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22/07/2023

Une note réjouissante de la Gazette de Nicole Esterolle: "Ben Vautier au Musée Jakovsky"

"BEN VAUTIER AU MUSÉE JAKOVSKY

par Nicole Esterolle

Un pervers égotique chez les  cœurs purs

Qu’il me soit permis de dire d’emblée que cette expo (qui va rester là pendant un an) est une offense grossière à la mémoire d’Anatole Jakovsky et à tous les artistes de sa collection.

Il est vrai que ce genre de juxtaposition irrespectueuse entre l’art « contemporain » et l’art patrimonial est courante, car c’est  une manière de donner une crédibilité et une illusion de durabilité au premier… Et parce que l’ignominie passe d’autant mieux qu’elle est énorme. … Souvenons-nous des expos Ben, Hyber, Othoniel, (Lévèque avait failli y exposer aussi) au Palais du Facteur Cheval à Hauterives…Des Christs en fil de fer barbelé d’Abdessemed auprès du Retable sacré d’Issenheim (un coup tordu signé Aillagon-Pinault).

On aimerait connaître, les personnes, les instances, les intérêts divers qui entrent en jeu dans les prises de décisions pour de telles impostures….

On se demande, bien sûr, ce que Ben Vautier a à voir avec les naïfs du Musée Jakovsky, sinon d’être à l’opposé même de leur pureté de cœur et d’esprit, de leur innocence, de leur vérité native, bien loin de l’intellectualité tordue qu’il représente, comme  « fou du village », de l’appareil bureaucratico-financier et des réseaux de la duchamposphère¹  anti-fachiste et progressiste

On se demande, bien sûr, comment on peut avoir cette impudence d’ envahir le vénérable et admirable Musée Jakovsky avec cet amoncellement de raclures d’atelier, avec cette asphyxiante récapitulation ad nauseam de formules textuelles et visuelles pseudo-subversives, hyper-rabâchées depuis 50 ans, et passablement faisandées… Qui ne provoquent ni ne font plus rire personne, hors les dindes et dindons apparatchiks culturels ravagés par 50 ans de consanguinité dégénérative, qui font fonctionner l’appareil toujours en place  depuis 50 ans.

Qu’il me soit permis de penser que cet attentat à l’art véritable et partageable, parachève en beauté le travail de 50 ans  de déconstruction du sens, de renversement des critères et d’effondrement des valeurs… au profit de la spéculation intello-financière… et je trouve particulièrement malhonnête d’utiliser les artistes naïfs comme caution ou boucliers humains à ce type d'exactions artistiques … exactions qui, elles-mêmes, cautionnent  celles qui se répandent  hors du champ de l’art… L’art « contemporain » se positionnant ainsi aux  avant-gardes de cet effondrement généralisé de l’humain.

Etrange coïncidence :

Ben Vautier vient de nous signifier son refus de recevoir la newsletter de la Gazette de Nicole….. Ce qui ne m’étonne qu’à moitié, compte tenu de la perturbation que je subodore apparaître dans son cerveau, quand il voit cette richesse et cette variété de la création actuelle, qui ne peuvent qu’entraver gravement sa rhétorique encéphalo-tire-bouchonnée et ses stratégies marketing  de valorisation personnelle.

Gazette 64"

Nicole Esterolle

11 juillet 2023

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¹ Une des limites de mon intérêt pour les diatribes de Nicole Esterolle, c'est son attaque traditionnelle et répétée contre Marcel Duchamp accusé de toutes les dérives des artistes contemporains qui se sont réclamés de lui. Déjà Pierre Souchaud, dans la deuxième série d'Artension dans les années 1990, s'en donnait à cœur joie sur ce thème dans les colonnes de son magazine, ce que je goûtais modérément... Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi une quelconque sphère antifasciste serait à critiquer.

      J'ai eu envie de reproduire cette attaque contre Ben au MIAN Anatole Jakovsky parce qu'elle illustre la tendance très actuelle aux amalgames entre arts contemporains et art brut, ou naïf, comme on le voit ici.

14/06/2023

Appel du 18 juin: "Alcheringa" n°4 est paru et ses animateurs viennent en causer à la Halle Saint-Pierre

      Alcheringa, j'en ai déjà parlé lors de la parution de son n°3. Il continue de se manifester, puisque son n°4 sort à présent, toujours édité (et maquetté) par Venus d'Ailleurs du côté de Nîmes. Il sera présenté dimanche prochain à l'auditorium de la Halle, à 15h, en présence de Joël Gayraud, Guy Girard, Régis Gayraud et mézigue. Je dois y présenter en effet les articles que j'ai donnés à la revue, l'un sur l'art en commun (il y aura quelques images projetées) et l'autre, plus réduit, consacré à une remarque concernant le catalogue de la récente exposition "Chercher l'or du temps", consacrée au surréalisme, l'art magique et l'art brut, au LaM de Villeneuve-d'Ascq. Ce catalogue contient en effet une prodigieuse découverte due à l'une des conservatrices de ce musée, Jeanne Bathilde-Lacourt, découverte qui regarde les prémisses de la collection d'art brut de Jean Dubuffet. Il me paraissait important de la souligner un peu plus, notamment auprès de lecteurs intéressés par le surréalisme.

 

Couv Alcheringa 4 (2).jpg

         Voici le sommaire de la revue:

Numéro 4 - Été 2023
(128 pages ; 22 €)
 

Dans ce numéro:

Guy Girard, Devant le feu

Joël Gayraud, Métamorphoses de l’alkahest

Sylwia Chrostowska, Tout et son contraire

Jacques Brunius, Le jardin n’a pas de porte

Bruno Montpied, L’art en commun, si peu commun…

Laurens Vancrevel, Will Alexander et l’usage surréaliste du langage

Natan Schäfer, Vers le Phalanstère du Saï

Régis Gayraud, Souvenons-nous de Serge Romoff.

Autour d’une lettre inédite d’André Breton

 

      ainsi que d’autres articles, poèmes, récits de rêves, notes critiques et images par :

René Alleau, Aurélie Aura, Jean-Marc Baholet, Anny Bonnin, Massimo Borghese, Anithe de Carvalho, Eugenio Castro, Claude-Lucien Cauët, Juliette Cerisier, Sylwia Chrostowska, Darnish, W. A. Davison, Gabriel Derkevorkian, Kathy Fox, Antonella Gandini, Joël Gayraud, Régis Gayraud, Yoan Armand Gil, Guy Girard, Beatriz Hausner, Jindřich Heisler, Alexis Jallez, S. L. Higgins, Marianne van Hirtum, Richard Humphry, Andrew Lass, Michael Löwy, Albert Marenčin, Alice Massénat, Bruno Montpied, Peculiar Mormyrid, Leeza Pye, Pavel Rezniček, Alain Roussel, Bertrand Schmitt, Carlos Schwabe, Petra Simkova, Dan Stanciu, Wedgwood Steventon, Ludovic Tac, Virginia Tentindo, Marina Vicehelm, Sasha Vlad, Susana Wald, Gabriela Žiaková, Michel Zimbacca.

 

Tableau,-Des-êtres-se-renco.jpg

Bruno Montpied et Petra Simkova, "Des êtres se rencontrent et une douce musique s'élève dans leurs cœurs", hommage à Jens-August Schade,  3 x 4 m, peinture industrielle sur toile PVC, 1999.

 

     Des exemplaires de la revue seront bien sûr ensuite disponibles à la vente dans la librairie de la Halle Saint-Pierre.

     Signalons aussi par la même occasion la parution d'un autre n°4, de la revue L'Or aux 13 îles (qui devient également un foyer éditorial), qui lui de même qu'Alcheringa est disponible à la vente à la librairie de la HSP (accompagnant, c'est à noter, les trois premiers numéros de la revue, qui contiennent trois articles copieux de moi-même: dans le n°1 (2010), un grand dossier sur les bois sculptés de l'abbé Fouré, où j'avais réédité le Guide du Musée de l'ermite, dans le n°2, une prose poétique sur ma collection illustrée de plusieurs reproductions, Le royaume parallèle, et dans le n°3, un article sur les bouteilles peintes de Louis et Céline Beynet, des autodidactes inconnus et inventifs qui vivaient en Limagne, près d'Issoire).

29/05/2023

Diderot et "les arts bruts", retour sur la première utilisation du terme...

       C'est ici l'occasion de renvoyer les lecteurs, surtout nouvellement arrivés, et n'ayant pas (encore) eu l'envie ou le loisir d'explorer le passé de ce blog vieux de seize années, vers une note vieille, elle, de dix ans, due à Emmanuel Boussuge, qui possède, entre autres centres d'intérêt, la passion du XVIIIe siècle chevillée au corps. Cette note répondait à une question que je lui avais soumise en privé, concernant l'utilisation par Diderot du terme "art brut" dans un de ses textes de 1765 ou de 1767, utilisation qui avait été relevée par la chercheuse d'art brut Céline Delavaux dans son livre L'art brut, un fantasme de peintre, paru chez Palette en 2010. Voici cette note en lien.

     Il se trouve que le camarade Emmanuel vient de voir la même note enfin éditée, avec un retard conséquent, dans un recueil de contributions diverses intitulée Lumières, ombres et trémulations. Hommages au professeur Jacques Wagner (Hermann, 2022 ; cette date étant fictive puisque le livre n'est sorti que tout récemment, en 2023 donc). Elle est quasiment identique dans ce livre à la note de ce blog. On peut s'en convaincre en la lisant ici, dans un autre lien, cette fois vers le fichier en PDF. Pour des besoins de "dynamisme" dans la conduite de son étude, Emmanuel m'y campe en curieux qui pourrait se révéler "déçu" en découvrant les distinctions qu'il opère entre l'art brut de Dubuffet et les "arts bruts" qu'envisageait deux siècles plus tôt le philosophe bien connu, auteur entre autres de l'Encyclopédie.

      Or, je ne l'ai été nullement, "déçu.".. Lisant Delavaux, j'avais trouvé normal d'interroger un dix-huitièmiste distingué sur ce premier rapprochement de "brut" avec "art" dans l'histoire de l'art, sans rien attendre, forcément, de spectaculaire en retour. Juste un peu d'éclaircissement.

      J'éprouve cependant aujourd'hui le besoin de faire retour sur le distingo boussugien. Si  je comprends que les arts bruts, dont parle Diderot, sont vus par ce dernier comme une phase mal dégrossie du langage artistique premier, qui doit mener par paliers à un art raffiné de grand goût classique, que le philosophe paraît priser, je constate qu'Emmanuel dans la suite de son texte paraît infléchir sa réflexion, au point d'établir comme un double début de contradiction concernant la vision de Diderot, et surtout vis-à-vis de la conclusion qu'en tire Emmanuel.

       En effet, Diderot, d'une part, critique le maniérisme, qui surgit peu à peu après le règne du goût classique (maniérisme qu'Eugenio d'Ors (1881-1954), bien plus tard, dans dans son livre Du Baroque (1935), verra lui, au contraire, positivement, y associant les arts et coutumes populaires¹, tandis que les illustrations du livre, en 1968, y rattachèrent le Palais Idéal du Facteur Cheval), car il y voit une "décadence", une "mauvaise imitation" due à des "singes appliqués à copier des modèles ayant perdu toute vigueur", ce qui le rapprocherait, selon Emmanuel, de Dubuffet conspuant les arts culturels. Donc, se dit le lecteur, Diderot aurait été à cet endroit, proche de Dubuffet (passons sur le fait que Dubuffet ne conspuait pas la "mauvaise" imitation, mais toute imitation en réalité). Première contradiction avec le distingo initial d'Emmanuel. Mais une deuxième contradiction s'ajoute alors à la première dans la suite de l'étude de l'ami Boussuge. Il nous apprend en effet que Diderot ne répugnait pas à souligner que "la poésie veut quelque chose d'énorme, de barbare et de sauvage" ( et, ici, on croit véritablement entendre le Dubuffet de l'Honneur aux valeurs sauvages !), nécessaire pour lutter contre "l'affadissement généralisé" dû "au conformisme moutonnier et à la fausse originalité" de la période maniérée. Et c'est sans doute pourquoi Diderot, comme le signale encore Emmanuel, dans un passage étonnant de sa petite réponse à ma modeste question de 2016, s'intéresse à un sculpteur autodidacte, originaire de Langres, et passablement déséquilibré, qui modelait des figurines en argile qu'il balançait du haut de ses fenêtres, au fur et à mesure qu'il les trouvait réussies (il avait reçu "un coup de hache", comme dit le philosophe, employant là une expression dont notre "frappadingue" dérive sans doute, ainsi que l'expression "pète au casque" proposée par l'Aigre de Meaux dans les commentaires de notre note d'il y a dix ans).

      Et Emmanuel de conclure tranquillement, après nous avoir répété que décidément Diderot et Dubuffet n'ont rien à voir, que "la caractérisation du personnage nous amène bien du côté de l'art brut".

          Alors? Certes, la notion d'art brut au sens de Dubuffet, art sans  nom produit en dehors de la culture artistique par des personnes restées obscures (au début...), n'a pas été inventé dès le XVIIIe siècle, mais on peut tout de même raisonnablement voir en Diderot un précurseur, sur la voie de la problématique des arts hors culture savante qui allaient nous ravir aux XXe et XXIe siècles. Il alla même assez loin en rapprochant les mots "art" et "brut", pour la première fois dans l'histoire de l'art. On sait que cette géniale invention terminologique a été pour beaucoup dans le succès sans cesse grandissant de l'art brut.

     Qui sait si Dubuffet n'avait pas lu Diderot? Ce ne serait pas tellement étonnant étant donné le fin lettré qu'il était (plus fin lettré qu'homme du commun, rôle auquel il aurait aimé faire croire au début de l'aventure de son art brut) ! Pas pour inventer la notion, mais le terme d'art brut!

