12/11/2018
7e Biennale de l'Art partagé à Rives (Isère), plus que quelques jours...
J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de parler des biennales "d'art partagé" organisées par Jean-Louis Faravel dans le cadre de son association Œil-Art. Tantôt installées dans l'Île d'Oléron, à St-Trojan-les-Bains, tantôt, comme en ce moment et pour quelques jours encore (cela se termine le 18 novembre prochain), à Rives, en Isère, pas très loin de Grenoble, là où fut fondée la première de ces expositions, me semble-t-il.
Le grand intérêt de ces biennales est de nous faire découvrir à chaque fois, et à des prix la plupart du temps modiques, plusieurs créateurs ou artistes aux œuvres parfaitement attirantes. La dernière édition de cette Biennale (la 7e, pour celles qui sont organisées à Rives) ne déroge pas à la règle, comme en témoignent ci-dessous les quelques images reprises du site web d'Œil-Art parmi les plus frappantes que l'on peut voir, nombreuses, sur le site. On soulignera que ces festivals montés par Jean-Louis Faravel et son équipe, mêlant artistes singuliers et créateurs handicapés ou bruts, voire naïfs, sans hiérarchie aucune, constituent véritablement le haut du panier en ce qui concerne l'ensemble des festivals d'art singulier ou "hors-les-normes" qui se montent ici et là en France. A suivre donc, impérativement.
Thomas Schlimm (un créateur handicapé allemand).
Gabriel Evrard
Imam Sucahyo, un auteur aux limites de l'art brut, indonésien, déjà exposé à la dernière biennale de St-Trojan-les-Bains ; il devrait être incorporé à une grande exposition d'art brut qui est en préparation en Indonésie, avec Ni Tanjung.
Raymond Goossens, créateur qui décline une série d'images campant un détective prénommé Raymond, sorte de projection de lui-même dans un univers de film policier... (Merci à Alain Dettinger et Fatima-Azzahra Khoubba qui me l'ont signalé dans la sélection de Jean-Louis Faravel)
Didier Hamey
Farchat Mobin, peintre naïf du genre "visionnaire", apparemment d'origine slave ; la scène ci-dessus se déroule durant la révolution russe de 1917 (la prise du Palais d'Hiver).
Et... Gilles Manero, un habitué, toujours habité, des biennales de Jean-Louis Faravel... Un surréaliste qui s'ignore, j'ajouterai...
17:50 Publié dans Art Brut, Art naïf, Art singulier, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : farchat mobin, imam sucahyo, gille manero, biennale de l'art partagé, art partagé, jean-louis faravel, rives, art brut, art singulier, art naïf, raymond goossens, gabriel evrard, thomas schlimm, art des handicapés en allemagne, œil-art | Imprimer
11/11/2018
La femme dans la graine guettée par un poignard
Une œuvre d'art? Ce n'est pas toujours ce que l'on croit usuellement. Ce peut être, plutôt qu'une œuvre peinte ou sculptée, une histoire que l'on raconte à son propos. Il faut cependant un objet, un point de fixation pour cette histoire. Et si une aventure s'attache à cet objet et à son histoire première, cela enrichit l'œuvre.
Je vais vous narrer un de ces objets que j'ai acquis récemment, pourvu d'une de ces histoires.
Une statuette, venue d'une graine d'un centimètre à peu près au départ - paraît-il (je crains qu'il y ait beaucoup de "paraît-il" dans cette note -, me fut présentée par un marchand dont je visitais la galerie avec curiosité. Sa boutique exhibait à la fois de l'art d'Extrême-Orient, et des objets aux formes naturelles insolites, des ready-made de hasard, pierres et bois trouvés mis en valeur grâce à un soclage adroit. On voyait aussi par places des statues rongées, ruinées, auxquelles l'usure, la dissolution conférait une beauté composée de tout ce que l'on imaginait à partir de leurs manques sans doute.
Photo et coll. Bruno Montpied.
La statuette, une femme nue, se tenant raidie sur son socle, était constituée d'une matière végétale de couleur jaune, et brun clair par endroits. Elle provenait, aux dires du cartel que le marchand avait placé à ses pieds, d'un chaman birman qui avait ainsi représenté son épouse symbolique. Le plus extraordinaire tenait en ceci, qui faisait tout son prix, qu'elle aurait été conçue en germe à partir de sa graine (dont le marchand ne parvenait pas à se rappeler du nom...), mesurant donc un centimètre. Elle aurait été ainsi "orientée" (par des retouches minuscules!) à même la branche de l'arbre où cette graine était née (il fallait croire aussi au fruit d'un arbre, par conséquent). Le chaman, connaissant fort bien la forme étirée que prendrait cette graine en poussant, avait prévu d'intervenir sur l'embryon du fruit de manière à figurer les jambes, les pieds aux doigts nettement dessinés, les bras le long du corps, la taille marquée, le mont de Vénus, le ventre légèrement renflé, les seins, les fesses au verso, la tête et sa chevelure, les yeux, le nez, la bouche, les épaules... C'était à n'y pas croire, mais c'était fascinant, et j'avais envie de l'admettre.
J'achetais la statuette (de 15 cm environ) et la rapportais chez moi.
Le lendemain matin, mal réveillé, d'un geste malencontreux, je la fis tomber au sol où elle se brisa net au niveau des jambes au milieu, à peu près, des cuisses. Vite, je me précipitai sans réfléchir, catastrophé par ma maladresse, sur de la colle du genre super glu que je m'empressai d'étendre à la jointure des jambes cassées... Hélas! Qu'avais-je fait là? Une tache apparut immédiatement se répandant dans la rainure des jambes et en suivant la ligne de fracture des jambes...
Mais c'est là qu'intervient le paradoxal enrichissement généré par ma double maladresse : éberlué, je constatai bientôt que la tache sombre créée par la colle se diffusant par capillarité dans le végétal jaune affectait à s'y méprendre un poignard, que je pouvais interpréter comme subtil...! Et il était pointé vers le sexe de la femme symbolique du chaman birman. Comme acte manqué, si c'en était un, on ne pouvait guère faire plus complexe...
01:54 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art immédiat, Art insolite | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : chamanisme birman, poésie naturelle, graine sculptée et germée, art immédiat, hasard objectif, poignard subti, art birman, histoires d'objets, acte manqué, femme symbolique, objets blessés | Imprimer
03/11/2018
L'Empire des sens, à la Renaissance, en Quercy
Au cours d'une conversation récente avec Thierry Coudert, par ailleurs grand connaisseur en art populaire, le sujet de nos palabres a légèrement dévié. Il me fit part de son étonnement à propos d'un bas-relief qu'il avait vu (et photographié) au Château de Montal dans le Quercy.
Bas-relief du Château de Montal ; ph. Th. Coudert.
Une femme nue, échevelée, tient à la main droite un phallus, apparemment sectionné, et, à la main gauche, un coutelas (pas un poignard subtil, je vous prie de le croire). Image frénétique s'il en en est... Qui pourrait se déchiffrer ainsi, s'il se rapporte au commanditaire de l'œuvre (et du château), Jeanne de Balsac, qui venait de perdre son fils aîné dans une bataille pendant une campagne en Italie (en 1523) : désespérée par la mort de son fils chéri, sa mère se lamente de lui avoir donné le jour, en vouant aux gémonies le sexe masculin qui l'avait engrossée (et ne s'étant pas contentée, comme on le voit, de l'avoir "voué aux gémonies"...). Une description publiée sur le site qui délivre une notice historique sur ce château (site des monuments nationaux) paraît accréditer ce déchiffrement : "Le décor des lucarnes est en revanche dédié à l'humaine colère d'une mère désespérée par la mort de son fils : folie furieuse agitant ses grelots, allégories du désespoir accompagnées de la fameuse devise « Plus d'espoir »." Le bas-relief reproduit ci-dessus entretient-il des rapports étroits avec les décors de ces lucarnes...?
Cette scène n'est pas sans me faire penser à la séquence du film du réalisateur japonais Nagisa Oshima, L'Empire des sens, où l'on voit une amante poussant la passion amoureuse à un paroxysme effrayant, jusqu'à trancher le sexe de son amant, sexe qu'elle garde contre son cœur, telle une poupée chérie...Un peu trop chérie... Mais que l'on puisse trouver une illustration de ce genre de folie passionnelle dans un château du XVIe siècle en France, n'est-ce pas incroyable?
15:04 Publié dans Art immédiat, Art insolite, Art visionnaire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jeanne de balsac, thierry coudert, art insolite de la renaissance, bas-reliefs, l'empire des sens, castration, désespoir, château de montal | Imprimer
27/10/2018
"La Pinturitas" à Paris et "le Gazouillis des éléphants" aux Tours de Merle
Ce sera le même week-end mais dans deux lieux bien différents... Hervé Couton présentera à la Halle Saint-Pierre ce samedi à 15h son livre consacré à la peintresse espagnole Maria Angeles Fernandez, alias "La Pinturitas", tandis que j'irai de mon côté en Dordogne, demain, dimanche 28, à 17h, aux Tours de Merle, causer autour du film Bricoleurs de paradis des environnements populaires spontanés que j'ai recueillis au sein de mon inventaire, Le Gazouillis des éléphants, paru l'année dernière aux éditions du Sandre (deux derniers exemplaires à vendre, soit dit au passage, à la librairie de la Halle St-Pierre...). Une exposition d'une douzaine de mes photos est également prévue en ces tours, en même temps que des statues d'Antoine Paucard (voir le couple d'amis ci-contre, Paucard et son pote Cronnier, que j'ai photographié en 2011), et ce, du 20 octobre au 4 novembre. A signaler qu'interviendra le maire de St-Salvadour, Pierre Rivière, qui viendra parler justement du musée Antoine Paucard, du nom de ce sculpteur naïvo-brut dont les statues ont été sauvegardées par la mairie de St-Salvadour (Corrèze). Antoine Paucard fait l'objet d'une notice dans mon Gazouillis des éléphants. Ces deux interventions sont une initiative du Nuage vert, le musée mobile de la vallée de la Dordogne, animé, entre autres, par Laurent Gervereau.
René Escaffre, la statue d'un maçon au travail (plus une sirène au loin), Roumens (Lauragais), ph. Bruno Montpied, 2014.
Les tours de Merle
08:59 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hervé couton, la pinturitas, environnements populaires spontanés, rené escaffre, antoine paucard, pierre rivière, tours de merle, nuage vert, musée mobile de la vallée de la dordogne, laurent gervereau, bricoleurs de paradis, librairie de la halle saint-pierre, le gazouillis des éléphants | Imprimer
26/10/2018
Après le Gazouillis (3) : Sottise et jalousie concentrées à Saint-Berthevin, la haie de Guy Souhard éradiquée du paysage
La haie taillée de Guy S. – c'est ainsi que je le nommais dans la notice que je lui ai consacrée dans mon inventaire du Gazouillis des éléphants, sans donner le patronyme complet, car je ne l'avais pas visité et n'avais donc aucun renseignement sur sa volonté ou non de voir figurer son nom en toutes lettres dans une publication – était un petit chef-d'œuvre d'art topiaire, situé apparemment dans un ensemble de villas de type classique, telles qu'on en voit dans les lotissements de si nombreuses périphéries urbaines (mon livre en propose d'autres exemples, à Remémont par exemple, dans les Vosges, en Lorraine). J'avais fait seulement une visite virtuelle, Google street aidant, et il me semblait que l'endroit, dans la commune de Saint-Berthevin, en Mayenne, méritait ce genre de création décorative pour égayer quelque peu l'ambiance générale, passablement aseptisée et monotone...
Google street, capture en juin 2015.
Photo de la même, par Michel Leroux en avril 2015.
L'auteur commente – hélas, c'est muet –, auprès de ses visiteurs ce qui ressemble à un arbre à l'imposante ramure abritant deux chaises, taillée en relief – à moins que ce ne soit un champignon géant? ; ph. Michel Leroux, avril 2015.
Google street, capture en juin 2015.
Et puis il m'apparut que l'auteur de cette haie laissait son patronyme circuler dans les quotidiens régionaux, et donc que je pouvais comme tout le monde l'appeler par son nom, Guy Souhard. Voici ce qu'il déclarait dans un ancien article d'Ouest-France (du 10 août 2016) : "Lorsque je commence, il me faut 45 heures de travail pour sculpter cette haie d'une longueur de 35 m, tout à la main, sans engin motorisé. Bien sûr, je répartis le travail sur plusieurs jours." A cette date, il était indiqué que les thuyas composant sa haie étaient plantés depuis 45 ans mais que cela ne faisait que 15 ans qu'il la taillait figurativement.
Une lectrice de mon livre et de ce blog, Josiane Burzholz, m'adressa un peu plus tard, des photos qu'elle avait prises en mars de cette année. Guy Souhard avait relevé d'un cran son ambition esthétique, il avait rehaussé ses sculptures végétales de traits de peinture!
