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10/07/2013

Quand on vous dit que les curetons ont la tête dure...

       En compulsant le catalogue de l'exposition Compagnons célestes, épis de faîtage, girouettes, ornements de toiture (présentée par l'Ecomusée de rennes du 10 avril 2010 au 3 juillet 201), je suis tombé sur une girouette peu banale qui m'a rappelé quelque chose.

 

girouette de St-Bieuzy a la hache.jpg

Photo extraite du catalogue de l'exposition Compagnons célestes ; à noter que le saint est seulement sur le point de recevoir le coup de hache, ce qui pourrait aussi induire comme interprétation que les gens d'église ne sauraient recevoir meilleur traitement!


    Elle provient d'une église à Bieuzy dans le Morbihan. Et elle représente le martyr d'un certain saint Bieuzy. "Alors qu'il célébrait la messe devant l'autel, Saint Bieuzy fut frappé d'un coup de hache sur la tête par le seigneur dont il avait refusé de guérir le chien atteint de la rage...", est-il expliqué en légende de cette image. Or, cette image, certes assez atypique sur une girouette, m'en rappelle irrésistiblement une autre, un tableau cette fois aperçue il ya fort longtemps dans la Galerie d'art religieux populaire de Sainte-Anne-d'Auray en 1991. Un petit catalogue rédigé par Joseph Danico montre le tableau en question, qui est en fait un ex-voto. A la différence de la scène de la girouette, le prêtre sur l'image a cette fois la hache dans le crâne ce qui ne l'empêche pas, ô miracle, de continuer à se balader...

 

Ex-voto-Auray-le-prêtre-à-l.jpg

Ex-voto, H. 80 cm, L. 87 cm ; La scène évoque un recteur, Pierre Guillemet (un nom prédestinant pour les citations!), "griévement blessé en 1720"... mais miraculeusement guérie pa rl'entremise de Ste-Anne qu'on le voit prier.


        Il paraît, nous dit la petite brochure en question, que le Trésor de Ste-Anne-d'Auray, parmi d'autres ex-voto et sculptures pieux conserve "l'os du  crâne où se voit la cicatrice de la blessure"...

    Les deux occurrences de coups de hache sur la personne d'ecclésiastiques sont à mettre en parallèle, je trouve. Cela constitue peut-être une tradition iconographique dans l'imagerie religieuse axée sur les martyrs en tous genres?

16/06/2013

Un coup de sang de Pat Atarte concernant le MUCEM (à rebaptiser MUCM...)

      Je relis avec un tendre sourire en coin cette note déjà ancienne où vous exprimiez votre espoir de pouvoir un jour contempler de nouveau les merveilleuses collections du musée des ATP au fameux MUCEM qui tardait alors à sortir de terre. Eh bien nous y sommes. Le MUCEM est né, il est inauguré, et le tendre sourire se transforme en rictus.

     Ce MUCEM n'est qu'un fantasme de conservateur bilieux rendu fou par sa haine du public. Les collections des ATP sont invisibles. Elles y sont, paraît-il, mais enfouies, cachées au fond des réserves, inaccessibles hormis à quelques chercheurs qui devront montrer patte blanche. Dans ATP, il y a tradition et il y a populaire, deux mots absolument détestables sans doute pour les politiciens invertébrés qui font la culture, et qu'il faut surtout arracher à la conscience du public - et que l'on continue d'offrir, au passage, par la même occasion, à l'extrême droite comme on lui a offert sur un plateau, il y a quelques années, celui de laïcité.

    Surtout, oublions le rapport sensuel à l'objet, à la fois creuset et produit de l'imaginaire! Surtout, que le peuple, s'il existe encore, ne voie pas les beaux meubles paysans qu'on fabriquait avec dix bouts de bois et deux outils ruraux, sans aide de la force électrique, il y a deux cents ans, et qui tiennent encore debout aujourd'hui! Que le simple fait de se fabriquer un coffre où mettre ses pauvres vêtements continue de paraitre à tous tellement compliqué, et IKEA sera bien gardé! Qu'on enfouisse au plus profond de l'oubli l'idée même de décoration, qui ennoblissait tous ces objets du quotidien et élevait l'âme de leurs utilisateurs, car son rappel risquerait d'anéantir l'esthétique carcérale du design imposée aux masses comme solution aliénante! Qu'on oublie vite tous ces outils qui libéraient au lieu d'asservir! Et qu'on oublie vite le pauvre Georges-Henri Rivière et toute son ingénieuse muséographie, au besoin en le canonisant au passage, pour définitivement anéantir son ouvrage!

Pat Atarte

Note du rédacteur du blog:

J'éviterais de me prononcer trop catégoriquement contre le MUCEM en question, ne l'ayant pas encore visité (attendons que les foules téléguidées par média interposés se soient évanouies, déjà on nous dit qu'elles se contentent des promenades et des panoramas offerts par les passerelles et les points de vue du nouveau site), et restant curieux de la richesse des cultures populaires méditerranéennes (une très belle charette sicilienne entièrement sculptée et peinte est ainsi montrée semble-t-il dans la collection permanente, transfuge peut-être de l'ancien Musée de l'Homme parisien où l'on pouvait en voir une, très belle, dans le département Ethnologie européenne). Je suis d'accord avec Atarte cependant, quant à sa dénonciation de la bureaucratie ethnologiste qui se détourne des objets façonnés poétiquement par le peuple préférant se concentrer sur le discours plutôt que sur l'objet. Et surtout, je soulignerai pour le moment le fait que la dénomination Musée des Civilisations d'Europe et de Méditerranée impliquerait a priori qu'on puisse y découvrir, à côté de la culture populaire méditerranéenne, les arts et traditions populaires d'Europe de l'ouest, du nord et de l'est, sous peine de devoir plutôt se limiter à l'appeler le MUCM. Cela me confirme dans ce que je subodorais dans ma note sur l'expo de 2011 de "Morceaux exquis" à savoir que le projet du MUCEM était peut-être trop grandiose. A vouloir trop embrasser, trop mal étreint...?

 

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Charette sicilienne amenée au Canada par son propriétaire Joseph Pillitteri en 1962, ph. Musée canadien des Civilisations


14/06/2013

Un chouette musée à la campagne, par Emmanuel Boussuge

      Cela faisait longtemps que je voulais saluer (merci au Poignard de m’en donner l’occasion) le petit musée du Veinazès dans la Chataigneraie cantalienne, un musée familial constitué en toute indépendance des institutions. On y trouve surtout des outils et machines du mode rural. Amené par son métier à vider de nombreuses maisons, Raymond Coste supportait très mal le grand gâchis d’objets que ses voisins se sentaient obligés d’offrir en holocauste à la modernité conquérante et qu’il était souvent chargé d’amener vers leur destruction.  

      Un jour, il se décida à les récupérer et il en emplit un, puis plusieurs hangars. Il y a dix ans, la retraite venue et aidé par sa famille, il bâtit un musée où montrer une partie des innombrables pièces mises en réserve. Ateliers d’artisans reconstitués avec rigueur ou machines maintenues en état de marche (avec notamment une collection de tracteurs parfaitement huilés à faire pâlir tous les amateurs), Raymond Coste fait visiter sa collection et tourner ses machines en donnant toutes les explications nécessaires, selon les principes d’une pédagogie rustique, joviale et passionnée.

 

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Raymond Coste et Cécile C., démonstration de tracteur, photo E. B., juillet 2009


       Depuis quelque temps, le musée s’est aussi tourné, sous l’impulsion de Bernard Coste, son fils, vers diverses formes de création populaire. « Singuliers, bruts, hors-les-normes, outsiders, naïfs, cela importe peu », nous dit un panneau. « Le musée du Veinazès est très heureux d’accueillir ces œuvres qui, au travers d’une inspiration foisonnante et d’une imagination surprenante, traduisent le mot LIBERTÉ ». Bien doué lui aussi du talent familial pour la préservation, Bernard a ainsi pu mettre à l’abri plusieurs éléments du site réalisé à Ally, au Nord du Cantal, par René Delrieu, site qui avaient toutes les chances de disparaître sans laisser de traces (hors quelques rares pages comme celles de l’Auvergne insolite de Pascal Sigoda) quand ce dernier est mort en 2008. Rien de plus évident à mon sens que la présence des sculptures métalliques qui peuplaient le jardin de ce « mécanicien sur machines agricoles » au musée du Veinazès. Je mettrai ma main au feu qu’il aurait apprécié le geste.

      Ajoutons qu’outre les pièces qui étaient bien visibles devant la maison d’Ally, la conservation concerne des dessins d’une facture originale que l’on pourra aussi découvrir cet été au musée de Mauriac, lors d’une exposition qui fera la part belle à quelques-uns des plus étonnants parmi les créateurs populaires cantaliens.     

     Petit avant-goût :

 

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Dessin de René Delrieu, ph. E.B., août 2009

   Le musée du Veinazès expose d’autres productions locales plus ou moins excentriques (maquettes, aquarelles, dessins), ainsi que quelques pièces dénichées à Paris.

 

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Robert Goudergues, maquettes de maisons des rives de la Jordanne, ph. E.B., juin 2013


   Certaines découvertes faites par Bernard dans sa Chataigneraie (à Saint-Etienne de Maurs ou Lafeuillade) mais qui ne sont pas encore exposées paraissent extrêmement alléchantes. Un énigmatique meuble acheté dans une brocante à Mauriac (c’est la seule indication de provenance) figure aussi dans la collection. Il mélange stylisation populaire et thème aristocratique, avec heaume et blason que deux hommes patibulaires, vêtus d’un simple pagne (des hommes sauvages ?) soutiennent. Je serais, ma foi, bien curieux d’avoir l’avis expert des lecteurs du blog sur cette pièce difficile à qualifier et à dater.

 

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Ph. E.B., juin 2013

     Me reste à donner les informations utiles pour se rendre à ce musée plébéien, et fier de l’être, qui réserve sans doute de belles surprises au fur et à mesure que la part (encore assez réduite) réservée à la création populaire marginale va s’étendre, selon le vœu de ses animateurs.

 

Musée du Veinazès, Lacaze, 15120, Lacapelle del Fraisse (entre Aurillac et Montsalvy), tél. : 04 71 62 56 93 - 04 71 49 25 81. Le musée se visite en été tous les après-midis.

Emmanuel Boussuge


30/05/2013

16e festival du film d'art singulier à Nice

petit-pierre,philippe lespinasse,festival du film d'art singulier,association hors-champ,cinéma et arts populaires,guy brunet,paravision,agnès varda     C'est reparti demain 31 mai et ce samedi 1er juin à Nice, vendredi après-midi à la bibliothèque Louis Nucéra (les films plus longs, quoique) et à la libraire Masséna (une nouveauté) et le samedi à l'auditorium du MAMAC (les films courts), pour la nouvelle programmation de cinéma documentaire autour des arts spontanés concoctée par Pierre-Jean Wurtz et ses acolytes de l'Association Hors-Champ.

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     Je ne donne pas tout le programme, on le retrouve sans problème sur le site web de l'Association sus-dite. Je distinguerai seulement quelques films dont l'annonce me dit quelque chose.

     Le vendredi, sera projetée par exemple la bande-annonce (3 min seulement, voir ci-dessous, on peut la retrouver sur le site de la maison de production Poekhali) d'un nouveau film de Renée Garaud et Lilian Bathelot, sur l'univers de Guy Brunet qui s'appelle La Fabuleuse Histoire de la Paravision. L'un des auteurs m'a permis de voir la totalité du film qui m'a paru ma foi excellent. Il s'agit de rendre hommage en quelque sorte à Guy Brunet, à la fascination de ce dernier pour le cinéma d'une certaine époque qui semble s'arrêter dans les années 60 de l'autre siècle. On sait que Guy Brunet, je l'ai déjà évoqué dans ce blog, se consacre depuis plusieurs années à créer des décors de cinéma, des affiches, des silhouettes peintes d'acteurs et de producteurs, des dioramas, etc. dans le but de les faire converger dans les films qu'il tourne de façon totalement bricolée dans son antre de Viviez près de Decazeville. Il manipule ainsi ses silhouettes comme des marionnettes, les faisant parler devant sa caméra, faisant toutes les voix, étant tour à tour réalisateur, acteur, scénariste, dialoguiste, producteur, démiurge intégral en somme... Le film a été tourné chez lui (exploit de gymnastique pour le caméraman) et aussi à Villefranche-sur-Saône lors de l'exposition que lui avait montée Alain Moreau récemment. Grâce à ce film on comprend enfin mieux la recherche de Guy Brunet et ce qu'il fait quand il filme. A ma connaissance, c'est la première fois que cela est explicité de façon aussi concrète.

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Bande-annonce

      Le film Mur murs d'Agnès Varda, projeté aussi ce vendredi (78 min), m'intrigue quelque peu. Le programme (c'est un reproche que l'on peut faire aux programmateurs) ne commente jamais le contenu des films présentés, ce qui rend leur raison d'être programmés dans un festival centré sur l'art dit singulier fort abandonnée aux conjectures de ceux qui ne peuvent aller à Nice. On sait que Varda, en dehors de la problématique générale de ses documentaires souvent liée au hasard objectif, aux coïncidences, s'intéresse à la créativité errante, ce qui l'avait amenée entre autres à faire apparaître Bodhan Litnianski dans son film Les Glaneurs et la Glaneuse.

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Vue partielle du "Manège" de Petit-Pierre dans le parc de la Fabuloserie, ph. Bruno Montpied (par courtoisie de la Fabuloserie), 2011


       Le vendredi soir à la librairie Masséna sera projeté Le Manège de Petit-Pierre de Philippe Lespinasse. Le programme annonce 15 minutes de projection. C'est en effet le premier court-métrage que l'on relève aussi sur le DVD intitulé Le Manège de Petit-Pierre, quatre petits films de Philippe Lespinasse produit par Lokomotiv Films et sorti en 2012 (dénichable à la Halle St-Pierre et à la Fabuloserie à Dicy dans l'Yonne). Très utile documentaire sur cette réalisation d'un vacher disgracié par la nature, Pierre Avezard, qui prit sa revanche sur la vie en construisant une merveilleuse machinerie de personnages et véhicules automatisés faits de bouts de tôle et de fils de fer qu'il faisait danser pour le plaisir de ses visiteurs à la Fay-aux-Loges dans le Loiret primitivement, avant que, son placement en hospice de personnes âgées ayant été rendu nécessaire, la Fabuloserie, grâce à une chaîne d'entraide due à d'incroyables bénévoles, réussisse à sauver le "Manège" en le remontant dans son parc, et en le faisant même re-fonctionner. Le film de Lespinasse a d'ailleurs ce mérite insigne de donner un visage et une parole à l'ouvrier passionné qui contribua principalement à la renaissance de ce prodige de poésie fragile et d'ingéniosité mécanique. On y retrouve des archives inédites, notamment des bouts de documentaires tournés dans le lieu d'origine du Manège à la Fay-aux-Loges.

 

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André Pailloux quelques vire-vent... Ph BM 2010


    Autre film de Lespinasse présenté, André Pailloux, les vire-vents, annoncé de 15 min. Je le verrais bien comme un hommage au film que nous avons coécrit, Remy Ricordeau et moi (Bricoleurs de Paradis, le Gazouillis des Eléphants, 2011) il y a deux ans, dans lequel André Pailloux faisait un numéro qui n'a semble-t-il pas laissé le public indifférent, et parmi les spectateurs, particulièrement Philippe Lespinasse qui n'a pas traîné pour filer dare-dare en Vendée faire à son tour un brin de causette avec notre Pailloux virevoltant. Je n'ai pas encore eu le privilège de voir l'opus lespinassien, mais je peux tout de même faire remarquer au réalisateur qui apparemment n'a pas bien lu mon ouvrage sur les "Jardins Anarchiques" (chapitre "André Pailloux est très mobile") que "vire-vent" au pluriel ne prend toujours pas de "S", comme il est indiqué dans le programme du festival (la faute a été laissée dans le titre du film ? J'espère que non, c'est nos amis canadiens qui seront mécontents, eux qui emploient plus ce mot que nous qui n'avons que nos bonnes vieilles girouettes à fourguer à la place).

