure sur le blog), photographe de sites d'art brut (j'ai découvert ainsi un nouvel environnement situé dans le village poétiquement nommé "l'Etoile" dans la Somme, sommet de poésie naïve) dont celui de Bohdan Litnianski qu'il contribua à faire connaître avec le livre Le jardin des merveilles de Bodan Litnianski aux éditions Vivement dimanche en 2004.
Photo Laurent Jacquy
Sur son blog, riche de trouvailles en tous genres (musicales, publicitaires, petites publications curieuses retrouvées comme une collection du Cahier de Marottes et Violons d'Ingres dont j'avais entendu autrefois parler par le docteur Ferdière qui y avait collaboré par un article sur des objets de la poésie naturelle, bois flottés, etc.), je me suis longuement arrêté en particulier sur son album de photos consacrées à de vieilles affiches publicitaires naïvement dessinées cherchant à prévenir les travailleurs de l'industrie des divers types d'accidents du travail possibles. L'ensemble, mis bout à bout, compose un panorama qui ne donne pas très envie d'aller travailler. Laurent Jacquy a du reste intitulé avec sagacité la note qui introduit ce dossier: "Travailler tue"...
Affiche publiée sur le blog Les beaux dimanches
Dès maintenant, j'ai la joie d'ajouter ce blog cousin du Poignard à la liste déjà longue des blogs dont je ne saurai trop encourager mes fidèles (ou moins fidèles) lecteurs à faire la visite.
00:38 Publié dans Art des croûtes, art des dépôts-ventes, Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Environnements populaires spontanés, Inscriptions mémorables ou drôlatiques | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : laurent jacquy, les beaux dimanches, travailler tue, gaston ferdière, marottes et violons d'ingres, environnements spontanés, facteur cheval, yann paris, bodan litnianski | Imprimer
20/03/2011
Art, folie et alentours, le n°24 de la revue Area
(Cette note contient une petite mise à jour à la fin, datant du 24 mars...)
Area est une revue fort bien maquettée, dirigée par le critique d'art et collectionneur, curieux de diverses formes d'expressions picturales Alin Avila, qui travailla aussi sur France-Culture. Dans la série déjà longue de ses numéros, on rencontre à l'occasion divers évocations de figures autodidactes de l'art, comme Henry Darger ou Jacques Trovic, qui se retrouvent ainsi mêlés sans distinction particulière au tout-venant de la création contemporaine. Alin Avila a une sensibilité pour la création hors des chemins battus, en témoigne un des articles parus dans le n°16 de novembre 1978 de la revue Autrement, dossier "Flagrants délits d'imaginaire". Consacré à un ancien mineur du Nord devenu concierge à Paris, Félix Picques, peignant naïvement ses souvenirs de la mine, la découverte provenait d'une "rencontre" d'Alin Avila, nous y dit-on.
Voici que le n°24 de la revue se trouve consacré aux rapports de l'art et de la folie, et leurs alentours. Je n'ai pas le détail du sommaire (en scrutant avec une loupe la couverture reproduite sur le carton d'invitation, on devine des entretiens avec beaucoup d'acteurs connus et moins connus du champ de l'art brut ; même mézigue y a participé sur une proposition de Roberta Trapani, par un mini-entretien autour de mon livre Eloge des jardins anarchiques ; on trouve aussi au hasard de la revue une évocation du griffonneur de Rouen Alain Rault, "lettriste" spontané, déjà mentionné sur ce blog ). Le carton d'invitation annonce un vernissage pour le jeudi 31 mars prochain, avec une exposition d'oeuvres provenant de la collection de l'hôpital Sainte-Anne (le Centre d'Etude de l'expression, animé par Anne-Marie Dubois qui a déjà consacré pas moins de quatre tomes de livre à cette collection, belle et intriguante surtout grâce à ses oeuvres anciennes, c'est-à-dire entrées dans la collection avant 1950). Les oeuvres qui seront montrées chez Area proviennent de Gilbert Legube, Aloïse Corbaz, Francisca Baron, Fikaïte, Guillaume Pujolle, etc.
Aquarelle de Guillaume Pujolle ci-dessus, rare et belle...
L'exposition s'intitule "60 ans après? Reconstitution de l'Exposition internationale d'art psychopathologique de 1950". Le sous-titre m'a plongé immédiatement dans des abîmes de perplexité. Veut-on nous dire qu'il va s'agir de reconstituer cette exposition historique fort vaste dans le loft de la galerie Area? Cela serait digne du livre Guiness des records. Ou bien est-ce l'annonce d'un projet à venir au musée Singer-Polignac à Ste-Anne, wait and see... Si l'on veut se renseigner sur ce Centre d'Etude de l'Expression (et l'exposition "d'art psychopathologique" de 1950), voici un lien vers un document en PDF, rédigé par Anne-Marie Dubois pour un numéro de la Revue du Praticien daté de 2004 (il est à télécharger sur le site de cette revue). Il a le mérite d'être court et condensé.
L'exposition à la galerie Area (50, rue d'Hauteville, 10e Paris, fond de cour 2ème étage) se tient entre le 31 mars (jour de vernissage) et le 14 mai 2011. Elle est ouverte du mercredi au samedi de 15h à 19h. Le n° 24 de la revue sort au même moment. A signaler également, le jeudi 24 mars à 20h, la présentation de ce même numéro spécial à la librairie L'atelier (2 bis, rue Jourdain, Paris 20e), avec une "conversation autour de l'art brut : de la folie à la reconnaissance ?" entre les intervenants Alain Avila, Anne-Marie Dubois et Céline Delavaux.
16:28 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : area revue, art et folie, art brut, henry darger, jacques trovic, alin avila, eloge des jardins anarchiques, centre d'étude de l'expression, guillaume pujolle | Imprimer
03/03/2011
Soyez les bienvenus chez Fatima
Mystérieuses photos venues du Maroc, dans les Gorges du Dadès (et oui, on a manqué Dada de peu), voici quelques traces d'un environnement étrange, expédiées par notre correspondant Michel Boudin, chercheur au flair légendaire. Le goût des simulacres de ciment (ou de terre séchée?) appartient décidément à toutes les cultures.
Peut-être sommes-nous en présence d'un bistrot, que l'on a agrémenté de quelques statues pour égayer un décor un peu trop dépouillé? De qui sont ces oeuvres, mon correspondant à son habitude n'a pas été bavard, me réduisant aux conjectures...? On doit remarquer une signature difficile à déchiffrer précisément, au bas d'une peinture sur le mur de terre de chez Fatima: "Ahorb Abdellah, Kenitra". Sans doute le peintre du portrait présumé de Fatima, la tenancière de l'auberge? Les points d'interrogation voltigent en tous sens.
Kenitra, c'est où? Entre Rabat et Fés, au nord du pays. Est-ce loin des Gorges du Dadès où notre excursionniste est allé dénicher cette galerie en plein air? Oui, c'est pas du tout le même coin. Gogol maps nous signale qu'il y a des Gorges du Dadès (rien à voir avec les grands du même nom) à la latitude de Marrakech, elle-même ville à la la latitude de la célèbre Essaouira, l'ancienne Mogador, la ville où comme les amateurs d'art brut marocain le savent a fleuri une "école" de créateurs autodidactes remarquables (comme Ali Maimoune, ce créateur qui fut, entre autres lieux, présenté autrefois au musée de la Création franche à Bègles).
Ali Maimoune, oeuvre au musée de la Création franche
Erraad, peintre d'Essaouira, coll. Durande-Letourneau
Y a-t-il un rapport avec ces voisinages? On serait évidemment tenté de le penser. Même si le style des sculptures et de la peinture n'a rien à voir avec la peinture d'Essaouira. Il y a peut-être seulement dans ces coins-là une même tradition d'audace à s'exprimer.
(Les photos de chez Fatima sont dues à Michel Boudin, celles des peintres d'Essaouira à Bruno Montpied)
21:52 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : chez fatima, art naïf marocain, art immédiat, environnements spontanés au maroc, michel boudin, ahorb abdellah, essaouira, ali maimoune, erraad | Imprimer
22/02/2011
Fanny revient s'exposer
Fanny anonyme (signée JK, datée 1961), trouvée par l'antiquaire Michel Boudin
L'Art en Marche de Lapalisse délivre ces jours-ci une intéressante information, distincte des expositions que cette association-collection-galerie (je ne sais comment les qualifier au juste) monte régulièrement dans l'Allier. Il s'agit d'une expo de Fanny, tableaux, sculptures, collages, moulages, photographies - les techniques sont variées, selon le degré de capacité à reproduire des arrière-trains plus ou moins réalistes - qui va ouvrir à Mably à partir du 5 mars (vernissage le 4 à 18h), à quelques kilomètres au nord de Roanne, jusqu'au 20 mars, à l'Espace de la Tour.
Si la Fanny montrée sur le carton ci-dessus m'apparaît quelque peu mièvre, il faut savoir aussi que les talents se révèlent généralement très inégaux dans ce corpus (et ce pétrus). La bible, pour connaître un peu mieux un bon échantillon de ces représentations destinées à être embrassées par les boulistes perdant 13 (ou 15) à 0 leurs parties, dans la région lyonnaise et ailleurs, est sans contexte le livre de Mérou et Fouskoudis que l'antiquaire Lucien Henry m'avait indiqué autrefois (éditions Terre et Mer, 1982). Voici deux ou trois images extraites de cet inestimable ouvrage qui prouveront que certaines Fanny peuvent s'élever au rang de chefs-d'oeuvre naïfs.
Peinture sur bois, Pont-de-Claix (Isère)
Fraternelle Boule du Monument, Caluire (Rhône), 1930 (cette peinture n'est pas sans rappeler certain tableau du naïf Camille Bombois)
Fanny conservée au musée d'art naïf de Noyers-sur-Serein (Yonne)
(L'Art en Marche, 9, rue du 8 mai 1945, 03120 Lapalisse ; à noter une conférence de Luis Marcel le 18 mars sur les lieux de l'expo, intitulée, vaste programme, "L'art brut existe-t-il?")
15:22 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : l'art en marche, fanny, jeu de boules, art populaire insolite, art naïf, art immédiat, mérou et fouskoudis, luis marcel, art brut | Imprimer
09/01/2011
L'Eloge des Jardins Anarchiques, le livre de Bruno Montpied sort en mars
1ère et 4ème de couverture du livre L'Eloge des Jardins Anarchiques, éditions de L'Insomniaque, avec les rabats déployés (dernière maquette établie au moment où j'écris ces lignes)
Il y a le film, Bricoleurs de Paradis, qui sort bientôt à la télévision, mais il y aura aussi dans un peu plus de temps, quand le méchant hiver sera balayé par les giboulées, et que les bourgeons reviendront, L'Eloge des Jardins Anarchiques, publié par votre serviteur aux Editions de l'Insomniaque en mars. Les deux se complètent, et c'est pourquoi on retrouvera le film en DVD sous les rabats du livre.
Voir l'avis de souscription (pour acquérir ce livre avec une réduction) au bas de cette note
Il s'est agi de rassembler un certain nombre d'articles anciens en les joignant à de nouveaux rédigés spécialement pour l'occasion. Les articles anciens ont été remaniés, pourvus de notes concernant quelques mises à jour d'information. La réédition de ces textes était souhaitée par moi depuis longtemps car ils avaient fait l'objet de publications dans des revues ou des livres restés en diffusion passablement confidentielle (Plein Chant, Création Franche, les premiers numéros de Raw Vision, Réfractions, Le Monde Libertaire, L'oeuvre énigmatique de François Michaud, Recoins...), quand ils n'avaient pas été raccourcis par les tribunes qui les avaient accueillies (Artension, 2ème série, pour Les Inspirés qui expirent, titre qui devint Voués à la destruction). Le projet parallèle de film avec Remy Ricordeau me permit de découvrir d'autres sites pour lesquels de nouveaux articles s'imposaient, sur Bohdan Litnianski, les vestiges du jardin d'Emile Taugourdeau, ou sur le jardin de moulins multicolores d'André Pailloux, par exemple. Par manque de place, j'ai été amené à regrouper un certain nombre de notices sur des sites pressentis pour être incorporés au film et qui ne furent pas toujours gardés au montage final (sur Alexis Le Breton, Bernard Roux, la maison "tricotée" de Madame C., André Hardy, André Gourlet, Léon Evangélaire, Joseph Meyer, Michele et Concetta Sassano, Remy Callot, etc.). J'en profitais aussi pour prolonger certains articles anciens en les incorporant dans une mise à jour étendue (La Dynastie des Montégudet, rare cas de prolongement du travail d'un créateur par son fils).