La haie peinte de Guy Souhard, © ph. Josiane Burzholz, mars 2018.
Détail de la haie peinte ; on notera qu'un éléphant y gazouillait, ici aussi... ; © Josiane Burzholz, mars 2018.
Certes, ce soulignement coloré pouvait paraître discutable, car personnellement, je trouvais que la haie nue, avec ces fantômes de formes, dinosaure, allusion à Armstrong et à la chienne Laïka perdue dans un vol spatial par les Soviétiques (thème qui a aussi marqué Euclides Ferreira da Costa dans sa "Maison Bleue" à Dives-sur-Mer dans le Calvados, comme on s'en souviendra), symboles de jeu de cartes, silhouette de baleine, cœur, etc., se suffisait à elle-même dans sa pureté topiaire de départ. Mais cela plaisait à d'autres (Michel Leroux, bon connaisseur des environnements, m'a fait remarquer, à juste raison, qu'il ne connaît pas d'autres haies de ce genre, à savoir avec de la peinture dessus)...
Las! Patatras... Et fatalitas... Voilà-t-y pas qu'un groupement de riverains a paru s'émouvoir de cette création pas comme les autres. Excipant du PLU (Plan Local d'Urbanisme), arguant (y a du ARGH dans "arguant" et, aussi, de la hargne presque) que la haie était trop haute (je vous demande un peu) et qu'elle débordait sur le trottoir (tu parles, les haies qui débordent ça manque pas, et qu'est-ce que ça peut faire, l'arrêt de bus limitrophe n'était tout de même pas dévoré par la haie... Dommage, du reste, on aurait enfin un peu rigolé à St-Berthevin...), ils ont réussi à faire imposer à notre sculpteur sur végétal de 86 ans qu'il arrache sa haie amoureusement taillée.... On ne peut pas être plus mesquin, d'esprit étroit, et jaloux que ces Berthevinois-là. Non? Il paraît que sur Facebook des internautes s'émeuvent et protestent. Moi, je ne m'affilie pas à ce fesse-bouc-là, mais vous êtes libres d'y aller, chers lecteurs. Et de vous indigner, comme disait l'autre...
Guy Souhard annonce dans Ouest-France qu'il va entreprendre la construction d'une autre clôture, en métal cette fois, autre matériau qu'il apprécie, puisqu'il a aussi réalisé divers sujets en aluminium dans son jardin. Ah, Monsieur Souhard, vous êtes un vrai Edouard aux mains d'argent...
Article de Johan Bescond paru dans Ouest-France ces temps-ci...
15:34 Publié dans Art immédiat, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : environnements populaires spontanés, guy souhard, st-berthevin, art topiaire, plan local d'urbanisme, laïka, vandalisme légal | Imprimer
15/10/2018
Une réaction d'Antoine de Galbert à la publication récente de "L'art brut" chez Citadelles et Mazenod
L'Outsider Art Fair est dans trois jours, grande foire d'art brut, comme on sait, et voici qu'une volée de bois vert paraît précisément maintenant, sous la forme d'un mail circulaire, à l'encontre du livre récemment paru sous la direction de Martine Lusardy, L'art brut, aux éditions Citadelles et Mazenod. Il est signé d'Antoine de Galbert. Je le reproduis ci-dessous par souci d'information, au cas où divers amateurs ne seraient pas sur le mailing de l'auteur.
A propos de la parution de « L’art brut » dans la collection Citadelles/Mazenod.
Je viens de recevoir ce beau livre dont l’ambition est de donner à l’art brut la place qu’il mérite dans l’histoire de l’art mais il ne correspond malheureusement pas aux exigences scientifiques qui ont fait la réputation de cette collection.
Le fait que la maison rouge n’apparaisse à aucun moment dans cet ouvrage n’est pas un oubli, mais une volonté délibérée d’en ignorer le travail. Bien plus incroyable encore est l’absence systématique dans ces pages de l’incontournable collection de Bruno Decharme et du travail remarquable de l’association ABCD. Et ne parlons pas de la bibliographie plus qu’incomplète. Je m’étonne que les Editions Mazenod aient pu confier la direction éditoriale de ce livre à une personne animée par tant de ressentiments inexplicables.
En vérité, cet art n’appartient à personne, et les nouveaux regards qui se tournent vers lui depuis peu exaspèrent ceux qui en avaient abusivement la garde. Il y avait une part d’aigreur dans les positions défendues par Jean Dubuffet qui a théorisé sa pensée contre le milieu officiel dont il se sentait exclu ; une part de jalousie, dont certains de ses héritiers ont peine à se défaire. Mieux vaut défendre ce que l’on aime que l’inverse, et rien ne sert d’opposer un art à un autre.
La maison rouge, inaugurée en 2004, m’a sans cesse donné l’occasion de décloisonner les mouvements ou les époques, dans un pays où il existait peu de passerelles entre les arts. J’ai souvent pâti de cette dichotomie absurde et idiote, qui générait mépris et intolérance, d’un côté comme de l’autre, alors qu’il suffisait de contextualiser chaque forme d’art pour lui trouver un intérêt. Il ne m’a jamais semblé que le dramatique enfermement mental et social des artistes de l’art brut, soit une bonne raison pour maintenir leurs créations dans la pénombre d’un ghetto culturel. Bien au contraire, c’était leur faire honneur de les présenter à un public plus large.
Nous avons organisé un grand nombre d’expositions d’art brut : Henry Darger, La collection Arnuf Rainer, Augustin Lesage et Elmar Trenkwalder, Louis Soutter, Eugen Gabritchevsky, la Collection ABCD/Bruno Decharme… De nombreuses expositions thématiques comme Inextricabilia (proposée par Lucienne Peiry) ou plus récemment L’envol, ont accueilli de ces œuvres, empruntées au musée de Villeneuve d’Ascq, à la Collection de l’art brut de Lausanne, à la collection Prinzhorn, et à bien d’autres… et nous avons régulièrement commandé des textes à des éminents spécialistes appartenant au sérail.
Antoine de Galbert,
président de La maison rouge.
Personnellement, si je trouve normal qu'Antoine de Galbert vienne protester contre le fait que le livre paru chez Citadelles et Mazenod oublierait de citer les nombreuses expositions montées par lui et son équipe à la Maison rouge, de même que le livre passerait sous silence la collection ABCD, effectivement une des plus belles et plus riches collections d'art brut en France, je ne comprends absolument pas qu'il puisse parler, par ailleurs, de "ceux qui avaient abusivement la garde" de l'art brut et qui seraient exaspérés par les "nouveaux regards" (décloisonnant) qui se portent sur l'art brut depuis quelque temps, parmi lesquels il faut compter donc ceux de la Maison rouge.
Il n'y a jamais eu d'autres gardiens du temple brut que Dubuffet et Thévoz pendant longtemps (et après tout, cela permit d'imposer dans le monde de l'art, qui l'avait largement ignoré jusque là, malgré les efforts des avant-gardes de la première moitié du XXe siècle, ce champ particulier de création où tous deux trouvaient de l'unité). C'est seulement à partir de 1995-1996, à l'occasion de l'exposition "Art brut et compagnie", montée à la Halle St-Pierre par Laurent Danchin et – tiens! – justement la Martine Lusardy interpellée aujourd'hui par Antoine de Galbert (car c'est elle, "la personne animée par des ressentiments"), que la Collection de l'Art Brut de Lausanne a accepté de prêter à l'extérieur de leur institution des œuvres de leur collection, dans un projet qui confrontait diverses collections à celle de Lausanne pour la première fois (l'Aracine, le petit musée du Bizarre, le Site de la Création franche, la Fabuloserie et la collection Cérès Franco). Ce projet d'il y a plus de vingt ans devançait ceux que la Maison rouge fit de son côté par la suite, à partir de 2004 donc (et qui furent, effectivement de fort instructives manifestations). On ne peut donc reprocher à Mme Lusardy d'avoir été une gardienne du temple de l'art brut, car elle aussi avait "décloisonné", bien avant M. de Galbert. Il se trouve seulement que tous ceux qui se passionnent pour l'art brut n'ont pas forcément les mêmes manières de comprendre l'art brut.
Mais peut-être, cela dit, faudrait-il regarder plus attentivement ce que l'on envisage aussi parfois derrière tous ces "décloisonnements" (que les surréalistes, pour leur part, avaient initiés, bien avant qu'un Dubuffet ne vienne faire main basse sur l'art qu'il étiqueta "brut"). S'il s'agit de rendre l'art brut soluble dans l'art contemporain le plus cérébral – afin d'élargir la clientèle des galeries d'art brut – comme a tendance à vouloir le faire un galeriste comme Christian Berst, personnellement, je trouverais normal d'émettre quelque avis opposé, sans pouvoir être taxé pour autant de "gardien abusif de l'art brut", terme au fond qui ne veut pas dire grand-chose (et désigne peut-être, de la part de celui qui l'utilise, un désir secret de s'emparer, à son tour et à son seul profit, de l'art brut en question?).
Il est plus que normal de défendre ce que l'on aime. Ce qui n'entraîne pas qu'on veuille l'enfermer dans un ghetto non plus...
16:44 Publié dans Art Brut, Questionnements, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : antoine de galbert, l'art brut de citadelles et mazenod, l'art brut, martine lusardy, abcd art brut, la maison rouge, art brut et art contemporain | Imprimer
10/10/2018
Onirographies sauvagesques d'un côté et cinéma différent de l'autre...
Le 11 octobre, demain jeudi, il va falloir que je me coupe en deux, car la soirée propose deux événements, le vernissage de l'exposition de collages de Pierre-André Sauvageot à la Galerie l'Usine dans le XIXe ardt,, expo intitulée "Onirographies" (Pierre-André Sauvageot était exposé récemment aussi à St-Ouen dans l'expo collective "Le collage surréaliste en 2018", qui vient d'être prolongée jusqu'en décembre, par l'association La Rose Impossible, sous d'autres cieux, à St-Cirq-Lapopie, dans l'ancienne Auberge des Mariniers, plus célèbre pour avoir été aussi un temps la maison d'André Breton), et une projection de huit petits films "hors-les-normes" dus à des francs-tireurs excentriques du cinéma, à 20h dans le Ve ardt.
Pierre-André Sauvageot, Pigeons de Moscou, collage.
1 Programme de la séance de cinéma "hors-les-normes" du 11 octobre au Grand Action
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Ce programme qui prendra place dans une belle salle du cinéma Grand Action rue des écoles dans le Ve ardt parisien sera présenté par les trois mousquetaires du cinéma "différent", voire "hors-les-normes", Florian Maricourt, Boris Monneau (du groupe "Margins", c'est-à-dire "Marges", mais en anglais, comme d'hab', c'est plus à la mode...) et Théo Deliyannis du Collectif Jeune Cinéma. Cinq auteurs apparemment fort excentriques sont présentés donc, Horst Ademeit, Enrique Ley, Alain Bourbonnais (avec son court-métrage de fiction qui met en scène sur l'île de Groix ses créations carnavalesques qu'il appelait des "Turbulents"), Georges Andrus et Le Déboucheur. Andrus est un poète des irisations sur bulles de savon, Ademeit paraît s'exciter sur des phénomènes inexpliqués et des décryptages magiques d'après retransmission de tirages du Loto (il me paraît relever davantage à ce titre de l'immense cohorte des "fous littéraires" que de l'art brut où on le range depuis quelque temps), Ley fait de l'animation en pâte à modeler pour dénoncer les dangers que court la société actuelle, tandis que "Le Déboucheur", entreprise familiale bruxelloise, produit des films destinés à expliquer le débouchage qu'opère l'entreprise sur les tuyauteries de ses clients, ces films pouvant être vus au second degré comme du cinéma abstrait "aux qualités plastiques insoupçonnées", nous affirme Florian Maricourt.
Entre ces deux événements, l'un étant nettement plus éphémère que l'autre, je sais de quel côté je vais aller, quitte à m'enquérir de l'autre un peu plus tard...
14:45 Publié dans Cinéma et arts (notamment populaires), Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : collages, surréalisme, galerie l'usine, pierre-andré sauvageot, fous littéraires, horst ademeit, georges andrus, le déboucheur, alain bourbonnais, enrique ley | Imprimer
02/10/2018
Actualités de la Création franche...
Le musée de la Création Franche à Bègles continue d'être très actif. Je n'ai pas signalé le dernier numéro de leur revue, le 48, de juin 2018, où j'avais passé un article sur Joseph Donadello, vu seulement à travers son activité picturale (car il est génralement plus connu pour ses autres interventions, en trois dimensions, dans son jardin en bordure de route). Parmi les autres articles, on trouve notamment un long texte fort charpenté d'Anic Zanzi sur Ernst Kolb dont j'ai déjà parlé sur ce blog il n'y a pas si longtemps. Et l'on découvre également le travail intéressant du peintre naïf Francesco Galeotti présenté par le critique d'art Dino Menozzi.
