15/03/2021
Un film nouveau sur Pape Diop, le dessinateur des murs de la Medina de Dakar
Tilleen, le débile et le génie, d’Ugo Simon (2021, France, 23 min), tel est le titre du court-métrage consacré au dessinateur compulsif de rue Pape Diop (déjà évoqué par moi sur ce blog l'année dernière) parmi douze autres petits films qui sont proposés sur le site de Mediapart dans le cadre de la section "Première Fenêtre" du festival Cinéma du Réel (se tenant du 12 au 31 mars, sans doute en ligne...). Sur le site de Mediapart (voir LIEN), c'est le 4e.
Photogramme extrait par moi du film d'Ugo Simon. Pape Diop (à gauche) place touts sortes de petits objets dans la main de Modboye (à droite, avec son tee-shirt marqué "Dakar Art Brut"), dans un échange étrange.
On y retrouve Modboye l'artiste médiateur sénégalais qui suit Pape Diop (un médiateur et un créateur, on retrouve ainsi "l'attelage" traditionnel qui signale que l'on a affaire à de l'art brut), et recueille les contreplaqués que ce dernier abandonne ou donne, sans souci apparemment de ce qu'ils pourraient devenir (je pense bien sûr au marché de l'art brut en Europe ; m'est avis qu'un petit malin ira bien le proposer un de ces jours dans une quelconque Outsider Art Fair ; il a déjà été exposé à Paris dans la galerie parisienne de la Fabuloserie, comme le contait la note que j'ai mise en lien ci-dessus).
Pape Diop dessine obsessionnellement sur le bitume, les murs, les bouts de contreplaqués... Photogramme extrait de Tilleen ,le débile et le génie, court-métrage d'Ugo Simon, 2021 ; je n'ai personnellement pas compris à quoi ou à qui correspondait ce mot de "Tilleen", le film étant assez avare de commentaires et d'explications, tissé surtout d'impressions visuelles.
Merci à Remy Ricordeau qui m'a envoyé le lien vers ce film.
23:19 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire religieux, Art visionnaire, Cinéma et arts (notamment populaires), Street art marginal (art de rue sauvage) | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : ugo simon, cinéma du réel, pape diop, médina de dakar, art brut de rue, art brut africain, modboye, artiste médiateur, fabuloserie, débile et génie | Imprimer
06/03/2021
Chouchan à la Fabuloserie-Paris
"Le Printemps de Chouchan", tel est le titre choisi par Sophie Bourbonnais et Marek Mlodecki pour leur nouvelle exposition dans la galerie parisienne de la Fabuloserie, à partir du 3 mars, prévue pour durer jusqu'au 3 avril 2021 (au départ, elle aurait dû se tenir de début novembre à fin décembre 2020, la pandémie a repoussé les dates).
Une peinture de Chouchan, extraite du catalogue de l'expo.
Chouchan Kebadian (1911, née à Yozgat, en Arménie - décédée en 1995 à Montreuil-sous-Bois, en France) est une peintre autodidacte qui s'essaya à la peinture et au dessin (le dessin en fait avant la peinture) à partir de ses 73 ans. C'est une de ses jumelles (elle eut quatre enfants, dont le réalisateur de documentaire, Jacques Kébadian qui est quelque peu à l'origine de cette expo), Aïda Kébadian¹, qui, elle-même artiste spontanée (elle exposa à l'Atelier Jacob en 1975, ce qui ne fut sans doute pas pour rien dans l'idée de stimuler sa mère), lui suggéra de s'essayer à l'art en lui mettant entre les mains, vers 1984, des tubes de gouache, des crayons de couleur, un cahier à spirale, une pochette de feuilles Canson, afin de dépasser l'ennui que sa mère ressentait dans les années qui suivirent la perte, en 1972, de son mari Khoren. Sa famille fut surprise de découvrir à quel point elle se jeta dès lors à corps perdu dans la peinture .
Chouchan.
On pense à d'autres exemples de personnes âgées venues comme elle à l'art sur le tard, tels M'an Jeanne dans l'Yonne, ou le Catalan Anselme Bois-Vives, lui aussi poussé à peindre par son fils artiste en Savoie, Joseph Barbiero, sculpteur et dessinateur à Clermont-Ferrand, Gaston Mouly dans le Lot, et plus généralement tous ces créateurs d'environnements qui, une fois arrivés à l'âge de la retraite, se prirent de passion pour la recréation de leur environnement immédiat (voir l'inventaire que j'en ai dressé dans mon livre Le Gazouillis des éléphants). Elle produisit d'abord des dessins, où le trait domine (ce que je préfère personnellement dans sa production), puis des peintures, et ce, pendant une grosse dizaine d'années.
Jacques Kébadian, dans le catalogue qu'a édité la Fabuloserie, écrit ceci: "Ma mère pensait qu'on allait se moquer d'elle, elle s'excusait presque de ne pas savoir "faire ressemblant"... Je l'ai emmenée alors dans les musées. Au musée Picasso... (...) A Beaubourg, elle a été émerveillée de découvrir que tout était possible... (...) Il y a eu aussi cette exposition Watteau au Grand Palais : elle n'arrivait pas à croire que l'on pouvait peindre des yeux et des mains avec autant de réalisme... Plus de trente ans après, je me replonge dans les valises et les cartons où sont conservés peintures, dessins et gouaches qui n'avaient plus été exposés après sa mort... J'en ai répertorié plus d'un millier de tous formats." Il est à noter que ces oeuvres, en elles-mêmes, ne manifestent aucune timidité, mais au contraire paraissent bien assurées, sans repentir ou complexe d'aucune sorte, comme le note pour sa part l'artiste arménien Sarkis.
Cette peinture, représentant un couple (il n'y a jamais de titre proposé, ni de date, ni de signature semble-t-il), se trouve encadrée comme de prédelles brouillonnes, à la mode d'un Alechinsky brut...
Peinture paraissant peut-être évoquer un souvenir de costumes traditionnels arméniens?
Cette peinture évoque des souvenirs de famille, explore les rapports entre les tons, la composition, par le jeu de certaines formes (fleurs, plantes), et se concentre avec délectation dans l'emploi des couleurs par touches automatiques laissées "flottantes", appliquées sans désir de netteté, très gestuelles. Peut-être cette activité improvisée servit-elle de moyen pour redonner vie aux souvenirs d'amour, au bonheur de vivre dans une communauté familiale soudée, à la fin de sa vie, marquée au départ (elle avait 4 ans) par le massacre de son père (en compagnie de tous les autres hommes de son village) par les Turcs durant la période traumatisante du génocide arménien de 1915.
Dessin extrait d'un cahier édité en reprint par la Fabuloserie.
10:14 Publié dans Art Brut, Art immédiat | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : chouchan, aïda kébadian, jacques kébadian, la fabuloserie-paris, atelier jacob, art spontané et troisième âge, art immédiat, art brut, boix-vives, barbiero, m'an jeanne, gaston mouly, environnements spontanés, sophie bourbonnais, génocide arménien | Imprimer
04/03/2021
Les éditions Ion
On peut se demander si cet éditeur, afin de dénicher un nom original, n'aurait pas par hasard délibérément choisi de redoubler la dernière syllabe – ou diphtongue? (je sens qu'un linguiste distingué de ma connaissance va nous préciser cela) – du mot "éditions". Ion, c'est donc son nom, maison située à Angoulême, avec un site web: www.ionedition.net. A feuilleter leur catalogue, on se dit que l'on a affaire à des graphistes nouvelle génération, peut-être stimulés par le festival de la Bande Dessinée qui se tient régulièrement dans la préfecture de la Charente. Un libraire qui m'alimente depuis longtemps en documentation intrigante, Pascal Hecker "de" la Halle Saint-Pierre (il n'est pas encore anobli, mais ça pourrait venir), a sélectionné deux opuscules au sein de leur catalogue qui valent le coup d'être signalés.
Paravent couvert de collages d'Hans Christian Andersen, édité sous forme de marque-page pliant par la Galerie 1900-2000 en 2003, à l'occasion d'une exposition sur le collage surréaliste.
L'un est consacré aux découpages d'Hans Christian Andersen, qui nous rappelle que ce merveilleux conteur fut aussi adepte d'expérimentations primesautières, comme le collage (il composa ainsi tout un paravent) et les découpis de silhouettes. La plaquette éditée par Ion (en 2018, avec un titre, je dois dire, un peu approximatif, "Les Contes découpés"... ; j'écris "approximatif" parce que les découpages d'Andersen n'étaient pas spécialement des illustrations pour contes qu'il réécrivait), cette plaquette, si elle a le mérite de raviver la mémoire de ces travaux oubliés, ne s'élève cependant pas à la qualité d'un autre petit livre édité par Jacques Damase qui, en 1990, avait déjà présenté les mêmes productions d'Andersen, qui étaient plus diverses et variées, parfois en couleur, mêlant écritures manuscrites, collages et découpages que ce que présente un peu chichement l'édition de Ion. Cette dernière fonctionne comme un rappel.
Deux pages du livre des éditions Jacques Damase sur Andersen.
Le petit livre de Jacques Damase, intitulé Le Monde magique d'Hans Christian Andersen. Papiers collés, déchirés, découpés, avait eu en outre l'heureuse idée de proposer deux petits textes biographiques sur le "vilain petit canard" d'Odensée, l'un assez idéalisé d'H.G. Olrik, daté de 1930, et un autre, de Patrick Griolet, paru dans le Monde en 1984, rétablissant des vérités plus réalistes concernant le conteur, qui resta vierge toute sa vie, et craignait par-dessus tout d'être enterré vivant, entre autres angoisses.
La brochure sur les découpages d'Andersen, version Ion.
L'édition Jacques Damase de 1990.
C'est une deuxième brochure de cet éditeur charentais qu'il faut surtout mentionner, à la vilaine couleur de couverture, hélas (on reste perplexe devant un tel ratage, lorsque l'on découvre le contenu, excitant pourtant, de cette même plaquette) : Boîtes, consacrée aux sculptures au couteau de Levi Fisher Ames (18433-1923), conservées à la Kohler foundation, dans le Wisconsin, aux USA bien sûr (voir la page consacrée sur leur site web à cet ancien charpentier, vétéran de la Guerre de Sécession).
La couverture de la brochure consacrée par Ion aux sculptures en boîte, genre mini dioramas, de Levi Fishers Ames.
Cet autodidacte réalisa ainsi une "immense galerie de figurines en bois: animaux tant naturels que mythologiques ou bizarroïdes (...) qu'il abritait dans des vitrines articulées qui s'ouvraient comme des livres. il les montrait dans les foires sous des tentes..." (présentation anonyme du livre). Il lui arrivait de raconter des histoires tout en sculptant devant le public, dans des sortes de démonstrations. Il ne vendit jamais lui-même sa collection, conscient qu'on la comprendrait mieux en la contemplant dans son entier. C'est sa famille qui s'en chargea au moment de la crise de 1929. Heureusement, un petit-fils racheta l'ensemble dix ans plus tard pour le donner à la Kohler foundation. Il faut faire confiance aux petits-enfants...
Levi Fisher Ames, oryx et léopard, lion et buffle, Ion éditions.
Les sculptures contenues dans ces boîtes articulées sont proprement étonnantes, et pleines de charme. qu'on en juge ci-dessus et ci-dessous où je donne deux exemples, parmi beaucoup d'autres présents dans ce livret.
Levi Fisher Ames, ours et porc, the Imp and kirchers winged dragon, Ion éditions.
On trouvera le(s) livre(s) des éditions Ion à la librairie de la Halle Saint-Pierre et bien sûr aussi en commande sur leur site web.
22:49 Publié dans Art forain, Art immédiat, Art moderne méconnu, Art naïf, Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : hans-christian andersen et ses papiers découpés, ion éditions, jacques damase, patrick griolet, levi fishers ames, sculptures au couteau, bestiaire bizarroïde, pascal hecker, librairie de la halle saint-pierre | Imprimer
26/02/2021
"Ogres et croquemitaines" se termine le 7 mars
C'est – il faudra bientôt dire "c'était" – une de ces expositions fantômes comme il y en a pas mal ici et là dans notre beau pays, que seules les mouches auront vue, hormis quelques visiteurs au début, à son ouverture ou à son vernissage l'été dernier. Le Musée d'Art Naïf et d'Arts Singuliers de Laval qui l'a(vait) montée en propose in extremis une visite virtuelle (avec plutôt de l'art plastique contemporain et de l'art singulier, mais pas du tout d'art naïf...). Moi, j'ai horreur de ce type de visite, d'habitude (ça ne remplacera jamais le contact direct avec les œuvres, bien sûr). Mais là, c'est un peu un pis-aller, compris comme cela, je pense, par la communication et le commissariat de l'expo. Cherchez bien si vous voyez les quatre petites peintures de Bruno Montpied accrochées entre les deux salles principales de l'expo... Enfin, si ça vous intéresse, bien sûr : https://musees.laval.fr/360-ogres-et-croquemitaines/index...
Album d'Anaïs Vaugelade
Une ogresse d'Anne Van der Linden...