René Montégudet sur son crocodile (fils de Ludovic, dont des photos du site qu'il avait créé furent exposées aux Singuliers de l'Art en 1978 à Paris), ph. Bruno Montpied, 2009
Il doit bien y avoir une trentaine de sites évoqués avec une certaine ampleur dans ce livre. Mais si l'on se réfère à l'index que j'ai ajouté au bout du livre, uniquement consacré à l'indexation des noms des créateurs cités à un moment donné de l'ouvrage, on atteint plus de 90 sites mentionnés, avec leur localisation (ou non!), leur état actuel (dans la mesure où j'ai toujours l'information à ce sujet), les lieux qui les conservent en partie.... Une bibliographie passablement épaisse, et pas assez exhaustive à mon goût (mais il a bien fallu que je me réfrène), complète je pense utilement l'ensemble, à l'usage des chercheurs et des amateurs qui sont toujours attentifs à la mémoire de ces créateurs et des médiateurs qui ont aidé à les faire connaître.
Le problème de la médiation est un problème délicat. On a affaire en l'espèce - il faut sans cesse le rappeler - à des créateurs qui agissent au sein de propriétés privées, avec, certes, à l'évidence, le besoin de montrer leurs réalisations depuis la rue ou la route qui passe devant chez eux. Parfois même, le jardin de ces gens ressemble à une galerie en plein air (exemple de Joseph Donadello, que j'ai évoqué sur ce blog, note qui a été développé pour les besoins du livre d'ailleurs).
Monsieur C., site en Normandie, détail d'une photo plus large de BM, 2010
Il n'en reste pas moins que ces créateurs aiment montrer leurs "oeuvres" (mot qui les gêne) dans un cadre qui reste de l'ordre de l'environnement plus ou moins immédiat. Les relais sur l'information concernant leur existence, par des média plus ou moins puissants (du petit passionné dans mon genre, jusqu'à la télévision régionale, voire nationale, en passant par la presse régionale) les dépassent généralement, même si ici ou là certains se montrent un peu mégalomanes. La méfiance est même souvent au rendez-vous avec parfois des récriminations concernant une possible exploitation de leurs travaux par les photographes de passage, ou les cinéastes comme ceux de l'équipe à laquelle j'ai collaboré (j'en profite pour dire que jusqu'à présent, dans notre cas, ces profits sont restés largement imaginaires! Si les techniciens sont payés dans ce pays, les auteurs ne sont pas souvent servis à la même enseigne...).
Panneau chez Joseph Donadello, Saiguèdes, Haute-Garonne, ph. BM, 2008
Les créateurs ne sont donc pas toujours bien conscients de ce qui peut arriver par ce long ruban routier dont ils attendent des regards, mais quels regards au juste? Je pense personnellement qu'ils les souhaitent discrets, bien élevés, respectueux. Les gros sabots des médias de ce point de vue pourraient leur causer du tort. Soyons-en conscients à leur place...
Alexis Le Breton, L'Art sacré..., parc de "la Seigneurie de la Mare au Poivre", Locqueltas, Morbihan, ph. BM, 2010
A-t-on affaire à de l'art? Oui, si on entend ce terme dans son acception liée au seul façonnage, à la seule mise en forme. Mais non, si on rappelle que l'art c'est aussi un mode social de production, un discours théorique, une histoire, un marché surtout, une vision d'une certaine pérennité de l'oeuvre produite. Mon livre, et le film aussi bien, évoquent l'aspect extrêmement éphémère de ces créations de plein vent, ce qui me fait les ranger sous le terme "d'art immédiat" (art de l'immédiat), et les problèmes de conservation qui découlent inévitablement de leur façon d'être créées (le problème est fort apparent dans le film lorsqu'est interrogé Claude Vasseur, le fils de Robert, qui se débat actuellement dans des difficultés quasi inextricables pour tenter de sauver le jardin de mosaïque de son père ; ce genre de problème est tellement aigu qu'on ne peut s'en tirer en traitant tous ceux qui prennent parti pour l'éphèmère "d'imbéciles", d'ignorants, etc, comme c'est le cas sur certains sites se présentant en champions exclusifs de la conservation de ces sites).
Chez Robert Vasseur, photo Remy Ricordeau, 2008
Rendez-vous donc en mars, et le 3 avril plus physiquement parlant, à la Halle Saint-Pierre en début d'après-midi, un dimanche, pour la signature du livre et la présentation du film. En attendant, veuillez prendre connaissance de l'avis de souscription du livre (soit en PDF en cliquant sur le lien de l'avis ci-dessus, soit en imprimant l'image en faible résolution ci-dessous).
Les Editions de L'Insomniaque: 43, rue de Stalingrad, 93100 Monteuil-sous-Bois, Tél: 01 48 59 65 42. insomniaqueediteur@free.fr et le site web: www.insomniaqueediteur.org. Pour les libraires qui souhaitent vendre le livre, il faut s'adresser au diffuseur Court-Circuit Diffusion.
15:11 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Environnements populaires spontanés, Napoléon et l'art populaire, Photographie, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (61) | Tags : bruno montpied, éloge des jardins anarchiques, l'insomniaque, bricoleurs de paradis, environnements spontanés, habitants-paysagistes naïfs, inspirés du bord des routes, art brut, art immédiat, bohdan litnianski, léon évangélaire, émile taugourdeau, alexis le breton, andré pailloux, ludovic montégudet, joseph donadello | Imprimer
07/01/2011
"Bricoleurs de Paradis", le film où gazouillent les éléphants
Rabat du livre L'Eloge des Jardins Anarchiques de Bruno Montpied (à paraître en mars aux Editions de l'Insomniaque), évoquant le film Bricoleurs de Paradis (le Gazouillis des Eléphants) dont le DVD sera joint au livre
Alors, c'est parti pour le passage prochain en télévision du film de Remy Ricordeau, co-écrit avec votre serviteur, Bruno Montpied. Cela s'appelle "Bricoleurs de Paradis", c'est produit par la maison Temps Noir, et cela sera visible pour les habitants de Normandie, le samedi 15 janvier à 15h30. De quoi est-ce que cela parle? Des environnement spontanés, des habitants-paysagistes, de l'art brut, des inspirés du bord des routes, des outsiders... Un des personnages du film, et pas l'un des moindres tant est peu commune sa réalisation dans le lopin de terre qui s'étend entre la rue et sa maison en Vendée, répond à ces appellations qui le dépassent: et si je n'étais qu'un original?
André Pailloux, un détail de son site, une des découvertes inédites du film (et du livre L'Eloge des Jardins Anarchiques), photo Bruno Montpied, 2010
C'est l'homme du peu commun qui s'exprime ainsi, et peut-être le mot même "d'exprimer" est de trop. Car, au fur et à mesure du tournage et de la réalisation de notre projet, ce qui finit par revenir comme un leitmotiv fut que les inhabituels créateurs que nous visitions à travers la France (du Nord à la Normandie, des Pays de Loire à la Bretagne) avait décidément du mal à trouver des mots pour décrire leur travail, à répondre à nos questions qui les dérangeaient, et qui les déstabilisaient souvent (parfois à cause de leur âge aussi). On venait taper dans la fourmilière de leur inspiration, on ne les avait pas prévenus, ils n'étaient pas prêts, certains - comme Arthur Vanabelle - avaient entendu d'autres intervieweurs leur parler "d'art brut", alors ils nous resservaient la soupe, ils croyaient nous donner ce qu'ils pensaient que nous voulions entendre...
L'équipe du film Bricoleurs de Paradis chezArthur Vanabelle; Remy Ricordeau, Stéphane Kayler, Pierre Maïllis-Laval, ph. BM, juin 2010
Ce film est ainsi, il y eut un projet (cela fait plus de deux ans qu'il a été projeté, c'est incroyable comme c'est long la réalisation de quelque projet que ce soit), on sentait bien que cela pourrait ressembler à une sorte d'enquête à travers le territoire français, comme un road-movie, disait Remy depuis le début, lui qui avait été passablement impressionné au début par les Glaneurs et la Glaneuse d'Agnès Varda (où l'on aperçoit un des sites que l'on retrouve dans notre film, celui de Bohdan Litnianski). Une enquête non pas policière mais plutôt une quête. Sur ces créateurs des bas-côtés, à tous les sens du terme, qui dressent sous le ciel de nos paysages uniformisés, leurs splendides lubies expressives, naïves ou brutes, faites avec "deux fois rien" (Arthur Vanabelle), des mosaïques, des statues, des empilements de matériaux de rebut, des reproductions de canons anti-aériens, des rochers sculptés, des moulinets multicolores, la quête, en cherchant à capturer quelque chose de la poésie spontanée, évanescente, de ces inspirations fantasques, débusqua sans crier gare de nouveaux environnements inconnus de très belles apparence et qualité. Le film permet ainsi de découvrir au moins trois sites nouveaux de première importance jamais vus au cinéma (et ailleurs): ceux d'André Pailloux, d'Alexis Le Breton (la seigneurie de la Mare au Poivre, dont j'ai déjà parlé ici), et la maison extraordinairement décorée d'une dentelle de plâtre et papier mâché de Madame C.
Aux rochers sculptés de Rothéneuf sculptés voici cent ans par l'abbé Fouré
Est-ce de l'art? La question voletait sans cesse au-dessus de nos têtes.Bien sûr, répondit Savine Faupin dans l'interview que je fis d'elle dans le chantier du LaM en juin 2010 (on trouvera cette interview dans les bonus du DVD du film, voir une prochaine information à ce sujet sur ce blog), c'est de l'art, quoique modeste. Vanabelle, qui est très sollicité par les gens d'association et de musée qui voudraient préserver ce qui peut l'être de son environnement étonnant et mémorable, dit "on est tous un artiste, non?" (il sait prendre la casaque qu'on lui tend...). Pierre Darcel en Bretagne dit que ce qu'il fait est plus vivant que ce que l'on trouve dans les musées (Vanabelle aussi dit cela, Picasso c'est pas si fameux...). André Gourlet dans le Morbihan se verrait bien dans un musée, pourquoi pas, mais André Pailloux, lui, trouverait que c'est bien de l'orgueil que de parler d'oeuvre à son sujet... On dirait bien que nos héros oscillent entre modestie et ambition démesurée parfois. Mais on pense finalement, et on le dit en conclusion du film, que si ces messieurs n'arrivent pas tout à fait à se situer face à ce monde de l'art (qui n'a au fond vraiment rien à voir avec cette création immédiate), c'est qu'ils vont bien plus loin, dans un monde où la séparation entre art et vie quotidienne n'existe plus. Un monde où l'on parvient parfois à entendre, comme dans la Seigneurie de la Mare au Poivre d'Alexis Le Breton (Morbihan), "gazouiller les éléphants"...
André Hardy, éléphant dans son jardin à Saint-Quentin-les-Chardonnets (propriété privée), ph. Remy Ricordeau, 2008
Le documentaire Bricoleurs de Paradis sera diffusé a priori surtout sur FR3 régions (Normandie, Pays de Loire, Bretagne, peut-être Nord), mais aussi sur la chaîne Planète. Il sera également présenté le dimanche 3 avril 2011, à 14h, dans l'auditorium de la Halle Saint-Pierre, rue Ronsard dans le XVIIIe ardt à Paris.
00:42 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Cinéma et arts (notamment populaires), Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : bricoleurs de paradis, l'éloge des jardins anarchiques, remy ricordeau, bruno montpied, cinéma et environnements spontanés, environnements spontanés, habitants-paysagistes, andré pailloux, andré gourlet, arthur vanabelle, alexis le breton, pierre darcel, andré hardy, savine faupin | Imprimer
31/12/2010
Voeux...
00:14 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Environnements populaires spontanés, Voeux de bonne année | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : abbé fouré, ermite de rothéneuf, rochers sculptés de rothéneuf, art immédiat, environnements spontanés, habitants-paysagistes, art brut, sites d'art brut, cartes de voeux insolites, art rupestre | Imprimer
26/12/2010
Jean-Louis Cerisier bientôt au Musée de la Création Franche
J'annonce cette exposition longtemps à l'avance pour le cas où l'on voudrait faire le voyage en réservant un billet à tarif réduit. L'inauguration aura lieu en effet le samedi 5 février, un samedi pour les voyageurs qui viendraient de beaucoup plus loin que Bègles, merci aux organisateurs du musée qui ont eu cette délicate attention.