Une vue d'ensemble des peintures de Joseph Donadello telles qu'il les exposait en mars de cette année, dans sa véranda, à côté de ses trophées de champion bouliste, ph. Bruno Montpied, 2018.
Le musée béglais monte aussi des animations de temps à autre, je les évoque en leur temps, quand je peux. Cet automne, il soutient un colloque intitulé "L'art brut, un objet inclassable?" qu'il organise conjointement avec l'université de Bordeaux. Cela dure deux jours, le 4 (à la Maison de la Recherche à l'université de Bordeaux, voir ci-dessous) et le 5 octobre, (au Musée de la Création Franche) soit dans deux jours donc.
Dans la série des interventions, j'ai repéré celle de Mme Claire Margat, dont le titre en forme de question ("L'art brut : un art sans artiste?") paraît vouloir proposer une réponse (une réfutation?) à ma présentation du Gazouillis des éléphants, où je qualifie l'art des inspirés des bords de routes d'art sans artiste. On aimerait pouvoir lire le texte de cette intervention. Les actes du colloque sont prévus pour être publiés par la suite dans un numéro hors-série de Création Franche...
La question du titre du colloque est dans l'air du temps. L'année prochaine (au mois de mars), à la Fondation Bost, à La Force (près de Bergerac), le musée de la Création Franche sera également partenaire d'un autre colloque, prévu pour durer, je crois, au moins quatre jours, avec expositions à la clé, au siège de cette Fondation, dans plusieurs musées, dont celui de Bègles, mais aussi à Besançon, à Villeneuve d'Ascq. Cela s'appellera "L'art brut existe-t-il?". Muss es sein? Es muss sein!, aurait répondu l'autre (Léo Ferré, derrière Beethoven)....
Le musée de la Création Franche propose aussi en exposition de groupe cet automne (du 22 septembre au 2 décembre 2018) une nouvelle édition de ses récurrentes, mais à chaque fois différentes, "Visions et Créations dissidentes".
Dans le catalogue de cette manifestation, j'ai personnellement été intrigué par les œuvres de Riet Van Halder (présentées par un texte liminaire d'Ans Van Berkum), et celles d'Heinz Lauener (présentées par Max E. Ammann), où l'on peut déchiffrer sur le "Zeppelin" ci-dessous, l'effigie de Donald Trump, flanquée d'une légende ma foi assez judicieuse : "Der Beserwisser" (qu'il faut lire plutôt comme Der Besserwisser)... "Donald Trump, Le Monsieur Je-sais-tout"... Très drôle, et tellement bien vu, non?
Heinz Lauener, extrait du catalogue "Visions et Créations dissidentes" 2018, Musée de la Création franched
15:29 Publié dans Art Brut, Art populaire contemporain, Art singulier, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : musée de la création franche, colloque l'art brut, un objet inclassable, universités, joseph donadello, création franche n°48, ernst kolb, visions et créations dissidentes, riet van halder, heinz lauener, max e. hammann, donald trump, monsieur je-sais-tout, fondation bost, anic zanzi, dino menozzi | Imprimer
01/10/2018
Sculpture lippue, sculpture désabusée ?
Anonyme, tête sculptée, h 41 cm, sans date, collection privée.
19:22 Publié dans Art immédiat, Art insolite, Art naïf, Art populaire insolite, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : sculpture populaire anonyme, art brut, art immédiat, jan krizek, autodidacte, lippue, désabusé | Imprimer
26/09/2018
Info-Miettes (32)
La Maison sous les Paupières
Revoilà l'antre sous les paupières qui se remet à pondre de l'expo(-pière). Son animatrice, Anne Billon, est passée dans le village perché du Carla-Bayle en Ariège où il y a, outre le très joli petit musée enchanté des Amoureux d'Angélique (art populaire et naïf et brut), tout plein d'artistes.
Le Carla-Bayle, c'est un peu St-Paul-de-Vence avant les touristes et l'artifice. Sera donc exposée du 6 au 28 octobre, à Rauzan (7 rue du Pont-Long), bourg de l'Entre-deux-Mers, la très inspirée Mélissa Tresse au nom comme un programme (autre que pileux).
Mélissa Tresse, la Joute, eau-forte et aquatinte, 44x30 cm, 2017.
Curzio Di Giovanni, une exposition proposée par Lucienne Peiry à Lausanne
Lucienne Peiry, l'ancienne responsable de la collection de l'Art Brut, même si elle fut "débarquée" par le syndic de Lausanne en 2012, d'une façon bien peu fondée, n'en continue pas moins de s'intéresser à l'art brut, bien entendu. Et je dois dire que, prisant passablement ses goûts en cette matière, j'accorde toujours beaucoup d'intérêt à ses choix de créateurs. Elle est un bon guide... Elle propose à partir du 26 septembre jusqu'au 22 novembre 2018, à Lausanne, à la HEP Vaud, une expo consacrée à Curzio Di Giovanni et à ses têtes aux étranges conformations. Elle comportera une soixantaine de dessins issus de collections privées, dont celui ci-dessous.
L'Atelier-Musée Fernand Michel à Montpellier expose Helmut Nimcewski
Ph. Bruno Montpied, 2016.
Ce musée aux collections d'art brut et d'art singulier bien sympathiques (surtout en ce qui concerne l'art brut) monte des expositions temporaires en sus de ses collections permanentes (au cœur desquelles on trouve un important fonds consacré à l'artiste singulier Fernand Michel qui constitue le socle du musée).
En voici une qui ouvrira bientôt ses portes du 3 octobre prochain au 10 janvier 2019, consacrée au créateur Helmut Nimcewski, féru de représentations de foules aux petits personnages serrés en rangs d'oignon, le tout dans des couleurs de bonbons acidulés. C'est un type de représentations que l'on retrouve souvent dans l'art brut et l'art naïf. Certaines sont même nettement plus poussées dans ce domaine, Berthe Coulon par exemple...
Berthe Coulon
L'Atelier-musée se situe 1 rue Beauséjour, à Montpellier, tél: 04 67 79 62 22, mail: <CONTACT@ATELIER-MUSEE.COM> . Le site internet du musée est annoncé en (perpétuelle?) construction...
Monsieur Jacques Burtin en balade à travers l'Espagne...
Goya, gravure, communiquée par Jacques Burtin.
"Hier, à Saragosse, la rencontre (...) avec l’une des gravures de Goya que je mets au-dessus des autres : « Légèreté et audace de Juanito Apiñani dans la Corrida de Madrid» (1814 -1816). Elle définit le mieux à mes yeux la situation de l’artiste. Non point le moment de la mise à mort : je laisse à ses partisans et à ses adversaires l’inutile, le vain plaisir de se combattre. Mais ce moment d’élévation où l’on risque sa vie pour la beauté d’une figure impossible."
"Histoires de femmes" aux Yeux Fertiles, de l'art brut et surtout de l'art singulier...
"Histoires de femmes", la nouvelle exposition de la galerie Les Yeux Fertiles rue de Seine (Paris VIe ardt ; du 2 octobre au 3 novembre) est sous-titrée "Art brut, art singulier".
Mais, à part deux ou trois créatrices effectivement cataloguées dans l'art brut (Thérèse Bonnelalbay, Madge Gill, et... Sol (Solange Lantier)), toutes les autres relèvent plutôt de de l'art moderne, voire d'un art contemporain de plus en plus éloigné de ce que l'on appelle art singulier. Certaines sont devenues au fil du temps de vraies "vedettes", comme Yolande Fièvre ou Ursula, géniale artiste, qui a déjà été présentée à la galerie les Yeux fertiles. On peut même avancer que ces deux-là sont désormais entrées dans le Panthéon de l'art moderne, non loin des surréalistes, dans la grande cohorte des assembleurs, des collagistes, des artistes fidèles à l'imaginaire (Unica Zürn peut en être rapprochée). Les autres artistes ici présentées, comme Isabelle Jarousse ou Josette Rispal, voire Ody Saban et Christine Sefolosha, se hissent même aisément dans les rangs des artistes contemporaines. Le mot "singulier", qui comme l'art brut, combine une notion esthétique (pas de volume, des aplats, une grande stylisation dans le rendu des figures, invention des techniques d'expression) à une notion sociologique (autodidacte, situation de l'artiste en dehors du milieu professionnel de l'art, influence de l'exemple moral et esthétique de l'art brut), selon moi, ne s'applique pas vraiment ici, devenant, en l'occurrence, passablement galvaudé.
Madge Gill, image du carton d'invitation à "Histoires de femmes".
De l'art brut (et "outsider", c'est-à-dire "singulier") iranien à la Galerie Polysémie à Marseille
La Galerie Polysémie file de temps à autre vers des contrées lointaines où l'on ne pense pas d'habitude que l'on puisse rencontrer de l'art dit brut.
La galerie propose ainsi de l'art brut de Chine continentale en ce moment je crois, mais ce choix me paraît personnellement de qualité fort moyenne, étant donné qu'il s'agit, j'en ai bien l'impression, à voir ce qui est proposé, pour la plupart de peintures du même genre que celles qu'on a pu voir à la dernière Biennale Hors-les-Normes de Lyon, en provenance d'ateliers pour handicapés (à Marseille, il me semble que François Vertadier, responsable de Polysémie, a fait appel au Nanjing Outsider Art Studio), et donc de créateurs stimulés par des animateurs dans ces ateliers, ce qui est souvent en contradiction avec le principe même de l'art brut – une expression irrépressible, surgie de façon autonome, comme le chiendent parmi une végétation disciplinée. Mais, surtout, c'était, à Lyon, des œuvres peu originales, peu surprenantes, en dépit d'un certain savoir-faire.
La galerie présentera cependant bientôt (du 6 octobre au 3 novembre prochain) des créateurs plus étonnants, en provenance d'Iran donc, plus en rapport avec ce qui correspondrait à de l'art brut, tel que défini plus haut.
J'ai déjà eu l'occasion par le passé, sur ce blog, de citer des créateurs originaires de l'ancienne Perse, comme Mokarammeh, Akram Sartakhti, ou plus connu depuis quelque temps dans les milieux de l'art brut, Davood Koochaki (que l'on retrouve ici à Polysémie). A la dernière exposition de groupe montée à l'Île d'Oléron en 2017 par Jean-Louis Faravel, j'avais aussi remarqué un autre créateur, Mehrdad Rashidi (également présent à l'expo à venir chez Polysémie). J'accueille donc cette expo marseillaise avec grand intérêt et je la conseille à tous ceux qui cherchent de l'art à la fois bruto-naïf et original.
Mahmoodkhan, trois dessins de 50x70cm, extraits du dossier de presse de la galerie Polysémie
Trois œuvres de Reza Safahi.
Le dossier de presse fourni par la galerie énumère les artistes et créateurs exposés. Personnellement, dans l'échantillon proposé je retiendrai essentiellement les dessins de Mahmoodkhan, commencés à plus de 70 ans, Reza Safahi, visiblement instruit et cultivé mais ayant conservé dans son graphisme une grande fraîcheur de tracé "brute" ou "naïve", et aussi Zabihollah Mohammadi, à l'inspiration plus empreinte de références à de grands récits épiques iraniens. On retrouvera dans l'expo cela dit aussi Davood Koochaki et ses esprits noirâtres, ainsi que Mehrdad Rashidi. Chacun pourra se faire sa propre opinion en consultant le dossier de presse.
Le livre d'Hervé Couton sur "Las Pinturitas" bientôt présenté par son auteur à la Halle Saint-Pierre
"La Pinturitas", "la Petites peintures", c'est cette femme, de son nom d'état-civil Maria Angeles Fernández Cuesta qui depuis des années (depuis 2000) réalise en Espagne, en Navarre, non loin du Pays Basque, une œuvre picturale sur le support des murs d'un bâtiment désaffecté à la sortie de la ville d'Arguedas. Ses fresques sont immenses, mixtes de street art sauvage et d'environnement brut, en constant renouvellement. C'est pourquoi le photographe Hervé Couton a trouvé nécessaire de fixer depuis huit ans ce work in progress, dont l'éphémère est la marque de fabrique. Il viendra en parler à l'auditorium de la Halle St-Pierre le 27 octobre prochain, à 15 h. Toutes précisions sont à retrouver sur le site web de la Halle St-Pierre.
Charles "Cako" Boussion sur le mur de la boutique d'Antoine Gentil jusqu'à début octobre
Une vingtaine d'œuvres de l'ami Boussion, en provenance de la Pop Galerie de Pascal Saumade, sont actuellement exposées chez Antoine Gentil au 75 bis bd de Rochechouart, dans le IXe à Paris (Sur R-V.: tél: 06 58 34 72 09). Restent quelques jours seulement...
Le mur et son miroir, boutique d'Antoine Gentil, Paris, ph. Bruno Montpied.
