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01/01/2021

Voeux 2021

      Que souhaiter pour l'année nouvelle de plus sincère qu'un appel à résister à cette invasion qu'on veut sournoisement nous imposer en profitant de la Covid, comme une nouvelle épidémie secondaire tout aussi néfaste, à savoir l'épidémie du virtuel, concomitante avec l'épidémie de l'isolement?

     Rien de plus irritant que ces newsletters de musée ou de galeries qui, prenant leurs correspondants pour des buses, croient leur asséner une bonne nouvelle, un scoop extraordinaire, en leur présentant des expositions virtuelles, où, sans parler des nausées que causent les déplacements virevoltants au sein de ces salles artificielles et aseptisées, il n'y aura jamais de quoi satisfaire l'amateur affamé de présence physique des objets de sa curiosité, s'enquérant du regard des autres mis en présence des mêmes œuvres d'art, attentif aussi à l'appréhension de l'espace, de la muséographie, ayant aussi apprécié de s'être déplacé pour venir au musée, dans l'antre des œuvres, où il en aura découvert d'autres ce faisant, par hasard...

     Un ami m'a récemment averti qu'il entrerait dans le calcul de responsables de musées de pousser à un autre usage des musées et des expositions. Ils auraient en vue d'instaurer des visites à deux vitesses. Une pour les spécialistes, les connaisseurs, et une autre pour les "touristes", la vile tourbe venue de manière pavlovienne au musée, sur commandes de professeurs, ou pour satisfaire au programme des tours operators, que sais-je, bref, la vile masse de qui l'art devrait être mis à distance définitive grâce à ce sacro-saint virtuel. L'accès démocratique à ce dernier serait enfin dénié, et réservé à l'élite, ces salopards de l'élite. L'horreur... Une de plus.

    Merde! Qui se préoccupe des musées actuellement fermés, je n'entends que peu de réactions. Rendez-nous l'art prisonnier des connaisseurs et des conservateurs de tous poils. Tous les publics ont droit à être mis en présence matérielle des oeuvres d'art. Elles appartiennent à TOUS.

    Comme il existe des fêtes privées dans des hangars, des terrains vagues ou sur voies de chemin de fer désaffectées, faudra-t-il organiser des expositions clandestines?

     Résistance en 2021!

29/12/2020

La recherche sur Kobus s'augmente de deux pièces retrouvées...

       Kobus, ce nom, j'en ai déjà parlé à la fin février 2019, voici donc presque deux ans – qu'on veuille bien se reporter à cette note. J'y causais de deux bas-reliefs sur bois dont l'un est signé de ce nom, Kobus, probablement un pseudonyme, peut-être inspiré du nom d'un personnage du roman L'Ami Fritz d'Erckmann-Chatrian. A quelques mois de mes deux premières trouvailles, effectuées sur un trottoir des Puces de Vanves, j'acquis un autre bas-relief taillé sur un bois luisant comme les deux autres, exprimant le même goût pour la plaisanterie, quoique plus orienté vers le calembour visuel. Qu'on en juge ci-dessous:

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Inconnu, Les Stupéfactions d'Hippocrate, bas-relief sur bois (du noyer ?), 45 x 35 cm, sd, ph. et coll. Bruno Montpied.

 

      Sur ce panneau, le célèbre médecin grec, "patron" des milieux médicaux en tous genres comme on sait, reste perplexe devant un pantin à demi rangé dans un tiroir... Il tient à la main l'outil servant à faciliter la sortie des bébés lors des accouchements, les fameux forceps. Il apparaît évident que l'auteur du bas-relief, outrepasse la seule dimension possiblement caricaturale du gynécologue représenté sous les traits d'Hippocrate. Cela va plus loin puisque la scène nous signifie plaisamment sa surprise devant l'accouchement inédit qui lui échoit, réalisation de l'expression familière, "avoir un polichinelle dans le tiroir"... Il s'agit donc d'un calembour visuel, datant vraisemblablement du XIXe siècle, en tout cas bien antérieur aux peintures basées sur des calembours d'un Christian Zeimert (disparu en octobre dernier), dont les tableaux pouvaient s'intituler le Monument aux ivres-morts, Jésus et ses dix slips, Le fils du Père Barbelé, Le dernier cardeur, ou encore Mourons pour les petits oiseaux.

        Il n'est pas sûr que ce dernier panneau soit de la même main "kobusienne" que les deux évoqués dans ma note du 28 février 2019, car le grotesque en particulier ne s'y retrouve pas (de même, on n'a affaire qu'à un seul personnage, et plus à des groupes d'hommes). Mais la technique, le style, et la façon de titrer aussi, les apparentent aux deux autres. Je n'ai pas eu d'information supplémentaire comme d'habitude concernant la source de l'objet... Mais notre fidèle lecteur, M. Jean-Christophe Millet (voir commentaires ci-après), nous a signalé, suite à une première mise en ligne de cette note, un recueil de textes plaisants de Paul Reboux, de 1928, illustrés de neuf dessins de René Vincent, intitulé justement "Les Stupéfactions d'Hippocrate", où l'on retrouve en plus du même titre, parmi les dessins ce qui apparaît comme l'image qui a exactement inspiré le sculpteur du bas-relief:

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René Vincent,  dessin dans le recueil Les Stupéfactions d'Hippocrate de Paul Reboux, 1928. ;L'horloge en haut du meuble sur le dessin a été remplacée par un sablier dans le panneau sculpté, avec comme autre différence, la couronne de laurier sur l'arrière du crâne d'Hippocrate dans le dessin absente sur le panneau...

 

        Enfin, pas plus tard qu'hier, un ami corrézien m'a appris qu'il a à son tour acquis un autre bas-relief, cette fois de même style que mes deux panneaux avec groupes, et, de plus, encore signé "Kobus", avec des personnages nettement grotesques. Encore une caricature, très voisine par l'esprit et le style de mes deux bas-reliefs "Aux bains froids", et "Après l'enterrement d'un ami" :

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Kobus (signé en bas à droite), L'arrivée des recrues à la caserne, dimensions non communiquées, sd. ph. et coll. particulières.

 

      Etant donné l'uniforme du trouffion à gauche qui reçoit les recrues, et les costumes des apprentis bidasses, où les coiffures ont fait  l'objet d'une attention particulière de la part du sculpteur, comme si ces dernières étaient chargées de rappeler les professions d'origine des différents conscrits, je pencherais pour une datation aux alentours des années 1880, voire plus tard?... Ce panneau, de plus, confirme que le nom Kobus est bien une signature d'artiste.

        L'enquête, devant cette œuvre qui  s'agrandit, doit continuer, à l'évidence... !

25/12/2020

Des sapins à Noël

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Dessin de Zaitchick dans Le Parisien du 7 novembre 2020.

14/12/2020

La poésie aujourd'hui (2): les poèmes de mots collés de Vanessa Ancelot

         Il y a quelques années, alors que je travaillais encore en Bibliothèque Centre de Documentation (BCD) d'une école primaire du Bas Belleville, je proposais de temps à autre aux enfants dans mes ateliers d'écriture organisés le soir pour des CE1 (des 7-8 ans) d'écrire des phrases en piochant dans des boîtes de mots  découpés au préalable par d'autres enfants, notamment des CP, pendant le service d'interclasse du milieu de journée. L'essentiel étant de réaliser des phrases "qui tiendraient debout", qui seraient syntaxiquement valables. J'étais un animateur et non pas un enseignant, et je proposais cela comme une expérimentation ludique. Le collage des mots avec leurs couleurs, leurs typographies variées, souvent attractives, plaisait aux enfants qui fréquentaient l'atelier et la BCD (ils avaient choisi cet atelier-lecture (et écriture) avec leurs parents et étaient a priori motivés).

La nouvelle vie, Fatima (2).jpg

Collage de Fatima (toute une philosophie du comportement à avoir vis-à-vis de son enfance parmi les autres condisciples quand on est une très jeune fille), vers 1996, archives Bruno Montpied.

Le corbeau ne va pas à l'école; Tseman Magassa.jpg

Collage de Tseman M., (qui soupirait peut-être de ne pouvoir faire comme le corbeau, au plumage noir comme la couleur de sa peau ; d'origine africaine, Tseman, par ce texte, retrouvait (ou répercutait?) le ton des proverbes africains par ailleurs), archives B.M.

Comment vivre avec.jpg

Collage de Arnaud (grave question...), archives B.M.

Tu es comme ça, mystère, Christine Wang.jpg

Collage de Christine W., (un coup de dés n'abolit jamais le hasard?), archives B.M.

Choisis la vie facile, Léa Morel 1, 96.jpg

Collage de Léa M. (qui dans ses collages aimait les phrases lapidaires mais  au sens - comme le lait - condensé), archives B.M.

 

       Les résultats étaient curieux. Le hasard nous donnait des sortes de poèmes impromptus. On s'accordait eux et moi sur le fait que la phrase devait avoir quelque sens. Je n'étais jamais été sûr qu'ils en perçoivent toutes les dimensions. Pour m'en assurer davantage, je leur demandais d'illustrer ensuite la phrase obtenue.

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Poème de mots collés de Louis Aragon, extrait d'un cahier de collages de 1924, (exposé actuellement à "L'Invention du surréalisme", jusqu'au 7 février 2021, à la Bibliothèque Nationale de France, site Mitterrand).

 

     Il y avait des télescopages de mots qui donnaient des éclairs poétiques surprenants, déroutants. Sans bien le savoir, sans m'en souvenir précisément, on mettait nos pas dans ceux des dadaïstes qui avaient joué au début du XXe siècle de même que nous avec des mots découpés et collés, selon la technique que l'on appelle aussi, dans les manuels d'ateliers d'écriture, des lettres anonymes.

           On peut convoquer aussi le souvenir dans les années 1950-1960 des collages de mots de Guy-Ernest Debord dans ses livres, illustrés de "structures portantes" d'Asger Jorn, Mémoires ou Fin de Copenhague.

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Mots collés dans un carnet par Vanessa Ancelot, 2020. Photo et collection de l'artiste.

 

           Mais tout cela m'est revenu ces temps-ci grâce à d'excellents collages réalisés récemment par une jeune femme de nos amis, Vanessa Ancelot, qui excelle dans cet art, je dois dire, obtenant des poèmes très drôles, percutants, qui renouvellent avec bonheur la poésie contemporaine, faite de ronron et de vers obscurs très souvent enquiquinant. Jugez plutôt d'après les exemples ci-dessus et ci-dessous. Chaque poème, pour se distinguer des voisins, est entouré d'un trait de crayon.

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Vanessa Ancelot, ph. et coll. de l'artiste.

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Vanessa Ancelot, ph. et coll. de l'artiste.

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Vanessa Ancelot, ph. et coll. de l'artiste.

 

       Et cet avant-dernier pour la route, imprégné d'un bel humour noir, ce dernier prenant souvent le relais de la tendre moquerie, du goût de l'absurde aussi parfois, ou de la poésie directe à coloration narquoise.... :

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Vanessa Ancelot, ph. (détail) et coll. de l'artiste.

 

        Enfin, un dernier collage sur les structures portantes cette fois de l'ami Darnish, bien connu sur ce blog, par ses commentaires fréquents.

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Mots collés, Vanessa Ancelot, peinture, Darnish, ph.et coll. des artistes, 2020.

 

      Dernier?... Pas tout à fait cependant. J'oubliais de joindre aux collages ci-dessus cette affiche photographiée avenue Trudaine dans le IXe arrondissement ces jours-ci, alors que je méditais cette note:

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Adresse à l'attention de "Monsieur le Coronavirus" qu'on prie de s'en aller et de nous rendre toute liberté... Mais ce texte, s'il est réalisé par la technique des mots collés, n'est pas fait du tout au hasard, il est laborieusement volontaire ; ph. B.M. 2020

01/12/2020

L'Atlas des Régions Naturelles, une entreprise cousine de ce blog

      Signalé par ma jeune camarade Tamaya Sapey-Triomphe, que je remercie hautement au passage, l'Atlas en question a entrepris de recenser par le truchement de classifications et surtout de photographies toutes sortes de réalisations volontaires ou involontaires dans l'espace en France,  relevant peu ou prou de ce que l'on appelle l'architecture vernaculaire. Le territoire  est envisagé dans le cadre de ses régions dites naturelles, et non pas dans son découpage administratif de départements et régions artificielles. Un index de ces régions est donné sur la page d'accueil du site web. La mise en ligne de ce dernier est très récente (le 5 novembre 2020), tandis que le recensement lui-même, ayant produit jusqu'à présent plus de 12 000 clichés, a été commencé en 2017.