Jean-Louis Cerisier, Mythologie, 2009
Jean-Louis Cerisier, cela faisait longtemps que je n'avais plus parlé de ses travaux. J'avais même cru à un moment qu'il allait laisser tomber la peinture. Et puis voici que pas du tout il est reparti la fleur au fusil, ou plutôt qu'il n'a jamais cessé de créer sous roche, continuant à produire des tableaux, des travaux graphiques avec une belle opiniâtreté. Peut-être n'était-ce qu'une stratégie pour pouvoir continuer sur d'autres voies plus inédites, tranquillement, en se procurant le calme nécessaire. Je l'ai un peu enfermé au début dans l'art naïf, tant je continue de croire que dans ce domaine, on peut rencontrer d'aussi poétiques trouvailles qu'ailleurs (et Jean-Louis me faisait l'effet d'une de ces trouvailles). Naïf n'est pas forcément synonyme de mièvre et de peinture cu-cul. Lui-même paraissait s'enfermer dans un système, tout en cherchant à casser les limites qu'il s'assignait inconsciemment. Plusieurs de ses peintures, à un moment, attestent de ce besoin de rupture, par des jeux de décadrement. A une époque, comme le rappelle Françoise Limouzy dans le texte qui présentera Jean-Louis sur le carton d'invitation à l'exposition, ce dernier allait même jusqu'à scier ses anciens tableaux, cherchant de nouveaux cadrages, déboîtant, recomposant ses images comme un photographe ou un joueur de casse-tête genre Rubik's cube. Certains portraits masqués représentait un homme se cachant derrière un masque tatoué de cases, de grilles, de labyrinthes vaguement inquiétants. Aujourd'hui, il semble vouloir dépasser cette période. Une de ses dernières peintures, Mythologie (voir notre première illustration), montre ainsi un trio, au sein duquel on peut imaginer un personnage bras en croix comme une projection de l'auteur, enfin sorti avec ses compagnes d'un jardin fermé de grilles, à la végétation envahissante, quelque peu étouffante, s'échappant avec satisfaction semble-t-il de la toile d'araignée de fils blanchâtres qui occupe la composition par-dessus le jardin et le voile noir qui bouche une partie du cadre.
Jean-Louis Cerisier, Les soeurs jumelles, 2010
17:21 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : jean-louis cerisier, art singulier, création franche, primitivisme lavallois, art naïf | Imprimer
17/12/2010
Postérité des environnements (5): Franck Barret renaît (un peu) de ses cendres
Ah oui, c'est un drôle de nom que celui de cet ancien coureur cycliste régional, qui sonne comme prédestiné à une existence excentrique. Franck Barret est un peu connu des amateurs d'environnements depuis que Pierre Bonte l'interviewa dans les années 1970 et publia cet entretien par la suite aux éditions Stock (1977). Avant cela, des magazines s'étaient déjà intéressés à lui de son vivant comme L'Information Artistique n°55 au milieu des années 1950 (comme me l'avait signalé en son temps J-F. Maurice). Après un accident qui l'avait rendu incapable de reprendre le vélo en compétition, il devint agriculteur, et sur le tard quelque peu rebouteux.
On l'associe généralement, pour les statues fort proches de l'art brut qu'il créa, aux créateurs d'environnements, mais à la différence de ceux-ci, s'il organisa lui aussi une mise en scène pour les camper, et semble-t-il un parcours comme dans un musée de cire (auquel son site fait immanquablement penser), ce ne fut pas sous le ciel qu'il choisit de le faire mais bien à l'intérieur de sa ferme, dans deux pièces vouées à l'exposition (entre1948 à peu prés et 1968, les visites étant autorisées par lui à partir de 1955).
Un reportage paru dans la revue des patrimoines de la région Aquitaine, Le Festin n°15, en 1994, de Jean Vircoulon, avec des photographies en noir et blanc de Christophe Garcia, permettait d'avoir quelques idées sur l'ambiance qui pouvait régner dans ce réduit. L'homme a expliqué ses créatures par les rêves qui le mettaient dans un état second. Dalinien au petit pied, Franc Barret? Peut-être. Cependant, on constate en se documentant sur les sujets de ses modelages et assemblages (plus que des sculptures) qu'il allait aussi les puiser dans la littérature (Le Fantôme de l'Opéra de Gaston Leroux, la mythologie chrétienne, Joseph, Marie, le Christ enfant puis adulte, Sainte Blandine, Jeanne d'Arc, la préhistoire avec son homme de Néanderthal, les animaux fabuleux avec son Yéti et son dragon de carnaval, des personnalités historiques comme Pie XII...Pour son homme préhistorique, on a retrouvé une image gravée qui lui servit de modèle, ce qui paraît indiquer que comme de nombreux cas de créateurs populaires il recourait à la copie qui se trouvait ensuite au cours du façonnage transformée, transcendée.
Ci-dessus, deux photos de Jean-Christophe Garcia dans Le Festin n°15
Le gorille du petit musée de Franck Barret
De gauche à droite, Guynemer, le Fantôme de l'Opéra avec, derrière, la poitrine nue, Sainte Blandine, et la main sur l'épaule du fantôme, Christine Daaé (autre personnage du roman de Gaston Leroux ayant servi de source aux statues), ph.Musée du Pays Foyen (date?)
La même Christine Daaé, dans son état 2008, le jour où je passai dans le musée : on mesure ici l'étendue des problèmes de restauration pour M. Lamothe... ph.Bruno Montpied
Heureusement d'autres photos existent, en couleur qui plus est, montrant l'intérieur de ce musée, et publiées récemment sur le site du Musée du Pays Foyen (voir ci-dessous le lien), musée qui a conservé quelques pièces que j'avais photographiées en 2008 avant restauration. On doit ces clichés sans doute à Pierre Lamothe, par ailleurs sauveur de ce qui pouvait encore être sauvé, ce qui reste n'étant certes qu'une petite partie de l'ensemble, mais conservée au prix d'efforts incroyables chez un homme seul, acharné à préserver des lambeaux d'un patrimoine auquel on le sent profondément attaché. Il raconte sur le site du Musée du Pays Foyen, petit musée que la municipalité de Sainte-Foy-la-Grande lui laisse organiser, l'histoire des difficultés rencontrées du fait de l'extrême fragilité - et du poids - des matériaux employés par Barret qui édifiait ses statues couche par couche au moyen d'une argile jamais cuite, ce qui leur assura de se dissoudre peu à peu dans le temps, la terre redevenant friable progressivement... C'était de l'art éphémère, comme le dit très bien M. Lamothe sur son site, art pratiqué dans l'urgence, pour satisfaire un besoin d'expression irrépressible se déployant dans la plus stricte immédiateté.
Pierre Lamothe devant des vestiges d'un homme préhistorique de Franc Barret, gageure de restauration, photo BM, 2008
Bonne nouvelle que celle-ci, la restauration a dû aller assez loin pour que Pierre Lamothe ait pu enfin juger venue l'heure d'ouvrir les portes du Musée du Pays Foyen.
Le Musée du Pays Foyen, Sainte-Foy-la-Grande, 2008, photo BM
Le musée va éditer une plaquette, plus complète, en couleur, de 26 pages, en vente à l'Office de tourisme de Sainte Foy à partir de janvier 2011. L'exposition est visitable, uniquement sur rendez vous, au 142 rue de la république, Sainte-Foy-La-Grande (Gironde), le mardi soir à partir de 20h30, le samedi après midi de 14h à 18h et le dimanche. Téléphone : 05 57 46 59 73 - 06 75 70 35 34 - 06 28 37 73 63
01:41 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Environnements populaires spontanés, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : franck barret, musée du pays foyen, petit musée de franc barret, environnements spontanés, pierre lamothe, art éphémère, art immédiat | Imprimer
20/09/2010
LaM art mod, LaM art brut
L'événement se faisait attendre depuis de nombreuses années, et le voici enfin réalisé, le musée d'art moderne de la région lilloise à Villeneuve-d'Ascq est de nouveau accessible au public, enrichi de nouvelles collections. Il s'appelle désormais le LaM.
Maquette du LaM, avec en bleu l'extension récente avec administration salle d'exposition temporaire, partie consacrée à l'art brut, etc. ; photo Bruno Montpied, juin 2010
LaM, ça veut dire paraît-il, (attention, prendre sa respiration): "Lille Métropole musée d'art moderne d'art contemporain et d'art brut". Ou peut-être plus brièvement, en creux, Lille art Moderne? Ca joue aussi sur les mots, "l'âme" se dilate, s'ouvre à de nouvelles expressions et c'est là que l'art brut qui trouve pour la première fois un département à part entière au sein d'une institution muséale prestigieuse française, jouant le rôle de la nouvelle expression, contribue grandement à cette dilatation. C'est la grande nouveauté incontestablement. La collection de l'association l'Aracine trouve ici un écrin passablement plus ample que celui du minuscule Château-Guérin à Neuilly-sur-Marne dans les années 80-90 de l'autre siècle.
Une partie des salles consacrées à l'art brut en cours d'accrochage, juin 2010, ph. BM
Le musée ouvre ses portes au public le 25 septembre prochain, mais j'ai eu l'occasion de le visiter alors qu'il était encore en chantier d'accrochage au mois de juin dernier. Les salles, parfois fort hautes de plafond, étaient presque vides, et des tableaux modernes signés de grands noms accrochés aux murs mais encore non déballés de leurs caisses de protection composaient de drôles d'oeuvres virtuelles.
Un Rouault malevitché ou isouié?, juin 2010, ph. BM
La partie du complexe muséal consacrée à la présentation de la collection d’art brut (en grande partie constituée de la donation consentie par l’association l’Aracine (toujours en activité) a quelques salles, dont j’ai pu saisir qu’elles avaient des thématiques, les inventeurs de machines, les médiumniques par exemple, ou les habitants-paysagistes (avec Théo Wiesen et ses totems, Virgili et ses tables à figures mosaïquées, Jean Pous, Jean Smilowski, et peut-être dans le futur Arthur Vanabelle ?). Une grande salle est destinée aux expositions temporaires, à l’articulation des salles vouées aux collections d’art moderne et contemporain (dans un souci peut-être de futures expositions transversales entre ces champs contrastés ?).
Salle des habitants-paysagistes, un cavalier de Théo Wiesen et des "fantômes" des totems de ce dernier en attente de l'installation des originaux, juin 2010, ph.BM
Lors de ma visite de juin, un Lesage se faisait relifter dans la solitude et un silence religieux.
LaM, juin 2010, ph. BM
Deux tableaux de Bauchant pouvaient se voir dans une salle à part, composant une esquisse de collection naïve qui pourrait suggérer dans le futur de fructueuses confrontations avec l'art brut, qui sait? Il y a en effet au sein de la collection du musée d'art moderne tout un ensemble de peintures naïves datant de l'entre-deux-guerres qui pourrait permettre ce genre de rapprochement (l'art brut a été conçu après guerre dans le sillage de la vogue pour l'art naïf, Dubuffet avait même tenté de s'allier avec Jakovsky pour faire des recherches ensemble).
Un tableau de Bauchant (1927) dans les collections du LaM, ph BM, juin 2010
Mais dans l’ensemble c’est surtout l’art moderne et contemporain qui se taille la part du lion dans ce musée. Le plan du musée avec la nouvelle extension fait songer à des racines, ou à une main, ou à un système circulatoire, une irrigation. La toile d'araignée ou la dentelle qui habille le musée, comment l'interpréter? J'avoue une certaine perplexité. Quelle place est assignée à l'art brut face aux collections d'art moderne et contemporain?
Ce qui est sûr, c'est le choc et les étincelles que ne manqueront pas de causer la rencontre des oeuvres de l'art brut, avec leur sincérité crue, dans l'esprit des visiteurs amenés à les comparer aux oeuvres si élaborées et pesées des Rouault, Matisse et autres Braque. Nul doute que l'art brut résistera haut la main à cette confrontation. Mais peut-être se dira-t-on aussi que sa place aurait pu être mieux assurée aux côtés des oeuvres de l'art naïf et des oeuvres des arts populaires ruraux (type ATP - dont les collections comme par hasard en ce moment continuent de végéter en attendant que sorte de terre le fameux musée censé être lui aussi bâti dans une autre grande ville française, Marseille, à l'autre extrêmité de la France) ?
00:31 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Confrontations, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : lam, l'aracine, art brut, théo wiesen, virgili, arthur vanabelle, environnements spontanés, habitants-paysagistes | Imprimer
10/09/2010
Armand Goupil: Portrait et autoportraits inédits
Armand Goupil, deuxième du nom, continue de m'adresser des informations intéressantes relatives à son père. Et tout d'abord ces deux portraits photographiques, dont j'aime surtout le premier, pétillant et empreint d'une malicieuse tendresse.