Evelyne Postic-Joseph Caprio, dessins-photographies
14:49 Publié dans Art Brut, Art moderne ou contemporain acceptable, Art naïf, Art singulier, Correspondance, Environnements populaires spontanés, Littérature, Photographie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art contemporain merveilleux, le carla-bayle, anne billon, la maison sous les paupières, mélissa tresse, art animalier, curzio di giovanni, art brut italien, lucienne peiry, helmut nimcewski, l'atelier-musée fernand michel, corrida, jacques burtin, goya, berthe coulon, galerie les yeux fertiles, yolande fièvre, ursula, histoires de femmes, art brut iranien, galerie polysémie, mahmoodkhan, reza safahi, street art sauvage, la pinturitas, enironnements spontanés espagnols, hervé couton, charles boussion, galerie dettinger-mayer, joseph caprio, evelyne postic | Imprimer
24/09/2018
Les suites du Gazouillis, un article flatteur dans "Charlie Hebdo", et des nouvelles d'Alfonso Calleja...
Heureusement qu'il n'y a pas que Critique d'art pour causer du Gazouillis, le plus souvent, le livre rencontre des avis nettement plus favorables, et de la part de personnes qui ont pris la peine de le lire... Exemple l'article ci-dessous paru sous la plume de Yann Diener dans Charlie Hebdo n°1360 du 14 août 2018.
Et si vous n'arrivez pas à le lire correctement ci-dessus, vous pouvez aussi vous référer à cette version en PDF...
Par ailleurs, m'est parvenu l'article d'un journal édité sur le bassin d'Arcachon en Gironde, la Dépêche du Bassin n°1160 (16 au 22 août 2018), écrit par Jean-Baptiste Lenne où l'on apprend que les sculptures d'Alfonso Calleja, autrefois installées dans le jardin de Gujan-Mestras, près d'une papèterie aux odeurs nauséabondes, n'ont pas disparu après la mort de leur créateur, mais qu'elles sont conservées (et exposées dans un local ouvert: ce n'est pas très clair dans l'article?) par un antiquaire du Cap-Ferret voisin, M. Georges Schellinger.
Là aussi, si vous voulez mieux lire, reportez-vous à ce document en PDF...
Alfonso Calleja en 1991, photo Bruno Montpied ; à noter, en bas à droite du cliché, la forme de la table sur laquelle repose l'étrange composition pieuvre + sorte de ptérodactyle, une carte de France...
14:24 Publié dans Art immédiat, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le gazouillis des éléphants, charlie hebdo, revue de presse, environnements populaires spontanés, yann diener, alfonso calleja, la dépêche du bassin, jean-baptiste lenne, conservation des environnements spontanés, habitants-paysagistes naïfs | Imprimer
23/09/2018
Les automates de La Celle-Guenant (2), quelques images supplémentaires
Mon correspondant Pierre Chevrier m'a adressé d'autres photos des automates déjà signalés précédemment sur une brocante estivale de La Celle-Guenant (c'est près de Loches, en Touraine). Les saynètes animées représentent des métiers d'autrefois, lavandières, rémouleur, forgeron ou maréchal-ferrant, vignerons fouleurs de raisin, pompiers, pompeurs de l'eau communale qui en profitaient pour échanger et bavarder... A bien tout scruter, on aperçoit dans les panneaux explicatifs qui sont placés en dessous des scènes une date et des initiales qui sont peut-être celles de l'auteur des sculptures: A.M. On est ici en présence d'un de ces nombreux nostalgiques de la vie rurale du passé qui ne peuvent se résoudre pas à la voir glisser dans l'oubli...
Photos Pierre Chevrier, juillet 2018.
11/09/2018
Automates naïfs en Indre-et-Loire
C'est un correspondant, M. Pierre Chevrier, qui a fait pour le coup une bien belle découverte, sur un marché à l'artisanat à La Celle-Guenant, en Indre-et-Loire.
Ph. Pierre Chevrier, La Celle-Guenant (37), 2018.
Ph. Pierre Chevrier, 2018.
Voici ce qu'il m'écrit en guise de légendes pour ces deux photos qu'il avait jointes à son message :
"Maquettes animées photographiées dans une expo d'artisanat au vide-grenier de La Celle-Guenant (37), en juillet; l'auteur est à droite de la scène des laveuses (marinière rayée) je n'ai pas pris son nom, il y avait plein de monde qui lui parlait; il y a une douzaine de scènes: le bistrot (réversible, intérieur et extérieur), les pompiers, le forgeron...avec présentation d'outils entre les pattes des tréteaux qui supportent les maquettes. J'ai fait aussi de petits films sur le téléphone; les maquettes fonctionnent sur batteries."
A voir ces sculptures, les saynètes des lavandières et du foulage du raisin, qui paraissent en bois, je parlerais personnellement plus d'automates que de maquettes. Et le style est incontestablement du naïf populaire. A bien y regarder, en ne se fondant que sur ces deux saynètes, leur auteur paraît se complaire dans les évocations de la vie rurale d'autrefois, motifs que l'on a déjà plusieurs fois rencontrés chez quelques créateurs d'environnements (je pense à René Escaffre dans le Lauragais, à Roumens, ou à Pierre et Yvette Darcel dans la région de St-Brieuc).
On va demander le petit film sur mobile à M. Chevrier. S'il veut bien et s'il n'est pas trop long...
22:37 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : automates naïfs, sculpture naïve, la celle-guenant, pierre chevrier, lavandières, le foulage du raisin, saynètes de la vie rurale | Imprimer
30/08/2018
Montpied multiplié par cinq...
L'automne sera montpédestre ou ne sera pas, et l'on pourra dire par conséquent que j'ai pris décidément la grosse tête... Mais le hasard veut que plusieurs manifestations auxquelles je participe ont décidé de converger toutes en cette même saison (j'exagère un peu bien sûr).
N°1 : Exposition personnelle Bruno Montpied, intitulée "L'alchimie du regard", avec 47 œuvres, dont une grande peinture sur bois, une plus petite sur carton entoilé, alors que tout le reste consistera en techniques mixtes sur papier de moulin, l'ensemble installé sur les deux niveaux de la galerie parisienne de la Fabuloserie, 52 rue Jacob, dans le VIe ardt. Cela durera du 8 septembre (c'est un samedi, jour du vernissage, prévu à partir de 16h) au 6 octobre (qui est la Saint Bruno, mais on s'en bat un peu...). Un petit dépliant est édité à cette occasion. La galerie est ouverte les après-midi du mercredi au samedi, quatre jours par semaine donc.
Bruno Montpied, Surprise!, technique mixte (encre, marqueurs, crayons...) sur papier pour multi-techniques, 30,5 x 23 cm, 2018. Exposé à la Fabuloserie Paris.
N°2 : Le Groupe surréaliste de Paris organise une exposition collective consacrée au "Collage surréaliste en 2018", à la galerie Amarrage à St-Ouen (les lecteurs de ce blog, particulièrement attentifs, se souviendront que c'est dans ce même local que j'ai organisé voici deux ans une expo collective intitulée "Aventures de lignes"). La liste des participants se découvre sur l'affichette réalisée par le groupe. Personnellement, j'exposerai trois collages réalisés il y a plusieurs années, entre 1981 et 2002 (c'est donc pas tout à fait en 2018...). J'en présente un ci-dessous.
Bruno Montpied, Rêve d'éveil, 24 x 32 cm, collage sur papier Canson, 1999. Exposé à St-Ouen.
N°3 : Je participe également au Salon ArtCité qui se tiendra dans trois lieux de Fontenay-sous-Bois, la Maison du Citoyen (où j'exposerai cinq petits formats sur papier), l'Hôtel de Ville et la Halle Roublot. Il s'agit là d'un rassemblement d'artistes plasticiens contemporains, rien à voir avec une exposition présentant une ligne précise. C'est du 20 septembre au 20 octobre.
Maison du Citoyen, du lundi au vendredi de 9h à 21 h, samedi de 9h30 à 16h30, 16 rue du RP Lucien-Aubry, Fontenay-sous-Bois.
Bruno Montpied, Sara bande sous la pluie, 17x24 cm, 2016, technique mixte sur carton fort. Exposé à ArtCité.
N°4 : Par ailleurs, j'exposerai douze photos consacrées à des créateurs d'environnements populaires spontanés aux Tours de Merle en Corrèze (c'est même, pour être encore plus pointu, "au cœur de la Xaintrie corrézienne"...), pour accompagner la projection du film documentaire Bricoleurs de paradis que j'ai co-écrit avec son réalisateur Remy Ricordeau en 2011, projection qui me permettra d'en débattre avec le public qui voudra bien venir à cette projection. L'exposition des photos se tiendra le week-end du 27-28 octobre prochain, et la projection aura lieu le dimanche 28. Cette animation s'inscrira dans le cadre d'une exposition des statues de l'autodidacte Antoine Paucard prêtées par le musée Antoine Paucard de Saint-Salvadour (20 octobre au 4 novembre). L'idée de ces animations provient de Laurent Gervereau et de Mme Nathalie Duriez.
Bruno Montpied, photo originale tirée en 40 x 60 cm, consacrée à l'environnement créé par Wladyslaw Gaça à Audun-le-Tiche, ph. 2013. Exposée aux Tours de Merle.
N°5 : Un peu plus tard cet automne, j'exposerai également de 4 à 6 œuvres sur papier à la Galerie Rizomi à Parme, dans le cadre d'une expo collective organisée par le critique d'art et collectionneur Dino Menozzi. Cela se tiendra du 24 novembre jusqu'au 15 décembre. L'idée de la manifestation est de présenter des auteurs qui gravitent dans la perspective de la Création franche. Devraient être ainsi représentés Gérard Sendrey (fondateur de l'appellation Création franche), Adam Nidzgorski, Claudine Goux, Pierre Albasser, Franck Cavadore et donc, mézigue, Bruno Montpied. Un catalogue est prévu de paraître à cette occasion.
Bruno Montpied, Gestation dans la matrice rouge, 32 x 24 cm, technique mixte sur papier, 2018. Sélectionné par moi pour l'expo de Dino Menozzi.
20:33 Publié dans Art singulier, Art visionnaire, Environnements populaires spontanés, Photographie, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : bruno montpied, art singulier, fabuloserie paris, collage surréaliste, groupe surréaliste de paris, salon artcité, tours de merle, photographie et environnements spontanés, bricoleurs de paradis, galerie rizomi, dino menozzi, création franche, gérard sendrey | Imprimer
28/08/2018
Un regard émoustillé
Notre correspondant dans les zones de plaisir montmartroises, l'ami Régis, nous a narré récemment comment l'œil peut parfois raconter de savoureuses interprétations, s'il est placé dans des conditions adéquates.
Il se baladait un soir sur le boulevard de Clichy, ses yeux glissant avec amusement aux devantures des boutiques qui font florès dans ce quartier en ce qui concerne l'érotisme. Notamment, il avait contemplé – on le devine, avec un intérêt tout ethnologique – les lingeries féminines suggestives.
Tout à coup son regard se pose, éberlué, sur un autre objet, un panonceau métallique, où il lit l'inscription suivante:
Photo Régis Gayraud, place Blanche, Paris, 2018.
On comprend aisément le raisonnement qui se fit immédiatement jour en lui, après la vision des dessous érotiques proposés autour aux amateurs. Etrange interdiction, quelque peu passéiste (car, qui porte encore des gaines aujourd'hui ?), militant peut-être pour des femmes sans dessous (et, par suite, sens dessus dessous...)?
Mais voilà que l'explication vint lui sauter aux yeux, presque tout aussitôt. En levant ses mirettes, il découvrit le second panneau qui dénonçait en réalité une tête de taxis...
Ph. R.G., Paris, 2018.
Cela devenait – hélas... – nettement plus prosaïque. Le panonceau ne désignait nulle lingerie "antique", mais rappelait seulement aux conducteurs de taxis que l'endroit était réservé aux voitures pouvant prendre en charge des clients, et non aux taxis au repos, qui gainent d'un étui le petit signal lumineux, rouge ou vert qui surmonte le toit de leurs véhicules...
14:09 Publié dans Art immédiat, Délires d'interprétation, Inscriptions mémorables ou drôlatiques, Paris populaire ou insolite | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gaine, interdiction, lingerie érotique, régis gayraud, taxis, paris insolite, délire d'interprétation, ethnologie urbaine | Imprimer
17/08/2018
Pépé Vignes à Montmartre
Durant "tout l'été" (est-ce que cela comprend septembre? Mystère et boules de gomme...), une vingtaine de dessins de Joseph "Pépé" Vignes sont exposés sur le mur noir de la friperie du 57 bis, boulevard de Rochechouart, chez Antoine Gentil, en provenance des réserves de la Fabuloserie. Il y en a pour tous les goûts, autocar, voiture de course, instrument de musique, ballons de rugby, steamer, etc., et toujours le tout réalisé aux crayons de couleur, et plus rarement, aux feutres.
Carte postale éditée par Gentil, recto et verso.