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Le découpage de la France en régions naturelles selon l'ARN.

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A Nassigny, ph. ARN.

 

      Les auteurs, Eric Tabuchi et Nelly Monnier, paraissent bien sympathiques, si l'on s'en rapporte à leur portrait, lorsqu'ils sont assis à l'arrière de leur voiture d'explorateurs...

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Nelly Monnier et Eric Tabuchi, les auteurs de l'Atlas des Régions Naturelles, ph ARN.

 

      "Au moment d’entreprendre ce travail, cela faisait déjà un moment que nous nous demandions comment documenter l’architecture vernaculaire française et, plus largement, comment représenter un territoire dans toutes ses nuances." (E. Tabuchi et N. Monnier) 

        Cet ARN, cliquez pour la page d'accueil ICI, on s'y balade par plusieurs entrées. Personnellement, j'ai d'abord essayé la section "art brut" (on ne se change pas...), peu fournie (pour le moment... ;  à signaler que l'art brut de cet ARN se limite aux environnements spontanés). Puis je me suis dirigé vers "petit patrimoine", "initiative personnelle". "maisons modestes", "fresque figurative", "tas et reliquats", et encore "enseigne-objet", "cinémas" (désaffectés ou non), ou "graffiti" (hélas, seulement perçus sous la forme des graffiti pulvérisés et non pas incisés, plus anciens, et historiques).

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Portail original à Ruan sur Egvonne (Perche vendômois), photo ARN (à noter que les photos que j'extrais ici par capture d'écran, justifiée par les besoins de la communication autour de ce site web, ne peuvent être que d'une médiocre résolution, le site ne permettant pas l'enregistrement). Ce décor m'est inconnu et n'a donc pas été recensé par moi dans le Gazouillis des éléphants.

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Construction insolite à Vic-le-Comte, Limagne, ph. ARN ; idem, site inconnu de moi jusqu'à présent...

 

     Bien entendu l'écrasante majorité des entrées est dominée par des polarisations architecturales (toujours à la surface des sols, on ne va pas dans les souterrains), mais enfin, l'éventail de la curiosité de ces deux chercheurs qui ne dédaignent pas de présenter leur entreprise comme une "aventure artistique" (j'ai pensé au couple d'Allemands, Bernd et Hilla Becher, qui ont fait une oeuvre de photographe en dressant une typologie d'architectures industrielles, et des châteaux d'eau notamment ; il est probable que ce soit une référence pour nos deux explorateurs de l'Atlas) est très vaste et très hétéroclite.  Si pour le moment ils ne sont pas allés apparemment vers les cimetières, rare manque pour le moment,  – on pourrait pourtant y rencontrer beaucoup d'édicules, tombeaux et autres ornementations diverses parfois fort insolites – à se promener dans leur site, on se convainc rapidement de l'étonnante variété des monuments de tous ordres que l'on peut rencontrer en France.

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Monument aux morts insolite, La Ville en Tardenois, ph. ARN.

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Sculptures en fers à cheval, à Gondrecourt le Château, ph ARN.

 

      Sur ce blog, cela fait un certain temps que je m'efforce de le faire percevoir à ma manière, dans une perspective moins architecturale, et plus dans l'esprit de ce que j'appelle "la poétique de l'immédiat". Sans parler des environnements populaires spontanés, à la Cheval ou à la Picassiette, cela fait longtemps que je reste étonné devant les créations d'artisans rocailleurs, les tours Eiffel en toutes matières (c'est une des catégories que l'on rencontre sur l'ARN, avec plusieurs exemples que je ne connaissais pas, voir la note que je leur ai consacrée récemment), les architectures ou les monuments incongrus dont on a perdu la fonction, les monuments aux morts atypiques, les boîtes aux lettres insolites, les enseignes hors normes, les arbres morts sculptés, les vieux cinémas de province ancienne mode (avant l'époque des multiplex), etc.

      Allez, on se précipite tous sur l'ARN... Bon voyage !

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Eolienne (de Girard ou de Bolée), à Bouge, près de Laval, ph. Bruno Montpied, 2020.

 

22/11/2020

La poésie aujourd'hui (1)

Cadavres exquis

 Darnish, Laurent Mahuas, Bruno Montpied

(séance de la nuit du 1er janvier 2016, vers 3h du matin)

 

1.

Et il s’est perdu.

 Oui, dans la boîte où étaient rangés les os de son père.

Pourtant, il était un modèle

Qui montrait de bien belles jambes.

J’aime les belles fesses, surtout les grosses.

C’est ce que tout le monde demande à Quentin.

 

2.

La barrière était trop mouillée pour un drapeau.

Elles levaient la main pour demander à ma femme de chanter à tue-tête.

Cela causait du tapage dans le garage de tous les jours,

Ton four rempli de grains de raisin qui fondent sur

Une grande maison pleine de singes qui grimpent aux rideaux en criant :

Je n’en peux plus !

 

3.

La couleur verte m’a longtemps ennuyé.

Elle est très belle, trop belle même

Mais je me sens un Superman.

A Concarneau, je pêchais le plus beau poisson du monde.

Certes !

Et on s’en ira vers le bord de mer des algues qui ressemblent aux cheveux, bien sûr !

Car je suis un cochon.

 

4.

(Laurent Mahuas, Bruno Montpied)

 

L’ourlet déchiqueté de sa jupe,

Je n’en ai rien à foutre.

Là, au fond de la trompe de l’éléphant,

Une petite chapelle inconnue

Baisse les yeux

Avec le temps.

16/11/2020

Benjamin Deguenon

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Carton verso expo Dettinger 2020.jpg

Carton recto-verso de l'exposition à la galerie Dettinger-Mayer qui aurait dû se tenir en novembre 2020, en plein reconfinement... Et qui n'aura été vue que de rares privilégiés (pas de prolongement de prévu, car d'autres artistes attendent derrière).

 

     Ce n'est pas les fermetures de galeries pour cause de confinement qui m'empêcheront de présenter les  découvertes des uns et des autres galeristes bien inspirés, comme Alain Dettinger à Lyon dont je soutiens régulièrement l'action, les recherches, les propositions d'artistes qu'il ne cesse de recueillir ici et là, avec sa curiosité tous terrains. En l'occurrence, il présente actuellement un très intéressant artiste béninois qu'il a rencontré à Cotonou, Benjamin Deguenon, que l'on pourrait ranger tout à fait dans un art brut contemporain

 

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Benjamin Deguenon, dessin au stylo Bic sur papier, série "Irréalités", 2020. Image reprise d'Instagram.

 

           Ce dernier semble avoir commencé en 1996 si l'on suit le site web de l'Agence Dekart (béninoise sans doute) où ces propos sont attribués à l'artiste : "Je pourrais dire que j'ai commencé en 1996 sans m'en rendre compte que c'est de l'art que je faisais."

 

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Benjamin Deguenon, dessin au stylo Bic sur papier, série "Irréalités", 25 x 32,5 cm, 2019. Image reprise d'Instagram.

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Benjamin Deguenon, Dispute, dessin au stylo Bic sur papier, série "Irréalités", 2017. Image reprise d'Instagram.

 

     Le CV que l'on trouve également sur internet (sur un blog à son nom, probablement animé par une connaissance de l'artiste, mais qui ne paraît plus avoir été continué depuis 2013) fait remonter sa première exposition à 2000 à Abomey dans une "Maison des arts contemporains" de la ville. Il n'y a pas d'écoles d'art au Bénin, si bien que, si l'on y pratique l'art, ce ne peut être qu'en autodidacte. Dans un méli-mélo des créateurs bruts avec les artistes contemporains locaux. Deguenon paraît avoir travaillé parmi des artistes plus ou moins complices avec la vedette artistique locale, Dominique Zinkpé (dont les œuvres, personnellement, ne m'impressionnent guère). Un nom d'artiste dont les lecteurs de ce blog se rappelleront peut-être, car je l'ai déjà évoqué relativement à un autre créateur appelé Monlemé Gladys, également béninois. Je disais dans la note que je lui avais consacrée en 2015 qu'il créait "quelque peu dans l'orbite d'un autre artiste de là-bas, déjà pas mal "lancé", le dénommé Dominique Zinkpé, créateur d'un centre culturel, qui lui-même a parmi ses influences admises le peintre d'origine haïtienne Jean-Michel Basquiat." Je soulignais dans la même note le côté déstructuré des compositions de ce dernier artiste.

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Benjamin Deguenon, dessin au stylo Bic sur papier, série "Irréalités", 25 x 32,5 cm, 2019.Image reprise d'Instagram.

 

           Or, cette "déstructuration" on la retrouve quelque peu chez Benjamin Deguenon, où toutes sortes d'objets, de formes, de fragments, notamment de morceaux de corps, parfois saignant, suintant, tranchés, amputés, flottent dans le vide de la feuille. L'artiste tente de rassembler ces éléments en les structurant comme il peut. D'où les troncs sans feuillage, parfois semblables à des potences, les fils à la patte ou aux poignets reliant les corps les uns aux autres, les queues traînantes servant de délimitation de sol, les serpents ou les bras démesurément allongés comme autant de traits cherchant à stabiliser les compositions...

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Benjamin Deguenon, dessin de 2019. Image reprise d'Instagram. Que représente-t-elle? Une artiste en train de façonner deux statuettes d'homme et femme, tandis que traînent à ses pieds toutes sortes d'objets comme autant de déchets au-dessus desquels l'art se dresse...?

 

                    Benjamin Deguenon paraît bien empêtré dans son environnement de "vieilles tôles, débris d’émaux colorés, fils en cuivre, ramassés dans la « jungle urbaine » puis percés, cousus, poncés, vernis et assemblés pour recréer l’espace de la toile." (Fabiola Badoï, sur un site web parlant de l'artiste). Il s'est essayé de manière peut-être un peu trop éclectique, dans une précipitation brouillonne, à diverses formes d'art, le dessin (la série "Irréalités") ne paraissant être apparu que récemment. Il a fait des assemblages à base de matériaux glanés recyclés. Il a fait des décors pour des pièces de théâtre. Il a pratiqué la peinture, l'aquarelle, les encres, le pastel, sans que ce que j'ai vu sur le Net puisse me convaincre que ce soit là le médium le plus idoine à ce qu'il veut exprimer.

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Benjamin Deguenon, assemblage peint, 2017. Image reprise d'Instagram.

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Benjamin Deguenon, aquarelle, 2019. Image reprise d'Instagram ; on voit dans cet exemple que c'est surtout le dessin qui donne de la force à l'image, les couleurs étant presque superflues.

 

             C'est qu'au Bénin, comme dans d'autres pays d'Afrique de l'Ouest, l'art surgit au carrefour de diverses influences. Des autodidactes purement inspirés doivent probablement composer avec le voisinage d'artistes locaux cherchant à se mesurer aux artistes occidentaux dont les réussites économiques doivent évidemment en fasciner plus d'un. Cela doit être difficile de maintenir sa ligne d'inspiration dans un tel environnement, pressé par les sirènes d'un succès possible dans le domaine de l'art (même genre de sollicitation que dans le domaine du sport, voir ce joli film intitulé Le Ballon d'or). La réputation de "l'art brut", qui pénètre progressivement en Afrique (voir le cas de Pape Diop que j'avais évoqué sur ce blog au début de l'année) vient en outre se surajouter à cette pression – un autre cas de créateur béninois est apparu dans ce corpus avec Ezéchiel Messou, réparateur de machines à coudre, obsédé par elles et les dessinant de façon obsessionnelle  au point de les sublimer en des compositions devenues étranges, voir ci-dessous).