Portrait d'Armand Goupil, Lamnay, 1949, archives famille Goupil
Portrait un peu plus tranquille, 1950, Archives famille Goupil
Dans ma note précédente, je répétais ce qu'il m'avait confié. Les peintures qu'a gardées la famille seraient selon lui plus académiques, plus banales. Quelle n'a pas été ma surprise en recevant alors trois nouvelles images de peintures que je trouve personnellement remarquables, plutôt abouties, très proches de l'art naïf pour le coup (exemple l'instituteur dans sa classe ; c'est un autoportrait).
Armand Goupil, (dans sa classe), archives famille Goupil
Cet instituteur dans sa classe, l'allure quelque peu bohème, avec des élèves à la queue leu leu croqués dans ce qu'ils peuvent avoir de petits êtres pas encore finis, n'est-ce pas un tableau que l'on qualifierait de très bon Naïf, pas très éloigné de Bauchant par exemple? Cet autoportrait ci-dessous avec le violoncelle laisse voir accrochés au mur derrière le peintre-musicien quelques nus qui trahissent bien ses marottes préférées...
Armand Goupil, la clope au bec, peut-être une Gitane (voir aussi le premier portrait photo ci-dessus) qui corroborera certaines hypothèses tabacologiques de l'ami Philippe Lalane, l'homme qui me mit sur la route d'Armand Goupil
Une autre oeuvre d'Armand Goupil, celle-ci glanée par le brocanteur Philippe Lalane ; sans titre, sans date, très stylisée, relevant d'une veine où le peintre s'exerçait à chercher des figurations aux limites du signe
Et que dire de cette dernière peinture tout bonnement étonnante, je trouve, qui paraît réunir en une seule image les illustrations des voyages de Gulliver au pays de Lilliput avec les tentations de Saint-Antoine? Il aurait dû l'intituler les tentations de Saint-Armand...
Armand Goupil, sans titre, 1954 (à noter la femme verte, teinture que l'on retrouve sur d'autres femmes dans d'autres compositions), archives famille Goupil
01:19 Publié dans Art des croûtes, art des dépôts-ventes, Art inclassable, Art naïf, Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : armand goupil, art figuratif insolite, art naïf, art des dépôts-ventes, autoportraits | Imprimer
06/09/2010
Maïtre Goupil, peintre cachottier, sa biographie
Voici que la lumière s'est faite pour moi au sujet du peintre autodidacte Armand Goupil, car l'un de ses trois enfants, prénommé et nommé comme lui Armand Goupil (pour la commodité de la relation, je l'appellerai Armand junior), a pris contact pour me donner des informations complémentaires très précieuses au sujet de son père (grand merci monsieur). Je n'avais pas grand chose à dire en effet, jusque là, sur ce dernier, tout au plus des hypothèses à émettre d'après les quelques peintures que j'avais pu voir et photographier au gré des brocantes où elles avaient surgi depuis trois ou quatre ans (voir mon article: Bruno Montpied, "Armand Goupil, peintre inconnu, peintre domestique" dans Création Franche n°29, avril 2008, et les diverses notes publiées sur ce blog).
Cependant ces hypothèses et rumeurs n'étaient pas très éloignées de la vérité comme on va le voir.
Armand Goupil, Samba Sans but Sans bas, 16-VII-60
Armand Goupil sénior est né le 8 juin 1896 à La Suze-sur-Sarthe, dans un pays où il passa la plus grande partie de son existence. Il est décédé en 1964, soit à soixante-huit ans, au Mans, où il avait pris sa retraite, d'un accident vasculaire cérébral. Ses parents étaient gens fort modestes. Le père, ouvrier tanneur au départ, finit par acheter un bal-restaurant où se tenaient des noces, des banquets. Goupil, remarqué par un instituteur, se dirigea vers l'Ecole Normale pour devenir instituteur lui aussi, intégrant la promotion 1912-1915. Au sortir de ces études, il rentra immédiatement sous les drapeaux pour devenir soldat en pleine guerre, à laquelle il participa sous le fort de Vaux à la bataille de Verdun en 1916. La chance voulut qu'il y soit fait prisonnier (oui, la "chance" car "mort qu'on n'a pas tué", comme il disait à son fils, cette situation lui permit d'éviter les combats), le jour de ses vingt ans. Il fut envoyé en Allemagne, où, refusant de travailler, il fut interné en camp de représailles. Il faillit y mourir de faim, en gardant par la suite une fragilité intestinale qui devait l'affecter le restant de sa vie.
C'est surtout à partir de 1951, date à laquelle il prend sa retraite et qu'il déménage au Mans, et où il va s'empresser d'oublier son village envahissant, qu'il se lance dans la peinture du "matin au soir" (se souvient Armand junior). En treize années - puisqu'il disparaît brutalement en 1964 - il va produire semble-t-il plusieurs centaines de peintures, la plupart à l'huile, sur des supports modestes, la plupart du temps sur des cartons d'emballage. Ce ne sera qu'une fois cette oeuvre dispersée, et publiée sur Internet, notamment sur ce blog, que le fils, Armand Goupil, découvrira que nombre d'oeuvres lui avaient été cachées par son père, ainsi du reste qu'aux autres membres de la famille. Les oeuvres à thématique anticléricale ne sont pas faites pour le surprendre puisque l'on connaît bien les opinions des instituteurs laïcs de l'entre-deux-guerres (cela n’empêchait pas Armand Goupil d’apprécier les rencontres avec le Don Camillo de son village, seule personne avec qui il pouvait avoir des conversations d’une certaine tenue intellectuelle, mais curé qui cependant se cachait lorsqu’il rendait visite à l'athée…). Les oeuvres érotiques paraissent inspirées peut-être de l'iconographie présente dans les revues naturistes plus ou moins dissimulées à l'écart par son père, qu'Armand junior se rappelle avoir découvertes après le décès. Ce qui surprendra plus le fils sera la révélation de la contradiction qui habitait son père, aux moeurs austères, féru de discipline et de morale, soucieux du qu'en dira-t-on campagnard, et très chatouilleux quant aux comportements de ses enfants susceptibles de manquements aux lois morales. Les peintures aux sujets coquins fonctionnaient certainement comme une soupape de sûreté, un défoulement mené sur un mode au moins symbolique pour ce père corseté, dans un temps où la vie sexuelle faisait l'objet d'un persistant tabou.
Armand se souvient aussi de sculptures que faisait son père. La famille conserva les peintures les plus convenues. L'ensemble des peintures plus « libres », faites sur les supports de rebut, a été dispersé par un descendant de la famille qui était pressé de faire place nette. Ces oeuvres n'intéressaient pas trop la famille qui n'y décelait pas de valeur particulière, encouragée en cela par la modestie d'Armand Goupil qui avait intériorisé son oeuvre, la réalisant avant tout pour lui-même, dans une démarche assez commune avec celle des créateurs de l'art brut auxquels on ne peut cependant assimiler Goupil (à cause de l'aspect figuratif de son oeuvre, non détachée de la perception rétinienne). Peut-être aussi pour la maintenir à l'abri des regards familiaux. Sa fin brutale ne lui permit pas de la garder du reste éternellement cachée. Son épouse la conserva dans un meuble fort longtemps, d'une façon fétichiste, et lorsqu'elle disparut, ce fut alors qu'elle fut vendue en bloc à un brocanteur qui passait par là. Ce dernier la dispersa méthodiquement, vendant chaque peinture un euro pièce... D'intermédiaire en intermédiaire, les peintures continuèrent alors à circuler, prenant un peu plus de valeur monétaire à chaque nouvelle main. Le mouvement s'est-il aujourd'hui arrêté... ou bien?
Ce graphisme domestique, au voyeurisme naïf, basé parfois sur des calembours, mériterait cependant qu'on aille y voir de plus prés en lui consacrant par exemple un petit ouvrage, pourquoi pas?
00:43 Publié dans Art immédiat, Art inclassable, Art naïf, Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : armand goupil, graphisme humoristique, art de vide-greniers, anticléricalisme, érotisme naïf, art modeste, peinture domestique | Imprimer
14/08/2010
Les Amoureux d'Angélique publient un catalogue
Ils avaient fait jusque là une flopée d'affichettes, confectionnées à l'occasion des petites expos temporaires qu'ils consacraient à leurs trouvailles en matière "d'art brut, naïf et populaire" dans leur charmante maison du Carla-Bayle en Ariège. A chaque fois, ils mettaient quelques lignes et quelques photos harmonieusement mises en pages. J'ai eu l'occasion d'en parler à plusieurs reprises sur ce blog et aussi dans la revue Création Franche (n°32 de mars 2010), où je signalais entre autres qu'il nous manquait un catalogue pour garder après la visite quelques souvenirs des créateurs protégés dans ces lieux.
Or donc, voici que ce catalogue vient d'être à son tour réalisé par les Amoureux (alias l'Association Geppetto de Martine et Pierre-Louis Boudra). Certes, les atours de cette brochure reliée comme un simple cahier à spirale restent modestes (à l'image des créateurs mentionnés dedans bien entendu), mais l'on dispose là à présent de quelques éléments documentaires non négligeables.
Les auteurs ont choisi de mettre l'accent avant tout sur certains créateurs emblématiques de leur primesautière collection: Gilbert Tournier, l'excellent Thierry Chanaud (dont personnellement je préfère surtout les dessins aux sculptures archaïsantes), Henri Albouy, Angelo Conficoni (dont on apprend qu'il a construit un musée dédié à ses propres réalisations en Aveyron), Henri Virmot, Sylvain Blanc, Joseph Claustres, le prolifique Joseph Donadello, Antonio de Pedro, Severino De Zotti, Honorine Burlin, la collection Yode d'art populaire en bouteille, Joseph Redini, Eric Hordas, Roger Beaudet, Raymonde et Pierre Petit, Louis Buffo, Denise Chalvet, les frères Jammes, Horace Diaz (comme Donadello et Burlin, créateur d'environnement), etc., etc.
Ne sont pas oubliés non plus les anonymes que la collection prise aussi bien. Il ne faut donc pas hésiter à acquérir ce document indispensable aux amateurs de terra incognita, de poésie des sans-grade de l'histoire de l'art.
Musée Les Amoureux d'Angélique, Carla-Bayle, Ariège, 05 61 68 87 45, amoureuxanges@hotmail.com. Catalogue 15€.
Thierry Chanaud, dessin "Des cerises, des arbres...", collection les Amoureux d'Angélique
11:07 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Art populaire insolite, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : amoureux d'angélique, art populaire enfantin, honorine burlin, thierry chanaud, boudra, joseph donadello, denise chalvet, roger beaudet, horace diaz, pierre petit | Imprimer
28/07/2010
Le saint patron du Poignard Subtil
J'ai trouvé récemment le saint auquel vouer le blog, c'est Saint-Paul, qui était le porte glaive, paraît-il (car je suis assez ignare en matière d'histoire biblique), de Jésus, saint patron des saucissons. C'est André Gourlet qui m'a révélé cela de sa voix traînante. Il avait décidément une grande épée, ce spadassin. Enfin sa mine longue comme un jour sans pain m'a gagné définitivement à sa cause, je n'ai pas reculé, ni une, ni deux, je l'ai acheté.
19:29 Publié dans Art naïf, Art populaire contemporain, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
23/07/2010
Plein Chant débarque sur internet...
Je n'ai pas beaucoup de mérite sur ce coup-là. J'ai recopié l'info directement de L'Alamblog, le blog d'Eric Dussert. Effectivement, comme il l'écrit, ça, c'est de l'information! Les éditions Plein Chant ont désormais un site internet. Tout arrive. Il s'agit a priori d'un catalogue, d'une vitrine des activités de la maison, qui comme on sait édite depuis les années 1970 entre autres une des meilleures revues littéraires qui ait jamais été publiée dans ce beau pays de France, la revue Plein Chant, où j'eus le bonheur de publier trois textes dans le passé, ce dont je ne suis pas peu fier. Mais grâce à cette vitrine, les internautes qui voudront se renseigner plus rapidement que d'ordinaire (en ramassant par exemple les catalogues dans les salons où par ailleurs l'éditeur se faisait de plus en plus rare je trouve) pourront être mieux satisfaits. C'est l'occasion pour ceux qui ne connaîtraient pas encore cette bonne maison de découvrir l'éventail de ses titres, dont je prise particulièrement les rééditions de chroniqueurs du singulier du XIXe siècle, comme Lorédan Larchey, Champfleury, Charles Yriarte ou Théodor de Wyzewa. Voici donc le lien pour aller tout droit à Bassac: http://www.pleinchant.fr/
07:24 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Confrontations, Curiosités, modifications et divertissements langa, Environnements populaires spontanés, Fous littéraires ou écrits bruts, Hommages, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : plein chant, edmond thomas, chroniqueurs singuliers du xixe siècle, champfleury, lorédan larchey, fous littéraires, oulipo, pataphysique | Imprimer
20/07/2010
Pourquoi pas une sirène de plus?