15/02/2021
Le carnaval de Nice, la fête des masqués pourtant, annulé... Alors, un film sur Martine Doytier et ce carnaval
Voici un lien vers un nouveau film d'Alain Amiel consacré à l'affiche que fit Martine Doytier pour le Carnaval de Nice de 1981, affiche qui fut rééditée en 1984 pour le centenaire de la manifestation. C'est à cette occasion qu'en allant regarder le carnaval de cette année-là avec mon amie Christine Bruces (en même temps qu'une expo Gustav-Adolf Mossa au musée Jules Chéret et un petit tour rituel au Musée International d'Art Naïf Anatole Jakovsky), j'avisai avec grand intérêt l'affiche de cette artiste que je découvris alors sans en apprendre beaucoup plus à l'époque (internet n'existait pas encore, d'une manière aisément accessible au tout venant). J'en reproduisis un fragment dans mon fanzine La Chambre rouge en 1985. J'ai consacré depuis quelques notes à cette artiste singulière qu'une association de ses amis s'évertue à ressusciter, préparant une rétrospective "dans un musée de la ville" pour bientôt (c'est annoncé à la fin du film).
00:53 Publié dans Art moderne méconnu, Art naïf, Art singulier, Art visionnaire | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : martine doytier, carnaval de nice, la chambre rouge, christine bruces, alain amiel, masques | Imprimer
09/02/2021
Une pétition pour demander la réouverture du marché aux puces du Jeu de Balle à Bruxelles
Je partage ici le lien pour signer la pétition en cours réclamant la réouverture du marché de la place du Jeu de Balle à Bruxelles, inexplicablement fermé depuis des mois, alors que le lieu est en plein air, et qu'il y est facile de maintenir les gestes barrières, et que dans d'autres endroits en France – les différentes Puces parisiennes par exemple –, on n'a pas fermé les brocantes (hormis certaines foires comme celle de Chatou, pourtant à l'air libre, à part quelques zones sous chapiteaux qu'on aurait pu se contenter de fermer, en laissant par contre les stands extérieurs, alignés côte à côte, libres d'accès...).
Voici le lien: https://www.change.org/p/pour-la-r%C3%A9ouverture-imm%C3%...
13:24 Publié dans Questionnements | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : vieux marché, place du jeu de balle, marolles, brocantes, mesures sanitaires en belgique, pétition pour rouvrir le vieux marché | Imprimer
04/02/2021
L'Enfer, et les péchés capitaux qui, paraît-il, y mènent tout droit...
A. Dip..., sans titre (les péchés capitaux et l'enfer), huile sur Isorel, 26 x 40 cm, sans date, photo et collection Bruno Montpied..
Colère, orgueil, avarice, paresse, luxure, gourmandise, envie... De gauche à droite, ces mots sont inscrits. A chaque fois, ils sont illustrés de saynètes où des démons rouges comme les feux de l'enfer tarabustent les pécheurs, peints en bleu ou gris, symbolisant chaque péché capital. Le colérique tire les cheveux d'un personnage qui se renverse devant lui, ayant déjà perdu une touffe de sa chevelure, semble-t-il. Un diablotin s'enfuit avec le sac d'or d'un avare affolé qui lui court après. Trois démons se moquent d'un couronné ventripotent en retenant sa cape trop longue, ce qui le met sur le point de tomber en arrière. Le paresseux vautré sur un siège se fait titiller par un diable qui le pique sous le menton à l'aide d'une lance. La gourmandise et l'envie batifolent, dévorés par leur appétit qui métamorphose le ventre de l'un des deux en un visage à la bouche grande ouverte. Une femme nue aux seins lourds danse avec un être décharné que l'amour (symbolisé par une rose qu'il tient à la main) consume, tandis qu'un premier démon s'apprête à lui percer le flanc et qu'un second se prépare à les saisir. Sans doute pour les précipiter dans les marmites géantes et les flammes que l'on aperçoit en arrière-plan, au sommet de la composition, où d'autres pécheurs sont jetés pêle-mêle, certains tentant d'échapper à leur sort dans un ultime sursaut. Le roi des diables est assis sur un piédestal au centre, présidant aux supplices et à la damnation, curieusement habillé d'une veste à capuche qui laisse voir sa barbiche noire et pointue (il paraît avoir les jambes nues, chaussures aux pieds, et porte un curieux slip détendu qui laisse voir des poils de son pubis...). Il tient de sa main gauche un trident où paraît embroché un corps tandis que sa main droite écarte sept doigts, sept comme les péchés capitaux, semble-t-il rappeler aux spectateurs qui n'auraient décidément pas compris...
Ce tableau, trouvé aux Puces de Vanves, est signé, mais son écriture s'avère difficile à déchiffrer : A. Dip... eux? A. Dipunz? Je n'ai rien trouvé sur le Net qui puisse éclairer sur l'artiste auteur de cette peinture se voulant édifiante avec un écho lointain des tableaux médiévaux représentant les tourments de l'enfer promis par les gens d'église aux pécheurs de tous poils... La touche de ce petit Bosch naïf m'a sauté aux yeux et m'a séduit aussitôt.
01:23 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art immédiat, Art insolite, Art naïf, Art visionnaire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : enfer, sept péchés capitaux, diable, démons, diablotins, gens d'église, art naïf, feux de l'enfer, a. dipunz, bosch naïf, moyen-âge, colère, orgueil, avarice, paresse, gourmandise, luxureenvie | Imprimer
24/01/2021
La folie médicastre en 2021
Ah, c'est le bouquet, qu'entends-je, ces Diafoirus de l'Académie de Médecine conseillent d'interdire de papoter dans les transports en commun? Mais qu'on les arrête, ils deviennent complètement dingues, ces médicastres, et ils voudraient sans doute que les autres le deviennent comme eux...? Car quel résultat autre cela peut-il donner, d'émettre ce genre de préconisation débile et démente? On ne sort déjà que fort peu, on s'isole dans son appartement, tenu à distance via les divers écrans interposés, et lorsqu'on sort, il faudrait en plus se taire? La maladie redoutée apparaît du coup de plus en plus au cœur de la relation inter-humaine – je veux dire que la maladie serait vue d'abord comme existant avant la contagion, dans la réalité même de la relation inter-humaine (se parler, s'aimer, se critiquer, etc, serait donc à proscrire) –, c'est vraiment étrange... N'y a-t-il pas là un déplacement fantasmatique de la source du véritable mal, dont d'autres vont plutôt chercher la cause du côté de la pathologie capitaliste ?
On imagine les pauvres policiers chargés de faire respecter cette nouvelle mesure, traquant les bavards qui la boucleront dès qu'ils verront l'ombre d'un képi se pointer à leurs abords. "Vous avez parlé!", "Mais non, monsieur l'agent, je vous assure, c'est pas moi...", "Si, vous avez parlé!", etc. Les agents deviendront eux aussi cinglés à force, s'ils ne le sont pas déjà en traquant les masques conformes, ffp2, de type 1, et j'en passe...
Quelle sera la mesure délirante suivante? On peut faire des concours dans la prévision des surenchères de préconisations aberrantes... Va-t-on nous intimer l'ordre, au prochain coup, de nous retenir de respirer, de pratiquer l'apnée en plein air?
10:54 Publié dans Questionnements | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : se taire, mutisme et répression, covid, médicastres, diafoirus, académie de médecine, folie médicale, folie généralisée | Imprimer
23/01/2021
Saucisse Haricot à la Normande
Mes correspondants dépêchés en express, l'été 2020, sur la côte normande, Darnish et Vanessa la Lionne, ont bien travaillé. Voici le résultat de leur pêche. Deux plaques de rue portant les noms de célébrités locales faites pour s'entendre apparemment.
Rue Emile Saucisse, Villers-sur-Mer, ph. Darnish, 2020.
Rue Marcelle Haricot, Bloneville-sur-Mer, ph. (recadrée) Vanessa Ancelot, dite "la Lionne", 2020.
Signalons au surplus que, comme me l'avaient déjà signalé précédemment mes deux mêmes honorables correspondants, la commune de Villers-sur-Mer peut également s'honorer d'un monument topiaire (art du buisson taillé en forme de différents objets) passablement incongru, un diplodocus de taille imposante installé sur une de ses places, comme en atteste la carte postale ci-dessous...
Carte postale communiquée par Darnish et Vanessa Ancelot.
10:32 Publié dans Art immédiat, Curiosités, modifications et divertissements langa, Environnements singuliers, Inscriptions mémorables ou drôlatiques, Photographie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : plaques de rue insolites, émile saucisse, marcelle haricot, darnish, vanessa ancelot, patronymes singuliers, patronymes drôlatiques, villers-sur-mer, bloneville-sur-mer, diplodocus | Imprimer
13/01/2021
Cabanes et Nuage Vert
Cabanes et anarchitectures
Des bidonvilles à Thoreau, cabanes célèbres ou non
par Laurent Gervereau
(en noir, remarques marginales de l'animateur du blog)
Nuage Vert [centre culturel à Argentat, Corrèze] a décidé de faire de la résistance culturelle, considérant que le lien social, l'animation territoriale, la défense des créations et des savoirs devenaient plus que jamais des actions prioritaires dans le monde fracturé et traumatisé aujourd'hui. Faire des opérations de qualité dans la ruralité en défendant la biodiversité et la culturodiversité constituent l'axe des toutes les manifestations. A l'heure où des appels internationaux pressants se font pour la défense de l'environnement, une nouvelle opération s'ouvre en janvier [apparemment du 9 janvier à fin février 2021] sur un sujet banal mais qui n'avait jamais vraiment été étudié : les cabanes.
Le livre relié de 192 pages couleur (achetable par carte bancaire sur lulu.com et l'exposition (pour laquelle est envisagée la possibilité de visites privées sur rendez-vous en attendant des ouvertures plus larges) donnent un panorama de l'histoire générale des cabanes de la Préhistoire à aujourd'hui. Il s'agit aussi bien des abris antiques sur tous les continents, des cabanes de bergers, du scoutisme ou du naturisme des années 1930, des hippies, des bidonvilles, que de celles de Rousseau, Virginia Woolf, Thoreau, Le Corbusier et d'architectes célèbres aujourd'hui.
Maquette grand format de la cabane de Thoreau en cours de construction par Jean-François Beaud.
Le 4e et la première de couverture du livre annoncé par Laurent Gervereau dans l'annonce ici présente que je ne fais que répercuter.
(...)
De belles contributions se sont rassemblées. Véronique Willemin, architecte et créatrice de la collection "anarchitectures" aux éditions Alternatives (maisons mobiles, maisons sur l'eau...), a apporté tout son savoir et des documents précieux. Jean-François Beaud a réalisé une maquette exceptionnelle grand format (au quart) de la cabane d'Henry David Thoreau – cabane aujourd'hui disparue de ce grand précurseur de l'écologie. Anna Pravdova et Bertrand Schmitt du musée national de Prague ont écrit sur les cabanes des Krizek à Goulles. Peter Blok a installé un morceau de ses maisons-cabanes, autonomes énergétiquement, et déplaçables. Les cabanes de la ferme des histoires mélangées, créées par la famille Layotte à Sexcles, sont montrées, comme celles des ermites du Moyen-Age, les yourtes, Robinson Crusoé et La cabane de l'Oncle Tom (première traduction avant de l'appeler "case"), des dessins d'enfants sur leurs cabanes, la maquette des hortillonnages par Jacques Hennequin, des photos inédites de Notre-Dame-des-Landes, les hippies, les cabanes-maisons de Guy Rottier (ami de Reiser et précurseur de l'énergie solaire)... Bref, les cabanes, cela concerne tout le monde, les riches et les pauvres, hier et aujourd'hui, ici et ailleurs.
Type de maquette de Jacques Hennequin, conservé chez Nuage Vert ; ph. Bruno Montpied, 2018.
Alors, ne ratez pas ce premier bilan de la base des habitats, celui qui nous rappelle à nos fonctions essentielles et à notre rapport primordial à une nature dont nous faisons partie.
Le livre : Cabanes et anarchitectures achetable par carte bancaire sur lulu.com
Renseignements pour la possibilité de visites privées sur rendez-vous : contact@nuage-vert.com et 06 12 29 60 97.
13:35 Publié dans Amateurs, Architecture insolite, Art immédiat, Art populaire contemporain, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés, Littérature, Questionnements | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : nuage vert, argentat, écologie, thoreau, krizek, anna pravdova, bertrand schmitt, cabanes, anarchitectures, laurent gervereau, hortillonnages, notre-dame-des-landes | Imprimer
11/01/2021
Petit supplément sur Mauquest et ses mosaïques de timbres
Après avoir remercié comme il se doit ce fou de web qu'est Régis Gayraud, toujours prêt à nous délivrer toute fiche signalétique sur le moindre inconnu laissé sur le bord de la route de la grande Histoire de l'Art, en l'occurrence les dates de naissance et de mort de Mauquest (1906-1993 donc ; Régis a même déniché un tweet du Musée de la Poste concernant le même monsieur colleur de timbres, voir ici)), prénommé donc Robert, auteur de fleurs et rosiers en timbres découpés et collés, que j'avais évoqué dans ma note précédente, il me restait à retrouver dans mes albums une carte postale qu'il me semblait avoir acquise auprès dudit Mauquest (et non pas de Guy Môquet) lorsque nous l'avions rencontré, les amis Cerisier et moi, lors de notre balade le long de la Marne vers 1990. La voici, repêchée tout à l'heure:
Robert Mauquest et le fameux rosier du Concours Lépine de 1933, conservé chez lui., avec ses 32 000 timbres et ses 20 000 à la surface de son bac.