 

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Ezéchiel Messou, sas titre (machine à coudre "Lucind"), stylo Bic sur papier, 29,7 x 21 cm, vers 2019; ph. et coll. Bruno Montpied.

 

              Benjamin Deguenon, en dépit de tous ces vents divers, semble avoir dégagé malgré tout sa voie au milieu des sirènes de l'arrivisme, grâce notamment à ses dessins de la série qu'il a intitulée "Irréalités" (qui auraient pu tout aussi valablement se nommer "surréalités", d'ailleurs). C'est le mérite d'Alain Dettinger de l'avoir remarqué en le présentant dans sa galerie de la place Gailleton, en lui offrant sa première exposition personnelle¹ en France.

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¹ Benjamin Deguenon a certes fait des expositions d'échange, en 2012, en collaboration avec l'Association des Artistes de Belleville, à Paris et à Cotonou, mais il semble que ce soit avant tout dans le cadre d'expos collectives.

08/11/2020

L'art abandonné, l'art des trottoirs, à réanimer : une autre exposition

     Il n'y a pas que les galeries, il n'y a pas que les musées pour montrer l'art actuel ou d'hier. A se promener le long des rues, ou sur les trottoirs des Puces et autres brocantes, on s'en convainc aisément pour peu que ses yeux soient convenablement ouverts et dessillés. Certains tableaux, certaines sculptures ou assemblages s'y trouvent rejetés comme les épaves sur les grèves, attendant qu'un regard compatissant ou intrigué vienne les ranimer.

 

Youssef (Aït) Tazarin, ss titre, 35x44,5cm, 1993 (2).jpg

Youssef Ait Tarazin, sans titre, peinture industrielle sur panneau d'Isorel, 35 x 44,5 cm, 1993. Ph. et coll. Bruno Montpied ; Tableau trouvé aux Puces de Vanves ; l'artiste doit être toujours actif du côté d'Essaouira où il fut autrefois présenté, alors qu'il n'avait que 19 ans, à la galerie Frédéric Damgaard. 

 

    C'est un jeu qui me mobilise régulièrement depuis quelques années maintenant. Dans certains cas, après les avoir acquis, la plupart du temps à moindres frais, j'essaye de partager mes découvertes, tentant d'y intéresser un public un peu plus large... J'ai eu l'occasion par exemple de parler plusieurs fois des bouteilles décorées des époux Beynet, encore récemment dans la revue Trakt n°11 (juillet 2020), après en avoir parlé naguère dans la revue L'Or aux 13 îles (n°3, 2014).5-bouteilles,-couples,-malf.jpg Leur découverte avait commencé par une bouteille en forme de ballon de rugby repérée sur un stand de vide-grenier banal en dessous de Besse-en-Chandesse (Puy-de-Dôme). Auparavant, dans la revue Création franche (n°29, avril 2008) et puis encore dans 303, Arts recherches, créations (n°119, janvier 2012) et sur ce blog aussi bien sûr, j'avais également eu l'occasion d'évoquer les peintures intimes de l'ancien instituteur sarthois Armand Goupil, dont la production, restée longtemps au secret d'un cabinet oublié, avait été mise à l'encan dans un déballage marchand du côté du Mans.Corps-nu,-cornue,-8-V-62.jpg J'ai toujours en tête de lui consacrer une petite monographie si je trouve un éditeur suffisamment passionné pour ce faire...

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Couverture de la revue Trakt n°11.

 

     Je parlerai prochainement, toujours dans la revue Trakt (dans leur n°12 à paraître), si les petits cochons ne la mangent pas, des sept toiles sans châssis que j'ai trouvées en brocante le 15 août dernier alors que c'était le jour le plus creux de l'année à Paris, dues à une peintre argentine, Dominique Dalozo, et peut-être aussi à sa compagne, Yvonne Bilis-Régnier, qui après avoir participé à au moins deux expositions – en elles-mêmes déjà assez confidentielles –, dans les années 1960 et 1970, paraissent avoir renfermé leur art dans un cercle intime où elles développèrent une peinture d'allure symboliste aux limites de l'art naïf, complètement hors du temps, déconnectée des modes et des tendances de notre époque, et qu'elles ne montrèrent apparemment jamais, hormis, brièvement, à l'autrice d'un livre sur les mouvements féministes en art à la fin des années 1990.

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Toile signée au verso Dalozo, huile, 80 x 65cm, sd ; ph et coll. B.M ; on aperçoit en bas à droite une femme assise en train de jouer d'une flûte, ce qui semble avoir pour effet de convoquer le cortège de fantômes aux bures vermiculaires par delà la mer autour d'un immense rocher...

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R. Raha (ou Rosy Russo?), sans titre, crayon sur papier, 29,7 x 21 cm, sd. ; ph. et coll. B.M.

 

     Cependant, ce peut être aussi en galerie que l'on peut trouver des œuvres orphelines de l'identité de leur géniteur ou leur génitrice. J'ai opté récemment pour un dessin signé en bas à droite "R.Raha". Le galeriste (Polysémie), François Vertadier, ne sait pas grand-chose de cet auteur ou cette autrice. Simplement, il délivrait cette information qu'il avait acquis ce dessin parmi une demi douzaine d'autres auprès de la collection de feu Henri Sotta qui lui-même les avait trouvés chez une artiste marseillaise, elle-même aujourd'hui décédée, nommée Rosy Russo (née à Tunis). Pourquoi avoir deux noms d'artiste, si c'est la même dessinatrice?

     J'ai de mon côté  eu l'occasion de tomber récemment sur internet sur une autre artiste dont le nom pourrait coller avec la signature "R. Raha": une certaine Raha Raissnia, iranienne, née en 1968, vivant aujourd'hui à Brooklin dont un commissaire d'exposition (Brett Littman), dans un salon en 2019 voué au dessin sous toutes ses formes (genre D Drawing), décrivait ainsi l'œuvre : "Les dessins de Raha Raissnia se basent sur des images provenant de ses archives personnelles de photographies et de films qu’elle a soit faits elle-même ou trouvés. Intuitivement, plutôt que d’en faire des copies directes, Raissnia rend ces images abstraites en s’appliquant à les photographier et à les dessiner de nombreuses fois jusqu’à ce qu’elles deviennent méconnaissables et que leur signification première en devienne incertaine." Or, les dessins de cette R. Raha exécutés sur des feuilles très fines, avec un crayon ayant profondément métamorphosé, semble-t-il, une image préalable par un besoin d'en extraire une nouvelle image (de la même manière que cette Raissnia), plus visionnaire à vrai dire qu'"abstraite", semblent correspondre à l'évocation de Brett Littman... Simplement, si les dessins de la galerie Polysémie proviennent de cette artiste iranienne, comment sont-ils arrivés chez cette Rosy Russo? Le mystère reste donc entier.

     C'est souvent ce qui arrive, à musarder ainsi du côté des laissés pour compte, des partis sans laisser d'adresse évidente... Pas toujours, cela dit encore, comme dans le cas ci-dessous, une peinture sur papier journal qui m'a, ma foi, aussi tapé dans l'œil encore aux Puces de Vanves.

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Alain Péanne, pigments non identifiés sur fragments déchirés de papier journal, 29,7 x 21 cm, sd ; ph. et coll. B.M.

 

     Cette fois, cet Alain Péanne paraît associable à un artiste actif du côté de Chartres, pratiquant plutôt l'estampe, et ayant fréquenté Chomo et Jean-Luc Parant.

         Même chose, voici un autre cas d'artiste contemporain, Pascal Vochelet, dont une œuvre se présenta un jour devant mes yeux encore aux Puces où elle avait atterri sans explication, m'intriguant. Là aussi, on a affaire à un artiste actuel s'entêtant à faire dans les arts plastiques, ou plutôt en l'occurrence, graphiques, non encore contaminé par les arts conceptuels. C'est gentillet, mais curieux, un peu étrange. Cet homme à tête de zèbre (sûrement un drôle de) me faisait de l'œil lui aussi et je l'ai emporté chez moi.

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Pascal Vochelet, sans titre, 32 x 25 cm, vers 2018 ; ph. et coll. B.M.

 

     Mais le clou de mes découvertes, en terme de laissés pour compte, c'est le tableau ci-dessous, trouvé paraît-il dans la rue, par celui qui me l'a généreusement échangé contre un de mes dessins, M. Callu-Mérite. Une peinture véritablement visionnaire, une ville dans une plaine, confectionnée avec de la matière en léger relief grenu, qui n'est pas sans faire songer à ces autres tableaux visionnaires de l'autodidacte brut Marcel Storr, en raison de ses dominantes rousses, une teinte onirique.

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Thierry Sainsaulieu, sans titre,  huile sur toile, 32 x 62 cm, sd (fin XXe siècle?); ph et coll.B.M.

26/10/2020

Du nouveau pour la mémoire de Martine Doytier

     M. Alain Amiel m'a écrit – suite aux notes que j'avais consacrées à cette artiste – pour me signaler la constitution d'une Association des Amies et Amis de Martine Doytier, forte à l'heure où je trace ces lignes de cent adhérents (pour en faire partie, cliquer ici). Cela fait beaucoup d'amis... Cela s'accompagne de la création d'un site web  entièrement consacré à elle: http://martinedoytier.com/.

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Martine Doytier "enchaînée" sous les essuie-glaces d'une camionnette, de Ben apparemment (je dis "apparemment" car la photo – extraite du site des Amis de M.D. – n'a pas de légende, me semble-t-il).

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Martine Doytier avec son chien "qui n'aimait qu'elle", photo extraite du site web des Amis de M.D ; elle paraissait bien défendue...

 

      Sur ce site, on trouve un lien vers Instagram avec des photos d'œuvres retrouvées ainsi que des portraits de Martine Doytier, cette artiste qui fut classable un temps dans l'art naïf (elle fréquenta Frédéric Altmann et Anatole Jakovsky) et aussi dans une forme d'art visionnaire (assez tourmenté). Les photos représentent, me semble-t-il, souvent des détails de peintures (pour avoir le titre, les dimensions de la totalité du tableau il faut cliquer sur l'icône montrant un schéma de maison en haut de l'écran, je dis ça pour les Nuls dans mon genre que l'on a oublié d'initier aux arcanes d'Instagram). Est frappante cette grande peinture sur triptyque, que l'artiste laissa inachevée après son suicide en 1984, une sorte de portrait grouillant, visionnaire, des différents protagonistes de la vie artistique niçoise que côtoya Martine Doytier (voir ci-dessous).

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Triptyque de Martine Doytier (inachevé), Autour de Nice, avec son autoportrait en peintre vers la droite.

 

          Dans la première Newsletter de l'Association, je retiens la déclaration suivante au sujet des peintures non encore répertoriées de Martine Doytier : "Nous avons lancé une opération de recherche pour tenter de retrouver certaines des œuvres qui ne sont pas localisées ou qui nous sont encore inconnues ! Peu à peu, nous avançons, mais il y a encore beaucoup à faire ! A ce jour, environ une soixantaine d’œuvres est identifiée dont moins de la moitié est localisée. Cela veut dire que nous en connaissons les propriétaires et que nous sommes donc en mesure de documenter les œuvres, voire d'en demander le prêt lorsque nous organiserons une exposition." Le but de ces recherches et de la fondation de l'association est bien de construire le catalogue raisonné de l'œuvre de cette peintre restée si longtemps dans l'ombre de l'Ecole de Nice. C'est ce à quoi s'est attelé Alain Amiel, en même temps qu'à une biographie actuellement en chantier, quoique bien avancée.

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Martine Doytier, peinture au titre non identifié, 2F, huile sur Isorel, 1952, collection Jean Ferrero (que je remercie de me l'avoir montrée), ph. Bruno Montpied.