J'aime profondément Pépé Vignes, ce fils de tonnelier catalan français (d'Elne), qui nous donna si généreusement sa poésie tendre et candide, inversement proportionnelle aux moyens techniques dont il disposait, et peut-être en raison de ces moyens limités, qui lui suffisaient, la preuve... Les prix de ses dessins restent accessibles, le marché ne s'étant pas encore jeté dessus. Question de mode sans doute, tant le marché paraît le reflet des lubies de quelques gros marchands et collectionneurs.
Joseph "Pépé" Vignes, sans titre (un instrument à cordes), crayons de couleur sur papier fixé sur carton enveloppé de papier kraft, 43x37 cm,1975 ; Ph. et coll. Bruno Montpied.
00:39 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : joseph pépé vignes, pépé vignes, art brut, fabuloserie, antoine gentil, crayons de couleur | Imprimer
14/08/2018
Au Gai Rossignol, c'est au sous-sol qu'il faut aller (underground, quand tu nous tiens...): la Caverne
Le "Gai rossignol", c'est le nom d'une librairie de soldes et d'occasions qui est rue St-Martin, entre la Tour St-Jacques et le Centre Beaubourg, à Paris. C'est le même emplacement qu'occupait jadis "Mona Lisait"... "Rossignol" est peut-être à entendre aussi, en creux, comme une allusion à l'argot des puciers selon lesquels un rossignol est un objet sans valeur, du moins "sans valeur", tant qu'on n'en a pas décelé l'intérêt caché.
Dans cette librairie, c'est surtout au sous-sol qu'on peut trouver quelques occasions délectables, dont des livres des éditions du Sandre (que l'on ne trouve pas toujours ailleurs dans cet ensemble), ainsi que des raretés bibliophiliques, des photographies originales, des gravures, voire, comme lorsque j'y suis passé récemment, une œuvre d'art brut, un fusil de Robillard (à 1600€ me semble-t-il). Un lieu secret à découvrir donc...
Ph. Bruno Montpied, août 2018.
Et, à signaler, l'inauguration de l'endroit, décalée par rapport à son ouverture...
00:17 Publié dans Art Brut, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés, L'oeil du Sciapode, Littérature | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : gai rossignol, librairies parisiennes, art brut, rossignols, underground, andré robillard, éditions du sandre, bibliophilie, photographies originales, estampes, la caverne | Imprimer
11/08/2018
Un compte-rendu paresseux dans la revue "Critique d'Art"...
Une remarque de Marc Décimo, parue dans la revue Critique d'Art (n°49 de 2017, qui sera disponible en version intégrale sur le site web de la revue en mai 2019), et insérée dans ce qui se voudrait un compte-rendu de mon récent livre Le Gazouillis des éléphants (expédié en deux paragraphes, un record de la recension exécutée par-dessus la jambe, alors que le livre dont il paraît vouloir traiter fait 934 pages), m'a quelque peu titillé. Je cite ici le passage où elle se trouve (soulignée par mes soins en rouge) :
"... c’est autour de ce qu’il est aujourd’hui convenu de nommer « les environnements » que certains chercheurs, très peu nombreux, documentèrent au fil des années les sites qu’ils découvraient, multipliant articles dans quelques revues, photographies et films. Bruno Montpied fut un de ces passionnés. Il présente aujourd’hui la somme de ces recherches (934 pages), région par région de France. Il énumère les sites qu’il a visités. Il documente. Il iconographie. Bruno Montpied a aussi pensé à reproduire des cartes postales anciennes, des années 1900, souvent les seuls témoignages de ces curiosités passées que la revue Gazogène recensait naguère."
Je passe sur le "fut" qui paraît m'enterrer quelque peu. Un présent aurait pu mieux convenir, s'il vous plaît, M. Décimo, je ne suis pas encore mort. La phrase sur les cartes postales anciennes "que la revue Gazogène recensait naguère" est quelque peu ambiguë. On peut se dire en la lisant que c'est cette revue qui eut la première l'idée de recourir à cette source iconographique et documentaire. Or rien n'est plus faux. Des cartes postales anciennes avaient déjà aidé Anatole Jakovsky à illustrer son livre (approximatif), de 1979 aux éditions Encre, sur les rochers sculptés par l'abbé Fouré à Rothéneuf. Surtout, en 1985, son grand rival, Frédéric Altmann – voulant prendre sa revanche du fait que Jakovsky ne l'avait pas fait directeur du musée d'art naïf qui venait de s'installer à Nice dans un splendide hôtel particulier dominant la mer – fit paraître une autre étude sur le même abbé de Rothéneuf, entièrement fondée sur les cartes postales (il en existe près de 400, rien que pour les œuvres sculptées de l'abbé, sur pierre ou sur bois). Le livre fut intitulé La vérité sur l'abbé Fouéré, "l'ermite de Rothéneuf", le sculpteur des rochers de Rothéneuf, 1839-1910 ; une recherche par les cartes postales et documents d'époque (éditions A.M., Nice).
Francis David, dans son Guide de l'art insolite Nord-Pas-de-Calais-Picardie, aux éditions Herscher en 1984, en a également utilisé dans la préface de son livre qu'il confia à l'écrivain régional Jacques Duquesne (c'est même là que j'ai découvert la carte reproduisant les graffiti sculptés de la "Nymphe d'Aveluy" que j'ai reproduite dans mon Gazouillis). En 1993, dans le chapitre que je consacrai à François Michaud dans l'ouvrage collectif Masgot, L'œuvre énigmatique de François Michaud (éditions Lucien Souny, Limoges), chapitre que j'ai réédité en 2011 dans Eloge des jardins anarchiques (voir "Formes pures de l'émerveillement"), je publiai une carte postale ancienne, moi aussi, consacrée à la "Villa des Fleurs" de Montbard (voir ci-contre). A cette époque (à partir de 1989), j'étais en contact avec Jean-François Maurice qui, au début des années 1990, n'avait pas encore pris l'habitude de faire imprimer sa revue Gazogène chez un professionnel, lui laissant l'allure d'un fanzine foutraque, auquel il m'arriva de collaborer (le premier numéro imprimé professionnellement, relié, paraît être le n°17, et malgré son absence de date peut être daté de 1997) . Nous échangions souvent, notamment par téléphone (lui à Cahors, moi à Paris). Et l'idée d'accentuer les recherches de sites, notamment du passé, en allant du côté des cartes postales anciennes, je la lui formulai un soir, à propos notamment des "Ruines de la Vacherie", ce site étonnant qui existait autrefois dans les parages de Troyes. Bien plus tard seulement, il rencontra le collectionneur de cartes postales d'environnements spontanés Jean-Michel Chesné, avec qui il réalisa plusieurs numéros reproduisant des dizaines de cartes postales de sites. C'est ces numéros qu'évoque Décimo dans son articulet expéditif, d'une manière que je trouve insupportablement désinvolte, et finalement très mal informée, car Gazogène ne s'est consacré aux cartes postales anciennes que très tard par rapport aux ouvrages que j'ai cités précédemment. L'utilisation des cartes postales vis-à-vis des sites d'art brut ou d'art naïf en plein air par la revue Gazogène ne fut en définitive que la systématisation d'une idée. Ce qui n'occulte pas le fait pour autant que la revue fit à l'occasion de divers de ses numéros spéciaux plusieurs découvertes et révélations (dont je me suis fait l'écho dans mon livre, à l'occasion). Mais cela n'entraîne pas qu'on puisse insinuer que j'aurais pu être un récupérateur d'une idée que j'avais mise en application avant cette revue, et idée qu'en outre, j'avais suggérée à Jean-François Maurice, avant que nous rompions.
Auguste Bourgoin, l'auteur des "Ruines de la Vacherie" devant son "Bureau".
Dire par ailleurs, comme le fait M. Décimo, qu'il y eut jusqu'ici peu de "chercheurs" creusant la question des environnements, notamment populaires – si l'on accepte de considérer les "chercheurs" au sens large, et pas seulement au sens universitaire et institutionnel – c'est largement contredit, par exemple, par la bibliographie de 16 pages que j'ai donnée dans les annexes de mon Gazouillis.
Je pourrais aussi citer cette autre affirmation, que l'on peut dénicher dans le même entrefilet de notre "critique d'art" : "Le parti pris de Bruno Montpied est descriptif et biographique à travers l’étude des cas qu’il approche. On aimerait toutefois en savoir toujours davantage sur les raisons et irraisons qui poussent à se distinguer hors des normes." A lire ces lignes, je me convaincs que l'auteur de ce jugement des plus sommaires n'a pas dû lire grand-chose de mon ouvrage. A commencer par ma longue introduction où je donne, il me semble, plusieurs points de vue sur diverses questions que posent les environnements, la question de leur conservation ou non, par exemple, ou les motivations de leurs auteurs, etc. Plusieurs de mes notices, de tailles diverses, donnent sans cesse des éléments d'information précisément sur "les raisons et irraisons" de ces créations "hors des normes", contrairement à l'affirmation de Décimo. Elles dépeignent aussi comment ces inspirés du bord des routes n'ont pas toujours, non plus, l'impression de se distinguer des normes. M. Darcel, dans la région de St-Brieuc, trouve que ce qu'il fait est plus vivant que les œuvres de Picasso, et qu'il est donc plus près d'une certaine "normalité" que ce que l'on trouve dans les musées. M. Roux dans sa cave troglodytique reproduit des personnages de Disney sur ses parois pour nier son enterrement dans une excavation, Chatelain ou Michaud ont créé leurs univers par désir d'être anoblis par leur œuvre ("un Chatelain, ça doit avoir un château", Michaud magnifiait de colonnades gréco-latines son pressoir à cidre et ses clôtures). Etc., etc....
Colonnades de la barrière d'enceinte de la deuxième maison de François Michaud à Masgot dans la Creuse, ph. Bruno Montpied, 2013.
Bref, que le lecteur de Critique d'art aille voir dans le Gazouillis, sans se contenter du compte-rendu de ce paresseux universitaire... La bibliothèque de cette revue, qui réclame en outre, de façon assez scandaleuse, je trouve, que l'éditeur lui fournisse deux ouvrages en rançon d'un compte-rendu (et quel compte-rendu!), permettra assez aux lecteurs, qui n'auront pas par hasard été rebutés par cette misérable notule, de se faire une idée plus exacte de mon ouvrage. Qui me paraît mériter tout de même un peu plus que deux seuls paragraphes sans le moindre contenu (c'en est, pour le coup, assez obscène)... Mais, peut-être, l'histoire de l'art, dont cette revue ambitionne d'être l'exhaustif miroir, n'a pas à retenir un ouvrage tel que le Gazouillis, trop OVNI pour elle...?
Ouvrez-le... Et lisez-le, bon sang de bois! Et n'écoutez pas vos professeurs, étudiants en histoire de l'art...
00:49 Publié dans Environnements populaires spontanés, Questionnements | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : critique d'art, marc décimo, bruno montpied, le gazouillis des éléphants, environnements populaires spontanés, pierre darcel, françois michaud, cartes postales anciennes, frédéric altmann, anatole jakovsky, gazogène | Imprimer
06/08/2018
T. Venkanna, un étonnant figuratif érotomane indien
J'avais été intrigué, il n'y a pas si longtemps, par les aquarelles ou les encres, souvent sur papier et même sur papier de riz, d'un jeune artiste indien présenté à Paris parmi d'autres artistes contemporains dans la galerie d'Hervé Perdriolle, rue Gay-Lussac.
T. Venkanna, sans titre, aquarelle ou encre sur papier, 10x14 cm, 2018, ph. et coll. Bruno Montpied ; qu'est-ce que cette bête qui sodomise cette femme bleue manchote qui pour sa part embouche la trompe de la dite bête par l'autre côté, une étrange forme sombre poilue, piquetée de points blancs les masquant tous deux, forme sur l'identité de laquelle le spectateur se perd en conjectures...?
T. Venkanna, 10x15cm, 2018. Toujours cette curieuse manière de cacher une partie des scènes...
T. Venkanna, 15x10cm, 2018 ; voici qui peut faire penser à Topor...
Leur inspiration louche du côté d'une espèce d'érotisme souvent scabreux, représenté avec raffinement et une certaine candeur. Les scènes sexuelles exhibent ainsi parfois des rapports zoophiliques, avec des bêtes pas toujours très répertoriées en zoologie. On songe vaguement à Roland Topor, et parfois aussi au Douanier Rousseau. Hervé Perdriolle va jusqu'à citer en référence Jérôme Bosch.
T. Venkanna, sans titre, encre sur papier de riz marouflé sur toile, 76x55cm, 2018 ; où l'on voit que l'artiste peut aussi s'exprimer sur des formats plus grands.
Ce dernier s'apprête à monter une exposition de 50 œuvres de notre Venkanna à partir du 27 août dans sa galerie¹ située en appartement. A ne pas manquer pour les curieux.