Et à son avers, ça donne ça:
Au Concours Lépine de 1933, M. Mauquest avait 27 ans donc (si Régis Gayraud ne s'est pas trompé dans ses explorations d'état-civil, mais c'est exclu...). Cela fait jeune pour un passe-temps qui paraît davantage celui d'un homme âgé, comme les puzzles, les châteaux de cartes, les architectures d'allumettes, les rideaux en capsules de bouteilles, etc. Cette carte postale avait été commandée par lui, qui s'était également fabriqué les tampons que l'on voit dessus. Il se bricolait ainsi une modeste et embryonnaire campagne de communication.
16:50 Publié dans Amateurs, Art immédiat, Art populaire contemporain | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : collages en timbres découpés, mauquest, concours lépine, cartes postales modernes, régis gayraud, musée de la poste | Imprimer
10/01/2021
Timbrés
"Je me souviens que, quand il en avait le temps, mon grand-père Alphonse réalisait des tableaux entièrement composés de timbres-poste découpés et collés comme autant de touches de peinture pointilliste. Son "Coucher de soleil" dans lequel abondaient des fragments de vignettes jaunes à l'effigie de Cérès et d'autres, rougeâtres, du type Semeuse, impressionnait. Son "Bouquet de fleurs", fait de timbres allemands et italiens, ne manquait pas de charme non plus. Cette technique artistique eut de nombreux adeptes. Elle semble avoir complètement disparu de nos jours."
(Michel Laclos, Troyes et moi, éditions Cahiers bleus/Librairie bleue, Troyes, 1999 ; pour la petite histoire, l'exemplaire que je possède provient de l'ancienne bibliothèque de Pierre Tchernia)
Pour accompagner ce texte, écrit par Laclos en suivant la phrase stimulante de Georges Pérec, "Je me souviens", voici quelques œuvres exécutées selon la même technique que celle mise en œuvre par son grand-père.
W. Desnoyers, sans titre, 27 x 34 cm, peut-être années 1930 si l'on s'en remet aux dates tamponnées sur les timbres ; ph. et coll. Bruno Montpied.
Généralement, à côté des paysages, ce que l'on déniche en brocante ce sont souvent des compositions florales, l'imagination des artistes amateurs étant peu portée sur des sujets plus étranges. L'attention est avant tout portée à la technique minutieuse, au record et à l'exploit que cela représente, attitudes, qui avec la copie, plus ou moins transfigurée, font partie intégrante de l'art populaire. D'autres porteront tous leurs efforts vers les marrons, les bouchons (qui, là, bien souvent, débouchent volontiers sur de la caricature et du grotesque) ou les architectures d'allumettes.
Anonyme, sans titre, env. 32 x 25 cm, ph. et coll. B.M.
Il y a fort longtemps, bien avant que je me mette à collectionner de façon plus systématique, j'avais rencontré par hasard en compagnie de deux amis, du côté du Bras du Chapitre à Créteil, sur les bords de la Marne, un vieux monsieur qui invitait les passants à visiter son garage qu'il avait transformé en galerie improvisée. Il y exposait des dizaines d'arbustes artificiels, principalement des rosiers, réalisés sur des armatures de fil de cuivre, grâce à un enrobage de timbres verts et rouges soigneusement découpés et collés autour des troncs et branchettes. Certains avaient été présentés aux concours Lépine, concours qui vit de nombreux amateurs, dans les premières décennies du XXe siècle, se mettre sur les rangs pour montrer des réalisations de toutes sortes, tenant à la fois de l'artistique, du bricolage, et du passe-temps d'amateur (beaucoup de créateurs populaires sont à redécouvrir dans les archives de ce concours, voire dans les cartes postales d'époque qui les évoquent souvent). J'achetais à ce monsieur Mauquest un petit arbuste ("artbuste"?), que j'ai toujours.
Mauquest, Sans titre, 20cm de haut avec étiquette au pied déclarant : "Fleurs artistiques en timbres-poste. Médaille d'Or Concours Lépine 1933. MAUQUEST, 16 rue du Moulin Bersot, 94000 Créteil . Téléphone 207-21-73. Cette fleur est faite de 80 timbres-poste. A Créteil le 8. 1982."
Cela dit, une des compositions les plus élaborées qu'il m'ait été donné d'acquérir – temporairement –, ce fut le paysage ci-dessous, chiné auprès du brocanteur Philippe Lalane, composition que j'ai été cependant amené à échanger récemment contre une autre oeuvre d'art avec un autre collectionneur amateur de ce genre d'artisanat original.
Anonyme, sans titre (paysage), collage de timbres, 33 x 45 cm, sd, ; ph. B.M., collection privée, Paris.
00:17 Publié dans Amateurs, Art naïf, Art populaire contemporain, Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : timbres, tableaux en timbres, collages, mosaïque de timbres, art modeste, dadas, violons d'ingres, petit art, art amateur, w. desnoyers, mauquest, michel laclos, concours lépine | Imprimer
03/01/2021
Info-Miettes (36)
Actualité de Benjamin Péret
Un livre sort, édité par l'Association des amis de Benjamin Péret, intitulé Comme un haricot au clair de lune. Les collections Benjamin Péret de la Bibliothèque municipale de Nantes.
"Les collections Benjamin Péret réunies par la Bibliothèque municipale de Nantes n’ont pas d’équivalent ailleurs en Europe, comme aux États-Unis. Cet ensemble est impressionnant autant par le nombre que par la qualité des documents. L'ouvrage est un complément indispensable à l'exposition La parole est à Péret qui s'ouvre à Nantes en janvier 2021." (Association des Amis de Benjamin Péret). Pour en savoir plus, cliquez sur le lien ci-dessus ("Un livre", ou "L'ouvrage").
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Sortie de la revue Trakt n°12
Paru en novembre dernier, j'ai oublié de mentionner la sortie de ce numéro où figure un article de mézigue sur la découverte aux Puces de sept peintures d'une artiste réservée, qui exposa rarement, en dépit du charme hors-modes de son univers visionnaire symboliste, Dominique Dalozo, d'origine argentine comme sa compagne Yvonne Bilis-Régnier, dont, d'ailleurs, je ne suis pas sûr que cette dernière ne soit pas l'autrice de quelques-unes des peintures retrouvées dont seules quatre sont signées de Dalozo (dont celle reproduite ci-contre).
La revue nous apprend également, par le truchement de Jeanine Rivais, le décès du docteur Jean-Claude Caire (1933-2020), le passionné qui anima longtemps, en compagnie de sa femme Simone le désormais célèbre Bulletin des amis de François Ozenda. Il était impossible d'aller parler quelque part en leur compagnie chez un autodidacte quelconque sans avoir la surprise de retrouver tous les propos retranscrits dans leur bulletin à la suite d'un enregistrement secret dont personne évidemment n'était prévenu à l'avance. Cela faisait partie du folklore attaché aux pas de l'ineffable docteur.
Pour acquérir la revue ou savoir où on la trouve (la librairie de la Halle St-Pierre) c'est par là.
Jean-Claude Caire, à Nice, ph. Bruno Montpied, 2008.
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Brut, Singulier, Hors-normes, Le Guide de l'Art Buissonnier, un nouvel Hors-série du magazine Artension
Autre parution, celle-ci début décembre 2020, ce Guide, un hors-série du magazine Artension – auquel j'ai collaboré par plus de 60 notices sur divers lieux et sites à travers les quatre régions dont j'avais la charge (Ile-de-France, Pays de la Loire, Nouvelle Aquitaine, Occitanie), plus une liste d'événements, un éditorial que j'ai signé en commun avec la rédactrice en chef du magazine, Françoise Monnin (qui signe parfois quelques notices éparses dans mes régions), un texte aussi sur ma conception des arts spontanés – ce Guide est consacré à la présence de l'art brut, des environnements spontanés (populaires ou alternatifs), à l'art singulier, l'art naïf tels qu'ils se manifestent à travers divers lieux, associations, galeries, musées en France. Une critique cependant ici, l'art singulier tel qu'il est représenté dans ce Guide (pas par moi!), justement, commence à être noyé de plus en plus dans l'art contemporain alternatif de province, perdant peu à peu de sa spécificité qui reposait sur une originalité esthétique, un anarchisme des contenus, une référence en creux à l'art brut, un comportement de ses auteurs en rupture avec les traditions et les hiérarchies dans la diffusion des arts plastiques. Un peu plus de rigueur n'aurait pas été de trop dans la sélection de certaines adresses.
Ce Guide aussi a quelques autres défauts (en plus d'être peut-être un peu cher –19,50€). On n'aperçoit pas assez, par exemple, la distinction entre les pages achetées par des annonceurs et les pages et photos qui relèvent strictement des rédacteurs.
Pages du Guide ouvertes sur la Nouvelle-Aquitaine, avec deux photos et des notices de Bruno Montpied.
Mais en dépit de ces quelques défauts, il représente cependant un outil supplémentaire utile à tous ceux qui cherchent du nouveau et des adresses du côté des arts spontanés et primesautiers en notre joli territoire. Il est trouvable en kiosque et chez les marchands de journaux, maisons de la presse, librairies diffusant habituellement Artension. C'est bien sûr une exhortation à repartir sur les routes buissonnières en espérant retrouver notre liberté et nos cultures alternatives le plus tôt possible (vaccinez-vous dès que vous le pourrez!)...
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Exposition Alain Sanfourche et Jean Dominique à Limoges
Montée à l'initiative de leur principal défenseur, de la même région qu'eux (le Périgord), Jean-Luc Thuillier, cette exposition permet – entre deux confinements et couvre-feux (la barbe)? – de découvrir quelques œuvres de ces deux créateurs, Alain Sanfourche (qu'il ne faut pas confondre avec Jean-Joseph Sanfourche dont la notoriété lui a longtemps fait de l'ombre), naïf et expressionniste visionnaire (voir tableau ci-contre, Paysage imaginaire, 70 x 80 cm, 2007, ph. Bruno Montpied) , et le rural Jean Dominique, plus brut, sculpteur ultra modeste et infiniment touchant (voir ci-dessous la photo de B.M. prise dans la collection permanente du Musée de la Création franche à Bègles). C'est dans la Galerie (d'encadrement) Vincent Pécaud, à Limoges, que cela se passe. Les dates (à vérifier auprès de la galerie, comme toutes les dates d'expo en ces moments troublés où aucune information n'est vraiment stable) sont du 28 novembre 2020 au 30 janvier 2021.
21 rue Elie Berthet 87000 LIMOGES. Tél. : 05 55 34 35 47
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Exposition "Hors les murs" du Musée de la Création Franche
Si on ne sait pas encore exactement, en dépit d'informations ayant filtré sur Sud-Ouest (dont je me suis fait l'écho dans le Guide de l'Art Buissonnier cité ci-dessus) ce que sera l'activité du musée durant la période de travaux assez longue qui s'annonce à partir de la mi janvier, avec fermeture du musée, qui sera le nouveau responsable de la Création Franche (Pascal Rigeade prenant sa retraite, qu'on lui souhaite la meilleure possible bien entendu), et ce que l'on a prévu comme activités – ou non – à l'extérieur du musée, pendant ces deux années, on peut tout de même signaler une expo hors-les-murs d'ores et déjà en place à l'EHPAD Marion Cormier, situé à Bègles, du 15 décembre 2020 au 15 mars 2021. "Hyménée automnal : un chœur de conteurs", c'est son titre. Une sélection d'œuvres du musée est proposée aux résidents, "en résonance" avec trois récits similaires à des contes créés par des personnes "physiquement isolées mais réunies par ce travail d'écriture". Le terme de conte étant probablement envisagé de manière extensive, non relié rigoureusement à la notion de conte de tradition orale, qui lui n'a pas d'auteur précis.
Yvonne Robert, La Noce à Julia, 1977, coll. Musée de la Création Franche.
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La Patatonie de Serge Paillard
Aux éditions Chatoyantes (joli nom!), est sortie en décembre, ultra discrètement, un nouvel ouvrage consacré au monde imaginaire, la Patatonie, inventé par le peintre et dessinateur Serge Paillard qui se blottit bien loin des sunlights de la médiatisation. Aux dessins exécutés d'après des visions déduites de sa contemplation divinatrice de pommes de terre, se sont ajoutées ces dernières années des broderies sur le même thème. Il s'agit d'un livre d'artiste, si l'on en juge par cette description technique: "Couverture rigide avec titre, texte de présentation et propos recueillis. Format 28 cm x 27,5 cm. Tirage prévu 50 exemplaires. Prix 150 €. Exemplaires numérotés et signés par l’auteur. Chemise intérieure Munken pure 400 gr. Contenant 11 doubles pages au format 27 x 54 cm. Impression sur papier aquarelle 190 gr."
On peut acquérir le livre en s'adressant à... :
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Les Amies et Amis de Martine Doytier font des promesses pour 2021
Reçu ces jours-ci la newsletter de cette association, née l'année dernière (et pas repérée par les auteurs des notices sur l'art buissonnier en PACA, voir le Guide mentionné ci-dessus...). Elle propose un court film intitulé "Martine Doytier, l'étrange monsieur Martin" au sujet de l'automate (c'est lui, M. Martin, justement) qu'elle créa vers 1975, et qui sera bientôt restauré. Une exposition se prépare, des peintures sont retrouvées, un site internet est en gestation, bref l'année 2021 sera sans doute l'année de l'éclatante réapparition de Martine Doytier, étrange artiste atypique.
