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01/05/2016

La Petite Brute, dates à retenir, film en avant-première, exposition, deux autres titres à paraître, Denise et Maurice, Marcel Vinsard...

      Denise, c'est Denise Chalvet, et Maurice, c'est Maurice Gladine. J'ai parlé d'eux ici même, ainsi que dans un numéro de Création Franche (« Un carnaval permanent dans l’Aubrac, les "épouvantails" de Denise et Pierre-Maurice », Création Franche n°38, juin 2013). Leurs mannequins, invention qui est plus l'apanage de Denise que de Maurice, qui la seconde, surtout sur un plan technique (par exemple dans le débitage des bois, leur taille, le déplacement des figures, etc.), sont semés sur une colline et un peu autour de leur ferme sur les contreforts de l'Aubrac.

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La colline aux mannequins-épouvantails de Denise Chalvet et Maurice Gladine, photo Bruno Montpied, 2014

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Denise Chalvet et Maurice Gladine, autres mannequins sur leur colline, ph.B.M., 2014

 

     Il en existe actuellement près de 400, certains restant stockés dans deux locaux, quelques-uns étant éliminés lorsqu'ils sont trop abîmés. Cette création d'épouvantails s'est affranchie de la fonction utilitaire de départ –épouvanter les oiseaux de proie qui pouvaient s'attaquer à leurs volailles– se transformant en prétexte de la créatrice pour camper en plein champ des figures expressives, leurs visages violemment bariolés, couronnant des parures à la fois élégantes et rustiques, trait peu commun chez les épouvantails. On a là, à l'évidence, un exemple de création populaire qui, partie d'une pratique traditionnelle en milieu rural, s'en est éloignée pour déboucher dans une activité innovante, nettement plus individualiste: ces  mannequins justement, outrageusement "maquillés", terme qu'emploie Denise Chalvet, qui ne dédaigne pas elle-même les cosmétiques, étant une femme plutôt coquette, presque excentrique, ce qui détonne dans ce milieu rural (voir son canotier).denise chalvet,maurice gladine,remy ricordeau,bruno montpied,collection la petite brute,l'insomniaque,épouvantails,mannequins en plein air,art populaire insolite,création franche,association puys'art,villeneuve-les-genêts,yonne,roméo gérolami,jacques burtin

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    Remy Ricordeau, dont j'ai parlé sur ce blog plusieurs fois, s'est emparé du sujet, à la fois pour en faire le troisième titre de la collection que je dirige à l'Insomniaque (la Petite Brute), Denise et Maurice, dresseurs d'épouvantails (dresseurs est à entendre à la fois comme dompteurs et comme habilleurs, bien entendu), et à la fois pour réaliser un film au titre éponyme, qui est joint en DVD au livre (disponible en librairie à partir du 15 mai, ne pas hésiter à le commander si vous ne l'y trouvez pas...; la librairie de la Halle St-Pierre sera la première servie bien sûr, où vous pouvez trouver aussi les deux premiers titres de notre collection, Visionnaires de Taïwan du même Ricordeau et Andrée Acézat, oublier le passé, de moi-même). La deuxième avant-première du film (la première ayant eu lieu récemment à St-Chély-d'Apcher, non loin de chez Denise et Maurice) aura lieu bientôt à Paris –le 11 mai à 19h– dans les splendides locaux de la SCAM (la Société qui perçoit les droits d'auteur des auteurs et réalisateurs de documentaires cinématographiques), avenue Vélasquez dans le 8e ardt. Si vous êtes intéressés, veuillez cliquer sur l'invitation jointe ici en lien (attention, il faudra confirmer votre venue). Des exemplaires du livre-film sur Denise et Maurice, et de Visionnaires de Taïwan, seront disponibles à la vente ce jour-là.

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Le Café associatif "Chez M'an Jeanne et Petit Pierre" à Villeneuve-les-Genêts, avant sa transformation par l'association Puys'art, ph Puys'art

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L'intérieur du Café animé par l'association Puys'art

 

      Le film sera également projeté au moins en deux autres occasions. D'abord le samedi 28 mai, pour accompagner un débat autour des inspirés du bord des routes que j'animerai au Café associatif "Chez M'an Jeanne et Petit Pierre", à Villeneuve-les-Genêts, dans l'Yonne (ce n'est pas loin de la Fabuloserie, des musées de Laduz (art populaire insolite)  et de Noyers-sur-Serein (art naïf et populaire)), à 15h, à l'invitation de l'association Puys'art, qui souhaite développer en Puisaye "un lieu de vie artistique et solidaire". Cela sera par la même occasion le lancement d'une exposition de mes photos (une bonne trentaine, de différents formats) sur divers habitants-paysagistes naïfs ou bruts, prévue pour se tenir dans ce café du 28 mai au 31 juillet. Sera également projeté, au même programme, "Rencontre avec Roméo" de Jacques Burtin, petit film de 17 minutes que nous avions improvisé Jacques et moi, lors d'une visite au fabricant de girouettes Roméo Gérolami, régional de l'étape, puisqu'il est basé à Bléneau (Yonne). Pour prendre connaissance du programme des animations proposées par Puys'art, c'est ici.

 

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René Escaffre, Roumens (Lauragais), un maçon (autoportrait de l'auteur peut-être), photo B.M. (ce cliché sera exposé à Villeneuve-les-Genêts en format 60x40cm), 2014

 

    Tous les livres édités au sein de la collection La Petite Brute seront disponibles à la vente (1, Visionnaires de Taïwan, 2, Andrée Acézat, oublier le passé, 3, Denise et Maurice, dresseurs d'épouvantails, et 4, Marcel Vinsard, l'homme aux mille modèles). En effet, le 4e titre de la collection, que j'ai écrit à propos d'un créateur d'environnement particulièrement peuplé (mille statues en polystyrène et en bois) situé en Isère, très peu chroniqué jusqu'à présent, sera présenté en avant-première au public des amateurs qui viendront à cette journée. Sa sortie en librairie est en effet plutôt prévue pour l'automne.

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Le projet actuel de couverture du 4e titre de la Petite Brute, Marcel Vinsard, l'homme aux mille modèles, de Bruno Montpied

     Enfin, une troisième date est à retenir, à nouveau pour les amateurs parisiens: le dimanche 19 juin, à l'auditorium de la Halle St-Pierre, où Remy Ricordeau et moi-même présenterons (et dédicacerons à ceux qui en feront la demande), l'après-midi, l'ensemble des quatre titres de la Petite Brute, après une projection du film Denise et Maurice, dresseurs d'épouvantails. Peut-être présenterons-nous en sus quelques photos en rapport avec les trois autres titres de la collection. Je ferai probablement un rappel de cette journée dans les semaines qui viendront.

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Le logo de la collection La Petite Brute

28/03/2016

"De bric de broc", exposition au musée d'art naïf et singulier de Laval

 

De Bric et de broc expo Laval 26 mars-26septembre 2016.JPG

Affiche de la nouvelle expo du musée d'art naïf et d'arts singuliers de Laval (on notera le pluriel désormais attaché par les responsables du musée de Laval à "art singulier"), 26 mars au 27 septembre 2016

      C'est une "exposition-dossier" à laquelle nous convient Antoinette Le Falher, directrice des musées de Laval, et ses collaborateurs, conçue pour mettre en valeur, hors de la collection permanente, des œuvres confectionnées à base de matériaux recyclés ou détournés, comme les galets peints que l'on voit sur l'affiche ci-dessus et dont je ne reconnais pas l'auteur (Alain Pauzié peut-être?).

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Pierre Albasser dessin sans titre de 2007

     On retrouvera ainsi, entre autres, sur les cimaises du musée du Vieux-Château, Pierre Albasser, dessinateur et peintre sur cartons alimentaires exclusivement, Jean-Louis Cerisier, régional de l'étape (dans la section petits papiers consacrée aux œuvres faites de collages), Youen (Yves) Durand, un formidable mosaïste autodidacte populaire dont quelques tableaux ont fait le déplacement depuis le Finistère (voir ci-contre  "Bellorophon monté sur Pégase terrassant la chimère", titre aimablement communiqué par Mme Durand de l'Association des amis de Y.D.),de bric et de broc,musée d'art naïf et d'arts singuliers de laval,pierre albasser,bruno montpied,antoinette le falher,youen durand,alain pauzié,jean-louis cerisier,art naïf,art singulier,jean-jean,popa,monchâtre,fillaudeau,boix vives,alain lacoste Alain Lacoste et ses "bri-collages" (voir ci-dessous), Bruno Montpied (deux œuvres en collage là aussi, une "orthodoxe", faite seulement de photos découpées – assez ancienne puisqu'elle date de 1983, elle est intitulée Le Fakir – et une en "technique mixte" de 1999, intitulée La voix du mauvais sang, voir ci-dessous), Léopold Jean-Jean (un Naïf cette fois, autrefois défendu par Anatole Jakovsky, connu pour ses tableaux de bateaux en relief fort rugueux et quasi bruts, voir ci-dessous un paysage maritime exposé à De bric de broc),de bric et de broc,musée d'art naïf et d'arts singuliers de laval,pierre albasser,bruno montpied,antoinette le falher,youen durand,alain pauzié,jean-louis cerisier,art naïf,art singulier,jean-jean,popa,monchâtre,fillaudeau,boix vives,alain lacoste Noël Fillaudeau, avec certains de ses objets constitués d'agglomérats de matières hétéroclites (il est par ailleurs connu pour ses "métamorphoses" (peintures sur photos de magazines ; voir ci-dessous), Anselme Boix-Vives, Sabine Darrigan, Nicolae Popa, créateur populaire avant tout sculpteur et assembleur je crois, fort connu et estimé en Roumanie où un musée lui est consacré (voir ci-dessous le masque à l'expression bien grotesque qui est présent dans l'expo de Laval),de bric et de broc,musée d'art naïf et d'arts singuliers de laval,pierre albasser,bruno montpied,antoinette le falher,youen durand,alain pauzié,jean-louis cerisier,art naïf,art singulier,jean-jean,popa,monchâtre,fillaudeau,boix vives,alain lacoste François Monchâtre, connu pour sa série des "Crétins" et ses  machines "automaboules", Alain Pauzié connu pour peindre sur des semelles, etc... L'exposition sera l'occasion de faire également des découvertes de créateurs moins connus, comme par exemple les paysages en assemblages de matériaux composites d'un certain Léon Chimisanas.

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Alain Lacoste, le pont d'Art-Colle, 2005, collection permanente du musée d'art naïf et d'arts singuliers de Laval, ph. Bruno Montpied, 2011

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Noël Fillaudeau, sans titre (série des "Métamorphoses"), peinture sur page de magazine, 10x17 cm env., vers le milieu des années 1990, coll. et ph. B.M.

    Le carton d'invitation à l'inauguration, qui aura lieu le samedi 2 avril à 15h30, annonce la prise de parole de "personnalités du monde de l'art singulier". Sont ainsi annoncés (sous réserve): Didier Benesteau (pour parler d'Alain Pauzié et Jean-Joseph Sanfourche), des membres de l'association Youen Durand, Pierre Albasser, Douce Mirabaud et moi-même.

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Bruno Montpied, La voix du mauvais sang, collage et technique mixte sur papier, env. 24x32 cm, 1999, coll. Musée d'art naïf et d'art singuliers de Laval ; cette œuvre figure dans l'exposition De bric de broc

19/03/2016

40 ans de la Collection d'art brut de Lausanne, 70 ans de l'apparition de l'art brut, etc.

L'art brut de Jean dubuffet Aux origines de la  collection .jpg

L'œuvre illustrant l'affiche de l'exposition est de Joseph Dégaudé-Lambert, dessinateur inconnu du XVIIIe siècle

 

    C'est pratique les commémorations, ça permet d'avoir l'idée d'une exposition. La nouvelle, à Lausanne, qui a commencé le 4 mars, fait retour sur les origines de la Collection de l'art brut, à l'occasion des 40 ans de son ouverture au Château de Beaulieu, après la donation de Dubuffet à la ville de Lausanne. Un gros – et grand – catalogue est publié à la clé. Je n'ai pas vu l'expo, je me base donc sur ce dernier, qui est déposé ici et là en librairie à Paris (moi, je l'ai trouvé à L'Ecume des Pages, merci Marieke...).

 

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La couverture du catalogue de l'exposition "L'Art brut de Jean Dubuffet, aux origines de la Collection", au graphisme pas très original si on se réfère aux anciennes couvertures des premiers fascicules de la Collection qui utilisèrent longtemps cette écriture peinte (qui fut de plus imitée par d'autres ça et là), et avec un type de reliure (à la japonaise, cousue ,sans dos) qui fait penser à certain récent catalogue de la collection ABCD, normal, si l'on songe que Flammarion est co-éditeur des deux...

 

    C'est une sorte d'exposition rétrospective, où la Collection survole l'histoire de sa constitution. Le catalogue, éludant quelque peu les années de  tâtonnement de Dubuffet  (pourtant l'art brut a commencé de l'obséder dès la fin des années 1940, après un premier intérêt dans les années 1920 pour les dessins de nuages d'une certaine Clémentine Ripoche), et ne citant que peu les expositions du sous-sol de la galerie Drouin, puis du Foyer de l'art brut dans le pavillon prêté par les éditions Gallimard, s'étend en premier lieu sur l'évocation de la grande exposition de 1949 dans la même galerie Drouin (sans doute parce qu'elle fut la première imposante par le nombre d'œuvres ou d'ouvrages exposés), avant d'aborder  les acquisitions des décennies suivantes.

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      Les premières œuvres qui avaient été exposées en 1947-1948 (à partir de novembre-décembre 1947) avec la collaboration de Michel Tapié, et divers autres amis et adhérents des débuts de la collection (Charles Ratton, André Breton, Robert Giraud, Aline Gagnaire, Henri-Pierre Roché, entre autres) exprimaient une grande ouverture dans la recherche des œuvres relevant d'un art de l'ombre, distinct et distant vis-à-vis du "grand art". Indécis sur la direction à prendre, on prenait ce qui venait, quitte à trier plus tard sans doute. L'art naïf, l'art des enfants, l'art de certains peuples non occidentaux, pouvaient être prospectés. Dans ces deux premières années de recherche systématique – la "Compagnie d'art brut" fut fondée le 11 octobre 1948 –, on voit passer dans les locaux provisoires prêtés (?) à Dubuffet, par exemple "les Barbus Müller" (pierres de granit et basalte, venues semble-t-il d'Auvergne, créées par un (ou des) auteur(s) anonyme(s)), les sculptures de l'artiste primitiviste Krizek, les peintures illuminées de Miguel Hernandez, les silex interprétés de  Juva – alias le comte autrichien Juritzky –, les œuvres de Robert Véreux (alias Robert Forestier), de Chaissac, de l'alchimiste Maurice Baskine, les médaillons de ciment de l'aubergiste Salingardes, les masques du brocanteur bordelais Maisonneuve, des peintures "médiumniques" de Crépin, des dessins de Scottie Wilson... Certaines de ces productions vinrent des signalements donnés par les surréalistes que Dubuffet, au début de son entreprise de rassemblement d'un art inventif et sauvage incognito, tentait de rallier à sa cause, jusqu'à ce que ce compagnonnage vole en éclats, Breton trouvant en 1951 Dubuffet dictatorial, tandis que ce dernier accusait les adhérents de la première heure de n'avoir pas fait grand chose pour l'aider (voir la correspondance de Jean Dubuffet  publiée dans Prospectus et tous écrits suivants chez Gallimard)...

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Projet de composition de l'Almanach de l'art brut, tel qu'il figure dans une lettre de Dubuffet à André Breton publiée sur le site web consacré à André Breton

     Mais que le catalogue et l'exposition ne s'attardent pas outre mesure sur ces deux années de tâtonnement, c'est sans doute parce que, comme l'annonce une note fort furtive en marge d'une contribution de Sarah Lombardi, actuelle directrice de la Collection lausannoise (p.19), un projet d'édition va enfin voir le jour concernant l'Almanach de l'Art Brut, qui permettra peut-être d'en parler plus largement. Ce serait prévu pour novembre 2016 (dans une édition critique établie par Baptiste Brun et Sarah Lombardi, et réalisée par la collection de l'Art Brut en collaboration avec 5 Continents et l'ISEA ). Ce qui sera, du point de vue des amateurs obsédés par l'art brut et son histoire, un événement puisqu'on attend son exhumation depuis 70 ans, l'édition n'ayant pu se faire en 1948. On se reportera  à l'ouvrage l'Art brut de  Lucienne Peiry (Flammarion, 1997, voir p.303) pour en savoir un peu plus sur cet almanach, laissé à l'état de manuscrit dans les archives de la Collection, et qui rassemblait au même sommaire, excusez du peu: André Breton, Benjamin Péret (sur Robert Tatin, et ce, dès 1948, texte inédit, jamais publié dans ses œuvres complètes), Jean Dubuffet, Gaston Chaissac, Walter Morgenthaler, Michel Tapié, E.L.T. Mesens (par qui était "arrivé" Scottie Wilson...), Lise Deharme (voir son texte sur Alphonse Benquet sur ce même blog, où je l'ai édité virtuellement en première mondiale grâce à l'obligeance de Lucienne Peiry...), Jacqueline Forel, Eugène Pittard, Charles Ladame, etc. Cet almanach, dont l'idée de la forme revenait peut-être à Breton, qui en réalisa un autre en 1950,  centré sur le surréalisme (l'Almanach surréaliste du demi-siècle), est probablement imprégné de cet esprit de non dogmatisme et d'ouverture qui régnait dans ces années pionnières. Dubuffet se raidira dans les décennies suivantes, déniant aux Naïfs et aux créateurs trop liés à une culture populaire repérable, l'inventivité surgie de nulle part dont il rêvait, à la fois dans sa propre œuvre et dans celle des autres. Le fait que l'on reconnaisse aujourd'hui qu'il y a toujours de la culture, savante ou populaire, dans le soubassement des gestes créatifs, y compris parmi ceux qui sont les plus cachés et les plus refoulés, doit impliquer que l'on puisse réévaluer certains marginaux naïfs ou populaires, du type de ceux que l'on vit émerger dans les débuts de la collection de Dubuffet, comme par exemple ce Joseph Dégaudé-Lambert, dont les huit gouaches du XVIIIe siècle conservées à Lausanne (précision apportée par le catalogue de l'expo actuelle), furent reversées par Dubuffet à partir du début des années 1960 dans sa collection "annexe" (consacrée aux cas-limites de l'art brut et de l'art culturel...). Chaque fois que l'on voit en réapparaître une dans les publications de la Collection de l'art brut¹, on reste sidéré... Voilà encore un créateur énigmatique de premier ordre sur lequel on aimerait recueillir davantage d'informations.

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Salingardes (à gauche) et broderie de Marguerite Sirvins (à droite), pages du catalogue L'Art Brut de Jean Dubuffet, aux origines de la collection, ph. Bruno Montpied

      Le catalogue de l'exposition, en contraste avec sa couverture grise ascétique, est d'une richesse iconographique remarquable, reflétant sans doute bien celle de l'exposition elle-même. J'ai mes favoris parmi tous ces créateurs, dont certains surgissent des réserves de la collection pour la première fois (ou peu s'en faut), comme cette écorce de bouleau de Pierre Giraud qui vaut bien mieux que ses dessins je dois dire.

