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14/06/2009

Info-Miettes (4)

JOEL LORAND chez ROBERT TATIN

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         "Des personnages floricoles à la symbolique du bouclier", tel est le titre de la future exposition de Joël Lorand au musée Robert Tatin du 27 juin prochain au 31 décembre (pour donner des idées d'étrennes sans doute aux Mayennais). Ce qu'il y a de bien avec cet artiste, c'est que comme il expose beaucoup, l'amateur de son travail peut suivre les développements les plus récents de l'oeuvre sans problème, quasiment en temps et en heure... Rendez-vous avec les dernières étapes où le thème du bouclier semble devenir plus prégnant donc. Mais que l'on se rassure, on devrait retrouver encore les personnages un peu gores, un peu larvaires, croisés avec des tubercules, écorchés hurleurs qu'affectionne Joël. Et ce raffinement quasi persan dans la sinuosité et le rendu des matières. Salle "La Grange", Musée Robert Tatin, La Frénouse, Mayenne, Cossé-Le-Vivien, T: 02 43 98 80 89. Vernissage le 27 juin à 10h30.

 
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Joël Lorand, une oeuvre exposée au Musée de la Création Franche en 2008

 

DES NOUVELLES DES PREVOST

       Clovis Prévost expose ses photographies de Gaudi depuis le 8 mai au Château de Trévarez dans le Finistère, mais vous aurez le temps d'aller les voir jusqu'au 4 octobre. C'est un travail déjà ancien, mais des photographies parfaitement inspirées. L'expo propose en sus un documentaire sur la Casa Milà et des commentaires de Dali.

        Il semble que les Prévost aient pu remettre la main sur les bobines du film qu'ils avaient entamé en compagnie de Chomo et qui ont disparu par la suite. On sait qu'une exposition Chomo est prévue pour septembre à la Halle St-Pierre. Ils préparent donc actuellement leur participation à cette expo par le biais de ce film inachevé ("Le Débarquement spirituel") et des photographies du tournage (qui s'étendit de 1989 à 1992). Chomo, ça n'est pas exactement ma tasse de thé, mais je passe l'info à ceux qui sont plus motivés que moi. J'ai toujours refusé de me "décrotter" de ma culture comme le conseillait Chomo lorsque moi aussi je m'en fus le visiter au début des années 80.

Chomo,image du film Le Débarquement Spirituel de Claude et Clovis Prévost..jpg
Clovis Prévost, image un peu psychédélique extraite du film Le Débarquement Spirituel

        Enfin, les Prévost participent à l'exposition Claude Roffat à l'Abbaye d'Auberive cet été avec des photos consacrées à Ferdinand Cheval, Raymond Isidore, Robert Garcet et l'abbé Fouré.

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Photo Clovis Prévost, le Palais Idéal, détail, après restauration, extraite du livre de Claude et Clovis Prévost paru aux éditions ARIE en 1994
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DES OUTSIDERS AMERICAINS à Paris
  
     La Galerie Objet Trouvé dans le 12e ardt à Paris présente à partir du 18 juin prochain une exposition intitulée "AMERICAN OUTSIDERS I : The Black South", qu'on pourrait traduire par "Alternatifs américains I : Le Sud Noir"... Sept créateurs américains seront au programme: Hawkins Bolden, Thornton Dial, Royal Robertson, Mary T. Smith, Henry Speller, Jimmy Lee Sudduth et Mose Tolliver.Mose Tolliver, DR.jpg J'ai personnellement un faible pour Mose Tolliver, mais Jimmy Lee Sudduth, je crois que c'est bien aussi, et puis ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de voir en vrai des oeuvres de ces chers outsiders qu'on ne connaît de ce côté de l'océan qu'en reproduction (si on n'a pas les moyens de se payer le voyage vers les foires d'art brut aux States comme  cela se pratique dans une certaine Jet Set (Jet States?) de l'art brut apparue ces dernières années).
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Thornton Dial
Photo extraite du site web de la Galerie Objet Trouvé
 
 
                           Ce dimanche à la Halle Saint-Pierre qui plus est, on aura l'occasion de voir, en apéritif de cette exposition en quelque sorte, un ensemble de quatre portraits de créateurs américains, deux étant de l'expo de chez Objet Trouvé, Royal Robertson et Hawkins Bolden, auxquels s'ajoutent Judith Scott et Ike Morgan. Le film s'appelle Make et ses réalisateurs sont Scott Odgen et Malcolm Hearn. Dimanche 14 juin à 15h30 à l’auditorium de la Halle St Pierre, 2, rue Ronsard, 18e, Paris (M° Anvers).
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DESSINS "BRUTS" à Saint-Cirq-Lapopie
Alexis-Lippstreu,sanstitre,.jpgAlexis Lippstreu, sans titre, sans date, coll privée, Paris
 