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L'association l'Art Brut en Compagnie présente ses vœux et ses projets pour l'année nouvelle
Cette autre association, basée sur la collection d'art brut d'Alain Moreau – collection pour une fois réellement en rapport avec le véritable sens de l'art brut –, en recherche d'un local où pouvoir montrer et monter des expositions et autres animations sur les créateurs qui lui sont chers, nous envoie ses vœux pour l'année nouvelle tout en communiquant le programme des manifestations auxquelles elle collaborera dans les mois qui suivront. Voir ci-dessous :
Raymonde et Pierre Petit, Départ pour l'Amérique du Cirque Pinder, coll. A. Moreau, ph. Dominik Fusina.
Carte de vœux et programme à venir... Corrigée par moi (Alain Moreau me pardonnera).
15:55 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art singulier, Art visionnaire, Environnements populaires spontanés, Environnements singuliers, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés, Hommages, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : benjamin péret, association des amis de benjamin péret, jean-claude caire, bulletin des amis d'ozenda, dominique dalozo, bruno montpied, symboliste secrète, revue "trakt" n°12, guide de l'art buissonnier, hors-série artension, françoise monnin, alain sanfourche, jean dominique, jean-luc thuillier, galerie vincent pécaud, création franche, yvonne robert, serge paillard, patatonie, éditions chatoyantes, art brut en compagnie, alain moreau, raymonde et pierre petit, martine doytier, les amies et amis de martine doytier | Imprimer
01/01/2021
Voeux 2021
Que souhaiter pour l'année nouvelle de plus sincère qu'un appel à résister à cette invasion qu'on veut sournoisement nous imposer en profitant de la Covid, comme une nouvelle épidémie secondaire tout aussi néfaste, à savoir l'épidémie du virtuel, concomitante avec l'épidémie de l'isolement?
Rien de plus irritant que ces newsletters de musée ou de galeries qui, prenant leurs correspondants pour des buses, croient leur asséner une bonne nouvelle, un scoop extraordinaire, en leur présentant des expositions virtuelles, où, sans parler des nausées que causent les déplacements virevoltants au sein de ces salles artificielles et aseptisées, il n'y aura jamais de quoi satisfaire l'amateur affamé de présence physique des objets de sa curiosité, s'enquérant du regard des autres mis en présence des mêmes œuvres d'art, attentif aussi à l'appréhension de l'espace, de la muséographie, ayant aussi apprécié de s'être déplacé pour venir au musée, dans l'antre des œuvres, où il en aura découvert d'autres ce faisant, par hasard...
Un ami m'a récemment averti qu'il entrerait dans le calcul de responsables de musées de pousser à un autre usage des musées et des expositions. Ils auraient en vue d'instaurer des visites à deux vitesses. Une pour les spécialistes, les connaisseurs, et une autre pour les "touristes", la vile tourbe venue de manière pavlovienne au musée, sur commandes de professeurs, ou pour satisfaire au programme des tours operators, que sais-je, bref, la vile masse de qui l'art devrait être mis à distance définitive grâce à ce sacro-saint virtuel. L'accès démocratique à ce dernier serait enfin dénié, et réservé à l'élite, ces salopards de l'élite. L'horreur... Une de plus.
Merde! Qui se préoccupe des musées actuellement fermés, je n'entends que peu de réactions. Rendez-nous l'art prisonnier des connaisseurs et des conservateurs de tous poils. Tous les publics ont droit à être mis en présence matérielle des oeuvres d'art. Elles appartiennent à TOUS.
Comme il existe des fêtes privées dans des hangars, des terrains vagues ou sur voies de chemin de fer désaffectées, faudra-t-il organiser des expositions clandestines?
Résistance en 2021!
15:14 Publié dans Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés, Questionnements | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
29/12/2020
La recherche sur Kobus s'augmente de deux pièces retrouvées...
Kobus, ce nom, j'en ai déjà parlé à la fin février 2019, voici donc presque deux ans – qu'on veuille bien se reporter à cette note. J'y causais de deux bas-reliefs sur bois dont l'un est signé de ce nom, Kobus, probablement un pseudonyme, peut-être inspiré du nom d'un personnage du roman L'Ami Fritz d'Erckmann-Chatrian. A quelques mois de mes deux premières trouvailles, effectuées sur un trottoir des Puces de Vanves, j'acquis un autre bas-relief taillé sur un bois luisant comme les deux autres, exprimant le même goût pour la plaisanterie, quoique plus orienté vers le calembour visuel. Qu'on en juge ci-dessous:
Inconnu, Les Stupéfactions d'Hippocrate, bas-relief sur bois (du noyer ?), 45 x 35 cm, sd, ph. et coll. Bruno Montpied.
Sur ce panneau, le célèbre médecin grec, "patron" des milieux médicaux en tous genres comme on sait, reste perplexe devant un pantin à demi rangé dans un tiroir... Il tient à la main l'outil servant à faciliter la sortie des bébés lors des accouchements, les fameux forceps. Il apparaît évident que l'auteur du bas-relief, outrepasse la seule dimension possiblement caricaturale du gynécologue représenté sous les traits d'Hippocrate. Cela va plus loin puisque la scène nous signifie plaisamment sa surprise devant l'accouchement inédit qui lui échoit, réalisation de l'expression familière, "avoir un polichinelle dans le tiroir"... Il s'agit donc d'un calembour visuel, datant vraisemblablement du XIXe siècle, en tout cas bien antérieur aux peintures basées sur des calembours d'un Christian Zeimert (disparu en octobre dernier), dont les tableaux pouvaient s'intituler le Monument aux ivres-morts, Jésus et ses dix slips, Le fils du Père Barbelé, Le dernier cardeur, ou encore Mourons pour les petits oiseaux.
Il n'est pas sûr que ce dernier panneau soit de la même main "kobusienne" que les deux évoqués dans ma note du 28 février 2019, car le grotesque en particulier ne s'y retrouve pas (de même, on n'a affaire qu'à un seul personnage, et plus à des groupes d'hommes). Mais la technique, le style, et la façon de titrer aussi, les apparentent aux deux autres. Je n'ai pas eu d'information supplémentaire comme d'habitude concernant la source de l'objet... Mais notre fidèle lecteur, M. Jean-Christophe Millet (voir commentaires ci-après), nous a signalé, suite à une première mise en ligne de cette note, un recueil de textes plaisants de Paul Reboux, de 1928, illustrés de neuf dessins de René Vincent, intitulé justement "Les Stupéfactions d'Hippocrate", où l'on retrouve en plus du même titre, parmi les dessins ce qui apparaît comme l'image qui a exactement inspiré le sculpteur du bas-relief:
René Vincent, dessin dans le recueil Les Stupéfactions d'Hippocrate de Paul Reboux, 1928. ;L'horloge en haut du meuble sur le dessin a été remplacée par un sablier dans le panneau sculpté, avec comme autre différence, la couronne de laurier sur l'arrière du crâne d'Hippocrate dans le dessin absente sur le panneau...
Enfin, pas plus tard qu'hier, un ami corrézien m'a appris qu'il a à son tour acquis un autre bas-relief, cette fois de même style que mes deux panneaux avec groupes, et, de plus, encore signé "Kobus", avec des personnages nettement grotesques. Encore une caricature, très voisine par l'esprit et le style de mes deux bas-reliefs "Aux bains froids", et "Après l'enterrement d'un ami" :
Kobus (signé en bas à droite), L'arrivée des recrues à la caserne, dimensions non communiquées, sd. ph. et coll. particulières.
Etant donné l'uniforme du trouffion à gauche qui reçoit les recrues, et les costumes des apprentis bidasses, où les coiffures ont fait l'objet d'une attention particulière de la part du sculpteur, comme si ces dernières étaient chargées de rappeler les professions d'origine des différents conscrits, je pencherais pour une datation aux alentours des années 1880, voire plus tard?... Ce panneau, de plus, confirme que le nom Kobus est bien une signature d'artiste.
L'enquête, devant cette œuvre qui s'agrandit, doit continuer, à l'évidence... !
09:04 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art insolite, Art naïf, Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : kobus, art populaire insolite, caricature, accouchement, calembour visuel, polichinelle, argot, conscrits militaires | Imprimer
25/12/2020
Des sapins à Noël
Dessin de Zaitchick dans Le Parisien du 7 novembre 2020.
01:26 Publié dans Danse macabre, art et coutumes funéraires, Tel quel | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : dessin d'humour, le parisien, sapins de noël, zaitchick, mort, cercueils | Imprimer
14/12/2020
La poésie aujourd'hui (2): les poèmes de mots collés de Vanessa Ancelot
Il y a quelques années, alors que je travaillais encore en Bibliothèque Centre de Documentation (BCD) d'une école primaire du Bas Belleville, je proposais de temps à autre aux enfants dans mes ateliers d'écriture organisés le soir pour des CE1 (des 7-8 ans) d'écrire des phrases en piochant dans des boîtes de mots découpés au préalable par d'autres enfants, notamment des CP, pendant le service d'interclasse du milieu de journée. L'essentiel étant de réaliser des phrases "qui tiendraient debout", qui seraient syntaxiquement valables. J'étais un animateur et non pas un enseignant, et je proposais cela comme une expérimentation ludique. Le collage des mots avec leurs couleurs, leurs typographies variées, souvent attractives, plaisait aux enfants qui fréquentaient l'atelier et la BCD (ils avaient choisi cet atelier-lecture (et écriture) avec leurs parents et étaient a priori motivés).
Collage de Fatima (toute une philosophie du comportement à avoir vis-à-vis de son enfance parmi les autres condisciples quand on est une très jeune fille), vers 1996, archives Bruno Montpied.
Collage de Tseman M., (qui soupirait peut-être de ne pouvoir faire comme le corbeau, au plumage noir comme la couleur de sa peau ; d'origine africaine, Tseman, par ce texte, retrouvait (ou répercutait?) le ton des proverbes africains par ailleurs), archives B.M.
Collage de Arnaud (grave question...), archives B.M.
Collage de Christine W., (un coup de dés n'abolit jamais le hasard?), archives B.M.
Collage de Léa M. (qui dans ses collages aimait les phrases lapidaires mais au sens - comme le lait - condensé), archives B.M.
Les résultats étaient curieux. Le hasard nous donnait des sortes de poèmes impromptus. On s'accordait eux et moi sur le fait que la phrase devait avoir quelque sens. Je n'étais jamais été sûr qu'ils en perçoivent toutes les dimensions. Pour m'en assurer davantage, je leur demandais d'illustrer ensuite la phrase obtenue.
Poème de mots collés de Louis Aragon, extrait d'un cahier de collages de 1924, (exposé actuellement à "L'Invention du surréalisme", jusqu'au 7 février 2021, à la Bibliothèque Nationale de France, site Mitterrand).
Il y avait des télescopages de mots qui donnaient des éclairs poétiques surprenants, déroutants. Sans bien le savoir, sans m'en souvenir précisément, on mettait nos pas dans ceux des dadaïstes qui avaient joué au début du XXe siècle de même que nous avec des mots découpés et collés, selon la technique que l'on appelle aussi, dans les manuels d'ateliers d'écriture, des lettres anonymes.
On peut convoquer aussi le souvenir dans les années 1950-1960 des collages de mots de Guy-Ernest Debord dans ses livres, illustrés de "structures portantes" d'Asger Jorn, Mémoires ou Fin de Copenhague.
Mots collés dans un carnet par Vanessa Ancelot, 2020. Photo et collection de l'artiste.
Mais tout cela m'est revenu ces temps-ci grâce à d'excellents collages réalisés récemment par une jeune femme de nos amis, Vanessa Ancelot, qui excelle dans cet art, je dois dire, obtenant des poèmes très drôles, percutants, qui renouvellent avec bonheur la poésie contemporaine, faite de ronron et de vers obscurs très souvent enquiquinant. Jugez plutôt d'après les exemples ci-dessus et ci-dessous. Chaque poème, pour se distinguer des voisins, est entouré d'un trait de crayon.
Vanessa Ancelot, ph. et coll. de l'artiste.
Vanessa Ancelot, ph. et coll. de l'artiste.
Vanessa Ancelot, ph. et coll. de l'artiste.
Et cet avant-dernier pour la route, imprégné d'un bel humour noir, ce dernier prenant souvent le relais de la tendre moquerie, du goût de l'absurde aussi parfois, ou de la poésie directe à coloration narquoise.... :
Vanessa Ancelot, ph. (détail) et coll. de l'artiste.
Enfin, un dernier collage sur les structures portantes cette fois de l'ami Darnish, bien connu sur ce blog, par ses commentaires fréquents.
Mots collés, Vanessa Ancelot, peinture, Darnish, ph.et coll. des artistes, 2020.