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¹ Voici un passage intéressant du livre d'Eugenio d'Ors : "Chansons populaires, costumes régionaux, mœurs locales charmantes, parurent (...) une chose séculaire, immémoriale pour mieux dire. En réalité, information prise, tout ceci date de la civilisation baroque. Du XVIIIe siècle surtout, de cette heure historique où, simultanément, parut l'Encyclopédie et se fixa le Folklore."

04/03/2023

Dessin prémonitoire d'une artiste ukrainienne

Taisiia Cherkasova, La peur donne de grands yeux, 2019 (2).jpg

Taisiia Cherkasova, "La peur donne de grands yeux" (proverbe ukrainien qui sert de titre à ce dessin), mine de plomb sur papier, 28 x 22 cm, 2019 (trois ans avant le début de l'agression russe contre l'Ukraine) ; photo et collection Bruno Montpied.

08/09/2022

"Alcheringa" n°3 : le surréalisme contre l'aliénation

      Il existe un groupe de Paris du mouvement surréaliste qui continue l'action contre vents et marées de la condescendance, du mépris, de l'oubli organisé, ou, tout au contraire, de la récupération passéiste. Il mène cette action en coordination avec différents autres groupes surréalistes internationaux. Moi, j'ai toujours trouvé que l'activité en question pouvait s'exercer sans s'abriter à l'ombre géante, un peu trop grandiose, du mot de surréalisme, parfois taillé trop grand pour les épaules de ceux qui s'en revendiquent.  Mais voilà, ils s'entêtent, les Joël Gayraud, les Sylwia Chrostowska, les Michaël Löwy, les Guy Girard, voire même les Régis Gayraud¹. Ils brandissent toujours, avec les moyens dont ils disposent, le flambeau de la révolte, du déni jeté au monde capitaliste qui nous entraîne progressivement vers la fin du monde. Et moi, de culture surréaliste, mais principalement attiré depuis des décennies par la création artistique des imaginatifs sans voix, des sans grade, des sans diplômes, des sans lettres de recommandation, qu'ils se rangent dans l'art brut, l'art naïf (de qualité), l'art singulier, ou parmi les inspirés du bord des routes, je me suis toujours dit qu'il fallait accrocher mon petit wagon à leur train, en digne compagnon de route...

 

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Couverture d'Alcheringa n°3, avec une composition de Yoan-Armand Gil dessus, été 2022.

 

      Ces fidèles au surréalisme éditent une revue, nommée Alcheringa, qui signifie le Temps du Rêve dans la langue des Aborigènes d'Australie. Des récits de rêve, on en retrouve à foison dans cette tribune bien maquettée (par l'un des animateurs des éditions Venus d'Ailleurs, Yoan-Armand Gil), à côté de poèmes (pas tous à mon goût, ces derniers), d'enquêtes (dans ce numéro, proposé par Guy Girard, il y en a une intitulé "l'acte surréaliste le moins simple") ou de jeux, ce qui est une délectable tradition surréaliste. Peintures, collages, photographies oniriques sont également au rendez-vous, sans transition ni hiérarchie vis-à-vis des textes des divers intervenants. Un manifeste signé par seize  personnes, "Au pied ailé de la lettre. Quand le surréalisme aura cent ans", (re-)proclame la nécessité de mettre "la Poésie au-dessus de tout", et fait l'éloge de la désertion ("pratique et intellectuelle, psychique et sociale, individuelle et collective"). On y précise aussi, ce qui me paraît personnellement salutaire, que les productions surréalistes de tous ordres n'ont que "l'apparence d'œuvres d'art", car elles sont plutôt "les résultats cristallisés d'une subversion permanente de la sensibilité, les témoins sensibles d'un nouvel usage du monde". A l'heure où tant d'artistes grenouillent  pour grimper sur les tréteaux de la gloire afin d'y exhiber leurs nombrils, le rappel est nécessaire en effet.

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Ce sommaire contient tout en bas le moyen de contacter les animateurs de la revue: alcheringa.revue@gmail.com

 

      Une critique du recours aux technologies numériques et aux réseaux sociaux me laisse plus en retrait, personnellement. Comment souscrire, en effet,  à cette affirmation, posée à un détour de ce manifeste, que "le logiciel prend le pas sur le créateur"? On retrouve là la vieille méfiance des surréalistes historiques (Péret ou Breton) vis à vis de la science, des machines, et aussi des voyages dans la Lune... Certes, je m'accorde volontiers, comme les signataires de ce manifeste, avec les "réseaux "anti-sociaux", ceux qui se nouent spontanément dans la rue, au coin d'un bois (...), au comptoir d'un café, dans une tempête de neige", mais je n'oublie pas les révélations que peuvent véhiculer, à l'occasion (sans s'hypnotiser pour autant sur leurs prestiges) les Instagram, ou les blogs, aidant à abattre de temps à autre les barrières érigées par les media dominants pour nous séparer d'une partie de la véritable inspiration du moment... Les réseaux sociaux peuvent aussi contenir de l'information alternative. Les deux démarches peuvent être parallèles. Il incombe seulement de ne jamais être dupe.

 

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Sylwia Chrostowska, Le don des langues, pierre noire, 65 x 50 cm, 2021.

 

      De ce n°3, j'ai pour le moment retenu, en outre, lues de prime abord, les contributions suivantes: le poème "Corbeau" de Sylwia Chrostowska, un dessin de la même (très frappant) : "Le don des langues" ; un texte de Bertrand Schmitt, "Toyen  et l'enfer des imbéciles" ; de Régis Gayraud : "André Breton, une fiche de police de l'Union des écrivains soviétiques en 1938" ; "La photographie surréaliste en 2020", présentée par Guy Girard (je m'étais fait l'écho de l'exposition qui avait eu lieu à la Galerie Amarrage, où j'avais moi-même exposé trois photos) avec quelques exemples empruntés à Sylwia Chrostowska, José Guirao, Kenneth Cox, Lurdes Martinez, Steven Cline ; de Joël Gayraud : "Transformer le monde pour le rendre digne d'être parcouru" (critique du voyage) ; Sylwia Chrostowska et son "Rapport sur un état hypnagogique" (état de conscience particulier entre veille et sommeil, au moment de l'endormissement), etc...

     De mon côté, j'ai donné à la revue un texte intitulé "Peintures domestiques et tentations infernales, Louis Carmeil, Dominique Dalozo, Louis Delorme, Armand Goupil, Gabriel Jenny" sur divers artistes à l'oeuvre intriguante, échoués aux Puces, et ayant en commun d'avoir représenté ici et là dans leurs productions des fantasmes diaboliques, des images de la tentation et de l'enfer. C'est par ce texte, outre le petit wagon dont je parlais ci-dessus, la continuation de ma tentative de dévoilement d'œuvres interloquantes restées dans l'ombre, et entrées dans ma collection.

 

Les Hussards de la Paix, 38,2x30cm, 20-I-57, n°450 (2).jpg

Armand Goupil, Les Hussards de la paix, huile sur bois,  38,2 x 30 cm, 20-I-57, n°450 ; ph. et coll. Bruno Montpied.

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Alcheringa n°3 est disponible (à 20€) dans les librairies suivantes :

Librairie Centre Pompidou, Le Dilettante (7, pl de l’Odéon – 75006 Paris. 01 43 37 99 41), La Petite Égypte (35, rue des Petits Carreaux – 75002 Paris. 01 47 03 34 30), Tschann (125, bd du Montparnasse – 75006 Paris. 01 45 83 39 81), Halle Saint-Pierre (2, rue Ronsard – 75018 Paris. 01 42 58 72 89), Librairie Michèle Ignazi (15-17, rue de Jouy – 75004 Paris. 01 42 71 17 00), EXC Librairie (Passage Molière – 157, rue Saint-Martin – 75003 Paris.  01 87 04 44 02),  Vendredi (67, rue des Martyrs – 75009 Paris. 01 48 78 90 47), Galerie Les Yeux Fertiles 27, rue de Seine – 75006 Paris. 01 43 26 27 91), Galerie Amarrage  (88, rue des Rosiers – 93400 Saint-Ouen jusqu’au 25 septembre 2022, samedi et dimanche de 14h à 19h), Le Carré des Mots (30 Rue Henri Seillon – 83000 Toulon. 04 94 41 46 16), LA MAB // MAISON ANDRÉ BRETON (Place du Carol – 46330 Saint-Cirq-Lapopie. 06 30 87 70 58)

Également en vente chez l’éditeur, Venus d’ailleurspaiement par carte cliquer ici .Par Paypal, virement, ou chèque contacter venusdailleurs@free.fr

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¹ On exceptera du surréalisme, dont, finalement, ils n'ont aucun droit à se revendiquer, selon moi, les nommés Ody Saban et Thomas Mordant, imposteurs qui, pour la première, mange à tous les râteliers, un matin artiste brut, un autre "surréaliste", un autre encore artiste féministe et trotzkyste (vernis "radical" indispensable pour briller en société), au gré de son opportunisme et d'un arrivisme qui fait feu de tout bois et de toute appellation un tant soit peu ronflante, tandis que le second joue les petits poseurs boursouflés de suffisance, se drapant sous une risible défroque de fausse modestie. Ce monsieur donne des "conférences", paraît-il, d'où, m'a-t-on dit encore, le poète Michel Zimbacca sortait, écumant de colère d'avoir entendu si mal traiter du "surréalisme", prétexte à débiter les plus grosses bêtises.

11/08/2022

La Clinique de La Chesnaie à Chailles sera-t-elle reprise par son personnel soignant?

     Cette clinique, située au sud de Blois, le long de la Loire, est un lieu ouvert où l'on pratique la psychothérapie institutionnelle (une psychothérapie plus démocratique en somme, où l'on est plus à l'écoute du patient), et où, en gros, les soignants travaillent en collaboration avec leurs malades dans différents projets liés à la vie quotidienne. Personnellement, j'en avais entendu parler en lisant des livres qui parlent de la vie de l'ami de Guy Debord, Ivan Chtcheglov, qui y séjourna. J'avais même remarqué qu'il y était passé aux mêmes dates que la peintre et écrivaine Unica Zürn, cette dernière hélas s'étant suicidée peu de temps après son séjour là-bas (a priori, aucun rapport).

 

Clinique de La Chesnaie, Le boissier-01.jpg

Salle du Boissier, où des concerts et autres spectacles sont montés, Clinique La Chesnaie, Chailles.

 

    Le médecin-directeur revend la clinique. L'équipe des soignants, s'inquiétant d'une reprise par une société qui serait peu encline à poursuivre le même travail que le leur, a décidé de s'organiser en une société coopérative qui rachèterait la clinique. Une pétition tourne d'ores et déjà sur Change.org. Je l'ai personnellement signée:

https://www.change.org/p/tribune-clinique-de-la-chesnaie-vers-une-soci%C3%A9t%C3%A9-coop%C3%A9rative-en-psychiatrie-scic?recruiter=31092553&recruited_by_id=315a3660-f507-012f-ff8e-4040aa777426&utm_source=share_petition&utm_campaign=share_petition&utm_term=share_for_starters_page&utm_medium=copylink&utm_content=cl_sharecopy_34156508_fr-FR%3A4

 

25/03/2022

Une représentation de la Vierge par un artiste de la Côte d'Ivoire en 1931

SteVierge, Côte d'Iv,, expo coloniale Lyon 1931.jpg

 

       Lorsque je cherche des cartes postales qui pourraient me révéler un site ou un environnement créatif ancien, il m'arrive de tomber, à la faveur de recherches par mots-clés notamment, sur des cartes aux images insolites, même si n'appartenant pas à mon cœur de cible... 

       Tel fut le cas avec la carte ci-dessus, montrant très lumineusement, avec la clarté de l'évidence, une représentation de la Sainte-Vierge par un "artisan" de la Côte d'Ivoire. Elle fait partie peut-être d'une série de cartes éditées à l'occasion de l'exposition coloniale de 1931 à Lyon, comme il est dit dans l'en-tête de la carte.

          Elle me frappe cette petite (?) effigie, par l'innocence de son expression et la stylisation de sa forme. La cape double qui la couvre totalement l'enserre, au point que l'artiste qui l'a façonnée, ayant besoin de lui mettre des bras, a projetés ces derniers vers l'avant, comme si elle s'apprêtait à une imposition magique des mains. Toute son allure me fait penser à celle d'une enfant, ce qui ne participait pas de l'intention consciente de l'artiste bien sûr. Où cette statuette se retrouve-t-elle à présent? A-t-elle été conservée par le musée des Confluences à Lyon?

          Et peut-on la ranger dans ce que l'on appelle "l'art colon", cet ensemble de représentations sculptées montrant des personnages faisant écho aux costumes de l'époque coloniale, longtemps méprisés par les marchands et les collectionneurs d'art dit primitif ou premier, qui ne les jugeaient pas assez "authentiques"? Alain Weill, dans son récent livre intitulé "L'Art dit Colon" (chez Albin Michel, en 2021, il est sous-titré "Un aspect méconnu de l'art africain"), reprend une définition de Denise et Michel Meymet, de Lyon, qui dans leur livre sur leur collection (Art  colon, Musée des Confluences/Fage Éditions, Lyon, 2013), écrivent ceci: "L'art colon n'est ni un art de rupture, ni un art qui a dégénéré à force de contamination. Il représente la part de l'art africain qui s'est adaptée pour assurer la survie du monde traditionnel." Alain Weill souligne, dans son propre ouvrage, que cet art, pendant longtemps, ne fut pas recherché par les collectionneurs occidentaux, et qu'il faut le distinguer de l'art pour touristes, dit "art d'aéroport". C'est un ensemble d'objets faits par des artistes africains pour d'autres Africains, des oeuvres d'art tout court, reprenant des thèmes et des styles traditionnels présents dans l'art des fétiches des temps plus anciens. Personnellement, cette mutation artistique me paraît assez analogue aux mutations qui sont intervenues de l'art populaire occidental aux formes artistiques plus individualisées du XXe siècle rangées tantôt dans l'art naïf, tantôt dans l'art brut (dans une partie de l'art brut, d'inspiration populaire, celle qui me retient personnellement davantage).