 
      Au Musée Rignault de St-Cirq, à quelques volées de marche de l'ancienne maison d'André Breton donc, on pourra admirer des dessins d'Alexis Lippstreu, cet étonnant réducteur non pas de têtes mais de chefs d'oeuvre de l'art. Avec lui, des dessins aussi de Josef Hofer que je kiffe beaucoup moins, pour parler dans le style faussement canaille d'une grande bourgeoise qui sévit sur un blog voisin... Et puis des dessins d'artistes contemporains avec lesquels on a mélangé allégrement les dessinateurs bruts, tout ça n'est qu'une affaire de marchandise, n'est-ce pas...

13/06/2009

Apparition du soir, espoir?

    Cela fait longtemps que je regarde autour de moi comme Mme Bassieux regardait ses cailloux (voir note ci-avant). C'est même pour cela que cette petite dame m'avait interpellé. Cousins en divination, nous étions. Je propose cette fois cette figure qui se leva un soir sur l'horizon au cours d'un séjour à 1200 mètres dans le Cézallier... Et légèrement redessinée à Paris sur l'ordinateur, comme d'un léger coup de pinceau mouillé d'encre virtuelle...

NuageRedessiné-Lascombes,Ma.jpg
Photo numérique modifiée, Bruno Montpied

12/06/2009

Chave dans l'esprit

     Une litanie de noms qui me chantent aux oreilles, et sans doute aussi à nombre de mes lecteurs habitués de l'histoire de la galerie Alphonse Chave à Vence (rue Isnard, 06), du nom de celui qui la fonda après-guerre (1947) dans un esprit bohème et bricoleur, alternant son animation avec celle de la tenue du magasin de jouets et de matériel pour les arts qui la jouxtait. Reste à aider à faire connaître à d'autres amis le parcours et le savoir poétique accumulé au fil du temps par cette galerie.

Louis Carmeille,1969,ph.Bruno Montpied.jpg
Louis Carmeille [orthographe de la signature apposée au dos de la toile], sans titre, 1969, ph.Bruno Montpied, coll.privée, Paris (ancienne coll.Jean-Pierre Le Goff, ancienne collection Christine Bruces-Cerisier)

     Certes depuis de nombreuses années (depuis 1975, date de la disparition d'Alphonse Chave), la galerie est animée par son fils Pierre et par Madeleine Chave. Au départ, elle s'appelait la galerie "Les Mages". Amateur d'art contemporain, moderne, de surréalistes indépendants (Max Ernst, Joseph Sima), de vieux dadaïstes dont certain habitait parfois sa région (Ribemont-Dessaignes à St-Jeannet, Man Ray...), mais aussi d'art brutGabritschevsky, 41x59, Galerie Alphonse Chave, Vence.jpg et d'art singulier (la liste en est plus longue, de Chaissac, Philippe Dereux, Ursula B. à Gabritchevsky, Louis Carmeil, Jules Godi Jules Godi, 42x64, 1976, Galerie Alphonse Chave.jpgou Marthe Isely), Alphonse Chave croisa la route de Jean Dubuffet venu s'installer à Vence à la fin des années 50 après l'exil de sa collection d'art brut aux USA chez le peintre Ossorio. Puis, semble-t-il, se fâcha avec lui par la suite... Continuant cependant à découvrir sans cesse de nouveaux talents, qu'il exposait sous le sigle du SIC (Séniles, Invendables, Crétins), tout un programme...Marque-pages SIC 1963, exposition le Monde d'Alphonse Chave, Lyon, 1981.jpg

MartheIsely, jeune femme créole,45x30, 1959, Galerie Alphonse Chave.jpg
Marthe Isely, Jeune femme créole, 1959