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Verso de la peinture précédente, coll. Jean Ferrero, ph. B.M.

 

     "Un appel est donc lancé à tous ceux qui détiendraient des documents ou des informations permettant de retrouver les œuvres de cette artiste." (Site web de l'association). Pour transmettre d'éventuelles infos inédites sur cette artiste, il faut écrire à : <catalogue.martinedoytier@gmail.com>. Un numéro de téléphone est aussi disponible pour ceux qui préfèrent causer de vive voix: +33 6 08 91 56 24.

      Qu'on se le dise.

15/10/2020

Figures, une expo d'art brut par Escale Nomad à la Galerie Rue Antoine

      Il n'y a plus beaucoup de temps avant la fin de cette exposition aussi secrète que captivante, montée par Escale Nomad, la galerie de Philippe Saada qui fait le coucou dans le nid des autres (traduire: qui loue temporairement des galeries), dans une petite galerie de la rue Antoine (dont elle a pris donc le nom) dans le XVIIIe arrondissement parisien, juste à côté de Pigalle.

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John Henry Toney, ss titre (femme de fantaisie), vers alt (2).jpg

John Henry Toney (1928-2019), sans titre (une femme de fantaisie),  peinture (marqueurs à peinture, acrylique ?) sur panneau de bois, sd (années 2000-2010 ?), coll. privée, Paris, et ph. B.M.

 

     Auparavant, Escale Nomad investissait, pour une durée plus courte, une galerie du Marais, rue Elzévir, où la galerie montrait souvent des bruts marocains, mais pas seulement : de l'art indien aussi, et puis, de plus en plus avec le temps, suite à sa participation répétée à l'Outsider Art Fair sans doute, des bruts venus de divers autres pays, la Belgique (Pascal Leyder, ou Joseph Lambert, que j'apprécie fort modérément ; vous vous ferez votre propre opinion dans l'expo rue Antoine), les USA (John Henry Toney, que j'aime beaucoup (voir ci-dessus), ou Inez Nathaniel Walker, visible pour deux dessins de cette dernière rue Antoine), l'Inde toujours (il y a un Kashinath Chawan caché dans l'expo Figures), l'Italie (Giovanni Bosco, présent aussi rue Antoine), le Brésil (Marilena Pelosi, devenue plus française que brésilienne avec le temps, elle aussi dans "Figures"), l'Afrique noire (Ezéchiel Messou et son obsession des machines à coudre de plus en plus délirantes ; il y en a quelques-unes dans l'expo). Bien sûr, le Maroc, la seconde patrie de Philippe Saada, est toujours à l'honneur, notamment avec Mohamed Babahoum, dont notre galeriste a grandement contribué – via les anciennes OAF ("anciennes", parce que, cette année maudite, elle ne se tiendra que de façon virtuelle, ce qui est à mes yeux une calamité, car rien ne remplace le contact physique avec les œuvres) – à diffuser l'existence auprès des grands collectionneurs et au niveau international (personnellement, je n'avais pas attendu cette reconnaissance pour accueillir son art). Un mur de la galerie Rue Antoine présente plusieurs de ses peintures, de même qu'il y en a plusieurs autres dans des cartons.

Ezéchiel Messou, ss titre (machine à coudre, Lucind), stylo bic sur pap, 29,7x21cm, vers 2019 (2).jpg

Ezéchiel Messou, sans titre (une machine à coudre "sublimée"), stylo, tampon sur papier, 29,7 x 21 cm, vers 2019 ; coll. privée, Paris, ph. Bruno Montpied.

 

      Philippe Saada est un marchand selon mon cœur, un frère d'un Alain Dettinger qui tient galerie place Gailleton à Lyon, c'est-à-dire un passionné qui est autant amateur au sens fort que galeriste, un amateur qui sait partager cependant, en tentant de faire connaître ses découvertes, pas nécessairement connues, ce qui lui fait prendre bien sûr d'énormes risques. Il fait partie de la race des défricheurs, et non des suceurs de roue, cette engeance qui pullule, hélas...

      Une de ses dernières découvertes, c'est cette femme, sorte de SDF, la tête pas très solide, qu'il a croisée à Essaouira, agressive, qui dessine et peint, semble-t-il avec les moyens du bord, répondant au seul prénom de Khadidja. Voir ci-dessous.

Khadidja, ss titre, 32x24cm, gouache sur papier, 2018 (2).jpg

Khadidja, sans titre, 32 x 24 cm, gouache (?) sur papier, 2018 ; ph. et coll. B.M.

     Il vous reste dix jours pour aller visiter cette expo. Rien à voir avec une exposition virtuelle, même organisée par une galerie américaine...

14/10/2020

La photo surréaliste en 2020

 

Photo sur l'invitation à la photo surréaliste en 2020.JPG

Photo de Pierre-André Sauvageot (René Magritte, sors de ce corps!).

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     Guy Girard, membre du Groupe surréaliste de Paris (groupe contemporain), remet ça à la Galerie associative Amarrage rue des Rosiers à Saint-Ouen. Après "le Collage surréaliste en 2018", "le Dessin surréaliste en 2019", voici donc "la Photo surréaliste en 2020". Si les participants du côté français semblent devoir pour le moment se porter timidement vers Ouen-Ouen (terrifiés par la Covid?), les exposants internationaux paraissent avoir davantage répondu présents. Personnellement, je prêterai trois photos (voir l'une d'entre elles ci-dessous).

      Il est intéressant de voir comment chaque participant s'investit dans l'idée d'une photo surréaliste actuelle. Non? A noter que certains exposants n'appartiennent pas formellement à un groupe surréaliste (José Guirao par exemple, ou mézigue), cela ne les empêche pas de pratiquer une photo qu'ils pensent correspondre, en partie ou totalement, à la notion surréaliste. La pratique de fixation des paréidolies diverses que l'on rencontre dans la vie quotidienne – et que ce blog recense régulièrement (cela dit, internet en est rempli) – en participe par exemple, je trouve.

     Réponse à ces questions à partir du 16 octobre à partir de 18h30, jusqu'au 15 novembre. Attention! La galerie n'est ouverte que les après-midi de week-end, au même moment en fait que les Puces de St-Ouen dans le voisinage desquelles elle se trouve. 

 

1. Naissance du visage de la rose, 2017 (2).jpg

Bruno Montpied, Naissance du visage de la rose, 30 x 30 cm (tirage papier), 2017 ; exposé à la galerie Amarrage; cette photo fut prise dans le jardin d'une maison à... Rauzan (Gironde), village où les roses ont des visages, donc.

09/10/2020

Dictionnaire du Poignard Subtil

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Saindoux:

     "Je me souviens de Madame Ponteiller, fort aimable charcutière de la rue Kléber¹ chez qui mon père se fournissait en tranches de pâté de foie et de galantine dont il était friand. La boutique, riche en produits de toutes sortes pour moi souvent inconnus, me fascinait mais j'admirais surtout, au moment des fêtes de fin d'année, les sculptures en saindoux exposées dans la vitrine. L'artiste anonyme qui les réalisait avait du talent et excellait dans l'édification de mini-châteaux forts auxquels ne manquaient ni les mâchicoulis ni les barbacanes."

     (Michel Laclos, Troyes et moi, éditions Cahiers Bleus/Librairie bleue, Troyes, 1999)

_____

¹ A Troyes. L'auteur, dans ce livre, reprend la tradition initiée par Georges Pérec, avec son Je me souviens, phrase magique qui fait aussitôt lever les fantômes de nos mémoires.

01/10/2020

De la sculpture automatique, un masque du facteur Georges Maillard

     Georges Maillard et ses Rocamberlus, j'en parle ailleurs que sur ce blog, en fait dans le numéro 163 d'Artension, actuellement dans les kiosques, puisque couvrant la période de septembre-octobre. Cet ancien facteur, au départ dans sa jeunesse ouvrier agricole et bûcheron, s'est mis, après avoir pratiqué la photographie en autodidacte, via un club photo organisé à l'intérieur de la Poste (il a une prédilection pour la photo réaliste populiste, assez proche de la photographie dite "humaniste"), dans  les années 1980, à assembler des pierres aux formes suggestives qu'il avait accumulées depuis des années, à toutes fins utiles. Il allait aux expositions de l'Atelier Jacob entre 1972 et 1982, et il connaissait un peu les sculptures de silex assemblés de Marcel Landreau qui les dressait à Mantes-la-Ville. Cela – il le reconnaît humblement, sans rien dissimuler, car le bonhomme reste modeste – a pu le guider vers ses personnages particulièrement grotesques, tour à tour tourmentés ou cocasses.

Le théâtre de la 1ère terrasse (de 3 quart) (2).jpg

Georges Maillard, le théâtre des statuettes sur la 1ère terrasse, photo Bruno Montpied, juin 2020.

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Georges Maillard, figure fantastique en ciment-colle sur la 2e terrasse ; ph. B.M., juin 2020.

 

     Mais ici, dans cette note, je ne veux évoquer qu'un petit à côté de sa production. Il ne se contentait pas d'ériger des assemblages de pierres toutes en circonvolutions, il les confrontait à des façonnages en ciment-colle qu'il a mêlés aux pierres sur les terrasses de son terrain pentu (voir la figure fantastique ci-dessus). Cela a donné de grandes figures comme l'ensemble dit des "Chimériques" dont j'ai publié une photo dans Artension. Parfois, il mariait les figures en ciment aux pierres au sein d'une statue, ne dédaignant pas des incrustations d'accessoires, pour souligner les contours des yeux par exemple. Ou bien il se servait du ciment pour réaliser des socles.

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Georges Maillard, Rocamberlu installé sur la 1ere terrasse, au-dessus de son garage, associant pierres, ciment, et accessoires incrustés ; ph. B.M., juin 2020.

 

      En maniant le ciment pour ces pièces principales, il lui en restait des chutes qu'il ne se résignait pas à jeter. Alors, d'une main et d'une truelle plus primesautières encore que lors de ses façonnages de figures chimériques, il faisait des masques, parfois des bonshommes, dans une sorte de régression vers les graphismes sommaires de son époque enfantine. Et les abandonnait entre ses Rocamberlus, à leurs pieds, ou bien appliqués contre un parpaing de sa clôture. On en voit dans la photo ci-dessous, placées dans les interstices de ses créatures, modestes œuvrettes auxquelles on ne prête pas attention de prime abord, et pourtant...

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Georges Maillard, dans l'escalier vers une de ses terrasses, des figures en restes de ciment semées dans les interstices des Rocamberlus, ph. B.M., juin 2020.

Bonhomme en reste de ciment sur un mur de parpaings (2).jpg

Georges Maillard, bonhomme réalisé en chute de ciment, sur un mur de parpaings, ph.B.M., juin 2020.

 

      A ma dernière visite, Georges Maillard me proposa d'emporter quelque chose, et ma main, comme téléguidée par l'Ange qui me suit et me conseille, se porta sans hésiter vers l'une de ses humbles et pourtant expressives, figurations, un masque grumeleux et souriant, comme d'un être qui aurait beaucoup bourlingué, portant sur sa face les stigmates de quelques excès... Un nouveau compagnon...

 

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Georges Maillard, masque en chute de ciment, 15 x 11 cm, vers 2019 ; ph. et coll. B.M. ; selon l'éclairage, le masque prend des expressions variées: ce jour-là, il paraissait soucieux et son sourire était comme épais, lourd...

 

*

 

Les Rocamberlus de Georges Maillard sont visibles depuis la rue, au 16 rue de Marines, Osny (communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise, dans le 95, Val d'Oise).

 

 

 

20/09/2020

Des morts, toujours des morts...