L'artiste photographié en 2015, à côté d'une affiche – peut-être d'un film? – en tout cas d'un graphisme au sujet voisin de son propre univers graphique ; on notera le tee-shirt à l'enseigne des pirates...
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¹ (Galerie Hervé Perdriolle, rue Gay-Lussac Paris 75005, visite sur rendez-vous, contact +33 (0)687 35 39 17).
00:04 Publié dans Art immédiat, Art insolite, Art moderne ou contemporain acceptable, Art visionnaire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : t.venkanna, galerie hervé perdriolle, art contemporain indien, topor, bosch, douanier rousseau, érotisme, zoophilie | Imprimer
01/08/2018
Photo(s) de vacances
Cela faisait quelque temps que je ne vous avais pas glissé sous les yeux une petite pareidolie (c'est-à-dire une projection de la mémoire sur un objet extérieur, concrétisée par une photo, cet objet y incitant fortement...). L'occasion m'en est donnée grâce à l'ami José Guirao, photographe et dessinateur dont j'ai déjà maintes fois parlé. Il a photographié récemment un monstre "bomarzien", un voisin d'un séjour dans le Midi.
© Photo José Guirao, Anse des Bouchons, Carry-le-Rouet, 2018.
Et en prime, puisque vous êtes sages, allez, une autre "pareidolie", vue dans le même lieu, comme une sorte de père Ubu, toujours par le même José Guirao:
Le Borgne (titre de José), Anse des Bouchons, Carry-le-Rouet, 2018.
00:12 Publié dans Art immédiat, Photographie, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jos& guirao, pareidolies, poésie naturelle, anse des bouchons, bomarzo, père ubu, photographie hallucinatoire | Imprimer
28/07/2018
L'ange des inspirés (quelques-uns de ses faits et gestes)
Mon ange ne se substitue jamais à mon esprit, jamais il ne lui viendrait à l'idée de s'insinuer en moi pour téléguider mon regard (comme me le suggérait récemment un ami dans un échange épistolaire). Tout ceci n'appartient vraiment qu'à moi...
Non, ce qu'accomplit mon ange, de mon point de vue, c'est du côté de l'organisation, et des agencements de situation, ce qu’il est convenu d’appeler vulgairement le hasard, les coïncidences.
A Amiens, par exemple, où je m’étais rendu pour sa grande Réderie du printemps 2018, il avait réussi à rendre complets tous les hôtels de la ville, si bien qu'avec le camarade broc avec qui j'étais venu pour chiner, en arrivant en fin de soirée la veille (sans avoir réservé, bien entendu, fidèles à notre goût de l’improvisation), on n'avait trouvé qu'une seule chambre, chère, qui était accessible si on divisait son prix en deux, et donc, nous avait incliné à partager l’unique plumard, ce qui m'avait empêché de bien dormir.
Le lendemain, de bon matin, devinant que je serais vite épuisé, à force de traîner mes 115 kgs à travers l'immense Réderie, sans avoir bien dormi auparavant, je m’étais décidé à opérer un tri dans ma quête et à ne regarder que les peintures et autres œuvres en deux dimensions, ce qui gagnerait du temps.... Me dépêchant avant que la baisse d’énergie ne me rende la chine insupportable, je me mis à cavaler dans les rues, sans tout détailler, comme font les autres amateurs. Cette stratégie, bien sûr, mon ange l'avait prévue. Et il a le pouvoir d'aimanter mes pas dans certaines directions…
C’est ainsi que je finis par tomber sur une peinture, étalée parmi d’autres, dont je reconnus immédiatement le style : un Bois-Vives ! Que j’achetai une misère au biffin qui ignorait ce qu’il avait ramassé dans ce qu’il est convenu d’appeler, je crois, une adresse, un débarras de logement à vider. Je rêvais depuis longtemps de pouvoir acquérir une œuvre de ce créateur mi-naïf, mi-brut, et mon ange le savait pertinemment, mais je n’avais jamais les moyens quand se présentait d’aventure une pièce à vendre…
Anselme Bois-Vives, peinture sans titre, sans date, 49x66 cm (peut-être des loups?), ph. et coll. Bruno Montpied.
Il a encore frappé ces derniers jours. Je reviens de Vendée où j'ai pu visiter, et photographier, une maison peinte des murs aux plafonds sur deux niveaux par un reclus, que l'on me décrit comme schizophrène (formidable travail d’un créateur improvisé ayant décidé de plonger dans la peinture en transformant sa maison en un aquarium où l’eau serait remplacée par l’image, et le gros poisson, par le peintre). J’étais tombé par hasard, quelques semaines plus tôt (tu parles, l'ange avait bien entendu organisé la conjonction des personnes…), sur un couple de gens, apparentés à ce créateur, qui cherchait à la Halle St-Pierre à intéresser quelqu'un à cette maison. J'étais là, pile au moment où ils sont arrivés, et où ils ont montré des photos des décors sur leur mobile à Pascal Hecker, le libraire de la Halle, qui m’introduisit auprès de ses clients, lui aussi étant conseillé par mon ange bien entendu…
Eric Le Blanche, un détail de l'intérieur de sa maison quasiment entièrement peinte ; le "Adamo" ici représenté est Adam en fait, Eve (écrit "Eva") étant peinte sur la gauche, dans l'escalier dont on voit le commencement ; © ph. Bruno Montpied, 12 juillet 2018.
Mais, le plus étonnant, c'est que le village vendéen où se trouve la maison photographiée, comme je m’en suis avisé avec surprise il y a deux jours, en y allant enfin, est l'ancien siège du château du seigneur de Lusignan, héros de la légende de Mélusine, la femme-serpent ailée, associée au mythe de la sirène, qui s’enfuit lorsque son mari découvre son secret (elle était femme la plupart du temps et lorsqu’elle prenait son bain redevenait femme-serpent, mais personne, y compris son époux ne devait la voir à ce moment, sous peine de la voir disparaître)...
Une sirène est représentée sur la girouette qui couronne le sommet de la tour Mélusine, seul vestige du château des Lusignan dans ce village. Je la découvris dès que j’arrivai dans le village. Comme je l’ai déjà dit plusieurs fois sur mon blog, je suis particulièrement fasciné par les sirènes, surtout celles qui se montrent dans leur version aquatique et piscicole, plus nordique. En Méditerranée, elles étaient davantage envisagées sous une apparence ailée, comme on sait (comme ces sirènes qui tentent de charmer Ulysse, dans l’Odyssée).
Une sirène peinte par F. Bouron, rue Guynemer, Les Sables d'Olonne, ph. B.M., juillet 2018.
Plus étonnant encore, le matin même, aux Sables d'Olonne, alors que je remontais de mon hôtel situé en bord de mer, en direction du musée de l'Abbaye Ste-Croix où j’avais rendez-vous avec ceux qui m’accompagneraient au village de la maison peinte, j'étais déjà tombé sur une sirène, plus moderne mais charmante (elle portait une robe-fourreau se terminant en queue de poisson), peinte sur la façade d’une petite maison, dans un encadrement en relief figurant un gobelet ou une tasse. Par ailleurs, le musée de l'Abbaye Ste-Croix est connu pour abriter des vestiges des créations d'Hippolyte Massé, l'auteur de la Maison de la Sirène à La Chaume dans les années 1950-60 (voir mon Gazouillis des Eléphants). Et, la veille, j’avais également photographié parmi d’autres fresques en coquillages de Dan Arnaud, dans le quartier sablais de l’Ile Penotte, une autre sirène, écho lointain, à notre époque contemporaine, des décors en coquillages du précurseur Hippolyte Massé.
La sirène de la maison d'Hippolyte Massé dans le quartier de La Chaume, détail d'une photographie de Gilles Ehrmann (extraite des Inspirés et leurs demeures, de 1962).
Dan Arnaud, sirène en mosaïque de coquillages, rue d'Assas, quartier de l'Ile Penotte, Les Sables d'Olonne ; on mesure, par comparaison avec la sirène de Massé, ce qui différencie un art véritablement plus brut d'un art, certes maîtrisé, mais plus... esthétique ; ph. B.M., juillet 2018.
Comme on voit, mon ange est fort bien documenté sur mes goûts et il m'aime, et continue de m'aimanter, lâchant même à l’occasion, le long de ma route, une de ses plumes...
Sur les premiers degrés de la rue du Chevalier de La Barre, Paris, ph. B.M., juillet 2018.
00:11 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art insolite, Art visionnaire, Environnements populaires spontanés, Environnements singuliers, Sirènes, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : sirènes, fresque en mosaïques de coquillages, coquillages, mainson brutes peintes en intérieur, art brut, ange des inspirés, anselme bois-vives, réderie d'amiens, chineurs, coïncidences, l'île penotte, dan arnaud, f.bouron | Imprimer
22/07/2018
Dans les hautes herbes, deux bons amis...
Signée "Kierdle" (?), cette peinture sur un morceau de toile marouflé sur un panneau d'Isorel de 33 sur 39 cm, marquée au dos du mot allemand "Unverkauflich" (Invendable...) est datée de 1965 ; la signature est très difficile à lire... ; ph. et coll. Bruno Montpied.
Que dire devant cette peinture plutôt énigmatique? Une petite fille aux cheveux rouges bouclés (à moins que ses boucles ne soient que trois antennes d'extra-terrestre?) paraît plongée, au terme d'une balade qui vient de se figer parmi les hautes herbes fleuries d'un champ en jachère, sous le ciel bleu, dans une méditation qui lui compose un teint plutôt verdâtre...
Et que dire de son compagnon, hyper-étrange? Drôle d'animal de compagnie, tenant le milieu entre le homard redressé, et le fétiche africain au crâne curieusement pourvu de quatre fils rouges, à moins qu'une fois encore ce ne soit, là aussi, quatre antennes, adaptées au homard-masque-africain. Si, elle, a les yeux fermés, lui, se tient les yeux bien ouverts, mais noirs, tels des trous au bout desquels on ne trouvera jamais la moindre lumière...
L'artiste qui a réalisé cette image insolite, devant laquelle on se perd en conjectures, a dû se persuader – peut-être pas tout de suite – que jamais il ne trouverait de public pour s'y intéresser. En 1965, cela a dû en rendre plus d'un perplexe... Mais aujourd'hui? Est-ce que le regard a tant changé que cela? Peut-on s'intéresser à un tel double portrait? On est au delà de l'insolite. Comme face à un petit cauchemar solidifié, une camaraderie impossible et pourtant établie, contre tous les usages et toutes les habitudes.
15/07/2018
Des "Bricoleurs de paradis" au cinéma le Cin'étoile de Saint-Bonnet-le-château (Forez)
Les Bricoleurs de paradis (qui était sous-titré Le Gazouillis des éléphants, titre initial refusé par FR3, que j'ai réutilisé en 2017 pour mon inventaire des environnements aux éditions du Sandre), le documentaire sur des environnements populaires spontanés du Nord et de l'Ouest de la France, que j'ai co-écrit avec son réalisateur Remy Ricordeau (sorti en 2011), sera projeté le samedi 21 juillet à 18h dans un cinéma associatif, le Cin'étoile, de St-Bonnet-le-Château, village du département de la Loire, et de la région du Forez, situé non loin de St-Etienne (et en dessous du village de Soleymieux dont, sur ce blog, j'ai parlé de son étrange fontaine...). Ceci, à l'initiative d'une association culturelle animée (entre autres) par Marie Oulion, "Regards sur...".
Présentation du DVD du film sur le rabat de la jaquette d'Eloge des Jardins anarchiques.
Le programme du Cin'étoile annonçait il y a peu à la suite de la projection une conférence de Roberta Trapani sur les "lieux embellis". Elle ne pourra pas être là finalement... On m'a invité à la dernière minute pour dire quelques mots au sujet du film dont je suis le co-auteur – et celui qui proposa la majorité des différents sites et auteurs que l'on y voit égrenés, sites que l'on retrouve par ailleurs dans le livre, Eloge des jardins anarchiques (éditions L'Insomniaque) dans lequel fut inséré le DVD (voir sa galette ci-dessus). J'espère que ce sera l'occasion de débattre avec le public présent.
Tournage de Bricoleurs de paradis, le réalisateur Remy Ricordeau, avec l'opérateur caméra, Pierre Maillis-Laval, sur le site (aujourd'hui démantelé) d'André Hardy à S-Quentin-des-Chardonnets (Orne) ; photo Bruno Montpied. 2010.