      Ici, cette représentation, liée à la religion chrétienne exportée par les Occidentaux, me paraît rattachable à l'art dit colon, dans une acception plus religieuse, ce qui ne m'a pas paru jusqu'à présent bien évoquée dans les différents ouvrages consacrés à ce corpus (de même dans les livres consacrés, par Nicolas Menut, parfois avec la collaboration d'Alain Weill, aux représentations de l'homme blanc dans les arts non occidentaux, dont l'art africain).

02/02/2022

Dictionnaire du Poignard Subtil

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Professionnel (de l'art):

      "Il n'y a rien de pire que de vivre comme un professionnel. Imaginez un poète qui écrit des poèmes en se demandant s'il peut faire appel à un éditeur pour obtenir des droits d'auteur et combien. C'est une destinée terrible qu'en tant que peintre, j'ai toujours essayé d'éviter. Il n'y a rien de pire que de tenir mon pinceau et de penser à celui qui achètera ma peinture. Qu'est-ce que j'éprouve alors? De l'inquiétude et non de la joie. C'est là que la peinture s'arrête et que commence le commerce. En peignant, en m'amusant, en étant heureux, je donne une fête pour moi-même. Tout le reste est une affaire de corruption, de liquidation, de prostitution. Il n'y a pas de différences lorsqu'une femme se maquille pour sortir dans la rue ou en boîte de nuit et trouver un client. C'est la même chose que fait le "professionnel" qui pense à vendre et être séduisant."

     ( Slavko Kopac, extrait d'un entretien avec Mirko Galić, publié dans Fabrice Flahutez, Pauline Goutain, Roberta Trapani, Slavko Kopac, éd. Gallimard, janvier 2022).

13/04/2021

Nous en étions au 37e confinement.... (Une vision de Pierre Chevrier)

   "Nous en étions au 37è confinement…Onze ans !...Depuis onze ans périodiquement l’Etat imposait des temps plus ou moins longs où on ne devait pas quitter le domicile, et les conditions devenaient de plus en plus contraignantes à chaque fois ; car, après chaque dé-confinement, l’épidémie reprenait de plus belle et se renforçait, avec son lot de victimes ; le traitement était devenu une course à l’échalote, car le virus mutait très rapidement, rendant obsolète tous les vaccins qui avaient été mis en œuvre. L’application du dernier confinement datait de plus de deux ans, et cette fois, tout le monde était convaincu que la vie sociale ne reprendrait plus ; les gens s’étaient résignés à fonctionner en autonomie dans les villages.


     Chez nous, au début, on avait relié les maisons entre elles par des tunnels de fortune, un peu par amusement, juste histoire de braver les directives en allant chez les voisins porter quelques boissons ou échanger quelques plats ; ou jouer au tarot. Avec le temps, le système s’était perfectionné et on avait consolidé les passages, qui devinrent partie intégrante de nos habitations. De confinement en confinement, comme il nous semblait acquis que la situation mondiale ne pourrait
pas s’améliorer, on avait donc fini par construire des passages en dur ; et même, en creusant le sol (ce qui est particulièrement difficile par ici) des boyaux de communication qui nous mettaient hors de vue des brigades de surveillance, qui d’ailleurs arrêtèrent vite de circuler..."

      Pour lire la suite, on peut cliquer là dessus... : Pierre Chevrier VENTILATION 3.pdf

 

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Bruno Montpied, Ecroulement du masque, 31 x 23 cm, 2020.

09/02/2021

Une pétition pour demander la réouverture du marché aux puces du Jeu de Balle à Bruxelles

     Je partage ici le lien pour signer la pétition en cours réclamant  la réouverture du marché de la place du Jeu de Balle à Bruxelles, inexplicablement fermé depuis des mois, alors que le lieu est en plein air, et qu'il y est facile de maintenir les gestes barrières, et que dans d'autres endroits en France – les différentes Puces parisiennes par exemple –, on n'a pas fermé les brocantes (hormis certaines foires comme celle de Chatou, pourtant à l'air libre, à part quelques zones sous chapiteaux qu'on aurait pu se contenter de fermer, en laissant par contre les stands extérieurs, alignés côte à côte, libres d'accès...).

     Voici le lien: https://www.change.org/p/pour-la-r%C3%A9ouverture-imm%C3%...

24/01/2021

La folie médicastre en 2021

     Ah, c'est le bouquet, qu'entends-je, ces Diafoirus de l'Académie de Médecine conseillent d'interdire de papoter dans les transports en commun? Mais qu'on les arrête, ils deviennent complètement dingues, ces médicastres, et ils voudraient sans doute que les autres le deviennent comme eux...? Car quel résultat autre cela peut-il donner, d'émettre ce genre de préconisation débile et démente? On ne sort déjà que fort peu, on s'isole dans son appartement, tenu à distance via les divers écrans interposés, et lorsqu'on sort, il faudrait en plus se taire? La maladie redoutée apparaît du coup de plus en plus au cœur de la relation inter-humaine – je veux dire que la maladie serait vue d'abord comme existant avant la contagion, dans la réalité même de la relation inter-humaine (se parler, s'aimer, se critiquer, etc, serait donc à proscrire) –, c'est vraiment étrange... N'y a-t-il pas là un déplacement fantasmatique de la source du véritable mal, dont d'autres vont plutôt chercher la cause du côté de la pathologie capitaliste ?

      On imagine les pauvres policiers chargés de faire respecter cette nouvelle mesure, traquant les bavards qui la boucleront dès qu'ils verront l'ombre d'un képi se pointer à leurs abords. "Vous avez parlé!", "Mais non, monsieur l'agent, je vous assure, c'est pas moi...", "Si, vous avez parlé!", etc. Les agents deviendront eux aussi cinglés à force, s'ils ne le sont pas déjà en traquant les masques conformes, ffp2, de type 1, et j'en passe...

         Quelle sera la mesure délirante suivante? On peut faire des concours dans la prévision des surenchères de préconisations aberrantes... Va-t-on nous intimer l'ordre, au prochain coup, de nous retenir de respirer, de pratiquer l'apnée en plein air?

13/01/2021

Cabanes et Nuage Vert

Cabanes et anarchitectures

Des bidonvilles à Thoreau, cabanes célèbres ou non

par Laurent Gervereau

(en noir, remarques marginales de l'animateur du blog)

 

      Nuage Vert [centre culturel à Argentat, Corrèze] a décidé de faire de la résistance culturelle, considérant que le lien social, l'animation territoriale, la défense des créations et des savoirs devenaient plus que jamais des actions prioritaires dans le monde fracturé et traumatisé aujourd'hui. Faire des opérations de qualité dans la ruralité en défendant la biodiversité et la culturodiversité constituent l'axe des toutes les manifestations. A l'heure où des appels internationaux pressants se font pour la défense de l'environnement, une nouvelle opération s'ouvre en janvier [apparemment du 9 janvier à fin février 2021] sur un sujet banal mais qui n'avait jamais vraiment été étudié : les cabanes.

     Le livre relié de 192 pages couleur (achetable par carte bancaire sur lulu.com et l'exposition (pour laquelle est envisagée la possibilité de visites privées sur rendez-vous en attendant des ouvertures plus larges) donnent un panorama de l'histoire générale des cabanes de la Préhistoire à aujourd'hui. Il s'agit aussi bien des abris antiques sur tous les continents, des cabanes de bergers, du scoutisme ou du naturisme des années 1930, des hippies, des bidonvilles, que de celles de Rousseau, Virginia Woolf, Thoreau, Le Corbusier et d'architectes célèbres aujourd'hui.

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Maquette grand format de la cabane de Thoreau en cours de construction par Jean-François Beaud.

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Le 4e et la première de couverture du livre annoncé par Laurent Gervereau dans l'annonce ici présente que je ne fais que répercuter.

 

      (...)

     De belles contributions se sont rassemblées. Véronique Willemin, architecte et créatrice de la collection "anarchitectures" aux éditions Alternatives (maisons mobiles, maisons sur l'eau...), a apporté tout son savoir et des documents précieux. Jean-François Beaud a réalisé une maquette exceptionnelle grand format (au quart) de la cabane d'Henry David Thoreau – cabane aujourd'hui disparue de ce grand précurseur de l'écologie. Anna Pravdova et Bertrand Schmitt du musée national de Prague ont écrit sur les cabanes des Krizek à Goulles. Peter Blok a installé un morceau de ses maisons-cabanes, autonomes énergétiquement, et déplaçables. Les cabanes de la ferme des histoires mélangées, créées par la famille Layotte à Sexcles, sont montrées, comme celles des ermites du Moyen-Age, les yourtes, Robinson Crusoé et La cabane de l'Oncle Tom (première traduction avant de l'appeler "case"), des dessins d'enfants sur leurs cabanes, la maquette des hortillonnages par Jacques Hennequin, des photos inédites de Notre-Dame-des-Landes, les hippies, les cabanes-maisons de Guy Rottier (ami de Reiser et précurseur de l'énergie solaire)... Bref, les cabanes, cela concerne tout le monde, les riches et les pauvres, hier et aujourd'hui, ici et ailleurs.

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Type de maquette de Jacques Hennequin, conservé chez Nuage Vert ; ph. Bruno Montpied, 2018.

 

    Alors, ne ratez pas ce premier bilan de la base des habitats, celui qui nous rappelle à nos fonctions essentielles et à notre rapport primordial à une nature dont nous faisons partie.

      Le livre : Cabanes et anarchitectures achetable par carte bancaire sur lulu.com

    Renseignements pour la possibilité de visites privées sur rendez-vous : contact@nuage-vert.com et 06 12 29 60 97.

01/01/2021

Voeux 2021

      Que souhaiter pour l'année nouvelle de plus sincère qu'un appel à résister à cette invasion qu'on veut sournoisement nous imposer en profitant de la Covid, comme une nouvelle épidémie secondaire tout aussi néfaste, à savoir l'épidémie du virtuel, concomitante avec l'épidémie de l'isolement?

     Rien de plus irritant que ces newsletters de musée ou de galeries qui, prenant leurs correspondants pour des buses, croient leur asséner une bonne nouvelle, un scoop extraordinaire, en leur présentant des expositions virtuelles, où, sans parler des nausées que causent les déplacements virevoltants au sein de ces salles artificielles et aseptisées, il n'y aura jamais de quoi satisfaire l'amateur affamé de présence physique des objets de sa curiosité, s'enquérant du regard des autres mis en présence des mêmes œuvres d'art, attentif aussi à l'appréhension de l'espace, de la muséographie, ayant aussi apprécié de s'être déplacé pour venir au musée, dans l'antre des œuvres, où il en aura découvert d'autres ce faisant, par hasard...

     Un ami m'a récemment averti qu'il entrerait dans le calcul de responsables de musées de pousser à un autre usage des musées et des expositions. Ils auraient en vue d'instaurer des visites à deux vitesses. Une pour les spécialistes, les connaisseurs, et une autre pour les "touristes", la vile tourbe venue de manière pavlovienne au musée, sur commandes de professeurs, ou pour satisfaire au programme des tours operators, que sais-je, bref, la vile masse de qui l'art devrait être mis à distance définitive grâce à ce sacro-saint virtuel. L'accès démocratique à ce dernier serait enfin dénié, et réservé à l'élite, ces salopards de l'élite. L'horreur... Une de plus.

    Merde! Qui se préoccupe des musées actuellement fermés, je n'entends que peu de réactions. Rendez-nous l'art prisonnier des connaisseurs et des conservateurs de tous poils. Tous les publics ont droit à être mis en présence matérielle des oeuvres d'art. Elles appartiennent à TOUS.

    Comme il existe des fêtes privées dans des hangars, des terrains vagues ou sur voies de chemin de fer désaffectées, faudra-t-il organiser des expositions clandestines?

     Résistance en 2021!

15/07/2020

Le musée de proximité de Tamaya Sapey-Triomphe

     Tamaya, je l'ai rencontrée à la suite de mon film sur Eric Le Blanche. Petite-fille de la cousine d'Eric, ayant connu enfant ledit Eric en accompagnant son père Frédéric, artiste numérique apparaissant dans le film que j'ai écrit (Eric Le Blanche, l'homme qui s'est enfermé dans sa peinture, mars 2019), elle avait envie de découvrir le film et plus généralement des informations sur l'art brut et consorts (notamment pour documenter une émission qu'elle s'apprêtait à faire sur Radio-Nova le lundi en début de soirée).

Attroupement dvt le musée de proximité d'Angerville (2).jpg

Attroupement le 10 juillet 2020 devant le Musée de Proximité d'Angerville ; ph. Bruno Montpied.

 

     Récemment, pour son diplôme de fin d'études en architecture, elle a monté durant trois grosses semaines, à Angerville, "en dessous" d'Etampes, un projet un peu 'pataphysique, un "Musée de Proximité".

Plan 2 du musée de proximité d'Angerville (avec légendes BM).jpg

Plan dessiné par Tamaya Sapey-Triomphe, légendé par Bruno Montpied.

Dispositif 2 du périscope (2).jpg

Le périscope vu de l'intérieur ; ph. B.M.