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Pierre Giraud, sans titre, 1947, écorce de bouleau sculptée

      Je ne résiste pas aussi au plaisir d'énumérer, parmi les créateurs exposés en 1949 chez Drouin,  ceux qui me touchent plus particulièrement: Aloïse, Antinéa, Benjamin Arneval, Julie Bar, Georges Berthomier (un naïf fruste), Maurice Charriau (une copie conforme de Chaissac : il me semble me souvenir qu'il s'agissait d'un adolescent que ce dernier poussa à dessiner), Crépin, Joseph Heuer, Juliette Elisa Bataille, Juva, Hernandez, Maisonneuve, Parguey, Clotilde Patard (là aussi une naïve fruste comme on les aime), Raymond Oui, Salingardes, Marguerite Sirvins, Berthe Urasco, Wölfli, Albino Braz, Somuk (un Mélanésien), Gottfried Aeschlimann,  Jaime Saguer, et toutes sortes d'anonymes... Les acquisitions qui eurent lieu les décennies suivantes ont bien entendu apporté d'autres merveilles.

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Somuk, illustration pour un conte recueilli par Patrick O'Reilly, dans le catalogue Art mélanésien, Nouvelles éditions latines, Paris, 1951

     Le catalogue laisse aussi la parole aux deux précédents directeurs de la Collection, Michel Thévoz et Lucienne Peiry. Thévoz notamment rétablit une information importante concernant l'hypothèse qui a couru chez maints exégètes et chroniqueurs de l'art brut selon laquelle l'Etat français aurait refusé la donation de la collection au moment où, après 1967 et l'exposition du Musée des arts décoratifs, Dubuffet commençait à  songer à la possibilité de créer un "Institut de l'art brut". En réalité, le ministre de la culture de l'époque, Michel Guy, avait soutenu l'idée d'une donation au Centre Georges Pompidou, et c'est Dubuffet qui n'en avait pas voulu. Ce dernier, se tournant vers Lausanne et la Suisse, crut même à un moment que sa collection ne pourrait franchir la douane, Michel Guy menaçant de ne pas la laisser sortir de France. Michel Thévoz, dans cette même interview, reste cependant évasif sur la méthode employée par le peintre français pour permettre à sa collection de franchir finalement la frontière.

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Ni Tanjung, telle qu'elle figure dans une courte vidéo de Petra Simkova réalisée en février 2016 ; elle exécute ici une danse traditionnelle dans le minuscule local où elle survit tant bien que mal, entourée de ses dessins réalisés en silhouettes accrochées à des fibres de bambou

    Le catalogue comprend également un autre entretien, avec Lucienne Peiry cette fois qui revient sur l'ouverture qu'elle pratiqua dans les acquisitions de la collection en direction des autres continents à partir de 2001, ouverture qui fut stoppée net par le syndic de la ville de Lausanne en 2011, Daniel Brélaz, au motif que devant la concurrence des autres musées et collections s'ouvrant à travers le monde, il fallait désormais se concentrer sur les acquis, afin de préserver l'identité de l'art brut en somme, faire des économies, et faire machine arrière par rapport à l'extension indéfinie des acquisitions à l'international. C'était là, de la part du syndic , une déplaisante attitude à mon humble avis, entachée d'un esprit de macération dans le cercle étroit de ses habitudes. Grâce à Lucienne Peiry, la collection nous avait fait connaître, entre autres, et sans préjuger de découvertes continuées parallèlement  en Europe et en Suisse (voir l'expo L'art brut à Fribourg), de grands créateurs lointains, comme la Chinoise Guo Fengyi,  le Ghanéen Ataa Oko ou la Balinaise Ni Tanjung. sur laquelle je reviendrai bientôt. "La puissance et la dissidence de l'Art Brut ne sont donc pas dépendantes des frontières géographiques", affirme ainsi Lucienne Peiry dans l'entretien avec Sarah Lombardi. Le récent livre de Remy Ricordeau, Visionnaires de Taïwan, paru en 2015 à l'égide de la collection La Petite Brute aux éditions de l'Insomniaque, révélant plusieurs environnements bruts inédits dans l'ancienne île de Formose, n'est pas là, par exemple, pour contredire cette puissante affirmation...

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¹ Une autre reproduction de gouache est à découvrir dans le catalogue de la Neuve Invention que la collection fit paraître en 1988 (catalogue qui mériterait du reste d'être réédité, et augmenté).

    

20/12/2015

Dictionnaire du Poignard Subtil

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PETIT ART :

     "Le petit art englobe les rebuts, les sensibilités artistiques réduites à leur plus simple expression. C'est l'image collée dans le fond de la galoche, l'écusson du béret basque, le loquet de volet, le marron sculpté.petit art,art modeste,raymond humbert,jacqueline humbert,l'art insolite,sculpture buccale,art de l'immédiat,citations C'est la sculpture épidermique avec les savons de Marseille et leurs marques aussi belles que des camées, c'est la sculpture buccale avec ses fèves, ses bonbons et ses moules à gâteaux, c'est l'imagerie froissée avec ses papiers d'emballage d'oranges.petit art,art modeste,raymond humbert,jacqueline humbert,l'art insolite,sculpture buccale,art de l'immédiat,citations C'est encore la sculpture ventilée, soufflée, gonflée. Cette sculpture tellement présente qu'on ne la regarde plus car on la ressent en permanence: bref, c'est la vie. C'est nous-mêmes dans nos gestes quotidiens et dans nos intonations, la façon de tousser, de marcher, de serrer la main, celle de coller un timbre ou de fermer une enveloppe ou encore celle d'ouvrir une boîte de conserve. La disparition de ces activités en révèle l'existence. Ecoutez la façon de sonner ou de frapper à la porte, vous saurez qui vient vous rendre visite et dans quelle disposition il se trouve. Un simple chuchotement peut en dire plus que le plus beau des assemblages de sons."

Raymond Humbert, Jacqueline Humbert, L'Art insolite, Le Seuil, 2001

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15/11/2015

Le sculpteur sauvage de Batz-sur-Mer se démasque à moitié...

      J'ai reçu ces derniers jours une communication de la part du mystérieux sculpteur des roches de Batz-sur-Mer, après avoir aperçu l'ancienne note que j'avais mise en ligne au sujet de ses furtives sculptures en 2009, après que Remy Ricordeau me les avait signalées. Sans accepter de dévoiler son identité complète il veut bien qu'on l'appelle  simplement Fernand "le Rennais". En effet, il vit dans cette bonne ville.

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Deux vues des roches sculptées à Batz-sur-Mer, celle du haut prise par Bruno Montpied en 2010, celle du bas avec un profil de tête à la gueule bien dentée, un hippocampe à droite, prise par Remy Ricordeau en 2008

     Il semble qu'il ait opéré ses tailles au burin (c'est lui qui emploie ce mot) dans les roches brutes du bord de mer durant plusieurs mois d'août passés à Batz (au cours d'une trentaine d'années). La date de 1995, que j'avais déchiffrée dans ces rochers, confirmée par lui, signa la fin du travail. Qui est-il? Pourquoi a-t-il agi ainsi? Il ne m'a pas donné jusqu'ici beaucoup d'informations complémentaires.  Il m'a écrit: "ma passion c'est le jardinage, la sculpture et la mosaïque." "Sa "passion", mais pas son métier qui était tout autre.

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Deux profils opposés sculptés par évidement sur une des roches, ph Remy Ricordeau, 2008

     Tout au plus m'a-t-il indiqué qu'une autre sculpture se trouverait par delà, "à 50 mètres", sur une autre roche. On l'aperçoit partiellement sur cette autre photo ci-dessous derrière les estivants qui la cachent, pourvue de motifs plus ornementaux on dirait, mais aussi d'un profil de goéland peut-être.

    Un article, un simple entrefilet à dire vrai, non signé, a paru m'a-t-il dit également, dans un numéro de Ouest-France en 1998. Le voici ci-après, sous la photo de la roche isolée. Comme on le constate, ce sont toujours les journalistes locaux qui arrivent les premiers sur les sites curieux créés en plein air (ici, a-t-on affaire à un autodidacte? Il semblerait...).

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La roche sculptée plus loin ; Fernand "le Rennais" ne donne aucune source, aucune date pour cette photo qui paraît reprise d'un magazine...

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Entrefilet de 1998 dans Ouest-France, tel que transmis par Fernand "le Rennais"

 

11/11/2015

Art populaire des soldats, pour dépasser par la merveille la grande boucherie...

   11 novembre... On se repasse les vieux souvenirs de la grande guerre lorsque des soldats venus de tous les horizons d'Europe et des empires coloniaux sont venus engraisser la terre de France. Et moi, je rassemble les quelques objets en provenance de soldats qui sont venus échouer entre mes mains, fragiles (ou non) traces de leur passage sur terre... :

 

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Sans titre, "fait le le 25.9 par EMI... 1917, Souvenir de (HMANL?) Auberville-la-Renault" (commune existant dans la Seine-Maritime), ph. Bruno Montpied

    Cet ange qui me fut un jour expédié du centre de la France dans une boîte pleine de paille par Stéphanie Lucas avec ce petit texte accroché autour de lui... "Je n'ai pas de nom. On dit que j'ai été créé dans une tranchée pour honorer un ami cher, c'était il y a près d'un siècle."

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Anonyme, Albert Ier et Elisabeth, roi et reine des Belges, notamment durant la guerre de 14-18, avec des inscriptions, gravées comme les effigies des monarques : "Souvenir, L'Union fait la force" et avec l'écusson de la Belgique ; beaucoup d'objets et bibelots furent produits à l'image de ce roi populaire en Belgique au moment de la guerre notamment ; ph BM 

    Ces douilles d'obus dorées gravées d'effigies du roi et de la reine des Belges par un Poilu inconnu... On sait qu'il existe nombre de douilles ciselées en ouvrages de patience par les soldats, mais généralement plutôt gravées de motifs floraux décoratifs qui personnellement m'ennuient plus.

C. Desage,-Souvenir-de-soissons,-janvier-1916,-22x18cm, collage, tressage, découpage et crayons sur papier  (2).jpg

C. Desage, "Souvenir de Soissons 1916", avec monogramme au tampon "DC"; sont représentés en un bouquet relié par un nœud de soie verte les drapeaux de la France, de la Russie (probablement), du Commonwealth (probablement), de l'Italie (probablement), de la Belgique ; j'ai du mal à comprendre le dessin paraissant figurer deux tranches de pommes en haut à droite ; ph. BM

     Ce petit tableau confectionné avec une curieuse technique... où des bords cadrant l'image centrale (ainsi que les hampes et les contours des drapeaux) ont été réalisés grâce à un minutieux découpage dans du papier fin quadrillé, peut-être en double épaisseur, l'un teint en bleu au crayon de couleur, un autre comme doré. Du tissu de soie est collé en relief aussi à diverses places du premier filet de cadre intérieur, lui aussi brillant légèrement, même cent ans après... Le dessin est simplement exécuté aux crayons de couleur. Travail de patience d'un orfèvre cherchant l'exploit à n'en pas douter.

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Anonyme, pot en terre vernissée, XXe siècle? Ph BM

    Et ce pot représentant une tête d'officier au képi jaune dont je n'ai toujours pas réussi à situer la nationalité depuis la première fois où je l'ai mis en ligne sur ce blog... Joli dessin naïf, non?

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Chrétien Volckel, "Corps royal d'Artillerie 6ème régiment", sans doute entre 1830 et 1848 (époque de Louis-Philippe, voir la couronne entourée des drapeaux tricolores en haut de la composition) ; ph BM

    Depuis bien plus longtemps que le XXe siècle, on trouve des traces de l'attachement enfantin des soldats pour certains prestiges de l'armée, les boum-boum des canons, les uniformes, les képis à pompons, le spectacle des combats, en dépit des atrocités qui les accompagnent, comme le dessin aquarellé sur papier ci-dessus le montre bien, avec ces militaires à la parade comme des soldats de plomb qu'un enfant viendrait de sortir d'une boîte de jouets...

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Poulet, dragon dans le "1er régiment de dragons, 3= escadron,, 4= peloton, tirage 7, matricule 345, classe 1897...", photo surpeinte (apparemment), ph. BM

 

     Et que dire de ce tableau-ci, montrant un dragon à cheval, nommé cocassement Poulet (pour une fois qu'un poulet fait du cheval...), vers 1897, dont je ne suis pas sûr qu'il soit bien l'auteur, car l'œuvre a très bien pu être confiée à un artisan spécialisé dans la retouche de photographie. Je n'ai pas démonté le cadre centenaire pour examiner le support de l'image, mais il semble bien que ce soit un tirage photographique qui ait en effet servi de base à la peinture qui a tout recouvert hormis le visage du dragon, sa main droite tenant la lance aussi... Le cheval paraît avoir été inventé et non colorié à partir de la photo, ses pattes postérieures et antérieures sont projetées en parallèle en avant et en arrière, le peintre ayant ignoré le fait -révélé par les photographies de Marey ou de Muybridge pourtant à une époque précédente- que les chevaux vont l'amble, les pattes de gauche se déplaçant ensemble à l'opposé des pattes de droite... Et donc ne pouvant prendre l'aspect des pattes que l'on voit dans cette peinture.Muybridge_horse_pacing_animated.gif Peint ainsi le cheval du dragon paraît voler au-dessus du sol, comme on le voit dans certains tableaux d'époques plus anciennes représentant des courses équestres (j'ai dans l'esprit un derby d'Epsom peint où les cavaliers et leurs montures paraissent en lévitation au-dessus du gazon de l'hippodrome...).

Notre dragon s'est représenté en train de jouissivement caracoler dans la plaine avec ses petits camarades en arrière-plan, comme s'il s'agissait d'une sortie équestre agreste. On le croirait parti pour un tournoi de démonstration, tagada-tagada....

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Les belles bacchantes des dragons fin de XIXe siècle...

    Sur cette œuvre, on consultera en complément d'information la note du 18 novembre, "Fantaisie militaire", que Laurent Jacquy a consacrée à notre dragon sur son blog Les Beaux Dimanches, où l'on verra que l'auteur nous y révèle posséder plusieurs autres de ces "cadres de réservistes" fréquents entre la fin du Second Empire et la guerre de 14-18.

  

17/07/2015

Retour sur "Brut de Pop' " à l'écomusée de Marquèze, Art populaire et art brut, ou Art populaire et art singulier?

couv catal brut de pop.jpg

 

    J'ai reçu le catalogue de l'exposition qui s'est terminée le 28 juin à l'Ecomusée de Marquèze dans les Landes, réalisée en partenariat avec le  Musée de la Création Franche de Bègles (je profite de cette note pour remercier les responsables de ce dernier). Ce catalogue, présentant les motivations de ses organisateurs (principalement les conservateurs de l'Ecomusée de Marquèze), appelle quelques remarques de ma part, d'autant qu'une de mes déclarations écrites y est prise à témoin, gentiment contestée (comme quoi l'art populaire au sens  rural, collectif et normé aurait disparu et survivrait de façon individualiste dans une partie de l'art brut).

    "Brut de Pop' "  se proposait de confronter l'art populaire et "l'art brut", assimilé par la principale commissaire de cette exposition, Vanessa Doutreleau, tout uniment, dans un bel amalgame qui ne s'embarrasse que de peu de nuances, à l'ensemble de la collection du musée de la Création Franche à Bègles, qui avait prêté pour cette manifestation environ 250 œuvres. Je parle d'amalgame et d'absence de nuances dans la terminologie parce que comme le savent ceux qui fréquentent ce musée, il existe de fortes différences, à la fois en termes de sociologie de l'art qu'en termes d'inspiration et d'arrière-plans culturels, entre les différentes expressions plastiques conservées à Bègles.

     On y trouve de l'art brut, mais aussi de l'art naïf, de l'art populaire contemporain, de l'art contemporain singulier, des surréalistes se revendiquant en tant que tels aujourd'hui même (en filiation avec le mouvement surréaliste historique et non pas de façon unilatéralement proclamée, comme cela paraît se produire ici et là, notamment à Bordeaux), le tout s'amalgamant dans ce que Gérard Sendrey a étiqueté "création franche" (sans parvenir véritablement au fil du temps à imposer le terme) et qui ces derniers temps se laisse aussi englober sous l'étiquette d'art marginal¹ pour ne plus dire "art singulier" qui, du fait de ses terribles succédanés - les sous-Chaissac et les producteurs de têtes à Toto en pagaille - est un terme aujourd'hui bien galvaudé.

 

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Jean Dominique (en haut) et Gabriel Vergez (en bas), catalogue Brut de Pop'

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René Guisset, danseurs aux rubans, sculpture coll. Alain Moreau

 

     Si Vanessa Doutreleau a totalement raison quand elle met en regard les sculptures naïves et frustes (terme non péjoratif sous les touches de mon clavier) de Jean Dominique, voire aussi de René Guisset  (tous deux présents dans la collection de la Création Franche) avec celles de l'autodidacte de semblable culture populaire Gabriel Vergez (qui fait partie de la collection de l'écomusée de Marquèze et qui à cette occasion s'est révélé être une véritable découverte), Dominique et Guisset exemples tous deux de sculpture populaire contemporaine², les autres comparaisons de notre commissaire d'exposition - par exemple lorsqu'elle confronte les œuvres d'artistes, plus ou moins consciemment déférents à l'égard des œuvres de l'art populaire rural (comme le font  entre autres Jean-Joseph Sanfourche ou Gilles Manero), avec d'autres objets venus de la collection d'art populaire de l'Ecomusée de Marquèze, objets religieux ou bien outils - ces autres comparaisons ne renvoient plus à une confrontation art populaire rural/art brut, mais plutôt à un rapport art populaire rural/art singulier. Or l'écart entre ces deux catégories, pour le coup,  se trouve être bien plus large.

 

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Ce véhicule brinquebalant de Burland peut paraître associable à l'art brut... Mais seulement si on ignore que son auteur, suisse, a beaucoup vu d'œuvres d'art brut... qui l'ont probablement passablement marqué

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Carlo M, bateau le Sozialis, art produit en hôpital psychiatrique en Suisse ; une référence pour François Burland ?

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Jean Bordes relève quant à lui nettement plus nettement de ce que l'on appelle l'art brut, du genre structures amalgamées-ficelées (voir Judith Scott aussi) ; lui aussi a pu influencer certains singuliers que l'on qualifie du coup de "bruts", par confusion des genres je trouve

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Voici une maquette de trolley du Néerlandais Willem Van Genk qui lui aussi a dû impressionner François Burland... ; selon moi ce dernier illustre bien un type d'artiste contemporain singulier qui connaît si bien l'art brut qu'il en est profondément marqué ; cependant il s'en distingue généralement par un aspect esthétisant qu'il ne peut que difficilement éviter (voir la première image de cette série, l'œuvre de François Burland, un tantinet plus pimpante...)

 

     L'art singulier, autrement appelé Création Franche à Bègles ou Neuve Invention à Lausanne, regroupant toutes sortes d'artistes semi-professionnels, en marge du système traditionnel des Beaux-Arts, artistes auxquels le terme turfiste d'outsider correspond finalement assez bien (c'est le canasson pas favori au départ qui peut finir par arriver bon premier...), l'art singulier est en effet assez différent - par ses substrats culturels, et par les connaissances artistiques de ses auteurs - du jaillissement irrépressible de l'art véritablement brut. L'art singulier, produit de créateurs semi-artistes – "semi", parce qu'introduits de façon limitée dans le monde professionnel (c'est évidemment variable selon les cas) – l'art singulier est une pratique de l'art, la majeure partie du temps autodidacte, où l'on sent malgré tout une culture artistique à l'œuvre par-dessous. Culture artistique souvent forgée de manière personnelle, et influencée par l'exemple rude et direct des créateurs de l'art brut.