     A l'activité de défricheur de son père, Pierre Chave a ajouté ses talents d'éditeur, d'imprimeur et de graveur. De magnifiques catalogues, édités avec soin avec tout l'amour de l'artisan, sont systématiquement recherchés par les passionnés de l'activité de cette galerie. Alphonse Chave en particulier a fait connaître au public français le génial aquarelliste visionnaire Eugen Gabritschevsky (il l'exposa hors des milieux psychiatriques dans sa galerie en 1961 sur les conseils de Dubuffet), plusieurs catalogues furent du coup consacrés à ce dernier dont un plus récent que les autres, en 1998, avec une préface d'Annie Le Brun. C'était un créateur parmi tant d'autres. Ils reviennent à partir du 13 juin - demain... -  au Château de Villeneuve, à Vence, dans le cadre de la Fondation Emile Hugues (2, place du Frêne, Tél: 04 93 58 15 78), dirigée par M. Zia Mirabdolbaghi (que voilà un beau nom), pour une exposition en quelque sorte rétrospective:  "De Dada à demain, L'Esprit Chave".  Jusqu'au 1er novembre 2009, on pourra y retrouver donc (en citant ici dans le désordre des noms qui me sont chers et que je n'ai pas encore cités): Aloïse, Jacqueline B., Rose Aubert, Boris Bojnev,Georges Bru L'Ange du Bizarre, 82x60, 2003, Galerie Alphonse Chave.jpg Georges Bru, Slavko Kopac (créateur à qui un Dubuffet a fait bien trop d'ombre de façon injuste, alors que le rapport de valeurs devrait être renversé en sa faveur et de loin), Raphaël Lonné, Henri Michaux, Dado, Marcelo Modrego, Georges Demkin, J-F. Ozenda, Francis Palanc, Louis Pons, Paul Duchein, Manou Pouderoux, Juan Ferrer, Réquichot, Gironella, Woldemar Winkler, Isabelle Jarousse (une trouvaille plus récente celle-ci), etc...

Boris Bojnev, 27x36, 1960, Galerie Alphonse Chave.jpg
Boris Bojnev, une de ses "auras", Galerie Alphonse Chave

      A noter aussi, en parallèle, une importante exposition consacrée au créateur de théâtres d'épluchures Philippe Dereux dont l'oeuvre sera mise en confrontation avec celle de Dubuffet pour qui il travailla en lui préparant des ailes de papillon en prévision de ses collages. De là vint ensuite le désir de Dereux de voler de ses propres ailes... Philippe Dereux/Jean Dubuffet, Musée des Beaux-Arts de Lyon, 25 juin - 21septembre 2009.

Expo Philippe Dereux à la Galerie Chave, 2007.jpg
Carton d'annonce de l'exposition Philippe Dereux à la Galerie Chave en 2007

    

09/06/2009

Arthur Vanabelle, à prés de 90 ans, vise plus que jamais le ciel

     Je suis retourné voir la ferme d'Arthur et César Vanabelle à côté de Steenwerck dans le Nord, à quelques pas de la frontière belge, près de Nieppe où habitait paraît-il Line Renaud, personnalité qui n'est pas sans impressionner Arthur justement. Il aime à citer le voisinage d'une telle vedette, de même quand il rappelle la présence à une certaine époque de Marguerite Yourcenar à quelques encablures de sa ferme. Des fois qu'on prendrait son exploitation agricole pour un trou du cul du monde...?

Arthur Vanabelle,La Ferme des Avions, ph.B.Montpied, 2008.jpg
Arthur Vanabelle, "la Ferme des Avions", prés de Steenwerck, Nord ; ph.Bruno Montpied, sept 2008

        Veut-il qu'on le prenne lui-même pour une vedette? Non, non, semble-t-il dire. Etes-vous un artiste? Si on veut, on est tous des artistes quelque part... Il répond avec malice, rigolard, les yeux pétillant.

      Ce coin de France nordiste paraît aujourd'hui pour ce qu'il est devenu de fait, un cul-de-sac. La route qui va à la ferme de la Menegatte, la "ferme des avions" comme on l'appelle familièrement dans la région se termine à la propriété des Vanabelle, barrée qu'elle est par l'autoroute Lille-Dunkerque, où pilent parfois certaines voitures quand leurs conducteurs découvrent avec stupeur les installations "militaires" d'Arthur.

Arthur Vanabelle,batterie de canons anti-aériens, ph.B.Montpied, 2008.jpg
Arthur Vanabelle, les canons anti aériens, ph.B.M., 2008

      Du coup, on se fait une fausse idée du lieu. Car la route ne fut pas de toute éternité une impasse. Du reste, Arthur commença ses assemblages de fusées (Ariane...), ses canons anti-aériens, ses maquettes d'avions sur le toit, tank en bidons et autres matériaux recyclés, dans les années 60 avant que l'autoroute ne soit construite. La route qui passe devant la ferme continuait sans obstacle en direction de l'agglomération de Steenwerck qui se trouve plus bas. Le lieu était passant en réalité...