 

     Ayant "squatté" – très légalement, en respectant tout un cahier des charges côté agence immobilière et instances administratives du lieu – un cabinet de coiffure abandonné depuis 25 ans, elle y a installé un dispositif bricolé à base de planches et de cartons. L'idée étant de présenter à 5 mètres du trottoir, visible par un petit trou tracé dans un badigeon de blanc d'Espagne (ou de Meudon, ou de Bougival, etc.), et au bout d'un "périscope" géant, une œuvre ou un objet ayant de la valeur pour son auteur ou son prêteur (seul donc à faire le choix de ce qui serait présenté, dans une politique "muséale" ultra démocratique donc).

Une spectatrice essaye le trou du périscope (2).jpg

Une spectatrice colle son œil à l'œilleton de la vitrine de gauche ; ph. B.M.

Le dresseur d'auréole de BM au bout du périscope (à 5 m)(2).jpg

Ce que voyait la spectatrice ci-dessus, un dessin en couleur de Bruno Montpied, Le dresseur d'auréole (2020), placé cinq mètres plus loin au fond de la boutique ; ph. B.M.

La vitrine de la collection permanente du musée de proximité (2).jpg

Dans la vitrine de droite du "musée", la collection "permanente" ; ph. B.M.

 

      Cet objet n'était destiné qu'à rester un seul jour au bout du périscope (voir vitrine de gauche de la boutique). Après quoi, il passait dans la vitrine de droite, appelée la "collection permanente". Une permanence tout éphémère en réalité, puisque le musée de proximité devait s'arrêter le 14 juillet...

Le Dresseur d'auréole, 32x24cm, 2020 (2).jpg

Bruno Montpied, Le Dresseur d'auréole, Série des "Auréolés", 32 x 24 cm, 2020.

 

     J'ai été heureux de m'associer à ce projet, pour le principe, en prêtant un de mes dessins récents, Le Dresseur d'auréole, pour la seule journée du 10 juillet. En dépit du fait que, malgré le concept généreux que mettait en application le projet de Tamaya Sapey-Triomphe – accoucher d'un musée qui serait le fait de tout un chacun, un musée sans conservateur, reflet de la multiplicité des goûts culturels des prêteurs, en évolution permanente, un musée de l'immédiat, comme il y a un art de l'immédiat –, l'idée restait assez chimérique, intellectuelle (ce qui n'est pas un gros mot sur mon clavier), partageable par peu de gens, car mettant en jeu une sorte d'avant-plan culturel finalement assez complexe. Comme pour l'art de l'immédiat, si la production pouvait relever de l'immédiat, la réception, elle, ne l'était pas à tout coup...

     Mais au fond, peu importait, l'idée était belle, et la réalisation hors du commun par ces temps moroses de peu d'inventivité, et de peu de poésie. Grâces en soient rendues à la prometteuse et tonique Tamaya.

TST à l'entrée de son musée de proximité, le 10 juil 2020 (2).jpg

Tamaya S-T. à la réception de son musée de proximité, un peu semblable à une voyante tireuse de cartes ; ph.B.M.

11/06/2020

L'homme en voie de désagrégation, des photos récentes de José Guirao

Aut 5, 28 mai.jpg

José Guirao, 1. Autoportrait, 28 mai 2020.

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J.G., 2. Autoportrait, 27 mai 2020.

Autoportrait 3 , 27 mai 2020.jpg

J.G., 3. Autoportrait, 27 mai 2020.

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J.G., 4. Autoportrait, 27 mai 2020.

 

     Déconfinement pourrait être synonyme de décongélation. Mais, comme il pourrait arriver avec des aliments qui se sont ramollis, voire décomposés pendant leur stage dans les congélateurs, avec le retour à température ambiante, on pourrait parfois avoir la mauvaise surprise, en les prenant dans nos mains, de les y voir couler, se déliter, s'évaporer...

     C'est un peu la question que je me suis posé en regardant les photos numériques que m'a récemment transmises l'ami José. Est-on sûr que l'Homme n'est pas ressorti fort fragilisé de cette phase de repli individuel, perclus d'angoisse devant la révélation de son statut d'être mortel?

13/04/2020

Un autre tableau de ce peintre et illustrateur méconnu appelé Devambez

andré-devambez-quai-de-métro,-heure-de.jpg

André Devambez, Sur le quai, 1910 ( image que j'ai grandement éclaircie ; musée départemental de l'Oise, Beauvais?)

Et un portrait du peintre (qui était aussi un remarquable illustrateur pour la jeunesse) :

andré devambez,métro,heure de pointe

Posant devant le tableau que j'ai reproduit dans ma note sur la tour Eiffel à travers l'art populaire...

 

      Et pour continuer, voici un autre tableau étonnant, intitulé La Charge, qui est dans les réserves du musée d'Orsay (j'y suis passé juste avant le confinement, et il n'était en effet pas exposé – à ce qu'il m'a semblé du moins, car je n'ai pas tout radiographié des collections permanentes) ; en l'absence de la liberté de visiter les musées, où tant de trésors nous attendent, je pense agréable de fournir cette vue (prophétique de ce qui pourrait arriver en cas de trop long confinement?)... :

andré devambez,métro,heure de pointe

André Devambez, La Charge, 1902-1903, musée d'Orsay.

19/03/2020

Défendons les librairies indépendantes

     Nous voici confinés, de ce mot si vilain où l'on entend cons finis, confits, et surtout déconfits. Nos dirigeants roulent sur du velours : quelle raison plus exceptionnelle pour eux de tenir enfin tous les révoltés potentiels encagés sans pouvoir se défendre au risque de passer pour des suicidaires ou des ennemis publics, dès la première balade sans attestation de déplacement autorisé? Mais ils ne perdent rien pour attendre... Nul doute qu'après ce coup-là, après ces délimitations de ce qui est activités "essentielles" (manger, travailler, pratiquer le culte – au risque de contaminer tout le voisinage comme l'ont fait ces andouilles d'évangélistes dans l'est de la France) ou "non essentielles" (l'art, les livres – l'amour?), des règlements de compte auront lieu à un moment ou un autre, dès lors que nos courageux chercheurs et héroïques soignants nous auront trouvé la solution pour nous débarrasser de ce virus de pangolin (nous, et aussi eux, avant tout eux?)...

       On peut sortir faire les courses et pratiquer un exercice  – le footing obligatoire? Et qu'en est-il d'une  bonne petite marche de dérive en solitaire à des heures où l'on ne croise personne,  le matin tôt par exemple, quand tout le monde fait la grasse matinée, car on n'a jamais fait autant la grasse matinée que depuis lundi dernier... , alors pourquoi n'a-t-on pas laissé quelques librairies de quartier, commerces de proximité, ouvertes? Avec les mêmes précautions que pour les supermarchés et autres commerces alimentaires. D'autant que les librairies ne sont généralement pas prises d'assaut.

    J'ai décidé, faute de boutiques ouvertes (j'avais personnellement pris  mes précautions en stockant comme un malade plein de livres chez moi, je m'en ouvrirai bientôt sur ce blog), de relayer l'appel d'une librairie de Lyon, que j'estime beaucoup, peut-être une des meilleures librairies d'art de France, la librairie Descours, située dans la Presqu'île, près de Bellecour. On peut leur acheter leurs livres par internet.

    "Pendant la période de fermeture au public de la librairie, dont la durée dépend de l'évolution de l'épidémie, l'équipe des libraires reste en veille et sera à votre service, à distance. Vous pouvez consulter le site internet de la librairie (https://www.librairie-descours), qui est à la fois un remarquable outil bibliographique pour se documenter ainsi qu'un espace de vente dématérialisé, réactif et efficace. Vous y découvrirez notre très riche fonds - des livres neufs et des livres épuisés -, vous pourrez prendre connaissance des nouveautés reçues ces derniers jours et semaines, puis vous pourrez y réserver ou commander tous les titres "en stock" :

    - demandez un retrait en librairie pour réserver un livre ;
    - demandez un envoi postal pour recevoir le livre directement chez vous.

Cette période de fermeture va considérablement fragiliser l'économie d'une librairie indépendante telle que la nôtre. Vous avez le pouvoir de favoriser la consolidation de notre activité, si singulière et originale, en évitant d'acheter des livres sur les grandes plateformes impersonnelles et en privilégiant notre structure insérée dans le tissu culturel et animée par des professionnels qualifiés.

Dans l'attente de vous revoir, soyez prudents dans les prochains jours.

L'équipe de la librairie."

Léopold Chauveau, cou catal Orsay 2020.jpg

Catalogue de l'expo du musée d'Orsay que j'ai personnellement pu aller voir rapidement avant que les herses ne retombent sur les musées.

Otto Freundlich au musée de Montmartre.jpg

Catalogue de l'expo qui aurait dû ouvrir au musée de Montmartre, juste au-dessus de chez moi... Pour une fois que cet abstrait original - plus vivant que Mondrian, tué par les Nazis en tant que Juif et Révolutionnaire, mentor par ailleurs, par une espèce de hasard étonnant, de Gaston Chaissac qui était son voisin à Paris dans les années 1930 - venait à Paris depuis le musée de Pontoise où il a une fondation, pan, v'là ce coronavirus de misère...

 

     Privés des expositions dont plusieurs catalogues sont en vente chez Descours, en attendant qu'elles soient (est-ce possible?) prolongées ou remises à une autre occasion (?), l'amateur pourra toujours se reporter, en désespoir de cause, à ceux-ci, à une époque où bienheureusement on conçoit les catalogues comme des expositions portatives.

06/03/2020

V'là le choléra!

Chanson signalée par Joël Gayraud... d'actualité?

 

V'là le choléra qu'arrive

 

Paraît qu’on attend l’choléra,

La chose est positive.

On n’sait pas quand il arriv’ra,

Mais on sait qu’il arrive.

 

V’là l’choléra ! V’là l’choléra !

V’là l’choléra qu’arrive !

De l’une à l’autre rive

Tout le monde en crèv’ra !

V’là l’choléra ! V’là l’choléra !

V’là l’choléra qu’arrive !

De l’une à l’autre rive

Tout le monde en crèv’ra

 

Les pharmaciens vont, répétant :

Il vient !… la chose est sûre ;

Ach’tez-nous du désinfectant…

Du sulfat’, du chlorure.

 

V’là l’choléra ! V’là l’choléra !

V’là l’choléra qu’arrive !

De l’une à l’autre rive

Tout le monde en crèv’ra !

V’là l’choléra ! V’là l’choléra !

V’là l’choléra qu’arrive !

De l’une à l’autre rive

Tout le monde en crèv’ra !

 

Les sacristains et les abbés

Répètent des cantiques

Pour attirer les machabé’s

Dans leurs sacré’s boutiques.

 

V’là l’choléra ! V’là l’choléra !

V’là l’choléra qu’arrive !

De l’une à l’autre rive

Tout le monde en crèv’ra !

V’là l’choléra ! V’là l’choléra

V’là l’choléra qu’arrive !

De l’une à l’autre rive

Tout le monde en crèv’ra !

 

On rassemble des capitaux

Pour fabriquer des bières.

On vendra des cercueils, en gros,

À la port’ des cim’tières.

 

V’là l’choléra ! V’là l’choléra !

V’là l’choléra qu’arrive !

De l’une à l’autre rive

Tout le monde en crèv’ra !

V’là l’choléra ! V’là l’choléra !

V’là l’choléra qu’arrive !

De l’une à l’autre rive

Tout le monde en crèv’ra !

 

Tous les matins, avant midi,

Dans une immense fosse,

On apport’ra les refroidis

Qu’on empil’ra par grosse.

 

V’là l’choléra ! V’là l’choléra !

V’là l’choléra qu’arrive !

De l’une à l’autre rive

Tout le monde en crèv’ra !

V’là l’choléra ! V’là l’choléra !

V’là l’choléra qu’arrive !

De l’une à l’autre rive

Tout le monde en crèv’ra !

 

L’bon Dieu, du haut du Sacré-Cœur,

Chante, avec tout’ sa clique,

Et les cagots reprenn’nt en chœur :

Crève la République !!!

18/02/2020

Critique du primitivisme à la Halle St-Pierre

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Conf baptiste brun sur Dubu et la crit du primitivisme févr 2020- 2.JPG

     Pris par d'autres lectures, je n'ai pas encore eu l'occasion d'entamer plus que le début du gros pavé commis récemment par Baptiste Brun sur la "critique du primitivisme" qu'il s'ingénie à penser comme un des chevaux de bataille de Dubuffet avec son entreprise de l'Art brut. Sur le site des éditions Les Presses du Réel en particulier, on peut lire ces lignes qui cherchent à résumer la direction principale du livre de Brun: "Tordre le cou au primitivisme : voilà l'un des enjeux du travail de Jean Dubuffet (1901-1985). Le lecteur pourra trouver l'affirmation paradoxale tant l'artiste semble être le parangon du primitivisme artistique dans la seconde moitié du XXe siècle. Tout pourtant dans son travail concourt à récuser l'existence d'un art supposé « primitif », pierre de touche d'une conception européenne et raciste de l'art, repliée sur elle-même et ébranlée au sortir de la Seconde Guerre mondiale. En poussant à l'excès les codes du primitivisme de son temps, le peintre en dévoile lucidement les ressorts et les présupposés."