 

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Les semelles peintes d'Alain Pauzié, artiste atypique de la Création franche et de l'art singulier, n'ont en commun avec les sabots décorés de l'art populaire que le fait d'appartenir au monde de la chaussure ; la confrontation des deux arts débouche ici sur une confrontation art populaire/art contemporain (marginal): pourquoi pas? Mais l'étude devrait alors être infiniment plus vaste, ouvrant sur des perspectives beaucoup plus cruciales (l'usage social de l'art) qui ne paraissent pas faire partie de ce qu'ont recherché les organisateurs de "Brut de Pop' ")

 

      L'automatisme, même si il n'est pas revendiqué sous ce vocable, est largement pratiqué dans l'art singulier où l'on reconnaît des artistes tout à fait anticonformistes qui sont aujourd'hui diffusés par les médias, comme Gaston Chaissac par exemple, énormément imité çà et là par tant et tant d'épigones moins originaux. Cobra, Dubuffet, les surréalistes, Miro, l'art populaire, mais parfois aussi l'expressionnisme allemand, en plus généralement de tout ce qui se fait connaître à travers de grandes expositions évoquées par les médias, bouleversent et chamboulent les esprits de ces autodidactes qui se lancent dans l'art avec spontanéité. Un certain primitivisme dans l'expression, un goût des couleurs vives pour ne pas dire criardes, sont des caractéristiques récurrentes dans ces arts singuliers.

     Vanessa Doutreleau, qui s'intéresse visiblement beaucoup à l'art populaire (ce en quoi elle nous est sympathique, de même que le concept de cette exposition), s'efforce donc de trouver des parallèles entre les collections de son écomusée et certaines œuvres du musée de la création franche qu'elle assimile à la louche à l'art brut. Elle veut s'attacher à prouver que l'art populaire n'est pas mort, et qu'il survit aujourd'hui dans ce qu'elle prend pour de l'art brut à Bègles. Elle aurait dû je pense, tout en triant plus judicieusement dans la collection du musée de Bègles (garder Jean Dominique et Emile Ratier...), se tourner en outre du côté de plusieurs autres collections et peut-être notamment interroger des collections d'art populaire contemporain, comme celle du petit musée des Amoureux d'Angélique au Carla-Bayle dans l'Ariège, ou puiser dans l'histoire des expositions montées dans le passé par le Musée International des Arts Modestes à Sète et ailleurs. L'art modeste est en effet un concept qui recoupe assez largement celui d'art populaire contemporain, même si son défenseur, le peintre Di Rosa l'a tellement  élargi qu'il en est devenu un inénarrable fourre-tout (pin-ups sur camions, mouchoirs dessinés par des taulards, skate customisés, décors de flippers, collectionnites aiguës, jouets anciens, publicités, ex-voto contemporains, affiches peintes à la main, masques de catcheurs mexicains, etc.).

 

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Cette confrontation entre une machine à tailler la bruyère bricolée par Jean Cazenave (collection de l'Ecomusée de Marquèze) et la maquette de bois assemblés d'Emile Ratier apparaît ici parlante, mais l'on a affaire avec Ratier à un authentique créateur populaire, intégré à l'art brut

 

       L'art brut de son côté, s'il contient (s'il a contenu) beaucoup de cas de créateurs d'extraction populaire, coupés de la culture traditionnelle des anciens artisans ruraux, rassemble aussi des créateurs cultivés en situation de rupture, parfois fort cérébraux (des illuminés mystiques confus, des adeptes de la numérologie et des diagrammes ou schémas en tous genres, des handicapés non indemnes de culture artistique exhibée par leurs thérapeutes). Le concept d'art brut est devenu du coup de plus en plus flou.

      C'est là que je me dois de souligner mon évolution personnelle face à ces transformations. Personnellement, je cherchais autrefois dans l'art brut une dimension de naïveté et d'immédiateté, proche du regard enfantin, qui provenait de la part populaire de l'art brut (je m'y intéresse cela dit toujours). J'ai cherché, dans l'article des actes I du colloque sur l'art brut monté par Barbara Saforova dans le cadre d'un séminaire qu'elle mène, à dresser des passerelles entre art brut et art populaire. Cet article est cité par Vanessa Doutreleau dans ses textes du catalogue. Mais elle me range aux côtés d'un Michel Thévoz (ce qui m'honore grandement) pour conclure que j'aurais conclu à la mort de l'art populaire. Que nenni pourtant... Même si je réitère que l'art populaire rural d'autrefois, aux normes esthétiques assumées par les communautés, aux produits utilitaires, a bien quasiment complètement disparu en France, je trouve néanmoins qu'on peut encore trouver ici et là des formes de regain anarchiques, déconnectées d'une intégration à la vie du peuple.  

      De plus, si je ne le trouve plus beaucoup dans l'art brut new look qu'on cherche à mettre en avant entre autres à la galerie Christian Berst, je continue de le retrouver chez les créateurs d'environnements spontanés que j'ai étudiés dans mon livre Eloge des Jardins anarchiques (que Mme Doutreleau ne paraît pas avoir lu, ce qui est dommage car elle y aurait vu que j'y défends certains inspirés qui travaillent dans un esprit collectif, comme la famille Montégudet en Creuse par exemple), et aussi ailleurs, notamment chez toutes sortes de créateurs inaperçus ou complètement anonymes que l'on rencontre la plupart du temps plutôt en brocante que dans les galeries. Les ventes aux enchères, les vide-greniers sont des endroits où réapparaissent toutes sortes de créateurs la plupart du temps oubliés, peu remarqués parce que leurs œuvres sont restées peu nombreuses, et naïves. Ce blog en a présenté régulièrement plusieurs d'entre elles.

 

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Des bouteilles peintes de Louis Beynet, coll. privée, Paris ; j'ai présenté ce travail naïf insolite dans le n°3 de la revue L'Or aux 13 îles

 

 

     Je ne crois donc pas à la disparition de l'art populaire. Il s'est fait seulement plus individualiste, plus libre partant de là, toujours aussi marqué par un regard d'enfant préservé, et n'intéressant que peu le marché de l'art (et tant mieux!). Les catégories d'art populaire contemporain ou d'art populaire insolite que j'ai insérées  dans la colonne de droite sur ce blog atteste de mon intérêt pour cette permanence de l'art populaire.

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¹ Ce terme d'art marginal est revendiqué pour cet été dans un communiqué de presse rédigé par Oana Amaricai annonçant un festival du même nom à Montcuq dans le Lot (je ne sais s'il y a eu malice dans le choix de ce bourg...). La manifestation est organisée par elle (du 1er au 15 août ) en collaboration avec Jean-Luc Bourdila et Marcel Benaïs, présenté par ailleurs comme  "artiste ufologue" (c'est-à-dire qui voit des soucoupes volantes partout?). Je souscris assez au texte de cette dame. Oana Amaricai et Jean-Luc Bourdila sont par ailleurs animateurs de cet autre festival d'art marginal le "Grand Baz'Art à Gisors" qui s'est tenu le récent week-end du 4-5 juillet dernier. Si j'ai le temps, j'y reviendrai bientôt, afin d'évoquer un créateur que j'y ai rencontré.

² Cette sculpture populaire contemporaine est une catégorie qui prend parfois l'allure d'un sous-ensemble de l'art brut, quoique ce dernier ait tendance à évoluer considérablement du fait de l'emprise de certains marchands, puisqu'on y intègre de plus en plus des œuvres d'esprits savants en rupture, du type Lubos Plny ; l'œuvre de ce dernier est stylistiquement à des années-lumières de la naïveté d'un Vergez ou d'un Jean Dominique. L'art brut est ainsi associable plus facilement avec les œuvres d'un certain type d'art  plastique contemporain. On voit ce que vise aussi  cette manœuvre, attirer d'autres collectionneurs vers cet art brut devenu plus intellectuel, partant plus présentable aux yeux d'un amateur d'art contemporain.

25/05/2015

Hommage à Caroline Bourbonnais, une exposition et un catalogue

 

Caroline Bourbonnais lisant une monographie sur Dubuffet de Max Loreau, visuel Fabuloserie © Philippe Couette

 

Couverture du catalogue de l'exposition d'hommage à Caroline Bourbonnais (1924-2014), visuel Fabuloserie

 

      Du 18 avril au 2 novembre 2015, les héritières de Caroline Bourbonnais, Agnès et Sophie Bourbonnais, ont décidé de rendre un hommage appuyé à cette fondatrice, avec son mari Alain, disparu en 1988, de la collection de la Fabuloserie, un ensemble d'œuvres hors-normes conservé dans un bâtiment-labyrinthe, ainsi qu'autour d'une pièce d'eau, au sein du petit village de Dicy dans l'Yonne. Elles ont y été aidées par Déborah Couette, qui avait déjà réalisé, en compagnie d'Antoine Gentil et d'Anne-Marie Dubois en 2013-2014, juste avant la disparition de Caroline Bourbonnais donc, au musée Singer-Polignac, dans l'Hôpital Sainte-Anne à Paris une expo consacrée aux œuvres moins connues conservées dans les réserves de la Fabuloserie, "Un Autre Regard".

 

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Le parc de la Fabuloserie autour de l'étang, avec à l'arrière-plan le manège de Petit-Pierre et sur la rive à droite des statues de Camille Vidal rescapées du démantèlement du site de ce dernier situé originellement à Agde dans l'Hérault, ph. Bruno Montpied, 2011

 

     "Des Jardins imaginaires aux jardins habités, des créateurs au fil des saisons" est le titre d'une première exposition réalisée dans le cadre de cet hommage, et présentée dans le parc de la Fabuloserie ainsi que dans l'ancien atelier d'Alain Bourbonnais se situant à l'orée de ce parc (voir ci-dessous).

 © Jean-François Hamon

 

      Sa thématique est centrée sur les réalisations exécutées en plein air par un certain nombre de créateurs d'environnements spontanés, créateurs dont plusieurs fragments de leurs environnements se sont trouvés déplacés et sauvegardés dans le parc de la Fabuloserie, espace d'exposition caractéristique et original au sein de cette collection, la seule à posséder ainsi en Europe un musée de plein air consacré aux environnements d'art spontané (comme je l'avais déjà signalé dans mon ouvrage Eloge des Jardins Anarchiques en 2011). Voici la liste des créateurs exposés dans le cadre de cette première expo, avec pour ce qui concerne les autodidactes de culture populaire: Pierre Avezard, dit Petit Pierre, Giuseppe Barbiero (Joseph Barbiero), Jean Bertholle, Marcello Cammi, Jules Damloup,  Marie Espalieu, Marcel Landreau, Gaston Mouly, Charles Pecqueur, François Portrat, Abdel-Kader Rifi, Robert Vassalo, dit Vlo, le Finlandais Alpo Koivumäki et Camille Vidal. En ce qui concerne les créateurs en plein air plus "artistes", on trouvera aussi des œuvres d'Alain Bourbonnais, de l'Indien Nek Chand, de Roger Chomeaux, dit Chomo, de l'ineffable Danielle Jacqui, du baba new age Jean Linard, de Vincent Prieur, de Raymond Reynaud, du Belge Jean-Pierre Schetz et de Tô Bich Haï.

Joseph Barbiero, sans titre, sans date, pierre volcanique 45 x 33 x 21 cm, coll. La Fabuloserie, © Jean-François Hamon (visuel Fabuloserie) 

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Des sculptures de Camille Vidal et sur le mur rouge, structure portante conçue par Alain Bourbonnais, des médaillons en mosaïque et ciment de François Portrat, dans le parc d'environnements de la Fabuloserie, ph. BM, 2011

Robert Vassalo, Tu vas l'exposer à Marseille les 29-30 aout 94, Robert - Oui à la "Galerie Ola" 16.500.000 FRS Bld d'HAIFA - Tu es ignoble, v.1994, gouache et encre sur papier, 20,5 x 31 cm, coll. La Fabuloserie, © Jean-François Hamon ; Vassalo n'était  pas seulement l'auteur de sculptures installées à l'air libre mais il était aussi peintre (à noter que dans le catalogue on en apprendra plus sur lui grâce à une présentation de Roberta Trapani)

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Vue de l'exposition actuelle d'hommage à Caroline Bourbonnais ; on reconnaît des pierres sculptées de Barbiero sur la table blanche et (peut-être...) des personnages créés par Bich Haï dans le fond derrière une vitrine

 

     Les nouvelles animatrices de la Fabuloserie ne se sont pas arrêtées là. Elles proposent en effet  une seconde exposition, la première d'un cycle d'expos à venir (centrées sur des créateurs emblématiques de la Collection), consacrée à l'un des "piliers" parmi les artistes singuliers de la collection, à savoir Francis Marshall, connu pour ses grandes poupées boursouflées et bourrées dont l'une, Mauricette, occupe avec beaucoup de présence une salle entière à la Fabuloserie, avec en vedette la nommée Mauricette. A noter qu'à la faveur de cette exposition, première d'un cycle intitulé "Parcours turbulents", une nouvelle collection, dirigée par Déborah Couette, voit paraître son premier titre consacré à Francis Marshall, accompagné d'un DVD d'un film évoquant le parcours de cet artiste. D'autres devraient suivre, à chaque fois consacré à un des créateurs connus ou inconnus, dont l'œuvre est conservée à la Fabuloserie. C'est en quelque sorte une revitalisation de l'ancienne collection d'ouvrages que l'Atelier Jacob, première aventure d'Alain et Caroline Bourbonnais menée dans le quartier de St-Germain-des-Prés à Paris, éditait avant que leur collection migre en Bourgogne à Dicy.

Francis Marshall, la nommée Mauricette

 

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Plaquette sur François Monchâtre, de la collection Fabuloserie n°2, 1980 (on y annonçait l'existence de la Fabuloserie à Dicy)

 

     Enfin, une troisième exposition est également mise en place, intitulée "Le temps des collections, Hommage à Caroline Bourbonnais", qui se décline tout au long du parcours de la visite dans les collections, les œuvres sorties des réserves et constitutives de cet hommage faisant l'objet d'une signalétique particulière. Les créateurs exposés dans ce parcours sont : un Anonyme, dit Pierrot le fou (qui était déjà exposé à "Un Autre Regard"), Renaud d’Ampel (Sic, ce dernier que j'orthographierais personnellement plutôt "Renaud-Dampel" - car cela paraît être son nom et Jacques son prénom -  me semble être le même que celui dont on peut voir de magnifiques pierres peintes au Musée de l'Art en Marche de Luis Marcel à Lapalisse, voir ci-dessous), Guy Brunet, Gustave Cahoreau, Thérèse Contestin, Michel Dalmaso, Paul Duhem, Ted Gordon, Roger Hardy, Gérard Haas, Jeantimir Kchaoudoff, Aranka Liban, André Labelle, André Lécurie, Edmond Morel, Marilena Pelosi, André Robillard, Jean Tourlonias, Jacques Trovic et Jephan de Villiers.

 

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Jacques Renaud-Dampel, pierre peinte exposée au Musée de l'Art en Marche en 2014, ph. BM

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Une vue de l'intérieur de la Fabuloserie, avec quelques pièces de la collection, des Guivarch (les animaux en bas à droite), une enseigne de coiffeur en provenance d'Afrique de l'Ouest, à côté d'un tableau d'assemblage, semble-t-il, de Fernand Michel, de sculptures exécutées à la tronçonneuse de Jean Rosset(dans le fond), d'un bateau d'Emile Ratier(à gauche) et peut-être des pierres peintes du même Renaud-Dampel que dans l'illustration précédente, ph. BM, vers 2012

 

      Et puis il y a aussi un catalogue à l'occasion de ces expos, avec réuni autour de l'évocation des multiples aspects du travail de prospection et d'enrichissement de la Fabuloserie un bel aréopage de personnes connues depuis longtemps ou bien depuis plus récemment pour leur engagement envers l'art  brut, l'art populaire, l'art naïf, les environnements, l'art singulier et tutti quanti. Personnellement je me retrouve installé, pour évoquer mon vieux camarade Gaston Mouly (arrivé à la Fabuloserie en 89 parmi les premières nouvelles acquisitions de l'ère Bourbonnais avec Caroline en solo), entre Martine Lusardy (qui traite de Raymond Reynaud) et Céline Delavaux (sur Barbiero). Mais foin de beaux discours, autant vous donner le sommaire qui apparaît assez copieux:

Avant-propos, Agnès et Sophie Bourbonnais

 Avant-propos, Roger Cardinal

 Des jardins imaginaires au jardin habité, présentation de l’exposition, Déborah Couette

 Territoires imaginaires dans la collection art hors-les-normes, Déborah Couette

 Bâtisseurs et autres inspirés à La Fabuloserie :

 Charles Pecqueur ou la féerie d’un mineur, Sophie Bourbonnais

 La cathédrale de Marcel Landreau, Claude et Clovis Prévost

 Le jardin extraordinaire de François Portrat, Anic Zanzi

 Avec Chomo dans la tranchée des rêves, Jean-Louis Lanoux

 L’Arche de Noé de Camille Vidal, Déborah Couette

 Le Paradis Barbare d’Abdel-Kader Rifi, Déborah Couette et Antoine Gentil

 P.Avezard, vacher à la Coinche, « un aire de musique avant la sortie », Pierre Della

 Giustina

 Raymond Reynaud ou le fantassin du mouvement perpétuel de la création, Martine

 Lusardy

 Gaston Mouly, un artiste rustique moderne, Bruno Montpied

 Barbiero au pays des volcans, Céline Delavaux

 Marie Espalieu à la croisée des chemins, Jean-Michel Chesné

 La Petite Afrique de Jules Damloup, Michel Ragon et Sophie Bourbonnais

 La Galleria dell’Arte de Marcello Cammi, Salade Niçoise ou Antipasti Bourguignon,

 Sophie Bourbonnais et Pierre-Jean Wurtz

 La maison de celle qui peint, Danielle Jacqui. A la démesure d’un rêve éblouissant,

Marielle Magliozzi

 Le harem fantastique de Robert Vassalo, Roberta Trapani

 Vincent Prieur le pinseyeur, Marie-Rose Lortet

 Les girouettes polychromes de Jean Bertholle, Agnès Bourbonnais

 Un élan venu de la forêt finlandaise d’Alpo Koivumäki, Raija Kallioinen

 D’un jardin extraordinaire à un autre. De Chandigarh à Dicy, Lucienne Peiry

 Le Coin au soleil de Jean-Pierre Schetz, Brigitte Van den Bossche

 Les âmes errantes de Tô Bich Haï. Peintures, poupées et pieux, Tô Bich Hai et Sophie

 Bourbonnais

 Fabuleuse Caroline Bourbonnais

 Fabuleuse Caroline, Laurent Danchin

 Tu vois, Michèle Burles

 La Fabuloserie, Musée des diables et des anges, Sepp Picard

 Nos musées, souvenirs, Jacqueline Humbert

 La grande Caroline de La Fabuloserie, Suzanne Lebeau

 Lettre de réclamation d’affection, Francis Marshall

 Merci Caroline, Pascale Massicot et Stéphane Jean-Baptiste

 Caroline, Philippe Lespinasse

 Caroline a rejoint Alain, Michel Nedjar

 Le ciel peut bien attendre, Claude Roffat

 La Fabuloserie comme spectacle, Jean-Pascal Viault

 Dans le miroir des flaques du temps, Jano Pesset

 Caroline chérie ou l’assurance modeste, Léna Vandrey 

Un discours peu conventionnel pour une femme non conventionnelle, Rose-Marie

Vuillermoz 

Hommage d’un chérubin charbonnier, Pascal Verbena

Annexes 

Liste des créateurs exposés : Des jardins imaginaires au jardin habité 

Listes des créateurs exposés : Le Temps des collections

 

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Gaston Mouly dans son atelier en 1988, ph. BM ; au-dessus à gauche, on voit accrochée en bonne place son plus grand tableau (la vie au village de jour et de nuit) exécuté bien avant qu'il n'expose au Musée de la Création Franche et prouvant qu'il n'avait pas attendu Gérard Sendrey pour dessiner et peindre

19/04/2015

Infos-miettes (26)

Solange à Bruxelles

     Solange Knopf s'en vient à Bruxelles exposer à nouveau, cette fois hébergée par deux passionnés de son travail, Clem et Claude Jadot. L'exposition a une durée météorique, deux jours seulement, les samedi 9 et dimanche 10 mai (de 14 à 19h), le vernissage se passant le vendredi 8 mai de 18 à 22h. Voici l'adresse pour ceusses qui aimeraient y faire un tour: 77,  Drève des Renards, Uccle, Bruxelles.