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    Un autre film de Philippe Lespinasse sur un dessinateur de machines à coudre (Ezechiel Messou) présenté par Lucienne Peiry comme une nouvelle découverte d'art brut ne m'intrigue par contre que modérément, vu que les reproductions que j'ai vues sur le site de la Collection de l'Art Brut (une sorte de journal de bord de Mme Peiry)  ne m'ont pas passablement enthousiasmé. Il faut dire que je commence à en avoir un peu marre de tous ces dessinateurs qu'on nous présente comme bruts parce qu'ils alignent en rangs d'oignon et sur des étages des cortèges de bidules, machines à coudre, trains, rapaces, fers à repasser et j'en passe et repasse... Oui à Massou, non à Messou.

 

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      Je ne dirai rien du film Yvonne Robert, une femme qui vient de l’ombre de Mario del Curto et Bastien Genoux, (28’), parce que je viens d'acheter le DVD où il figure à côté de Henriette Zéphir, le souffle des esprits des mêmes, et parce que j'en ferais bien la critique, moi qui aime beaucoup les Robert. J'en profite pour dire que l'on devrait faire un film ensemble M.Genoux et moi, rien que pour le plaisir de marier ses genoux et mon pied (c'est comme avec la galerie Soulié à Paris).

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Yvonne Robert, La chatte à Hortense s'appele Vanille, 2007, ph et coll. BM

    Que dire d'autre de ce programme en salade niçoise? Je suis un peu intrigué aussi par l'annonce: "Les cahiers de la vis (extrait) de Christine Thépenier (10’), En présence de la réalisatrice". Cahiers de la "vis"? Ou de la "vie"? Parce que des cahiers consacrés à une vis, à part un reportage sur le bricolage façon Leroy et Merlin, je ne vois pas...

     Ah si, Laurent Danchin va présenter un nouveau médium. Histoire que le XXIe siècle soit bien spirituel (ou ne soit pas). Un peu de poudre mystique, ça fait toujours bien dans le décor de l'art brut vu par notre spécialiste incontournable.

 

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Guy Brunet à l'Hôtel Impérial à Nice durant le 15e festival Hors-Champ, s'essayant dans un rôle d'assassin psychopathe (arme du crime un vase de fleurs) sur la personne du photographe, ph.BM, 2012


 


27/04/2013

Art populaire, le retour? Une vente à Marseille

    Je dois à un correspondant mystérieux l'information qu'une vente d'art populaire curieux a lieu ce jour à Marseille via la maison de vente aux enchères Leclère, sans doute en écho de l'ouverture prochaine (le 7 juin prochain) du MUCEM (Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée) à côté du Vieux-Port et du Fort Saint-Jean (de multiples expositions y sont prévues à partir de cette date qui plus est). C'est la collection de Marc Billioud montée "durant quarante ans" avec la collaboration de Jean-Yves Roux (qui fait une présentation dans un petit court-métrage incrusté dans le catalogue éléctronique de la vente) qui est dispersée ici, avec un catalogue sur papier à la clé. Les objets et peintures offerts à la vente sont suffisamment beaux, émouvants et intriguants pour que j'en extrais ici cinq pièces, choisies arbitrairement, enfin pas tout à fait. elles correspondent  à ce que j'aurais acheté si j'en avais eu les moyens...

 

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Deux moines quelque peu indécents... Collection Billioud

homme posant culotte (Provence ptêt), 29x19 cm bois peint.jpg

Anonyme, 29 x 19 cm, bois peint, coll Billioud (je trouve à cet homme au canotier un aspect proche des personnages des dessins animés de Paul Grimault, le réalisateur du Roi et l'oiseau...)

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Page extraite d'un recueil de contes et histoires divers illustrés à la gouache ou à l'aquarelle par un certain Gabriel Papel

Avion ds un paysage, huile s carton, 39x48,5 cm.jpg

Huile sur carton, 39 x 48,5 cm ; curieuse peinture naïve au verso de laquelle se trouverait un monogramme en lien avec Séraphine de Senlis (pourtant le style de cette peinture en paraît fort éloigné)

                                                 

05/04/2013

Art brut à Brest, Abbé Fouré, Pèr Jaïn, Gilles Ehrmann et autres bricoleurs de paradis...

      Une manifestation nouvelle en Bretagne qui n'a, à ma connaissance, si loin en son cœur, que rarement montré de l'art brut va commencer le 5 avril à Brest. Cela s'intitule "L'art brut à l'ouest" – dans un beau pléonasme (assumé avec malice) car l'art brut en soi est naturellement à l'ouest – ensemble d'expositions et de représentations théâtrales prévues pour durer jusqu'au 29 juin.

 

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        L'événement convoque des documents concernant la création en plein air de l'abbé Fouré (les fameux "Rochers et bois sculptés" de cet ermite de Rothéneuf en Ille-et-Vilaine qui les sculpta entre 1894 et 1908, lui étant décédé en 1910), documents à base essentiellement de cartes postales et de reproductions d'articles de presse de l'époque que rassemble depuis quelque temps l'Association des Amis de l'Œuvre de l'abbé Fouré animée par Joëlle Jouneau. On se souviendra que j'ai moi-même documenté récemment dans la revue l'Or aux 13 îles n°1, en janvier 2010 (pour le centenaire de la disparition de l'abbé), l'ancien musée des bois sculptés que l'abbé avait créé dans le bourg dans son ermitage, à bonne distance de la côte où se trouvaient les rochers qu'il taillait à la belle saison, l'ermitage étant réservé pour les travaux d'hiver sur bois. Ces bois sculptés ont disparu par la suite dans les années 30 ou 40 dans des conditions restées mystérieuses. Ont seuls surnagé jusqu'à présent, parmi ces pièces en bois, quelques meubles sculptés, probablement ceux qui avaient quitté l'ermitage en 1910 après la vente aux enchères qui suivit la mort de l'abbé. Les rochers quant à eux se visitent toujours en dépit de leur grand état de dégradation. L'expo Fouré est prévue pour se tenir à la Bibliothèque d'Etude (22, rue Traverse à Brest, tél: 02 98 00 87 60).

 

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Pierre Jaïn, une sculpture dans son jardin encore en place en 1991, ph. Bruno Montpied

 

     Avec Fouré, sera présenté un autre "régional de l'étape", Pierre Jaïn (1904-1967), dit Pèr Jaïn dans la graphie bretonne, à l'initiative de son petit-neveu Benoït Jaïn, qui se consacre à défendre la mémoire de son aïeul depuis plusieurs années déjà (voir notamment les pièces qu'il avait prêtées à l'expo qu'avait organisée en 2001 l'association de Patricia Allio à Dol-de-Bretagne "L'art brut à l'ABRI"). Pierre Jaïn est bien connu des amateurs d'art brut qui se souviendront de la notice qui lui fut consacrée dans le fascicule n°10 de la collection de l'art brut en 1977 par le Dr. Pierre Maunoury (alias Joinul). Il fut sculpteur sur bois, pierre et os, les oeuvres sur ce dernier matériau ayant été peu conservées. La Collection de l'Art Brut à Lausanne en a conservé 9, la famille une douzaine (voir ici même la note que publia sur ce blog Benoît Jaïn en 2009). Il est connu aussi pour un petit orchestre de percussions bricolées qu'il avait installées à l'arrière de son jardin dans sa ferme à Kerlaz (voir ci-contre la photo qui fut publiée dans le fascicule n°10 de laCollection de l'Art Brut). Pierre-Jain-ASa-batterie,-p.jpg

     A côté de cette double exposition Fouré/Jaïn, on verra aussi dans un autre lieu, l'artothèque du musée des Beaux-Arts de Brest (24, rue Traverse, tél: 02 98 00 87 96), un panorama des photographies de Gilles Ehrmann consacrées aux "Inspirés" dans les années 50-60, photos qui donnèrent lieu à la publication du livre Les Inspirés et leurs demeures aux éditions du Temps en 1962. On pouvait y croiser Picassiette, l'abbé Fouré, Gaston Chaissac (qu'Ehrmann était allé voir avec Benjamin Péret en 1958, un an avant la disparition de ce dernier), Frédéric Séron, le meunier Louis Malachier, le pépiniériste Joseph Marmin (art topiaire), Hippolyte Massé, Alphonse Wallart, le Facteur Cheval et les "monstres de Bomarzo" en Italie.

     Gilles Ehrmann avec son livre de 62 se trouve à un bout de la chaîne bibliographique qui unit les auteurs de livres sur les habitants-paysagistes populaires, chaîne dont je suis le dernier maillon pour l'instant avec mon Eloge des Jardins Anarchiques paru en 2011. Comme ce dernier livre, ainsi que le film de Remy Ricordeau Bricoleurs de paradis, traitent de nombreux créateurs de l'ouest de la France, j'ai trouvé normal de les proposer à la présentation au cours d'une rencontre-débat le 20 avril à 14h30 à l'auditorium du musée des Beaux-Arts, histoire de ne pas laisser croire au public breton que l'art brut dans la région appartiendrait au passé. Il y aura donc une nouvelle projection à la suite de laquelle on pourra évoquer plus particulièrement les sites bretons, comme ceux d'Alexis Le Breton dans le Morbihan, de l'abbé Fouré à Rothéneuf, d'André Gourlet à Riec-sur-Belon, d'Yvette et Pierre Darcel dans la région briochine ou encore d'André M. dans la région d'Auray.

 

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Gilles Ehrmann, La maison à la sirène d'Hippolyte Massé, photo extraite des Inspirés et leurs demeures (1962)

 

     Un peu plus tard, du 23 mai au 30 juin, au Centre Atlantique de la Photographie (dans le Quartz), Brest invitera aussi un photographe plus contemporain, Mario Del Curto, pour ses portraits des Clandestins de l'art brut. Il y aura aussi divers petits événements relatifs au manège de Petit-Pierre qui sera présenté sous la forme d'une pièce de théâtre de Suzanne Lebeau au Quartz de Brest. Pour le programme complet et plus précis, on peut le feuilleter en cliquant sur le lien ci-dessous:

 http://issuu.com/bibliobrest/docs/art-brut-2013-brest-pro...   

    

24/03/2013

"Drauliany narod" ("Le peuple de bois") , un film de Victor Asliuk sur Mikalaj, créateur d'un petit monde menacé

     Si vous êtes à Paris cette semaine, je vous invite à aller découvrir un petit documentaire cinématographique inconnu des amateurs d'environnements spontanés (je gage), notamment du grand manitou des rencontres autour des arts singuliers qui se tiennent annuellement à Nice, j'ai nommé Pierre-Jean Wurst... Je dois son signalement à Remy Ricordeau qui l'a répéré dans la programmation du Cinéma du Réel, festival de cinéma documentaire qui se tient actuellement à Paris dans différents lieux pour peu de jours.

    Drauliany narod, (Le peuple de bois, merci Régis), cela s'appelle, et c'est d'un certain Victor Asliuk, cinéaste en Biélorussie. En 28 minutes, ce dernier présente "Mikalaj" (il paraît que c'est le prénom Nicolas), "vieil homme solitaire [qui est] le seul habitant d'un village au sein de la plus grande forêt d'Europe, Belovezhskaya Pushcha. Il fait revivre son monde [probablement le monde rural auquel il reste attaché] à travers des centaines de figurines en bois qu'il confectionne. Les personnages se transforment en une société où l'on naît, travaille, divorce, et où une bombe nucléaire menacerait l'existence même de ce petit peuple" (notice du programme du Cinéma du Réel). Cela passera au cinéma le Nouveau Latina (20, rue du Temple dans le IVe ardt) en deux séances, une à 21h le jeudi 28 mars, et une autre le dimanche 31 mars à 15h. En seconde partie, sera projeté un long-métrage, "Mitote" d'Eugène Polgovsky, à propos de rites populaires sur la place principale de Mexico. "Drauliany narod" est projeté en version originale sous-titrée en français et en anglais.

     Je n'avais jusqu'à très récemment que l'image ci-dessous, récupérée du programme du Cinéma du Réel, à vous soumettre pour que vous vous fassiez une petite idée... Voici à présent, insérée un peu plus bas une petite vidéo déposée sur YouTube, signalée par Mister Gayraud, où l'on voit l'intérieur de la maison de "Mikalaj", et ce dernier en train de chanter, danser avec une de ses créatures (ce qui fait penser à Eugène Santoro, à qui du reste Mikalaj ressemble assez physiquement, et qui chevauche une de ses sculptures en forme de cheval comme s'il était vrai dans un autre film).

 

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Mikalaj Tarassiuk (voir commentaire de Régis Gayraud à la suite de cette note) au milieu de son village miniaturisé ; on distingue -je sais, fort mal...- des personnages en petites statuettes restituant peut-être les saynètes habituelles de la campagne en Biélorussie

"Postaci" d'Inga Sakuta,2010

Enfin, voici le film de Victor Asliuk qui fut projeté au Nouveau Latina le 28 et le 31 mars à Paris (merci à Henk Van Es de son aimable signalement, on se reportera d'ailleurs à son propre blog où il a mis d'autres vidéos en ligne au sujet de Nicolas Tarassiuk):

 

Le peuple de bois, film de Victor Asliuk

03/03/2013

Tirer sur l'art

musée de la chasse et de la nature,exposition cibles,annie le brun,claude d'anthenaise,gilbert titeux,tir sur cibles peintes,art populaire insolite,cibles foraines     Il faut se presser si vous n'avez pas encore eu l'occasion de visiter le musée de la Chasse et de la Nature dans le IIIe ardt parisien, ses collections permanentes organisées en envoûtant cabinet de curiosités (licorne, plafonds tapissés de plumes et d'animaux empaillés, sa salle des trophées où surgissent des murs des dizaines et des dizaines de museaux d'animaux)musée de la chasse et de la nature,exposition cibles,annie le brun,claude d'anthenaise,gilbert titeux,tir sur cibles peintes,art populaire insolite,cibles foraines et surtout son exposition actuelle, intitulée "Cibles", qui se terminera le 31 mars (le musée bien entendu sera toujours disponible aux visiteurs après, mais il sera organisé sans les cibles qui sont actuellement disséminées dans les diverses salles, mêlées aux objets et aux animaux naturalisés, des lions, des ours, un sanglier qui se cachent au détour des murs...).

 

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Lions regardant une vidéo de l'exposition "Cibles", ph. Bruno Montpied, 2013 ; (ci-dessus plafond aux chouettes, et bison de la salle des trophées, au Musée de la Chasse et de la  Nature)

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Détail d'une cible peinte, allégorie du soleil, 1660, huile sur bois, diam 112 cm, Tittmoning, Heimathaus Rupertiwinkel, expo "Cibles" au Musée de la Chasse et de la Nature

 

      Elle a trait (c'est le cas de le dire) aux sociétés de tir qui commandaient, à l'occasion de joutes et de fêtes, des cibles peintes à des artistes locaux, restés le plus souvent anonymes, dans différents pays d'Europe Centrale, région du monde d'où semble issue cette tradition qui remonte au moins à la fin du Moyen-Âge. C'était à la fois "des souvenirs et des trophées", explique Gilbert Titeux, dans un texte du catalogue (qui constitue une rare, et bien tardive documentation sur un sujet pourtant passionnant qui soit disponible en français). Il précise également: "Une fois trouées des balles des tireurs (...) elles étaient ensuite soit offertes en trophée aux gagnants, soit conservées en souvenir par les confréries organisatrices des concours concernés". Ceci explique peut-être que les cibles exposées au musée de la Chasse et de la Nature ne paraissent pas si abîmées que cela en définitive (certaines cibles étaient rebouchées pour pouvoir servir plus longtemps).

 

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Sérénade, signée I.I. , 61x76 cm,  1839, cible peinte à l'huile sur bois, Banska Stiavnica, République tchéque (image empruntée au livre d'Anne Braun, Historische Zielscheiben, de 1981 ; il s'agit ici d'une cible peut-être plus franchement naïve que celles qu'on voit dans l'expo du Musée de la Chasse et de la Nature, qui manifestent un savoir-faire réaliste plus élaboré et plus baroque ; les cibles tchèques de la collection de Banska Stiavnica paraissent du reste nettement plus naïves que dans d'autres collections)

 

      Claude d'Anthenaise, le commissaire de l'exposition, de son côté, met le doigt sur une dimension anthropologique de ces tirs sur œuvres-cibles : "On ne tire pas sur la mort ou le diable mais bien sur ce que l'on désire. En effet, il s'agit moins d'éliminer que de saisir, d'anéantir que de posséder. Une des grandes fonctions de l'art depuis les origines consiste en "la capture par l'image". De ce point de vue, la cible peinte pourrait en être le développement ultime dans la mesure où, à travers sa destruction, le tireur vise l'appropriation de la réalité que l'image représente". C'est la même problématique qui est développée par Annie Le Brun qui signe le texte initial du catalogue.