Arthur Vanabelle,maquette d'avion au-dessus de sa ferme, ph.B.Montpied, 2008.jpg
Arthur Vanabelle, avion installé sur un des toits de la ferme, ph.B.M., 2008
Arthur Vanabelle, Le Tank, ph.B.Montpied, juin-09.jpg
Arthur Vanabelle, son tank en matériaux détournés, et notamment un cubitainer au bout du canon, normal car dans le cubi y a des "canons"...; ph.B.M., juin 2009

      Une route tellement passante qu'elle eut l'occasion de voir défiler trois jours et trois nuits, comme dit Arthur les armées françaises, anglaises et allemandes, les une chassant les autres en 1940... Arthur (né en 1922) et César (de deux ans son cadet) avaient alors 18 et 16 ans. L'épisode les marqua durablement. Leur ferme était pleine de réfugiés (une trentaine) que les Allemands sans doute narquois en les visitant à leur passage firent mine de prendre pour une famille nombreuse...

Poche de Dunkerque.jpg
La déroute des armées anglaise et française, formation de la poche de Dunkerque, Steenwerck est souligné par moi en bleu sur la carte

      Ce qui fait que l'installation qui a perduré jusqu'à aujourd'hui, avec son apparence trompeuse (?) de camp retranché apparaît comme la cristallisation d'un souvenir incrusté au fer rouge dans la mémoire des habitants de la Menegatte, ou de ce qu'ils ont appelé plus précisément "la Base de la Menegatte", comme il est inscrit sur un des murs de la ferme, base étant à comprendre comme dans "base militaire"...Arthur Vanabelle, inscription Base de la Menegatte, ph.B.Montpied, 2009.jpg Bien sûr la guerre laissa de fort mauvais souvenirs dans la région qui vit déferler les hordes teutonnes. En même temps, Arthur, et César encore davantage, se trouvèrent à l'abri de toute conscription, puisqu'ils étaient trop jeunes pour être enrôlés. Arthur ajoute d'un air amusé qu'à la fin de la guerre en 1945 il était en revanche devenu trop vieux...

 

Arthur Vanabelle,la ferme,un des pignons décorés, ph.B.Montpied, 2008,-gr.jpg
Canons, mais aussi personnages peints ou contrecollés sur le pignon de la ferme, ph.B.M., 2008

      C'est ainsi que je m'explique les sujets que décida de traiter Arthur dans ses assemblages, ces pièces d'armement, de propulsion (celles qu'on voit en premier lieu, car on trouve sur le site aussi des masques, une girouette en forme de coq construite sur une base de bicyclette, des personnages, officiers ou des soldats, car comme le dit Arthur, qui dit armes dit soldats), un besoin de fixer dans la mémoire collective, au moins des habitants de la ferme, l'événement traumatisant de la guerre. C'est mon hypothèse. Car lorsque je demande directement à Arthur les mobiles de ses "stabiles", il ne répond pas. Vous auriez pu faire des femmes nues aprés tout, vous dominiez le ciment...Non, lui, ce qu'il répond, c'est qu'il fallait bien se trouver une occupation, un passe-temps, parce qu'on n'a pas toujours quelque chose à faire à la campagne (ce qui est inattendu pour le moins, je croyais au contraire qu'on ne manquait jamais de travail dans l'agriculture, surtout dans ces années-là).

Arthur Vanabelle,le visage d'officier géant comme une hantise,ph.B.Montpied, 2008.jpg
Arthur Vanabelle...Qui dit armement, dit aussi soldats..., ph.B.M. 2008

      Le site est connu, on le doit en premier à Francis David, le photographe dériveur qui dans les années 80 a publié le Guide de l'Art Insolite Nord-Pas-de-Calais (aux éditions Herscher). Tout le monde, tous les amateurs et journalistes qui sont arrivés par la suite ont pompé ensuite joyeusement dans cet ouvrage où David avait recensé et photographié excellemment beaucoup de sites majeurs de ce si sympathique Nord. Mais c'est vrai qu'on s'est toujours représenté le site comme en rapport direct avec l'autoroute, or ce n'est pas le mobile réel. La guerre de 39/45 est plus au coeur de cette réalisation hors du commun.

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Arthur Vanabelle, Mireille Mathieu, vers 1987, dessin au stylo Bic sur carton de calendrier (avec photo d'orchestre municipal au verso ; à rappeler qu'Arthur joua longtemps du bugle dans des orphéons...), coll.privée, Paris, ph.B.M.