 

Solange Knopf Dessins 2015, Crayons de couleurs sur papier fibre de bambou 109 x 79 cm Ph Luc Shrobilgten.png

Solange Knopf, sans titre, 109 x 79 cm, crayons de couleur sur papier en fibre de bambou, 2015 ; Ph Luc Shrobilgten

 

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Galerie Isola de Francfort, de l'art brut en Allemagne: Ernst Kolb

     La galerie Isola à Francfort, dirigée par Patrick Lofredi, un Français installé en Allemagne, galerie qui était présente au récent salon outsider art fair de Paris à l'Hôtel le A, présente actuellement une exposition sur un nouveau venu dans le champ de l'art brut, Ernst Kolb, à l'occasion de la sortie d'un livre de Rolf Bergmann consacré à ce créateur. Cela dure du 3 avril au 24 mai. Adresse: Falkstraße 40, 60487 Francfort. Tel 01 57 34 92 23 72. Ils ont un site web bien sûr:  http://www.galerie-isola.de/. L'art brut en Allemagne est un terrain très peu connu en France, n'est-il pas?

 

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Ernst Kolb, portrait et dessins, photo extraite de www.outsider-art-brut.ch

 

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Et toujours le musée d'art brut et naïf de Suisse orientale, le "museum im Lagerhaus" (l'Entrepôt) à Saint-Gall qui présente cette fois une collection privée...

 

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Alfred Leuzinger (1899-1977), Homme avec coléoptères (autoportrait), crayons de couleur sur papier, © Museum im Lagerhaus, Collection Mina und Josef John

 

      Du 21 avril au 18 Octobre 2015 (ouverture le 20 avril), se tiendra une exposition consacrée à la collection de Mina et Joseph John avec environ 650 œuvres d'art brut ou populaire suisse. Il semble que cette collection soit ouverte au public en dehors de cette manifestation. Parallèlement à l'expo, le musée Im Lagerhaus présente dans sa documentation un aperçu  de la collection complète (de même sur son site web, on peut découvrir des reproductions de l'ensemble de cette collection mise en ligne!). J'avoue avoir toujours eu un petit faible pour ce musée caché dans l'Appenzell qui nous montre si souvent du nouveau et du plus délectable en matière d'art brut, naïf ou populaire. Dommage que ce ne soit pas ma banlieue...

 

 

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 Ernst Kummer (1918-2003), maquette d'avion avec personnage,  matériaux variés, sans date © Museum im Lagerhaus, Collection Mina und Josef John

 

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La galerie Les Yeux Fertiles a des obsessions

    Là, l'exposition intitulée "Obsessions", n'en a plus que pour quelques jours, puisqu'il est prévu qu'elle se termine le 16 mai. Parmi plusieurs noms relevant de l'art  moderne (Bellmer, Saby, Fred Deux, Molinier...) ou de l'art singulier (inévitable Ody Saban...) dont les œuvres sont exposées, on signalera trois magnifiques peintures d'Eugen Gabritschevsky, qui devrait être bientôt exposé en plus grand à la Maison Rouge (vers la fin de l'année), d'après ce que nous en a dit Benoît Morand l'un des animateurs de la galerie. Ainsi que la peinture de Lubos Plny, moins chargée qu'à l'habitude et formidablement équilibrée, qui a été choisie pour le carton d'invitation. Et un très beau André Masson également (à quand une rétrospective de cet artiste qui paraît moins chéri des commissaires d'exposition que d'autres du mouvement surréaliste?)... Liste complète des exposants: H. Bellmer, J. Benoît, F. Deux, J. Domsic, J. Ferrer, J. Fischer, E. Gabritschevsky, G. Harloff, E. J. Hodinos, V. Jakic, I. Jarousse, J. Kolar, R. Léonardini, S.Lepri, R. Lonné, M. Macréau, A. Masson, P. Molinier, M. Pelosi, L. Plny, O. Saban, B. Saby, Scottie-Wilson.

 

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Lubos Plny, sans titre, 83 x 59,5 cm, encre de Chine et acrylique sur papier, 2008

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"Ligabue et les visionnaires candides" au Centre Miche Berra de Costigliole Saluzzo (région de Coni, Piémont) 

 

      Ça doit être bien joli ce patelin de Costigliole Saluzzo, situé au sud de Turin, au pied des Alpes (du côté français, il y a le Queyras), où est montée une exposition (du 28 mars au 5 juillet) que j'aurais bien aimé voir... Hélas, elle se terminera juste au moment de la grande transhumance des vacances. Ligabue, ce peintre naïf connu pour ses tigres aux gueules féroces, n'est pourtant pas bien connu hors d'Italie et pas souvent exposé.

 

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Antonio Ligabue, un de ses tigres féroces

 

     Cette année, c'est le cinquantième anniversaire de sa disparition. Avec lui, on a joint des œuvres de Ghizzardi, lui qui fut exposé à Nice et à Paris il n'y a pas si longtemps, et de Bruno Rovesti. A côté sont aussi présentés quelques artistes naïfs yougoslaves Generalic, Rabuzin, Vecenaj, Lackovic et Kovacic qui m'attirent moins (hormis Rabuzin).

Un document tourné par Raffaele Andreassi en 1962, assez étonnant je trouve,  Ligabue, il vero naïve, de 1977 pour la RAI semble-t-il, où l'on voit Ligabue en action, cherchant à imiter des bruits d'animaux (je crois...) et trouver l'amour auprès d'une dame qui paraît charitable à son égard, sans plus...

 

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Louis Soutter confronté à Victor Hugo dans le musée de la Place des Vosges

      "Dessins parallèles" est le sous-titre de l'expo (prévue pour durer du 30 avril au 30 août) des dessins des deux grands artistes amants du noir et du charbonneux. On connaît les encres de Hugo, ses paysages visionnaires, ses personnages grotesques, ses pochoirs, ses taches interprétées, mais un peu moins les peintures tracées aux poings et aux doigts par le Suisse Soutter.

 

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Louis Soutter, Parvis, encre noire, 1937, © galerie Karsten Greve, Cologne, Paris, St-Moritz

 

    Je ne sais pas encore si ce sont ces dernières du reste qui seront au musée Victor Hugo, je me contente de l'espérer car le carton d'invitation que j'ai reçu en montre une, ce qui paraît inférer qu'il y en aura d'autres place des Vosges. C'est ce que je préfère dans l'œuvre de Soutter, ses dessins au trait me lassant davantage. Ses peintures aux poings, parfois d'une sobriété étonnante  et sans perdre pour autant de leur force, ont marqué d'après moi certains artistes singuliers suisses comme par exemple Christine Sefolosha (à ses débuts) ou François Burland.

 

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Un Soutter (le Héros)exposé il y a peu (2012) à la Maison Rouge, provenance galerie Karsten Greve là aussi...

 

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Guy Girard, Jean-François Affre, Christian Martinache 

      Vous ne trouverez pas beaucoup de renseignements sur le Net sur ces trois compères-là qui se sont alliés pour exposer à la galerie Artcomplice (11, rue Petit dans le 19e ardt, Paris ; tél: 01 40 41 97 77 et 06 70 06 31 88) du 15 au 27 avril (plus que quelques jours donc). Personnellement, je me suis souvent intéressé aux peintures du premier qui a exposé autrefois au musée de la Création Franche à Bègles et que j'ai souvent évoqué sur ce blog.

 

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Guy Girard, anagraphomorphose sur le paraphe de Flora Tristan, huile sur toile, musée de la Création Franche, ph Bruno Montpied (2009)

 

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Du côté de la Galerie Dettinger, Danielle Stéphane

 

     Nouvelle exposition à Lyon, place Gailleton, d'une artiste qui paraît sûre de ses moyens quant à la représentation de personnages, dans des compositions apparentant ses scènes de cirque à des constellations de formes blanches sur des fonds sombres, le tout dans un trait poudreux.

 

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Danielle Stephane, Lola au cirque, 110 x 72 cm, encre sur papier, 2014, ph Claire Defosse

 

    Cela s'appelle "Variations Lola, encre sur papier" et c'est du 11 avril au 9 mai, en partenariat avec la galerie Jean-Louis Mandon, (3, rue Vaubecour dans le 2e ardt) où une autre exposition intitulée "Nymphes et vanités, encre sur  volume" est montée en parallèle (du 7 avril au 25 avril, plus que très peu de temps...).

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"Wild Garden" (Jardin sauvage), art naïf et brut venu d'Iran à la Galerie Hamer, Amsterdam

 

      J'ai déjà mentionné quelques créateurs bruts venus d'Iran, tous aussi originaux et talentueux les uns que les autres. On retrouve dans cette expo Davood Koochaki qui fut exposé déjà à la galerie Hamer ainsi que récemment à Paris dans le cadre de "Sous le vent de l'art brut II" (sur la collection néerlandaise du De Stadshof), mais cette fois associé à trois autres artistes moins connus, Mohammad Ariyaei, Salim Karimi et Gorgali Lorestani.

 

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Mohammad Ariyaei, sans titre, 70 x 50 cm, Galerie Hamer, Amsterdam, Pays-Bas

 

 

    Il semble que le point commun unissant les travaux de ces quatre créateurs est de n'avoir point totalement coupé par leurs sujets avec leur culture autochtone, un peu comme dans le cas de certains créateurs aborigènes australiens, ou des peintres de diverses ethnies en Inde. Ils font davantage preuve d'originalité par le style de leurs dessins ou peintures.

 

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Deux pages du dépliant annonçant l'exposition à la galerie Hamer avec deux œuvres de Gorgali Lorestani, où l'on voit la présence très importante des textes mêlés aux graphismes

 

L'exposition durera du 22 avril au 23 mai. Voir www.galeriehamer.nl

 

 

05/04/2015

"Brut de pop'" dans les Landes

     J'ai appris un peu à la dernière minute, et avec très peu d'informations sur le contenu de l'exposition (ainsi que sur la totalité des auteurs présentés)... qu'une manifestation commençait le 1er avril à l'Ecomusée de Marquèze (fin prévue le 28 juin) près de Sabres dans les Landes (entre Bordeaux et Mont-de-Marsan ; le titre est un calembour bien entendu, on veut nous faire songer à "brut de pomme"... Et l'on joue aussi en sous-titre sur les rapports de l'art brut avec l'art populaire en posant la question de "l'impopularité" hypothétique de ces formes d'art).

 

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     Le musée de la Création Franche de Bègles est associé à l'exposition par le prêt de pas moins de deux cents œuvres. Ils sont généreux à Bègles, faut pas le nier. Mais qui est exposé, c'est  la question à mille francs ? Il semble qu'il n'y ait pour l'instant aucun dossier de presse de disponible, et l'on en est donc réduit aux supputations. Un catalogue, sous la forme d'un numéro spécial de Création Franche, devrait cependant, en principe, sortir la semaine prochaine. Les amis Albasser m'ont informé de plus qu'il y a deux douzaines d'œuvres de Pierre Albasser d'accrochées dans une section consacrée à la "récupération" (on les apercevait, à un moment d'internet, en illustration d'un  communiqué de l'Ecomusée, présentées sous des cadres vitrés suspendus). Il semblerait aussi qu'on puisse aussi y trouver des pièces de Simone Le Carré Galimard, si le masque sur l'affiche est bien d'elle... A côté de l'affichette ci-dessus,  on aperçoit aussi une de ces charmantes sculptures ultra brutes de décoffrage de Jean Dominique (sur lequel, je profite de l'occasion, est paru il n'y a pas si longtemps un ouvrage entièrement consacré à sa vie et son œuvre – avec une centaine de sculptures reproduites – livre écrit et autoédité par Jean-Luc Thuillier, Jean Dominique, une figure de l'art brut en Périgord, 2012). Le musée de la Création Franche possède en effet une cinquantaine de pièces de cet auteur.

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Deux petites sculptures de Jean Dominique, musée de la Création Franche, ph. Bruno Montpied

 

    Mais pour le reste? On ne peut que faire des suppositions en attendant qu'on trouve le temps de nous en dire plus ou que je rencontre quelque motorisé qui voudrait bien m'emmener là-bas... Le laïus du communiqué déjà évoqué indique: "Objets du quotidien détournés, art du bricolage et de la récupération, cette exposition propose de découvrir des objets aussi insolites qu’esthétiques, mais aussi de s’interroger sur les principes de la création artistique, qu’elle soit populaire, brute ou franche.calebasses gourdes pour bergers sur échasses landais, St-Justin (40), blog les tchanques.jpg

    Anonymes, artisans, artistes, les créateurs rassemblés ici offrent une vision esthétique du monde loin des « beaux-arts » et des cercles académiques. Pour vous en faciliter la découverte, nous avons regroupé ces objets et œuvres autour de sept thématiques : l’artiste-artisan, le monde rural, le foyer, le religieux, l’enfance, les fêtes et les loisirs, la récupération."

    Il semble donc que l'on veuille – dans un écomusée, c'est dans la logique des choses – associer l'art brut, et la création singulière d'artistes en porte-à-faux avec l'art des "Beaux-Arts" d'un côté (ce qui fait le fonds du musée de la Création Franche), avec, d'autre part, l'art populaire au sens rural du terme (tel qu'il a été conservé en tout cas dans ce musée consacré à la culture populaire landaise¹). Pour illustrer ce dernier aspect, il semble que l'Ecomusée ait décidé de mettre des éléments de sa collection (statues, œuvres de patience,  meubles, gourdes en calebasse gravée, jouets...) en regard des œuvres venues de la Création Franche. Il faut préciser du reste que c'est une responsable de l'Ecomusée, Mme Vanessa Doutreleau, chargée des expositions au Pavillon de Marquèze, qui a choisi les 450 œuvres (au total) de "Brut de Pop'". J'applaudis en principe à ce genre d'initiative qui permet de réassocier art d'autodidactes bruts ou naïfs et art populaire, loin de l'art moderne ou contemporain (le rapprochement avec ces derniers, comme je l'ai déjà dit, se fait en effet par trop depuis quelque temps dans les cercles plus mondains de la capitale). Plutôt que de conserver une collection d'art brut dans un musée d'art contemporain et d'art moderne, on aurait pu tout aussi bien imaginer la voir entrer dans le prolongement d'un musée d'art populaire, comme c'est presque le cas lorsqu'on découvre en Bourgogne dans un même triangle géographique (j'avais appelé celui-ci autrefois, en 1989..., le "triangle d'or") le musée d'art naïf de Noyers-sur-serein, le musée d'art populaire de Laduz et la Fabuloserie de Dicy...

 

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Une vue fort partielle de l'expo

 

    Il faut souligner ce que ce projet a de tout à fait plausible et stimulant, à l'heure où certaine galerie parisienne et certain grand collectionneur voués à l'art brut aiment à mettre en avant ce qui relève à l'intérieur du champ de l'art brut plutôt du document ou de hautes élaborations intellectuelles pondues par des êtres cultivés en rupture, élaborations débouchant sur des chinoiseries cérébrales proches en terme d'ennui de tant d'œuvres de l'art contemporain le plus emmerdant (je pense au secteur dit "des hétérétopies scientifiques" de la dernière exposition ABCD à la Maison Rouge).

____

¹ On pourrait renvoyer au fait les responsables de ce  musée à l'information que j'ai délivrée il y a déjà quelque temps sur ce blog à propos d'Alphonse Benquet, ce peintre et sculpteur landais qui vivait dans les décennies du début XXe siècle à Tartas, non loin de Mont-de-Marsan dont est proche Sabres.

21/11/2014

Joseph Vaylet et la "poésie de la liste", selon Emmanuel Boussuge

Joseph Vaylet, un art spontané de la poésie de listes

 

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 Joseph Vaylet en tenue de félibrige, image du site du Musée Joseph Vaylet.

  

       La petite ville d’Espalion en Aveyron dispose d’une richesse de musées à faire pâlir de bien plus grandes cités. Outre la chapelle des pénitents transformée en petit musée d’art religieux, elle compte trois autres lieux consacrés à la présentation de collections muséales : le musée des mœurs et des coutumes (poteries, cuivres, archéologie, art religieux)¹, un improbable musée du scaphandre et surtout le musée Joseph Vaylet. Ce dernier personnage (1894-1982) a réuni la plus hétéroclite des collections. L’intérêt de nombreux objets est un peu difficile à percevoir, mais de magnifiques pièces issues de la verve créative des bergers locaux et quelques autres chefs d’œuvre d’art populaire justifient plus qu’amplement le voyage. Presque vingt ans avant moi, Bruno Montpied avait visité ce réjouissant bric-à-brac et je renvoie à sa Petite promenade dans l’art populaire du Rouergue (Gazogène, n°14-15) pour plus longue description du lieu. C’est un autre aspect de l’activité de Joseph Vaylet dont je vous propose l’éloge.

 

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« Le député de la Montagne » œuvre d’un artiste espalionnais ; début du 20ème siècle. Sculpture en bois polychrome, hauteur 90 cm (d’après la légende d’une carte postale en vente au Musée J. Vaylet, photo P. Saillan).

      Outre son activité de collectionneur tous azimuts, Joseph Vaylet était aussi poète occitan, folkloriste et encore un ethnologue autodidacte à la curiosité toujours en éveil. Je ne garantirais pas la scrupuleuse exactitude de tous les détails faisant la matière de ses opuscules, il est indéniable en revanche que ce personnage haut en couleurs illustra la poésie de la liste avec un sens du disparate presque sans égal, de même nature que celui qu’il déploya pour constituer sa collection.

    On sait que la poésie de la liste repose sur un subtil dosage de l’analogue et du dissemblable. Prévert a illustré le genre d’une manière flamboyante, les auteurs de l’Oulipo dans un tout autre style, Joseph Vaylet, lui, est le type même du poète de la liste spontanée, guidé par un sens de l’hétérogène qui pourrait paraître inné. Jugez d’abord par cet extrait de sa bibliographie telle qu’elle figure dans un de ses ouvrages :

« Lou Martiri de sant Hilarian (hors commerce)

L’Alh (L’Ail). Étude folklorique en langue d’oc, 1940, rare – 13 F.

Heures Ferventes. Recueil de poésies sentimentales, 1972, 25 F.

Proverbes et dictons rabelaisiens, 1260 dictons, 264 pages, 1er vol. – 45 F.

Presics de l’abat Badaruca (avec traduction fr.) – 27 F.

Flors d’Aubrac (poèmes d’oc avec traduction) – 35 F.

Rêveries normandes (poésies).

Le Tribunal de Commerce de Saint-Geniez (rectification d’une erreur historique)

Étude folkloriques :

- Le bâton dans le folklore

- La croix dans le folklore

- La dent dans le folklore

- L’âne dans le folklore

Histoires gaies (Humour et cure thermale) (sous presse [en 1977]) ».

        Humour et cure thermale, comment résister ?

       J’ai mis de côté deux ouvrages dont la table des matières offre elle-même exemple extraordinaire de fantaisie raisonneuse mise en liste. Voici donc le plan de La Bouse dans le folklore (Éditions Imprimerie du Sud-Ouest, Toulouse, 1977)joseph vaylet,musée joseph vaylet,majral du félibrige,occitanisme,espalion,art populaire,robert doisneau et jacques dubois,poésie de la liste,emmanuel bussuge,chemise conjugale,la bouse dans le folklore :

« Préambule

Chapitre premier – Divers emplois de la bouse.