Dernier?... Pas tout à fait cependant. J'oubliais de joindre aux collages ci-dessus cette affiche photographiée avenue Trudaine dans le IXe arrondissement ces jours-ci, alors que je méditais cette note:
Adresse à l'attention de "Monsieur le Coronavirus" qu'on prie de s'en aller et de nous rendre toute liberté... Mais ce texte, s'il est réalisé par la technique des mots collés, n'est pas fait du tout au hasard, il est laborieusement volontaire ; ph. B.M. 2020
17:15 Publié dans Art de l'enfance, Art immédiat, Littérature, Poèmes choisis du sciapode, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : mots collés, poèmes de mots collés, collages de mots, art enfantin, louis aragon, dadaïsme, vanessa ancelot, humour noir, goût de l'absurde, surréalisme, guy-ernest debord, asger jorn, darnish | Imprimer
01/12/2020
L'Atlas des Régions Naturelles, une entreprise cousine de ce blog
Signalé par ma jeune camarade Tamaya Sapey-Triomphe, que je remercie hautement au passage, l'Atlas en question a entrepris de recenser par le truchement de classifications et surtout de photographies toutes sortes de réalisations volontaires ou involontaires dans l'espace en France, relevant peu ou prou de ce que l'on appelle l'architecture vernaculaire. Le territoire est envisagé dans le cadre de ses régions dites naturelles, et non pas dans son découpage administratif de départements et régions artificielles. Un index de ces régions est donné sur la page d'accueil du site web. La mise en ligne de ce dernier est très récente (le 5 novembre 2020), tandis que le recensement lui-même, ayant produit jusqu'à présent plus de 12 000 clichés, a été commencé en 2017.
Le découpage de la France en régions naturelles selon l'ARN.
A Nassigny, ph. ARN.
Les auteurs, Eric Tabuchi et Nelly Monnier, paraissent bien sympathiques, si l'on s'en rapporte à leur portrait, lorsqu'ils sont assis à l'arrière de leur voiture d'explorateurs...
Nelly Monnier et Eric Tabuchi, les auteurs de l'Atlas des Régions Naturelles, ph ARN.
"Au moment d’entreprendre ce travail, cela faisait déjà un moment que nous nous demandions comment documenter l’architecture vernaculaire française et, plus largement, comment représenter un territoire dans toutes ses nuances." (E. Tabuchi et N. Monnier)
Cet ARN, cliquez pour la page d'accueil ICI, on s'y balade par plusieurs entrées. Personnellement, j'ai d'abord essayé la section "art brut" (on ne se change pas...), peu fournie (pour le moment... ; à signaler que l'art brut de cet ARN se limite aux environnements spontanés). Puis je me suis dirigé vers "petit patrimoine", "initiative personnelle". "maisons modestes", "fresque figurative", "tas et reliquats", et encore "enseigne-objet", "cinémas" (désaffectés ou non), ou "graffiti" (hélas, seulement perçus sous la forme des graffiti pulvérisés et non pas incisés, plus anciens, et historiques).
Portail original à Ruan sur Egvonne (Perche vendômois), photo ARN (à noter que les photos que j'extrais ici par capture d'écran, justifiée par les besoins de la communication autour de ce site web, ne peuvent être que d'une médiocre résolution, le site ne permettant pas l'enregistrement). Ce décor m'est inconnu et n'a donc pas été recensé par moi dans le Gazouillis des éléphants.
Construction insolite à Vic-le-Comte, Limagne, ph. ARN ; idem, site inconnu de moi jusqu'à présent...
Bien entendu l'écrasante majorité des entrées est dominée par des polarisations architecturales (toujours à la surface des sols, on ne va pas dans les souterrains), mais enfin, l'éventail de la curiosité de ces deux chercheurs qui ne dédaignent pas de présenter leur entreprise comme une "aventure artistique" (j'ai pensé au couple d'Allemands, Bernd et Hilla Becher, qui ont fait une oeuvre de photographe en dressant une typologie d'architectures industrielles, et des châteaux d'eau notamment ; il est probable que ce soit une référence pour nos deux explorateurs de l'Atlas) est très vaste et très hétéroclite. Si pour le moment ils ne sont pas allés apparemment vers les cimetières, rare manque pour le moment, – on pourrait pourtant y rencontrer beaucoup d'édicules, tombeaux et autres ornementations diverses parfois fort insolites – à se promener dans leur site, on se convainc rapidement de l'étonnante variété des monuments de tous ordres que l'on peut rencontrer en France.
Monument aux morts insolite, La Ville en Tardenois, ph. ARN.
Sculptures en fers à cheval, à Gondrecourt le Château, ph ARN.
Sur ce blog, cela fait un certain temps que je m'efforce de le faire percevoir à ma manière, dans une perspective moins architecturale, et plus dans l'esprit de ce que j'appelle "la poétique de l'immédiat". Sans parler des environnements populaires spontanés, à la Cheval ou à la Picassiette, cela fait longtemps que je reste étonné devant les créations d'artisans rocailleurs, les tours Eiffel en toutes matières (c'est une des catégories que l'on rencontre sur l'ARN, avec plusieurs exemples que je ne connaissais pas, voir la note que je leur ai consacrée récemment), les architectures ou les monuments incongrus dont on a perdu la fonction, les monuments aux morts atypiques, les boîtes aux lettres insolites, les enseignes hors normes, les arbres morts sculptés, les vieux cinémas de province ancienne mode (avant l'époque des multiplex), etc.
Allez, on se précipite tous sur l'ARN... Bon voyage !
Eolienne (de Girard ou de Bolée), à Bouge, près de Laval, ph. Bruno Montpied, 2020.
17:31 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Architecture insolite, Art Brut, Art immédiat, Art insolite, Art populaire contemporain, Cinéma et arts (notamment populaires), Environnements populaires spontanés, Environnements singuliers, Graffiti, Sur la Toile | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : atlas des régions naturelles, tamaya sapey-triomphe, art brut, environnements populaires spontanés, architecture insolite, petit patrimoine, architecture modeste, initiatives personnelles, constructions bizarres, eric tabuchi et nelly monnier, architecture vernaculaire, enseignes, monuments incongrus, graffiti, boîtes aux lettres, cimetières | Imprimer
22/11/2020
La poésie aujourd'hui (1)
Cadavres exquis
Darnish, Laurent Mahuas, Bruno Montpied
(séance de la nuit du 1er janvier 2016, vers 3h du matin)
1.
Et il s’est perdu.
Oui, dans la boîte où étaient rangés les os de son père.
Pourtant, il était un modèle
Qui montrait de bien belles jambes.
J’aime les belles fesses, surtout les grosses.
C’est ce que tout le monde demande à Quentin.
2.
La barrière était trop mouillée pour un drapeau.
Elles levaient la main pour demander à ma femme de chanter à tue-tête.
Cela causait du tapage dans le garage de tous les jours,
Ton four rempli de grains de raisin qui fondent sur
Une grande maison pleine de singes qui grimpent aux rideaux en criant :
Je n’en peux plus !
3.
La couleur verte m’a longtemps ennuyé.
Elle est très belle, trop belle même
Mais je me sens un Superman.
A Concarneau, je pêchais le plus beau poisson du monde.
Certes !
Et on s’en ira vers le bord de mer des algues qui ressemblent aux cheveux, bien sûr !
Car je suis un cochon.
4.
(Laurent Mahuas, Bruno Montpied)
L’ourlet déchiqueté de sa jupe,
Je n’en ai rien à foutre.
Là, au fond de la trompe de l’éléphant,
Une petite chapelle inconnue
Baisse les yeux
Avec le temps.
20:57 Publié dans Littérature, Poèmes choisis du sciapode | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : cadavres exquis, darnish, laurent mahuas, bruno montpied, poésie contemporaine | Imprimer
16/11/2020
Benjamin Deguenon
œ
Carton recto-verso de l'exposition à la galerie Dettinger-Mayer qui aurait dû se tenir en novembre 2020, en plein reconfinement... Et qui n'aura été vue que de rares privilégiés (pas de prolongement de prévu, car d'autres artistes attendent derrière).
Ce n'est pas les fermetures de galeries pour cause de confinement qui m'empêcheront de présenter les découvertes des uns et des autres galeristes bien inspirés, comme Alain Dettinger à Lyon dont je soutiens régulièrement l'action, les recherches, les propositions d'artistes qu'il ne cesse de recueillir ici et là, avec sa curiosité tous terrains. En l'occurrence, il présente actuellement un très intéressant artiste béninois qu'il a rencontré à Cotonou, Benjamin Deguenon, que l'on pourrait ranger tout à fait dans un art brut contemporain
Benjamin Deguenon, dessin au stylo Bic sur papier, série "Irréalités", 2020. Image reprise d'Instagram.
Ce dernier semble avoir commencé en 1996 si l'on suit le site web de l'Agence Dekart (béninoise sans doute) où ces propos sont attribués à l'artiste : "Je pourrais dire que j'ai commencé en 1996 sans m'en rendre compte que c'est de l'art que je faisais."
Benjamin Deguenon, dessin au stylo Bic sur papier, série "Irréalités", 25 x 32,5 cm, 2019. Image reprise d'Instagram.
Benjamin Deguenon, Dispute, dessin au stylo Bic sur papier, série "Irréalités", 2017. Image reprise d'Instagram.
Le CV que l'on trouve également sur internet (sur un blog à son nom, probablement animé par une connaissance de l'artiste, mais qui ne paraît plus avoir été continué depuis 2013) fait remonter sa première exposition à 2000 à Abomey dans une "Maison des arts contemporains" de la ville. Il n'y a pas d'écoles d'art au Bénin, si bien que, si l'on y pratique l'art, ce ne peut être qu'en autodidacte. Dans un méli-mélo des créateurs bruts avec les artistes contemporains locaux. Deguenon paraît avoir travaillé parmi des artistes plus ou moins complices avec la vedette artistique locale, Dominique Zinkpé (dont les œuvres, personnellement, ne m'impressionnent guère). Un nom d'artiste dont les lecteurs de ce blog se rappelleront peut-être, car je l'ai déjà évoqué relativement à un autre créateur appelé Monlemé Gladys, également béninois. Je disais dans la note que je lui avais consacrée en 2015 qu'il créait "quelque peu dans l'orbite d'un autre artiste de là-bas, déjà pas mal "lancé", le dénommé Dominique Zinkpé, créateur d'un centre culturel, qui lui-même a parmi ses influences admises le peintre d'origine haïtienne Jean-Michel Basquiat." Je soulignais dans la même note le côté déstructuré des compositions de ce dernier artiste.
Benjamin Deguenon, dessin au stylo Bic sur papier, série "Irréalités", 25 x 32,5 cm, 2019.Image reprise d'Instagram.
Or, cette "déstructuration" on la retrouve quelque peu chez Benjamin Deguenon, où toutes sortes d'objets, de formes, de fragments, notamment de morceaux de corps, parfois saignant, suintant, tranchés, amputés, flottent dans le vide de la feuille. L'artiste tente de rassembler ces éléments en les structurant comme il peut. D'où les troncs sans feuillage, parfois semblables à des potences, les fils à la patte ou aux poignets reliant les corps les uns aux autres, les queues traînantes servant de délimitation de sol, les serpents ou les bras démesurément allongés comme autant de traits cherchant à stabiliser les compositions...
Benjamin Deguenon, dessin de 2019. Image reprise d'Instagram. Que représente-t-elle? Une artiste en train de façonner deux statuettes d'homme et femme, tandis que traînent à ses pieds toutes sortes d'objets comme autant de déchets au-dessus desquels l'art se dresse...?
Benjamin Deguenon paraît bien empêtré dans son environnement de "vieilles tôles, débris d’émaux colorés, fils en cuivre, ramassés dans la « jungle urbaine » puis percés, cousus, poncés, vernis et assemblés pour recréer l’espace de la toile." (Fabiola Badoï, sur un site web parlant de l'artiste). Il s'est essayé de manière peut-être un peu trop éclectique, dans une précipitation brouillonne, à diverses formes d'art, le dessin (la série "Irréalités") ne paraissant être apparu que récemment. Il a fait des assemblages à base de matériaux glanés recyclés. Il a fait des décors pour des pièces de théâtre. Il a pratiqué la peinture, l'aquarelle, les encres, le pastel, sans que ce que j'ai vu sur le Net puisse me convaincre que ce soit là le médium le plus idoine à ce qu'il veut exprimer.
Benjamin Deguenon, assemblage peint, 2017. Image reprise d'Instagram.
Benjamin Deguenon, aquarelle, 2019. Image reprise d'Instagram ; on voit dans cet exemple que c'est surtout le dessin qui donne de la force à l'image, les couleurs étant presque superflues.
C'est qu'au Bénin, comme dans d'autres pays d'Afrique de l'Ouest, l'art surgit au carrefour de diverses influences. Des autodidactes purement inspirés doivent probablement composer avec le voisinage d'artistes locaux cherchant à se mesurer aux artistes occidentaux dont les réussites économiques doivent évidemment en fasciner plus d'un. Cela doit être difficile de maintenir sa ligne d'inspiration dans un tel environnement, pressé par les sirènes d'un succès possible dans le domaine de l'art (même genre de sollicitation que dans le domaine du sport, voir ce joli film intitulé Le Ballon d'or). La réputation de "l'art brut", qui pénètre progressivement en Afrique (voir le cas de Pape Diop que j'avais évoqué sur ce blog au début de l'année) vient en outre se surajouter à cette pression – un autre cas de créateur béninois est apparu dans ce corpus avec Ezéchiel Messou, réparateur de machines à coudre, obsédé par elles et les dessinant de façon obsessionnelle au point de les sublimer en des compositions devenues étranges, voir ci-dessous).
Ezéchiel Messou, sas titre (machine à coudre "Lucind"), stylo Bic sur papier, 29,7 x 21 cm, vers 2019; ph. et coll. Bruno Montpied.