     L'art dit primitif serait tout uniment "la pierre de touche d'une conception européenne et raciste de l'art, repliée sur elle-même et ébranlée au sortir de la Seconde Guerre mondiale"? N'est-ce pas aller vite en besogne? Je ne suis pas sans doute aussi cultivé que Baptiste Brun en matière d'histoire du primitivisme, mais il me semble tout de même que derrière ce mot on n'a pas mis, au cours de l'histoire de l'art moderne, que de la condescendance paternaliste... Le mot "primitif" a été utilisé à plusieurs sauces, me semble-t-il. Ne l'utilisa-t-on pas pour qualifier les peintres de la pré-Renaissance en Italie et en France, qui ignoraient encore les lois d'une perspective géométrique? Le mot, et l'art des peuples non occidentaux,  auprès de tant d'artistes modernes – Picasso, Derain, Modigliani, Vlaminck, etc. – étaient vus comme extrêmement positifs et séduisants, ce qui était une réorientation, opérant un virage à 180° par rapport aux antiquités gréco-latines des classiques. La primitivité n'était-elle pas vue aussi alors comme un accès direct à une expression plus spirituelle, plus proche du ressenti-pensé, accès, approche que les artistes modernes du début XXe siècle recherchaient obscurément en se détournant de la reproduction du réel rétinien? On ne se tournait pas seulement vers les arts lointains (comme disait Fénéon qui fut l'un des premiers à collectionner des œuvres d'art africaines ou océaniennes, bien avant les collectionneurs d'après Seconde Guerre), on admirait les primitifs de l'intérieur, l'art populaire des campagnes, comme Courbet vis-à-vis de l'imagerie populaire, ou Gauguin face à la sculpture naïve bretonne, ou encore Filiger, l'ami de Gauguin, qui s'inspirait des Primitifs italiens et de l'imagerie populaire alsacienne... Primitif était synonyme de "premier", tout aussi bien pour ces artistes. Les raccourcis expressifs, la stylisation, le goût d'aller droit au but (synonyme d'art "premier") propres aux artistes-artisans populaires impressionnaient  favorablement les artistes modernes.

      Que Dubuffet ait opéré une critique de la dimension paternaliste – et raciste chez certains critiques et amateurs d'art qui ne sauraient être majoritaires chez les admirateurs des arts primitifs – du primitivisme me paraît également sujet à discussion. S'il me paraît avoir rejeté l'interprétation primitiviste de son "art brut", c'est au même titre qu'il a balayé devant sa porte l'art des enfants, l'art populaire et l'art naïf, vus comme insuffisamment inventifs et insuffisamment asociaux. Il lui fallait bâtir sa notion en éliminant toutes les annexions possibles aux catégories voisines. 

      Baptiste Brun vient donc en parler à la Halle Saint-Pierre, Que ceux qui veulent en savoir plus viennent l'écouter (personnellement j'aurais bien voulu, mais à cette date, le 22 février, je serai malheureusement occupé ailleurs...).

23/01/2020

Dictionnaire du Poignard Subtil

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Pensée :

      "Un examen réfléchi, approfondi, des possibilités de la pensée, de la pensée commune à tous, rend vaine toute hiérarchie entre les hommes. Entre l'homme et la femme, elle serait la négation même de leur rôle propre."

        (André Breton, Paul Eluard, "Notes à propos d'une collaboration", manuscrit original publié, entre autres, sur le site web André Breton, destiné à servir d'introduction à l'édition japonaise du recueil L'Immaculée conception de 1930¹).

 

       NB: La dernière phrase de cette citation me paraît aller à rebours de l'opinion commune à beaucoup de commentateurs malveillants du surréalisme, n'hésitant pas à présenter les membres du mouvement comme anti-féministes.

___

¹ Voir aussi le tome I des Oeuvres complètes d'André Breton , dans la Notice sur l'Immaculée conception, p.1633). Le texte fut rédigé par Eluard qui le soumit à Breton qui apparemment ne le toucha pas.

25/12/2019

Ni Tanjung à la galerie Patricia Dorfmann?

      Annoncé pour janvier, j'ai vu passer, un peu éberlué je l'avoue, un projet d'exposition de Ni Tanjung (du 30 janvier au 22 février 2020), dans une galerie d'art plastique contemporain – qui elle aussi donc se tourne vers l'art brut: par opportunisme? – la galerie Patricia Dorfmann... Les premiers mots qui m'ont fait tiquer, c'est dans le sous-titre qui suit sur le site web de la galerie le nom de Ni Tanjung : "la reine du volcan Agung", sous-titre passablement tape-à-l'œil, et quelque peu grotesque par son côté sensationnel, n'ayant que peu de choses à voir¹ avec Mme Tanjung, pauvre des pauvres, vivant sans bouger sur son grabat, non loin du volcan en question certes, n'ayant en commun avec ce dernier qu'une certaine force éruptive canalisée dans l'expression sans frein de buissons de figures en papier crayonnées en couleur, inspirées du théâtre d'ombres balinais (et plus relativement, je trouve, des formes de danse traditionnelle). C'est typiquement le genre de titre publicitaire – probablement à base de bons sentiments (magnifier une gueuse par renversement des hiérarchies habituelles) – qui vise à se mettre le public dans la poche, quitte à paraître ronflant et difforme aux yeux des connaisseurs.

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Le volcan Agung menaçant, décembre 2017, © photo Petra Simkova.

Annonce expo Ni Tanjung gal P Dorfmann.JPG

Site web de la galerie Patrica Dorfmann, page expo.

 

     Et puis, autre motif de surprise gênée, on nous signale aussi dans l'annonce en tête de gondole du site web que l'expo est sur "proposition de Lucas Djaou", sans citer, d'emblée, personne d'autre (il faut lire le communiqué de presse en lien pour entendre parler des antécédents, et encore, de manière succincte)... Alors, là, ça sonne un peu comme un détournement pas très correct, correct. A ne lire que cette annonce, il semble que la galerie – à moins que cela n'émane du seul monsieur Djaou – a complètement oublié que c'est d'abord à M. Georges Bréguet essentiellement que l'on doit la connaissance, sur Paris (je m'en suis ouvert sur ce blog dès 2016), de l'œuvre de Ni Tanjung. C'est encore lui qui a prêté très récemment (du 6 avril au 18 mai de cette année 2019), à la Fabuloserie-Paris, rue Jacob dans le VIe ardt (sur ma suggestion, entre parenthèses), des œuvres de la même Ni Tanjung, créatrice brute qu'il protège, soutient matériellement, et fait connaître depuis des années, initialement par le biais de la collection d'Art Brut de Lausanne (voir l'exposition essentielle "L'Art Brut dans le monde", montée par Lucienne Peiry)? La Fabuloserie a été la première galerie parisienne à avoir l'audace d'exposer ces buissons de figures (dessins aux crayons ou aux pastels montés sur architecture de fibres de bambou) si étonnants.

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Vue partielle de l'exposition Ni Tanjung à la Fabuloserie-Paris, salle du rez-de-chaussée (printemps 2019), photo Bruno Montpied.

 

    A la Fabuloserie, le jour du vernissage, je me souviens avoir croisé ce M. Lucas Djaou. Qui maintenant s'est accaparé la "proposition" Ni Tanjung, sans grand mérite. Cela prend l'allure d'un détournement intéressé... Pourquoi n'avoir pas tout simplement laissé Georges Bréguet présenter sa protégée dans cette nouvelle galerie? Il reste toujours le plus habilité à expliciter son travail. Le communiqué de presse publié récemment sur le site de la galerie Dorfmann n'apporte en effet rien de mieux, paraphrasant plutôt qu'autre chose ce que nous avait déjà appris M. Bréguet.

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¹ On pourrait me rétorquer la note consacrée, sur ce blog même, au témoignage de Petra Simkova, habitante de Bali, qui avait rendu visite sur ma demande à Ni Tanjung. Dans son texte (de 2016), elle use de ce terme de "reine" parce qu'au moment de sa visite madame Tanjung confectionnait des couronnes en papier multicolore et brillant dont elle se coiffait, ou dont elle couvrait ses visiteurs (une forme d'anoblissement généralisé en somme). On pourrait se demander si Lucas Djaou, ou les responsables de la galerie Dorfmann, n'auraient pas lu ce témoignage paru sur mon blog, du reste (ils ne le citent pas en tout cas ; mais qui a l'honnêteté de citer les blogs de toute façon?). Je pourrais répondre qu'en extrayant ce terme de son contexte, en le propulsant en sous-titre de leur expo, ils lui donnent un autre sens, publicitaire, qui n'a rien à voir, et devient même idiot.

08/09/2019

Détestations (2): "Cahier des détestations" de Régis Gayraud

CAHIER DES DÉTESTATIONS

 

1.

 

   Pourquoi, lorsqu’on a à ouvrir une boîte de médicaments, on l’ouvre systématiquement du côté où la notice est pliée de manière à entraver la sortie immédiate du produit ? Cette situation est tellement agaçante que quand je dois ouvrir une boîte de médicaments, je commence maintenant par la tourner dans mes mains pendant quelques instants à la recherche d’un indice qui me permettrait de prédire de quel côté je dois le faire pour éviter de tomber sur cet impedimentum. Je tourne et retourne l’objet, je le secoue contre mon oreille pour tâcher de deviner, au bruit, la place de cette notice. Rien n’y fait. Il n’y a pas d’indice sur l’emballage et le son est uniforme. Et pourtant, quand je me risque à ouvrir la boîte, une fois de plus, la déception est au rendez-vous, et la notice est bien là pour me forcer à l’extraire avant d’atteindre la plaquette de gélules dont j’ai besoin. Je finis par croire que les notices sont animées, vivantes, et s’empressent de se placer du côté où elles m’entendent engager mes doigts quand elles comprennent que je m’apprête à ouvrir ces emballages.

 

2.

 

       Dans les autobus parisiens, j’aime m’asseoir, si je suis seul et si je le peux, à la place située au premier rang, isolée, à droite, un peu en retrait du chauffeur, juste à l’entrée. Ainsi, je vois à peu près ce que voit le chauffeur, je le vois tourner le volant, appuyer sur le bouton qui libère les portes, manœuvrer le levier de frein de parcage – quels que soient les modèles d’autobus, il n’a pas changé depuis que je m’asseyais à la même place dans les années 1980, ce minuscule levier qui maintient immobile un si gros véhicule ! - et tel un enfant, je m’imagine conduire moi-même. Mais je déteste le très agaçant petit panneau d’information que la RATP a récemment disposé sur la vitre qui me sépare de l’entrée des voyageurs, car ce panneau - qui indique généralement qu’il y a des travaux sur la ligne 42 alors qu’on est sur la ligne 30 - placé à trente centimètres de mes yeux, m’empêche de voir totalement le paysage à l’avant du véhicule. Il est une punition rectangulaire infligée à l’amateur qui désire que son séjour dans cet habitacle s’accompagne d’une évasion mobile sur la chaussée parisienne. C’est aussi, car il reste fixe devant un décor qui se meut, si je le regarde, un bon moyen pour me forcer à communier dans la nausée qui saisit les occupants des sièges situés en arrière.

 

3.

 

          Toujours dans le bus. Cela pourrait être une détestation, mais pas du tout. Bien au contraire, je me réjouis de cette intrusion de l’illogisme dans un monde où rien ne serait laissé au hasard. Pourquoi, sur les plans affichés dans les autobus figurent les correspondances des arrêts avec les stations de métro les plus proches, et non avec les autres autobus, alors que le ticket utilisé dans l’autobus permet la correspondance avec d’autres autobus, mais jamais, justement, avec le métro. Je ne suis pas dupe et comprends bien que cela ne démontre que la réticence de la RATP à faire la réclame de ces correspondances entre autobus, et l’incitation à faire prendre plusieurs moyens de transports qui exigent l’utilisation de plusieurs tickets, mais je le répète, j’apprécie cette bévue, ce hoquet du garantisme institutionnel qui m’oblige à connaître par cœur le plan du réseau des autobus parisien, comme jadis avant le long exil qui m’a tenu éloigné de Paris pendant vingt ans.

 

4.

 

          Cela ressemble à la boîte de médicaments. Quelque chose qui nous échappe. Pourquoi lorsqu’on a une forte envie d’uriner, peut-on se retenir parfois assez longtemps, voire très longtemps, mais, sitôt qu’on s’approche du but du voyage, devient-il de plus en plus difficile de se retenir ? Vous attendez l’ascenseur qui va vous monter chez vous, et de nouveau, vous constatez l’inexorable. L’ascenseur va vous monter chez vous, dans quelques instants, vous y serez, mais cela devient insupportable, vous cherchez à penser à tout autre chose, au Sahara bien sec ou à une page de Proust, il y a une courte rémission, mais vous voilà sur le palier, et vous sentez imminente l’explosion, vous voilà à manœuvrer fébrilement la clef dans la serrure tout en dégageant votre bras gauche de la manche de votre veste, vous luttez, vous vous jetez dans les toilettes… Or, si l’appartement était distant d’encore dix minutes et que vous étiez encore à cet instant précis dans la rue ou le métro, avec la même quantité d’urine dans la vessie et depuis autant de temps, vous pourriez encore tenir dix minutes supplémentaires jusqu’au moment où vous vous retrouveriez en bas de l’ascenseur, etc.  

 

5.

 

          Cette sensation que la vessie sait où nous allons et s’y précipite plus vite que notre corps est vraiment détestable. Elle me rappelle une autre détestation. Se trouver dans une maison, avec le chien de la maison, et soudain, le voir se redresser oreilles aux aguets, puis se mettre à japper joyeusement, et constater cinq ou dix minutes plus tard qu’il avait entendu (senti ?) son maître arriver à pied au coin de la rue situé à deux cents mètres, au bas mot. Cela me provoque un profond malaise qu’heureusement, je n’éprouve que rarement, étant rarement confronté à cette situation.

 

6.