10:59 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Cinéma et arts (notamment populaires), Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bricoleurs de paradis, environnements populaires spontanés, cin'étoile, saint-bonnet-le-château, regards sur, roberta trapani, bruno montpied, lieux embellis, inspirés du bord des routes, habitants-paysagistes | Imprimer
13/07/2018
La Fabuloserie, aperçu au "Consulat", espace open de style berlinois à Montparnasse
Très actif depuis quelque temps, Antoine Gentil, qui s'était déjà fait remarquer par des organisations d'expo au MAHHSA (musée de Ste-Anne émanant du Centre d'Etude de l'Expression), a invité la Fabuloserie à taper l'incruste dans un sacré foutoir installé provisoirement (quelques mois) dans une espèce de friche industrielle, aux murs nus, tout près de Montparnasse, dans ce quartier où les aménagements de Ricardo Bofill, il y a déjà longtemps (1985), avaient contribué à enfoncer le clou de l'effacement, vingt ans auparavant, de tout un quartier de petites maisons et d'ateliers d'artisans qui ne surent et purent résister – à rebours des habitants qui le réussirent plus loin, dans ce même XIVe arrondissement, du côté de la rue des Thermopyles et de la Cité Bauer. Ce sont les chantiers de l'actuelle gare Montparnasse (gare qui ne ressemble à rien), en effet, qui avaient entraîné en 1965, par exemple, la disparition du bâtiment où se trouvait l'atelier du Douanier Rousseau, rue Perrel, que l'on aperçoit dans l'admirable film de Jacques Brunius, Violons d'Ingres (1938) – atelier qui fut, par la suite, également, le lieu de travail de Victor Brauner.
Formulette recueillie par Jacques Brunius dans un recueil (de comptines et formulettes) resté inédit (merci à Lucien Logette de nous l'avoir communiqué) ; lue par B.M., 2018
Le "Consulat"¹, donc, est un vaste espace sur deux niveaux, prêté pour quelques mois, où l'on trouve disséminés sur des centaines de m², une friperie, des buvettes, un restaurant, une salle de concert, des tables de ping-pong, des chaises dépareillées et des canapés défoncés distribués au petit bonheur, des espaces d'exposition (au 2e étage) où voisinent, dans deux espaces distincts qu'on ne pouvait confondre, art contemporain d'une part, présenté anonymement, tel des puces, sous l'autorité d'un texte liminaire d'une prétention insondable (intitulé le "blind marché", titre d'un snobisme au ridicule achevé), et d'autre part, l'art hors-les-normes de la Fabuloserie, exposé jusqu'au 15 août, et mêlant lui-même art brut (Emile Ratier, Pierre Petit, Giovanni Battista Podesta, Guy Brunet, Jean Tourlonias, François Portrat, Edmond Morel, un grand tableau de fleurs, assez rare, d'Abdelkader Rifi) et artistes singuliers (Le Carré Galimard, Nedjar, Francis Marshall, Alain Bourbonnais, Verbena).
Des éléments de l'environnement créé par François Portrat dans les années 1980, ph. Bruno Montpied, 2018.
Si l'on oublie cependant le contexte désordonné de la première exposition, la zone dévolue à la Fabuloserie permettait de découvrir des ensembles d'œuvres souvent méconnues. Dommage cependant qu'on n'ait pas souhaité, du côté du responsable des expos (un certain Samuel Boutruche), laisser les animateurs de la Fabuloserie, ainsi que le commissaire d'exposition, Antoine Gentil (le bien nommé), apposer tout de suite les noms des auteurs exposés, dès le vernissage (cela a changé par la suite), au nom d'un anonymat revendiqué (l'anonymat paraît devenir par les temps qui courent un argument à la mode, ici employé très superficiellement (comme souvent, avec tout ce qui est à la mode), puisque les noms des artistes circulent par dessous...).
Emile Ratier, deux musiciens, ph. B.M., 2018.
Michel Nedjar, quatre assemblages de tissus colorés, ph. B.M., 2018
Pour ma part j'ai découvert dans l'expo de la Fabuloserie, parmi les cinq pièces d'Emile Ratier – des maquettes et machineries de bois brun, faites au départ pour être actionnées –, trois dispositifs qui sont des machines à produire des sons, en fait des instruments de percussion ultra bricolés à ranger au nombre des instruments de musique alternatifs. J'ai été également surpris par des assemblages de tissus colorés de Michel Nedjar, exposés seulement le jour du vernissage, que j'ai trouvés bien plus séduisants, et moins montrés que ses sempiternels "chairdâmes", sorte de poupées noirâtres d'exorcisme imaginaire, qui personnellement me dégoûtent, et qui sont faites pour dégoûter (scandale facile à produire). Hélas, l'artiste, victime d'un caprice de diva, a fait retirer ses œuvres les jours suivants, n'appréciant pas l'exposition voisine semble-t-il. Je publie ci-dessus les quatre assemblages dont je parle plus haut, présentés dans l'expo, donc, de façon éphémère. Même si le voisinage avec l'expo d'art contemporain assez inconsistante était discutable, il n'en reste pas moins que l'idée de montrer l'art hors-les-normes de la Fabuloserie en un tel lieu fréquenté par la jeunesse et par un public n'ayant peut-être jamais entendu parler de l'art brut l'art singulier, etc., n'en était pas moins une bonne initiative. Il faut tenter ce genre de passerelle, pour que les transmissions s'effectuent entre générations. Et peut-être aussi détourner le public de l'art contemporain absurdement mis en avant par les temps qui courent par toutes sortes d'intérêts capitalistiques². Il y va d'une forme de résistance.
Pierre Petit, Laboratoire Frela, ph. B.M., 2018.
L'accrochage, dans le fond, à droite, sur un mur où ils sont seuls, de divers éléments provenant de l'environnement créé par François Portrat à Brannay dans l'Yonne (voir mon Gazouillis des éléphants où je lui ai consacré une notice), agencé par Marek de la Fabuloserie, frappait l'esprit du visiteur. Podesta était également présent par des peintures qui relèvent davantage de l'art naïf, en tout cas inattendus. Surtout, on restait charmé par le "Laboratoire Frela" et ses personnages délicieusement angéliques, humanoïdes ineffables, du retraité Pierre Petit, qui vivait autrefois à Bourges, et dont nous avons ici quelques maquettes et autres "maisons de poupée" d'un nouveau genre.
Rien que pour cette exposition, rare à Paris – reléguée en marge de tout le reste dans ce labyrinthe de béton, de façon cohérente au fond, car on n'a pas affaire ici à de "l'art hors-les-normes" pour rien! : il reste en marge quel que soit le contexte d'exposition – il faut se rendre dans ce Consulat, en traversant jusqu'à l'espace fabulosant ces 3000 m² d'un trait, sans se disperser outre mesure dans les autres espaces, plutôt vides de sens (si ce n'est pour aller se boire une bière sur une terrasse aux herbes sauvages poussant sous des gratte-ciels ou des immeubles du genre cages à lapins, en rêvant des fantômes de Rousseau et de Brauner).
Abdelkader Rifi, sans titre, env. 1m sur 1,20m, sans date, ph.B.M., 2018.
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¹ Ce "Consulat", nous apprend un article du Quotidien de l'Art, "est issu de l’association GANG, dirigée par Lionel Bensemoun, petit-neveu du fondateur des casinos Partouche. Il a créé avec l’artiste André Saraiva son agence événementielle La Clique et le club Le Baron, et vient de s’installer à Paris dans le 14e, pour une nouvelle saison (jusqu’en octobre 2018), dans l’espace des futurs Ateliers Gaîté de 3000 m2..." L'adresse de ce Consulat éphémère est au 2 de la rue Vercingétorix, 14e ardt donc.
² A ce sujet, on lira avec fruit le livre d'Annie Le Brun, Ce qui n'a pas de prix, récemment paru chez Stock.
00:06 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : antoine gentil, consulat, vandalisme urbain, atelier du douanier rousseau, art brut, art hors-les-normes, art naïf, art singulier, pierre petit, emile ratier, françois portrat, environnements spontanés, nedjar, prétention muséographique, abdelkader rifi, annie le brun, la fabuloserie paris, le gazouillis des éléphants, jean tourlonias, francis marshall, simone le carré galimard | Imprimer
07/07/2018
Le mariage du paysage et de l'imagination, un exemple
Pour compléter ma réponse à "Etienne" parue en commentaire à la suite de la note précédente consacrée à un tableau de Soutine, je me suis souvenu que j'avais rassemblé dans mes archives photos toutes les images que j'ai pu trouver, illustrant le thème des "paysages". Voici deux œuvres, une de 2013, et une plus ancienne, de 2003, qui me paraissent correspondre avec ce que j'envisage quand je parle de mariage de la perception du monde extérieur avec expression détachée de ce même monde.
Bruno Montpied, La Montagne de la Tête, technique mixte sur papier, 29,7x21 cm, 2013.
B.M., Le Pont des Fées, 8 Figure, technique mixte sur carton toilé, 2003.
Ces deux œuvres me plaisent tellement que je ne les ai jamais mises en vente et que je les garde par devers moi, comme des talismans...
12:41 Publié dans Art immédiat, Art singulier, Art visionnaire | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : mariage de la perception et de l'imaginaire, bruno montpied, art singulier | Imprimer
02/07/2018
Un tableau comme on les aime, vers lesquels il faut aller à présent...
Auteur masqué, titre inconnu...
L'autre jour, en me promenant dans mes archives iconographiques numérisées, j'ai découvert, ou redécouvert ce tableau que j'avais photographié je ne sais où, au gré d'une balade, peut-être dans un musée. Il m'a de nouveau frappé (j'écris "de nouveau", car si je l'ai photographié – alors que je n'ai pas noté sa référence très clairement, et qu'apparemment il relève d'un champ d'exploration qui n'est pas, ou qui n'est plus, souvent le mien – c'est qu'il m'avait déjà frappé une première fois), ce qui n'est pas si fréquent. On aperçoit parfois pour la seconde fois des images que l'on avait aimées sur le moment mais dont le charme, la surprise, se sont évaporés à la deuxième rencontre. Ce qui n'est pas le cas ici. Celui-ci m'a encore captivé.
Il y a du Van Gogh qui souffle à l'intérieur, la folie – la tourmente – en moins, il me semble. Le paysage se soulève comme pris d'une danse de Saint-Guy.
Extrait de Paracelse, de Georg Wilhelm Pabst (1943, en Allemagne) ; du Michaël Jackson avant l'heure...
Les pitons, les maisons, les chemins, tous se mettent à onduler telles des bayadères envoûtées, comme les personnages du film de Pabst ci-dessus (une surprise là aussi, que j'ai dénichée en cherchant l'orthographe de Saint-Guy). Les nuages et les buissons eux-mêmes partent en sarabande. Le paysage, au départ classique, un peu fauve, ondoie, part en vrille, littéralement, travaillé de tourbillons, comme si de l'intérieur germait un outre-paysage, plus abstrait, plus surréel, délaissant la référence aux paysages réalistes. Ce tableau réalise la prouesse de marier figuration d'après motif avec figuration ne renvoyant qu'à elle-même, dans un jeu détaché de la copie du monde environnant.
PS: J'offre un de mes petits dessins à qui trouvera le nom du peintre au tableau renversant (Mais, Régis Gayraud, vous ne jouez pas! Désolé... Laissez une chance aux autres sur ce coup...). Et essayez, please, de ne pas recourir à internet, c'est trop facile, soyez honnête, ne vous fondez dans vos hypothèses que sur vos connaissances ou intuitions.
Le premier à donner, en commentaires (l'horaire d'arrivée de ces derniers faisant foi), le nom en question choisira parmi les deux dessins ci-dessous:
Bruno Montpied, La Petite sorcière, 21x14,5cm, 2017.
B.M., Le Clown triste, 14,5 x 21 cm, 2017.
00:36 Publié dans Art immédiat, Cinéma et arts (notamment populaires), Jeux | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : jeu, identification d'un peintre, danse de saint-guy, pabst, paracelse, bruno montpied, figuration poétique, paysage | Imprimer
27/06/2018
Deux anciennes artistes d'"Aventures de lignes" se manifestent cet été : Marie Audin, Caroline Dahyot
A l'automne 2016, j'avais rassemblé quelques artistes à part dans une galerie associative de St-Ouen, la Galerie Amarrage, dans une expo que j'avais intitulée "Aventures de lignes" (titre inspiré d'un texte d'Henri Michaux). Parmi eux, quelques-uns continuent d'exposer, je ne signale pas tout le temps quand ni où. Une fois n'est pas coutume, je vais en rassembler deux qui exposent durant cet été en deux points distincts du territoire.
Marie Audin a été repérée par la directrice du Musée d'arts naïfs et d'arts singuliers de Laval, Mme Le Falher, durant l'exposition que j'avais montée à Saint-Ouen avec d'autres artistes. Je n'en suis pas peu fier... Une fois une donation effectuée dans ce musée en bonne et due forme (une vingtaine d'œuvres), deux ans plus tard, voici que le MANAS (cet acronyme vous a des allures de ville amazonienne, je trouve...), lui consacre une expo en insistant (à juste titre) sur ce qui fait la singularité de cette artiste autodidacte (au départ dermatologue) : la technique originale qu'elle s'est bricolée en solo, le pricking (piquage à l'aide d'une aiguille dans le support, dessous, dessus...) avec broderie, peinture à l'encre et à l'aquarelle (cette technique provient bien entendu de son métier). Rappelons que c'est le Musée de la Création franche, à Bègles, qui avait exposé en premier Marie Audin (alors nommée Marie Adda), c'est d'ailleurs là que je l'ai à mon tour découverte (puis que j'ai publié un article sur elle dans la revue du musée, au titre éponyme de Création Franche). Je n'ai fait au fond que le passeur.