Benjamin Deguenon, en dépit de tous ces vents divers, semble avoir dégagé malgré tout sa voie au milieu des sirènes de l'arrivisme, grâce notamment à ses dessins de la série qu'il a intitulée "Irréalités" (qui auraient pu tout aussi valablement se nommer "surréalités", d'ailleurs). C'est le mérite d'Alain Dettinger de l'avoir remarqué en le présentant dans sa galerie de la place Gailleton, en lui offrant sa première exposition personnelle¹ en France.
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¹ Benjamin Deguenon a certes fait des expositions d'échange, en 2012, en collaboration avec l'Association des Artistes de Belleville, à Paris et à Cotonou, mais il semble que ce soit avant tout dans le cadre d'expos collectives.
10:03 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Art singulier, Art visionnaire, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : benjamin deguenon, galerie dettinger-mayer, art brut africain, dominique zinkpé, monleme gladys, jean-michel basquiat | Imprimer
08/11/2020
L'art abandonné, l'art des trottoirs, à réanimer : une autre exposition
Il n'y a pas que les galeries, il n'y a pas que les musées pour montrer l'art actuel ou d'hier. A se promener le long des rues, ou sur les trottoirs des Puces et autres brocantes, on s'en convainc aisément pour peu que ses yeux soient convenablement ouverts et dessillés. Certains tableaux, certaines sculptures ou assemblages s'y trouvent rejetés comme les épaves sur les grèves, attendant qu'un regard compatissant ou intrigué vienne les ranimer.
Youssef Ait Tarazin, sans titre, peinture industrielle sur panneau d'Isorel, 35 x 44,5 cm, 1993. Ph. et coll. Bruno Montpied ; Tableau trouvé aux Puces de Vanves ; l'artiste doit être toujours actif du côté d'Essaouira où il fut autrefois présenté, alors qu'il n'avait que 19 ans, à la galerie Frédéric Damgaard.
C'est un jeu qui me mobilise régulièrement depuis quelques années maintenant. Dans certains cas, après les avoir acquis, la plupart du temps à moindres frais, j'essaye de partager mes découvertes, tentant d'y intéresser un public un peu plus large... J'ai eu l'occasion par exemple de parler plusieurs fois des bouteilles décorées des époux Beynet, encore récemment dans la revue Trakt n°11 (juillet 2020), après en avoir parlé naguère dans la revue L'Or aux 13 îles (n°3, 2014). Leur découverte avait commencé par une bouteille en forme de ballon de rugby repérée sur un stand de vide-grenier banal en dessous de Besse-en-Chandesse (Puy-de-Dôme). Auparavant, dans la revue Création franche (n°29, avril 2008) et puis encore dans 303, Arts recherches, créations (n°119, janvier 2012) et sur ce blog aussi bien sûr, j'avais également eu l'occasion d'évoquer les peintures intimes de l'ancien instituteur sarthois Armand Goupil, dont la production, restée longtemps au secret d'un cabinet oublié, avait été mise à l'encan dans un déballage marchand du côté du Mans. J'ai toujours en tête de lui consacrer une petite monographie si je trouve un éditeur suffisamment passionné pour ce faire...
Couverture de la revue Trakt n°11.
Je parlerai prochainement, toujours dans la revue Trakt (dans leur n°12 à paraître), si les petits cochons ne la mangent pas, des sept toiles sans châssis que j'ai trouvées en brocante le 15 août dernier alors que c'était le jour le plus creux de l'année à Paris, dues à une peintre argentine, Dominique Dalozo, et peut-être aussi à sa compagne, Yvonne Bilis-Régnier, qui après avoir participé à au moins deux expositions – en elles-mêmes déjà assez confidentielles –, dans les années 1960 et 1970, paraissent avoir renfermé leur art dans un cercle intime où elles développèrent une peinture d'allure symboliste aux limites de l'art naïf, complètement hors du temps, déconnectée des modes et des tendances de notre époque, et qu'elles ne montrèrent apparemment jamais, hormis, brièvement, à l'autrice d'un livre sur les mouvements féministes en art à la fin des années 1990.
Toile signée au verso Dalozo, huile, 80 x 65cm, sd ; ph et coll. B.M ; on aperçoit en bas à droite une femme assise en train de jouer d'une flûte, ce qui semble avoir pour effet de convoquer le cortège de fantômes aux bures vermiculaires par delà la mer autour d'un immense rocher...
R. Raha (ou Rosy Russo?), sans titre, crayon sur papier, 29,7 x 21 cm, sd. ; ph. et coll. B.M.
Cependant, ce peut être aussi en galerie que l'on peut trouver des œuvres orphelines de l'identité de leur géniteur ou leur génitrice. J'ai opté récemment pour un dessin signé en bas à droite "R.Raha". Le galeriste (Polysémie), François Vertadier, ne sait pas grand-chose de cet auteur ou cette autrice. Simplement, il délivrait cette information qu'il avait acquis ce dessin parmi une demi douzaine d'autres auprès de la collection de feu Henri Sotta qui lui-même les avait trouvés chez une artiste marseillaise, elle-même aujourd'hui décédée, nommée Rosy Russo (née à Tunis). Pourquoi avoir deux noms d'artiste, si c'est la même dessinatrice?
J'ai de mon côté eu l'occasion de tomber récemment sur internet sur une autre artiste dont le nom pourrait coller avec la signature "R. Raha": une certaine Raha Raissnia, iranienne, née en 1968, vivant aujourd'hui à Brooklin dont un commissaire d'exposition (Brett Littman), dans un salon en 2019 voué au dessin sous toutes ses formes (genre D Drawing), décrivait ainsi l'œuvre : "Les dessins de Raha Raissnia se basent sur des images provenant de ses archives personnelles de photographies et de films qu’elle a soit faits elle-même ou trouvés. Intuitivement, plutôt que d’en faire des copies directes, Raissnia rend ces images abstraites en s’appliquant à les photographier et à les dessiner de nombreuses fois jusqu’à ce qu’elles deviennent méconnaissables et que leur signification première en devienne incertaine." Or, les dessins de cette R. Raha exécutés sur des feuilles très fines, avec un crayon ayant profondément métamorphosé, semble-t-il, une image préalable par un besoin d'en extraire une nouvelle image (de la même manière que cette Raissnia), plus visionnaire à vrai dire qu'"abstraite", semblent correspondre à l'évocation de Brett Littman... Simplement, si les dessins de la galerie Polysémie proviennent de cette artiste iranienne, comment sont-ils arrivés chez cette Rosy Russo? Le mystère reste donc entier.
C'est souvent ce qui arrive, à musarder ainsi du côté des laissés pour compte, des partis sans laisser d'adresse évidente... Pas toujours, cela dit encore, comme dans le cas ci-dessous, une peinture sur papier journal qui m'a, ma foi, aussi tapé dans l'œil encore aux Puces de Vanves.
Alain Péanne, pigments non identifiés sur fragments déchirés de papier journal, 29,7 x 21 cm, sd ; ph. et coll. B.M.
Cette fois, cet Alain Péanne paraît associable à un artiste actif du côté de Chartres, pratiquant plutôt l'estampe, et ayant fréquenté Chomo et Jean-Luc Parant.
Même chose, voici un autre cas d'artiste contemporain, Pascal Vochelet, dont une œuvre se présenta un jour devant mes yeux encore aux Puces où elle avait atterri sans explication, m'intriguant. Là aussi, on a affaire à un artiste actuel s'entêtant à faire dans les arts plastiques, ou plutôt en l'occurrence, graphiques, non encore contaminé par les arts conceptuels. C'est gentillet, mais curieux, un peu étrange. Cet homme à tête de zèbre (sûrement un drôle de) me faisait de l'œil lui aussi et je l'ai emporté chez moi.
Pascal Vochelet, sans titre, 32 x 25 cm, vers 2018 ; ph. et coll. B.M.
Mais le clou de mes découvertes, en terme de laissés pour compte, c'est le tableau ci-dessous, trouvé paraît-il dans la rue, par celui qui me l'a généreusement échangé contre un de mes dessins, M. Callu-Mérite. Une peinture véritablement visionnaire, une ville dans une plaine, confectionnée avec de la matière en léger relief grenu, qui n'est pas sans faire songer à ces autres tableaux visionnaires de l'autodidacte brut Marcel Storr, en raison de ses dominantes rousses, une teinte onirique.
Thierry Sainsaulieu, sans titre, huile sur toile, 32 x 62 cm, sd (fin XXe siècle?); ph et coll.B.M.
19:41 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art Brut, Art des jardins secrets, Art immédiat, Art moderne méconnu, Art naïf, Erotisme populaire | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : brocantes, art oublié, art d'inconnus, armand goupil, louis et céline beynet, galerie polysémie, r. raha, youssef ait tarazin, revue trakt, puces de vanves, puces de st-ouen, rosy russo, alain péanne, pascal vochelet, thierry sainsaulieu, françois callu-mérite | Imprimer
26/10/2020
Du nouveau pour la mémoire de Martine Doytier
M. Alain Amiel m'a écrit – suite aux notes que j'avais consacrées à cette artiste – pour me signaler la constitution d'une Association des Amies et Amis de Martine Doytier, forte à l'heure où je trace ces lignes de cent adhérents (pour en faire partie, cliquer ici). Cela fait beaucoup d'amis... Cela s'accompagne de la création d'un site web entièrement consacré à elle: http://martinedoytier.com/.
Martine Doytier "enchaînée" sous les essuie-glaces d'une camionnette, de Ben apparemment (je dis "apparemment" car la photo – extraite du site des Amis de M.D. – n'a pas de légende, me semble-t-il).
Martine Doytier avec son chien "qui n'aimait qu'elle", photo extraite du site web des Amis de M.D ; elle paraissait bien défendue...
Sur ce site, on trouve un lien vers Instagram avec des photos d'œuvres retrouvées ainsi que des portraits de Martine Doytier, cette artiste qui fut classable un temps dans l'art naïf (elle fréquenta Frédéric Altmann et Anatole Jakovsky) et aussi dans une forme d'art visionnaire (assez tourmenté). Les photos représentent, me semble-t-il, souvent des détails de peintures (pour avoir le titre, les dimensions de la totalité du tableau il faut cliquer sur l'icône montrant un schéma de maison en haut de l'écran, je dis ça pour les Nuls dans mon genre que l'on a oublié d'initier aux arcanes d'Instagram). Est frappante cette grande peinture sur triptyque, que l'artiste laissa inachevée après son suicide en 1984, une sorte de portrait grouillant, visionnaire, des différents protagonistes de la vie artistique niçoise que côtoya Martine Doytier (voir ci-dessous).
Triptyque de Martine Doytier (inachevé), Autour de Nice, avec son autoportrait en peintre vers la droite.
Dans la première Newsletter de l'Association, je retiens la déclaration suivante au sujet des peintures non encore répertoriées de Martine Doytier : "Nous avons lancé une opération de recherche pour tenter de retrouver certaines des œuvres qui ne sont pas localisées ou qui nous sont encore inconnues ! Peu à peu, nous avançons, mais il y a encore beaucoup à faire ! A ce jour, environ une soixantaine d’œuvres est identifiée dont moins de la moitié est localisée. Cela veut dire que nous en connaissons les propriétaires et que nous sommes donc en mesure de documenter les œuvres, voire d'en demander le prêt lorsque nous organiserons une exposition." Le but de ces recherches et de la fondation de l'association est bien de construire le catalogue raisonné de l'œuvre de cette peintre restée si longtemps dans l'ombre de l'Ecole de Nice. C'est ce à quoi s'est attelé Alain Amiel, en même temps qu'à une biographie actuellement en chantier, quoique bien avancée.
Martine Doytier, peinture au titre non identifié, 2F, huile sur Isorel, 1952, collection Jean Ferrero (que je remercie de me l'avoir montrée), ph. Bruno Montpied.
Verso de la peinture précédente, coll. Jean Ferrero, ph. B.M.
"Un appel est donc lancé à tous ceux qui détiendraient des documents ou des informations permettant de retrouver les œuvres de cette artiste." (Site web de l'association). Pour transmettre d'éventuelles infos inédites sur cette artiste, il faut écrire à : <catalogue.martinedoytier@gmail.com>. Un numéro de téléphone est aussi disponible pour ceux qui préfèrent causer de vive voix: +33 6 08 91 56 24.
Qu'on se le dise.
17:16 Publié dans Art moderne ou contemporain acceptable, Art naïf, Art singulier, Art visionnaire | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : martine doytier, alain amiel, association des amis et amies de martine doytier, école de nice, jean ferrero, art naïf, art visionnaire, art moderne, catalogues raisonnés | Imprimer
15/10/2020
Figures, une expo d'art brut par Escale Nomad à la Galerie Rue Antoine
Il n'y a plus beaucoup de temps avant la fin de cette exposition aussi secrète que captivante, montée par Escale Nomad, la galerie de Philippe Saada qui fait le coucou dans le nid des autres (traduire: qui loue temporairement des galeries), dans une petite galerie de la rue Antoine (dont elle a pris donc le nom) dans le XVIIIe arrondissement parisien, juste à côté de Pigalle.
John Henry Toney (1928-2019), sans titre (une femme de fantaisie), peinture (marqueurs à peinture, acrylique ?) sur panneau de bois, sd (années 2000-2010 ?), coll. privée, Paris, et ph. B.M.