 

          Cette ruse des notices de médicaments, cette intelligence de la vessie, ce pressentiment des chiens me rappellent un autre malaise, celui-ci sans doute plus abstrait, mais qui a nourri mes angoisses et ma superstition et que je déteste pour cela. Pendant toute mon enfance, j’entendais fréquemment parler de phénomènes paranormaux. Dans les conversations des grandes personnes, il y avait toujours quelqu’un pour vous parler de telle ou telle petite cuillère qui avait sauté de la tasse à café de telle ou telle tante le jour et l’heure précise où son fils était mort pendant la guerre de 14-18. On se délectait d’histoires de ce genre, on en entendait en famille, chez des amis et même chez des gens côtoyés fortuitement. Cela m’a angoissé pendant des années ; pendant des années, le moindre objet qui semblait s’échapper, le moindre craquement dans un meuble, le moindre courant d’air dans un rideau me faisaient croire à un signe du destin. Attendant quelqu’un qui n’arrivait pas, j’attendais plutôt, avant tout, le signe funeste que sa mort accidentelle allait m’envoyer. Ayant eu des enfants, j’ai tout fait pour ne pas répéter devant eux ces mêmes discussions que j’avais entendues à leur âge et j’ai constaté que ces phénomènes ont cessé d’être à l’ordre du jour des conversations aujourd’hui, mais je ne cesse pas de craindre qu’un signe terrifiant me soit envoyé un jour, annihilant tous mes efforts pour oublier cette sensation détestable.

 

7.

 

          Retour aux autobus. Je n’aime pas beaucoup le petit bus qui monte la rue des Martyrs et rejoint la mairie du XVIIIe arrondissement en se tortillant dans Montmartre. Trop petit, ressemblant à un jouet en plastique. Je n’y crois pas. J’essaie de me mettre dans la tête d’un enfant d’aujourd’hui, et je me dis que peut-être, dans soixante ans, au contraire, l’enfant d’aujourd’hui aimera se souvenir de cet autobus en miniature, comme moi j’aime me souvenir que le service de la ligne 46, dans mon enfance, était assuré par de curieux petits autobus à la livrée bleue et crème, contrairement au vert des autres lignes parisiennes et que j’aimais aller au bois de Vincennes en prenant cet autobus à l’angle de la rue Varlin et du Faubourg Saint-Martin. Je me demande alors s’il n’y avait pas de vieux Parisiens que cette couleur extravagante horripilait, et je me demande même si je n’ai pas entendu mon père récriminer à ce propos. Alors, la boucle serait bouclée, et c’est plus encore cette idée que je déteste.

31/08/2019

"Le truc qui m'énerve", par Pierre Chevrier (suite à "Détestations (1)")

LE TRUC QUI M’ÉNERVE

 

La cravate

      Ça n’est pas tellement la cravate qui m’énerve, mais plutôt les mecs qui en portent une, par obligation ou discipline ; qu’est-ce que ça veut dire? Moi, je n’ai pas de cravate ; ou plutôt si : une, avec Wallace et Gromit dessus ; le nœud est toujours fait et je la mets pour le théâtre, comme une caricature. J’avais vachement aimé quand les « Grünen » étaient apparus au Bundestag en 1983, en pulls et en baskets ; y’avait même des mecs qui tricotaient en séance. Maintenant les Verts sont coiffés-cravatés comme les autres, bien alignés en uniforme ; c’est que le pouvoir est au bout de la cravate! Parfois, je me dis que, si j’avais porté une cravate, je serais peut-être empereur à l’heure qu’il est ; je n’arrive pas à éprouver du regret... 

 

Y…

     Je ne sais pas si vous avez remarqué ‒ on voit beaucoup ça en BD (je lis énormément de BD) ‒, quand il faut mettre le 3e  pronom, « il », ou « ils », pour faire oral et familier, les auteurs-lettreurs mettent « y » : « Y m’a dit... », « Y paraît...», etc. Mais réfléchissez un peu, nom d’un petit bonhomme ! Le « Y » dans la langue française écrite a déjà des fonctions bien identifiées (adverbe et pronom) ; pour signifier le pronom personnel « il » et sa troncation, il suffirait donc, à l’écrit, de faire comme à l’oral : de supprimer le « l », et d’écrire tout bêtement « i », avec une apostrophe, si on veut, pour bien faire voir que ça correspond à une élision: « i’ ». D'ailleurs, certains écrivains québécois, comme par exemple Réjean Ducharme, utilisent cette résolution graphique dans leurs romans ; c’est bien plus adapté !

 

Les "épingles" à linge¹

      Vous, je sais pas, mais moi, à chaque fois que je dois étendre du linge, je trouve les épingles enfoncées jusqu’à la charnière, et il faut les reprendre une par une pour les faire glisser sur le fil ; parce que, si vous avez bien remarqué, les épingles à linge sont parfaitement conçues : elles présentent un ingénieux système de gorge qui leur permet de coulisser facilement, « frrrrt, frrrt... », sur le fil,  tout en restant suspendues. C’est pratique. Mais quand elles  sont engagées à fond, le bois (ou le plastique) coince, et ça ne glisse plus ; c’est tout bête.    Alors, si un jour je dois aller étendre du linge chez vous, veillez à ce que les épingles soient bien disposées pour coulisser ; sinon, je n’y retournerai pas deux fois !

 Extraits de L’Horreur vagabonde n° 4-5-6,  septembre 2014. Plusieurs numéros récents de cette feuille sont accessibles sur le site de Gérard Minault (voir en colonne de gauche).

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¹ L'auteur veut bien sûr ici parler des "pinces" à linge. Mais, comme il me l'a confirmé, il s'agit ici d'un mot des familles, une erreur qui, avec le temps, a pris force de loi dans sa famille.

21/08/2019

Détestations (1)

Je déteste Charlotte de Turckheim.

Je déteste que l'on parle à toute vitesse, au point d'être incompréhensible.

Je déteste la canicule.

Je déteste qu'on rit sans cesse de ses propres plaisanteries.

Je déteste les ongles ou les lèvres peints en noir.

Je déteste les sourcils que l'on a épilés, au point de les faire ressembler à un trait de crayon.

Je déteste tous les ventres proéminents, y compris le mien.

Je déteste les sifflotements nerveux.

Je déteste les artichauts.

Je déteste les hommasses.

Je déteste les avis politiquement corrects.

Je déteste le jésuitisme.

Je déteste l'acné (comme tout le monde).

Je déteste qu'on soit grossier avec les serveurs, qu'on leur passe sèchement des commandes, sans y mettre la moindre bonne volonté. Cela manifeste un manque de considération absolue pour ces personnes. De quel droit ?

Je déteste les pellicules.

Je déteste que l'on dise d'une femme qu'elle est une poule, une poulette, ou encore une pouliche.

Par ailleurs, je n'aime pas beaucoup les poules et je déteste ces imbéciles de coqs.

Je déteste les gens qui n'ont pas d'humour.

Je déteste la canicule (bis).

Je déteste les braseros aux terrasses des cafés et, plus généralement, cette tendance depuis plusieurs années, chez beaucoup de clients, à vouloir que la température reste éternellement élevée à ces terrasses, comme si l'hiver, ou la froidure de l'automne, ne devaient plus exister.

Je déteste l'affirmation qui consiste à dire qu'on a besoin de soleil perpétuellement, même lorsqu'on vit déjà sous la pire des canicules. C'est comme si on réclamait en se pâmant d'avance son futur bûcher.

Je déteste l'amoralisme.

Je me méfie du laisser-aller.

Je déteste les lieux qui ont été longtemps publics, puis qui ont été privatisés.

Je déteste les mains moites, et la moiteur en général. poignée de main moite_edited.jpg

Je déteste  l'humidité chaude et étouffante, et ne peux donc envisager d'aller dans un pays tropical….

Je déteste les souris, et les rats. Et les rongeurs en général (mais pas les écureuils).

Je déteste les petits rires contractés et étouffés des adolescentes ou des jeunes filles qui se complaisent à ces rires énervés, notamment dans les trains (ma mère appelait ça "riffoler"….). Rire à ses propres phrases s'avère dans tous les cas un art délicat, de toute façon...

Je déteste les haricots-beurre, avec leurs fils et leurs haricots blancs à l'intérieur. Je ne sais pourquoi, mais je les associe à l'ennui dans les provinces de jadis. Sans compter leur goût insipide.

De même, je ne prise guère les navets. 

Je déteste les soutanes, des bonnes sœurs en particulier. Outre le message de refus du corps et de ses plaisirs charnels que transmettent ces vêtements, on pressent toujours la sueur rance par dessous, dans les coins sombres, que l'ensoutané n'aura pas voulu laver, par honte de ses excrétions, effroi à l'égard de ce qui s'écoule du corps...

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Paru dans la Révolution surréaliste n°8, 1er décembre 1926.

 

Je déteste également les burkas, voiles et tutti quanti, qui transforment les êtres humains en fantômes inquiétants.

Je déteste les comportements sans gêne en général.

Je déteste l'avenue des Champs-Elysées (qui est selon moi ‒ à rebours du qualificatif convenu ‒ l'avenue la plus laide et la plus ennuyeuse du monde).

Je déteste depuis longtemps le café au lait.

Je déteste les chapeaux de paille.

Je déteste porter des pulls de laine à même la peau.

Je n'aime pas particulièrement mon apparence, et apprécie fort rarement les photos que l'on fait de moi (j'ai souvent l'impression que c'est fait exprès pour me montrer sous un mauvais jour).

Je déteste le bourdonnement zézayant, comme rempli de satisfaction de s'être repu de notre sang, qu'émettent les moustiques qui s'envolent loin des corps humains dans la nuit. On les imagine ivres, en train de tituber en vol. Leur infect petit bourdonnement, c'est leur "hips!" de moustique soûlard…

Je déteste cette mode immonde qui consiste, chez certains hommes, à exhiber une partie de son slip avec la marque ostensiblement dévoilée, le pantalon, non retenu par une ceinture, ayant glissé opportunément. Que cela soit un hommage, paraît-il, aux taulards américains de qui on a retiré les ceintures pour éviter qu'ils ne s'en servent pour se pendre, ne rend pas cette mode plus séduisante...

Je déteste les chemises boutonnées jusqu'au cou. Même un seul bouton décroché ne parvient pas à m'apaiser. Il faut au moins deux boutons détachés pour que le corps respire.

Je déteste la fumée de cigarette, et, bien entendu, je haïssais les tabagies qui ont bienheureusement disparu aujourd'hui.

Je déteste la musique jouant à tout bout de champ dans les lieux publics, diffusée ainsi pour des motifs commerciaux, et appréciée cependant par une majorité du public, paraît-il, heureux d'être poussé ainsi à consommer dans une fausse atmosphère réjouie et "positive".

Je déteste aussi ces restaurants où l'on vous impose de la musique. Et les gérants à qui l'on demande de la faire baisser et qui font semblant d'obtempérer en obéissant dans un premier temps, avant de faire sournoisement remonter le volume ensuite.

Je déteste les gens qui disent qu'il faut "po-si-ti-ver".

Je déteste le choix de ne jamais critiquer, de ne jamais dire ce que l'on pense (à mettre en rapport avec ce que je dis plus haut du jésuitisme). Beaucoup de média devraient plus y réfléchir, parler franc ferait remonter certainement les ventes...

Je déteste le boulevard Magenta à Paris.

Au fond, je déteste toutes les grosses poches bourrées de nourriture, du genre pan bagna, burgers, sandwiches "grecs", tacos, fallafels dans lesquels il faut mordre en écartant les lèvres à s'en déchirer les zygomatiques (je dois avoir la bouche trop étroite pour ça ; c'est conçu pour des gueules de requin, et quand on n'en a pas, on l'attrape, à force de manger ce genre de sandwich...). Ce type de restauration rapide propose aux clients une fausse abondance, une fausse saveur sous des dehors en apparence variés et généreux.

Je déteste les chaussettes blanches à grosses côtes avec un triple anneau bleu, blanc, rouge, en haut, au-dessus de la cheville. Et, idem, quelle horreur que les pantalons de survêtement portés dans toutes les situations. C’est comme si on croisait des gens portant en permanence des pyjamas en dehors de chez eux.

Je suis exaspéré par les lacets qui cassent trop rapidement. On en retire l'impression qu'ils ont été conçus pour devoir être régulièrement remplacés. Obsolescence programmée…

Je finis par détester les jingles des radios, ou des annonces dans les gares SNCF, le métro, etc.

Je déteste les places côté fenêtre dans les tégévés et autres trains pourvus de wagons à couloir central.

Je déteste les touillettes en plastique, et plus généralement tous les couverts, gobelets surtout, et assiettes en plastique.

Je déteste les thuyas, les haies de thuyas. Je préfère donc les haines de thuyas…

Je déteste les voyageurs dans le métro qui veulent à tout prix occuper la totalité du strapontin de gauche, alors que soi-même, on occupe le siège près de la cloison. Cela les mène à vous serrer au point d'entraver le mouvement de vos bras au cas où vous voudriez les utiliser, pour attraper quelque chose dans votre poche par exemple. On ne peut pas récriminer, sous peine de passer pour le mauvais coucheur type. En vous tassant contre la cloison du wagon, ces types (ce sont toujours des hommes) vous suggèrent implicitement par leur comportement qu'ils vous considèrent comme des objets, des trucs inertes qui font obstacle, qui gênent…

Je déteste les gens qui n'admettent pas qu'on puisse déclarer ses détestations.

J'aime pas les voitures, 29,7x21 cm, 2016 (2).jpg

Bruno Montpied, J'aime pas les voitures, encre, lavis, stylo blanc, crayons et mine de plomb sur papier, 29,7 x 21 cm, 2016.