       Mort récemment, Jean-Marie Massou  (1950-2020) à Marminiac, sans que je sache comment, si, par exemple, comme Molière, il a fini en scène, c'est-à-dire, en ce qui le concerne, en chantant ses cantiques personnels au fond de la terre (voir vidéo ci-dessous) creusée amoureusement toute sa vie, au départ, avec le prétexte d'une recherche de civilisation préhistorique. (En fait, si, on peut savoir comment il est mort: affaissé au pied de son lit, découvert par son ami – et protecteur - l'ancien maire de Marminiac, André Bargues). Voici, parmi d'autres souvenirs de M. Bargues évoqués sur le blog d'un certain Lenous, qui a utilisé sans vergogne un de mes photogrammes sans citer sa source, bonjour le sans gêne ; c'est la photo qui sert pour illustrer la vidéo ci-dessous justement), ces propos prêtés à Massou: "Il est grand temps d’arrêter de procréer, mieux vaut adopter. L’apocalypse est bientôt là. Nous sommes plusieurs milliards sur cette terre. Les enfants, c’est fini. Ils n’ont plus d’avenir. Plus de travail. L’ozone décortiqué, le soleil blanc qui commence, plus aucun avenir à attendre. Si vous voulez faire l’amour, embrassez-vous dans une glace ou alors prenez la photo d’une copine."

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Jean-Marie Massou est parti explorer le royaume des ombres, photogramme du film d'Antoine Boutet, Le Plein Pays.

Jean-Marie Massou, photogramme Bruno Montpied, extrait du film Super 8 que je lui ai consacré en 1987 ; dans le document sonore, il chante un des "cantiques" de son invention.

 

      Mort encore, tout récemment, José Leitao (1938-2020) que j'avais évoqué dans mon Gazouillis des éléphants, après l'avoir rencontré à Ailly-sur-Somme, grâce à l'ami Laurent Jacquy. Que vont devenir ses sirènes, ses mains de Fatma, ses pions de jeux d'échec? D'ores et déjà, comme Laurent me l'a signalé, on pourra disposer un jour, au moins, de l'ensemble de ses oeuvres photographiées par Jacquy (si ce dernier songe à les léguer à quelque documentation de musée), à défaut de la sauvegarde de son œuvre, qu'il ne vendait pas.

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José Leitao (à droite) expliquant en 2011 sa technique à Laurent Jacquy, ph. Bruno Montpied.

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José Leitao, une de ses nombreuses sirènes, ph. Laurent Jacqy.

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José Leitao, Tu vois ça Oh non, sculpture en bois peint, ph.B.M., 2011 ; Un poing fermé, symbole du combat communiste...

 

       Et enfin, troisième évocation, celle de Yann Paris (1964-2020), pas très connu non plus, mort trop jeune (54 ans...), en laissant derrière lui, me prévient Laurent Jacquy, qui était son grand ami, près de 300 sculptures empreintes d'un esprit enfantin perpétué à l'âge adulte, traitant avec une naïveté assumée aussi bien des artistes, des musiciens (de rock ou de blues), des écrivains connus (Breton...) que des figures admirées des bandes dessinées de sa jeunesse.

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Yann Paris, André Breton entouré de ses poupées hopi "Kachina"

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Yann Paris, Bodan (sic) Litnianski, 1913-2005, le chef surmonté de figurines d'Indiens et de billes, quelques éléments emblématiques de son jardin Viry-Noureuil dans l'Aisne. Ph.B.M., 2011.

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Yann Paris, Le professeur Tournesol, ph. .M., 2011.

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Yann Paris, Captain Beefheart. Ph. B.M., 2011.

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Yann Paris, des héros de Marvel.

 

 

12/09/2020

Ogres et croquemitaines à Laval

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Affiche de l'expo avec en illustration Michel Hénocq, le bien Malotru.

 

      Dans sept jours, ouvre au Musée d'Art Naïf et d'Arts Singuliers du Vieux Château, à Laval (Mayenne), une exposition à la thématique réjouissante pour l'imagination. Les ogres, et – revendiquons la parité hommes/femmes – les ogresses (les castratrices?), les croquemitaines, toutes ces figures destinées à faire peur pour des raisons éducatives paraît-il – venues de nos profonds souvenirs inconscients –, dérivent depuis nos rapports enfantins avec le monde des adultes, et des parents en particulier. Papa, Maman, sont les premiers géants, et parfois les premiers ogres et ogresses. C'est finalement les rapports de domination basés sur l'épouvante que veut illustrer cette exposition proposée par Antoinette Le Fahler, directrice du musée, et son équipe. Le musée ne communique pas pour l'instant sur les artistes qui ont été sollicités pour cette manifestation : j'ai appris, à l'heure où j'écris ces lignes, qu'il y aurait déjà au moins Danielle-Marie Chanut, Anne Van Der Linden, Joël Lorand, Denis Dubois, Hélène Duclos (travail fort intéressant sur lequel j'espère pouvoir un jour revenir) et Murielle Belin (ainsi que mézigue). Dans l'ensemble, on est allé pas mal du côté de plasticiens contemporains plutôt que de l'art singulier.

      Voici l'argument de l'exposition tel que présenté par le musée:

      "L’Ogre, figure populaire alimentant les frayeurs enfantines, symbolise à la fois la puissance paternelle, les violences familiales, le totalitarisme ou les prédateurs sexuels. Le thème de la dévoration présent depuis toujours dans toutes les civilisations est largement traité dans la littérature, les bandes-dessinées, les arts plastiques et visuels. L’exposition "Ogres et croque-mitaines" propose un regard sur la création contemporaine à travers une diversité d’expressions plastiques relevant des Arts Singuliers, de la Nouvelle Figuration, de l’Expressionnisme contemporain ou de la Pop Culture."

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Bruno Montpied, L'Ourson dans le ventre, 30,5 x 23 cm, technique mixte sur papier, 2019 (présenté dans l'exposition "Ogres et croque-mitaines" de Laval) ; ph. Bruno Montpied.

 

         La volonté de faire peur aux enfants, par exemple ceux qui sucent leur pouce (une des bases proposées dans l'étymologie du mot "croque-mitaine" – qui peut s'écrire avec ou sans tiret – consiste à suggérer que l'enfant qui s'entête à sucer son pouce va provoquer l'arrivée du mangeur de doigts...), est à l'origine d'une immense cohorte de personnages tous plus angoissants les uns que les autres, énumérés dans une liste donnée sur Wikipédia (le Babau, le Bonhomme sept-heures, L'Homme au Crochet,  le Spétin – qui se cache dans le brouillard et les lieux sombres –, El Coco, la Mano Negra,  les Nòchtgròbbe, corbeaux de la nuit..., la vieille Chabine dans le Berry, la Mère Tire-Bras en Sologne, le Picolaton,  etc...). La palme, selon moi, que je décerne spontanément, revient à la "came-cruse" gasconne, à l'apparence de jambe munie d'un œil à son genou, courant à travers les rues à la recherche des enfants désobéissants...

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Attention, le Coco arrive..., Francisco de Goya, 1797.

 

      Mais si personnellement, je peux faire attention à l'usage "éducatif" qui fut fait (et que l'on fait toujours) de ces épouvantails à enfants (on lira avec intérêt le petit livre de la folkloriste Nicole Belmont, Comment faire peur aux enfants, paru il y a plusieurs années (1999) au Mercure de France)ogres et croquemitaines,musée d'art naïf et d'arts singuliers de laval,géants,parents et enfants,ogresses, j'ai tendance dans mes dessins à traiter le thème avec désinvolture, oscillant entre la représentation horrifique volontairement poussée et le rendu grotesque et moqueur. Les ogres et ogresses sont souvent ridicules à mes yeux, la plupart du temps. Quatre de mes dessins en couleur figurent dans l'exposition du musée de Laval. Dont les deux que je mets en illustration ici.

 

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Bruno Montpied, Cherchant le Petit Poucet, 24 x 17 cm, technique mixte sur papier, 2011.

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Au vernissage, le 18 septembre, des "Ogres et Croque-mitaines", ph. Bruno Montpied.

29/08/2020

"Le Génie des Modestes" au Centre Emmaüs d'Esteville, avec votre serviteur

      On peut s'amuser à comprendre ce terme, "le génie des modestes", comme un jeu qui consisterait à repérer parmi les cinq artistes sélectionnés par Martine Lusardy pour le Centre Emmaüs d'Esteville, au nord de Rouen, le génie en question...! Car la formule est - involontairement - ambivalente... Alors qu'en réalité, il s'agit de présenter une sélection de créatifs modestes... ne disons pas "humbles", parce qu'au moins deux d'entre eux ne le sont guère (je vous laisse deviner lesquels). "Modestes", terme que l'on pourrait aussi interpréter comme légèrement réducteur, si on ne le prenait pas plutôt comme l'indice d'une sincérité dans l'acte de création.

 

Verso du flyer d'annonce de l'expo.jpg

Les flyers, les communiqués de presse, du fait du report des dates de l'expo, sont devenus caducs, car pas réimprimables à volonté...

 

      Cette manifestation, prévue initialement du 1er avril au 30 juin 2020, a été reportée à des temps moins difficiles en terme de visite d'exposition, soit du 1er septembre au 15 novembre 2020 prochains (ouverte tous les jours de 10h à 18h). Elle présente les œuvres de Pierre Caran, Guy Colman Hercovitch, Demin, Namithalie Mendés et Bruno Montpied (votre serviteur).

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Pierre Caran, L'homme visionnaire, 30 x 24 cm, 2006, ph. et coll. Bruno Montpied.

 

        Pierre Caran, j'ai déjà eu l'occasion d'en parler à quelques reprises sur ce blog, Je renvoie donc les lecteurs à ces notes précédentes. Je ne connais pas le travail de Guy Colman dont je crois deviner cependant que comme certains nouveaux réalistes d'autrefois il aime les objets usés par le temps. Demin, j'ai aussi parlé de lui dans mes anciennes notes, lorsqu'il avait été exposé à la galerie d'Alain Dettinger à Lyon.

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Demin, sans titre (une sirène), vers 2017, ph. Demin.

 

       Namithalie Mendés, c'est une découverte de la librairie de la Halle Saint-Pierre où j'avais été frappé par ses dessins d'une grande ingénuité, ceux d'une enfant perpétuée à l'âge adulte en raison sans doute dans son cas d'une complexion psychologique particulière. Sa saga graphique (commencée à l'âge de dix ans et jamais interrompue depuis ; elle est née en 1994) raconte par séquences diverses sa vie réelle, et rêvée apparemment, manifestant un amour très profond de l'observation des autres êtres humains dont elle rapporte les dialogues dans d'innombrables bulles très vivantes. J'ajoute qu'elle ne veut pas laisser partir définitivement ses productions loin d'elle, car elle y est viscéralement attachée. De tous les créateurs ici exposés, elle est la seule à pouvoir entrer véritablement dans la catégorie de l'art brut.

Deux dessins exposés à la HSP, Birzday etc (2).jpg

Namithalie Mendés, deux dessins aux feutres et crayons sur papier, exposés à la librairie de la Halle Saint-Pierre du 1er au 30 juin 2019.

 

       Quant à moi, je ne vais pas me présenter (à d'autres de le faire...), on peut toujours se reporter au photoblog que je tiens depuis 2013 en colonne de droite sur ce blog où j'égrène diverses productions de manière chronologique. Je dirai seulement que j'expose au Centre Emmaüs douze dessins, tous de mêmes dimensions (aux alentours de 32 x 24 cm, encadrés en 40 x 30 cm) dont celui ci-dessous. Ils sont tous disponibles à la vente.

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Bruno Montpied, Le Samouraï échoué, technique mixte sur papier, 31 x 23 cm, 2019.

 

*

POINT PRESSE :
Mardi 15 septembre, le Centre Emmaüs donnera rendez-vous aux pigistes et journalistes locaux qui le souhaitent afin qu'ils découvrent "Le génie des modestes", en visite accompagnée, à 17h.
UNE MANIFESTATION "La grande bouquinerie : foire aux livres solidaire", aura lieu le dimanche 27 septembre 2020 à 16h au Centre Emmaüs. Ceci démarre à 9h et finit à 18h. 