 

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Autre exemple de cible dont la naïveté touche ici presque à l'art dit brut ; celle-ci, évoquant un mariage, empruntée également au livre d'Anne Braun cité ci-dessus (et non exposée au Musée de la Chasse et de la Nature), date de 1804, faisant 112x112 cm, et provient du Schützenmuseum de Berne

 

     Une remarque cependant. Les auteurs soulignent l'appartenance géographique des cibles peintes comme étant prépondérante dans les pays germaniques et d'Europe Centrale, ne citant qu'un seul lieu en France qui conserve des cibles peintes (un musée de l'archerie dans le Valois), par ailleurs plutôt pauvres picturalement parlant. Il existe pourtant en France au moins une autre collection, celle du Cercle de tir de Chemazé en Mayenne, rassemblant des cibles assez naïves s'échelonnant de 1842 à 1972, que j'ai eu l'occasion de signaler déjà ici lorsque j'ai évoqué l'année dernière la parution du n° 119 de la revue 303, spécial art brut et art outsider, où Eva Prouteau signait un article à son sujet (après celui de Pascale Mitonneau paru dans un numéro plus ancien de la même revue, le n°78, en 2003). Il est vrai que Pascale Mitonneau soulignait dans son article la rareté d'une telle collection, qu'une conservatice des ATP le lui avait confirmée paraît-il. Cela me surprend quelque peu cependant, car on voit ici ou là en brocante - pas souvent, c'est vrai - ou dans des collections privées réapparaître des cibles. Elles relèvent parfois plutôt de l'art forain, étant peut-être des cibles de stands de tir. Ou comme celle que j'insère ici (signalée récemment par le brocanteur Philippe Lalane), elles proviennent peut-être de bistrots, où elles furent bricolées par besoin de divertissement (jeu de fléchettes), d'une manière qui fait beaucoup penser aux fabrications de fanny pour les jeux de boules. Il reste qu'il paraît étonnant qu'il ne se soit pas trouvé en France d'autres cercles de tireurs qui aient généré des cibles peintes. Pourquoi des cibles n'auraient-elles été créées qu'au fond de la Mayenne?

 

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Cible pour fléchettes, ph. Philippe Lalane (le coeur en bois blanc est évidemment une restauration)

 

26/01/2013

Mes récentes publications (Info-Miettes n°21 bien narcissiques car centrées sur ma pomme)

"Art populaire et art brut, quelques exemples de comparaison", Actes I du séminaire sur l'art brut 2010-2011, dirigé par Barbara Saforova, éditions ABCD, 2012

 Actes I Séminaire B Safarova001.jpg    J'ai participé à ce séminaire qui se déroule dans les locaux du Collège International de Philosophie afin de présenter quelques éléments pemettant de mettre en regard art brut et art populaire insolite. Le but était de tenter de mettre en lumière à quel point, tout au moins pour une bonne part des collections d'art brut de Dubuffet transférées à Lausanne, l'art brut recélait des œuvres dont le style et les sujets étaient visiblement proches ou dérivés, malgré des ruptures, d'œuvres faisant partie des corpus de l'art populaire des campagnes d'autrefois. Comme je l'ai dit (briévement) dans mon intervention (dont le texte est donc paru dans ses Actes I publié l'année dernière), cette couleur populaire des collections était apparente surtout dans les premières décennies de la collection (commencée comme on sait vers 1945).

      Depuis quelque temps, l'art brut tend à être redéfini dans différents travaux, notamment ceux de la directrice de ce séminaire Barbara Safarova, travaux qui insistent sur la dimension transgressive de l'art brut, détachée de tout souci de communication, quasi volcanique, se limitant à la matière pure du signe. Le rapport à la culture, à une présupposée absence de culture (même seulement artistique), est moins abordé désormais. L'aspect sociologique est beaucoup moins présent (l'aspect de démocratie directe dans l'art n'intéresse pas les commentateurs actuels, peu politiques). On se concentre désormais davantage sur le côté anthropologique (comme le fait par exemple dans ces Actes une Céline Delavaux) ou esthétique des productions de l'art brut (voire poétique, comme le fait l'assez délirant Manuel Anceau, toujours un peu à la limite de la voyance).

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Une page d'illustrations de "Art populaire et art brut, quelques éléments de comparaison", intervention de Bruno Montpied, p.77 (de haut en bas et de gauche à droite, Thuilant, Forestier, un anonyme au De Gaulle membré -voir sur ce blog-, Müller et Leclercq)

      Au sommaire de ces Actes I, on retrouve outre mon texte, illustré d'oeuvres comme les autres contributions (le tout édité avec le goût extrême que l'on reconnaît à chaque publication de l'Association ABCD, et je vous prie de croire que je ne leur fais pas de la léche), des interventions de Philippe Dagen sur Marcel Réja, de Céline Delavaux sur une réaffirmation qu'il ne faut pas limiter l'art brut à l'art des fous, de Baptiste Brun qui revient sur la notion d'homme du commun mise en avant par Dubuffet au début de ses recherches d'après-guerre, de Lise Maurer sur Laure Pigeon, de Béatrice Steiner (avec des illustrations montrant d'intéressantes oeuvres – je ne parle pas ici de celles de Serge Sauphar, assez mièvres, mais plutôt de celles d'un Adrien Martias – venues des archives de la section du patrimoine de la Société Française de Psycho-pathologie de l'Expression et d'Art-Thérapie)  et enfin de Manuel Anceau interrogeant "L'art brut: une contre-culture?", mais ne répondant pas vraiment à la question, préférant céder à une dérive au fil de la plume, basculant la plupart du temps en termes abscons et se révélant à d'autres moments capables de traits de lumière, comme dans l'envolée finale de son texte  où il cite une nouvelle de Philippe K. Dick dont le propos devient un beau symbole de ce que peut représenter l'art brut.

Actes I, séminaire sur l'art brut, "De quoi parle l'art brut?", dirigé par Barbara Safarova, 2010-2011, 160 p., 29€, éd.ABCD, sd, 2012. Disponible en vente à la librairie de la Halle Saint-Pierre, à la galerie ABCD, 12, rue Voltaire à Montreuil, et à la Collection de l'Art Brut à Lausanne. Voir également le site d'ABCD. A signaler en outre que la galerie de Montreuil est ouverte en ce moment pour l'exposition "Voodoo Chile" consacrée à J-B.Murray et Mary T.Smith le samedi et le dimanche de 12h à 19h jusqu'au 17 mars.

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Cinéscopie n°26, 2012: BM, "Brunius, un cinéaste surréaliste en DVD"

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     Bon, je vais pas la ramener trop encore sur Jacques Brunius, parce que j'en ai déjà abondamment parlé dans cette colonne de notes sans fin (ou presque). Le compte-rendu que j'ai publié dans la revue ci-dessus citée, en juin 2012, est une reprise de la note qui a paru ici même et qui est donc désormais aussi fixée sur papier (car les blogs durent ce que durent les fleurs, en un peu plus longtemps seulement...). A noter que cette revue destinée aux fondus de cinéma amateur, notamment Super 8, animée par un passionné fort sympathique, par ailleurs dessinateur autodidacte de grand talent (voir ci-dessous un de ses dessins), Michel Gasqui (alias Migas Chelsky), s'est aussi intéressée aux Bricoleurs de Paradis entre autres pour mes films Super 8 des années 1980 qui se retrouvent dans les bonus du DVD paru avec mon livre Eloge des Jardins Anarchiques, et dans certaines des incrustations du film.

 

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Migas Chelsky, Bidule 1

Pour obtenir Cinéscopie, voir le blog http://cinescopie.unblog.fr/

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Création Franche n°37, décembre 2012, BM: "Bernard Jugie, un petit musée à usage interne"

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     Autre découverte que j'ai faite l'été dernier, avec la maison Péridier et autres merveilles dont je devrais bientôt parler, voici un petit article, avec de belles photos en couleur, bien imprimées (j'en suis très fier, si, si) sur un créateur populaire à la retraite, Bernard Jugie.B.Jugie-dans-son-petit-musé.jpg Je l'avais repéré en passant un jour par Billom dans le Puy-de-Dôme, du moins n'avais-je entraperçu que des petits décors naïfs placés au-dessus d'une porte et d'une fenêtre en rez-de-chaussée. J'ai attendu deux ans pour faire le tour du petit musée qui se cachait à l'étage. Quelques merveilles nous y attendaient moi et les deux camarades de dérive de cet été-là. Dont certaines se retrouvent ainsi photographiées et en pleine page dans ce dernier numéro de Création Franche. C'est la révélation d'un attachant créateur populaire caché au fond de l'Auvergne.

 

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Une des pages consacrées au petit musée de Bernard Jugie, Création Franche n°37

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Bernard Jugie, un renard taillé dans de l'aggloméré, coll. et photo inédite BM, 2012

       A noter au sommaire de cette livraison d'autres contributions de Gérard Sendrey sur "Lucie M. dite de Syracuse", de Bernard Chevassu sur Christian Guillaud, de Joe Ryczko sur un "Monsieur Grosjean, constructeur d'automobiles en chambre", un projet des étudiants de l'association Campus dynamique sur une prochaine exposition du musée de la Création Franche hors les murs ("La Création Franche s'emballe! Itinérance d'une collection insoumise", du 4 au 14 février 2013 au Bâtiment 20 des Terres Neuves aux lisières de Bordeaux et de Bègles, première étape d'une exposition d'une centaine d'œuvres de la collection qui devrait partir en balade, nous dit-on, excellente initiative...), un texte de Pascale Marini sur Aloïse et Dubuffet et aussi des contributions de Paul Duchein sur Labelle et Dino Menozzi sur Enrico Benassi.

 

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On reconnaît sur cette affiche un masque de Simone Le Carré-Galimard

La revue est disponible au musée ou en écrivant au contact du site web du musée.

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Les Maçons de la Creuse, bulletin de liaison n°15, daté juin 2011 (en réalité imprimé et disponible en janvier 2013), avec deux textes de BM: "François Michaud n'était pas seul, quelques exemples d'environnements populaires créés avant le Palais Idéal du Facteur Cheval" et "La dynastie des Montégudet, inspirés de père en fils"

 

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     Dans ce bulletin, le deuxième texte sur les Montégudet, je l'avoue sans peine, est  le même que celui publié dans mon livre Eloge des Jardins Anarchiques (qui lui-même était dérivé des notes parues sur ce blog...). Il est cependant mis en page différemment et comporte des photos supplémentaires inédites du petit musée privé de René et Yvette Montégudet, descendants et continuateurs de Ludovic Montégudet l'ancien maire de la commune creusoise de Lépinas qui avait créé un espace ludique et poétique avec statues et divertissements variés autour de son étang.

    Le premier texte quant à lui, "François Michaud n'était pas seul", est par contre une amplification d'un texte précédent paru dans Création Franche n°28 en 2007 (« François Michaud et les autres, quelques exemples d’environnements populaires sculptés avant le Palais Idéal du facteur Cheval »). De nouvelles photos inédites et des paragraphes nouveaux évoquent quelques sites anciens ayant précédé les Facteur Cheval, abbé Fouré ou abbé Paysant. Par exemple les statues du sabotier Jean Molette auteur dans les monts du Lyonnais d'une œuvre naïve, taillée dans la pierre et le bois, tout à fait remarquable. Il fit des Napoléon, Ier et IIIe du nom, une immense Madone, une fontaine ornée d'un écu et de lions, des croix de chemin, le tout en plein air (certains restaurés par les architectes des Monuments Historiques, car ils sont classés à l'Inventaire). Ce bulletin me permet aussi de présenter un extraordinaire panneau sculpté du même Molette – en 1854, excusez du peu... –, parfaitement inédit jusqu'à présent, consacré à la gloire de l'Empereur Napoléon III dont ce sabotier était raide dingue (comme François Michaud le tailleur de pierre de la Creuse dont mon article le rapproche). "Le Tableau des Souverains de France" étant le titre de l'œuvre de Molette entièrement vouée à chanter les louanges impériales (Napoléon III est représenté à cheval entouré de 78 médailles chargées de figurer les rois de France que l'Empereur surclasse selon l'auteur). Ce bas-relief fut longtemps conservé dans les archives locales jusqu'à ce qu'il parte chez les brocanteurs à une date récente, et de là dans une collection privée parisienne. Ces représentations naïves et populaires de Napoléon correspondent au regain de bonapartisme que l'on put observer dans diverses campagnes auour de 1852 en France lors du retour au pouvoir d'un Bonaparte. On trouve maintes références à cette napoléonimania, qui ressemble à un culte, sous la forme de statuettes ou d'imagerie, voire de fresques.

 

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Le Napoléon Ier et le panneau sculptés par Jean Molette, et autres décors situés en plein air avant le Palais Idéal... Les Maçons de la Creuse n°15, pages de l'article de BM

 

      Dans ce bulletin, je donne un autre exemple de décor napoléonolâtre photographié (là aussi, c'est complètement inédit) dans le Puy-de-Dôme près de La Tour d'Auvergne (voir ci-dessus). D'autres décors sculptés sur des maisons rurales du Cantal, que m'avait naguère signalés Emmanuel Boussuge sont également présents dans le numéro. Par ailleurs, l'article est flanqué d'encarts dus à la rédaction du bulletin (Roland Nicoux) et de nombreuses photos qui ajoutent de précieux renseignements sur les sculptures de François Michaud à Masgot. L'édition du livre que nous avions fait à plusieurs en 1993 sur ce créateur précurseur des environnements bruts et naïfs du XXe siècle aux éditions Lucien Souny étant désormais épuisée, ces précisions et photos sur Michaud viennent redonner un peu de lumière au sujet.

 

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Raymond Arthur, arrière-petit-fils de François Michaud, sur le seuil de sa maison en 2009, ph. BM

 

      J'en profite pour signaler également ici la disparition récente de Raymond Arthur dans sa 92e année, l'arrière petit-fils de François Michaud qui avait pieusement conservé l'œuvre de son aïeul et soutint le travail de médiation et de mise en valeur du site par l'association des Amis de la Pierre basée sur la commune (Fransèches, son président est le maire, M. Delprato), tout en livrant les souvenirs qui lui restaient à propos de son ancêtre (c'est à lui que l'on doit de connaître le surnom qu'avait Michaud auprès de ses concitoyens, "Navette"). Il fut le véritable passeur entre son aïeul et les générations actuelles, en même temps que l'ardent défenseur du patrimoine bâti et sculpté de son village.  

Pour se procurer ce bulletin n°15, il faut écrire à: Les Maçons de la Creuse, 2, Petite Rue du Clocher, 23500 Felletin. Tél 05 55 66 90 81 ou 05 55 66 86 37. Lebulletin vaut 19€.

26/12/2012

Arsène Vasseur, un autre créateur anonyme en Picardie

    Cela fait quelque temps que Laurent Jacquy (du blog Les Beaux Dimanches, voir liens en colonne de droite) m'a fait passer une minuscule brochure consacré à un autodidacte inconnu nommé Arsène Vasseur, document qui paraît être la seule trace  qu'ait bien voulu laisser transpirer le Musée de Picardie, en organisant à Amiens du 27 février au 28 mars 1999 une exposition au Centre Culturel du Safran.Album de l'expo AV 99.jpg

    Il s'agissait pour ce musée de faire découvrir, à l'occasion d'un événement exceptionnel (la quatrième édition de la série "Le Musée sort de sa réserve"), les objets, les "œuvres", les meubles décorés – voire certains documents photographiques ? – qui furent légués au musée après la mort du créateur. Arsène Vasseur, né en 1914, est en effet décédé en 1994. Malheureusement, peut-être par manque de sous?, ou par manque de motivation (plus probable, hélas, mais je ne voudrais pas me montrer trop pessimiste...), l'exposition, apparemment, n'a pas fait l'objet d'un catalogue (si je m'en tiens à ce que m'en a dit Laurent Jacquy). C'est bien dommage, étant donné que c'était la première fois qu'on sortait le bonhomme des réserves où il se retrouve enfoui... A peine a-t-on songé à laisser aux enfants un petit livret-questionnaire agrémenté de quleques minuscules photos qui me laissent personnellement grandement sur ma faim, mais qui constitue en même temps le seul tremplin dont mon imagination se saisit, tentant de vous transmettre une curiosité que j'espère contagieuse. Ce livret évoque les créations de ce Vasseur, à mon grand étonnement de lecteur éloigné, avec un sous-entendu que son œuvre est bien connue... Tu parles...