A. La bouse dans la médecine.

B. Recettes magiques.

C. Emplois de la bouse dans la science vétérinaire et en botanique.

1. Dans la science vétérinaire.

2. En botanique.

Chapitre II. – Emplois domestiques de la bouse.

A. En Rouergue.

1. Le bousage de l’aire (plan de la ferme et cliché de l’aire).

2. Le four, les plafonds, la toiture, carreaux cassés.

3. Teintureries, peintres, poterie.

4. Utilisation par les bergers.

B. Dans d’autres régions.

1. En Vendée.

2. La fête des Bousats de l’île de Noirmoutier.

Chapitre III. – La bouse dans quelques pays.

A. En Inde.

B. En Australie.

C. Aux États-Unis.

Chapitre IV. – La bousetière, le lisier, le bousier.

Chapitre V. – Anecdotes.

Chapitre VI. – Proverbes et dictons.

Superstitions.

La bouse dans la Bible.

Chapitre VII. – Le coin pour rire.

Le mot de la fin. »

     La table des matières de son étude posthume sur la mythologique chemise conjugale (Imprimerie Rigal, Espalion, 1985) est moins développée. Elle figure intégralement sur la page de couverture du petit livre. L’occasion pour nous d’admirer aussi un art de la composition typographique charmant de désuétude :

 

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Coll. E. B.

 

Emmanuel Boussuge

 

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Exemple de "chemise conjugale"  que Doisneau et Dubois dans leur livre Les Auvergnats (Ed. de La Martinière) considèrent comme d'une authenticité douteuse, ce qui n'est pas du tout l'avis d'un Michel Valière par exemple (voir commentaire ci-après)

______

¹ Le musée des mœurs et coutumes dont parle Emmanuel Boussuge dans cette note s'appelait à l'époque (1996) où je consacrai un texte à l'art populaire à Espalion dans Gazogène n°14-15, le "musée départemental du Rouergue". (Note du Sciapode)

 

11/11/2014

Le mystère des statues guatémaltèques, une histoire de Chichi...castenango

    J'aime bien le titre de cette note qui fleure bon ceux des aventures de Tintin et Milou. Pour commencer, les lecteurs non prévenus devront se référer à cette ancienne note de 2011. On y causait d'une statue trouvée par Laurent Le Meur au Mans en 2011. Toute une flopée de commentateurs était venue s'exciter à la suite de cette note, un peu par ma faute car j'avais appelé à l'aide pour l'interpréter. Les hypothèses sur son origine avaient afflué. L'un la voyait madone des gitans, l'autre lui trouvait un air oriental, moi je me l'imaginais éthiopienne, un érudit clermontois nous promenait du Maroc à l'Inde, bref, ça délirait sec.

 

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La Sainte-Vierge? Coll. et ph. Laurent Le Meur

 

      Il aura fallu trois ans pour qu'à la suite d'un mail récemment parvenu sur ma boîte mail en privé nous puissions avoir enfin la clef de l'énigme. Un collectionneur canadien —oui, les recherches sont mondialisées— répondant au doux patronyme de Jean-Marie Chapeau, m'a sorti de son couvre-chef non pas un lapin mais la photo d'une autre statue dénichée par lui dans un bric-à-brac genre Emmaüs canadien, statue qu'il a immédiatement rapprochée, avec raison semble-t-il, de la statue mancelle.

 

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L'autre statue venue au Canada, coll. et ph. J-M. Chapeau (Montréal), un Saint-Joseph?

 

 

      Laurent Le Meur n'a pas tardé à réagir, suite à leur mutuelle mise en contact, et a versé du coup des pièces nouvelles qui paraissent éclairer le mystère de la statue aux mains ouvertes (enfin... Si l'on peut vraiment parler de mystère en l'occurrence, car un vieux doute m'étreint, n'aurait-on pas affaire ici à de l'art populaire pour touristes? Une énième hypothèse délirante? Cette forme d'art populaire n'étant pas synonyme systématiquement de mauvaise qualité du reste...).

 

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Les deux statues rassemblées par Laurent Le Meur, dans sa collection en 2014

 

      Laurent Le Meur, depuis ma note de 2011, a trouvé une troisième statue à verser au dossier (voir ci-dessus). Toujours intrigué bien sûr par ces découvertes, il est parti à la recherche d'informations, et il a fini par tomber sur une carte postale qui montre un étal dans le village guatémaltèque (2000m d'altitude) de Chichicastenangoart populaire guatémaltèque,chichicastenango,laurent le meur,jean-marie chapeau,statues propitiatoires,vierge marie et saint joseph,art modeste (j'adore ce nom, et je réfléchis désormais fortement à la possibilité d'y aller installer le siège de ce blog) où l'on devine (oui, c'est le mot, parce qu'il faut avoir de bons yeux vu la qualité du cliché) des statues du même style que celles ci-dessus. Le village, nous dit internet, est connu pour conserver des traces de la culture traditionnelle maya. Les statues qu'on devine sur l'étal correspondent aux statues de Le Meur et Chapeau, elles sont toutes presque plates, anguleuses et surtout pourvues de gros yeux cernés d'un épais trait noir. art populaire guatémaltèque,chichicastenango,laurent le meur,jean-marie chapeau,statues propitiatoires,vierge marie et saint joseph,art modesteIl semble donc que là-bas on trouve ainsi plusieurs traces d'une piété populaire qui mêle sans doute d'anciennes croyances indiennes aux mythes chrétiens. Bref, il fallait chercher du côté de l'Amérique Centrale. Ouf, on est un peu plus instruit.

      Et puis tiens, en me promenant au hasard sur internet je suis tombé sur le site de l'artiste Eliane Larus, une sorte de petite cousine de Chaissac, où il est question d'un séjour qu'elle fit dans ce fameux Chichicastenango. Rien à voir avec nos statues?

 

 

09/11/2014

Sculpture populaire polonaise

     Le hasard a voulu que je photographie à de très brefs intervalles deux œuvres de sculpteurs naïfs polonais venues faire un tour à des dates non précisées dans notre belle contrée de France. Voici en effet un Maréchal Foch, au garde-à-vous (comme tout bon soldat et aussi comme toute bonne statue...),  sculpté par Jan Lamecki (mort en 1960), aux yeux quelque peu protubérants et hypnotiques, ce qui paraît être une marque de fabrique de ce sculpteur —curieusement, c'est souvent par la façon de faire les yeux, et les arcades sourcilières que l'on différencie plusieurs sculpteurs naïfs polonais (car dieu sait qu'il y en a, tant on les a poussés par là-bas, sous l'ancien régime communiste, comme après, par habitude, car la chose paraît continuer aujourd'hui que le régime a changé) ; les styles de sculpture dans l'art naïf polonais, aux moyens limités, très sobres, rendent parfois difficiles en effet de départager ce qui appartient aux uns ou aux autres.

 

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Jan Lamecki, Ferdinand Foch, coll. privée, Paris, ph. Bruno Montpied ; Foch, à ce que m'a communiqué l'ami Régis Gayraud, était populaire en Pologne pour avoir soutenu, après la guerre de 14-18, la reconstruction de la Pologne en une seule entité, sans couloir de Dantzig

 

     Autre œuvre, cette fois il s'agit d'un fascinant groupe de cinq statuettes, signées de Stanislaw Denkiewicz (1913-1990) en 1975. Il s'agit en l'espèce d'un hommage à une mère, peut-être la femme à la longue jupe plissée présente au centre du groupe.

 

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Stanislaw Denkiewicz, statues pour un jubilé à l'occasion d'une "année de la femme", 8-3-1975, coll. privée, Paris, ph. BM

   Le texte, gravé dans le socle, entre grappe de raisin et fleurs nouées (symboles de prospérité et d'affection?), dit ceci en polonais (merci à Jean-Louis Cerisier pour sa traduction): "En cette journée internationale de la femme, nos vœux que tu vives cent ans, Maman". Le mot "Jubilé" est quant à lui gravé sur le rebord avant peint en vert. Chaque personnage a presque une seule arcade sourcilière, tandis que leurs yeux ont une fixité qui fait une bonne part de leur charme... Les nez très géométriques, style Île de Pâques, leurs bouches comme des entailles, les visages identiques (c'est une famille, mais tout de même...) leur donnent une allure presque effrayante. Ce sont peut-être les quatre enfants, trois sœurs et un frère, entourant la mère à la jupe plissée, personnage le plus grand au milieu de l'arc de cercle. Ces enfants portent tous une fleur chacun (le garçon ayant perdu la sienne, la brassée d'herbe visible dans son poing étant un remplacement imaginé par le brocanteur qui vendait ces statues), et pas la grande femme, ce qui implique qu'elle peut être la mère, les fleurs lui étant destinées.

 

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Stanislaw Denkiewicz, le grand frère? Et/ou le sculpteur? Coll. privée, Paris, ph. BM

 

     Quel âge avait cette mère à qui ses enfants (et parmi eux le sculpteur, peut-être le seul homme du groupe, à gauche?) souhaitaient une longue vie? Sans doute un âge déjà certain, puisqu'on souhaite toujours une longue vie à nos aînés lorsque ces derniers ont déjà pas mal d'heures de vol... Et qu'en toute logique, ils ont moins d'années futures en stock que d'années écoulées... Cependant, si l'on accepte de laisser de côté quelque temps l'humour noir, on sent qu'à l'évidence, derrière ces faces de craie aux yeux fixes, se cache un amour entier pour la famille qui lie ces personnages dans un cercle. Et un amour des jupes plissées!

 

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Stanislaw Denkiewicz, détail de son groupe de statues représentant un hommage à une mère, coll. privée, Paris, ph. BM

 

 

03/11/2014

Acrobatie en terre cuite

      "Objets de curiosité" est un terme qu'emploient certains brocanteurs et antiquaires, notamment ceux qui cherchent encore du côté de l'art populaire. Je vais vous en montrer un exemple, chiné il y a déjà quelque temps par un curieux sur le stand de Daniel Boniteau, émérite broc que l'on retrouve régulièrement au détour de plusieurs foires, comme par exemple celle qui débute ces jours-ci à la Bastille (du 6 au 16 novembre).

 

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Une drôle de pyramide humaine, sans date, sans signature, photo Bruno Montpied

 

      Drôle de pièce n'est-ce pas? En terre vernissée, elle paraît pouvoir servir de pichet, mais à la table de quelque érotomane distingué (ou pas). Son axe —pour le qualifier d'un euphémisme— est en effet creusé, un bec horizontal étant chargé de guider la sortie du liquide versé à l'intérieur par une petite rigole qui porte bien son nom. Ce liquide, jailli de cet axe, prend des allures tout bonnement scabreuses...

 

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Ph. BM

 

     Car, comme on s'en avise à présent que l'objet a été mieux scruté, la tige orange, moucheté comme une robe de léopard, et sur laquelle s'appuient différents corps nus, miniaturisés  proportionnellement à la tige-pichet (corps nus parmi lesquels on reconnaît une femme enceinte), cette tige est un phallus fièrement érigé. La femme prégnante voit d'ailleurs ce sexe géant surgir entre ses cuisses, tandis que ses voisins font pour l'un les pieds au "mur", couvert d'une substance blanchâtre laissant peu de doute sur sa provenance (voir image finale en bas de cette note), et pour deux autres une courte échelle plutôt goulue (l'homme placé en dessous d'une femme en est très visiblement émoustillé, voir ci-après, sa tête disparaissant du reste complètement dans l'entrejambe de sa partenaire).

 

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Ph. BM

 

    Un quatrième corps (voir première photo) est vautré au sol, présentant haut son postérieur joufflu. Des petits masques décorent la base, tandis que deux testicules un peu ramollis pendent à l'un de ses côtés, permettant aux jambes de la parturiente de s'y reposer comme sur deux coussins.

    Comment classer ce genre d'objet? Est-ce de l'art brut? De l'art pour érotomane? Distraction d'un potier en mal d'amour? De l'art populaire érotique? Peu m'importe au fond, la chose m'amuse et m'intrigue, plus vivante que tous les diagrammes, plans, schémas, cartes météo et autres gribouillages numérotés que l'on cherche à nous fourguer pour de l'art brut chez les marchands et collectionneurs qui font parler d'eux en ce moment.

 

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Un de nos fêtards baignant dans le foutre, à ce qu'il semble bien, ph. BM

 

 

04/10/2014

Création franche et productive

    J'ai gardé silence cet été sur deux publications du musée de la Création Franche à Bègles me disant que cela serait plus judicieux d'en parler à présent que plusieurs internautes sont revenus de leurs campagnes, d'après ce que j'en juge en parcourant les statistiques de ce blog. En effet elles sont sorties en plein juillet, pendant que vous vous détachiez, chers internautes, de toutes tablettes, et autres engins électroniques, voir presse et radios traditionnels. Le musée n'en a cure, sa communication ne  lui paraît  pas essentielle, peut-être se dit-il "Dieu reconnaîtra les siens". La distribution de ses libelles et autres catalogues se fait centralement à Bègles dans ses locaux. Vous ne la trouverez que par la grâce d'un miracle en librairie. Même la Halle St-Pierre à Montmartre ne la diffuse qu'erratiquement. Et pourtant... Voici qu'est paru le n°40 de leur revue (lui pourtant disponible à la librairie de la Halle), avec une couverture noire minimaliste et pourtant baroque, une photo avec des superpositions qui fait penser à un archipel ou un oiseau dans les ténèbres, due à l'art raffiné de la photographe Marie-France Lacarce. création franche,musée de la réation franche,halle saint-pierre,marie-france lacarde,n°40 de la revue création franche,les fanzine sde l'art brut,crab,céline delavaux,déborah couette,bruno montpied,pascal rigeade,gérard sendrey,cako boussion,paul duchein,françois aloujes,joe ryczko,jean-françois maurice,abdelkader rifi,alain genty,thierry bucquoyBelle couverture qui veut peut-être solenniser ce chiffre rond - 40 numéros tout de même - mais qui sera la seule façon de marquer le coup pour ce bel effort éditorial, car nulle fête ne se profile à l'horizon pour ce quarantième non rugissant, mais séduisant.

 

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Charles Cako Boussion, panneau de signalisation bricolé, retrouvé par Charles "Cako" Boussion et profondément modifié par la peinture et des ajouts d'inscriptions en "profession de foi", 36x63 cm, 1983, coll. BM, Paris

       Il y est question de Cako Boussion - c'est moi qui me charge d'un article qui veut montrer que monsieur Boussion ne se cantonne pas aux compositions en mandalas, dites parfois "médiumniques", mais peut se révéler parfois bien plus éclectique dans ses choix de formes d'expression (comme on s'en convaincra ci-dessus). Paul Duchein rappelle de son côté l'environnement qu'avait créé Abdelkader Rifi à Gagny, en voisin de Madeleine Lommel l'ancienne fondatrice de l'Aracine. Il signe un second article sur les intéressantes compositions en coquillages de François Aloujes. Bernard Chevassu met pour sa part le focus sur un autre créateur d'environnement, Roger Mercier, qui vient d'abandonner son "Château de Bresse et Castille" située en pleine Bresse, site architectural naïf que nous avait autrefois révélé Frédéric Allamel dans Plein Chant (voir petit cliché ci-contre, ph. Bruno Montpied). création franche,musée de la réation franche,halle saint-pierre,marie-france lacarde,n°40 de la revue création franche,les fanzine sde l'art brut,crab,céline delavaux,déborah couette,bruno montpied,pascal rigeade,gérard sendrey,cako boussion,paul duchein,françois aloujes,joe ryczko,jean-françois maurice,abdelkader rifi,alain genty,thierry bucquoyJoe Ryczko quant à lui refait parler de l'excellent Alain Genty et de ses terres vernissées hautement "agitées", citant au passage le travail d'information que fait Thierry Bucquoy sur son blog à propos de Genty.

 

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Dimitri Pietquin, illustration extraite du catalogue de "Visions et Créations Dissidentes" 2014

 

      Il est à noter qu'il y a ce me semble une sorte d'écart qui grandit entre les créateurs et artistes évoqués dans la revue Création Franche et ceux que le Musée présente en ce moment dans sa dernière édition de "Visions et Créations dissidentes" (du 27 septembre au 23 novembre). Ai-je la berlue, ou bien ai-je raison de trouver qu'il y a vraiment de plus en plus de créateurs venus d'ateliers pour handicapés mentaux dans les expositions d'automne du musée (on sait que les autres expositions le reste de l'année sont plus spécifiquement consacrées à la découverte et la mise à jour des créateurs du fonds permanent du musée)? Dans la dernière mouture de cette exposition automnale, montrant comme d'habitude 8 nouveaux créateurs, il semble qu'on y compte au moins 5 ou 6 travaux d'ateliers, dont deux proviennent d'ESAT (Aide par le Travail). Ces ESAT qui paraissent bien rares - selon moi n'est-ce pas? - en travaux véritablement originaux (à l'exception notable comme je l'ai déjà plusieurs fois écrit sur ce blog, de l'ESAT de Ménilmontant, avec son Philippe Lefresne et son Fathi Oulad Ben Abid). Parmi ces travaux d'atelier, bien sûr il arrive que surgisse une œuvre plus attirante qu'une autre, mais les ressemblances avec d'autres travaux de talent déjà vus ne sont pas absentes, ainsi pour cette édition béglaise 2014 des œuvres de Dimitri¨Pietquin reproduites dans le catalogue. Au milieu de ces créateurs, surnage aussi (je me base on l'aura compris uniquement sur le catalogue pour exprimer cet avis), apparemment un peu incongrue  par l'aspect savant de ses reliquaires en assemblages d'objets recyclés et amalgamés en un ordre esthétique déjà rencontré dans les galeries parisiennes de la Rive Gauche, Lucie de Syracuse, dont Gérard Sendrey avait déjà parlé dans un numéro précédent de la revue Création Franche (d'une façon un peu absconse, je dois dire...).

 

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Lucie de Syracuse, illustration extraite du catalogue "Visions et Créations Dissidentes" 2014

 

      Au cœur du mois de juillet enfin, est paru avec retard un grand numéro hors-série (n°1) de Création Franche consacré entièrement aux "fanzines d'art brut et autres prospectus" et qui se veut "Actes de la Rencontre du 23 novembre 2013". En réalité, ce numéro est composé de textes et autres réponses à un questionnaire qui avaient été rédigées bien en amont de cette journée de novembre.

 

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     Le but recherché par le musée et par deux protagonistes du CRaB, Déborah Couette et Céline Delavaux, était, en interrogeant les protagonistes des revues et autres bulletins tournant autour de "l'art brut" (les Caire, moi, Bruno Montpied, Danielle Jacqui, Joe Ryczko, Gérard Sendrey, Jean-François Maurice, décédé peu de temps avant la journée du 23 novembre, Martine Lamy, et Denis Lavaud) et en exposant divers documents, de proposer à l'attention de (futurs?) chercheurs quelques exemples de publications plus ou moins amateurs qui des années 80 à aujourd'hui faisaient de l'information sur des domaines de la création populaire marginale. Il est à remarquer cependant que les revuettes et autres fanzines évoqués n'étaient pas à proprement parler des fanzines d'art brut (même si Céline Delavaux dans sa contribution à ce numéro Hors-Série contourne le problème en parlant de "manières d'édition brutes"...). Si l'on s'en tient aux définitions du concept inventé par Dubuffet, la seule revue d'art brut qui ait véritablement existé des années 60 jusqu'à aujourd'hui est ce que l'on appelle improprement "les Cahiers de l'Art Brut" et qu'il faut plutôt appeler les Fascicules de la Collection de l'Art Brut, émanant comme le dit le titre de la fameuse Collection installée à Lausanne depuis les années 70. En réalité les revuettes évoquées dans ce numéro lié à la rencontre de Bègles évoquent toutes sortes de formes de création, de l'art brut strict, jusqu'à l'art contemporain insolite, en passant par des artistes singuliers historiques, les environnements spontanés (pas tous réductibles à l'art brut), l'art des handicapés, les graffiti, le surréalisme conscient ou inconscient, l'art visionnaire, les fous littéraires, l'excentricité en littérature, l''art naïf, etc, etc. Comme s'il n'était pas possible de monter une publication qui se circonscrirait  uniquement à l'art brut. Ce constat, très peu dans ces "actes" ne le mentionnent et pourtant, il aurait mérité d'être mentionné et peut-être débattu.