ADRESSE: Centre abbé Pierre - Emmaüs. Lieu de mémoire, lieu de vie, Route d'Emmaüs - 76690 Esteville
tél : 02 35 23 87 76 - port : 06 28 27 65 04. www.centre-abbe-pierre-emmaus.org

L'exposition, organisée sous le commissariat de la Halle Saint-Pierre, est ouverte tous les jours de 10h à 18h. 

24/08/2020

Sortie dans les librairies en France (enfin) du catalogue de l'exposition sur les Barbus Müller de Genève...

      C'est prévu pour le 10 septembre si on accorde tout crédit au site web du diffuseur-éditeur In Fine. Car, à moins d'être allé le chercher à la librairie de la Halle Saint-Pierre, rue Ronsard, dans le XVIIIe ardt de Paris, seul point de vente où il était disponible depuis la réouverture des librairies et autres centres culturels, sa mise à disposition du public avait été passablement retardée par la malheureuse pandémie (il aurait dû être disponible en France en mai, si je me souviens bien). L'exposition au musée Barbier-Mueller, à Genève, a rouvert depuis quelque temps déjà, ayant prévu de se terminer le 1er novembre 2020 (j'étais allé présenter le fruit de mes découvertes à Genève début mars, juste avant que tout se referme...; l'exposition a été heureusement prolongée pour pallier la période où elle a été close).

Couv du catalogue expo sur les BM avec récit de la découverte.JPG

Couverture du catalogue de l'expo sur les Barbus Müller.

 

    C'est l'occasion de faire le point sur l'énigme liée à ces sculptures en lave et en granit que Dubuffet choisit – en les découvrant chez les marchands Charles Ratton et Joseph Müller, entre 1945 et 1946 – d'associer à la notion d'Art Brut (qu'il commençait à peine de bâtir), tant elles lui paraissaient originales, en rupture avec d'autres effigies de style populaire. Après deux textes de Baptiste Brun et Sarah Lombardi, qui s'attachent au contexte historique de l'entrée des "Barbus Müller" (sobriquet inventé par Dubuffet à cause de quelques barbes aperçues sur certaines sculptures et du nom de Joseph Müller qui en possédait le plus grand nombre) dans l'orbite de l'Art Brut, j'ai donné dans ce catalogue¹ une étude où je révèle le nom de l'auteur de ces sculptures – auvergnat, comme l'avait subodoré Charles Ratton – un paysan, ex-soldat, surnommé "le Zouave", qui habitait aux alentours de 1900 le village de Chambon-sur-Lac dans le Puy-de-Dôme, où il possédait divers terrains. Cette étude est accompagnée d'une iconographie variée, enrichie – élément nouveau par rapport à la première édition, moins développée, de cette étude (cf. le n°17 de la revue Viridis Candela, le Publicateur) – de trois photos relatives à un scoop touchant à un détail significatif du village de Chambon, en rapport étroit avec "le Zouave", détail qui ancre un peu plus la mémoire des Barbus Müller dans cette bourgade... (Je laisse la primeur de ce scoop au catalogue de l'expo du musée Barbier-Mueller, il serait peu élégant de déflorer tout de go le sujet).

antoine rabany dit le zouave, bruno montpied, musée barbier-mueller,

Le village (aux alentours de 1920?) ; comme on le voit, le lac est situé nettement plus loin; à gauche on aperçoit  le baptistère du Xe siècle situé au plus haut du cimetière ; le jardin d'Antoine Rabany (hélas, ici masqué par des frondaisons) était situé juste en dessous.

 

     Avis donc aux amateurs d'énigmes artistiques et d'Art Brut. Si vous ne pouvez attendre le 10 septembre, précipitez-vous à la libraire de la Halle St-Pierre, où il doit bien rester quelques-uns des exemplaires commandés en avant-première...

 

antoine rabany dit le zouave, bruno montpied, musée barbier-mueller,

Le "chercheur, peintre, écrivain, etc.", Bruno Montpied, lors de la visite de Chambon-sur-Lac, devant l'ancienne cabane du jardin aux sculptures d'Antoine Rabany, en mars 2018 ; photo Régis Gayraud.

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¹ Je dois remercier ici Georges Bréguet qui me mit en relation avec Laurence Mattet, la directrice du musée Barbier-Mueller, qui vit tout de suite le parti que pouvait tirer le musée de ma découverte dans le cadre de l'exposition qu'ils étaient en train de préparer. Et encore un grand merci à Guillaume Zorgbibe et Régis Gayraud qui tous deux ont joué un grand rôle dans mon élucidation de l'auteur des Barbus Müller.

23/08/2020

Les jolis caviardages de Bretagne... et d'ailleurs

Le Porno, chemin des pélerins, ph Darnish.JPG

En suivant les pélerins, on peut parfois faire d'étonnantes découvertes ; ph Darnish, sur la commune de Sainte-Anne-d'Auray, août 2020.

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     On pourrait supposer qu'au bout (un très long bout pour le coup...) de ce chemin si particulier, on finisse par tomber sur cette autre rue au nom lui-même transformé dans un sens voisin, à Paris :

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Photo Régis Gayraud, juin 2019.

14/08/2020

Une éolienne bizarre, interprétation paranoïa-critique n°2

Eolienne ancienne, ou bien...Abords de Laval (2).jpg

Photo Bruno Montpied, près de Laval (Mayenne), août 2020.

 

    Aux abords de Laval, alors que Régis Gayraud et moi-même nous nous faisions la réflexion que les parages de la ville de Rousseau et de Jarry, en venant de l'est, n'étaient aujourd'hui pas bien beaux (avec les ronds-points, les échangeurs en veux-tu, en voilà...), nous avisâmes tout à coup un édifice en ruine qui ressemblait à une vieille éolienne¹. N'était-ce que cela? Deux hypothèses surgirent alors en nous...


podcast

Interprétation paranoïa-critique (l'instrument de supplice ou le dispositif optique), par Régis Gayraud et Bruno Montpied, août 2020.

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¹ A priori, il aurait pu s'agir d'une éolienne de Bolée (pompant l'eau grâce à l'énergie du vent), du nom de son inventeur, Ernest-Sylvain Bollée (1814-1891), comme me l'a suggéré mon corressondant, Eric Bougréau, de Tours. A l'intérieur, elle comportait un tableau électrique. Cette éolienne, cependant, ne paraît pas figurer dans la liste des éoliennes répertoriées sur Wikipédia, où la seule encore en place est localisée à Villiers-Charlemagne. La nôtre est située à Bouge (joli nom...) dans la commune de Louvigné, à quelque dizaines de mètres de la D57. D'après notre camarade émérite historien des techniques en tous genres, Régis Gayraud, il s'agirait plus exactement d'une éolienne de Girard (au nom prédestinant, puisqu'une éolienne, ça gire pas mal).        Mais, comme on l'aura compris, ce fut, devant cet édifice, inconnu de nous sur le moment, un beau prétexte à interprétation paranoïa-critique, improvisée de la même manière que celle que nous avions réalisée au cours d'un périple précédent, dans l'Allier, à St-Pardoux, voir note plus ancienne, le 12 mars dernier.

11/08/2020

Les restes de Maître Jacques Burtin, euh... de Jacques Burin...

Les restes de Maître Jacques Burin (2).jpg*

 

* Jacques Burtin, du nom d'un ex-ami que j'avais convié à faire un film sur un autodidacte ayant peint l'intérieur de sa maison en Vendée (cf "Eric Le Blanche, l'homme qui s'enferma dans sa peinture"), et qui, dans la foulée, décida de faire son propre film sur le même sujet, film qui reflète une vision esthétisante, académique-risible, idéalisante-boursouflée, ne tenant aucun compte d'un certain nombre d'éléments de témoignage et de faits relatifs à cet autodidacte (Eric Le Blanche).

09/08/2020

La Revue Trakt, "brute et singulière", le n°11

     Une revue qui tend à se consacrer au champ de l'autodidacte singulier (plus que véritablement brut, à moins qu'on ne considère ce dernier qualificatif comme synonyme de "brute"...), intitulée Trakt, est apparue ces derniers temps, apparemment originaire de Tours et des bords de Loire (Saint-Cyr-sur-Loire). Ils en sont déjà à leur n°11. Un collectif d'artistes se cache derrière, la réalisation et la rédaction en chef étant quant à elles plutôt le fait de Sébastien Russo.

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La couverture de la Revue Trakt n°11 (avec des coquetteries typographiques pas toujours évidentes, notamment sur le nombre 11...; à signaler également l'absence d'ours ou de colophon).

 

      Lorsque je l'ai découverte (à la librairie de la Halle Saint-Pierre où Pascal Hecker me l'avait chaudement recommandée), je m'étais dit que se revendiquer du brut et du singulier, c'était enfin une chose qui aurait dû se faire depuis longtemps : depuis 1989 exactement, où j'avais tenté de rassembler quelques individus autour de la question (las! Chacun n'avait eu de cesse de se tirer dans les pattes, le projet de départ qui aurait dû embrasser tous les champs de la création artistique non professionnelle, spontanée, naïve, brute, singulière, populaire, n'accoucha en définitive que de la seule revue Création Franche qui se recentrait sur les collections et les acquisitions du musée du même nom à Bègles : cette dernière publication existe toujours, comme chacun le sait sur ce blog, où j'en parle régulièrement – un n°52 venant même de sortir en juillet).

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Sommaire du n°11 de la Revue Trakt n°11.

 

     Or, la revue Trakt ne paraît traiter que fort peu de l'art brut au sens strict du terme. C'est avant tout l'art singulier, dans toutes ses acceptions contemporaines – avec sa forte propension à se laisser contaminer par l'influence des divers néo-expressionnismes contemporains, ou du soi-disant "surréalisme pop" en faveur dans la revue Hey! –, qui envahit ses colonnes. 

revue trakt n°11,art singulier,art modeste,publications autour des arts singuliers,sébastien russo,jean-françois veillard,néo-expressionnisme,louis et céline beynet,le musée des bouteilles décorées,ozendaPortrait du Dr. Jean-Claude Caire, Nice, 2008, ph. Bruno Montpied.

 

     Dans ce dernier numéro 11, on a beau recourir à une interview de Jean-Claude Caire par Jeanine Rivais (datée de 1995 ; on y retiendra une belle évocation d'Ozenda par Caire), ou à un rappel de l'activité de l'Atelier Jacob d'Alain Bourbonnais par Jean-François Veillard (au passage: pourquoi n'est-il rien dit de l'activité actuelle des héritiers de la Fabuloserie, en particulier dans leur galerie parisienne située toujours au même endroit, en face de l'ancien local de l'Atelier Jacob, dans la rue du même nom?), on sent bien que le balancier des goûts et inclinations du collectif d'artistes et animateurs de la revue continue de pencher du côté d'un néo-expressionnisme brouillon et d'un certain art (très peu) singulier.

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Une page de l'article de B.M., "Le Musée des bouteilles décorées des époux Beynet".

 

     Invité par Jean-François Veillard et Sébastien Russo à participer à la revue, je me suis donc dit qu'il serait peut-être de mise de proposer quelque chose qui fasse osciller le fameux balancier un peu plus du côté naïf et populaire insolite. J'ai donc proposé dans ce n°11 un article sur Le Musée des bouteilles décorées des époux Beynet, dont j'avais déjà eu l'occasion de parler ailleurs

    Dans ce même numéro, également, on peut retrouver un autre article causant aussi d'art populaire contemporain, ou de sculpture naïve, à savoir une courte (trop courte) évocation par Jean-François Veillard du sculpteur cultivateur d'asperges et éleveur de lapins Bernard Javoy, né en 1925 et disparu, je pense, en 2010 – en tout cas pas en 2000 comme il est indiqué dans l'article de Veillard.

    2000, c'est plutôt l'article que j'avais commis dans le n°19 de la revue Création Franche, comme de juste (datant précisément de décembre 2000). Un article que, peut-être, M. Veillard aura vu? En tout cas, un article qu'aura bien lu le rédacteur d'un autre blog, L'Internationale Intersticielle, pas toujours au point avec ses sources (notamment à propos du "Carillon de Vendôme").