 

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Arsène Vasseur, Magic délirium cacophonic

Arsène,-avec-entre-autres-t.jpg

Vue de l'intérieur de la maison d'Arsène Vasseur avec différents tableaux d'hommage, à sa femme entre autres, et télévision décorée au premier plan 

     Il semble que l'homme ait eu deux passions, sa femme et ses violons d'Ingres qui consistaient à orner sa demeure de mosaïques de perles, de tableaux d'assemblages, de meubles richement ornés de matériaux divers agglomérés par-dessus (voir le tourne-disques à cornet que j'immisce au bas de cette note, ou la télévision recouverte d'un décor), s'élevant à la hauteur d'oeuvres commémoratives assez insolites, comme le meuble d'hommage à la Tour Eiffel bizarroïde ci-dessous...

 

Arsène-meuble-d'hommage-à-l.jpg

      En farfouillant sur internet, on ne trouve que fort peu de choses sur Arsène Vasseur. Le Musée de PicardieMusée de Picardie.jpg ne dispose pas d'une numérisation de ses collections les plus secrètes. Seul un entrefilet extrait d'un vieux numéro de L'Œil (n°504, mars 1999) apporte de maigres précisions: "Personnalité discrète, douée d’un véritable génie inventif, cet autodidacte a su créer un art original, à mi-chemin entre art populaire et art forain, inspiré tantôt par sa vie familiale, tantôt par son environnement urbain ou ses occupations domestiques (la philatélie). Dans ses reliefs, composés de matériaux de récupération – et principalement de plastique – prédominent un principe d’accumulation et le choix de couleurs vives, mêlées arbitrairement". "Arbitrairement", cela me paraît discutable, mais passons... Quant à la philatélie, en effet, on y pense en tombant sur le tableau qui ressemble à un projet (ou une copie ?) de timbre commémorant les exploits de l'aviateur Jean Mermoz (je n'en connais pas la taille, le livret n'apportant bien entendu aucune précision sur le sujet... Pas davantage du reste que sur les autres pièces reproduites).

 

Arsène-projet-de-timbre-pou.jpg

Arsène Vasseur, Mermoz, la légende "Barlangue" en bas à droite me laisse quelque peu perplexe, auriez-vous des éclaircissements à apporter, vous qui me lisez? [Ah merci à Luc M de Rézé (voir commentaire ci-dessous) qui, comme il fallait bien sûr le faire, a cherché sur Internet et a compris qu'il s'agit d'une signature, et que donc ce tableau d'Arsène est probablement une copie agrandie d'un timbre existant]

 

      Plus généralement, la façon de mosaïquer, d'assembler de toutes petits fragments évoque les collages de morceaux de timbres comme il s'en est fait beaucoup au cours du XXe siècle.

 

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Anonyme, XXe siècle, collage de timbres pour représenter un vase et un bouquet, anc. coll. Michel Boudin, actuellement coll. BM

 

     Sans oublier que cela possède aussi des rapports avec les bannières commémoratives sur tissu des soldats réchappés de campagnes militaires, ainsi qu'avec la marquéterie ou les reliquaires. "L'armoire à illusion" ci-dessous, dont je ne sais ce qu'elle abritait d'illusionniste, aide à se l'imaginer.

Arsène,-armoire-à-illusion.jpg

Arsène Vasseur, Illusion

 

     A noter enfin que notre héros devait probablement goûter passablement la musique (il est rapporté dans le livret que son affection se portait plus vers la "Marinella" de Tino Rossi que vers des rythmes rock n'roll), à voir son tourne-disques rudement embelli et son panneau magico délirant "cacophonic" (voir ci-dessus).

 

Arsène-tourne-disque-avec-M.jpg

 

 

16/10/2012

Week-end immersif chez les bandits

    La Halle Saint-Pierre propose comme on le sait de temps à autre des animations qui peuvent durer le temps d'un week-end. Celui qui arrive bientôt, les 27-28 octobre, à l'ouverture des vacances de Toussaint, va fournir pêle-mêle des "conférences, débats, lectures, musique, films, en compagnie de philosophes, historiens de l’art, anthropologues et artistes..." Il paraît que ce sera, je cite encore le laïus de la communicante de la Halle, "une occasion de prolonger les questionnements pluriels mis en œuvre par l’exposition" (Banditi dell'Arte). Comme je ne suis pas là pour donner systématiquement une information complète sur les manifestations (les sites web, c'est pas fait pour les chiens, si vous voulez avoir le programme complet, cliquez, mes bons amis), je ne vous indiquerai que ce qui a retenu mon attention et suscité mes velléités de déplacement pour assister aux interventions ci-dessous, à savoir les conférences du samedi matin autour de Lombroso et du musée d'anthropologie criminelle de Turin (dont plusieurs pièces présentées dans l'expo au rez-de-chaussée demandaient d'en apprendre plus sur cette collection) avec notamment à la fin de la matinée (semble-t-il), l'intervention intitulée "Collection Lombroso : du document à l’œuvre", par Barbara Safarova, "présidente de l’association abcd, docteur en philosophie, maître de conférence en esthétique" (n'en jetez plus). L'après-midi du samedi, je crois bien que j'irai me promener ailleurs (d'autres expos à voir). Je ne reviendrai, je le crains et je l'imagine, que le dimanche après-midi de 14h à 18h pour Marc Décimo (conférence "les pierres parlent et nous on les écoute"), Marina Giordano (art et textile chez les outsiders italiens), Laurent Danchin (qui nous causera des "Banditi della critica", vaste programme) et Lucienne Peiry (pour le "désencadrement de l'art chez Podesta, Bosco et Nanetti"). Je ne pense pas pouvoir rester pour le concert de clôture (Gustavo Giacosa et le Fausto Ferraiuolo Trio Jazz) se rapportant "aux chants de  bandits et à un hommage à Pier Paolo Pasolini". Ce dernier ne m'intéresse que très faiblement en effet. Mais chacun est libre d'en juger autrement, n'est-ce pas.

 


23/09/2012

L'idiome du village, une exposition proposée par le musicien Jean-François Vrod

"Inauguration en musique de l'exposition 'L'Idiome du village", art brut, populaire,
avec le Trio la Soustraction des Fleurs 

Jean-François Vrod, violon, voix - Frédéric Aurier, violon, voix -  Sylvain Lemêtre, zarb, voix - Sam Mary, lumières
11 octobre 2012 à 18h30
Maison des arts plastiques Rosa Bonheur - 94550 Chevilly-Larue

renseignements : 01 56 34 08 37"

     Tel est le message quelque peu laconique que l'on trouve sur le site web du violoniste à la fois traditionnel et contemporain Jean-François Vrod (en cliquant sur le lien vous trouverez une bio particulièrement synthétique sur son parcours). J'avais déjà entendu parler d'une exposition organisée à partir de sa collection personnelle de créateurs bruts et populaires, expo qui s'était tenue en banlieue parisienne au sud, je ne me souviens plus de la commune (Les Ulis?), il y a quelques années (2004?). Je l'avais loupée, à mon grand dam. D'autant que j'appréciais le musicien jusque là pour certains de ses enregistrements particulièrement poétiques (notamment un disque de 1996, "Voyage" édité chez le label Auvidis, absolument enchanteur, puis un disque solo édité chez Cinq Planètes). Je suis assez amateur de musiques traditionnelles à mes heures. Apprendre donc que ce musicien a tressé des passerelles entre musiques traditionnelles, improvisation et arts populaires est plutôt captivant.


podcast Extrait (les Miroirs) du Cd "Voyage" (1996) de Jean-François Vrod, C. Declercq, et C. Joris

    En fait, il a conçu dès 1999 cette exposition comme une sorte de manifestation en perpétuel chantier, au gré de ses découvertes, sous le titre générique de "L'idiome du village". Voici sur son site ce qu'il en dit: "... le musicien de tradition orale y est envisagé comme membre de la grande famille d'artistes en marge de l'histoire de l'art (Bruts, aliénés, enfants, primitifs contemporains...)."

 

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Jean-François Vrod tenant une statuette en bois de style naïf (auteur anonyme), trouvée sur une brocante en Vendée


     Je n'ai pas encore eu l'occasion de voir comment s'articule exactement la musique de Jean-François Vrod avec les objets ou les œuvres exposées par lui. L'exposition d'une centaine de pièces qui se monte à partir du 11 octobre, et qui durera jusqu'au 10 décembre, à la Maison des arts plastiques Rosa Bonheur à Chevilly-Larue tombera donc à point nommé pour vérifier ce détail. A priori seront présentés "pêle-mêle" (ce sont les mots de l'artiste) des bruts (Yvonne Robert par exemple), des populaires et des contemporains du genre marginalisé. Voici les noms que j'ai pu obtenir auprès de Jean-François Vrod: "pas de noms vraiment connus: Slimane Houalli, (sculpture animaliére à base de coquilles d'huitres), André Poirson, sculpteur sur bois ; Yvonne Robert, paysanne-peintre de Vendée; Robert Battefort, dessinateur naïf ; Pierre Diet et Philippe Durand, sculpteurs lozériens, Jeanine Suchet-Roux, peintre; Roland Vincent, sculpteur sur pierre creusois; Joseph Bouton sculpteur du Bourbonnais, Denis Simmonet sculpteur sur bois flottés de L'île de Noirmoutier ; Frédéric Le Junter plasticien et musicien... Hormis Roland Vincent, sculpteur sur pierre et poudre de granit, que j'ai déjà évoqué dans ce blog (et que j'ai exposé moi-même dans un Festival d'Art Singulier à Aubagne en 2006), je ne connais pas grand-monde dans cette liste. Le nom de Jeanine Suchet-Roux me dit quelque chose, elle fut exposée au Printemps des Singuliers voici quelques années à Paris, il s'agit d'une artiste dite singulière et non pas populaire ou naïve. Les amateurs d'art populaire devront se rendre sur place pour y retrouver les leurs...jean-françois vrod,musiques traditionnelles,musiques d'outre-normes,yvonne robert,roland vincent,chapluzaïres,art populaire,art naïf,art singulie,l'idiome du village,maison d'arts plastiques rosa bonheurr

     J'ai l'impression que Jean-François Vrod au gré de ses balades et concerts, et autres "conférences musicales" (sur les "êtres fantastiques en Dauphiné" par exemple), glane toutes sortes d'expressions marginales qui l'intriguent, et comme il s'intéresse aussi passablement aux musiques du Massif Central, où il a fait du collectage, peut-être même est-il tombé sur quelques "chapluzaïres" tels que ceux que j'ai évoqués dans cette ancienne note.

 Ci-contre, Roland Vincent, sans titre (un tambourinaire?), vers 2005, coll Bruno Montpied

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Jean-François Vrod et un petit vélo en bois (à rajouter aux autres vélos populaires mentionnés sur ce blog), lui aussi trouvé sur une brocante en Vendée


 

29/04/2012

Un DVD rien que pour Jacques Brunius

     Brunius a désormais un DVD à lui seul consacré. C'est Doriane films et les films de l'Equinoxe (ces derniers étant les gérants des droits relatifs à Brunius, ils s'occupent aussi du fonds Denise Bellon, la photographe belle-soeur de Brunius, avec qui ce dernier collabora à plusieurs reprises, notamment sur le Palais Idéal du Facteur Cheval) qui patronnent cette sortie toute récente.

 

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Couverture du DVD Jacques Brunius, Un cinéaste surréaliste, éd. Doriane Films et les Films de l'Equinoxe, sorti en mars 2012

    Quatre films, tous des documentaires, sont ainsi édités dans ce DVD: Autour d'une évasion (ultra rare; 65 min., 1931), Violons d'Ingres (30 min. ; 1937 ; déjà réédité dans le triple DVD Mon frère Jacques de Pierre Prévert,), Records 37 (28 min, 1937), ces trois derniers films ayant été tous restaurés par les Archives Françaises du Film et le CNC, et enfin Sources noires (38 min. ; 1937 ; docu "artistique" sur l'industrie pétrolière).

     Brunius, j'en parle souvent ici, c'est un homme qui me fascine et m'enchante. Par sa rigueur, son côté impitoyable aussi, dont on se fera une idée précise en lisant son livre de 1954, En marge du cinéma français, où il se livre en de certaines pages à des exécutions d'une rage inouïe (sur Cocteau notamment où sa verve anti Cocktail -un cocteau, des cocktails- fondée par rapport à certains des films de ce poète mondain -je pense notamment au Sang des Poètes d'une mièvrerie et d'un formalisme creux insupportables- dérape dans l'injustice lorsqu'il se livre à une descente en flammes de la Belle et la Bête ; on sait cependant à quel point Cocteau était haï des surréalistes, au point de faire dire à Philippe Soupault, comme le cite Jean-Pierre Pagliano dans son Brunius à l'Age d'Homme en 1987 (note 108, p.136): "Nous nous [les surréalistes] sommes éloignés du cinéma parce qu'il était aux mains de truqueurs comme Cocteau" ; ce genre de phrase est à retenir dans une histoire du cinéma et du surréalisme il me semble...). Brunius était un de ces passionnés, –de cinéma d'abord– qu'aucune tiédeur ne retenait de lâcher les chevaux. Son livre montre par ailleurs aussi quel redoutable théoricien du cinéma il pouvait être. La réunion des quatre films de ce DVD, mis en relation avec son livre, met en évidence en particulier son goût et son désir de promouvoir un cinéma de montage, au rythme particulièrement rapide (parfois même un peu trop rapide, empêchant de savourer les raccords, les analogies... comme dans Records 37, les plans sur le thème de la roue mise en parallèle avec les cercles concentriques générés par le jet d'un caillou dans l'eau par exemple). Il était là dans le droit fil des théories surréalistes s'inspirant de la phrase célèbre de Pierre Reverdy (que cite Brunius dans son livre, p. 128 de l'édition originale des éditions Arcanes): "[L'image poétique] ne peut naître d'une comparaison mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. Plus les rapports des deux réalités rapprochées seront lointains et justes, plus l'image sera forte – plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique..." (Nord-Sud, mars 1918). Des "rapports lointains et justes", on les illustrera par exemple par ce rapprochement juste des formes des différentes roues avec des ronds dans l'eau, matières et objets pourtant éloignés les uns des autres dans la réalité. 

     Lui qui fut admiratif de cinéastes comme Jean Renoir (avec qui il collabora comme assistant -dans La Vie est à nous- et comme acteur -dans Partie de Campagne et Le Crime de Monsieur Lange), ou encore René Clair, Alberto Cavalcanti, Walter Ruttman, ou bien Luis Bunuel (dont il fut l'assistant sur L'Age d'Or), rêvait en effet d'un cinéma qui devait permettre, dans la continuité des films des avant-gardes des années 20, d'apporter un souffle nouveau basé sur les rapports égalitaires et complémentaires entre images toutes faites, tournées par d'autres (exemples des images d'actualités), musique, bruitage, et sous-titres. Brunius, en particulier voulait réformer l'usage du commentaire dominant par rapport aux autres langages du cinéma (image, bruits...).

      Dans Records 37, l'oreille du spectateur entend médusée ces mots, "Ni dieu, ni maître..." chantés en arrière-plan sonore (à moins que ce ne soit au premier plan?) sur un poème de Paul Valéry, alors que le film  continue simultanément et imperturbablement de dérouler sa litanie d'émerveillement devant les améliorations apportées au monde moderne par les différentes techniques ingénieuses qu'il nous présente.