Marie Audin, sans titre, mai 2014, ph. et coll. Bruno Montpied ; dans les travaux de Marie Audin, j'ai une préférence pour ses compositions semi abstraites, semi figuratives, dans des compositions poussées.
Marie Audin (sans références) ; ici on rencontre en une seule image un ensemble de techniques mises au point par l'artiste: pricking, aquarelle, broderie, dessin... Marie Audin n'est pas toujours allée aussi loin dans ses œuvres ultérieures que dans l'œuvre ci-dessus.
Caroline Dahyot, un travail récent (et à chacun ses marqueurs, moi, je n'utilise pas ceux que l'on voit sur cette table).
Autre femme à avoir exposé avec nous à St-Ouen, Caroline Dahyot. Elle sera tout l'été au Petit Casino d'Ailleurs (en compagnie du photographe – et cinéaste – Jean-Marc Gosse). On suppose qu'on y retrouvera ses peintures sur papier, sur tissu, ses reliquaires à poupées démantibulées, et ses appels à aimer dont elle n'est pas avare (voir les cœurs en escadrille ci-dessus). C'est ouvert sur rendez-vous et le mercredi matin au moment du marché...
19/06/2018
Orphée et les animaux, une peinture d'un artiste inconnu, Serge Karine
En vente sur eBay récemment, le tableau sans titre que je reproduis ci-dessous m'a attiré l'œil tout de suite. Il fait partie de ces œuvres dont l'auteur n'a guère laissé de traces, semble-t-il. En bas à droite on lit une signature, "Serge Karine", suivie d'une date, 47 (?)... Cela ne nous mène pas loin. Internet ne renseigne pas sur cet artiste (pour une fois!).
Serge Karine, sans titre (Orphée charmant les animaux), huile sur toile, 33x46 cm, 1947 (?), ph. et coll. Bruno Montpied.
La marchande qui me l'a vendu une poignée d'euros m'a précisé qu'il s'agissait d'un thème mythologique antique fameux : Orphée charmant les animaux. C'est l'épisode du mythe après que le poète à la lyre a définitivement perdu son aimée Eurydice au retour des Enfers (s'étant retourné vers elle malgré les injonctions d'Hadès avant qu'ils soient parvenus au jour). Désespéré, il fuit et chante sa douleur au fond d'une forêt, attirant à lui par le charme de sa musique tous les animaux aux alentours. A détailler les bêtes présentes dans le tableau, on se dit que cette forêt était habitée par une sacrée arche de Noé, autre thème, cette fois biblique, que la même marchande avait cru dans un premier temps être le sujet du tableau. Ours à l'air éploré, boa, rapace, singe (se tenant la tête comme accablé par la souffrance d'Orphée), girafes, fauve, rhinocéros, bêtes cornues, un loup peut-être, et plusieurs éléphants accourent en effet, captivés par la mélopée. En lisière d'un éperon rocheux, à l'arrière-plan, on aperçoit les silhouettes d'autres animaux rendus minuscules par la distance, donnant, ainsi qu'un horizon semé d'arbres, en dessous des rochers, la sensation de la profondeur et de la perspective aux spectateurs.
François Boucher, Orphée charmant les animaux, XVIIIe siècle, musée Bargoin, Clermont-Ferrand ; on notera l'éléphant regardant de face le spectateur, comme louchant quelque peu...
Orphée lui-même, dans le tableau de Karine, a un teint violacé, quand toute la composition elle-même baigne dans une lumière hésitant entre le rougeâtre et le bleuâtre. Ses lèvres sont peintes, comme maquillées par du rouge à lèvres. Il joue de sa lyre à l'aide de gros doigts, aussi épais que des saucisses.
Jean Hazéra, Orphée charmant les animaux, 46x55cm, huile sur toile, 1999 ; cette toile découverte sur internet, alors que je recherchais une iconographie adaptée à la présente note, m'a révélé un peintre contemporain, vivant dans le Tarn-et-Garonne, dont je trouve l'œuvre variée attachante et très souvent séduisante (voir son site web).
Ce genre d'œuvres, quelque peu orphelines, que l'on hésite à qualifier de naïves, que l'on ne peut ranger dans aucune catégorie autre que les peintures inclassables et étranges, m'intéresse de plus en plus depuis quelques années. Il me semble que je ne suis pas seul à m'y intéresser du reste, lorsque je constate que l'on en rencontre de plus en plus sur les foires et marchés à la brocante par les temps qui courent.
09:54 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art des croûtes, art des dépôts-ventes, Art immédiat, Art inclassable, Art naïf, Art visionnaire | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : serge karine, orphée charmant les animaux, jean hazéra, art inclassable, peintures inclassables et étranges, art naïf insolite, françois boucher | Imprimer
11/06/2018
Infos-Miettes (31)
Briantais et Estaque chez LFLF2015 à St-Malo-de-Guersac
Du 1er au 31 juillet prochain, ces deux artistes, dont j'ai plus d'une fois mentionné l'existence et les œuvres, rapprochent ces dernières pour une espèce de dialogue... Dans le cadre d'un de ces lieux comme il en apparaît régulièrement dans les mailles serrées du patchwork des petites communes françaises. Le vernissage est prévu pour le 7 juillet à partir de 16h. LFLF2015 (oui je sais, c'est plutôt cabalistique, et il faut trouver le coin où aura lieu l'expo : 56 ile d'Errand, Loire-Atlantique St-Malo-de-Guersac, tél: 06 18 97 13 63).
Créations populaires en Mayenne
Et revoici une production de l'association CSN (Création Singulière et Naïve) – qui semble avoir laissé tomber le numéro de département qui flanquait son acronyme précédemment (53, le département de la Mayenne).
Cénéré Hubert, un moulin illustré, photo Michel Leroux.
Elle propose une exposition de quatre autodidactes singuliers , aux lisières de l'art naïf et de l'art brut, Gustave Cahoreau (dessinateur et sculpteur, bof...; voir ci-contre la tête chapeautée), Patrick Chapelière (passablement inégal, et souvent "décoratif" depuis quelque temps semble-t-il ; voir ci-contre œuvre de 2018), Raymond Lemée (ce dernier paraît recycler les crucifix : moi, je dis beurk!) et Céneré Hubert, à mon avis le plus intéressant des quatre (Michel Leroux et Jean-Louis Cerisier, qui interviennent dans cette association, ont souvent défendu ce dernier qui est un peu leur découverte ; ils m'ont du reste aidé à illustrer la notice que j'ai consacrée dans mon livre Le Gazouillis des éléphants à ce créateur, également l'auteur d'un environnement naïvo-brut à St-Ouën-des-Toits). L'expo se tiendra du 13 juillet au 26 août, à la Bergerie du château de Sainte-Suzanne, fort joli village mayennais, paraît-il.
(Ce sera ouvert tous les jours, de 10h00 à 19h00. Entrée libre. Un catalogue accompagne la manifestation. Il sera disponible (offert par le CIAP) à la librairie du château, face au lieu d’exposition).
"L'envol ou le rêve de voler" à la Maison Rouge
Du 16 juin au 28 octobre prochain, aura lieu à Paris une expo conjointement organisée par Antoine de Galbert et la collection ABCD sur le thème du rêve de voler. Ce sera la dernière de la Maison Rouge... Il y sera question sans doute, et entre autres, de Gustav Mesmer, cet aviateur en herbe, renouvelant le rêve des pionniers de l'aviation avec leurs drôles de machines volantes dont ont déjà parlé diverses autres publications et expositions fournies autrefois par la Collection de l'Art Brut. On se rappelle en particulier l'expo et le catalogue de "L'Art Brut dans le monde" qui contenait six petits courts-métrages dont un sur ce Mesmer. Mais ce ne sera pas le seul "Icare" de représenté dans cette expo puisque le dossier de presse annonce 130 artistes et créateurs, dont les œuvres (on en annonce 200) relèvent tantôt de l’art moderne, tantôt de l'art contemporain, tantôt de l'art brut, voire de l'art ethnographique ou populaire. Un peu du méli-mélo en somme, comme l'aime Antoine de Galbert...
Carlés-Tolra, et l'amour, au Musée de la Création Franche cet été
Deux expos en effet, distinctes, quoique dans un même lieu cet été à Bègles. "Le monde selon Carlés-Tolrá" d'une part, véritable rétrospective de cet artiste, grand ancien de l'art singulier (terme que l'on peut présenter comme synonyme de "neuve invention", voire de "création franche" – même si cette dernière expression cherche à intégrer également l'art brut, l'art naïf, même certaines expressions surréalisantes), du 15 juin au 2 septembre 2018, et "All I need is love" pour l'autre part, du 15 juin au 19 mai 2019. Sur l'expo Carlés-Tolrá, voici ce que précise le musée: "Pour la 90e année de cet auteur majeur de la collection Création Franche, le Musée lui consacre 6 salles où seront présentés, outre des œuvres du fonds de collection, des prêts exceptionnels du créateur comme ses premières peintures, des lettres échangées avec Jean Dubuffet dont il était proche et des œuvres de sa collection personnelle." On notera cette mention d'œuvres venues de la collection de l'artiste, chose qui reste peu connue chez Carlés-Tolra.
Ignacio Carles-Tolrá.
Dans le cadre de "All I need is love", qui est une sélection, un ré-accrochage des collections permanentes du musée sur le thème de l'amour (votre serviteur y a des œuvres présentées, je ne sais lesquelles, je rappelle que le musée conserve une donation de 129 (à peu de choses près...) de mes peintures et collages), une playlist a été proposée, en réalisation collaborative, à tous les internautes que cela stimulait. A signaler que l'animateur de ce blog y est allé également de ses propositions. Un petit jeu peut donc s'esquisser (mais il n'y a pas de prix à gagner cette fois...). A vous de deviner au moins un morceau proposé par le Poignard... Cependant il me semble qu'il faut posséder un abonnement à Deezer, ou alors il faut écouter au musée toute la playlist (au moins 177 morceaux...).
Collection de l'Art Brut à Lausanne, nouvelle expo : "Acquisitions 2012-2018"
Du 8 juin au 2 décembre 2018, vient de commencer la présentation d'une sélection d'œuvres acquises par la Collection depuis que Sarah Lombardi en est devenue la directrice. Cela donne plus de 150 œuvres en exposition. En même temps, paraît le fascicule de l'Art Brut n°26, avec des mini monographies sur certains créateurs récemment entrés dans la Collection, Charles Boussion, Gaël Dufrène, Dunya Hirschter, Mehrdad Rashidi, Bernadette Touilleux, Royal Robertson, Michel Nedjar (pour la deuxième fois ; car il avait déjà fait l'objet d'une notice dans le fascicule n°16 en 1990, décidément Lausanne lui voue un véritable culte), etc.
Charles "Cako" Boussion, "Tzar de jadis... Icône revisitée d'après un tableau sur bois, de Charles Cako Boussion, Montpellier, novembre 2011 à l'âge de 86 ans", peinture sur papier, 42x29,7cm ; ph. et coll. Bruno Montpied.
15:28 Publié dans Art Brut, Art naïf, Art singulier, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : bernard briantais, jean estaque, lflf2015, art singulier, csn, mayenne, création populaire en mayenne, céneré hubert, l'envol, la maison rouge, abcd, art brut, gustav mesmer, musée de la création franche, carles-tolra, collection de l'art brut, charles cako boussion, sarah lombardi | Imprimer
08/06/2018
Railway walking dead...
Il y a quelques semaines, lors d'un de mes trajets en train, en cours de voyage, vers Vichy je crois, j'ai vu débouler dans mon wagon tous les voyageurs évacués de la voiture voisine. A chaque arrêt, le chef de train répétait que "la voiture n°4, suite à un incident mineur, n'était plus accessible pour raison de sécurité".
Je me demandais bien ce qui avait pu se passer. Arrivé à Paris, il y avait des pompiers qui attendaient sur le quai, dont certains montèrent dans le fameux wagon. Une fois descendu, j'ai demandé à l'un d'eux ce qui se passait. Il m'a répondu que c'était un passager qui était mort dans le train. Donc, nous avons fait le trajet Vichy-Paris avec au moins un mort dans un des wagons. Je l'imagine, bien carré dans son siège, voyageant tranquillement dans sa voiture vide, pour lui tout seul, dodelinant d'un air philosophique...
Régis Gayraud, sms du mardi 5 mai 2018.
12:55 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : régis gayraud, walking dead, mort, trains | Imprimer