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Bernard Javoy, couple sous un proche d'église, vers 2000, ph. et coll. B.M.

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Bernard Javoy, une servante et le garde-chasse (appariés par moi...), vers 2000, ph. et coll. B.M.

 

La revue Trakt est disponible à Paris à la librairie de la Halle Saint-Pierre ; sinon, on peut aussi les contacter via leur site web https://www.revue-trakt.com/

29/07/2020

Un portrait du célèbre Facteur cavalant...

     J'ai réagi avec une sorte d'esprit de l'escalier vis-à-vis d'un portrait insolite que je n'avais fait qu'entrevoir il y a plusieurs mois de ça (et quand je dis "entrevoir", c'est-à-dire voir avec l'inconscient...). J'avais fait une note sur des statues d'Alfonso Calleja, de Gujan-Mestras, retrouvées par moi, en compagnie de deux amis, dans un stand d'antiquaire aux Puces de St-Ouen. On peut la retrouver ici. Sur la première photo mise en ligne sur mon blog on voit, derrière une statue d'Indien la main sur le front en position de guetteur, les deux amis en train d'observer quelque chose cachée derrière un mur. Je la remets ci-dessous.

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Photo Bruno Montpied, 2019.

      Agrandissons l'arrière-plan....

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     Ils ne regardent pas en effet un objet posé sur la table à gauche. Ce dernier aurait dû attirer mon attention tout autant, sinon plus, que les statues de Calleja. Mais ces dernières me surprenaient, venues jusqu'à St-Ouen depuis le Bassin d'Arcachon. Et je ne pouvais faire face à deux surprises en même temps...

      Je décidais d'y repasser peu avant le déferlement du Covid. Et cette fois je me concentrai sur le personnage représenté. Un facteur pour le buste, et un cheval pour le reste du corps... Un centaure d'un genre spécial, un facteur... cheval... Comme aurait dit l'inspecteur Bourrel: "Bon sang, mais c'est bien sûr!". J'étais devant un portrait inédit du Facteur Cheval. Le rébus de l'homme-cheval, était pour le coup charmant, modelé avec grâce. La technique – un modelage en terre cuite colorée réalisée avec du mouvement et, simultanément, de l'instantanéité – servait fort adéquatement le portrait à base de calembour. Je ne fis ni une ni deux, j'acquérais l'objet.

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Sans titre inscrit sur l'œuvre, ailleurs appelée "Le Centaure", 45 x 20 x 32 cm, photo et coll. B.M.

 

      Par la suite, il me revint qu'un autre artiste, Laurent Jacquy, avait lui-même eu cette idée de figurer ainsi le Facteur, dans l'effigie d'un timbre imaginaire conçu par lui. Cela venait vite à l'imagination ce genre d'image.  Rancillac, de son côté, avait préféré superposer le museau d'un cheval au portrait du Facteur, de manière à ce qu'un troisième œil lui apparaisse au milieu du front. C'était, à mon goût, une image plus plate.

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Laurent Jacquy, timbre imaginaire.

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Affiche d'expo  "Avec le Facteur Cheval" au Musée de la Poste, en 2007, faite d'après Rancillac.

 

     Une signature était inscrite en creux dans l'encolure, à la lisière du dos plus clair, avec une date : "Serge Castillo,  26 jan 2007"... Cela, c'est mon camarade Régis Gayraud, expert en farfouillages sur la Toile, qui le reconstitua, car la signature manuscrite, qui avait été gravée dans la terre quand elle était encore encore molle, était d'emblée dure à lire. L'antiquaire de St-Ouen prétendait ne pas savoir le nom de l'artiste. Or, en cherchant un peu sur le Web, on retrouvait la trace de l'objet, intitulé par une autre marchande, bordelaise, "le Centaure". facteur cheval,centaure,serge castilloAvec quelques précisions sur Serge Castillo, sculpteur contemporain, actif à une époque du côté d'Uzès dans le Gard (mais aujourd'hui ayant un atelier, semble-t-il, plutôt du côté de Belle-Ile-en-Mer), ayant exposé – tout se tient – au Palais Idéal du Facteur Cheval en 2005, comme il est signalé sur son site internet à la rubrique "parcours du sculpteur". Un artiste contemporain certes, qui n'a rien de naïf ou de brut, d'un autre temps pourtant, aux portraits fort sensibles, souvent consacrés à des gens simples venus du peuple, portraits d'écoliers, d'immigrés espagnols fuyant la répression franquiste (cet artiste d'origine espagnole doit avoir quelque souvenir de ce côté-là...). Je dois dire que j'admire sans la moindre réticence, notamment, ses portraits, toujours en terre polychrome, par exemple Rimbaud, Adam et Eve, si proches de personnes vivantes d'aujourd'hui, Carmen, et autres sculptures telles qu'on peut les découvrir sur son site internet.

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Serge Castillo, Rimbaud (et son paletot idéal?)

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Serge Castillo, Adam et Eve.

17/07/2020

Ni Tanjung n'est plus...

      J'insère ci-dessous la nouvelle que je viens de recevoir de la part du plus grand ami de Ni Tanjung, Georges Breguet.

 

      "Chers amis,

     Une très mauvaise nouvelle m'est parvenue durant la nuit, notre grande amie et protégée, l'artiste balinaise d'art brut Ni Nyoman Tanjung est décédée au petit matin du 17 juillet 2020 à plus de 90 ans. 
   Je suis très triste même si je m'y attendais car elle n'allait pas bien depuis quelques jours et refusait même de s'alimenter. Elle est partie rejoindre ses ancêtres entourée de sa fille et de sa famille. 
   Nous sommes tous tristes car Ni Tanjung représentait la force vitale et la créativité malgré son corps décharné et sa vie difficile. Sa vie, dont nous aurons l'occasion de reparler plus tard, a été une histoire extraordinaire. Pauvre glaneuse dans les rizières de Bali elle est devenue une artiste reconnue internationalement dans des galeries et des musées. Preuve en est que l'art et la beauté peuvent éclore dans les plus terribles conditions. 
    Bon voyage Nini sayang vers tes ancêtres qui étaient déjà présents dans tes créations. Tu as maintenant quitté cette terre mais tes créations y resteront et témoigneront de ton incroyable créativité et vitalité.
 

Ni Tanjung sur son lit de mort 17.07.2020.jpg

Photo Georges Breguet, 2020.

 
     La tradition balinaise permet, et même encourage, de diffuser une image d'un défunt sur son lit de mort c'est pourquoi je me permets de joindre une photo de ce type à ce message. J'ajoute une photo d'elle bien vivante avec son célèbre miroir que j'ai prise en 2017, ainsi qu'une image de son plus grand assemblage.
 
     Cordialement.
     
     Georges Breguet. "
 

2017 09 11 ph G Breguet (2).jpg

Ni Tanjung et son miroir pour regarder ses visiteurs, ph. G.B, 11 septembre 2017.

Assemblage 100x130 cm, septembre 2017 coll G Bréguet (2).jpg

Le plus grand assemblage de figures dessinées sur papier qu'ait composé Ni Tanjung, 100 x 130cm, septembre 2017, ph. G.B., 

15/07/2020

Le musée de proximité de Tamaya Sapey-Triomphe

     Tamaya, je l'ai rencontrée à la suite de mon film sur Eric Le Blanche. Petite-fille de la cousine d'Eric, ayant connu enfant ledit Eric en accompagnant son père Frédéric, artiste numérique apparaissant dans le film que j'ai écrit (Eric Le Blanche, l'homme qui s'est enfermé dans sa peinture, mars 2019), elle avait envie de découvrir le film et plus généralement des informations sur l'art brut et consorts (notamment pour documenter une émission qu'elle s'apprêtait à faire sur Radio-Nova le lundi en début de soirée).

Attroupement dvt le musée de proximité d'Angerville (2).jpg

Attroupement le 10 juillet 2020 devant le Musée de Proximité d'Angerville ; ph. Bruno Montpied.

 

     Récemment, pour son diplôme de fin d'études en architecture, elle a monté durant trois grosses semaines, à Angerville, "en dessous" d'Etampes, un projet un peu 'pataphysique, un "Musée de Proximité".

Plan 2 du musée de proximité d'Angerville (avec légendes BM).jpg

Plan dessiné par Tamaya Sapey-Triomphe, légendé par Bruno Montpied.

Dispositif 2 du périscope (2).jpg

Le périscope vu de l'intérieur ; ph. B.M.

 

     Ayant "squatté" – très légalement, en respectant tout un cahier des charges côté agence immobilière et instances administratives du lieu – un cabinet de coiffure abandonné depuis 25 ans, elle y a installé un dispositif bricolé à base de planches et de cartons. L'idée étant de présenter à 5 mètres du trottoir, visible par un petit trou tracé dans un badigeon de blanc d'Espagne (ou de Meudon, ou de Bougival, etc.), et au bout d'un "périscope" géant, une œuvre ou un objet ayant de la valeur pour son auteur ou son prêteur (seul donc à faire le choix de ce qui serait présenté, dans une politique "muséale" ultra démocratique donc).

Une spectatrice essaye le trou du périscope (2).jpg

Une spectatrice colle son œil à l'œilleton de la vitrine de gauche ; ph. B.M.

Le dresseur d'auréole de BM au bout du périscope (à 5 m)(2).jpg

Ce que voyait la spectatrice ci-dessus, un dessin en couleur de Bruno Montpied, Le dresseur d'auréole (2020), placé cinq mètres plus loin au fond de la boutique ; ph. B.M.

La vitrine de la collection permanente du musée de proximité (2).jpg

Dans la vitrine de droite du "musée", la collection "permanente" ; ph. B.M.

 

      Cet objet n'était destiné qu'à rester un seul jour au bout du périscope (voir vitrine de gauche de la boutique). Après quoi, il passait dans la vitrine de droite, appelée la "collection permanente". Une permanence tout éphémère en réalité, puisque le musée de proximité devait s'arrêter le 14 juillet...

Le Dresseur d'auréole, 32x24cm, 2020 (2).jpg

Bruno Montpied, Le Dresseur d'auréole, Série des "Auréolés", 32 x 24 cm, 2020.

 

     J'ai été heureux de m'associer à ce projet, pour le principe, en prêtant un de mes dessins récents, Le Dresseur d'auréole, pour la seule journée du 10 juillet. En dépit du fait que, malgré le concept généreux que mettait en application le projet de Tamaya Sapey-Triomphe – accoucher d'un musée qui serait le fait de tout un chacun, un musée sans conservateur, reflet de la multiplicité des goûts culturels des prêteurs, en évolution permanente, un musée de l'immédiat, comme il y a un art de l'immédiat –, l'idée restait assez chimérique, intellectuelle (ce qui n'est pas un gros mot sur mon clavier), partageable par peu de gens, car mettant en jeu une sorte d'avant-plan culturel finalement assez complexe. Comme pour l'art de l'immédiat, si la production pouvait relever de l'immédiat, la réception, elle, ne l'était pas à tout coup...

     Mais au fond, peu importait, l'idée était belle, et la réalisation hors du commun par ces temps moroses de peu d'inventivité, et de peu de poésie. Grâces en soient rendues à la prometteuse et tonique Tamaya.

TST à l'entrée de son musée de proximité, le 10 juil 2020 (2).jpg

Tamaya S-T. à la réception de son musée de proximité, un peu semblable à une voyante tireuse de cartes ; ph.B.M.

14/07/2020

Gabriel Albert et ses 420 statues, la restauration en cours

Merci à Michel Leroux pour nous avoir signalé ce petit film qui expose assez précisément l'étape du processus de restauration du jardin de Gabriel Albert à Nantillé (Charente-Maritime).

09/07/2020

Bacchanale 1978

Jean Lafon, Bacchanale, 19x24cm, 1978 (2).jpg

Jean Lafon, Bacchanale, 19 x 24 cm, huile sur panneau de bois, 1978, photo et collection Bruno Montpied.