08:47 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sirènes, enseignes naïves, sculpture populaire, art immédiat | Imprimer
04/07/2010
Le pluriel des pluriels des Singuliers
Une exposition au musée international d'art naïf Anatole Jakovsky de Nice du 2 juillet au 1er novembre qui s'intitule "Le Pluriel des Singuliers", ça ne vous rappelle rien? A moi si. Le titre servit il y a quelques années pour une série de quatre (pas plus?) manifestations qui se tinrent à Aix-en-Provence (la dernière peut-être en 2004). Je n'ai pu aller les voir, à peine ai-je pu m'en faire une idée d'après leurs catalogues plutôt bien faits (les meilleurs qu'on ait eu du reste dans la mouvance "singulière"), édités d'ailleurs par Actes Sud. Les sélections paraissaient réalisées avec soin, à la différence de tant d'autres festivals du genre amateuriste et dilettante.
J'ai reçu un carton d'invitation pour le 2 juillet, date du vernissage. Mais sans qu'on daigne m'en dire beaucoup plus sur le contenu de l'expo. Pas de dossier de presse sur le site www.musee-jakovsky.org en particulier, à peine quelques rares noms cités et jetés en pâture, comme ceux de Sanfourche, de Danielle Jacqui ou de Raymond Reynaud. On apprend aussi que le musée d'art naïf aurait acquis récemment une "maison" d'Auguste Forestier et une "très grande pièce de Robert Tatin". Les limites de la collection niçoise seraient-elles en train de se dilater aux confins de l'art singulier et de l'art brut (Forestier)? Le musée de Laval lui-même semble aussi aller dans ces directions, comme on me l'a récemment signalé, en créant une salle consacrée aux Singuliers. L'art naïf paraît avoir besoin d'un peu de sang frais, plus à la mode, pour redorer son blason.
En particulier, on ne sait pas si les organisateurs de l'expo ont quelque chose à voir avec ceux qui montaient les expos à Aix (Michel Bépoix). A ceux qui auront les moyens et les disponibilités d'aller à Nice durant les quatre mois qui viennent de nous dire quels sont les créateurs représentés, et si le titre renvoie aux anciennes manifestations aixoises...
00:39 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art singulier, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
20/06/2010
Habiter poétiquement, l'expo de rentrée du nouveau LaM à Villeneuve-d'Ascq
LaM, c'est un sigle un peu complexe, un peu confus, mais qui sonne bien, eu égard à mon poignard subtil, outil dont l'apparent tranchant fait fantasmer certains mais qui, comme l'ont remarqué ceux qui lisent, en réalité vise plutôt à ouvrir des brèches entre des mondes que l'on s'ingénie à tenir cloisonnés.
Bon, on commence à le savoir que ce musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut va enfin ouvrir ses portes, après un chantier de rénovation et d'extension qui a pris des années, le 25 septembre prochain. Les conservateurs du musée s'acharnent actuellement à terminer les accrochages, ce qui ne doit pas être une mince affaire. Ce musée est riche, les oeuvres conservées, du côté de l'art moderne, de l'art naïf (oui, on oublie généralement de rappeler que la collection est riche d'un bel ensemble de maîtres de cette catégorie, ce qui n'est pas anodin, étant donné les rencontres que cela pourra permettre avec l'art brut) et de l'art brut (grâce à la donation de l'association l'Aracine) sont de la plus grande qualité.
L'exposition de rentrée, qui se tiendra du 25 septembre 2010 au 30 janvier 2011, s'appellera "Habiter poétiquement". Son titre fait écho à celui de la journée d'études qui s'était déroulée dans l'ancienne version du musée le 10 décembre 2005, "Habiter poétiquement - architectures singulières", organisée conjointement par le musée et le LAHIC. Cette fois, si un moment - et un espace? (à l'heure où j'écris ces lignes, ce n'est pas précisé sur le site du LaM - sera consacré aux "Bâtisseurs de l'Imaginaire" dans un "théma" "transversal" entre art contemporain et art brut (une autre expo, intitulée de façon un peu absconse "Mémoires de performance" sur un thème d'architecture poétique contemporaine doit être montée en parallèle), la manifestation cependant devrait être consacrée à la façon dont "des artistes, mais aussi des écrivains et des cinéastes peuvent « habiter poétiquement le monde, la maison du monde » selon la phrase du poète Friedrich Hölderlin".
A un récent colloque dans les locaux de l'INHA (sur Michel Ragon et les arts, l'architecture), un excité, manifestement venu du groupe Fluxus semble-t-il, particulièrement infatué, avait annoncé cette exposition en précisant qu'il s'agirait enfin d'une reconnaissance des artistes bâtisseurs dans un monde de l'art où il n'y en aurait que pour les habitats bruts... C'était là une façon très habile de renverser les problèmes. Car la reconnaissance des habitats populaires est loin d'avoir été effectuée par le monde de l'intelligentsia tout de même, même si la situation est peut-être en train de changer (notamment grâce au LaM). La réapparition du musée d'art moderne et d'art brut de Lille-Métropole semble coïncider avec la volonté de ses conservateurs de montrer les rapports qui existent entre les bâtisseurs populaires d'environnements poétiques et les sites créés par des artistes, de même qu'il semble que de nombreuses expo "transversales" entre art brut, art contemporain et art moderne soient également à venir (c'est déjà commencé si l'on se rappelle les expos organisées précédemment hors les murs par le LaM). La tentation est grande dans cette perspective chez certains - notamment des artistes - de se mettre à tout mélanger, en ne retenant que la dimension artistique des travaux exécutés par les créateurs de l'art brut et des environnements spontanés.
Je n'ai personnellement pas envie de tout mélanger, et en particulier de traiter les environnements, de même que les créations de l'art brut, comme s'il ne s'agissait que de travaux d'art d'un genre nouveau (alimentant un nouveau marché de l'art, il ne faut pas l'oublier, car cela se profile derrière, voir par exemple la dernière vente aux enchères d'oeuvres de Chomo). Avec ces créations, a été peu à peu révélé le phénomène de la créativité tel qu'elle se présente de façon stupéfiante chez les prolétaires, ce qui remet en cause la division du travail telle qu'elle était jusque là instituée dans le monde des Beaux-Arts. On s'est convaincu dés lors que le génie pouvait souffler où il voulait (le fameux incognito souligné par Dubuffet), sans aucune hiérarchie, loin de toute théorie du don, sans que soient nécessaires un enseignement ou une initiation. Cette révélation, je crains que l'institution, le système corporatiste des Beaux-Arts, ne tentent de la noyer sous l'apparence d'une reconnaissance sélective de certains créateurs.
Dans l'exposition à venir, il est bon de songer à mettre en parallèle cependant le corpus des créations architecturales ou environnementales des artistes professionnels avec le corpus des "bâtisseurs de l'imaginaire" d'origine populaire. J'espère que cela sera instructif. A noter que le département d'art brut du LaM devrait comporter un espace dévolu aux habitats des inspirés populaires, ce qui sera une première dans un musée d'art brut, tout au moins en Europe. Quelques fragments de créations environnementales sont en effet d'ores et déjà conservés à Villeneuve-d'Ascq, comme ceux de Jean Smilowski, Théo Wiesen, Virgili, ou, plus récemment entré dans les collections (grâce à l'entremise d'un de ses héritiers et de Patricia Allio, qui l'avait fait connaître en l'exposant à Dol-de-Bretagne, puis à Rennes, avant et après son suicide) Jean Grard, dont d'importants éléments du jardin d'origine ont pu être ainsi préservés.
17:41 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art moderne méconnu, Art moderne ou contemporain acceptable, Art naïf, Environnements populaires spontanés, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lam, art brut, environnements spontanés, habiter poétiquement, jean grard, smilowski, art naïf, virgili, aracine | Imprimer
08/06/2010
Un autre regard, la collection permanente de la création franche s'expose
Du 11 juin, date du vernissage (pour les Bordelais, car cela a lieu un vendredi soir, les gens qui habitent plus loin ne sont pas invités à venir ce soir là, à moins de casser un bout de leurs RTT?), au 5 septembre, "à l'occasion de la parution d'un nouveau catalogue", voici que le fonds permanent du musée de la Création Franche est exposé avec prés de 300 oeuvres sur les 13000 inscrites à l'inventaire, le tout réparti sur les onze salles du musée. C'est le retour en force de la collection qui n'était que trés, trés partiellement montrée depuis des lustres, la plupart du temps confinée dans les trois quatre salles du fond du premier étage, où il ne fallait pas hésiter à faire un tour aprés chaque expo temporaire, dans l'espoir d'y voir surgir, ou resurgir, telle ou telle oeuvre inconnue, ou oubliée.
Jean-Louis Cerisier, Fragment organique, 1974
Comment présenter cette masse d'oeuvres assez diverses il faut l'avouer (cela me plaît à moi cette variété)?
Les organisateurs ont opté pour une classification par ensembles et thèmes semble-t-il. Les "pionniers" de la collection sont au rez-de-chaussée, à côté d'une salle plus spécifiquement consacrée aux créateurs classés dans les collections de l'art brut (comme Madge Gill, Louise Tournay, Benjamin Bonjour, Martha Grünenwaldt, etc - seul Michel Nedjar, il est vrai classé généralement dans l'art brut, y fait figure d'erreur, sa place étant plutôt selon moi parmi les singuliers, créateurs francs et autres "neufs inventeurs"...), dans lequel la création franche, nous dit le prospectus (non signé) de la présentation (consultable sur le site web du musée, voir plus haut), "prend sa source". Une autre salle du rez-de-chaussée est vouée à Claude Massé et à ses découvertes d'art "autre", à la succession du peintre Jacques Karamanoukian, et à Gérard Sendrey, dont beaucoup d'oeuvres, à ce que j'ai découvert, aprés sa récente méga-exposition au Musée, ont rejoint la collection permanente, ce qui met un terme à son refus maintes fois réitéré de mêler sa propre oeuvre à celles de la collection qu'il avait grandement contribué à rassembler. Gérard Sendrey devient in fine un créateur franc tout à coup...
L'étage paraît plus labyrinthique, du moins dans l'exposé de la présentation de l'expo. On y a ménagé des espaces avec des thèmes hétéroclites, le coin des "visionnaires" ou des "rêveurs de mondes", un cabinet de curiosités (avec paraît-il des oeuvres "inclassables et insolites" - miam-miam, c'est là que j'aimerais être! - un coin "maternité et enfance", qui sent presque sa crèche... En salle 10 (cela vous prend un petit air de jeu de l'oie tout à coup cette expo), ont été parqués les "tourmentés", merci pour eux... Les "tronches", c'est en salle 9... "L"homme du commun" (le bouseux en somme?) est en salle 5, avec ses travaux des champs, ses animaux... Et le visiteur n'aura encore vu qu'une petite partie de l'ensemble de la collection, que seule une plus grande surface, souvent annoncée sous cape, jamais effective, pourrait révélér dans toute sa munificence éclatée.
Je n'ai pu voir l'accrochage, je ne fais ici qu'un compte rendu basé sur le dossier de presse envoyé en signe avant-coureur. Mais pourquoi ne pas faire moi aussi mon mini-accrochage à partir de quelques photos prises au cours des années? Chaque visiteur devrait ainsi avoir le droit à son accrochage perso, ses préférences, ses passerelles à lui, ses analogies, ses confrontations d'une oeuvre face aux autres, etc. Pourquoi pas?
23:54 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art singulier, Confrontations, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : création franche, art singulier, art brut, art naïf | Imprimer
29/05/2010
P.Canis, sculpteur naïf et inconnu
J'ai chiné ce samedi matin dans les coursives du Parc des Princes, où il n'y avait pas foule, chez un sympathique antiquaire spécialisé en art populaire et peinture, M. Bertrand Doumayrou (merci à Philippe Lalane pour m'avoir mis sur sa route), un joli petit portrait traité en profil émergeant du bois, représentant un poète auvergnat, A. Vermenouze, comme il est dit sur le texte gravé en haut du médaillon. Au bas du portrait taillé dans un cadre ovale, on lit une signature, "P. Canis". Etant donné la signification de ce mot en latin, il s'agit donc d'un créateur qui a du chien. Ouaf, ouaf, ajouterai-je.