      Arthur Vanabelle, né dans une autre époque, aurait pu peut-être développer un tout autre imaginaire, comme me le prouva, dimanche lorsque je le visitai, la vision de quelques rares dessins au stylo Bic qu'il cachait derrière des piles de papiers, comme indifférent à leur sort (certains étant abîmés, déchirés, éraflés). Il y a là à n'en pas douter un talent fort proche de l'art brut. Des visages de vedettes de la chanson, comme Mireille Mathieu, par exemple. La première mention de ces dessins à ma connaissance ayant été faite dans une émission de radio sur France-Inter en 2001 au cours de l'excellent entretien que donnèrent Arthur, César et leur soeur Agnès (récemment décédée) à la journaliste Zoé Varier.

     Je partis de chez lui  en me demandant ce que pourrait donner un rassemblement de bricoleurs de fusils et autres canons symboliques où figureraient par exemple André Robillard, Alexandre Lobanov (revenu d'entre les morts)...

07/06/2009

Un mutique rasta

    Ci-dessous deux états d'une même tache trouvée au départ sur le bitume du côté de Brioude en 2007. Etat brut en haut, état plus "travaillé" en dessous.

Le Mutique,tache dans le goudron, ph.B.Montpied, 2007.jpg

Le Mutique

Le Mutique un peu rasta, photo modifiée numériquement,B.Montpied, 2009.jpg
Le Mutique un peu rasta, photos B.M., 2007

05/06/2009

Ce blog avait deux ans...

    C'est l'usage, on commémore. Voilà, ça fait deux ans. Et dans la série des gâteaux les plus rébarbatifs (j'ai toujours eu horreur de fêter mon anniversaire, sans doute un souvenir enfantin d'indigestion enfoui dans le tréfonds de mon inconscient?), j'en ajoute un autre ci-dessous. Heureusement, ça ne revient qu'une fois par an.

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Bougies plantées dans le bide, bon anniversaire, Nounours...

04/06/2009

12èmes Rencontres autour de l'Art Singulier à Nice

     Et c'est reparti pour le 12ème festival Hors-Champ animé par Pierre-Jean Würtz toujours dans l'auditorium du musée d'art moderne de Nice... Voici le programme en espérant que vous pourrez le détailler. Cela se passe samedi prochain 6 juin (un jour pour débarquer...), de 10h à 17h30. L'entrée y est libre, il est bon de le souligner (c'est pas tous les jours gratuit ces temps-ci, n'est-ce pas?).

12e Rencontres autour de l'Art singulier, programme, mai 2009.jpg

      Deux films de Philippe Lespinasse et Andress Alvarez extraits de sa série éditée en DVD "Diamants bruts du Japon" (trouvable entre autres au comptoir de vente de la collection de l'Art Brut à Lausanne), consacrés à Eijiro Miyama (le matin) et Masao Obata (l'après-midi), sont notamment au programme.

Diamants bruts duJapon, DVD de Philippe Lespinasse et Andress Alvarez.jpg
DVD de Philippe Lespinasse et Andress Alvarez, production Lokomotiv Films et la Collection de l'Art Brut

      Une découverte sera certainement au rendez-vous, le film de 9 minutes de Michelangelo Antonioni, "la villa dei mostri" (Le Jardin de Bomarzo), qui sera projeté "en présence de Charles Soubeyran". C'est un peu le dada de Pierre-Jean que de retrouver ainsi des petits films curieux oubliés dans les filmographies et se rapportant aux "arts singuliers".

     Les spectateurs présents pourront certainement se délecter du court-métrage sur le Suisse Eugenio Santoro et ses sculptures anguleuses si expressives. On retrouvera aussi Guy Brunet qui annonce sur ce festival une "Télévision de demain". A noter que des rumeurs insistantes font état d'un projet d'exposition de ce dernier prévue pour dans un an au futur musée d'art brut de Villeneuve-d'Ascq. Info ou intox, on verra bien... J'aime à croire à l'info, moi qui l'avais signalé naguère à Madeleine Lommel dans un courriel, aprés l'avoir découvert dans une précédente édition du festival Hors-Champ.

    Pour le reste des films présents, je renvoie mes lecteurs au programme ci-dessus, en me contentant de relever que la présentation du film (d'Alan Govenar) sur le maquettiste Lucien Mouchet ne fera pas oublier qu'existe en France un autre ensemble de cirque miniature géant (oui, un paradoxe...), le Cirque Valdi (bien plus intéressant à mon humble avis que celui de Mouchet), dû à Maurice Masvignier à La Souterraine dans la Creuse. J'insère ci-dessous une vue de cette oeuvre, en partie automatisée (à signaler que Lucien Mouchet connaît bien l'oeuvre de Masvignier puisqu'il est parent avec lui).