Auparavant, Escale Nomad investissait, pour une durée plus courte, une galerie du Marais, rue Elzévir, où la galerie montrait souvent des bruts marocains, mais pas seulement : de l'art indien aussi, et puis, de plus en plus avec le temps, suite à sa participation répétée à l'Outsider Art Fair sans doute, des bruts venus de divers autres pays, la Belgique (Pascal Leyder, ou Joseph Lambert, que j'apprécie fort modérément ; vous vous ferez votre propre opinion dans l'expo rue Antoine), les USA (John Henry Toney, que j'aime beaucoup (voir ci-dessus), ou Inez Nathaniel Walker, visible pour deux dessins de cette dernière rue Antoine), l'Inde toujours (il y a un Kashinath Chawan caché dans l'expo Figures), l'Italie (Giovanni Bosco, présent aussi rue Antoine), le Brésil (Marilena Pelosi, devenue plus française que brésilienne avec le temps, elle aussi dans "Figures"), l'Afrique noire (Ezéchiel Messou et son obsession des machines à coudre de plus en plus délirantes ; il y en a quelques-unes dans l'expo). Bien sûr, le Maroc, la seconde patrie de Philippe Saada, est toujours à l'honneur, notamment avec Mohamed Babahoum, dont notre galeriste a grandement contribué – via les anciennes OAF ("anciennes", parce que, cette année maudite, elle ne se tiendra que de façon virtuelle, ce qui est à mes yeux une calamité, car rien ne remplace le contact physique avec les œuvres) – à diffuser l'existence auprès des grands collectionneurs et au niveau international (personnellement, je n'avais pas attendu cette reconnaissance pour accueillir son art). Un mur de la galerie Rue Antoine présente plusieurs de ses peintures, de même qu'il y en a plusieurs autres dans des cartons.
Ezéchiel Messou, sans titre (une machine à coudre "sublimée"), stylo, tampon sur papier, 29,7 x 21 cm, vers 2019 ; coll. privée, Paris, ph. Bruno Montpied.
Philippe Saada est un marchand selon mon cœur, un frère d'un Alain Dettinger qui tient galerie place Gailleton à Lyon, c'est-à-dire un passionné qui est autant amateur au sens fort que galeriste, un amateur qui sait partager cependant, en tentant de faire connaître ses découvertes, pas nécessairement connues, ce qui lui fait prendre bien sûr d'énormes risques. Il fait partie de la race des défricheurs, et non des suceurs de roue, cette engeance qui pullule, hélas...
Une de ses dernières découvertes, c'est cette femme, sorte de SDF, la tête pas très solide, qu'il a croisée à Essaouira, agressive, qui dessine et peint, semble-t-il avec les moyens du bord, répondant au seul prénom de Khadidja. Voir ci-dessous.
Khadidja, sans titre, 32 x 24 cm, gouache (?) sur papier, 2018 ; ph. et coll. B.M.
Il vous reste dix jours pour aller visiter cette expo. Rien à voir avec une exposition virtuelle, même organisée par une galerie américaine...
00:27 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (1) | Imprimer
14/10/2020
La photo surréaliste en 2020
Photo de Pierre-André Sauvageot (René Magritte, sors de ce corps!).
Guy Girard, membre du Groupe surréaliste de Paris (groupe contemporain), remet ça à la Galerie associative Amarrage rue des Rosiers à Saint-Ouen. Après "le Collage surréaliste en 2018", "le Dessin surréaliste en 2019", voici donc "la Photo surréaliste en 2020". Si les participants du côté français semblent devoir pour le moment se porter timidement vers Ouen-Ouen (terrifiés par la Covid?), les exposants internationaux paraissent avoir davantage répondu présents. Personnellement, je prêterai trois photos (voir l'une d'entre elles ci-dessous).
Il est intéressant de voir comment chaque participant s'investit dans l'idée d'une photo surréaliste actuelle. Non? A noter que certains exposants n'appartiennent pas formellement à un groupe surréaliste (José Guirao par exemple, ou mézigue), cela ne les empêche pas de pratiquer une photo qu'ils pensent correspondre, en partie ou totalement, à la notion surréaliste. La pratique de fixation des paréidolies diverses que l'on rencontre dans la vie quotidienne – et que ce blog recense régulièrement (cela dit, internet en est rempli) – en participe par exemple, je trouve.
Réponse à ces questions à partir du 16 octobre à partir de 18h30, jusqu'au 15 novembre. Attention! La galerie n'est ouverte que les après-midi de week-end, au même moment en fait que les Puces de St-Ouen dans le voisinage desquelles elle se trouve.
Bruno Montpied, Naissance du visage de la rose, 30 x 30 cm (tirage papier), 2017 ; exposé à la galerie Amarrage; cette photo fut prise dans le jardin d'une maison à... Rauzan (Gironde), village où les roses ont des visages, donc.
23:35 Publié dans Art immédiat, Art visionnaire, Photographie, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photo surréaliste en 2020, guy girard, groupe surréaliste de paris, bruno montpied | Imprimer
09/10/2020
Dictionnaire du Poignard Subtil
Saindoux:
"Je me souviens de Madame Ponteiller, fort aimable charcutière de la rue Kléber¹ chez qui mon père se fournissait en tranches de pâté de foie et de galantine dont il était friand. La boutique, riche en produits de toutes sortes pour moi souvent inconnus, me fascinait mais j'admirais surtout, au moment des fêtes de fin d'année, les sculptures en saindoux exposées dans la vitrine. L'artiste anonyme qui les réalisait avait du talent et excellait dans l'édification de mini-châteaux forts auxquels ne manquaient ni les mâchicoulis ni les barbacanes."
(Michel Laclos, Troyes et moi, éditions Cahiers Bleus/Librairie bleue, Troyes, 1999)
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¹ A Troyes. L'auteur, dans ce livre, reprend la tradition initiée par Georges Pérec, avec son Je me souviens, phrase magique qui fait aussitôt lever les fantômes de nos mémoires.
01/10/2020
De la sculpture automatique, un masque du facteur Georges Maillard
Georges Maillard et ses Rocamberlus, j'en parle ailleurs que sur ce blog, en fait dans le numéro 163 d'Artension, actuellement dans les kiosques, puisque couvrant la période de septembre-octobre. Cet ancien facteur, au départ dans sa jeunesse ouvrier agricole et bûcheron, s'est mis, après avoir pratiqué la photographie en autodidacte, via un club photo organisé à l'intérieur de la Poste (il a une prédilection pour la photo réaliste populiste, assez proche de la photographie dite "humaniste"), dans les années 1980, à assembler des pierres aux formes suggestives qu'il avait accumulées depuis des années, à toutes fins utiles. Il allait aux expositions de l'Atelier Jacob entre 1972 et 1982, et il connaissait un peu les sculptures de silex assemblés de Marcel Landreau qui les dressait à Mantes-la-Ville. Cela – il le reconnaît humblement, sans rien dissimuler, car le bonhomme reste modeste – a pu le guider vers ses personnages particulièrement grotesques, tour à tour tourmentés ou cocasses.
Georges Maillard, le théâtre des statuettes sur la 1ère terrasse, photo Bruno Montpied, juin 2020.
Georges Maillard, figure fantastique en ciment-colle sur la 2e terrasse ; ph. B.M., juin 2020.
Mais ici, dans cette note, je ne veux évoquer qu'un petit à côté de sa production. Il ne se contentait pas d'ériger des assemblages de pierres toutes en circonvolutions, il les confrontait à des façonnages en ciment-colle qu'il a mêlés aux pierres sur les terrasses de son terrain pentu (voir la figure fantastique ci-dessus). Cela a donné de grandes figures comme l'ensemble dit des "Chimériques" dont j'ai publié une photo dans Artension. Parfois, il mariait les figures en ciment aux pierres au sein d'une statue, ne dédaignant pas des incrustations d'accessoires, pour souligner les contours des yeux par exemple. Ou bien il se servait du ciment pour réaliser des socles.
Georges Maillard, Rocamberlu installé sur la 1ere terrasse, au-dessus de son garage, associant pierres, ciment, et accessoires incrustés ; ph. B.M., juin 2020.
En maniant le ciment pour ces pièces principales, il lui en restait des chutes qu'il ne se résignait pas à jeter. Alors, d'une main et d'une truelle plus primesautières encore que lors de ses façonnages de figures chimériques, il faisait des masques, parfois des bonshommes, dans une sorte de régression vers les graphismes sommaires de son époque enfantine. Et les abandonnait entre ses Rocamberlus, à leurs pieds, ou bien appliqués contre un parpaing de sa clôture. On en voit dans la photo ci-dessous, placées dans les interstices de ses créatures, modestes œuvrettes auxquelles on ne prête pas attention de prime abord, et pourtant...
Georges Maillard, dans l'escalier vers une de ses terrasses, des figures en restes de ciment semées dans les interstices des Rocamberlus, ph. B.M., juin 2020.
Georges Maillard, bonhomme réalisé en chute de ciment, sur un mur de parpaings, ph.B.M., juin 2020.
A ma dernière visite, Georges Maillard me proposa d'emporter quelque chose, et ma main, comme téléguidée par l'Ange qui me suit et me conseille, se porta sans hésiter vers l'une de ses humbles et pourtant expressives, figurations, un masque grumeleux et souriant, comme d'un être qui aurait beaucoup bourlingué, portant sur sa face les stigmates de quelques excès... Un nouveau compagnon...
Georges Maillard, masque en chute de ciment, 15 x 11 cm, vers 2019 ; ph. et coll. B.M. ; selon l'éclairage, le masque prend des expressions variées: ce jour-là, il paraissait soucieux et son sourire était comme épais, lourd...
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Les Rocamberlus de Georges Maillard sont visibles depuis la rue, au 16 rue de Marines, Osny (communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise, dans le 95, Val d'Oise).
12:39 Publié dans Architecture insolite, Art Brut, Art immédiat, Art rustique moderne, Art singulier, Art visionnaire, Environnements singuliers, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : georges maillard, bruno montpied, artension n°163, rocamberlus, osny, masques en ciment, poésie naturelle, chimériques, pareidolies, atelier jacob, marcel landreau | Imprimer
20/09/2020
Des morts, toujours des morts...
Mort récemment, Jean-Marie Massou (1950-2020) à Marminiac, sans que je sache comment, si, par exemple, comme Molière, il a fini en scène, c'est-à-dire, en ce qui le concerne, en chantant ses cantiques personnels au fond de la terre (voir vidéo ci-dessous) creusée amoureusement toute sa vie, au départ, avec le prétexte d'une recherche de civilisation préhistorique. (En fait, si, on peut savoir comment il est mort: affaissé au pied de son lit, découvert par son ami – et protecteur - l'ancien maire de Marminiac, André Bargues). Voici, parmi d'autres souvenirs de M. Bargues évoqués sur le blog d'un certain Lenous, qui a utilisé sans vergogne un de mes photogrammes sans citer sa source, bonjour le sans gêne ; c'est la photo qui sert pour illustrer la vidéo ci-dessous justement), ces propos prêtés à Massou: "Il est grand temps d’arrêter de procréer, mieux vaut adopter. L’apocalypse est bientôt là. Nous sommes plusieurs milliards sur cette terre. Les enfants, c’est fini. Ils n’ont plus d’avenir. Plus de travail. L’ozone décortiqué, le soleil blanc qui commence, plus aucun avenir à attendre. Si vous voulez faire l’amour, embrassez-vous dans une glace ou alors prenez la photo d’une copine."
Jean-Marie Massou est parti explorer le royaume des ombres, photogramme du film d'Antoine Boutet, Le Plein Pays.
Jean-Marie Massou, photogramme Bruno Montpied, extrait du film Super 8 que je lui ai consacré en 1987 ; dans le document sonore, il chante un des "cantiques" de son invention.
Mort encore, tout récemment, José Leitao (1938-2020) que j'avais évoqué dans mon Gazouillis des éléphants, après l'avoir rencontré à Ailly-sur-Somme, grâce à l'ami Laurent Jacquy. Que vont devenir ses sirènes, ses mains de Fatma, ses pions de jeux d'échec? D'ores et déjà, comme Laurent me l'a signalé, on pourra disposer un jour, au moins, de l'ensemble de ses oeuvres photographiées par Jacquy (si ce dernier songe à les léguer à quelque documentation de musée), à défaut de la sauvegarde de son œuvre, qu'il ne vendait pas.
José Leitao (à droite) expliquant en 2011 sa technique à Laurent Jacquy, ph. Bruno Montpied.
José Leitao, une de ses nombreuses sirènes, ph. Laurent Jacqy.
José Leitao, Tu vois ça Oh non, sculpture en bois peint, ph.B.M., 2011 ; Un poing fermé, symbole du combat communiste...
Et enfin, troisième évocation, celle de Yann Paris (1964-2020), pas très connu non plus, mort trop jeune (54 ans...), en laissant derrière lui, me prévient Laurent Jacquy, qui était son grand ami, près de 300 sculptures empreintes d'un esprit enfantin perpétué à l'âge adulte, traitant avec une naïveté assumée aussi bien des artistes, des musiciens (de rock ou de blues), des écrivains connus (Breton...) que des figures admirées des bandes dessinées de sa jeunesse.
Yann Paris, André Breton entouré de ses poupées hopi "Kachina"
Yann Paris, Bodan (sic) Litnianski, 1913-2005, le chef surmonté de figurines d'Indiens et de billes, quelques éléments emblématiques de son jardin Viry-Noureuil dans l'Aisne. Ph.B.M., 2011.
Yann Paris, Le professeur Tournesol, ph. .M., 2011.
Yann Paris, Captain Beefheart. Ph. B.M., 2011.