 

Je déteste au fond les voitures. Même si j'admets qu'elles sont bien utiles. Je les trouve laides. Dans un paysage, elles en polluent toujours plus ou moins l'aspect. Elles font tache.

 

Rue de clignancourt, les barrières à n'en plus finir (2).jpg

Rue de Clignancourt, Paris XVIIIe ardt, août 2019. Ph. Bruno Montpied.

 

Une chose que je commence à abhorrer, ce sont ces barrières grises et vertes (quel choix de couleurs ! Les plus horripilantes mariées l’une à l’autre…) qui délimitent les zones en chantier ou en réparation sur la voie publique. Ces travaux s’éternisent de plus en plus, et les barrières aussi par conséquent, enlaidissant le paysage des rues, entravant la circulation aussi bien des véhicules que des piétons. Les badauds paraissent s’y être habitués. J’étais comme eux, mais à présent ces barrières me sont insupportables, me donnant en vie d’y mettre le feu…

Rue de Clignancourt, barrières de chantiers éternels (2).jpg

Barrières à l'angle de la rue Andréa Del Sarte et de la rue de Clignancourt, août 2019 (installées là depuis bien plus d'un mois). Ph.B.M.

 

Cette note est la première de la nouvelle catégorie, "Détestations", que j'installe sur ce blog à partir d'aujourd'hui. D'autres collaborateurs sont les bienvenus pour indiquer leurs propres détestations... 

21/07/2019

Dictionnaire du Poignard subtil

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Solitude :

      "Ne plus aimer sa mère fracture radicalement l'existence. C'est comme si on vivait avec un cœur différent de celui des autres. Ne plus aimer sa mère vous laisse profondément seul au monde, vous ampute. On ressent de la honte, on connaît le dégoût. On se croit volontiers un monstre."

       Jean-Pierre Sautreau, Une Croix sur l'enfance, Nouvelles sources, 2019.

       (Ce récit est un salubre – et pathétique – témoignage d'un homme que ses parents ont livré, pieds et poings liés, alors qu'il était un enfant de onze ans, aux séminaires des curés de Vendée, dont les élèves des années 1960 se mettent aujourd'hui à parler, révélant outre les attouchements et autres violences intrusives criminelles, plus généralement, le système de lobotomisation des consciences, la coercition généralisée due à l'éducation et au système religieux catholiques qui ont toujours eu pour but d'abolir toute pensée individuelle critique, et par là, toute liberté ; Eric Le Blanche (voir notes précédentes), peintre muraliste autarcique de Vendée, a écrit dans une de ses lettres retrouvées qu'il "donnait son âme et son corps à Dieu". Au regard des témoignages de crimes pédophiles qui affluent depuis quelque temps, en Vendée et ailleurs, concernant les prêtres, cette phrase du pauvre Le Blanche prend aujourd'hui un sens des plus inquiétants, voire tragiques...)

13/06/2019

Quand André Breton définissait l'art brut...

Dédicace à un vieil ami qui refuse de comprendre de quoi il retourne quand je parle d'art sans artistes...

 

       André Breton, définit un jour, de façon brève, l’art brut à sa fille Aube.

      Voici dans quels termes, en effet, dans sa lettre du 12 octobre 1948, Breton décrit son projet d'Almanach de l'art brut à sa fille, alors âgée de treize ans :

       "Tu te demandes peut-être ce que ça peut être que l'art brut? Cela groupe tous les tableaux et objets que font quelquefois des gens qui ne sont pas artistes : par exemple un plombier-zingueur, un jardinier, un charcutier, un fou, etc. C'est extrêmement intéressant". (Passage souligné par moi)

Lettres à Aube, 2009.jpg

2009.

02/06/2019

Correspondance avec un ami au sujet des contre-cultures

     Cher P.,
 
    J'ai toujours observé, à l'égard des contre-cultures, du milieu de l'underground, d'Actuel, Radio-Nova et j'en passe, une attitude distante et réservée, sans complètement les rejeter bien sûr. 
     Mon credo se résume au fond à ceci: 
    Plutôt que de se tenir avec une certaine délectation dans une  position marginale, en cultivant la marge, comme les contre-cultureux le font, pourquoi ne pas chercher plutôt à se mêler à la masse des gens dits ordinaires? 
    C'est pourquoi j'avais été sensible, dès le moment où j'ai lu Dubuffet, à son éloge de l'homme du commun. Le danger, bien sûr, de ma position, c'est qu'on peut tomber sur des réacs au sein même de la population active non lettrée ou cultivée. Encore plus, le temps passant, on dirait, cf. les gilets jaunes où il semble qu'il y ait vraiment de tout, et pour une part, des fachos, des populistes, des beaufs (mais peut-être n'est-ce, dans ce mouvement, que la part que les media ont épinglée avec malveillance) .
   Mais ce choix, parler avec tout le monde, avec des mots simples si possible, compréhensibles de tout un chacun, c'est, il me semble, la condition sine qua non d'un possible échange, à égalité entre interlocuteurs, de questionnements menant à révolutionner la vie quotidienne dans un sens harmonieux.
    La marge reste la marge, et d'un certain point de vue, en s'y cantonnant, cela est analogue à l'attitude des élitistes contents de camper sur leurs olympes, avec à la bouche des lippes pleines de morgue...
   Dans les contre-cultures, c'est surtout dans les milieux musicaux alternatifs, encore trop artistes au fond, et donc naturellement conduits à se séparer des gens ordinaires non artistes, que je ressens cela. Dans d'autres domaines, l'art populaire par exemple, lorsque Actuel s'intéressait aux cultures populaires (du bout des lèvres quand même), comme lorsqu'ils ont fait au milieu des années 80 un almanach avec des articles sur des habitants-paysagistes de banlieue parisienne ("les Facteurs Cheval", ça s'appelait), le ton s'était "humanisé", était devenu plus accessible, ordinaire...
 
    Bien à toi,
    Bruno

15/10/2018

Une réaction d'Antoine de Galbert à la publication récente de "L'art brut" chez Citadelles et Mazenod

      L'Outsider Art Fair est dans trois jours, grande foire d'art brut, comme on sait, et  voici qu'une volée de bois vert paraît précisément maintenant, sous la forme d'un mail circulaire, à l'encontre du livre récemment paru sous la direction de Martine Lusardy, L'art brut, aux éditions Citadelles et Mazenod. Il est signé d'Antoine de Galbert. Je le reproduis ci-dessous par souci d'information, au cas où divers amateurs ne seraient pas sur le mailing de l'auteur.

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A propos de la parution de « L’art brut » dans la collection Citadelles/Mazenod.

 

       Je viens de recevoir ce beau livre dont l’ambition est de donner à l’art brut la place qu’il mérite dans l’histoire de l’art mais il ne correspond malheureusement pas aux exigences scientifiques qui ont fait la réputation de cette collection.

       Le fait que la maison rouge n’apparaisse à aucun moment dans cet ouvrage n’est pas un oubli, mais une volonté délibérée d’en ignorer le travail. Bien plus incroyable encore est l’absence systématique dans ces pages de l’incontournable collection de Bruno Decharme et du travail remarquable de l’association ABCD. Et ne parlons pas de la bibliographie plus qu’incomplète. Je m’étonne que les Editions Mazenod aient pu confier la direction éditoriale de ce livre à une personne animée par tant de ressentiments inexplicables.

      En vérité, cet art n’appartient à personne, et les nouveaux regards qui se tournent vers lui depuis peu exaspèrent ceux qui en avaient abusivement la garde.  Il y avait une part d’aigreur dans les positions défendues par Jean Dubuffet qui a théorisé sa pensée contre le  milieu officiel dont il se sentait exclu ; une part de jalousie, dont certains de ses héritiers ont peine à se défaire. Mieux vaut défendre ce que l’on aime que l’inverse, et rien ne sert d’opposer un art à un autre.

      La maison rouge, inaugurée en 2004, m’a sans cesse donné l’occasion de décloisonner les mouvements ou les époques, dans un pays où il existait peu de passerelles entre les arts. J’ai souvent pâti de cette dichotomie absurde et idiote, qui générait  mépris et intolérance, d’un côté comme de l’autre,  alors qu’il suffisait de contextualiser chaque forme d’art pour lui trouver un intérêt. Il ne m’a jamais semblé que le dramatique enfermement mental et social des artistes de l’art brut, soit une bonne raison pour maintenir leurs créations dans la pénombre d’un ghetto culturel. Bien au contraire, c’était leur faire honneur de les présenter à un public plus large.

       Nous avons organisé un grand nombre d’expositions d’art brut : Henry Darger, La collection Arnuf Rainer, Augustin Lesage et Elmar Trenkwalder, Louis Soutter, Eugen Gabritchevsky, la Collection ABCD/Bruno Decharme…  De nombreuses expositions thématiques comme Inextricabilia (proposée par Lucienne Peiry) ou plus récemment L’envol, ont accueilli de ces œuvres, empruntées au musée de Villeneuve d’Ascq, à la Collection de l’art brut de Lausanne, à la collection Prinzhorn, et à bien d’autres… et nous avons régulièrement commandé des textes à des éminents spécialistes appartenant au sérail.

        Antoine de Galbert,

        président de La maison rouge.

 

       Personnellement, si je trouve normal qu'Antoine de Galbert vienne protester contre le fait que le livre paru chez Citadelles et Mazenod oublierait de citer les nombreuses expositions montées par lui et son équipe à la Maison rouge, de même que le livre passerait sous silence la collection ABCD, effectivement une des plus belles et plus riches collections d'art brut en France, je ne comprends absolument pas qu'il puisse parler, par ailleurs, de "ceux qui avaient abusivement  la garde" de l'art brut et qui seraient exaspérés par les "nouveaux regards" (décloisonnant) qui se portent sur l'art brut depuis quelque temps, parmi lesquels il faut compter donc ceux de la Maison rouge.

       Il n'y a jamais eu d'autres gardiens du temple brut que Dubuffet et Thévoz pendant longtemps (et après tout, cela permit d'imposer dans le monde de l'art, qui l'avait largement ignoré jusque là, malgré les efforts des avant-gardes de la première moitié du XXe siècle, ce champ particulier de création où tous deux trouvaient de l'unité). C'est seulement à partir de 1995-1996, à l'occasion de l'exposition "Art brut et compagnie", montée à la Halle St-Pierre par Laurent Danchin et – tiens! – justement la Martine Lusardy interpellée aujourd'hui par Antoine de Galbert (car c'est elle, "la personne animée par des ressentiments"), que la Collection de l'Art Brut de Lausanne a accepté de prêter à l'extérieur de leur institution des œuvres de leur collection, dans un projet qui confrontait diverses collections à celle de Lausanne pour la première fois (l'Aracine, le petit musée du Bizarre, le Site de la Création franche, la Fabuloserie et la collection Cérès Franco). Ce projet d'il y a plus de vingt ans devançait ceux que la Maison rouge fit de son côté par la suite, à partir de 2004 donc (et qui furent, effectivement de fort instructives manifestations). On ne  peut donc reprocher à Mme Lusardy d'avoir été une gardienne du temple de l'art brut, car elle aussi avait "décloisonné", bien avant M. de Galbert. Il se trouve seulement que tous ceux qui se passionnent pour l'art brut n'ont pas forcément les mêmes manières de comprendre l'art brut.

     Mais peut-être, cela dit, faudrait-il regarder plus attentivement ce que l'on envisage aussi parfois derrière tous ces "décloisonnements" (que les surréalistes, pour leur part, avaient initiés, bien avant qu'un Dubuffet ne vienne faire main basse sur l'art qu'il étiqueta "brut"). S'il s'agit de rendre l'art brut soluble dans l'art contemporain le plus cérébral –  afin d'élargir la clientèle des galeries d'art brut – comme a tendance à vouloir le faire un galeriste comme Christian Berst, personnellement, je trouverais normal d'émettre quelque avis opposé, sans pouvoir être taxé pour autant de "gardien abusif de l'art brut", terme au fond qui ne veut pas dire grand-chose (et désigne peut-être, de la part de celui qui l'utilise, un désir secret de s'emparer, à son tour et à son seul profit, de l'art brut en question?).

      Il est plus que normal de défendre ce que l'on aime. Ce qui n'entraîne pas qu'on veuille l'enfermer dans un ghetto non plus...

11/08/2018

Un compte-rendu paresseux dans la revue "Critique d'Art"...

      Une remarque de Marc Décimo, parue dans la revue Critique d'Art (n°49 de 2017, qui sera disponible en version intégrale sur le site web de la revue en mai 2019), et insérée dans ce qui se voudrait un compte-rendu de mon récent livre Le Gazouillis des éléphants (expédié en deux paragraphes, un record de la recension exécutée par-dessus la jambe, alors que le livre dont il paraît vouloir traiter fait 934 pages), m'a quelque peu titillé. Je cite ici le passage où elle se trouve (soulignée par mes soins en rouge) :

     "... c’est autour de ce qu’il est aujourd’hui convenu de nommer « les environnements » que certains chercheurs, très peu nombreux, documentèrent au fil des années les sites qu’ils découvraient, multipliant articles dans quelques revues, photographies et films. Bruno Montpied fut un de ces passionnés. Il présente aujourd’hui la somme de ces recherches (934 pages), région par région de France. Il énumère les sites qu’il a visités. Il documente. Il iconographie. Bruno Montpied a aussi pensé à reproduire des cartes postales anciennes, des années 1900, souvent les seuls témoignages de ces curiosités passées que la revue Gazogène recensait naguère."