      A signaler enfin que malgré une promesse entendue pendant la journée du 23 novembre le numéro hors-série en question n'est pas parvenu à nous restituer sous une forme écrite (pourtant il y eut captation par la vidéo et le son) les échanges qui eurent lieu durant cette journée, notamment la table ronde finale entre Jean-Claude Caire, Bruno Montpied, Gérard Sendrey, Pascal Rigeade et Denis Lavaud. Peut-être aurons-nous cette restitution plus tard notamment sous une forme vidéo mise en ligne sur le site du Musée de la Création Franche?

       On l'aura donc compris, c'est auprès de ce dernier qu'il faut se rendre pour se procurer ces diverses publications récentes.

26/09/2014

La maison de la gaieté de Chérac: un autre chef-d'oeuvre en péril

     Des camarades m'ont signalé depuis plusieurs mois l'existence à Chérac (à deux pas de Cognac en Charente-Maritime) d'une maison couverte de mosaïques où s'étale sur une des façades l'inscription visible de loin, "LA MAISON DE LA GAIETÉ". Il s'agit d'un travail d'autodidactes, un père et son fils, Ismaël et Guy Villéger, qui de 1937 à 1952 avaient choisi de décorer d'un million de cassons de vaisselle les murs extérieurs de leur cabaret de campagne. Cela mettait à l'évidence de la couleur au bord de la route, signalant de façon immédiate aux soiffards de passage qu'ils trouveraient là bonne humeur et joie de vivre. Des fenêtres en trompe-l'œil et des grappes de raisins avaient été représentées pour égayer les parois en mosaïque.

 

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La Maison de la Gaieté, photo Eric Straub, 2012 ; à noter que la façade à droite derrière les palmiers (qui ont depuis disparu, ce qui est déjà bien dommage) possédait aussi des mosaïques qui sont tombées au fil du temps

 

     Eh bien, cette maison qui s'était maintenue vaille que vaille jusqu'à nous depuis les années 50 de l'autre siècle, voilà-t'y pas que la nouvelle équipe municipale arrivée au pouvoir récemment s'est mise en tête de s'en débarrasser Elle en est en effet la propriétaire. Comme paraît-il elle coûte trop cher (ah bon? Faudrait voir ça de plus près), le conseil municipal veut la vendre. Et le candidat au rachat a demandé si on ne pourrait pas la démolir... Histoire de mettre à la place sans doute quelque banalité architecturale qui n'attirera plus aucune attention.  Elle est prudente, la dite équipe municipale, elle s'est dite, on va demander à l'architecte des monuments de France si une étude de la démolition pourrait être faite. C'est que par ailleurs, si je suis l'article de Sud-Ouest qui évoque la question (merci à Michel Valière de me l'avoir transmis), "la maison et ses objets étaient en cours d'instruction pour être inscrits à l'inventaire général du patrimoine, au titre des Monuments historiques". Sans doute quelques esprits un peu avertis du patrimoine populaire des bords de routes avaient dû s'inquiéter de la sauvegarde de ce décor, et avec juste raison selon moi.

 

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La Maison de la Gaieté, détail, les grappes de raisin, ph. Eric Straub, 2012

 

 

      On avait pourtant parlé d'en faire un musée, ce qui aurait pu être une bonne idée. Ignore-t-on à Chérac qu'il existe dans cette même région un autre site, décoré de 400 statues cette fois, là aussi naïves, par un menuisier nommé Gabriel Albert pour lequel la région s'est récemment mobilisée afin de chercher la possibilité de le préserver durablement? C'est à Nantillé, entre Saintes et St-Jean-d'Angély. Tout près de Nantillé, à Brizambourg, existe aussi le jardin naïf rempli d'animaux en ciment de Franck Vriet. Et un peu plus loin à Lavaure, près d'Yviers, en dessous d'Angoulême, n'oublions pas le site étonnant de Lucien Favreau. En France, on recense ainsi des dizaines et des dizaines d'environnements tous plus excentriques et merveilleux, plus anti conformistes les uns que les autres, créés par des autodidactes d'origine populaire, qui mériteraient qu'on les documente par des centres d'information et des petits musées qui constitueraient un réseau de points de documentation et de sauvegarde relié les uns aux autres à travers la France. C'est la culture créée par le peuple pour le peuple qui est ici en jeu. Sans oublier qu'en préservant ainsi ce genre de sites artistiques rares, on crée une ressource touristique supplémentaire pour des communes qui n'en ont pas forcément tant que cela.

 

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Détail de la fenêtre en trompe-l'œil imaginée par Ismaël Villéger et son fils, ph Eric Straub, 2012

 

     Souhaitons donc que le nouveau maire de Chérac laisse tomber son projet funeste, et que la population de cette commune se rende compte qu'en le laissant agir comme un vandale institutionnel elle perdrait un fleuron de l'architecture populaire insolite, et qu'elle fasse pression pour que cela n'arrive pas.

 

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On tapait le carton aussi à la Maison de la Gaieté, comme l'indiquent les piques, carreaux, trèfles, cœurs qui dégringolent à gauche... Ph. Eric Straub, 2012

 

24/09/2014

Deux petits événements à retenir pour les "Happy few"

      Cette semaine, j'ai oublié de les mentionner, il y a deux rendez-vous.

     Le premier, c'est sur Radio-Libertaire demain matin (jeudi 25 septembre) de 10h30 à midi dans l'émission Chroniques Hebdo animée par Gérard Jan. Je suis invité à causer de ma participation à l'exposition actuelle de la Halle Saint-Pierre "Sous le vent de l'art brut 2, la collection De Stadshof", de l'animation du présent blog et aussi de mon article paru sur les bouteilles malicieuses du couple Beynet dans le n°3 de la revue L'Or aux 13 îles.

 

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Bouteille de Louis et Céline Beynet, des filles et des monstres, coll. BM

 

     Et le deuxième événement, quel art de la transition, n'est-ce pas?, c'est justement la présentation de la revue L'Or aux 13 îles de Jean-Christophe Belotti à la librairie du Sandre, rue du Marché Ordener dans le 18e ardt de Paris vendredi soir. Tous les amateurs de cette splendide revue sont cordialement invités à venir boire un coup et discuter avec les collaborateurs de cette revue. Voir le fichier PDF en lien ICI.  

01/08/2014

Ex-voto et topographie prédestinante?

     Je vais avec cette note lier deux dossiers que j'alimente régulièrement, les ex-voto et les noms prédestinants. Je ne me souviens plus quel correspondant (sans doute Régis Gayraud?) m'avait signalé qu'à son avis les noms de lieux pouvaient aussi avoir une influence prédestinante sur les individus. L'exemple que j'apporte ci-dessous apportera peut-être de l'eau à ce moulin.

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Photo Bruno Montpied, Caracassonne, 2014

    On se balade dans une rue de Carcassonne, en dessous de la fameuse Citadelle, avec deux de mes collaborateurs, et tout à coup on s'arrête intrigué devant le Christ encagé que l'on aperçoit à gauche de la rue, non seulement encagé mais aussi encastré dans le mur. Deux grosses bougies, et un panneau complètent la niche. Sur ce dernier est inscrit que le dispositif a été installé en "remerciements pour un accident évité", et c'est daté de 1949. Bon, c'est curieux, et peu fréquent une niche ex-voto dans la rue, mais ce qui se révèle beaucoup plus drôle, c'est le nom de la rue qui se révèle tout à coup sous nos yeux...

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Ex-voto rue de la Gaffe, Carcassonne, ph. BM, 2014

    Cependant, reste à savoir si le nom de la rue est plus ancien que l'accident évité. Et si oui, quelle gaffe a pu influer sur l'accident heureusement évité?

03/06/2014

Les figures mécanisées de monsieur Alexis

     Un correspondant, M.Tireau, m'a récemment fait part d'une jolie petite découverte qu'il a faite sur un de ces dépôts-ventes où atterrissent parfois des créations d'inspirés. Il s'agit d'un ensemble de pièces mécanisées que des héritiers, après la disparition de l'auteur, ne se sont pas résolus à détruire, se disant peut-être qu'il y avait un peu d'argent à se faire, que c'était plus facile de s'adresser à un professionnel du débarras, un ferrailleur, plutôt que de les casser morceau par morceau.

 

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Photo et coll. M. Tireau

 

      Ces personnages paraissent de prime abord assez sommaires, parce que réduits au schéma, l'attention du créateur ayant été concentrée semble-t-il avant tout sur la question de leur animation.

Petite vidéo de monsieur Tireau insérée sur YouTube où l'on voit à l'action les créations mécanisées de "monsieur Alexis", et où aussi on entend, les bruits, cliquetis, clochettes tintinnabulantes, de ces dispositifs jouant un rôle important dans la conception de ces œuvres

       Notre collectionneur ne sait pas trop si on peut appeler cela des vire-vent, des girouettes, ou d'un autre qualificatif, dispositifs mécanisés, jouets? Ce dernier terme aurait plus ma faveur, tant j'imagine ce monsieur Alexis (1912-2002), ancien cheminot de la Sarthe, travailler en pensant à des petits-enfants qu'il rêvait d'émerveiller par ces tours de force d'animations mécanisées.

 

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Ces personnages font penser à des personnages de dessins animés, très stylisés, ph. et coll. M. Tireau

 

       La plupart des vingt pièces rachetées tournent grâce à une manivelle ou grâce à des pales de moulinets, mais M. Tireau m'assure qu'elles restent incapables de se mouvoir grâce au vent (les pales ne pouvant s'actionner qu'à la main).yohann tireau,monsieur alexis,girouettes,vire-vent,jouets bricolés et automatisés,whirligigs français Certaines étaient munies de tiges de fixation, l'une d'entre elles est même encore sur le toit de son atelier (M. Tireau a retrouvé le lieu de création originel), ce qui indiquerait qu'elles étaient prévues pour être installées en extérieur (M. Tireau: "Je me demande si ces objets n'étaient pas destinés à être mis sur des piquets d'environ un mètre de haut, du style girouette de jardin").

 

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Sur cette photo floue, on devine la girouette sur le toit de l'atelier, ph. M. Tireau

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Cycliste au visage noir (de nombreux Noirs apparaissent ainsi parmi les personnages), petit drapeau tricolore, joueur de trompette... Ph. et coll. M. Tireau

 

   Monsieur Alexis n'eut-il pas le temps de perfectionner ses sujets? Il semble qu'il ait en tout cas insisté sur l'animation. "Les personnages et animaux s'animent dans un joyeux bordel en tapant quelquefois sur des timbres", m'écrit M. Tireau. Un point sur lequel il faut revenir, c'est l'aspect schématique des silhouettes peinturlurées franchement, et la part envahissante prise par les grossières pièces de mécaniques, pales, écrous, vis énormes, montants métalliques, qui font penser à un jeu de Meccano particulièrement conçu pour un malvoyant.

 

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Exemple de pièces de mécanique très voyantes, jouant un rôle esthétique dans la composition de la pièce ; les divers éléments sont constitués de matériaux recyclés, ph. et coll. M. Tireau

 

    Le dessin des silhouettes (il en est peu de face, voir exception ci-dessous) est réduit au minimum, tirant celles-ci vers une tendance à l'abstraction géométrique colorée, où les éléments mécaniques joueraient un rôle esthétique (probablement involontaire).

 

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Personnage présenté de face, visage noir et tout de jaune vêtu, avec des sabots semble-t-il, ph. et coll. M. Tireau

 

   D'autres pièces seraient conservées dans d'autres parties de sa famille. Avis aux curieux...

31/05/2014

Veste à carreaux, drôle de chapeau, et portant sabots...

     De retour l'autre jour de la projection des films sur Vanabelle, où il n'y avait pas grand-monde venu s'inquiéter du devenir de la Base de la Menegatte, je suis tombé sur une brocante à cinquante mètres de chez moi. En général, dans ce genre de vide-greniers parisien, il n'y a vraiment que peu de chances de trouver quoi que ce soit dans les domaines qui m'intéressent, mais cette fois-ci, on m'avait prévenu qu'un personnage curieux m'y attendait peut-être.

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Collier de barbe, sabots, costume à carreaux, une petite cravate à trois brins et une drôle de tourte juchée sur le crâne, H. 67 cm, coll. BM

     D'où cela peut-il sortir? Le visage a une vague ressemblance avec ceux que sculptait autrefois Lui Buffo en Haute-Garonne. Il n'y a aucune inscription dessus. Le broc qui le vendait, comme d'habitude, n'avait recueilli aucune information à son sujet. Cela provenait, me dit son frère, d'un endroit perdu en France... Avec ça, on se débrouille...

    Il me semble que le chapeau très particulier, et plus généralement les détails vestimentaires, le costume, l'espèce de cravate, si c'en est une, les sabots, pourraient être des indices permettant au moins de situer l'origine géographique du bonhomme. Les fils de la "cravate" me font penser aux manadiers de Camargue, voire à des hidalgos d'Espagne... Mais peut-être erré-je...

19/04/2014

Gens ordinaires et univers imaginaires

     Le printemps est donc là avec son cortège de projections de docu sur l'art brut et consorts. Hors-Champ à Nice doit être en train de mettre la dernière main à son programme de fin mai début juin au MAMAC de Nice. Peut-être pour nous mettre l'eau à la bouche, voici que son animateur principal, Pierre-Jean Wurst, avec la complicité de Denis Lavaud son homologue parisien féru de cinéma autour des arts populaires, monte à Paris avec un programme de films certes déjà vus ici ou là, mais que les néophytes auront tout intérêt à aller découvrir si ils veulent s'initier de façon vivante et cinétique aux créateurs de l'art brut et apparentés. Demandez donc le dit programme...

    Une fois celui-ci placé sous les yeux de tout un chacun, je me permettrai de me fendre de conseils de visionnage pour ceux qui voudraient se faire une culture, ou une anti-culture vite faites en matière de cinéma documentaire sur les arts populaires modernes. Sans aller jusqu'à faire comme les surréalistes qui préconisaient "lisez ceci... et ne lisez pas cela...", ce qui serait d'actualité dans d'autres cas –car tout un chacun a bien le droit d'exprimer ses préférences et ses haines, en dépit de tous les crétins amateurs de nivellement– on peut en l'espèce indiquer quelques pistes qui d'après moi s'annoncent plus originales que d'autres. La programmation est prévue pour deux jours le samedi 26 et le dimanche 27 à la MAISON DES CULTURES DU MONDE (101, bd Raspail dans le VIe ardt, et NON à la Halle St-Pierre... auprès de qui par ailleurs il est prudent de réserver sa place), dans le cadre du toujours passionnant Festival de l'Imaginaire qui se tient depuis des années à Paris, proposant diverses manifestations autour des arts populaires du monde entier (ils ont une antenne, si je puis dire, à Vitré, au Centre Français du Patrimoine Immatériel, où sont montées à la belle saison généralement d'alléchantes expositions, comme par exemple cette année "ANIMAUX TOTÉMIQUES ET DRAGONS PROCESSIONNELS, Le bestiaire fantastique des fêtes méridionales" du 26 avril au 21 septembre).

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Animaux (loups?) de procession dans le Midi de la France, image extrait du site du CFPCI

 

     Je ne pense personnellement pas venir le samedi 26, où seuls quelques titres m'intriguent (le samedi matin: Le jardin fantastique de Fiorenzo Pilla de Giuseppe Trudu, en présence du réalisateur ; Driven by vision (Jim Bishop) de Michael McNamara ; et surtout le samedi après-midi Emile Ratier d’Alain Bourbonnais en présence de Caroline Bourbonnais), car malheureusement placés avec d'autres déjà vus dans de précédentes programmations.DiamantsbrutsduJaponLespinasseDVD.jpg

  

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Emile Ratier, un de ses assemblages de bois, une grande roue foraine, collection permanente du Musée de la Création Franche, Bègles

 

    En effet, certains autres films comme celui annoncé sur Yvonne Cazier "peintre-médium", s'annoncent, si je me base sur les images d’œuvres récemment reproduites dans le dernier numéro de Création Franche, comme de possibles fausses découvertes. Comme si on s'ingéniait à nous trouver des prolongements spirites à l'heure actuelle, ce qui jusqu'ici n'est pas prouvé, les créateurs (et en l'occurrence plutôt les créatrices) proposés  lors d'autres manifestations (Marie Jeanne Gil par exemple ou Henriette Zéphyr) étant assez peu originaux je trouve. Le lecteur cela dit, comme je l'ai déjà dit, se fera bien entendu, à propos d'Yvonne Cazier, son opinion seul à l'aide du programme dans le lien inséré plus haut.

     Non, personnellement, je passerai peut-être plutôt le dimanche après-midi, même si je vous conseille de vous débûcher le matin pour aller voir les trois films programmés, l'excellent film de Milka Assaf sur Gugging, et ses créateurs dont plusieurs désormais disparus comme August Walla ou Johan Hauser, et aussi le très poétique documentaire de Vincent Martorana sur Justin de Martigues. L'après-midi, les films sont intéressants aussi. Sont prévus des films de Decharme sur ses chouchous déjà insérés dans son film Rouge Ciel (avec entre autres un sujet sur l'abbé Fouré à propos duquel j'espère qu'il aura fait une mise à jour côté biographie? Parce que son inspiration n'a rien à voir avec une bande de flibustiers du nom de Rothéneuf...), un film de Del Curto et Genoux sur Pya Hug,PyaHug-DVD.jpg et un autre sur un créateur asiatique (japonais je crois me souvenir), Macoto Toya –déjà montré par exemple au Lieu Unique à Nantes il y a deux ans– plus le toujours génial film de Michel Ettter, Martial, l'homme-bus, sur une figure de la rue de Lausanne.

      Cet après-midi-là, il y a encore un autre film, à se fier à la consonance du patronyme sur un site coréen, Mok Sok Won (ce qui veut dire jardin de bois et de pierres) de Muriel Anssens et Jean-Louis Bartoli. De la poésie naturelle en bord de mer interprétée par un artiste qui hélas plaque un peu trop semble-t-il son idéologie New Age, ce qui plaira certainement à tous nos "artbrutistes" amateurs de contre-culture. Un peu de poudre mystico-dingo faisant toujours bien dans le décor.

 

09/04/2014

L'homme de Fontenette, Loir-et-Cher, 1992

     Je suivais le sentier de Grande Randonnée n°35 non loin de Gué-du-Loir (la scène se passe en 1992) lorsque je tombai en arrêt en découvrant, plantée sous un sapin, lui-même situé à la fourche de deux chemins, une sorte de statue grossièrement agencée. Je fus instantanément impressionné, d’une manière qui confinait au malaise.

 

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Entre Montoire-sur-Loir et Lunay, sur la D.53 ; photo Bruno Montpied, 1992

 

       Il s’agissait d’un bonhomme dont le corps se limitait à une tête et un tronc. Ce dernier, peut-être une ancienne pierre levée réemployée après avoir été retirée d’un champ, avait le pied couvert d’une roche aux formes sinueuses qui ressemblait à des vagues butant contre un rempart. Du ciment lui avait recouvert le haut, façonné de manière à esquisser des épaules. La tête, qui était peut-être elle aussi faite en ciment (mais d’une couleur différente, tirant sur le jaune) avait été travaillée, avec des yeux proéminents (leurs globes constitués de billes de verre), des oreilles, des arcades sourcilières à l’expression déterminée, un nez fermement dessiné, des lèvres entrouvertes sur des dents représentées par de petits cailloux blancs.