C'est un beau travail à la fois naïf et plein d'assurance, fouillé, prouvant que la naïveté peut rimer avec une certaine maîtrise des moyens. Le profil à la barbiche bifide comme flottant au vent fait penser à une espèce de Don Quichotte. Notre expert es-culture cantalienne, Emmanuel Boussuge, dûment interrogé, nous renseigna in petto (non, petits ignorants, ça ne veut pas dire qu'il était ce jour-là victime de maux de ventre): "A.", cela vaut pour "Arsène". Arsène Vermenouze, poète catholique, patriotique, et occitaniste (ah, ah, je sens que le sieur de Belvert dresse à présent les oreilles), ancien majoral du Félibrige, correspondant de Frédéric Mistral, qui trouvait le dialecte de ce poète tout de même trop compliqué pour ses amis provençaux. Sur internet, on trouve de ci de là des notices sur ce grand homme oublié, qualifié généralement de "plus grand poète auvergnat" (toujours cette manie des palmarès à l'emporte-pièce). Je ne suis pas pressé de vérifier l'affirmation en cherchant à lire quelques pièces de l'écrivain né à Aurillac. Seul compte pour l'immédiat ce charmant portrait. Et que les Vermenouziens, croisant du côté de ce blog, apprennent en même temps qu'il existe un portrait non conformiste de leur poète cantalien, taillé de la main d'un homme simple et inspiré, dont la sincérité s'est exprimée à travers une oeuvre grâcieuse.
Qui aurait des renseignements à communiquer sur d'autres oeuvres éventuelles de ce "P. Canis"? Sculpteur naïf auvergnat, ou d'ailleurs?
23:47 Publié dans Art immédiat, Art naïf | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : p. canis, sculpture naïve, arsène vermenouze, félibrige, poésie auvergnate | Imprimer
30/04/2010
A la recherche de la Mare au Poivre
L'ami Ricordeau me signale un curieux parc de sculptures situé à Locqueltas, au nord de Vannes (tout près de cette dernière agglomération), que s'est employé à dresser sous le ciel, pendant vingt-trois ans (en secret semble-t-il, au moins dans un premier temps) un personnage plein d'humour et haut en couleurs appelé Alexis Le Breton. Des informations complémentaires peuvent se trouver sur la Toile, sur le site de Ouest-France et sur celui du Télégramme. Le créateur de ce parc où sont dispersées sur cinq hectares environ 200 sculptures sur bois et pierre parmi des arbres et autres essences rares (le parc est aussi un arboretum) est malheureusement disparu à l'automne dernier (à l'âge de 80 ans). C'est sa fille, Mme Marie-Thérèse Pasco, animatrice d'une association vouée au lieu et à la mémoire de son auteur, qui a repris le flambeau des visites du parc. Ces dernières peuvent se pratiquer le week-end selon ce qui en est dit sur le site indiqué ci-dessous et dans les articles déjà cités.
Alexis Le Breton paraît d'expression naïve et populaire, son inspiration est variée, empruntant à la fois aux références bibliques (Jacob sur un buffle) et à l'actualité récente (la jungle des FARC en Colombie). Original, il aimait à recevoir en tenue traditionnelle bretonne ses visiteurs. Il paraissait avoir un faible pour les jeux de mots aussi, son village de La Mare au Sel lui a sans doute donné l'idée d'appeler l'étang qui est au coeur de son parc originellement marécageux la Mare au Poivre (voici aussi ce qu'écrit Nathalie Jay, auteur de l'article du 30-04-10 sur Ouest-France que m'a signalé Remy Ricordeau: "Titres, rébus, épitaphes apposés aux sculptures peints sur des bouts de bois récupérés ou gravés dans de la pierre sont souvent humoristiques, parfois sulfureux, avec ici ou là quelques connotations sexuelles"). Peu d'images se trouvent sur internet pour montrer à quoi ressemble cet endroit. Celles que je mets ici sont empruntées aux sites ci-dessus nommés. Et en voici une dernière, trouvée à la fin de ma rédaction de cette note, jolie photo signée d'un monsieur Erwan, sur le site Bretagne.com.
Donc, pour en apprendre davantage, chers lecteurs du Poi.Sub., comme disait l'autre, lâchez tout, et partez sur les routes....
La Mare au poivre, à Locqueltas, route de Bignan. Ouvert tous les samedis et dimanches de 14h à 18h. Tarif: 1 EUR (en août 2009). Renseignements au 02.97.45.94.10 ou sur http://www.landes-de-lanvaux.com/associations_locqueltas....
17/04/2010
Qui va là?
Laurent Jacquy, que j'ai déjà eu l'occasion de citer ici, par rapport au jardin de Bohdan Litnianski dans l'Aisne, ou pour une carte postale détournée de sa composition (le monsieur paraît priser les images modifiées) me fait part d'une exposition qui s'annonce fort intéressante dans sa bonne ville d'Amiens, manifestation apparemment organisée par lui et quelques autres amis et intitulée Qui va là?
Il me donne l'information brute, les dates (du 30 avril au 17 juin), le lieu (Galerie Carré Noir, Le Safran, ce dernier étant un centre culturel), et me signale un lien vers un blog qui parait avoir été créé tout exprès pour l'exposition, au nom éponyme de cette dernière, Qui va là? Ce blog paraît servir de catalogue (faute de mieux?). On y trouve une "bonne partie" des 200 oeuvres exposées à la galerie Carré Noir. Ah, si, son info contient aussi une courte phrase de présentation: "Cette exposition regroupe autour des travaux de Laurent Jacquy et de Yann Paris des oeuvres d'anonymes ou d'artistes plus connus". Parmi les "artistes plus connus", sans doute veut-on parler d'un Jaber (aux oeuvres pour une fois bien choisies) ou d'une Ody Saban (un dessin inhabituel dans sa production), voire d'un Maurice Rapin (j'y reviens plus bas).
C'est à chacun de se faire une opinion à partir des images que l'on découvre sur ce blog (j'en reproduis quelques-unes ici même). D'emblée, l'ensemble me séduit et m'apporte une impression de nouveauté et de fraîcheur, un goût de la création autodidacte populaire se manifestant là, imprégnée d'humour et d'esprit aimablement critique. Il y a là des peintures de Laurent Jacquy, en position de référence au monde des ex-voto contemporains ou plus anciens (certains exemplaires de ceux-ci sont présentés du reste, dont des mexicains), à un goût de l'imagerie modeste décalée et en écho à une imagerie politique caricaturale ou humoristique aussi (voir sa série de peintures sur l'histoire de la résistance dans le massif du Vercors qui n'est pas sans rappeler les tableaux à histoire de Gérard Lattier, qui fut influencé par Clovis Trouille lui de son côté). Un dessin de Maurice Rapin, visible dans le blog qui fait le "pré-inventaire" de cette exposition, prend peut-être de ce point de vue valeur de référence et de filiation. Ce dernier (disparu en 2000), qui appartint un temps au mouvement surréaliste avec Mirabelle Dors (1913-1991), avant de s'en détacher pour des raisons d'ordre esthétique avant tout, semble-t-il, prisait une figuration critique pour laquelle avec sa compagne il anima un salon du même nom. Ce même Maurice Rapin fut aussi en relation avec Clovis Trouille, qui avec Alfred Courmes fait figure de grand ancêtre de toute cette nouvelle figuration décalée inspirée de l'art populaire.
Les sculptures sur bois de Yann Paris, ou de Georges Paris également, sont aussi des oeuvres affichant une certaine naïveté de style, avec une posture déférente à l'égard de l'imagerie populaire contemporaine (le catch, les super-héros des séries de Marvel) qui ne déplairait pas aux animateurs du Musée international des Arts Modestes. J'apprécie également les peintures d'un certain Javier Mayoral, elles aussi dans l'esprit du démarquage d'une iconographie préexistante. On trouve également nombre de portraits de vedettes de la culture de masse (Nana Mouskouri, Bourvil, James Dean...) peints par des anonymes qui ne sont pas sans fasciner les organisateurs de cette expo par le mélange d'admiration et d'une problématique prise de distance vis-à-vis de leurs modèles qu'ils supposent aussi peut-être en creux. Ce goût de portraiturer ces "saints de rechange" dans la culture populaire contemporaine (on en trouve un grand nombre dans les jardins naïfs de bord de route) paraît ambivalent (mais peut-être n'est-ce qu'une vue de l'esprit?). Certaines déformations, des yeux un peu trop exorbités par exemple, ou des boîtes crâniennes bizarrement conformées, semblent trahir un inconscient désir de caricature, qu'un artiste plus délibérement frondeur choisira de pousser plus loin.
Qui va là? Exposition du 30 avril au 17 juin 2010, Le Safran, rue Georges Guynemer, 80000 Amiens. Tél 03 22 69 66 00.
14:35 Publié dans Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Art naïf, Art populaire contemporain, Art populaire insolite, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : laurent jacquy le safran, art modeste, ex-voto contemporains, art immédiat, yann paris, javier mayoral, figuration décalée, art singulier | Imprimer
01/04/2010
Armand Goupil et les paravents
Ombres chinoises, vous inspirâtes peut-être Armand Goupil pour ce fragile dessin sur papier fin un peu abîmé que je conserve et prise particulièrement pour son goût du voyeurisme naïf, direct et plein d'un désir qui paraît indéfiniment fait pour être retenu désir, tournoyant devant le paravent où l'adorable silhouette joue sa pièce charnelle, inconsciente de ses charmes.
01:11 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : armand goupil, art naïf, art singulier, voyeurisme naïf, paravents | Imprimer
22/02/2010
Infos-Miettes (7)
Jean Linard is dead
Ce titre résume à lui seul tout ce que j'ai à dire sur ce blog au sujet du céramiste Jean Linard, auteur d'un environnement appelé communément "la Cathédrale" à La Borne, village comme on sait de potiers depuis des générations. L'info nous a été transmise par le site ArtInsolite.com. Il était l'auteur d'un environnement très "artiste" (et un peu trop mystique pour mon goût) très différent des environnements du genre qui me retient sur ce blog. Pour information, je répercute l'annonce de cette disparition vers ceux que cela pourrait concerner, avec mes condoléances à ses proches.
Expos François Burland et Alp-Traüme au Museum Im Lagerhaus, St-Gall, en Suisse orientale...
Tiens, ça faisait longtemps que je n'avais pas fait d'info sur le Musée d'art naïf et d'art brut suisses de St-Gall. C'est que leurs informations me parviennent toujours en allemand que je déchiffre fort mal... Mais bon, il est toujours loisible de jouer à la devinette. S'achève en ce moment (ça se termine le 7 mars prochain) une exposition de photographies d'Hildegard Spielhofer (dont je ne perçois pas trop le rapport à l'art brut ou à l'art naïf) et de "jouets" créés par François Burland qui n'en finit plus de produire des maquettes de bateaux, et autres véhicules variés, bricolés en matériaux de récupération, qui ne sont pas sans faire songer à d'autres maquettes telles qu'on en rencontre dans l'art brut conservé en Suisse, à Lausanne notamment (pensons aux bateaux de Forestier par exemple, mais plus généralement, l'art brut n'est pas avare de grands enfants jouant encore graphiquement avec des trains - David Braillon, Willem Van Genk... - des voitures, des engins spatiaux - André Robillard... - etc.).
Et cette expo sera suivie d'une autre, Alp-Traüme, plus inspirante à mon goût sur des créateurs du massif montagneux du Säntis (région d'Appenzell et Toggenburg), riche en traditions populaires (voir les Sylvester klaüse d'Urnasch et leurs costumes prodigieusement inventifs) et en peintres originaux, Alp-Traüme que l'on doit pouvoir traduire simplement par Rêve d'alpe, nein? Il s'agit cette fois de nouveaux noms, comme Erich Staub, ou Imma Bonifas, Willy Künzler, présentés à côté de plus connus comme Hans Krüsi. Nouveaux noms et nouvelles créations, plus dégagées de l'imitation du réel que dans le cas des peintres d'alpage déjà présentés précédemment dans ce musée (les peintres de poyas décorant les chalets et les étables de la région). L'exposition se tiendra du 24 mars au 4 juillet 2010.