 

      Ce petit tableau m'a sauté aux yeux alors que je quittais les trottoirs de ma brocante parisienne favorite. Le mouvement vert de ces quatre danseurs (deux hommes, deux femmes ? Tous adeptes des cheveux longs – en accord avec la mode des années 1970), pris d'une sorte de transe naturiste en ce virage d'un chemin encerclé par des montagnes, m'a littéralement hameçonné. Verdeur de leurs attitudes, verdeur des reflets sur leurs peaux... Comme s'ils étaient nés de la végétation qui les entoure.

        Voici que, le temps passant, des artistes inconnus (qui est ce Jean Lafon qui signe ici avec application et netteté ?) émergent auprès de moi, qui vécus ces mêmes années 70 sans avoir croisé le moindre artiste de ce genre à l'époque (je ne connaissais alors pas ces mots : art naif, art brut, art singulier...). 1978, c'est l'année de l'exposition, à bien des égards séminale, des "Singuliers de l'Art" au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris. Ce Jean Lafon en entendit-il parler? De mon côté, étudiant en lettres, je commençais tout juste à dessiner, et tombais amoureux d'une muse dans un sanatorium à la montagne. Montagne derrière laquelle, peut-être, Jean Lafon peignait cette "bacchanale"...

02/07/2020

Disparition d'un grand collectionneur

      Désormais, il faudra écrire sur les pages d'histoire de l'art brut l'inscription  Gerhard Dammann (1963-2020).

      Directeur médical de la Clinique psychiatrique de Münsterlingen et directeur des services hospitaliers psychiatriques du canton de Thurgovie, en Suisse, Gerhard Dammann, d'origine allemande, était psychiatre, psychologue et psychanalyste. Sa femme Karin et lui étaient des collectionneurs passionnés d’œuvres créées dans le contexte psychiatrique, associées à l’art brut et l’art outsider, avec des incursions aussi du côté de l'art médiumnique.

       J'adresse toutes mes condoléances à sa femme et à ses quatre filles. Cette nouvelle m'a, je l'avoue, passablement ému, même si je ne faisais pas partie des intimes.

Lit sculpté de Bonneval, coll Dammann, voir collecting madness vol 1.jpg

Le lit sculpté de Bonneval, photo extraite du catalogue "Collecting Madness, outsider art from the Dammann Collection" (exposition 2006 à la Fondation Prinzhorn à Heidelberg).

 

           Dans le cadre de l'OAF, vers 2016, on s'était croisé lui et moi au détour d'un couloir. J'avais apprécié la finesse, la simplicité et la courtoisie du personnage. On était entre collectionneurs au fond, même si je n'avais guère les mêmes moyens. Simplement, on était avant tout entre sincères amateurs. Il s'était spécialisé, en accord avec son métier, dans la collection de la folie, comme le titre d'un catalogue de la Fondation Prinzhorn à Heidelberg, "Collecting madness", le rappelait, en accompagnant une exposition de sa collection. Catalogue Collecting madness, outsider art from the Dammann collection001.jpgMais il ne se limitait apparemment pas à ce champ d'exploration, puisque, outre certaines pièces remarquables en provenance d'asiles divers (comme un lit étonnant à l'auteur énigmatique, venu d'un asile près de Chartres, peut-être celui de Bonneval), il lui arrivait de mettre la main sur des œuvres dites "médiumniques", peut-être pour masquer l'absence totale d'informations les concernant, comme le tableau ci-dessous, intitulé au sommet de la bâtisse représentée: "Le Château des deux sœurs jumelles".

Capture.JPG

Auteur inconnu, Le Château des deux sœurs jumelles, 123 x 135 cm, sans date, provenance France, collection Gerhard et Karin Dammann.

 

      Lorsque Gerhard Dammann m'a interrogé sur ce que je pensais de ce tableau, je n'ai pas pu lui rétorquer grand-chose, comme je n'avais guère donné d'éclaircissements non plus à François Vertadier de la galerie Polysémie qui l'avait détenu auparavant et qui lui aussi avait demandé aux internautes via sa newsletter des informations. Il est d'ailleurs intéressant de donner les précisions suivantes que m'avait délivrées M. Vertadier (en janvier 2016):

"Des inscriptions : au dos rien, mais impossible à décoller de son support, car il est fait de plusieurs morceaux.

Sur le dessin, pas de  signature mais quelques mots :

Gros, devant les jambes d’un personnage entre deux fenêtres.

Bas nylon, au centre en bas.

Galilée, pour le  personnage dans la partie haute de la tour de droite.

Et surtout au tampon T SCHEWEICHLEIN au dessus du personnage en dessous. Est-ce l’auteur ou quelqu’un d’autre ? A ce jour, mystère. Je n’ai trouvé aucune trace d’artiste ou de personnalité de ce nom."

      Je gage qu'aujourd'hui, quatre ans après, on n'a guère progressé au sujet de ce tableau. De plus, pour bien l'analyser, il faudrait, de prime abord, une reproduction en meilleure résolution. Le château en question avec ses loges me fait penser personnellement à un théâtre de marionnettes. Les "sœurs jumelles" n'ont pas l'air très jumelles justement. Certains détails, comme la caravelle (du moins est-ce ainsi que je l'identifie) survolant la composition, permet de dater l'oeuvre des années 1960 environ... 

      J'ajoute que M. Vertadier m'avait également informé que le tableau aurait été connu d'André Breton, et que parmi les nombreuses mains entre lesquelles il est passé, avant d'atterrir, donc, finalement, chez Gerhard et Karin Dammann, il y aurait eu une femme très connue des milieux surréalistes, amie avec  Breton (Joyce Mansour par exemple? Hypothèse gratuite que je lance ici...).

 

Conférence et présentation de la collection du couple Dahmann par Gerhard Dammann, en 2011, dans les cadre des Hôpitaux Universitaires de Genève.

 

25/06/2020

Un nom prédestinant macabre

     "Le producteur hollywoodien Steve Bing, qui a notamment financé le film de Tom Hanks, The Polar Express, est mort. Âgé de 55 ans, (...) l'homme s'est tué après avoir chuté du 27e étage d'un immeuble de luxe du quartier de Century City à Los Angeles, selon le tabloïd TMZ."

      Bing... Ce patronyme a une consonance empreinte d'humour noir, je trouve, si on le rapporte au type de mort de son propriétaire. On n'a guère le droit de se moquer d'une tragédie de la sorte, je le sais pertinemment, mais on ne peut s'empêcher de faire le rapprochement entre le nom et le sort du personnage, aptonymie (le fait d'avoir un nom prédestinant) à l'humour pour le moins funèbre...

22/06/2020

Yves d'Anglefort à Winterthur (c'est en Suisse)

      Yves d'Anglefort, qui se plaint parfois de n'être pas apprécié à sa juste valeur, est exposé à Winterthur chez nos amis suisses (nord-est de Zürich et pas très loin du musée Im Lagerhaus de St-Gall). M'est avis que beaucoup d'amateurs d'art brut ne le trouvent pas suffisamment "dans le moule" de l'art brut patenté, alors que pourtant il développe une oeuvre fort originale, tout en manifestant une certaine culture (très empreinte de connaissances en histoire), ce qui n'est pas dans la définition canonique de l'art brut. En font partie en effet ceux ou celles qui seraient bien éloignés de toute culture artistique ; eh bien, Yves d'Anglefort, en raison sans doute de sa complexion psychique – il ne se cache pas de souffrir de troubles bi-polaires – peut faire preuve de culture artistico-littéraire tout en nous proposant ses plans de territoires étranges, ou ses animaux et machines bizarres, dessinés invariablement avec des couleurs et des lignes quasi enfantines. Un drôle de zèbre décidément (dont les rayures seraient en couleur et plutôt du genre zigzaguant)!

yves d'anglefort,art brut,winterthur,sylvie gallin-lambert

       L'expo est prévue du 1er au 11 juillet. L'organisatrice de l'expo (on dit curatrice en Suisse allemande, quel vilain mot! J'ai toujours l'impression qu'il s'agit pour ces commissaires d'exposition de curer les écuries d'Augias...) est Sylvie Gallin-Lambert, celle-là même qui avait consacré un livre à Yves d'Anglefort.

yves d'anglefort,art brut,winterthur,sylvie gallin-lambert

Yves d'Anglefort, n°359 ("portrait du papillon volant qui roulait en voiture la nuit pour flinguer les étoiles (ça va leur apprendre à ces connes) est un dessin de moi seulement yves d’anglefort fecit artiste admiratif 1908.2012-3013 B7 ar 01 :00 scale 17,9 voilà…" ), sd (vers 2018?), ph. et coll. Bruno Montpied.

14/06/2020

François Jauvion et son panthéon singulier

      L'imagier singulier de François Jauvion, graphiste, "maquettiste pour l'industrie à l'origine", dixit Françoise Monnin qui signe l'introduction du livre – après une préface de Michel Thévoz –, est une sorte de Panthéon des admirations de l'auteur pour des auteurs d'art brut, des artistes d'art singulier ou moderne, ainsi que de quelques auteurs de bande dessinée (Gotlib), édité par Le Livre d'Art (également propriétaire du magazine Artension) et la galerie Hervé Courtaigne. Pas d'art naïf dans ce choix (on ne trouvera pas le Douanier Rousseau, pas plus que Bauchant, Vivin, Peyronnet, Séraphine, ou encore Bombois), si ce n'est Germain Van der Steen (mais ce dernier est parfois plutôt rangé du côté de l'art brut).

L'imagier singulier de FJ.jpg

Sur la couverture du livre, l'auteur s'est auto-portraituré, entouré de ses outils de graphiste, plus quelques éléments de son atelier suppose-t-on...

 

     Son titre, où je remarque surtout le mot d'"imagier", fait référence, de manière lointaine, aux imagiers pour enfants (qui servent à l'apprentissage du vocabulaire). Au centre de chaque planche, du reste, distribués autour de la figure centrale du créateur, présenté nu (sans être ressemblant particulièrement au véritable auteur traité : les voyeurs en seront pour leurs frais, on ne voit pas les anatomies d'Aloïse Corbaz, de l'abbé Fouré ou de la charmante Caroline Dayot, entre autres...), sont étalés les accessoires caractéristiques des vedettes de ce panthéon.

Carton de présentation du livre.JPG

Les planches originales du livre de François Jauvion seront exposées à la Galerie Courtaigne, rue de Seine dans le VIe ardt à partir du mardi 16 juin jusqu'au 19 juin ; une signature de l'artiste y sera possible durant cette période ; le 20 juin, le samedi, à partir de 14h, l'artiste sera ensuite à la Halle Saint-Pierre, qui inaugurera ainsi son premier événement post-confinement.

 

      Pour André Pailloux, dont j'ai signé dans ce livre la présentation, par un court texte placé en vis-à-vis de la planche à lui consacrée, rare auteur d'environnement populaire spontané présent dans cette sélection (on compte aussi l'abbé Fouré, le Facteur Cheval, Stan Ion Patras et ses stèles sculptées du cimetière roumain de Sapinta dans le Maramures, Petit Pierre – à ne pas confondre avec Pierre Petit, également présent dans ce livre), est ainsi entouré par les moulinets colorés, hypnotiques, dont il a hérissé son bout de jardin en Vendée et dont mes livres, Eloge des Jardins Anarchiques et le Gazouillis des Eléphants, ont déjà parlé ; il apparaît également dans une séquence de Bricoleurs de paradis, le documentaire que j'avais co-écrit avec Remi Ricordeau).

Mosaïque du panthéon Jauvion.JPG

 

     Le livre de Jauvion se situe dans un art hésitant entre la bande dessinée et le roman graphique, rempli de déférence à l'égard de l'art brut (en revanche, les personnalités choisies pour illustrer l'art singulier me paraissent choisies avec moins d'acuité ; il paraît y avoir prime à ceux qui font avant tout acte de présence sur les tréteaux, mais leurs oeuvres sont-elles si intrinsèquement valables que semble le croire François Jauvion?).