 

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Photo BM, 1992

 

     Elle était coiffée d’un béret, le cou noué de lambeaux d’étoffe lui composant comme une écharpe. Un détail important lui conférait une signification étrange, une grosse clé était fixée sur la poitrine côté gauche. Et des épis de céréales étaient passés dans cette clé (nous étions à la Pentecôte).

      J’ajouterai que des petites étoiles en fer blanc étaient suspendues dans les branches, juste au-dessus de « l’homme ».

 

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Photo BM, 1992

 

     Que faisait-elle là ? Etait-ce une statue de type votif ? Les épis de blé pouvaient signifier que l’on avait dressé là une figure propitiatoire chargée de porter bonheur aux récoltes à venir. Mais si c’était l’écho d’une pratique magique ancienne, cela paraissait très étonnant. Découvrir une pratique de cette sorte dans les campagnes de ces années 90 ne laissait pas de me surprendre. Mais la sorcellerie a, paraît-il, encore de beaux restes, alors pourquoi pas ce genre de rite aux allures païennes ?

Bibliographie: Bruno Montpied, Tour de France de quelques bricoles poétiques (inédites) en plein air, Gazogène-L’Art Immédiat, 1993.

 

03/04/2014

Art brut à Taïwan (3): La falaise sculptée du paysan Chen Ruiguang, par Remy Ricordeau

La falaise sculptée du paysan Chen Ruiguang

 

       A l’Est d’une plaine côtière large d’une cinquantaine de kilomètres, la partie centrale de l’île de Taiwan est constituée d’une zone montagneuse qui court du Nord au Sud. Sur les contreforts de la montagne Alishan,  la préfecture de Jiayi, au centre de l’île, est une région d’agriculture  tropicale (Taiwan est traversé par le tropique du Cancer) à la végétation luxuriante. Champs d’ananas, de bananiers ou de cocotiers côtoient des plantations de caféiers, lesquels ont justement besoin de l’ombre de ces derniers pour se développer. Si la nature se montre ici généreuse, les  paysans qui travaillent cette terre n’en ont pas pour autant fait fortune. Les parcelles sont petites qui obligent souvent les enfants à aller chercher du travail à la ville. Ceux qui restent, s’ils savent se contenter de revenus modestes, ont au moins la satisfaction de ne pas se tuer à la tâche : peu de travail en effet en dehors des périodes d’entretien ou de récolte, ici la nature accomplit seule la besogne.

 

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Portrait du créateur extrait d'un site web chinois, DR

 

 

      Peut-être est-ce cette relative disponibilité de temps qui a amené Chen Ruiguang, un paysan du district de Zhong Pu à vouloir commencer à s’exercer à la calligraphie. Cet art lui plaisait mais n’ayant pas poursuivi ses études au-delà du cycle primaire, il en était resté ignorant. Ses premiers travaux sur papier se révélèrent d’une facture maladroite. Sans doute, étant lui-même insatisfait  devant ces premiers résultats, l’envie lui vint alors de changer d’exercices et de se mettre à copier des hiéroglyphes égyptiens sur des écorces d’arbre récupérées. Encouragé par des résultats qui le comblaient davantage, il songea qu’il pouvait s’essayer à copier également des caractères chinois primitifs, du type de ceux qui ont été gravés il y a quelques milliers d’années sur des carapaces de tortue (Les Jiakuwen qui constituent les premières inscriptions connues de l’écriture chinoise). L’exercice lui plut et voulant passer de la copie à la création il se mit à en imaginer et à en dessiner d’autres de même facture, mais cette fois de son cru.

 

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Inscription sur rocher, photo Remy Ricordeau, 2014

 

 

      Au début des années 2000, arrivé à l’âge de la cinquantaine, M. Chen s’avisa de la fragilité des supports qu’il avait jusqu’alors utilisés. Il se dit que s’il se mettait à graver ses caractères sur quelque rocher, il laisserait ainsi des traces moins éphémères de son passage sur terre, à l’image de certains empereurs dont des calligraphies ont pu être reproduites sur les montagnes sacrées taoïstes.

 

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Echafaudage nécessité par les travaux d'inscription de Chen Ruiguang, cliché extrait d'un site web chinois, DR

 

      Non loin de chez lui se trouvait précisément  une petite falaise dont la roche, suffisamment plane pour être gravée, s’étendait sur une longueur d’une centaine de mètres. Aidé de quelques amis, il en débroussailla les abords et ouvrit un chemin pour y accéder (lequel fut goudronné quelques années plus tard).

 

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Inscriptions sur roche le long de la route goudronnée, ph. RR, 2014

 

 

   Au grand désespoir de sa femme qui le considérait comme mentalement un peu dérangé, il décida alors de ne se consacrer dorénavant qu’à la réalisation de son grand œuvre. A cette fin il installa un échafaudage en bambou pour accéder à la partie supérieure de la falaise haute de plus d’une dizaine de  mètres et se mit à graver.

 

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Ph. RR, 2014

 

      En un peu plus de cinq ans, au prix d’un travail journalier, M. Chen a ainsi à peu près couvert la totalité de la surface disponible. Du fait de l’humidité du climat les premières graphies commencent à être recouvertes de mousse. Je n’ai pas eu le loisir de rencontrer le créateur qui a la réputation d’avoir un caractère un peu bourru. Mais à ce qu’il m’a été confié, il songerait à les rendre de nouveau un peu plus visibles.

 

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Ph. RR, 2014

 

    Je n’ai malheureusement pas obtenu d’informations fiables sur les raisons d’un tel acharnement dans la création ni non plus sur le sens ou le message mystérieux dont cette étrange calligraphie se veut peut-être le vecteur. Les voisins prétendent qu’elle ne veut rien dire. C’est peut-être vrai à moins que pour quelque raison le créateur veuille garder pour lui son secret. Il est certain cependant que d’éventuels archéologues des siècles futurs se perdront en conjectures en essayant de déchiffrer le sens de ces inscriptions qui, pour un néophyte, ont toutes les apparences de véritables caractères chinois. En utilisant en effet des éléments constituant des caractères réels, M. Chen s’est amusé à créer une écriture imaginaire pour son propre plaisir. Seuls quelques dessins ou traits d’animaux ou de visages viennent cependant mettre la puce à l’oreille de l’observateur en le laissant soupçonner une supercherie. Mais c’est précisément l’intérêt de ce site que d’intriguer le passant par le mystère de ses inscriptions car il y a fort à parier que le badaud resterait indifférent s’il ne se trouvait en présence que de simples reproductions de sentences vertueuses.

     Remy Ricordeau

 

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 Sur cette paroi le long de la route on voit des dessins mêlés aux inscriptions, davantage des sortes de pictogrammes que des signes chinois ; ph. RR, 2014

 

26/11/2013

Une étrange roche sculptée en forêt de Fontainebleau

 Cette note contient une mise à jour datée du 28 novembre

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Forêt de Fontainebleau, Roche de la Chouette (la Belle-Mère), tamponnée et datée au verso de 1930

 

   Curieuse carte postale, curieuse photographie sans nom d'auteur que voilà... L'intérêt de cette image à mes yeux étant que l'on n'a pas seulement affaire ici à une de ces photos de formes naturelles pittoresques sur lesquelles l'éditeur de la carte aurait plaqué une interprétation plus ou moins reconnaissable. On a en plus une action accomplie par une main anonyme qui à l'aide d'un ciseau de sculpteur a façonné la roche de façon, justement, à caractériser une interprétation de départ. Cette "Roche de la Chouette", ou cette "belle-mère", a été visiblement orientée par le sculpteur resté anonyme. C'est une démarche tout à fait voisine de celle de l'abbé Fouré qui sculpta au tournant des XIXe et XXe siècles les falaises de Rothéneuf près de St-Malo. Dans ce massif de Fontainebleau, ce genre d'interprétation visionnaire est comme on sait très commune (on se reportera au Guide de Fontainebleau Mystérieux de René Alleau publié en 1977 dans la collection des Guides Noirs des éditions Tchou-Princesse, qui entre parenthèses ne mentionne pas cette roche curieuse). Par contre, parmi toutes les roches surnommées en fonction des images que tel ou tel croyait y reconnaître (l'Eléphant, la tortue, etc.), il me semble qu'on en relève fort peu qui aient été accentuées par la sculpture, voire la peinture, et qu'on aurait pu ranger entre land art et art brut.

    Aux Gorges de Franchard, en forêt de Fontainebleau, moi qui connais assez bien le coin pour le visiter depuis des lustres en compagnie de nuées d'enfants des centres de loisirs parisiens, je n'ai jamais vu cette roche. La carte est datée de 1930. Ce n'est pas si éloigné de notre époque, et donc on peut raisonnablement espérer que la roche existe encore aujourd'hui. Mais où se trouve-t-elle exactement? Je pars à sa poursuite...

*

     Inutile de partir en quête, mes lecteurs s'en chargent presque aussi sec, et leur hâte me fait chaud au cœur... Un(e?) certain(e?) Dan me renvoie donc dans les commentaires (voir ci-dessous) à un site qui recense les roches de la forêt, et bien sûr on y apprend que la roche de la Chouette existe toujours, la voici donc:

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Etat 2012, site web sur la Forêt de Fontainebleau

 

     Le profil de "la belle-mère" a disparu, mais pas l’œil qui peut-être, cavité naturelle de forme comme bridée, donna l'idée au sculpteur anonyme des années 20-30 de poursuivre le profil en le taillant plus réalistement. Donc, de deux choses l'une, soit ce profil a disparu par usure, soit ce ne fut qu'un trucage. Et pour faire la part entre ces deux hypothèses, j'ai l'impression que mes lecteurs risquent de s'y casser les dents cette fois...

     Dernières précisions quant à la date de 1930. Elle est apposée au bas du texte en cinq mots de l'expéditeur de la carte au verso, et elle figure sur le tampon également. Mais cela ne suffit pas en effet. La carte a pu faire partie d'un lot qui publié auparavant ne s'était pas encore complètement écoulé en 1930. On sait que les textes en cinq mots ne furent permis qu'à partir de 1909... Et que certaines cartes furent réimprimées plusieurs années après le cliché original, c'était en effet une pratique commune dans les années 30. Cela expliquerait peut-être que l'on ne trouve pas de nom d'éditeur à côté de la légende (on ne voit qu'un logo, un dragon...). Donc la photo peut dater d'avant les années 30.

18/11/2013

Fanzines... d'art brut? Rendez-vous samedi 23 novembre au Musée de la Création Franche

    C'est dans six jours. Une journée entièrement consacrée à la recherche autour des fanzines (petite presse en auto-édition) spécialisés dans l'art brut. L'initiative en revient à Déborah Couette du CrAB (Collectif de Recherche autour de l'Art Brut) et au Musée de la Création Franche à Bègles où se tiendra la journée d'études. Plusieurs intervenants, dont mézigue, sont attendus là-bas. Voici du reste le programme et les intentions des concepteurs de cette journée:

 

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    Des fanzines et des revues autour de l'art brut, il y en a eu, il y en a encore. Mais entièrement consacrés à l'art brut au sens strict du mot, à part les premières plaquettes éditées par la Galerie René Drouin en 1947-48, les publications en jargon de Dubuffet, puis les fascicules édités depuis le début des années 1960 sous l'égide de la Compagnie et de la Collection d'Art Brut, on ne peut pas dire qu'il y en ait eu véritablement. Toutes celles qui parurent, jusqu'à aujourd'hui, du Bulletin des Amis d'Ozenda, en passant par la Chambre Rouge, l'Art immédiat, Les Friches de l'Art, Gazogène, jusqu'à Zon'art et Création Franche, toutes ne parlèrent pas exclusivement d'art brut, mais aussi et surtout des alentours aussi bien, des formes d'art apparentées (art naïfs, habitants-paysagistes, graffiti, art modeste, inclassables etc.) en se référant également à des artistes singuliers rangés ailleurs dans la Neuve Invention (à Lausanne) ou dans la création franche (à Bègles). Comme si le concept d'art brut leur paraissait trop restrictif, trop ghettoïsant...

 

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Bulletin de l'Association Les Amis de François Ozenda

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La Chambre Rouge fut mon premier fanzine un peu sérieux, qui s'intéressait à la fois au surréalisme dans ses aspects les plus vivants, aux fous lttéraiires, aux divertissements littéraires, à la sculpture populaire, à l'art rustique moderne (Gaston Mouly et ses "dessins" ci-dessus évoqués sur la couverture du n°4/5 de 1985, bien avant que Gérard Sendrey ne rencontre, sur mon instigation, le même Mouly et ne s'attribue par la suite la responsabilité d'avoir poussé Mouly vers le dessin...)

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Le n°2 et le n°1 de L'Art Immédiat, ma deuxième revue, de 94 et 95, cette fois plux axée sur les arts populaires spontanés

Création-Franche-n°30.jpgCréation Franche

Gazogène, le numéro plus récent, n°35fanzines,art brut,art singulier,surréalisme spontané,la chambre rouge,l'art immédiat,collection de l'art brut,création franche,crab,déborah couette,zon'art,ozenda,recoins,gazogène

         De plus, les publications de la Collection de l'Art Brut, si elles sont bien de l'auto-édition du fait de la Collection elle-même (dans la majeure partie des fascicules, car les derniers en effet sont édités conjointement avec In Folio éditions), ne sont pas à proprement parler analogues aux "fanzines", éditions qui se caractérisent généralement par une certaine pauvreté de moyens, étant le fait de chercheurs et de passionnés le plus souvent désargentés, indépendants des cercles professionnels du journalisme et de l'édition. 

     Il était cependant tentant d'aller porter un peu l'éclairage de ce côté, pour voir pourquoi il fut important pour quelques passionnés en France –dont le signataire de ces lignes, et animateur de ce blog,  fait partie– de faire de l'information sur les phénomènes non seulement de l'art brut mais aussi de l'art naïf, de l'art populaire rural, de l'art forain, de l'art populaire contemporain aussi appelé art modeste, d'un certain surréalisme spontané, de la littérature ouvrière, des fous littéraires, des environnements spontanés, des cultures urbaines, de l'art de la rue, des graffiti, etc. Il est tentant d'essayer de comprendre aussi pourquoi il n'a pas été possible en France, et ce jusqu'à présent, de monter une grande publication périodique qui se consacrerait à l'étude et à l'information sur tous ces aspects de la créativité autodidacte spontanée, publication qui aurait fait appel à toutes sortes de plumes. Ne seront pas non plus évoquées, très probablement, et ce sera dommage, toutes les publications encore moins spécialisées sur les arts populaires, pas nécessairement des fanzines aux pauvres atours, mais qui ont cependant régulièrement publié des informations sur tel ou tel sujet qui appartenait au corpus, comme les revues Plein Chant, SURR, Jardins, voire les magazines L'ŒilArtension, L'Oeuf Sauvage (par exemple). Des fanzines d'aujourd'hui comme Recoins et Venus d'Ailleurs (très soigneusement édité ce dernier), sans se braquer sur l'art populaire ou brut, savent de temps à autre accueillir des articles sur le sujet. Il faudrait donc ouvrir plus largement le compas et s'interroger sur l'ensemble des articles ou études publiés ici et là sur le thème des arts d'autodidactes inventifs.

 

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Annonce de la publication de la revue Recoins n°5 (avec plusieurs articles concernant les arts populaires et les environnements spontanés), parution 2013

 

     Sans compter que d'ici très peu de temps, il faudra aussi que nos amis universitaires et archivistes se penchent avec suffisamment de documentation numérisée sur les blogs qui ont pris le relais avec vigueur des publications sur papier (comme l'auteur de ce blog qui put grâce à ce médium donner toute l'ampleur qu'il souhaitait à la masse d'informations dont il disposait, une fois passée l'époque "héroïque" des premiers fanzines des années 80 et 90).

Pour suivre cette journée, il semble prudent de réserver auprès du Musée de la Création Franche.

09/09/2013

Chemin faisant, qu'est devenu ce petit musée des années 70 entre Saint-Chinian et Assignan?

         Jacques Lacarrière évoque avec émotion et sympathie, dans cette bible de la randonnée en France qu’est son livre Chemin Faisant, au détour de quelques pages, "prés du hameau de Tudéry, entre Saint-Chinian et le village d’Assignan", un petit musée voué à la poésie naturelle que lui fit visiter un vieillard d’un autre temps (ce temps des ruraux païens se suffisant presque à eux-mêmes, tels qu’ils sont décrits dans les nombreux ouvrages de Raymond Humbert,  fondateur du musée rural des arts populaires de Laduz dans l’Yonne). Un petit paysan d’autrefois que la chasse aux rouges-gorges, dans son pays, révulsait et qui avait accumulé dans un local toutes sortes de vestiges de la création naturelle. Il était aussi guérisseur à l’occasion.

         Voici ce qu’écrit Lacarrière, entre autres :

         « Devant la maison, sous la treille, je découvre tout un amoncellement de pierres aux formes étranges, de fossiles, un petit reposoir abritant une Vierge faite de calcaires coralliens, portant les empreintes étoilées de polypiers et madrépores fossiles. A côté, une sculpture faite, elle aussi, de ces pierres ouvragées par l’eau, simplement empilées et liées par un léger mortier. Elle représente un homme en marche tenant un chien en laisse. (…) Il y a là des minéraux, (…) des racines aux formes de mandragores, des coquillages, des pierres colorées. Avec certaines, il a construit de petites figurines, dressé des personnages gnomiques ou féeriques, esquissé des scènes rudimentaires, tout un théâtre de bois, de nacre, de coraux, de paysages imaginaires. Le plus curieux, c’est que ce paysan autodidacte n’a rien lu, ne sait rien de précis sur tout ce qu’il possède. Chaque fois que quelqu’un vient, il le questionne, lui demande son avis, l’interroge sur l’origine de tel ou tel objet. Ainsi s’est formé son savoir : en parlant avec des inconnus. »

         Je ne sais s’il reste aujourd’hui, trente-six ans plus tard, quelque vestige de ce musée. Avis aux chercheurs, si vous passez par ici, n'hésitez pas à laisser quelque commentaire…

Bibliographie : Jacques Lacarrière, Chemin Faisant, mille kilomètres à pied à travers la France, éd. Payot, 1992 (Edition originale 1977, éd. Arthème Fayard) ; mille mercis à Cosmo Helectra qui m’a rappelé ce passage de Lacarrière et qui me signalait ces jours-ci que je pourrais en reparler ici, dans le prolongement de ma note évoquant le musée d'art naïf de Flayosc. Dont acte.

31/08/2013

Poésie en plein ciel (les épis de faîtage de la Creuse et autres créations populaires de plein vent)

     Jusqu'au 22 septembre prochain, continue de se tenir l'exposition "Entre Terre et Ciel, les Epis de Faîtage en Creuse" à La Tuilerie de Pouligny (écomusée), en Limousin.

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     C'est Mme Andrée Clavaud qui paraît être l'inspiratrice souterraine de ce rassemblement basé sans doute sur sa collection, ses archives photographiques et autres. Elle avait déjà eu l'occasion de présenter une partie de ses collections dans un numéro ancien (le n°8 de juin 2004) du bulletin des Maçons de la Creuse,andrée clavaud,tuilerie de pouligny,épis de faîtage,art populaire insolite,poterie populaire bulletin qui par ailleurs délivre régulièrement d'autres livraisons qui parlent de la créativité populaire en Creuse et au delà (voir par exemple ma note récente dans son n°15 sur les environnements populaires avant le Facteur Cheval et sur le petit musée de René Montégudet à Lépinas, articles rédigés par mézigue)¹.