Brunius, en marge du cinéma français, couverture.jpg     Le livre En marge du cinéma français dont maints chapitres ont été rédigés apparemment les années précédentes paraît déplorer que les recherches de montage, notamment de bandes d'actualités (comme dans Autour d'une évasion, où Brunius récupéra des images de Silvagni tournées en Guyane d'après l'enquête d'Albert Londres sur les bagnes, ainsi que les images rares, volées, filmées de derrière des persiennes entrebaillées par Gaston Chelle, opérateur de Pathé-Gaumont, montrant l'embarquement de bagnards à Saint-Martin-de-Ré dans les années 20 (ceci est révélé dans  l'instructif et synthétique livret du DVD par Nathaniel Greene), images qu'il entrelaça à des séquences qu'il filma à Paris avec Eugène Dieudonné, ancien anarchiste ayant fréquenté la  Bande à Bonnot et condamné injustement au bagne en Guyane), le livre de Brunius déplore que ses recherches de montage n'aient pas été reprises par d'autres. Cependant, au même moment (au début des années 50) les lettristes, tels Isou avec son Traité de Bave et d'Eternité où bande-son et bande-image se séparent à un moment du film de façon discrépante comme le qualifia Isou, ou tel Guy Debord qui fit au même moment des films sans images (Hurlements en faveur de Sade) puis par la suite dans ses films situationnistes des films de montage de bandes d'actualités et autres films tout faits, publicitaires entre autres, qu'il détournait, représentent à l'évidence des héritiers des théories cinématographiques de Brunius et autres surréalistes.

 

 

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Alphonse Benquet, portrait de sa femme Marie, 1889, coll. Rassat, ph. Bruno Montpied (sculpture inédite)

    Brunius qui ne s'en tint pas là, comme je ne cesse de le rappeler ici et là, devançant également Dubuffet et l'art brut par son film de 1937 Violons d'Ingres qui évoque diverses figures de l'art populaire comme le Facteur Cheval, l'abbé Fouré, Alphonse Benquet, Auguste Corsin, Alphonse Gurlhie, le Douanier Rousseau, divers artistes naïfs, associés à des figures excentriques populaires (le Diable Rouge), des inventeurs et des artisans populaires, tous représentants d'une persistance du génie de l'enfance se prolongeant à l'âge adulte. Autour d'une évasion, film d'une audace étonnante pour l'époque, puisqu'il traite dans la suite des enquêtes d'Albert Londres (voir son livre sur  Dieudonné, L'Homme qui s'évada et celui sur les bataillons d'Afrique, Dante n'avait rien vu, réédités au Serpent à Plumes), des conditions faites aux bagnards, montre à un moment dans les mains de Dieudonné un rouleau de peau humaine conservé en raison des tatouages qu'il recèle, tatouages que l'on voit dans un autre passage du film, dans les images de Silvagni en train d'être apposés sur les bras et les épaules des bagnards par des compagnons d'infortune.

 

Aoutr-d'une-évasion-Dieudon.jpgDieudonné déroulant la peau tatouée dans Autour d'une évasion

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L'opération de tatouage dans Autour d'une évasion

 

 

      Il reste à espérer que ce DVD soit le premier d'une série qui ne pourra se limiter sans doute qu'à deux compilations, la deuxième se consacrant à ses films tournés en Angleterre après la Seconde Guerre. Car on sait que Brunius, fuyant les Nazis, alla vivre là-bas, revenant de temps à autre après guerre voir ses amis et parents sur le continent, continuant à fréquenter le cercle surréaliste notamment, jusqu'à sa mort en 1967, la veille d'une grande exposition surréaliste à Londres qu'il avait grandement contribué à organiser (on le voit témoigner sur Jacques Prévert dans le film de Pierre Prévert Mon Frère Jacques en 1966,  rare moment de présence personnelle devant une caméra, en dehors de ses rôles de comédien).

      D'autres films furent réalisés par lui durant sa période anglaise (j'en ai évoqué un, Somewhere to live, dans la note ici et en lien), et notamment un film pour enfants, To the rescue (A la rescousse) en 1952, qu'il fit avec Richard Massingham que Pagliano présente comme "une sorte de pionnier, réinventant le cinéma pour son usage personnel", une sorte de "cinéaste du dimanche", bourré d'humour et d'esprit carrollien, goût qu'il partageait avec Brunius qui réalisa pour la radio française en 1966, un an avant sa mort, une émission fleuve d'environ huit heures sur Lewis Carroll (rediffusée en 1986 sur France-Culture : faudra-t-il attendre 2016 pour la réentendre? Qu'attend-on pour l'éditer en coffret?). Ce film fut apparemment la seule incursion de Brunius dans le domaine de la fiction, sorte de poursuite burlesque, nous dit toujours Jean-Pierre Pagliano, en hommage au cinéma comique des premiers temps. Il reçut le prix du meilleur film pour la jeunesse au festival de Venise 1953. On aimerait bien le voir...

A noter en bonus: le Palais Idéal d'Ado Kyrou (1958, déjà réédité en même temps que le film de Claude et Clovis Prévost sur le Facteur Cheval dans un autre DVD produit par le Palais Idéal de Hauterives), surtout une éclairante "rencontre autour de Brunius" au Lux, scène nationale de Valence (le 16/10/2010), avec Eric Le Roy (CNC, Archives Françaises du Film, Films de l'Equinoxe), Christophe Bonin, l'ancien directeur du Palais Idéal aujourd'hui nommé à d'autres responsabilités culturelles dans la Creuse, et Jean-Pierre Pagliano (rencontre que j'avais signalée en son temps sur ce blog), une "chronologie" de J-B. Brunius et un diaporama de photos de films et de dessins de Brunius.

21/04/2012

Info-Miettes (17)

Encore et toujours Marie Espalieu

     Cette fois les petits bonshommes en bois brut de Mme Espalieu quittent le Lot et vont voyager en Aveyron. Le Musée des Arts Buissonniers à St-Sever-du-Moustier a décidé d'en héberger quelques échantillons. Voir ci-dessous l'affiche de l'expo.

 

Marie-Espalieu-au-MAB.jpg


Des vinyls peints au pochoir

 

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      Certes... Mais je ne sais pas ce que ça vaut... Il paraît que c'est Cosmo qui les a fournis. Bon, mais qu'est ce que les artistes Gorellaume et FMR en ont fait? Je vous invite à aller vérifier avant moi, car je ne sais si j'aurai le temps d'aller voir rue Keller (ça se termine bientôt). Dans la série, microsillons peints... Tu vois, Gilles Manero, tu n'étais pas seul.

Caroline Dahyot au centre G.Désiré, tout un programme...

 

expo centre G.Déziré.jpeg

       Oui, je n'invente rien, Caroline Dahyot a exposé au centre G. Déziré à Saint-Etienne-du-Rouvray près de Rouen (c'était ultra-court, du 10 au 14 avril dernier, j'ai pas eu le temps d'armer le tir). C'est amusant comme jeu de mots, le nom de ce centre. Je suppose que cette conjugaison au passé ne concerne, chère Caroline, que les œuvres montrées à cette occasion.

Un grand photographe présenté à la Galerie Dina Vierny à Paris

        Il n'y a plus beaucoup de grands photographes qui m'attirent. Une exception notable, Franck Horvat, dont chaque image me surprend et m'enchante. Voici une expo qui s'annonce à la galerie Dina Vierny à St-Germain-des-Prés. A ne pas manquer donc. Du 25 avril au 20 juillet. "Promenade à Carrare", cela s'appelle (le personnage dans la photo ci-dessous est peut-être taillé dans le marbre du même nom?).

Franck HORVAT-1.jpg

Galerie Dina Vierny, 36, rue Jacob, Paris VIe. Vernissage le 24 avril de 18h à 21h.

Jardins n°3 sort en librairie...

 

Jardins 3 couv.jpg     Je crois avoir signalé ma participation au n° précédent de cette séduisante revue littéraire qui était consacré au "Réenchantement". Le thème du n°3 est le "Temps" cette fois. Un vernissage pour la sortie de cette troisième livraison est prévu pour le 25 janvier de 18 h à 22 h dans la nouvelle librairie du Sandre, celle de la maison d'édition qui édite la revue comme de juste (5, rue du Marché-Ordener, Paris XVIIIe).

Michel Zimbacca et Choses Vues présentent leur dernière production...

 

Zimbacca, Invit aux films de Zimbacca copie.jpg

ET Marian Koopen au Musée de la Création Franche, ne pas oublier...

    J'aime beaucoup le graphisme de cette dame batave, j'ai même acquis un de ses dessins. La voici qui s'expose à Bègles (à côté de Phil Denise Smith, un Américain proche de Cobra), et c'est l'occasion de découvrir cette écriture très personnelle, en dépit de son aspect enfantin proche des graffiti. Cela tient de l'inscription comme angoissée où l'on n'aurait pas pour autant oublié toute enfance du regard. Cette rencontre d'une certaine noirceur, d'une hantise des nouages peut-être aussi, avec le tracé pur et simple de l'enfant assure un charme certain à ce que dessine Marian Koopen, que le Musée de la Création Franche défend avec beaucoup de raison, je trouve. Voir ici la plaquette que le musée lui a consacrée à l'occasion de cette exposition, avec un texte de Gérard Sendrey.PlaquetteKoopen-4e page.jpg

(L'expo se tient du 6 avril au 20 mai)

Et tiens, ci-dessous, voici le dessin de Koopen dans ma collec'...

Marian-Koopen,-20,5-x-16,5-.jpg

Marian Koopen, 20,5x16,5 cm, coll.BM

    Et puis, en voici encore un autre, que j'avais photographié au musée de la Création Franche, très enfantin seulement celui-ci pour le coup...

 

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Marian Koopen, Musée de la Création Franche, Bègles



01/04/2012

Une photo marteau

     Trés étonnante photo qui est apparemment d'Etienne-Jules Marey, l'inventeur au XIXe siècle de la chronophotographie, telle qu'on peut la découvrir sur le riche site de Martine Houze, experte en arts populaires pour les ventes aux enchères (voir le lien que j'ajoute aujourd'hui dans ma colonne de droite)...

Etienne-Jules Marey, martelage, site Houze.jpg

Elle paraît bien plus riche au point de vue plastique que d'autres du même photographe, mais pourquoi n'est-elle pas plus connue?

13/03/2012

Arche de Noé?

    J'ai trouvé ce fixé sous verre récemment aux Puces. Il me plaît bien, avec son petit monde compacté, hommes et bêtes tous embarqués sur le même bateau. Il y a une inscription, apparemment dans une langue orientale, en haut de la scène.

 Anonyme,-une-arche-de-Noé-(.jpg

   Une hypothèse m'est venue après l'avoir acquis. Les personnages enturbannés, assez nombreux, l'inscription, le thème représenté, qui ressemble à une Arche de Noé traitée ingénument, peints probablement par une main orientale, ne serait-ce pas le signe d'une culture chrétienne d'Orient? Un Ethiopien, ou un Copte? Qui pourrait m'éclairer là dessus?

29/02/2012

Drôles de billes (un complément d'Emmanuel Boussuge)

         Le jeu de piste à la recherche des œuvres populaires signées par leurs créateurs dans la superbe vallée de Brezons (Cantal) évoqué dans le texte Art populaire et affirmation individuelle: deux maîtres-maçons de la vallée de Brezons (note publiée sur ce blog le 17 février 2009) s’est prolongé. J’ai repéré depuis une nouvelle croix sculptée attribuable à l’admirable tailleur de pierre naïf nommé Chanssans (ou Chassang ou Chanson…). Et c’est ma préférée.

 

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Le Bourguet, ph. Emmanuel Boussuge, 2010

         La croix se trouve au bas du hameau du Bourguet près du pont qui enjambe le Brezons. La figuration de l’avers est très similaire à celle de la croix plus haut dans le village ou à celle de Liverninx. Au revers, une croix en relief toute simple. Mais surtout, si on s’approche, on aperçoit quatre petites boules posées sur les bras de la croix.

 

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Le Bourguet, ph. EB, 2011

         Et sur ces boules, un visage très élémentaire : deux yeux, un nez, une bouche. Je suis presque sûr que le tailleur s’est inspiré des putti, ces angelots qu’on trouve quelquefois sur les croix à partir de l’époque baroque. Mais voilà, en simplifiant radicalement son objet, ces créatures ailées sont devenues des billes souriantes.

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Le Bourguet, ph. François Puzenat, 2010

          Je ne sais pas vous, mais, moi, ça me plaît bien que ce soit un mec au fin fond d’une vallée auvergnate, à la fin du XVIIIe siècle, qui ait inventé Pacman¹.

         Emmanuel Boussuge

         (PS : Cette notule est dédiée aux promeneurs avec qui j’ai arpenté à plusieurs reprises la vallée sur la trace du sieur Chanssans : Didier, Pascale, Emmanuelle et Clio Kahn, François Puzenat et Doudou).

_____

¹ Pacman est le nom de cette boule vorace connue des amateurs de ce jeu vidéo primitif des années 80.

17/02/2012

Nouveau jeu... qu'est-ce que c'est?

    Il faut que je l'admette, le jeu des 7 différences n'a rien donné... Alors j'en lance un autre, plus dans le style Schmilblic...A gagner la même chose que dans le jeu précédent, puisque les livres sont toujours là à poireauter:

   Soit le livre (en italien), abondamment illustré de Gustavo Giacosa, Noi, quessi dessa parola che sempre cammina, sur les inscriptions graffitées de Babylone, Giovanni Bosco, Helga Goetze, Oreste Nannetti, Melina Riccio et Carlo Torrighelli (2010)...

Art br fribourgeois.jpg

        Soit cet autre ouvrage, Art brut fribourgeois, catalogue d'une exposition de la Collection de l'Art Brut en 2008...

     Que faut-il trouver cette fois? Eh bien, que signifient les objets ci-dessous, à quoi servaient-ils? Le premier qui trouve la solution gagne un des deux livres.

 

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Photo La Patience, 2012


12/02/2012

"303" n°119

      C'est bien énigmatique comme titre, n'est-ce pas?303,eva prouteau,art brut,art immédiat,art singulier,bruno montpied,laurent danchin,armand goupil

    303, arts, recherches et créations est en réalité le titre complet de cette belle revue qui existe depuis au moins trente ans, financée par la région des Pays de la Loire, dans un premier temps consacrée en grande partie au patrimoine de cette région, puis depuis quelques années plus spécialement à la recherche en art. Le n°119, daté de janvier dernier, est un numéro spécial "art brut, outsider, modeste", concocté par Eva Prouteau qui collabore régulièrement à la revue.

    Au sommaire, on n'a pas joué forcément la carte du foisonnement comme ce fut le cas lors du numéro spécial de la revue Area sur le même sujet l'année dernière. Les textes sont plus longs que dans ce dernier magazine qui privilégie les entretiens synthétiques plutôt que les textes de fond. Eva Prouteau a préféré placer l'éclairage sur certains points permettant de souligner l'éclectisme des productions classées avec plus ou moins de rigueur dans l'art soi-disant "brut", toutes relevant cependant d'une forme de poésie singulière. Derrière son entreprise de "décloisonnement" des catégories et des appellations –ce qui ne signifie pas pour elle confusion des genres et des catégories, mais plutôt besoin d'établir des passerelles dans le respect de la valeur des uns et des autres– on sent chez elle un goût marqué pour les petites collections secrètes, notamment d'art populaire insolite, comme celle du musée des traditions de la Guérinière à Noirmoutier, ou celle des cibles de tir du Cercle de Chemazé (sud de la Mayenne ; déjà évoquées par Pascale Mitonneau dans le n°78 de la même revue 303 en 2003 avec des illustrations différentes), passionnantes œuvres d'art forain destinées à être criblées de balles, goût également apparent lorsqu'elle évoque avec sagacité l'existence de la Folk Archive, ce collectage par la photographie de "formes esthétiques non valorisées" (graffiti, sculptures de sable, motos et voitures customisées, épouvantails... Que des sujets que sur ce blog nous prisons particulièrement comme nos lecteurs l'ont sûrement remarqué) établi par deux artistes anglais, Jeremy Deller et Allan Kane. Il est aussi question ici et là dans la revue de l'art des douilles d'obus ciselées par les Poilus (article de Laurent Tixador et Eva Prouteau), et aussi d'un environnement belge, celui de Jean-Pierre Schetz, à Jupille, prés de Liège (dont Brigitte Van Den Bossche, collaboratrice du MADmusée dans cette dernière ville, auteur de l'article dans 303 a contribué à sauver des vestiges à la Fabuloserie, comme je l'avais constaté en juillet dernier –voir également la note que j'avais consacrée à ce site sur ce blog ; les quelques sculptures conservées par Caroline Bourbonnais ont été installées sur une sorte de ponton)

 

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Le cochon, 1963, contreplaqué, collection des cibles de l'Union de Chemazé, photo extraite du n°78 de la revue 303 (article de Pascale Mitonneau) en septembre 2003

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Cible peinte, collection Jean Estaque, ph. Bruno Montpied, 2009 (collection donc distincte de la collection des cibles de Chemazé)

 

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Fragments préservés de Jean-Pierre Schetz à la Fabuloserie dans le parc d'environnements, et au loin les statues de Camille Vidal, ph. BM, 2011 (ceci n'est pas dans le n° spécial de 303)

   A propos d'environnements, j'ai participé à ce numéro avec deux textes, l'un sur les sites d'habitants-paysagistes dans les Pays de la Loire (Aux jardins des délices populaires, texte où sont évoqués Louis Licois, Marcel Baudouin, Camille Jamain, Emile Taugourdeau, André Pailloux, Michel Chauvé, Henri Travert, Bernard Roux, et les maisons de Rossetti et Pennier dans la périphérie du Mans), plus un autre sur Armand Goupil, ce peintre amateur étonnant, ancien instituteur, originaire de la Sarthe, dont j'ai déjà eu l'occasion de donner sur ce blog maints autres aperçus.