Le Gazouillis 3 couv à plat (2).jpg

 

     Je passe sur le "fut" qui paraît m'enterrer quelque peu. Un présent aurait pu mieux convenir, s'il vous plaît, M. Décimo, je ne suis pas encore mort. La phrase sur les cartes postales anciennes "que la revue Gazogène recensait naguère" est quelque peu ambiguë. On peut se dire en la lisant que c'est cette revue qui eut la première l'idée de recourir à cette source iconographique et documentaire. Or rien n'est plus faux. Des cartes postales anciennes avaient déjà aidé Anatole Jakovsky à illustrer son livre (approximatif), de 1979 aux éditions Encre, sur les rochers sculptés par l'abbé Fouré à Rothéneuf. Surtout, en 1985, son grand rival, Frédéric Altmann – voulant prendre sa revanche du fait que Jakovsky ne l'avait pas fait directeur du musée d'art naïf qui venait de s'installer à Nice dans un splendide hôtel particulier dominant la mer – fit paraître une autre étude sur le même abbé de Rothéneuf, entièrement fondée sur les cartes postales (il en existe près de 400, rien que pour les œuvres sculptées de l'abbé, sur pierre ou sur bois). Le livre fut intitulé La vérité sur l'abbé Fouéré, "l'ermite de Rothéneuf", le sculpteur des rochers de Rothéneuf, 1839-1910 ; une recherche par les cartes postales et documents d'époque (éditions A.M., Nice).

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      Francis David, dans son Guide de l'art insolite Nord-Pas-de-Calais-Picardie, aux éditions Herscher en 1984, en a également utilisé dans la préface de son livre qu'il confia à l'écrivain régional Jacques Duquesne (c'est même là que j'ai découvert la carte reproduisant les graffiti sculptés de la "Nymphe d'Aveluy" que j'ai reproduite dans mon Gazouillis). En 1993, dans le chapitre que je consacrai à François Michaud dans l'ouvrage collectif Masgot, L'œuvre énigmatique de François Michaud (éditions Lucien Souny, Limoges), chapitre que j'ai réédité en 2011 dans Eloge des jardins anarchiques (voir "Formes pures de l'émerveillement"), je publiai une carte postale ancienne, moi aussi, consacrée à la "Villa des Fleurs" de Montbard (voir ci-contre).Cp-la-villa-avec-deux-perso.jpg A cette époque (à partir de 1989), j'étais en contact avec Jean-François Maurice qui, au début des années 1990, n'avait pas encore pris l'habitude de faire imprimer sa revue Gazogène chez un professionnel, lui laissant l'allure d'un fanzine foutraque, auquel il m'arriva de collaborer (le  premier numéro imprimé professionnellement, relié, paraît être le n°17, et malgré son absence de date peut être daté de 1997) . Nous échangions souvent, notamment par téléphone (lui à Cahors, moi à Paris). Et l'idée d'accentuer les recherches de sites, notamment du passé, en allant du côté des cartes postales anciennes, je la lui formulai un soir, à propos notamment des "Ruines de la Vacherie", ce site étonnant qui existait autrefois dans les parages de Troyes.  Bien plus tard seulement, il rencontra le collectionneur de cartes postales d'environnements spontanés Jean-Michel Chesné, avec qui il réalisa plusieurs numéros  reproduisant des dizaines de cartes postales de sites. C'est ces numéros qu'évoque Décimo dans son articulet expéditif, d'une manière que je trouve insupportablement désinvolte, et finalement très mal informée, car Gazogène ne s'est consacré aux cartes postales anciennes que très tard par rapport aux ouvrages que j'ai cités précédemment. L'utilisation des cartes postales vis-à-vis des sites d'art brut ou d'art naïf en plein air par la revue Gazogène ne fut en définitive  que la systématisation d'une idée. Ce qui n'occulte pas le fait pour autant que la revue fit à l'occasion de divers de ses numéros spéciaux plusieurs découvertes et révélations (dont je me suis fait l'écho dans mon livre, à l'occasion). Mais cela n'entraîne pas qu'on puisse insinuer que j'aurais pu être un récupérateur d'une idée que j'avais mise en application avant cette revue, et idée qu'en outre, j'avais suggérée à Jean-François Maurice, avant que nous rompions.

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Auguste Bourgoin, l'auteur des "Ruines de la Vacherie" devant son "Bureau".

 

    Dire par ailleurs, comme le fait M. Décimo, qu'il y eut jusqu'ici peu de "chercheurs" creusant la question des environnements, notamment populaires – si l'on accepte de considérer les "chercheurs" au sens large, et pas seulement au sens universitaire et institutionnel – c'est largement contredit, par exemple, par la bibliographie de 16 pages que j'ai donnée dans les annexes de mon Gazouillis.

    Je pourrais aussi citer cette autre affirmation, que l'on peut dénicher dans le même entrefilet de notre "critique d'art" : "Le parti pris de Bruno Montpied est descriptif et biographique à travers l’étude des cas qu’il approche. On aimerait toutefois en savoir toujours davantage sur les raisons et irraisons qui poussent à se distinguer hors des normes." A lire ces lignes, je me convaincs que l'auteur de ce jugement des plus sommaires n'a pas dû lire grand-chose de mon ouvrage. A commencer par ma longue introduction où je donne, il me semble, plusieurs points de vue sur diverses questions que posent les environnements, la question de leur conservation ou non,  par exemple, ou les motivations de leurs auteurs, etc. Plusieurs de mes notices, de tailles diverses, donnent sans cesse des éléments d'information précisément sur "les raisons et irraisons" de ces créations "hors des normes", contrairement à l'affirmation de Décimo. Elles dépeignent aussi comment ces inspirés du bord des routes n'ont pas toujours, non plus, l'impression de se distinguer des normes. M. Darcel, dans la région de St-Brieuc, trouve que ce qu'il fait est plus vivant que les œuvres de Picasso, et qu'il est donc plus près d'une certaine "normalité" que ce que l'on trouve dans les musées. M. Roux dans sa cave troglodytique reproduit des personnages de Disney sur ses parois pour nier son enterrement dans une excavation, Chatelain ou Michaud ont créé leurs univers par désir d'être anoblis par leur œuvre ("un Chatelain, ça doit avoir un château", Michaud magnifiait de colonnades gréco-latines son pressoir à cidre et ses clôtures). Etc., etc....

Colonnades de la barrière d'enceinte de la deuxième maison (2).jpg

Colonnades de la barrière d'enceinte de la deuxième maison de François Michaud à Masgot dans la Creuse, ph. Bruno Montpied, 2013.

 

       Bref, que le lecteur de Critique d'art aille voir dans le Gazouillis, sans se contenter du compte-rendu de ce paresseux universitaire...  La bibliothèque de cette revue, qui réclame en outre, de façon assez scandaleuse, je trouve, que l'éditeur lui fournisse deux ouvrages en rançon d'un compte-rendu (et quel compte-rendu!), permettra assez aux lecteurs, qui n'auront pas par hasard été rebutés par cette misérable notule, de se faire une idée plus exacte de mon ouvrage. Qui me paraît mériter tout de même un peu plus que deux seuls paragraphes sans le moindre contenu (c'en est, pour le coup, assez obscène)... Mais, peut-être, l'histoire de l'art, dont cette revue ambitionne d'être l'exhaustif miroir, n'a pas à retenir un ouvrage tel que le Gazouillis, trop OVNI pour elle...?

 

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Ouvrez-le... Et lisez-le, bon sang de bois! Et n'écoutez pas vos professeurs, étudiants en histoire de l'art...

02/06/2018

Gaël Dufrène, les trains circulent dans l'art dit "brut"

     Gaël Dufrène, que l'on nous présente atteint du syndrome d'Asperger, ce qui paraît doter les individus qui en sont le siège d'une mémoire hors du commun, va bénéficier d'une exposition de ses dessins (noir et blanc, couleur) qui représentent souvent des trains, mais aussi des moteurs, des voitures... très bientôt dans la galerie parisienne de la Fabuloserie (du 2 juin au 13 juillet, vernissage samedi 2 juin de 16 h à 21 h, 52 rue Jacob, Paris dans le VIe ardt, tél: 01 42 60 84 23). J'avoue sans honte que je n'avais pas encore entendu parler de lui, même s'il avait déjà été présenté à l'Outsider Art Fair de Paris sur le stand de la galerie Hervé Courtaigne en 2016. Il est défendu également par l'association EgArt qui se préoccupe de promouvoir des "artistes" atteints de divers handicaps auprès des structures d'exposition (ce qui est très bien, mais on attend également l'entreprise ou l'association qui s'occuperont de dénicher la créativité et l'originalité actuelles, handicaps ou pas, sans se préoccuper des modes, de  l'audimat, originalités marginalisées avec lesquelles des passions non mercantiles, non en représentation, peuvent entrer en résonance).

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Expo Gaël Dufrène bientôt à la Fabuloserie Paris ; du train envisagé comme dessin et comme jouet ? "Bijou mécanique"...

 

      Cette association EgArt paraît posséder une collection ("l'Art sans exclusion" voir son dossier de presse) où l'on a rassemblé habilement des auteurs bruts répertoriés dans les collections  homonymes (serviraient-ils de cautions?) – l'incontournable Robillard et ses sempiternels fusils, par exemple, ou encore Zemankova, Hofer... – à côté de créateurs contemporains "porteurs de handicaps" que met en avant cette association, par exemple ce Gaël Dufrène, mais aussi un certain Jérôme Turpin, dont les œuvres possèdent en effet de l'intérêt. Même si, en ce qui concerne Dufrène, je trouve que cela commence à faire un peu poncif, les dessins minutieux d'engins et de mécaniques. En effet, cela fait déjà quelque temps que l'on nous met sous les yeux des montreurs de machines (les machines  à coudre d'Ezékiel Messou, les cortèges de trains de Braillon – dont on m'a récemment appris qu'il aurait cesé de dessiner : voici donc qu'il a opportunément trouvé un remplaçant! –, les plans de machines de Perdrizet, les voitures de Serge Delaunay, les rangs d'oignon de façades de trains d'Hidenori, les trolleys ou les gares de Van Genk, etc.). Certes, cependant, on reconnaîtra chez Dufrène, un traitement des machines ou des véhicules où la méticulosité mémorielle le dispute à une certaine tendresse du graphisme.

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Gaël Dufrène, "Citroën de 1955 type Azu 2 chevaux", photo Caté/EgArt ; ce dessin sera exposé à la Fabuloserie parisienne..

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John Martin, sans titre (camion), vers 2008, provenance Creative Growth Center, ph. et coll. Bruno Montpied ; dessiner d'après nature, avec des déformations découlant du manque de science esthétique de l'auteur autodidacte, peut apparaître chez les animateurs d'ateliers d'art-thérapie comme un passage obligé, faisant partie d'un cahier des charges, même si le résultat est à l'occasion intriguant...

 

      Je me méfie donc... Plus ça va, en effet, plus le désir d'acquérir de l'art brut va en grandissant. Il faut fournir de l'aliment à cette curiosité. D'où peut-être cette multiplication de créations ayant beaucoup de points communs, avec parfois, çà et là, ce qui ressemble à des ersatz. Les biennales qui se succèdent à la collection de l'Art Brut de Lausanne, ces derniers temps, participent peut-être même du mouvement, avec leurs thématiques uniformisantes ("Véhicules," "Architectures", "Corps"...). De plus, du côté des ateliers d'art pour handicapés, on oriente – volontairement, ou involontairement (le plus souvent certainement involontairement) – les "travaux" des participants aux ateliers en suivant ces thèmes, tant le besoin est grand d'intégrer les participants de ces ateliers au commun de la foule des artistes patentés ("art sans exclusion" dit bien l'intention...). Les véhicules, les vedettes du petit écran, les machines, les œuvres d'art réinterprétées... Et les marchands, voire certains musées ou collections, gagnent ainsi du temps pour agrandir leurs réserves et leurs stocks, en se fournissant directement auprès des ateliers pour handicapés. Ceux-ci ont le vent en poupe, et qui irait critiquer cela? Il est bienpensant de ne rien redire à ce retour en force de l'art des handicapés (je dis "retour", car cela avait déjà été tenté dans les années 1970-1980 ; je me souviens ainsi de Jean Revol et de son "Art originaire" qui mettait déjà en avant l'art des handicapés, avant que cela ne retombe comme un soufflé). D'autant qu'il arrive qu'on y rencontre aussi, de temps en temps, quelques grands créatifs (Paul Duhem, Oskar Haus, Kevin Raffin de l'atelier de la Passerelle à Cherbourg – atelier que je défends régulièrement sur ce blog – Alexis Lippstreu, Yves Jules, ou Philipe Lefresne et Fathi Oulad de l'ESAT de Ménilmontant...).

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Philippe Lefresne, la vache de Claude François, provenance atelier de l'ESAT de Ménilmontant, vers 2013, coll. et ph. B.M.

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Kevin Raffin, Catch, 45x65cm, février 2013, provenance Atelier de La Passerelle de Cherbourg, coll. et ph. B.M.

 

     Et pourtant, et pourtant, comme chanterait Charles Aznavour, l'art brut – l'oublierait-on? – fut inventé pour nous dévoiler un autre type d'art, un art-chiendent, orienté et téléguidé par personne, surgissant incognito, individuellement, dans des lits non préparés pour lui, de manière parfaitement anarchique et niant superbement les hiérarchies, les divisions du travail, les classes sociales. Mon livre récent, Le Gazouillis des éléphants, même s'il a recueilli de nombreuses critiques positives (dans la presse des tribunes littéraires surtout) dans certains media, propose nombre de créateurs répondant à ces critères. Est-ce pour cette raison, que très peu de gens – malgré les compte-rendu positifs, et les ventes épuisant le stock en très peu de temps – ont su jusqu'à présent les remarquer nommément ? Je ne suis pas loin de m'en convaincre...

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