 

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Un gendarme perché sur un faîtage


     Dans la balade proposée dans cet écomusée (dirigé par Pierre Veysseix), on prendra note entre autres de la reconnaissance affichée par les concepteurs de l'exposition à un potier de Mortroux dont on a gardé le nom, Henri Renty, créateur d'épis de faîtage anthropomorphes aux faciès et aux attitudes humoristiques et naïves. Andrée Clavaud dans son article du Bulletin des Maçons de la Creuse, de son côté, désignait amusée diverses représentations masculines pourvues sans fard de leurs membres virils et plantées au sommet de quelques maisons creusoises (voir ci-contre).andrée clavaud,tuilerie de pouligny,épis de faîtage,art populaire insolite,poterie populaire

        Mais sans focaliser outre mesure sur ces figurations humaines, on peut aussi admirer la poésie de ces épis outrepassant largement leur fonction originelle (ils étaient "placés sur le poinçon du faîte des toitures pour en garantir l'étanchéité", nous susurre un commentaire technique) en montrant par exemple des empilements de fruits, comme dans l'image ci-contre,andrée clavaud,tuilerie de pouligny,épis de faîtage,art populaire insolite,poterie populaire devenus sculptures ou architectures baroques en plein ciel, incongrues sur le toit des maisons françaises, presque arcimboldesques, ouvrant l'esprit à d'autres perspectives quant au style de décors que l'on peut souhaiter pour son habitat. Ces fabricants d'épis de faîtage étaient des anti-fonctionnalistes avant la lettre.

 

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Edition Lieux Dits

     On aura tout intérêt à prolonger la recherche de cette poésie de plein vent en allant compulser l'instructif catalogue, Compagnons Célestes, qui accompagnait une autre exposition plus ancienne, intitulée "Compagnons célestes, épis de faîtage, girouettes, ornements de toiture", organisée à l'écomusée de Rennes du 10 avril 2010 au 3 juillet 2011. Si cet ouvrage est souvent très disert sur les techniques de couverture, et autres installations d'épis de faîtage en zinc, plomb ou terre cuite, dans un langage malgré tout accessible et clair, on découvre cependant au fil de ses pages toutes sortes de surprises. Les pièces photographiées sont essentiellement localisées en Bretagne, certaines provenant de collections publiques comme celle du musée du Vieux Château à Laval qui possède de fort belles girouettes peintes, rarement montrées faute de place (quelques-unes sont visibles dans ce catalogue). Un collectionneur privé, par ailleurs ancien couvreur, Yves Bellenger-Rouault, a aussi accepté de laisser photographier certaines de ses magnifiques trouvailles récupérées avant qu'elles soient jetées aux orties, semble-t-il. Voir par exemple "l'Allégorie de la Justice" en plomb ci-dessous particulièrement étonnante, en provenance d'un château de la région de Vitré:

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Ph. Norbert Lambart, Service de l'Inventaire du patrimoine culturel, Région Bretagne

 

    Le catalogue montre beaucoup d'épis de faîtage bien sûr, dont certains tout à fait inattendus (par exemple la Tour Eiffel ci contre installée sur le faîtage d'une maison de Plerguer en Ille-et-Vilaine qui relève presque de la catégorie des décors d'environnements populaires ; photo Norbert Lambart),andrée clavaud,tuilerie de pouligny,épis de faîtage,art populaire insolite,poterie populaire mais aussi d'autres décors de toiture que l'on connaît infiniment moins (si j'en excepte mon érudit ami Régis Gayraud qui avait attiré mon attention il y a peu sur ce genre de décor extrêmement original), j'ai nommé les lignolets.

 

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Lignolet sur un toit de maison à Le Mendy (hameau des Monts-d'Arrée), voir Glad, "le portail des patrimoines de Bretagne"

    Connaissiez-vous les lignolets? Personnellement, je n'en avais jamais entendu parler jusqu'à une date récente. Ce sont de petites découpures faites dans les ardoises au faîte de quelques rares maisons en Bretagne. Cela donne des frises qui doivent être très surprenantes quand on ne s'attend pas à voir à cet endroit des images en silhouettes noires se découpant sur le fond du ciel, à la limite de l'hallucination...andrée clavaud,tuilerie de pouligny,épis de faîtage,art populaire insolite,poterie populaire Surtout qu'elles sont petites apparemment, et, généralement placées en hauteur, donc peut-être difficiles à détailler précisément. Les sujets ont l'air assez variés, des cortèges d'animaux, des blasons, des cavaliers, des scènes de chasse... Bref, une technique de décor narratif en plein ciel tout à fait originale, et inattendue. N'est-ce pas?

Ci-contre quelques images de lignolets tirées du catalogue "Compagnons célestes"...



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¹ Pour obtenir ces bulletins il faut écrire à: "Les Maçons de la Creuse", 2, Petite Rue du Clocher, 23500, Felletin. Tél 05 55 66 90 81 ou 05 55 66 86 37.

11/08/2013

Pierre Martelanche, une découverte émouvante dans la région de Roanne

     En parcourant récemment le site web de la Collection de l'Art Brut de Lausanne, quelle n'a pas été ma surprise de tomber sur l'entrefilet publié dans leur rubrique 'Recherche sur l'art brut" qui évoquait un site inconnu, un petit musée créé à St-Romain-La-Motte au nord-ouest de Roanne, entre 1900 et 1920 par un certain Pierre Martelanche, vigneron de son état, ayant vécu entre 1849 et 1923.Détail du musée original.jpg

   Dans une cabane de vigne en pierre (ou torchis?), pendant des décennies, ses descendants ont conservé les statuettes en argile qu'il y avait organisées dans un but d'édification humaniste, féministe et pacifiste, désirant propager l'idée d'une éducation pour tous dont lui-même n'avait pu bénéficier. Son but était peut-être humaniste, mais le terme peut paraître un peu pâle car il semble que Martelanche allait aussi vers une critique sociale plutôt radicale, comme le montre l'illustration ci-dessous (empruntée comme les autres dans cette note aux brochures numérisées qu'ont mises en ligne sur internet l'Association des amis du Petit Musée de Pierre Martelanche ainsi que Jean-Yves Loude auteur d'un livre sur ses voyages avec des ânes dans la région roannaise, ouvrage où il relate sa découverte du petit musée ; à signaler que le premier lien ci-dessus ("brochures") mène à un fichier où l'on propose de soutenir l'Association  citée).

 

l'exploitation par l'Eglise et le patron.jpg

Pierre Martelanche, Bas-relief montrant l'exploitation du travailleur courbé sous les représentants de l'Eglise et du patronat qui lui assènent leurs principes et leur raison d'être sous la forme de petits panonceaux couverts d'inscriptions (l'Eglise: "Je te berce"...)


     C'est un vrai miracle que les sculptures en argile ne se soient pas détériorées au fil des années, malgré le vandalisme enfantin, l'invasion végétale, ou les écarts de température. Si l'écrivain-voyageur Jean-Yves Loude, en résidence dans la région, fut le premier à révéler le lieu et l'oeuvre, divers autres intervenants, ainsi qu'une association des Amis du Petit Musée de Pierre Martelanche, cherchent dès à présent à trouver les moyens de préserver ces petits chefs-d'œuvre de poésie populaire dans l'optique de les présenter au public. On parle déjà (voir la vidéo mise en ligne sur Daily Motion ci-dessous) de réaliser une cabane refaite à l'identique où l'on réinsérerait les statues de Martelanche en respectant son organisation initiale...


Martelanche redécouvert à St Romain la Motte par avp_diffusion ; vidéo provenant de la chaîne de télé RW TV

     A moins qu'inspirés par les conseils de "l'expert international" Laurent Danchin, qu'on a automatiquement contacté (de même, on apprend que le cinéaste Philippe Lespinasse travaille déjà sur un film sur Martelanche), on décide sur place de transférer les statuettes dans un autre lieu, au sein du village entre école communale et foyer de retraités dans le but de faire servir le futur musée Martelanche à des visées sociales... Certes, on sait que des musées consacrés à un seul autodidacte, s'ils ne gardent que cette seule finalité, faire découvrir la vie et l'œuvre de l'autodidacte en question, finissent par péricliter à la longue. Mais la visée sociale très à la mode aujourd'hui, débouche aussi parfois, par la sollicitation de publics pas forcément très concernés, sur des résultats bénins voire médiocres, contrastant avec la présentation des oeuvres de grands autodidactes d'autrefois qui sont elles d'une toute autre qualité (comme c'est le cas ici avec les pièces naïves en argile de Pierre Martelanche). Ces visées sociales peuvent alors se révéler contre-productrices. Méfions-nous donc des "expertises".

 

Détail des femmes fondant des canons.jpg

Détail d'une saynète montrant des femmes en train de fondre des canons


     Pourquoi ne pas songer plutôt à associer les sculptures de Martelanche à d'autres œuvres du même type que l'on rassemblera petit à petit dans la même région? En demandant des legs ou des dépôts aux collectionneurs encore inconnus de la région, ou à des créateurs populaires contemporains. Je pense par exemple à ce collectionneur qui conserve non loin, à Toulon-sur-Allier, des dessins formidables d'un autre  autodidacte visionnaire, appelé Alphonse Courson, qui était un ancien soldat. Un peu plus loin, dans les Monts du Lyonnais, existait également un sabotier sculpteur naïf, Jean Molette (j'ai parlé de lui dans le récent n°15 du Bulletin des Maçons de la Creuse). Comme le note la brochure de l'Association, non loin également, à Civrieux-d'Azergues, se trouve le Jardin de Nous deux de Charles Billy (à qui j'ai consacré un chapitre entier dans mon Eloge des Jardins anarchiques, version remaniée d'un ancien article paru dans Raw Vision au début des années 90). Récemment, au sud de Roanne, Montbrison a également monté une exposition d'art brut. Cette vallée de la Loire paraît recéler beaucoup d'occurrences où il est question d'art brut ou d'art naïf de qualité. L'idée de monter un musée ou un foyer d'activités centré sur la créativité populaire d'autrefois et d'aujourd'hui aurait donc du sens et ne serait pas de l'ordre utopique. La proximité de la région Auvergne, qui jouxte cette région relevant de Rhône-Alpes, est à considérer également.

23/07/2013

Une exposition fort intéressante à Mauriac cet été: "Pierrot Cassan aurait 100 ans"...

Affiche Cassan à Mauriac 2013.jpg

Ne vous y trompez pas, il ne s'agit nullement d'une expo "d'artistes" comme le dit l'affiche de l'expo, des "artistes" cantaliens qui seraient issus du terroir (on pourrait l'inférer à voir cette image d'homme au béret en filigrane, en réalité un portrait de Pierrot Cassan), avec des expressions traditionnelles propres à l'art folklorique ; non, il s'agit plutôt d'une sélection – autour de la figure centrale de ce créateur autodidacte génial qu'était Pierrot Cassan, dont les peintures satiriques et truculentes ont été heureusement conservées par la commune – de quelques figures moins connues de la création populaire autodidacte régionale, se situant toutes aux limites de l'art modeste et de l'art brut

 

    Du 15 juillet jusqu'au 25 août 2013, vient de commencer à Mauriac une fort stimulante exposition de plus d'une centaine d'œuvres de Pierrot Cassan, ce peintre autodidacte original, régional de l'étape, dont j'ai déjà parlé sur ce blog à l'occasion d'une expo plus ancienne (2007) qui s'était déjà tenue dans cette même petite ville cantalienne située non loin de Bort-Les-Orgues (jolis coins où aller passer ses vacances si l'on abhorre comme moi les foules de consommateurs se dorant au soleil sur les plages dans l'espoir de pouvoir briller à la rentrée parmi ses congénères de bureau...).

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Pierrot Cassan, Pour l'amour d'une poule combat de coq à Mauriac ("Assassin...", "Porc...", "Mon chéri..."), peinture sur carton, expo centenaire de Pierrot Cassan au musée de Mauriac, ph. Ghislaine Staelens

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Pierrot Cassan, Vive les rois et vive les reines (galette des rois), dimanche le 8 janvier 1978, expo du musée de Mauriac en 2013, ph. GS

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P. Cassan, Notre ami Paulin avec son ACCORDEON et ses grelots aux pieds au Café Martin en 1927..., expo du musée de Mauriac 2013, ph. GS

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Vue de l'accrochage des œuvres de Pierrot Cassan au musée de Mauriac, photo GS

 

     L'expo, organisée par Laurence Bodin avec l'assistance active du couple d'artistes singuliers Sylvain et Ghislaine Staelens (notamment responsables d'un accrochage fort soigné), ainsi que d'Emmanuel Boussuge, est centrée sur Cassan, mais pas seulement. Emmanuel Boussuge, qui collabore souvent à ce blog, et est par ailleurs l'un des animateurs de la revue Recoins éditée non loin à Clermont-Ferrand (où il publie régulièrement des articles sur les arts populaires méconnus), a ainsi amené quelques-unes de ses propres découvertes, le fabricant de girouettes de Pierrefort, Antoine Rouchès, et les sculptures de ciment et bois de François Aubert, qui était l'auteur d'une maison singulièrement décorée à Antignac, village non loin de Mauriac.

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Girouette d'Antoine Rouchés, coll Emmanuel Boussuge, exposée au musée de Mauriac, 2013 (derrière on devine des dessins de René Delrieu), ph. GS

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François Aubert, un de ses animaux en ciment (un chien?) transporté hors de son lieu d'origine, expo Musée de Mauriac 2013, ph GS

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La maison et les sculptures de François Aubert à Antignac, leur lieu d'origine, avant qu'elle soit vendue et les statues dispersées, ph. Bruno Montpied, 2003

F-Aubert-4-Mauriac-13.jpgFrançois Aubert, une sculpture sur bois peu connue de lui qui prouve que le monsieur ne se débrouillait pas mal avec une gouge, expo musée de Mauriac 2013, ph. GS

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François Aubert, Shadok et gibi, excentricité de l'expression... expo musée de Mauriac 2013, ph GS


      Sont de plus présentés pour la première fois, hors du proche musée du Veinazès dont Emmanuel, et moi-même (plus centré sur René Delrieu), avons récemment parlé sur ce blog, six dessins de René Delrieu (sur les dix que conserve le musée en question), ainsi que quelques sculptures de ce dernier, provenant comme celles de François Aubert de l'environnement en plein air où elles se trouvaient primitivement (quelques-unes ont été sauvées au musée du Veinazès). C'est aussi Emmanuel Boussuge qui s'est fait en l'occurrence l'intermédiaire entre le Veinazès et le musée de Mauriac.

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René Delrieu, silhouettes découpées et peintes sur métal, et dessin représentant une "bourrée auvergnate", coll. Musée du Veinazés, expo du musée de Mauriac, 2013, ph. GS ; toujours la fête, grand thème d'inspiration pour René Delrieu


      Un autre créateur populaire de la région est aussi à découvrir, plus proche de la sculpture naïve, mais pas moins poétique, Jean Delprat, dont on expose deux petits bas-reliefs taillés dans le bois et peints, une Vénus et un évêque (je préfère comme de juste la Vénus – voir reproduction ci-contre – le paganisme de son inspiration ayant moins plombé la sculpture que dans le cas de l'ecclésiastique plus convenu).Mauriac-jean-delprat-(de.jpg
     Par contre, puisqu'on parle de convenu, on déplorera une erreur de casting avec la participation dans le cadre de cette ambitieuse expo perdue au coeur du Massif Central d'une certaine Ginette Aubert (Auber...ginette, les parents se sont amusés à sa naissance, on dirait) dont les compartimentements, les peintures, etc, louchent plus du côté du fadasse que de l'art proprement naïf. Là aussi le christianisme étalé de son inspiration ne doit pas y être pour rien...

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Ginette Aubert (rien à voir avec le François du même nom), La recherche de la source de vie... bla-bla... Ph GS

 
 
"PIERROT CASSAN AURAIT CENT ANS"
Musée de Mauriac, Rue Emile Delalo
15200 MAURIAC
Tel. : 04 71 67 35 81
( 10:00-14:00 / 12:00-18:00 )
Lire également sur cette expo le point de vue du blog de Jean-Michel Chesné

17/07/2013

Une lettre de Paul Duchein à la ministre de la Culture Aurélie Filipetti sur l'occultation des ATP

A Madame Aurélie Filipetti,

Ministre de la Culture et de la Communication

3, rue de Valois, 75033 Paris

                                                                                             Montauban, le 7/7/2013

Madame La Ministre,

Vous m'avez fait le grand honneur de m'accorder le titre d'officier dans l'ordre des Arts et Lettres ; cette décoration m'a été remise par Monsieur Henri Michel Comet, Préfet de la région Midi-Pyrénées. Je vous remercie infiniment pour cette haute distinction.

Depuis près de cinquante ans l'association dont je suis président présente au musée Ingres un exposition au cours de laquelle je m'efforce de faire cohabiter, souvent, des créations contemporaines avec des oeuvres d'Art Premier ou d'Art Populaire tout cela à titre bénévole.

J'ai d'ailleurs écrit un ouvrage La France des Arts Populaires paru aux éditions Privat et préfacé par Pierre Bonte.pau dichein,aurélie filipetti,mucem,atp

Il se trouve que j'ai été assez proche des principaux acteurs qui ont conçu le musée des Arts et Traditions Populaires qui resta ouvert au public (notamment aux jeunes) jusqu'à sa fermeture il y a quelques années sous le prétexte qu'il serait transféré au MUCEM de Marseille ; or il n'en est rien.

Nous sommes nombreux à nous poser la question de savoir ce qu'il est advenu de ces collections. Or il est difficilement acceptable, dans un temps où nous devons plus que jamais retrouver nos racines pour resserrer le lien social, que ce musée soit rayé de la liste des établissements publics français.

N'attendons pas que d'autres (avec des arrière-pensées populistes) viennent nous donner des leçons pour nous apprendre à savoir d'où nous venons.

Nous sommes nombreux à déplorer cette fermeture, certains petits musées privés tentent, avec très peu de moyens, de faire revivre ces objets porteurs de poésie, quelquefois de mystère, mais derniers témoins d'un mode de vie qui a totalement changé.

pau dichein,aurélie filipetti,mucem,atpVous voudrez bien excuser cette démarche, mais je vous sais attentive aux choses simples qui ont un sens et qui témoignent de notre passé.

Sans doute le qualificatif de "populaire" associé aux objets les dévalorise aux yeux d'une partie du public qui les méconnaît. Cependant au cours de conférences avec projections, j'ai été ravi de constater que les spectateurs étaient enthousiasmés par la qualité des pièces présentées. A côté des objets utilitaires, des créateurs anonymes nous ont laissé des œuvres surprenantes et dignes d'admiration par le pouvoir créatif et imaginatif qui les anime.


pau dichein,aurélie filipetti,mucem,atp

Cet objet incroyable de 67,5 x 54 cm, probablement créé à la fin du XIXe siècle, décrit par Philippe Audouin dans L'Archibras n°1 en 1967, a été republié dans le livre La France des arts Populaires de Paul Duchein ; ne pourrait-il s'agir d'une œuvre créée en milieu psychiatrique? En tout cas, c'est une pièce d'une incontestable originalité, en tous points égale en qualité au "Nouveau monde" de Francesco Toris, cette magnifique sculpture d'assemblage en os, montrée récemment à la Halle Saint-Pierre dans le cadre de l'exposition "Banditi dell'Arte"

 

D'ailleurs je prépare une exposition "Le regard ébloui" dans laquelle des artistes plasticiens loin de toute culture vont dialoguer avec d'insolites objets "d'art populaire". J'ai eu le grand privilège de déménager la maison d'André Breton à St-Cirq-Lapopie et certains objets viendront de là.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, l'assurance de mes respectueuses salutations.

Paul Duchein