 

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Armand Goupil, Barbe blanche, 11-X-61, huile sur carton, rassemblement Jean-Philippe Reverdy (image inédite, non publiée dans le numéro de 303)


    Laurent Danchin publie une contribution à propos de la distinction à faire selon lui dans l'art des médiumniques entre les créateurs savants et les créateurs plus populaires. Oubliant peut-être de préciser que l'art brut n'a pas insisté sur cette distinction parce que ses thuriféraires cherchant à mettre en évidence l'existence d'un art intime, surgi des profondeurs de l'inconscient, n'avaient que faire d'opérer de telles distinctions (de même qu'entre art des fous et art des non-fous). En fait, l'intervention de Danchin participe d'une remise en cause de la validité conceptuelle de l'art brut, ce qui peut paraître surprenant de la part de quelqu'un qui fait désormais partie du comité consultatif de la collection d'Art Brut à Lausanne. Personnellement, dans l'art des médiumniques, à qui je trouve généralement de l'unité, (s'il fallait opérer des distinctions, ce serait plutôt au niveau formel, les architectures, les symétrisations d'Augustin Lesage, Fleury-Joseph Crépin, Victor Simon d'un côté, face aux sinuosités botaniques des spirites tchèques par exemple), dans l'art des médiumniques donc, je trouve un raffinement qui n'est lui pas plus le fait des autodidactes populaires que des savants en rupture de ban (comme Victorien Sardou ou Marguerite Burnat-Provins), provenant en fait plutôt du recours à l'automatisme graphique, ce qui avait fasciné André Breton en 1933 (dans Le Message automatique), mais n'avait pas empêché un peintre comme André Masson de pratiquer le dit automatisme dans son dessin et sa peinture dès les années 20.

 

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Cecilie Markova, sans titre, daté 22-5-1960, coll. BM (illustration non insérée dans le numéro de 303)

    Ce numéro se focalise sur certains autres points, les écrits de Chaissac, l'art d'Hélène Reimann, le point de vue de Savine Faupin sur la réouverture du LaM avec son extension vouée à l'art brut, et surtout avec son opinion sur l'art brut aujourd'hui, cohérente avec la position d'une conservatrice de musée. Ce qu'elle dit de la façon dont André Breton envisageait l'art brut, et de son clivage avec Dubuffet me paraît discutable mais ce serait trop long d'en parler ici.

 

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Hélène Reimann, sans titre, avant 1987, donation L'Aracine, LaM de Villeneuve-d'Ascq ; reproduit dans 303


     La coordonnatrice de ce numéro a également donné l'occasion à Jean-Louis Lanoux alias Animula Vagula (le pseudo a été révélé publiquement sur internet) de se lancer dans un grand numéro impérialiste de "mère des blogs" qu'il espère sans doute, comme à son habitude, masquer sous l'humour (jamais exempt de coups de pied de l'âne). Le chapeau de cette intervention intitulée "les  Dérives d'Animula Vagula" définit comment, avec sa femme Catherine Edelman, il a orienté leur projet de blog fin 2005, en élaborant une autofiction campant une "jeune blogueuse affairée" imaginaire, "qui adore jouer avec les codes identitaires de la blogosphère"... [Ce chapeau, rédigé par l'éditeur du dossier sans que cela soit indiqué par un artifice typographique distinctif – voir commentaire de J2L ci-après – reflète assez bien le concept du blog animulesque selon moi, à tel point qu'y sentant à ce point l'influence des auteurs de ce blog, je suis fondé à considérer ce chapeau comme étant écrit par eux...]. Lanoux cherchant ainsi comme souvent à paraître rester "djeune", non déconnecté de la réalité, toujours "in", comme on disait autrefois. Cette explication permet aussi, bénéfice secondaire, de noyer le fait que ce genre de "cybercarnet" n'est en réalité qu'un support d'expression nouveau pour des intellectuels marginaux qui faisaient
auparavant, par exemple, des fanzines tapés à la machine, et qui, désolé Jean-Louis, pour le coup, l'avaient du reste cette fois précédé, en particulier dans l'intérêt pour les formes d'art populaire les plus hétéroclites ("Animula" ne cesse de le répéter, elle se veut la prem's, belle imposture). "Mère des blogs", tu parles! Sa dérive dérape vite dans le gonflage de chevilles (comme il s'en aperçoit d'ailleurs, car il est lucide le bougre, trop peut-être), et dans un narcissisme échevelé dont le lecteur n'a que faire. Laissons-le se caresser avec ces qualifications de "référence dans le monde de l'art brut" et passons à autre chose. 

   On regrettera dans ce numéro spécial, au chapitre des absents, qu'on n'ait pas plutôt interrogé ou demandé des contributions à la Collection ABCD qui s'interroge sur l'art brut aujourd'hui, ou bien qu'on ne se soit pas intéressé à l'évolution, en direction de l'art singulier, du musée d'art naïf de Laval, musée de la région des pays de la Loire pourtant. Etait-ce par manque de place? Le numéro en l'état actuel suscitera déjà, rien que dans les régions ouest, de bien fécondes questions sur les nouvelles façons d'envisager et de pratiquer l'art aujourd'hui. 

A signaler le samedi 21 avril, au Lieu Unique à Nantes, la présentation de la revue, dans le cadre d'un "week-end singulier" organisé par Patrick Gyger (auteur également dans la revue d'un article sur Daniel Johnston), où sera également projeté le film Bricoleurs de Paradis, Le Gazouillis des éléphants de Remy Ricordeau, avec un débat pour suivre, animé par Eva Prouteau. Durant la période du 7 mars au 20 mai, se tiendra au Lieu unique une expo consacrée à Daniel Johnston, Welcome to my world! D'autres intervenants sont également annoncés durant ce week-end comme Bruno Decharme, Barbara Safarova, Mario Del Curto, etc. Voir le site web du Lieu unique.

24/12/2011

Qués aco?

      Regardez attentivement, comme je sais que vous savez le faire puisque vous venez ici... Le bâtiment se trouve à Ruoms et c'est en Ardèche. La voiture a fait une pause devant, et l'objet au sommet de l'édifice a tout de suite attiré mon regard. Bizarre, non? C'est énorme, fait pour être vu de loin, et cela ressemble à un chapeau pointu à la Robin des Bois, percé d'une flèche tout aussi géante que lui. Est-ce une enseigne? Le rappel d'un habitant célèbre en ces lieux? Bref, que diantre fait cet étrange couvre-chef (?) au sommet de cet hôtel pourvu de nombreux étages? Si un internaute particulièrement sagace pouvait éclairer ma lanterne, je lui en saurai fort gré.

 

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Ruoms, photo Bruno Montpied, juillet 2011

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Ph. BM


30/10/2011

Une collection d'art immédiat dans "L'Or aux 13 îles" n°2, et un vernissage le 6 novembre prochain

     L'Or aux 13 îles, je vous en ai déjà parlé lorsqu'était sorti en janvier 2010 son n°1 qui concernait grandement les passionnés d'art populaire brut et des environnements spontanés parce qu'y était inséré un dossier volumineux sur le musée disparu de l'abbé Fouré consacré à ses bois sculptés à Rothéneuf (ce fut l'occasion surtout de republier un document rare, le Guide de ce petit Musée étonnant, guide paru en 1919 ; par la même occasion, nous commémorâmes ainsi -les premiers!- le centième anniversaire de la disparition de l'abbé, mort en 1910).

l'or aux 13 îles n°2,jean-christophe belotti,art immédiat,bruno montpied,armand goupil,marilena pelosi,joël lorand,gérald stehr,hérold jeune,la passerelle,maugri,jean-lous cerisier,charles lacombe,sefolosha,émilie henry,louis roy,art naïf,lobanov,donadello,sirènes,manero,ruzena,bernard javoy,serge paillard,monique le chapelain,pépé vignes,paul duhem,javier mayoral,guy girard       Voici que paraît son n°2 (cliquez sur ce lien et vous obtiendrez le formulaire de commande du numéro, voire des deux numéros), cette fois dominé par un thème "L'homme hanté par l'animal". Jean-Christophe Belotti est toujours aux commandes du navire, Vincent Lefèvre est toujours le maquettiste, élément important qui assure à la revue sa belle et élégante livrée. Le sommaire est varié, après une introduction de Belotti sur le pourquoi du comment du thème choisi, qu'il a illustrée de fort charmantes cibles foraines tchécoslovaques, on découvre les magnifiques photographies d'oiseaux naturalisés de Pierre Bérenger qu'il fit à la fin des années 1960 dans les locaux alors désaffectés du Museum d'Histoire Naturelle, avant que ce dernier lieu ne soit restauré et transformé en Grande Galerie de l'Evolution (comme le rappelle François-René Simon dans son texte de présentation). Suivent divers textes de Vincent Bounoure, Anne Fourreau et Jean-Yves Bériou. Je m'arrête plus particulièrement sur les dessins d'une certaine Mélanie Delattre-Vogt.l'or aux 13 îles n°2,jean-christophe belotti,art immédiat,bruno montpied,armand goupil,marilena pelosi,joël lorand,gérald stehr,hérold jeune,la passerelle,maugri,jean-lous cerisier,charles lacombe,sefolosha,émilie henry,louis roy,art naïf,lobanov,donadello,sirènes,manero,ruzena,bernard javoy,serge paillard,monique le chapelain,pépé vignes,paul duhem,javier mayoral,guy girard

     Puis suit un grand dossier sur Pierre Peuchmaurd, poète estimable disparu tout récemment (comme dans le n°1 était inséré un dossier sur Jean Terrossian). Les poèmes nombreux sélectionnés par Belotti dans l'œuvre de Peuchmaurd ont tous un lien avec l'animal. 

l'or aux 13 îles n°2,jean-christophe belotti,art immédiat,bruno montpied,armand goupil,marilena pelosi,joël lorand,gérald stehr,hérold jeune,la passerelle,maugri,jean-lous cerisier,charles lacombe,sefolosha,émilie henry,louis roy,art naïf,lobanov,donadello,sirènes,manero,ruzena,bernard javoy,serge paillard,monique le chapelain,pépé vignes,paul duhem,javier mayoral,guy girard      Des poèmes inédits de Guy Cabanel sont flanqués d'aquarelles d'Aloys Zötl, extraites du livre de Victor Francés récemment paru aux éditions Langlaude (Contrées d'Aloys Zötl, à un prix défiant toute concurrence grâce à des Chinois sous-payés), cet obscur teinturier autrichien qui se passionna de 1831 à 1887 pour des animaux qu'il dessinait plus réels qu'en vérité, les plaçant dans des décors naturels peu réalistes mais somptueusement veloutés et d'une puissance de suggestion sur l'imagination à nulle autre pareille.

      Ce numéro 2 est aussi pour moi l'occasion d'entrouvrir une porte sur une collection "d'art immédiat" dans le texte de 40 pages que j'ai intitulé Le Royaume parallèle.l'or aux 13 îles n°2,jean-christophe belotti,art immédiat,bruno montpied,armand goupil,marilena pelosi,joël lorand,gérald stehr,hérold jeune,la passerelle,maugri,jean-lous cerisier,charles lacombe,sefolosha,émilie henry,louis roy,art naïf,lobanov,donadello,sirènes,manero,ruzena,bernard javoy,serge paillard,monique le chapelain,pépé vignes,paul duhem,javier mayoral,guy girard Dérivant derrière cette porte, j'invite le lecteur à découvrir des créateurs aussi variés  que Guy Girard, Marilena Pelosi, Gérald Stehr, Armand Goupil, le sergent Louis Mathieu, le peintre naïf Louis Roy, le "patenteux" québécois Charles Lacombe, Christine Séfolosha, divers pratiquants de l'atelier pour handicapés mentaux de la Passerelle (l'atelier animé par Romuald Reutimann à Cherbourg), des objets d'art populaire anonyme, des collages d'un "anonyme américain" (que j'ai identifié depuis peu grâce à l'amabilité de Frédéric Lux comme étant de l'autodidacte américain Javier Mayoral, voir le blog de Laurent Jacquy Les Beaux Dimanches qui y parle d'un blog tenu par ce créateur, appelé Locus Solus 1 où Mayoral parle de ses créations très diverses, ex-voto décalés, catcheurs, phénomènes à la Barnum ; le monsieur en question paraît beaucoup jouer de la distanciation tout en restant friand d'ingénuité: curieux!), un jeu de massacre forain, une poupée rescapée de tribulations dans des greniers oubliés, Jean Estaque, Serge Paillard, l'inévitable et mirifique Joël Lorand, Jean-Louis Cerisier, soit autant de figures ou de sujets que les lecteurs fidèles et attentifs du Poignard reconnaîtront sans coup férir  comme rôdeurs dans ces parages...

l'or aux 13 îles n°2,jean-christophe belotti,art immédiat,bruno montpied,armand goupil,marilena pelosi,joël lorand,gérald stehr,hérold jeune,la passerelle,maugri,jean-lous cerisier,charles lacombe,sefolosha,émilie henry,louis roy,art naïf,lobanov,donadello,sirènes,manero,ruzena,bernard javoy,serge paillard,monique le chapelain,pépé vignes,paul duhem,javier mayoral,guy girardA noter que je viendrai à l'auditorium de la Halle Saint-Pierre à 15h le dimanche 6 novembre (dans une semaine donc) en compagnie de Jean-Christophe Belotti qui dédicacera ce numéro tandis que je proposerai aux personnes présentes une dérive en une centaine d'images sur cette collection d'art immédiat (cela ne se limitera pas, étant donné le nombre, aux images présentes dans la revue). A bientôt donc.

Les illustrations qui accompagnent cette note sont, pour ce qui concerne les dernières des pages extraites de la revue.

        

18/09/2011

Nuit des musées à la Collection de l'Art Brut avec les Bricoleurs de paradis

      DVD dans le livre E des J A (3e de couv).jpgLa Collection de l'Art Brut propose de projeter  Bricoleurs de paradis (le Gazouillis des Eléphants) samedi 24 septembre prochain, et ce à trois reprises dans la soirée, la fermeture de la Collection n'étant pas prévue avant 2 heures du mat'...0051,-rothéneuf,-juil-10.jpg

    

    La projection, comme à l'occasion de précédentes présentations, sera précédée de courts speechs du réalisateur et du coauteur du film, très honorés de se déplacer pour l'événement. Cela permettra de transporter quelques nouveaux cas d'inspirés du bord des routes dans les locaux de la célèbre Collection suisse, où ce type de créations n'était pas revenu depuis un certain temps. Un petit débat est prévu après chaque séance. Et rappel encore, on trouve à la librairie de la Collection d'art brut quelques exemplaires d'Eloge des Jardins Anarchiques où l'on trouve le DVD du film sous un rabat (voir ci-dessus). 