Yann Paris, des héros de Marvel.
11:37 Publié dans Art Brut, Art de l'enfance, Art immédiat, Art populaire contemporain, Art singulier, Environnements populaires spontanés, Sirènes | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jean-marie massou, laurent jacquy, andré bargues, josé leitao, yann paris, andré breton, bandes dessinées, bohdan litnianski | Imprimer
12/09/2020
Ogres et croquemitaines à Laval
Affiche de l'expo avec en illustration Michel Hénocq, le bien Malotru.
Dans sept jours, ouvre au Musée d'Art Naïf et d'Arts Singuliers du Vieux Château, à Laval (Mayenne), une exposition à la thématique réjouissante pour l'imagination. Les ogres, et – revendiquons la parité hommes/femmes – les ogresses (les castratrices?), les croquemitaines, toutes ces figures destinées à faire peur pour des raisons éducatives paraît-il – venues de nos profonds souvenirs inconscients –, dérivent depuis nos rapports enfantins avec le monde des adultes, et des parents en particulier. Papa, Maman, sont les premiers géants, et parfois les premiers ogres et ogresses. C'est finalement les rapports de domination basés sur l'épouvante que veut illustrer cette exposition proposée par Antoinette Le Fahler, directrice du musée, et son équipe. Le musée ne communique pas pour l'instant sur les artistes qui ont été sollicités pour cette manifestation : j'ai appris, à l'heure où j'écris ces lignes, qu'il y aurait déjà au moins Danielle-Marie Chanut, Anne Van Der Linden, Joël Lorand, Denis Dubois, Hélène Duclos (travail fort intéressant sur lequel j'espère pouvoir un jour revenir) et Murielle Belin (ainsi que mézigue). Dans l'ensemble, on est allé pas mal du côté de plasticiens contemporains plutôt que de l'art singulier.
Voici l'argument de l'exposition tel que présenté par le musée:
"L’Ogre, figure populaire alimentant les frayeurs enfantines, symbolise à la fois la puissance paternelle, les violences familiales, le totalitarisme ou les prédateurs sexuels. Le thème de la dévoration présent depuis toujours dans toutes les civilisations est largement traité dans la littérature, les bandes-dessinées, les arts plastiques et visuels. L’exposition "Ogres et croque-mitaines" propose un regard sur la création contemporaine à travers une diversité d’expressions plastiques relevant des Arts Singuliers, de la Nouvelle Figuration, de l’Expressionnisme contemporain ou de la Pop Culture."
Bruno Montpied, L'Ourson dans le ventre, 30,5 x 23 cm, technique mixte sur papier, 2019 (présenté dans l'exposition "Ogres et croque-mitaines" de Laval) ; ph. Bruno Montpied.
La volonté de faire peur aux enfants, par exemple ceux qui sucent leur pouce (une des bases proposées dans l'étymologie du mot "croque-mitaine" – qui peut s'écrire avec ou sans tiret – consiste à suggérer que l'enfant qui s'entête à sucer son pouce va provoquer l'arrivée du mangeur de doigts...), est à l'origine d'une immense cohorte de personnages tous plus angoissants les uns que les autres, énumérés dans une liste donnée sur Wikipédia (le Babau, le Bonhomme sept-heures, L'Homme au Crochet, le Spétin – qui se cache dans le brouillard et les lieux sombres –, El Coco, la Mano Negra, les Nòchtgròbbe, corbeaux de la nuit..., la vieille Chabine dans le Berry, la Mère Tire-Bras en Sologne, le Picolaton, etc...). La palme, selon moi, que je décerne spontanément, revient à la "came-cruse" gasconne, à l'apparence de jambe munie d'un œil à son genou, courant à travers les rues à la recherche des enfants désobéissants...
Attention, le Coco arrive..., Francisco de Goya, 1797.
Mais si personnellement, je peux faire attention à l'usage "éducatif" qui fut fait (et que l'on fait toujours) de ces épouvantails à enfants (on lira avec intérêt le petit livre de la folkloriste Nicole Belmont, Comment faire peur aux enfants, paru il y a plusieurs années (1999) au Mercure de France), j'ai tendance dans mes dessins à traiter le thème avec désinvolture, oscillant entre la représentation horrifique volontairement poussée et le rendu grotesque et moqueur. Les ogres et ogresses sont souvent ridicules à mes yeux, la plupart du temps. Quatre de mes dessins en couleur figurent dans l'exposition du musée de Laval. Dont les deux que je mets en illustration ici.
Bruno Montpied, Cherchant le Petit Poucet, 24 x 17 cm, technique mixte sur papier, 2011.
Au vernissage, le 18 septembre, des "Ogres et Croque-mitaines", ph. Bruno Montpied.
10:54 Publié dans Art moderne ou contemporain acceptable, Art naïf, Art populaire insolite, Art singulier, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés, Le conte en rapport avec d'autres expressions, Littérature jeunesse | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : musée d'art naïf et d'arts singuliers de laval, géants, parents et enfants, ogresses, bruno montpied, nicole belmont, éducation par la peur, exposition ogres et croquemitaines | Imprimer
29/08/2020
"Le Génie des Modestes" au Centre Emmaüs d'Esteville, avec votre serviteur
On peut s'amuser à comprendre ce terme, "le génie des modestes", comme un jeu qui consisterait à repérer parmi les cinq artistes sélectionnés par Martine Lusardy pour le Centre Emmaüs d'Esteville, au nord de Rouen, le génie en question...! Car la formule est - involontairement - ambivalente... Alors qu'en réalité, il s'agit de présenter une sélection de créatifs modestes... ne disons pas "humbles", parce qu'au moins deux d'entre eux ne le sont guère (je vous laisse deviner lesquels). "Modestes", terme que l'on pourrait aussi interpréter comme légèrement réducteur, si on ne le prenait pas plutôt comme l'indice d'une sincérité dans l'acte de création.
Les flyers, les communiqués de presse, du fait du report des dates de l'expo, sont devenus caducs, car pas réimprimables à volonté...
Cette manifestation, prévue initialement du 1er avril au 30 juin 2020, a été reportée à des temps moins difficiles en terme de visite d'exposition, soit du 1er septembre au 15 novembre 2020 prochains (ouverte tous les jours de 10h à 18h). Elle présente les œuvres de Pierre Caran, Guy Colman Hercovitch, Demin, Namithalie Mendés et Bruno Montpied (votre serviteur).
Pierre Caran, L'homme visionnaire, 30 x 24 cm, 2006, ph. et coll. Bruno Montpied.
Pierre Caran, j'ai déjà eu l'occasion d'en parler à quelques reprises sur ce blog, Je renvoie donc les lecteurs à ces notes précédentes. Je ne connais pas le travail de Guy Colman dont je crois deviner cependant que comme certains nouveaux réalistes d'autrefois il aime les objets usés par le temps. Demin, j'ai aussi parlé de lui dans mes anciennes notes, lorsqu'il avait été exposé à la galerie d'Alain Dettinger à Lyon.
Demin, sans titre (une sirène), vers 2017, ph. Demin.
Namithalie Mendés, c'est une découverte de la librairie de la Halle Saint-Pierre où j'avais été frappé par ses dessins d'une grande ingénuité, ceux d'une enfant perpétuée à l'âge adulte en raison sans doute dans son cas d'une complexion psychologique particulière. Sa saga graphique (commencée à l'âge de dix ans et jamais interrompue depuis ; elle est née en 1994) raconte par séquences diverses sa vie réelle, et rêvée apparemment, manifestant un amour très profond de l'observation des autres êtres humains dont elle rapporte les dialogues dans d'innombrables bulles très vivantes. J'ajoute qu'elle ne veut pas laisser partir définitivement ses productions loin d'elle, car elle y est viscéralement attachée. De tous les créateurs ici exposés, elle est la seule à pouvoir entrer véritablement dans la catégorie de l'art brut.
Namithalie Mendés, deux dessins aux feutres et crayons sur papier, exposés à la librairie de la Halle Saint-Pierre du 1er au 30 juin 2019.
Quant à moi, je ne vais pas me présenter (à d'autres de le faire...), on peut toujours se reporter au photoblog que je tiens depuis 2013 en colonne de droite sur ce blog où j'égrène diverses productions de manière chronologique. Je dirai seulement que j'expose au Centre Emmaüs douze dessins, tous de mêmes dimensions (aux alentours de 32 x 24 cm, encadrés en 40 x 30 cm) dont celui ci-dessous. Ils sont tous disponibles à la vente.
Bruno Montpied, Le Samouraï échoué, technique mixte sur papier, 31 x 23 cm, 2019.
*
ADRESSE: Centre abbé Pierre - Emmaüs. Lieu de mémoire, lieu de vie, Route d'Emmaüs - 76690 Esteville
tél : 02 35 23 87 76 - port : 06 28 27 65 04. www.centre-abbe-pierre-emmaus.org
L'exposition, organisée sous le commissariat de la Halle Saint-Pierre, est ouverte tous les jours de 10h à 18h.
00:39 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Art singulier, Art visionnaire, Sirènes | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : le génie des modestes, centre emmaüs d'esteville, halle saint-pierre, namithalie mendés, pierre caran, demin, bruno montpied, art brut, art singulier, art contemporain, sirènes | Imprimer
24/08/2020
Sortie dans les librairies en France (enfin) du catalogue de l'exposition sur les Barbus Müller de Genève...
C'est prévu pour le 10 septembre si on accorde tout crédit au site web du diffuseur-éditeur In Fine. Car, à moins d'être allé le chercher à la librairie de la Halle Saint-Pierre, rue Ronsard, dans le XVIIIe ardt de Paris, seul point de vente où il était disponible depuis la réouverture des librairies et autres centres culturels, sa mise à disposition du public avait été passablement retardée par la malheureuse pandémie (il aurait dû être disponible en France en mai, si je me souviens bien). L'exposition au musée Barbier-Mueller, à Genève, a rouvert depuis quelque temps déjà, ayant prévu de se terminer le 1er novembre 2020 (j'étais allé présenter le fruit de mes découvertes à Genève début mars, juste avant que tout se referme...; l'exposition a été heureusement prolongée pour pallier la période où elle a été close).
Couverture du catalogue de l'expo sur les Barbus Müller.
C'est l'occasion de faire le point sur l'énigme liée à ces sculptures en lave et en granit que Dubuffet choisit – en les découvrant chez les marchands Charles Ratton et Joseph Müller, entre 1945 et 1946 – d'associer à la notion d'Art Brut (qu'il commençait à peine de bâtir), tant elles lui paraissaient originales, en rupture avec d'autres effigies de style populaire. Après deux textes de Baptiste Brun et Sarah Lombardi, qui s'attachent au contexte historique de l'entrée des "Barbus Müller" (sobriquet inventé par Dubuffet à cause de quelques barbes aperçues sur certaines sculptures et du nom de Joseph Müller qui en possédait le plus grand nombre) dans l'orbite de l'Art Brut, j'ai donné dans ce catalogue¹ une étude où je révèle le nom de l'auteur de ces sculptures – auvergnat, comme l'avait subodoré Charles Ratton – un paysan, ex-soldat, surnommé "le Zouave", qui habitait aux alentours de 1900 le village de Chambon-sur-Lac dans le Puy-de-Dôme, où il possédait divers terrains. Cette étude est accompagnée d'une iconographie variée, enrichie – élément nouveau par rapport à la première édition, moins développée, de cette étude (cf. le n°17 de la revue Viridis Candela, le Publicateur) – de trois photos relatives à un scoop touchant à un détail significatif du village de Chambon, en rapport étroit avec "le Zouave", détail qui ancre un peu plus la mémoire des Barbus Müller dans cette bourgade... (Je laisse la primeur de ce scoop au catalogue de l'expo du musée Barbier-Mueller, il serait peu élégant de déflorer tout de go le sujet).
Le village (aux alentours de 1920?) ; comme on le voit, le lac est situé nettement plus loin; à gauche on aperçoit le baptistère du Xe siècle situé au plus haut du cimetière ; le jardin d'Antoine Rabany (hélas, ici masqué par des frondaisons) était situé juste en dessous.
Avis donc aux amateurs d'énigmes artistiques et d'Art Brut. Si vous ne pouvez attendre le 10 septembre, précipitez-vous à la libraire de la Halle St-Pierre, où il doit bien rester quelques-uns des exemplaires commandés en avant-première...
Le "chercheur, peintre, écrivain, etc.", Bruno Montpied, lors de la visite de Chambon-sur-Lac, devant l'ancienne cabane du jardin aux sculptures d'Antoine Rabany, en mars 2018 ; photo Régis Gayraud.
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¹ Je dois remercier ici Georges Bréguet qui me mit en relation avec Laurence Mattet, la directrice du musée Barbier-Mueller, qui vit tout de suite le parti que pouvait tirer le musée de ma découverte dans le cadre de l'exposition qu'ils étaient en train de préparer. Et encore un grand merci à Guillaume Zorgbibe et Régis Gayraud qui tous deux ont joué un grand rôle dans mon élucidation de l'auteur des Barbus Müller.
23:18 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art Brut, Art immédiat, Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : antoine rabany dit le zouave, bruno montpied, musée barbier-mueller, librairie de la halle saint-pierre, barbus müller, joseph müller, charles ratton, art brut, dubuffet, guillaume zorgbibe, régis gayraud, georges bréguet, laurence mattet | Imprimer