Colloque sur "l'art outsider" en Sicile, "la création différente"
Mlle Roberta Trapani m'a signalé récemment trois jours (26-27-28 mars prochains) où l'on va colloquer vaillamment à Palerme sur l'art brut et consorts, voir ici le programme en français et le programme (plus détaillé) en italien, à l'initiative de "l'Association culturelle" Start Factory (pas très sicilien le titre). Ce sera "coordonné scientifiquement" par la professore Eva Di Stefano qui dirige à Palerme un "Observatoire Outsider Art" dans le cadre de l'université locale.
Joël Lorand et Claude Massé à Carquefou
Ah, ce Joël Lorand, il en aura fait des voyages à travers la France, c'est un des plaisirs qui accompagnent tous ceux que la poursuite d'une quête imaginative titille. Outre des oeuvres représentatives de ses différentes périodes précédentes, proches du graffito au début, puis les "personnages floricoles", et les "boucliers", il montrera dans une nouvelle exposition au Manoir des Renaudières (direction de l'action culturelle de Carquefou) une nouvelle série d'oeuvres. Est-ce que la peinture reproduite sur le carton d'invitation en fait partie? Faut aller voir l'expo pour répondre.
Avec lui, au même moment, on pourra également voir les "patots" de Claude Massé, sculptures-assemblages sur liège. Pour le vernissage du 6 mars, à 16h30, Massé fera d'ailleurs une conférence-débat sur "l'Art Autre".
Exposition du 6 mars au 4 avril 2010, ouverte les ven., sam. et dimanche de 14h à 18h et sur RDV (02 28 22 24 40). Entrée libre.
Histoire d'une Collection (2)
Là c'est à Paris, c'est le deuxième volet d'une exposition qui paraît vouloir retracer l'histoire de la collection du centre d'étude de l'expression, collection qui est abritée dans le centre hospitalier Ste-Anne, dans le 14e ardt. Anne-Marie Dubois est l'organisatrice de l'expo qui est accompagnée aussi par la publication d'un troisième tome de son ouvrage De l'art des fous à l'oeuvre d'art. Cette collection vaut surtout à mes yeux pour sa partie ancienne, rassemblant des oeuvres produites par des patients que l'on n'avait pas encore encadrés soit artistiquement (artistes-thérapeuthes) soit chimiquement. L'expo La Clé des champs qui s'était tenue à la Galerie Nationale du Jeu de Paume en 2003 avait permis de s'en rendre compte de façon nette. L'expo actuelle, commencée le 28 janvier, s'achévera le 28 mars 2010, elle se tient dans le musée Singer-Polignac, à l'intérieur du centre hospitalier (ne craignez rien, on vous laissera ressortir...).
16:08 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Art singulier, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jean linard, eva di stefano, françois burland, alp-traüme, museum im lagerhaus, art naïf, art brut, art singulier, joël lorand, anne-marie dubois | Imprimer
09/02/2010
Les artisans du bagne à Chartres en attendant les artistes du bagne à La Seyne-sur-Mer
Michel Thévoz, dans son ancien ouvrage sur l'art brut paru chez Skira en 1975, notait qu'on trouvait infiniment moins de travaux artistiques chez les prisonniers de droit commun que chez les pensionnaires d'hôpitaux psychiatriques. Surtout, les prisonniers, notait-il encore, restent responsables de leurs actes, tandis que les aliénés en sont déchargés. L'expression chez ces derniers devient du coup "sa propre fin". "La contrepartie de sa déréliction, c'est la licence de s'exprimer gratuitement", écrit-il aussi. L'art brut s'est constitué des collections d'expressions de ce type, dites "inventives", parce que marquées très profondément par l'abandon des "normes de communication" (il rassemble aussi, de ce fait, des dessins qui parfois ne suscitent vraiment aucune curiosité en retour de la part du spectateur, tant ils sont obscurs, proches de ce que Dubuffet à la fin de sa vie avait lui-même finalement et tragiquement rencontré: des "non-lieux").
Devenu insoucieux des conventions d'expression, le créateur reconnu "brut", donc surtout le pensionnaire créatif d'hôpital psychiatrique, se laisserait davantage aller dans ses images ou ses écrits, puisqu'il n'a plus d'autre spectateur ou de lecteur que lui-même. Surgirait ainsi un langage plus originel, venu des racines de toute expression humaine, véritable but de la recherche dubuffétienne d'art "brut". Ce plaidoyer pour l'art brut on le voit accorde une place prépondérante au créateur aliéné, alors que par ailleurs l'art brut regroupe des créateurs venus d'autres espaces de la marginalité sociale (l'art des fous ne représente qu'une partie du corpus de l'art brut). Comment fait le créateur non aliéné, cependant collectionné comme étant un créateur brut, pour rester inventif, alors que sa situation mentale et sociale est tout autre, et qu'en particulier il garde la responsabilité de ses actes? La créativité n'est-elle l'apanage que de ceux qui sont rejetés par la société? Ces derniers ne deviennent pas automatiquement inventifs du fait de leur marginalisation non plus.
La quête de Dubuffet de nouvelles formes d'art plus pures ne m'a jamais paru si éloignée que cela de la recherche surréaliste d'un langage plus accordé à la réalité de la pensée. Et pas très éloignée de ce que j'envisage sous le terme d'art immédiat, que j'emploie pour rassembler toutes sortes d'expressions, y compris parfois non humaines (l'art des animaux, les ready-made de la poésie naturelle), qui ne restent cependant envisageables que par des humains. Du point de vue de l'immédiateté poétique, la question de l'écart vis-à-vis des conventions expressives, qui fait le centre de l'intérêt de tant de thuriféraires de l'art brut, me paraît moins importante aujourd'hui. J'accorde autant de fascination à l'art populaire des campagnes, l'art naïf inspiré, les environnements spontanés naïfs ou bruts, l'art brut, qu'à la poésie naturelle, ou à l'art carcéral inspiré, lorsque celui-ci est naïf (graffiti, tatouages, fresques et peintures naïves). Parce que le point commun à chacun de ces corpus est la poésie vitale qui s'en dégage, contribuant à réunir les humains au sein d'un dialogue et non plus d'un monologue (où risque de nous amener la passion de l'art brut). Les nouvelles formes d'art, nouvelles techniques, cela n'est peut-être plus si obsédant aujourd'hui comme ce le fut après la guerre.
L'actualité des expositions ne nous laisse plus que quelques jours pour aller se faire une opinion par exemple au sujet de certains aspects de l'art des bagnards... En effet, une exposition, intitulée L'artisanat du bagne, a commencé au musée des Beaux-Arts de Chartres le 7 novembre 2009, prévue pour se terminer le 21 février (plus que 12 jours donc). Cette exposition est cependant liée à une seconde qui s'appellera Les artistes du bagne, qui prendra place au musée Balaguier du 25 mars prochain jusqu'au 25 mars 2011 (un an, ça laissera le temps d'aller à ce musée Balaguier de La Seyne-sur-Mer, qui a déjà prêté de nombreux objets à cette expo de Chartres, objets en rapport avec l'ancien bagne de Toulon proche de La Seyne-sur-Mer).
L'exposition, dont je me fais une idée grâce à son catalogue, paraît rassembler des caricatures de bagnards, des peintures (de Francis Lagrange notamment), des planches du livre de témoignage sur la vie de bagnard par le prisonnier Clément (venu de la Médiathèque municipale de Rochefort, ce manuscrit illustré naïvement fut édité jadis par Gallimard dans une magnifique édition sous emboîtage ; j'ai entendu rapporter dans une librairie de La Rochelle que le manuscrit le plus connu - car il y en aurait deux - aurait été amélioré par un dessinateur resté anonyme d'après le premier manuscrit original rédigé, lui, de la main de Clément).
On y voit aussi des marqueteries de paille, des noix de coco gravées, sculptées intérieurement ou extérieurement, divers objets (buvards, coupe-papiers), des coquillages gravés (des nautiles dont la nacre est aussi adroitement ciselée que par n'importe quel orfèvre de métier), des maquettes, des bijoux bricolés... Une belle occasion en somme d'aller vérifier s'il n'y a pas là aussi la poésie que nous recherchons tant dans d'autres secteurs de la créativité populaire davantage à la mode aujourd'hui, comme le fameux "art brut".
10:40 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Art populaire religieux, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art des prisonniers, art brut, marqueteries populaires, francis lagrange, artisans du bagne, le bagnard clément, michel thévoz | Imprimer
20/12/2009
Un mini-golf à usage interne, Monsieur M., secret inspiré sarthois
Les inspirés ne sont pas tous tout à fait au bord des routes, au sens où ils s'y montreraient bien en évidence. Celui que je vais indiquer ici, dont je tairai le nom et la localisation puisque je n'ai pas son accord pour le moment pour les révéler ou non, se cache un peu à l'écart au coeur d'une propriété située en bordure d'un chemin, mais cachée derrière des murs à hauteur d'homme, une végétation profuse masquant l'essentiel des sculptures installées à de nombreux points du jardin. On peut passer à côté sans le voir. De plus le chemin n'est pas une route très fréquentée.
J'en ai entendu parler de façon inopinée. Nous étions accoudés à un bar de bon matin (il devait être dans les 7h), moi et deux autres acolytes, à la Ferté-Bernard dans la Sarthe. Je me mis à interroger le patron du bar sur les traces possibles qu'aurait pu laisser un monsieur Fin (c'est par le Fin que tout commence parfois...) dans les environs. En effet, Francis David, photographe et chercheur d'environnements bien connu des amateurs, avait mentionné dans son catalogue "Les Bricoleurs de l'Imaginaire" (en 1984!) les "sculptures polychromes" que ce dernier aurait autrefois créées dans cette bourgade (et que je n'ai jamais eu l'occasion de voir). Le patron, ça ne lui disait rien. Les années 70-80 de l'autre siècle, ça commence à faire loin... Par contre, prolongea-t-il, il connaissait un autre gars qui depuis trente années aménageait son jardin avec des statues "en béton armé", me dit-il. Ces statues agrémentaient de façon originale un mini-golf. Ah, ah..., me dis-je. Je n'eus de cesse de convaincre dès lors mes deux compagnons, qui n'avaient pas besoin d'être trop poussés cela dit, et nous finîmes par trouver le lieu.
On ne le perçoit pas facilement. Seule une arborescence en ciment, semblable à de l'art d'artisan-rocailleur, apposée sur les murs jouxtant le portail, permet de le repérer. Les statues que contient le jardin - que je n'ai photographiées sur le moment que subrepticement et très partiellement, ce qui prouve le peu d'immédiateté de ce site, et ce qui est instructif sur sa signification - les statues en ciment polychrome, assez rugueuses, ne sont pas tournées vers l'extérieur, mais bien vers l'intérieur, destinées à être avant tout appréhendées depuis le centre de la propriété. A priori, c'est un décor à usage interne. La seule effigie tournée vers l'extérieur est un lion découvrant ses crocs. En se haussant sur la pointe des pieds, et en regardant au loin entre les frondaisons de nombreux arbustes, buissons et cyprés, on devine des saynètes, une gardienne d'oies, un homme nourrissant de pain semble-t-il un éléphant qui s'en saisit du bout de la trompe, une sorte de dinosaure, un orque dont le museau jaillit des branches derrière un buste d'homme barbu, un homme tenant une hache sur l'épaule devant un chien qui paraît en arrêt devant lui, un ours blanc qui surgit derrière un arbre...
Des pistes de mini-golfs semblent installées à différentes places du site. Imitées de celles que l'on trouve dans ces lieux d'attraction éminemment familiaux et touristiques. Ces espaces voués au divertissement, réductions démocratiques à l'usage du populaire, sont souvent oubliés des amateurs d'art populaire en plein air alors qu'ils entretiennent à l'évidence un lien de parenté avec les environnement spontanés. Leurs inventions dans le tracé des pistes, leurs décors de maquettes dont la fantaisie est fonction à la fois de l'exploit à accomplir et de l'agrément de la promenade de trous en trous, cela peut avoir une influence sur des individus que le démon de la création peut à l'occasion chatouiller... On s'étonne même qu'il n'y ait pas davantage de créateurs populaires d'environnements (ou de simples jardiniers) qui en aient dessiné dans leurs jardins.
Voici donc, c'est le cas de le dire, une autre piste à suivre.