     Quelques nouvelles de la Collection par la même occasion: La Collection abrite encore pour quelques jours une exposition consacrée au graffiteur Nanetti, qui avait gravé les murs de son hôpital psychiatrique à Volterra. Un fort beau catalogue a été édité à  cette occasion (on peut se référer aussi au livre en italien et en anglais de Gustavo Giacosa, Noi quelli della parola che sempre cammina, éd. Contemporart edizioni, 2010 où Nanetti est évoqué en même temps que d'autres écrivants bruts, Riccio, Bosco, Helga Goetze, Babylone, Torrighelli). Par ailleurs, on apprend aussi  qu'un masque de Maisonneuve, le Diable, a fait l'objet d'un prêt au musée de Zoologie de Lausanne pour l'exposition qui a débuté le 20 mai de cette année dans cette institution, Gare aux coquilles!, prévue pour s'achever le 30 octobre prochain.

 

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Pascal-Désir Maisonneuve, Le Diable, hauteur 25 cm, vers 1927-1928, Collection de l'Art Brut, Lausanne, ph. Claude Bornand

 

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Tatouages sur peau, provenant de cadavres inconnus, fin XIXe, 36,4x44,2x1,5cm, ph.Arnaud Conne, Collection de l'Art Brut, Lausanne  

     Autre actualité extrêmement intéressante, c'est le prêt de tatouages sur peau, également en provenance de la collection de l'Art Brut, mais cette fois plus précisément depuis ses archives, ainsi que d'une photo sur le même sujet (une évasion de forçats) pour l'expo consacrée au thème de la peau à la Fondation Verdan (qui est aussi le Musée de la Main...), toujours à Lausanne (elle a commencé le 15 juin et se terminera le 29 avril 2012). Je ne savais personnellement pas −où je l'avais oublié...− que la Collection abritait de telles oeuvres (probablement récoltées par Dubuffet dans les débuts de sa prospection en vue d'établir une collection représentative de ce qu'il cherchait obscurément  à défendre depuis les années 40). Cela me confirme dans le récent parallèle que j'ai tiré entre les dessins de Monsiel et les tatouages du bagnard Ricardo photographié par Doisneau dans le cadre du séminaire organisée par Barbara Safarova au Collège international de philosophie, où je voulais tresser des passerelles de l'art populaire à l'art brut. A noter (inscrivez-le sur vos tablettes, car ça m'étonnerait que j'y revienne!) que le 13 mars 2012 à 18h30, Michel Thévoz himself viendra dans le cadre de cette expo faire une conférence sur "la peau surface d'inscription" ; on se souvient, enfin les vieux de la vieille dans mon genre..., que Michel Thévoz a du reste publié un livre sur "le corps peint" chez Skira, en 1984, soit il ya des lunes...Tatouage Thevoz-Michel-Le-Corps-Peint-.jpg

09/09/2011

Les soeurs Moisy et les décapités, des ombres et des petits transparents

     J'avais été intrigué par le livre Une Bretagne si étrange, 1900-1920, de James Eveillard et Patrick Huchet, paru chez Ouest-France en 1999, surtout par une carte postale montrant un "Cabaret des Décapités" qui existait sur l'Ile de Bréhat, probablement au début du XXe siècle. La revue Gazogène a mentionné cette carte, dont il existe quelques variantes. Ce cabaret était nommé ainsi grâce aux portraits de buveurs exécutés sur des verres que l'estaminet exhibait sur des rayonnages, belle et originale collection de portraits de chalands ayant fréquenté le lieu, immortalisés pour un temps, un temps de carte postale en tout cas, car  rien n'est venu nous confirmer que ces verres ont finalement surnagé au grand naufrage des années.

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Ile de Bréhat, Cabaret des Décapités

 

       En tombant récemment sur l'original de la carte, m'est revenu que j'avais aussi dans mes cartons une autre image avec laquelle il serait intéressant de la croiser. Il existe une auberge des soeurs Moisy à St-Céneri-du Gérei dans l'Orne,cabaret des décapités,cartes postales d'environnements,auberge des soeurs moisy,une bretagne si mystérieuse,art dans les cafés toujours debout aujourd'hui grâce aux bons soins de la Fondation du Patrimoine sur le site duquel j'avais trouvé la photo ci-après.

 

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Auberge des soeurs Moisy, avant 1908, ph. Fondation du Patrimoine

 

       On trouve également sur le blog Les amis de St-Céneri des renseignements sur cette auberge décorée dans une de ses salles de profils charbonneux, traités à la façon des silhouettes et tracés en mémoire de consommateurs depuis bien longtemps évanouis (mes photos ici insérées proviennent toutes de ce blog). Ce témoignage d'un témoin de l'époque, qui fait nettement écho au Cabaret des Décapités de Bréhat, explique la situation qui produisit ces ombres chinoises d'un genre particulier:

         « Quant aux jours de pluies, où l’on ne pouvait travailler dehors, on peignait sur les murs de l’auberge. Le soir, à la veillée, dans la salle du premier  étage, où nous prenions nos repas, grâce à la lueur d’une bougie, on dessinait sur les murs les profils des personnes présentes au fusain. C’est pour cette raison que cette salle, toujours visible, s’appelle la salle des décapités. A la nuit tombante, celui dont on voulait reproduire le profil se plaquait près du mur blanchi à la chaux ; l'un d’entre nous tenait une bougie à distance voulue pour que l’ombre portée fût de la grandeur du modèle. Un des peintres, pendant ce temps, traçait au fusain le contour de cette ombre et l’on passait l’intérieur en noir. C’est ainsi que, depuis lors, j’ai pu reconnaître, par delà le demi-siècle qui s’est hélas écoulé, les profils de beaucoup d’artistes et d’amis qui ne sont plus. Mon profil d’enfant s’y trouve à deux reprises ». (Témoignage du fils de Mary Renard, Pierre Renard, qui évoque ici l'Auberge des soeurs Moisy qui a fermé ses portes en 1908).

 

 

 

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Les soeurs Moisy, ph. blog Les Amis de St-Cénéri

 

03/09/2011

Un corps exquis en morceaux

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      Il n'y a pas à barguigner, l'expo qui s'achèvera le 25 septembre à l'Espace Fondation EDF, rue Récamier à Paris dans le 6e ardt, est un fort beau cabinet de curiosités. Le prétexte de ce rassemblement d'objets insolites, venus de divers arts populaires autour de la Méditerranée, est le corps, à travers les objets, mais aussi les dictons ou proverbes piochés dans des langues elles aussi diverses. Voici du reste un petit florilège de ces proverbes ou maximes:

       Un cerveau vide est la boutique du diable (anglais) ; Quand tu traverses le pays des aveugles, ferme un oeil (roumain) ; Écoute ce qui est bien dit, même venant d'un ennemi (grec) ; La timidité est la prison du coeur (espagnol) ; Le plus grand ennemi de l'homme, c'est son ventre (arabe) ; La vie d'un homme est semblable à un oeuf dans les mains d'un enfant (portugais) ; Le mensonge a les jambes courtes, il n'ira pas loin (tchèque) ; La beauté est à fleur de peau mais la laideur va jusqu'à l'os (anglais).

             Mais c'est en même temps une surprise que de voir tout à coup resurgir dans cette exposition des objets extirpés des collections de l'ancien musée des arts et traditions populaires, autrefois ouvert au public dans le bois de Boulogne et maintenant, selon la rumeur, embastillée dans des caisses ou des entrepôts on ne sait trop où, entre Paris et Marseille. Sur le web, pendant plusieurs années (depuis 2003, je crois), on avait l'impression que le nouveau musée, rebaptisé de l'acronyme ronflant de MUCEM (Musée des Civilisations Européennes et Méditerranéennes), n'était qu'une réalisation virtuelle, tant le chantier du nouveau bâtiment transparent conçu par l'architecte Ricciotti tardait à sortir de terre. La collection incroyablement riche des ex-ATP, armoires normandes, pichets berrichons, poteries berbères, charettes siciliennes, objets de dévotion, quilles de conscrits, ouvrages en cheveux, ex-voto yougoslaves, etc., végètait depuis pas mal de temps, attendant l'année 2013 et le projet de Marseille ville de la culture.

 

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Chantier du MUCEM à côté du fort St-Jean, près du port de Marseille, ph. A. Laurençon-Picca

      Justifié par l'ambition de bâtir un trait d'union muséal entre civilisations populaires du sud et du nord, le nouveau musée a vu cependant sa première pierre posée par Frédéric Mitterrand en 2009. Le chantier a commencé... Mais n'est-ce pas un rêve un peu trop grand? Surtout à l'heure où l'indifférence pour la culture populaire ancienne, la rurale, paraît atteindre des sommets. Curieusement, le MIAM, Musée International des Art Modestes, au projet très voisin de certains du MUCEM (un des collectionneurs-fondateurs du MIAM, Bernard Belluc a du reste monté une petite exposition, vers 2006, dans des locaux provisoires du nouveau MUCEM au fort St-Jean), MIAM lui aussi implanté dans le Midi, à Sète, avec des ambitions plus... modestes, réussit davantage à faire connaître son discours auprès des amateurs d'art populaire contemporain. Peut-être parce qu'il est avant tout affaire de gens passionnés et réalistes (Di Rosa, Belluc, Pascal Saumade), et non de bureaucrates caressant du fond de leurs placards des rêves mégalos seulement destinés à se faire bien voir d'une poignée de professionnels muséaux, et plus secrètement encore, de la part des politiques (François Fillon a réaffirmé son soutien à la création du MUCEM), destinés à couvrir d'un voile culturel le désir de donner un coup d'accélérateur libéral au marché étendu à une nouvelle Méditerranée des "printemps arabes".

      Il est cependant agréable de revoir certains objets resurgis des malles et des coffres où on les avait enfouis dans cette expo de "Morceaux exquis": Cape de pluie sarde tressée de pailles, hésitant entre l'apparence d'une figure de carnaval quotidien et un épouvantail noyé dans la brume, coloquinte en forme de nez de Pinocchio (ci-dessous, provenant de France, XVIIIe-XIXe siècle, cliché Christophe Fouin, coll MUCEM),Coloquinte pinocchio.jpg œil amulette, ex-voto d'argent ou de cire, dessins du bagnard Lagrange, chefs-d'œuvre de sabotier, poupée d'envoûtement, pain sculpté de Calabre, têtes de marionnettes, accessoire pédologique insolite de clown, enseigne de gantier à la main rouge géante (prêtée par le musée rural des arts populaires de Laduz, enfin reconnu à sa juste valeur ici, pour la qualité de ses collections), et en particulier parmi tant d'autres objets insolites, deux sculptures, celles d'Adam et Eve par le sculpteur autodidacte Fernand Duplan (ci-dessous, pierre sculptée et peinte vers 1970 à Ruoms en Ardèche, coll MUCEM, © Christophe Fouin),F Duplan à MorceauxExquis2011.jpg et un outil sculpté de Xavier Parguey, qui entra avec d'autres œuvres dans la collection initiale d'art brut de Jean Dubuffet, avant d'y être oublié...

 

Pain sculpté de Calabre, Morceaux exquis.jpg

Pupazza, femme à trois seins, pain sculpté, provenance Calabre, vers 1960, dépôt du Musée de l'Homme, © MUCEM, ph Christophe Fouin

 

     Dommage cependant que le catalogue ait été conçu de façon vraiment un peu trop cheap, dans une maquette des plus banales, et surtout sans beaucoup d'illustrations.

11/08/2011

René Rigal, ou la sculpture-phasme

    Qu'il est doux de vagabonder dans le labyrinthe des minuscules départementales, bien loin des autoroutes où comme de juste, on ne trouve aucun inspiré du bord des autoroutes, cela tombe sous le sens. On voyage au cœur du néant sur ces rails de ciment, hors géographie, si loin de toute réalité que les régions et édifices que l'on aurait pu rencontrer n'existent que sur le papier, je veux dire, sur ces panneaux couleur de fèces qui nous donnent l'impression de flotter dans un monde virtuel. Sur les autoroutes, on ne sort pas de son ordinateur.

 

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Ph. Bruno Montpied

 

      Je vois tout à coup une flèche, "Musée éclaté". Je murmure dans ma barbe, on ne va pas aller voir bien sûr ce musée éclaté, pourtant, c'est un drôle de  nom... Et surprise, mon camarade au volant braque aussitôt, enfilant une route encore plus minuscule qui serpente en grimpant sur des collines en direction d'un village nommé Cardaillac. On est au nord de Figeac, et non loin de Capdenac. Le "Musée éclaté" se fait désirer, et l'on finit par y pénétrer, alors que ce n'est pas l'heure d'ouverture. Il y a un sculpteur à l'intérieur qui pourrait m'intéresser, me dit une dame qui anime ce musée, qui est en réalité "éclaté" parce qu'en plusieurs parties, genre écomusée rural sur les métiers et les écoles de jadis. Marie Mage, c'est son nom magnifique, nous conduit à la partie brocante, musée de tout (des museums of everything, y en a aussi dans nos belles provinces, y a pas qu'à Londres), où elle me montre le sculpteur en question, ou du moins ses oeuvres. Et je reconnais subitement les figures filiformesmusée éclaté,rené rigal,association hors-champ,marie mage,macary et pennet,galerie la menuiserie,jean-michel deslettres aussi dégingandées que des phasmes humains saisis dans le bois, c'est de René Rigal!

 

 

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René Rigal, Si tous les gars du monde voulaient se donner la main... Expositon le Musée éclaté, Cardaillac, été 2011, ph. BM 

   Ô, la belle coïncidence... Je n'en avais jamais vu autrement que sous la forme d'un charmant petit documentaire projeté dans un festival Hors-Champ à Nice (René ne tape pas la belote de Philippe Macary et Jean-Marc Pennet, 13 min, 2000 ; à noter que René Rigal apparaît aussi plus briévement dans un film de Paolo Mucciarelli, Truc d'esprit, art singulier en France, 30 min, 2006).

 

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Ph.BM

 

      Des sculpteurs autodidactes exploitant les formes naturelles du bois, les racines, les branches ou les souches, il en existe souvent. Dans le cas de René Rigal, disparu hélas tout récemment (il sculpta de 1978, date de sa mise à la retraite de conducteur de train, jusqu'à sa mort, survenue apparemment en novembre 2008voir commentaire ci-après), on a affaire à un exceptionnel créateur du fait de son choix de bois aux formes étirées, tendant au filiforme, à la liane serpentine, ce qui ne l'empêchait pas pour autant de voir en eux divers personnages ou animaux.musée éclaté,rené rigal,association hors-champ,marie mage,macary et pennet,galerie la menuiserie,jean-michel deslettres Dans le musée éclaté, c'était surtout des personnages humains qui avaient colonisé l'espace pour une période sans doute transitoire (je ne me rappelle plus très bien ce que Mme Mage nous a dit, c'était comme un tourbillon de rencontrer ces statues si étonnantes, si dansantes).

     Dans le livre édité par l'association Hors-Champ, le Petit Dictionnaire Hors-Champ de l'Art Brut au Cinéma, Gilbert Fenouille fait une remarque fort plausible: "René Rigal en a eu assez de suivre les rails du conformisme social et les horaires rigides. C'est peut-être pour ça qu'au moment de la retraite, il s'est mis à sculpter les bois tordus." La sinuosité de ses chevaliers à longues figures renvoie probablement à la capricieuse ligne de vie qu'il avait dû suivre dès le travail abandonné.

 

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Ph.BM

 

     Le film de Pennet et Macary ne durait qu'une douzaine de minutes et les renseignements sur M.Rigal manquent aujourd'hui passablement. Il faudrait probablement s'adresser à la galerie La Menuiserie à Rodez pour en apprendre un peu plus. Ce sculpteur a eu ses œuvres fort bien servies par un excellent photographe, Jean-Michel Deslettres. Des clichés de ce dernier ont été notamment publiésdans un petit catalogue non daté que réalisa la galerie La Menuiserie après la mort du créateur (donc cette année). Il est souhaitable cependant qu'on consacre un jour un peu plus de papier à l'évocation de l'ensemble des pièces sculptées de cet excellent créateur. 

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Photo Jean-Michel Deslettres sur la couverture du catalogue de La Menuiserie

 

Comment accéder au Musée Eclaté? On va jusqu'à la place de la Tour, 46100, Cardaillac. Tél 05 65 40 10 63 ou 05 65 40 15 65. www.musee-eclate-cardaillac.fr (7 lieux "chargés d'histoire" à visiter avec des guides, maison du semalier, saboterie, moulin à huile de noix, l'étuve à pruneaux...). Le village de Cardaillac est très charmant, et il y a un bistrot si je me souviens bien... 

06/07/2011

Cheminement d'un papotier

      Un papotier, est-ce que cela papote? Est-ce que cela n'a rien à voir avec l'argile et le métier qui lui donne forme? Est-ce un voisin du compotier? Un papotier, je gage que vous n'en aviez jamais entendu parler, c'est cela, tel que je le découvris sur une carte postale ancienne:

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     Etrange facétie qui consista vers 1590 à sculpter cette effigie à la mâchoire toujours prête à se décrocher, aux yeux roulant dans des orbites selon des axes distincts, qui papotait quand la fantaisie en prenait à l'organiste qui l'actionnait de derrière son orgue en pleine église. Il s'en passait de bonnes autrefois. En tout cas l'objet est rare, la plupart de ses semblables ont disparu, on se demande bien pourquoi...

 

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Papotier provenant de l'église Notre-Dame d'Avénières, près de Laval, Coll. Musée d'Art Naïf et d'Art Singulier du Vieux-Château de Laval, ph. Bruno Montpied, 2011

 

      Tout à coup, en passant récemment par la patrie du Douanier Rousseau, au musée d'art naïf et singulier de la ville, quelle ne fut pas ma surprise de retomber sur le papotier, mais cette fois grandeur nature, un peu abandonné, à l'écart dans une tour du Vieux-Château... La notice y explique que la figure grotesque avait été enlevée du buffet d'orgue de l'église en 1878 et qu'elle avait été conservée dans une collection privée jusqu'à sa vente en 2006. On y ajoute que "les sculpteurs et facteurs d'orgue [au XVe-XVIe siècles] surchargeaient les buffets de carillons, automates vociférateurs, têtes grimaçantes "et menus attrafuz destinés à l'amusement des petits et des grands". Nul doute que les "petits et les grands" devaient effectivement grandement s'esclaffer devant cette tête dont les yeux roulaient dans deux sens différents tandis que la mâchoire s'ouvrait si largement qu'on eût pu croire à son complet et imminent décrochage. Les messes ne s'en trouvaient-elles pas troublées du coup? N'y eut-il pas quelques bonnes âmes ulcérées devant ces innocentes farces, perçues peu à peu comme vaguement sacrilèges, d'où leur disparition consécutive durant nos siècles dits modernes...? A voir. Le hasard me mit une fois de plus sur les traces du papotier. Chez un camarade brocanteur, je trouvais une ancienne brochure annonçant une vente chez Drouot, en 2006, sous le patronage de l'expert Martine Houze. En couverture, le papotier était mis à l'honneur. C'était dans cette vente que le musée d'art naïf de Laval avait fait ses emplettes, à n'en pas douter.

 

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A noter que la notice de ce catalogue, due sans doute à Martine Houze, avance le nom d'un "maître menuisier" du nom de Jean Dubois (nom prédestinant encore une fois), comme sculpteur de la tête en 1590. La légende de l'ancienne carte postale placée au début de cette note signale le nom de Florentin Lusson comme auteur plutôt de l'orgue que du buffet. Jean Dubois qui "faisait jouer les estoiles"... C'est joliment dit.

 

     

02/07/2011

Info-Miettes (12)

Expo Ody Saban tout l'été au musée de la Création Franche

     Cela se tiendra du 1er juillet au 4 septembre au musée de Bègles.

 

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Du côté de chez Chave maintenant...

    Galerie Alphonse Chave, à Vence, on monte une exposition intitulée de façon un peu tarabiscotée je trouve, "L'harmonie des antonymes", avec en épigraphe sur le carton d'invitation quelques mots d'Héraclite d'où il ressort que "tout [surtout l'harmonie] devient par discorde" (le Poignard Subtil se voit ainsi confirmé dans ses choix)... Du 18 juin à fin août 2011. Avec Georges Bru, Gaston Chaissac, Gérard Eppelé, Jean Dubuffet, Slavko Kopac, Max Ernst, G.Lauro, Jean-François Ozenda, Jacques Prévert, Georges Ribemont-Dessaignes et alii... Tél: 04 93 58 03 45.

Le Musée des arts populaires de Laduz n'est plus subventionné...

     Jacqueline Humbert se bat toujours pour maintenir la merveilleuse collection construite par elle et son mari décédé en 1990, Raymond Humbert. La région lui refuse la subvention qu'elle recevait pourtant depuis plusieurs années. A-t-on décidé d'étrangler par l'indifférence et l'insensibilité (pour ne pas dire l'ignorance) des élus toutes les collections d'art populaire, qu'elles soient comme en l'espèce privée, mais ouverte aux publics de tous âges, ou qu'elles soient étatiques comme celle de l'ex-musée des ATP autrefois installé près du Jardin d'Acclimatation dans le Bois de Boulogne à Paris, et qui végète à présent dans on ne sait quel entrepôt en attendant que se bâtisse le mirifique bâtiment promis depuis des lustres près du fort Saint-Jean à Marseille?

 

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    En attendant, le musée de Laduz tient cependant à organiser une exposition d'été, et cette fois on reviendra à la peinture de Raymond Humbert qui fut un admirable paysagiste abstrait, parallèlement à sa passion pour l'art populaire qu'il interprétait en visionnaire. Sans doute, Jacqueline Humbert puisera dans la force intacte des oeuvres de ce grand vivant l'énergie de faire face aux défis qui attendent le musée. Je ne saurai trop inviter tous ceux qui subodorent la poésie présente au sein des arts populaires à venir visiter ce musée champêtre qui n'a rien à voir avec les collections habituelles de vieux outils poussiéreux. Sa muséographie est sans cesse attractive, attachée à mettre en valeur tous les côtés inspirants de la vie créatrice des campagnes anciennes, en s'appuyant sur la valeur esthétique des objets présentés. Son département de sculpture populaire insolite de plus flirte avec l'art brut, de même que ceux de la marine populaire ou de la mémoire des campagnes font parfois allusion à l'art naïf.

 

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Akram Sartakhti

    J'ai laissé passé l'occasion de parler de cette femme iranienne (née en 1950) qui chipa les pastels de son petit-fils pour lui montrer ce dont elle était aussi capable, non mais... (on pensa à d'autres qui firent de même, comme M'an Jeanne par exemple, ou Joseph Barbiero encouragé par un fils artiste, ou encore Boix-Vives lui-même... non?). La cafétéria de la Halle Saint-Pierre abritait une petite expo de ses oeuvres colorées et stylisées du 10 janvier au 13 février dernier.Akram 6.jpg La galerie Hamer à Amsterdam l'a aussi exposée entre mars et mai, avec une brochure à la clé préfacée par Laurent Danchin qui précise dedans qu'elle a commencé il y a seulement dix ans et que malgré le fait qu'elle ait caché d'abord ses oeuvres à son petit-fils, ce dernier, ayant quand même découvert ses dessins, les porta à l'attention de quelques experts, ce qui amena une ou deux oeuvres de sa grand-mère au musée d'art contemporain de Téhéran. C'est pour le peu qu'on a pu en voir à la Halle, une oeuvre fraîche et spontanée, joyeusement colorée et dégageant une grande vitalité grâce à la conjugaison de formes simples, suggestives avec de sensuels contrastes de teintes. Seuls les fonds peuvent paraître un peu vite faits comme si la peintre n'y attachait que peu d'importance. On ressent alors une impression de travail fait dans l'urgence, avec la bizarre sensation d'une précipitation.Akram 5.jpg

     Une autre peintre autodidacte iranienne existait aussi naguère, décédée à présent, qui était peut-être plus inspirée et brute qu'Akram Sartakhti, à savoir Mokarrameh Ghanbari, que ce blog-ci a évoqué voici déjà quelque temps, que l'on se reporte à... ces notes...

 

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Une oeuvre de Mokarrameh Ghanbari

Au Madmusée de Liège on révise son histoire...

     "Harvest", c'est le titre de l'exposition estivale du Musée d'Art Différencié (qui donne ce bel acronyme de MAD), titre très Neil Young, un peu trop anglais pour mon goût (est-ce que "moisson", ça fait péquenot chez nos amis belges...?). Elle se tiendra en deux lieux, en accès libre, au MADmusée du 2 juillet au 10 septembre, et au Grand Curtius, toujours à Liège, du 2 juillet au 13 novembre. Le propos du commissaire d'exposition (Brigitte Van Den Bossche?) est de montrer comment le "futur de la collection se dessine, grâce aux acquis des dernières années".ody saban,raymond humbert,akram sartakhti,mokarrameh,galerie hamer,art singulier,laduz,jacuqeline humbert,arts populaires ruraux,art contemporain iranien Depuis que j'ai vu des parties de ces acquis à l'expo parisienne de la Maison des Métallos, j'acquiesce à toutes ces propositions. Donc, que ceux qui le peuvent aillent faire un tour à Liège, une fois.

10/06/2011

Victoire et Défaite, à chacun son lot

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J.Galeani, Victoire, Défaite, 1919, coll.particulière, ph.Bruno Montpied

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Inscription au verso du tableau précédent: "se tableau qui avez 3 m X 2m50 fut Censure aux Salin de la Nationnale Paris 1919 J.Galeani", coll. particulière, ph. BM

     Je dois à deux collectionneurs qui souhaitent garder l'anonymat la découverte de ce tableau naïf réalisé vraisemblablement à la fin de la Grande Guerre. C'est visiblement une charge contre les possédants accusés d'être des profiteurs de guerre. La "Victoire" de 1918 est celle du magnat à gauche tripotant ses sacs d'or pendant qu'en arrière-plan les cheminées de ses usines fonctionnent à plein régime, couronnées de drapeaux tricolores. La "Défaite" en revanche est réservée au Poilu qui revient estropié auprès de sa famille, qui n'a pas l'air bien riche elle, leur drapeau en berne cette fois-ci, et la croix derrière la scène semblant dire que le martyr a été réservé aux petits pendant que les gros s'en mettaient plein les poches. L'inscription placée au dos du tableau semble indiquer que cette peinture fut accompagnée d'une autre beaucoup plus grande (car 3m x 2,50m n'est absolument pas la dimension de cette œuvre retrouvée), qui fut refusée dans un salon. En tout état de cause, il semble que nous soyons en présence d'une peinture anarchiste. J. Galeani en est l'auteur, un nom à retenir, en espérant retrouver d'autres œuvres de ce trublion...

19/05/2011

Les tronches au balcon

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E.Posteaux, Vieux Bouchons, liège sculpté dans des bouchons de Champagne, sans date, ancien "rassemblement" Philippe Lalane, ph. Bruno Montpied

    Voici ce que j'ai déniché sur la Foire à la Brocante de la Bastille qui commence officiellement aujourd'hui jeudi 19 mai. J'y ai bien été aidé, faut dire, par l'ami Philippe Lalane, dont on visitera le stand toujours avec fruit, d'autant que les stands environnants sont aussi bien inspirés. A quoi reconnaît-on ce stand me direz-vous? C'est le seul sur la Foire à vendre Eloge des Jardins Anarchiques...

23/04/2011

La Casa Leitao, quelques mètres cube de création pour soi, et de temps en temps pour les autres

    Grâces soient rendues à Laurent Jacquy qui a eu la gentillesse de m'emmener dans sa petite auto dériver sur les routes de la Somme. Il m'avait parlé l'air de rien d'un monsieur qui faisait "des choses" dans une sorte d'appentis ou de garage qu'il avait vu ouvert en filant sur une route non loin d'Abbeville sans pouvoir s'arrêter. Or, chaque fois qu'il repassait, comme de juste, le lieu était fermé. Le dieu des sites d'art brut me secondant généralement avec constance depuis pas mal de temps, il fallait me charger dans la petite auto!

 

José Leitao devant la casa Leitao, ph. Bruno Montpied, 2011.jpg

José Leitao, citoyen d'origine portugaise, sur le seuil de son atelier avec un Toutankhamon sur le feu, la "Casa Leitao", ph. Bruno Montpied

 

     Cela n'a pas loupé, le monsieur avait ouvert sa boutique (mot pas du tout idoine comme on le verra), comme exprès pour nous ce jour-là. On aurait dit qu'il nous attendait, sculptant un Toutankhamon sans trop d'application.

 

José Leitao,angle de l'atelier, ph. Bruno Montpied, 2011.jpg

José Leitao, les premières statues, ph Bruno Montpied, 2011.jpg

José Leitao, première photo ci-dessus, un angle de l'atelier-garage avec ses dizaines d'effigies sculptées entassées et couvertes de poussière ; deuxième photo ci-dessus, prés du cadre doré, les premières sculptures des femmes imaginaires, dont une joueuse de boules nue, sorte de Fanny?, ph BM

 

     Sacrée caverne d'Ali Baba que nous découvrîmes là! Dans un cube sombre, où une chatte ne retrouverait pas ses petits, José Leitao entasse au garde à vous ou en rangs d'oignon des dizaines et des dizaines de statues venues d'on ne sait trop quelle inspiration, mixant probablement plusieurs références - madones chrétiennes polonaises (un souvenir du sanctuaire de Jasna Gora à Czestochowa)?Madone du sanctuaire de Jasna Gora.jpg José Leitao, statuettes de madones chrétiennes dans un angle de l'atelier comme dans une grotte, ph. Bruno Montpied, 2011.jpgRéminiscences d'idoles hindoues? Statues africaines? Pièces de jeu d'échec géantes? Hermaphrodytes? Symboles islamiques (et pré-islamiques)? Têtes pharaoniques? - au sein d'un syncrétisme abandonné à la poussière et aux toiles d'araignée, il était difficile de se faire une religion.José Leitao, deux pièces comme des pions géants de jeu d'échec, ph. Bruno Montpied, 2011.jpg Ayant découvert le talent de ciseler à peu près tout ce qui lui passe par la tête (souvent des femmes, et des mains de Fatima, parfois saignantes, et des symboles) au moment de sa retraite, après une vie passée comme travailleur dans une usine textile de la région - à présent abandonnée - José Leitao a eu l'air de nous dire que cette révélation lui avait paru trop tardive pour pouvoir l'autoriser à s'en faire un nouveau métier.José Leitao,plusieurs exemplaires variés de mains de Fatima, ph. Bruno Montpied, 2011.jpg Si bien qu'il sculpte sans cesse pour lui-même avant tout, refusant opiniâtrement de vendre ces effigies qui lui donnent tant de plaisir à l'entourer ainsi, enserrant et cernant chaque jour un peu plus son modeste établi.

 

José Leitao au milieu de ses nombreuses khomsa (mains de Fatima), ph. Bruno Montpied.jpg

José Leitao vous salue bien, ph. BM

 

     On n'est pas dans une boutique donc. L'atelier bâille sur la route, l'ancien ouvrier sculpte au vu et au su de tous, populaire dans la région, où de nombreux articles de la presse régionale lui ont déjà été consacrés, parfois plus centrés sur les trois oies qui le suivent comme des toutous (alors que pour tout autre que lui elles n'ont que pincements cruels à distribuer) que sur ses étonnantes œuvres hésitant entre art naïf et art brut. Ce dernier pourrait en effet s'appliquer ici en raison du syncrétisme et des croisements de réminiscences culturelles mixées de façon originale. Certaines compositions, où Leitao a assemblé des objets sans rapports évidents (un cheval cabré et une main de Fatima par exemple ; une main de Fatima soudée à un front ; des empilements de têtes, des figures sans signification précise), relèvent d'une inventivité que l'on peut associer à l'art brut. Et puis il y a cette création très égocentrée, ce paradoxal désir de se montrer et de refuser dans le même mouvement de se séparer de ses œuvres (quoique ce refus ne soit pas si hermétique, son épouse nous confiera que le créateur fait parfois des dons). La poussière saupoudre d'ailleurs nombre des statues de son talc blanc, patine propre aux œuvres que l'on garde pour soi...

 

José Leitao,nombreuses  statues abandonnées à la poussière, ph. Bruno Montpied, 2011.jpg

Surpopulation au pays des effigies... Et puis, tiens?, que fait ce dinosaure ici...? Ph. BM

 

    Et puis, comme un clin d'oeil à mes propres inclinations, j'ai retrouvé ici des sirènes multiples.

 

José Leitao,sirène au buste voilé rose, ph.Bruno Montpied, 2011.jpg

José Leitao,sirène, ph.Bruno Montpied, 2011.jpg

José Leitao, sirènes, ph.BM