16:31 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : sarthe insolite, environnements spontanés, inspirés du bord des routes, habitants-paysagistes, mini-golfs | Imprimer
10/12/2009
L'envol
00:00 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Art populaire religieux | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ex-voto, peinture naïve insolite, art naïf, art populaire anonyme | Imprimer
03/12/2009
Le jardin d'Emile Taugourdeau danse encore dans les ronces
Qu'est-ce que ça devient chez Emile Taugourdeau, le maçon disparu en 1989, qui avait laissé derrière lui dans son jardin des dizaines et des dizaines de statues naïves, brutes, immédiates, ce qui constituait un des environnements de statues naïves ou brutes parmi les plus importants de France? Vingt ans qu'il est décédé, et pas de commémoration pour lui (il n'aura pas eu la chance d'un Chomo par exemple, plus artiste sans doute et reconnu comme tel par ses pairs).
Il était en concurrence, au point de vue strictement quantitatif bien entendu, avec le jardin de Gabriel Albert à Nantillé en Charente-Maritime (on y a dénombré environ 400 statues, chez Taugourdeau, cela devait être approchant), lui aussi désormais en grand péril. On a parlé de lui autrefois (et abondamment, ce qui me justifie de venir en reparler aujourd'hui: Francis David le tout premier dans Les Bricoleurs de l'imaginaire, Jean-Louis Lanoux dans Plein Chant n°45, Taugourdeau étant alors encore de ce monde, puis après sa mort, dans ce fatras qu'était le Guide de la France Insolite de Claude Arz, etc.).
Un article dans un journal spécialisé dans la brocante, longtemps aprés la mort de l'auteur, eut paraît-il une influence néfaste, car à la suite de cette publication qui aurait fait trop de bruit, on vola certaines statues qui étaient sans surveillance (les statues que M. Taugourdeau exposait de l'autre côté de la route, en face de sa maison, les laissant avec confiance pour la récréation de tout un chacun qui passait sur ces petites routes charmantes de la Sarthe).
Le silence retomba. Certains familiers du site, continuant de lui rendre visite secrètement (à noter un article du modeste Zon'Art, vers 2003, si je me rappelle bien), familiers qui récupéraient au passage certaines pièces qui étaient à vendre (et ils faisaient bien, faute de mieux)... Personnellement, j'y étais passé en 1991, en compagnie de la photographe et artiste Marie-José Drogou, afin de fixer sur pellicule le plus possible d'oeuvres. J'y suis revenu longtemps après, en 2003, puis récemment donc en juillet 2009.
Chez Taugourdeau, il y a (il y avait) beaucoup d'animaux, des cervidés, mais aussi des crocodiles, des dinosaures, des serpents, des chiens, des chevaux, et énormément de volatiles. Et aussi des footballeurs lilliputiens (les équipes, les buts, rien n'était oublié, ça grouillait, il fallait faire attention de ne pas buter sur eux). Un Bernard Hinault (il est tombé par terre, c'est pas la faute à Voltaire, mais plutôt la tempête dernière). Une voiture ancienne avec passager et chauffeur (plus de poussière soulevée par ses roues, mais du lierre à la place qui grimpe vaillamment à l'assaut).
Des carrioles conduites par des hommes paraissant porter sombreros (la forêt, les ronces les ont-elles mangés? Je ne les ai pas revues à mon dernier passage en juillet dernier).
Taugourdeau paraissait aimer les personnages, principalement couverts de chapeaux. Les sombreros revenaient souvent, semblant indiquer une fascination du créateur pour les Mexicains (il avait représenté deux Mariachis, les guitares absentes de leurs mains à mon passage en 1991). Il y avait aussi, récurrents, des petits couples gentils, des couples de danseurs certes immobiles mais paraissant tourner sur eux-mêmes simultanément, des grenouilles cachées comme des larves dans des jardinières carrées montées sur pieds.
Des arbres de ciment - toujours le ciment - aux branches couvertes d'oiseaux. Des pêcheurs à la ligne, oui aussi en ciment, qui cherchaient à prendre des poissons eux-mêmes en ciment (c'était les premiers sujets que commença Taugourdeau après s'être essayé à un canard). Des mariés qui dansaient galamment sous les arbres. Des cigognes aux longs cous. Un phacochère. Une déesse Kali (du moins l'ai-je identifiée ainsi, on l'a appelée aussi "la magicienne") plutôt du genre souriante, des serpents sur les bras (elle est toujours là, à mon passage en juillet dernier, je lui ai remis sur les bras les serpents qu'un antiquaire indélicat avait jetés par terre, à ce que me confia Mme Taugourdeau). Un moulin avec son petit meunier (il avait le bras fendu, on l'a acheté, puis emmené à l'abri ailleurs, loin de cette jungle). Il y avait (oui, toujours l'imparfait) deux cavaliers sur deux chevaux qui avaient l'air de fendre les airs pour aller où? On en a vu filer un récemment encore, du côté de L'Isle-sur-la-Sorgue sur une brocante, à l'évidence échappé du jardin de M. Taugourdeau (voir ci-dessous le cavalier encore en place en 2003). Il est resté le second, une variante, avec de subtiles différences, de l'ordre de quelques centimètres de plus ou de moins (j'ai vérifié, il a les jambes plus longues, des étriers plus dégagés de la masse de ciment...)
Il y avait, surtout, plus oubliés encore que les statues, d'étonnants tableaux de ciment teint dans la masse, d'une très belle facture naïve. Dans le jardin, exposés à la merci des intempéries, leurs couleurs ravivées à chaque pluie.
Qu'ils étaient beaux, ces tableaux... Et que le coeur me fend de les imaginer perdus, brisés, cassés? Ici ou là, tassés parfois à plusieurs contre un mur de parpaings, petit à petit couverts de terres, de mousses, enserrés par des racines accrocheuses, on en redécouvre, en les feuilletant d'un bras qui les retient de tomber pendant que l'autre prend la photo.
D'autres disparaissent sous la couleur uniformément verdâtre qui glace l'ensemble de l'oeuvre encore en place (les statues ne sont pas fendues, résistant encore bien malgré vingt ans sans entretien à l'air libre depuis la mort de leur créateur).
Peut-être que certains ont été tout simplement vendus? Car c'est ce qui arrive, la famille laisse partir par petits bouts les oeuvres du jardin, tantôt chez des amateurs désireux de sauvegarder ces chefs-d'oeuvre naïfs, tantôt à des brocanteurs peu scrupuleux qui acquièrent à bon compte des jardinières en mosaïque, en renversant au passage les statues qui ne les intéressent pas, et qu'ils ne songent pas une minute à relever, l'affaire étant faite. C'est ainsi, il ne semble pas qu'aucune autre possibilité de sauver ce qui resterait encore à sauver puisse se mettre en place désormais. Il reste des écrits, des photos, peut-être des films, et quelques statues échappées chez les uns et les autres pour garder la mémoire de cette magnifique création.
Le jardin, encore visible un peu il y a cinq ans, un jour que nous le visitions après un nettoyage saisonnier, se couvre à d'autres moments d'une végétation qui semble partie pour le dévorer complètement. Le redécouvrira-t-on un jour comme on a découvert les temples mayas dans la jungle du Yucatan?
14/11/2009
André Breton, lettres à Aube
Gallimard vient de publier dans la collection blanche les "Lettres à Aube" qu'André Breton a envoyées des années 30 aux années 60 à sa fille. Cette publication est le signe avant-coureur de la correspondance plus générale du poète du surréalisme que l'on verra publiée, probablement en plusieurs volumes, tant elle s'annonce profuse et variée, à partir de 2016 (conformément à ses volontés testamentaires, qui ne s'appliquaient pas à la correspondance détenue par sa femme et sa fille). Tout amateur du surréalisme ne peut que s'en enchanter. Car la vie du poète fait partie d'un ensemble uni indissolublement à son oeuvre, à son message général face à la vie et à la société, à la philosophie du surréalisme qui comme on sait n'est pas un mouvement limité à une esthétique, qu'elle soit plastique ou littéraire. Breton vivait au sein d'un faisceau de signes, d'évènements, de rencontres (importance, incroyable peut-être aux yeux d'un contemporain, de la place prise par la sociabilité dans ce qui ressort de cette correspondance... Les amis, la famille aimée, l'amour, que le poète ne cesse de réclamer autour de lui) qu'il assemblait dans une recherche attentive à en dégager les significations merveilleuses latentes.
Pour ne se cantonner qu'aux allusions à des sujets qui nous occupent plus particulièrement sur ce blog, les rapports à l'art brut, à l'art naïf et l'art populaire, on trouvera dans cette correspondance quelques notations intéressantes.
Dans la lettre du 12 octobre 1948, Breton décrit à sa fille, alors âgée de treize ans, son projet d'Almanach de l'art brut (à noter qu'il ne fait aucune allusion à Dubuffet...): "Tu te demandes peut-être ce que ça peut être que l'art brut? Cela groupe tous les tableaux et objets que font quelquefois des gens qui ne sont pas artistes: par exemple un plombier-zingueur, un jardinier, un charcutier, un fou, etc. C'est extrêmement intéressant". "Des gens qui ne sont pas artistes", c'est à souligner, en ces temps où le terme d'artistes, appliqué aux créateurs de l'art brut, ne cesse plus d'être employé à tout va. En quatre lignes, ce père attentif à faire passer ce qu'il croit bon de faire apprécier à son enfant trouve les mots clairs et accessibles, résumant finalement assez bien le sujet pour un premier contact.
Il faut attendre une dizaine d'années plus tard pour trouver dans une lettre du 16 juillet 1958 une autre allusion cette fois à son intérêt pour l'art naïf. "J'attends l'arrivée, par les soins du camionneur, d'une vingtaine de tableaux naïfs que j'ai prélevés dans la soupente de l'atelier rue Fontaine et qui me semblent devoir ici [ dans sa maison de Saint-Cirq-Lapopie dans le Lot] égayer un peu tous les murs." On se demande à quoi pouvaient ressembler ces tableaux. Certains ont-ils fait partie de la vente Breton en 2003 à Drouot? Cela serait plausible, quand on se rappelle (et le catalogue de la vente par Calmels-Cohen aide à s'en souvenir) le nombre de tableaux naïfs que collectionnait Breton, par des peintres connus, Ferdinand Desnos, Hector Hippolyte, André Demonchy, Miguel Vivancos, par exemple, ou moins connus comme Alphonse Benquet, voire des peintres anonymes (le catalogue présente plusieurs oeuvres "d'auteurs non identifiés").
Breton s'est à maintes reprises passionné pour des autodidactes, comme son ouvrage Le surréalisme et la peinture le montre déjà abondamment. Une nouvelle preuve nous en est administrée à la page 121 de cette correspondance inédite (lettre du 11 septembre 1958 destinée à Aube et son mari Yves Elléouët). "Hier, avec Joyce et son mari, nous sommes allés voir ce vieux boulanger-sculpteur de Corbeil dont je crois vous avoir déjà parlé. J'ai ramené de lui un tableau ultra-naïf qui n'est pas sans charme." Eh bien, le "boulanger-sculpteur de Corbeil", ça ne vous rappelle rien, ô vous lecteurs fidèles et assidus de ce blog? Mais bon sang, c'est bien sûr, comme aurait dit le commissaire Bourrel, il s'agit là de Frédéric Séron une fois de plus! En 1958, tout le monde allait chez lui, Doisneau, J-H. Sainmont, Breton, Dumayet, Gilles Ehrmann, et même ce grand mondain frelaté qu'était Cocteau (qui avait acquis des sculptures de Séron pour sa propriété de Milly: toujours présentes?). J'aimerais bien savoir où est passée finalement ce "tableau ultra-naïf" que Breton eut la bonne idée de sauver en l'achetant... Est-ce un des tableaux étiquetés par Calmels-Cohen, "auteur non identifié", là encore (mais il ne semble pas, voir ci-dessous)? Wait and see... Qui dissipera le mystère? Pour en savoir plus sur les peintures que faisait Séron, à côté des statues qu'il avait mises dans son jardin, on se reportera au documentaire-interview de Pierre Dumayet mis en ligne sur le site de l'INA que j'ai déjà évoqué et mis en lien sur ce blog (voir ci-dessus, le nom Frédéric Séron). Deux tableaux y sont commentés, dont une "Chasse à courre" et une "Paix chez les animaux". Ultra-naïfs en effet... A noter cependant que les tableaux de Séron étaient signés à gauche en bas, selon ce que répond Séron lui-même à Dumayet dans l'interview. On devrait donc pouvoir facilement les identifier si on les retrouve...
07/11/2009
Dictionnaire du Poignard Subtil
23:03 Publié dans Art naïf, DICTIONNAIRE DE CITATIONS DU POIGNARD SUBTIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art naïf, dictionnaire du poignard subtil, pierre peuchmaurd | Imprimer