Maurice Masvignier,détail de son cirque Valdi miniaturisé, ph.Bruno Montpied, 2005.jpg
Maurice Masvignier, détail, les spectateurs automatisés sous le chapiteau du Cirque Valdi, maquette à l'époque de la photo encore en évolution, ph.B.Montpied, La Souterraine, 2005

        Rapelons enfin que sera en supplément présenté le livre que l'association Hors-Champ a publié à la fin de l'année dernière, Petit Dictionnaire de l'Art Brut au Cinéma, dont j'ai déjà parlé sur Le Poignard Subtil.

31/05/2009

Voitures fantômes revenues du Malawi 1990

    Un ami de la région nîmoise, Yohan-Armand Gil, qui fait partie du groupe de créateurs regroupés sous la bannière du titre Venus d'ailleurs (voir leur site en lien), m'a mis en relation avec un autre de ses amis, Claude Ballaré qui en compagnie de son épouse Chris, en 1990, au cours d'un séjour au Malawi, en Afrique australe (c'est entre la Zambie, la Tanzanie, et le Mozambique, pays à la carte tout en longueur, tassé contre l'immense lac Malawi), fit un jour la découverte d'un original qui tressait des simulacres de voitures en bordure de chemin. Effectivement, cette rencontre méritait d'être photographiée et mise au jour. Loués soient donc Chris et Claude Ballaré pour leur ethnologie brute. Je joins ci-dessous les lignes que Claude m'a envoyées pour expliciter autant que faire se peut cette création d'une sorte de land art tout à fait brut.

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Photos Chris Ballaré, 1990
Anonyme malawite,photo Chris Ballaré, 1990.jpg
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Le constructeur de grands véhicules en fibres végétales.

       Ce parc automobile important était situé au sud du pays, un peu à l'écart de la route principale, à proximité de la frontière séparant le Malawi du Mozambique qui était alors en guerre civile. Il ne nous a pas été possible d'établir un quelconque contact avec l'auteur, qui était muet, et semblait être la risée des quelques villageois rencontrés.Anonyme Malawite, ph.Chris Ballaré, 1990.jpg Il habitait dans l'une de ses voitures. Compte tenu de l'abondance et de la vigueur de la végétation, je pense qu'il devait passer autant de temps à construire ses véhicules qu'à les défendre contre leurs pousses intempestives.

Anonyme malawite, ph.Chris Ballaré, 1990.jpg
Photo C.B., 1990

      Ces réalisations étaient son unique activité, elles étaient à peine visibles de la route et à distance se confondaient avec la végétation. Pour le reste, il était totalement pris en charge par ses voisins.

      Cela se passait il y a vingt ans, compte tenu de l'espérance de vie moyenne dans ce pays, je ne pense pas que ce mystérieux concepteur de véhicules soit encore en vie.

(Claude Ballaré)

Anonyme malawite, ph.Chris Ballaré, 1990.jpg
Photo C.B., 1990

      Il est à noter qu'un des artisanats répandus au Malawi est la vannerie, et le tissage des fibres végétales (joncs, roseaux...) que l'on trouve en abondance dans les régions côtières du lac, comme Claude Ballaré l'a signalé dans le catalogue de l'exposition Malawi, des jouets, des jeux qu'il rédigea et semble-t-il organisa au Musée d'Allard Montbrison (dans la Loire) en 1989-1990, à partir de ses collections de jouets malawites, dont une partie est entrée par la suite dans les collections du Musée du Jouet de Moirans-en-Montagne (Jura).

 

30/05/2009

Rasez les murs, ils vous feront des confidences...

Mur aux engueulades, Villefranche-sur-Saône, 2009, ph.Bruno Montpied.jpg
Le mur aux engueulades, Villefranche-sur-Saône, avril 2009, ph.Bruno Montpied

29/05/2009

Tour du monde pacifiste conservé en carte postale

    L'homme semble nous proclamer quelque important message qu'il faut de toute urgence transmettre au reste du monde.... Il se tient assis, le front ceint d'un couvre-chef de type oriental, tenant dans ses mains un curieux fil (de fer?). A ses pieds une sorte de marmite décorée dirait-on de grelots...

Carte postale années 50-60,souvenir de Tour du Monde, coll.B.Montpied.jpg
Carte postale colorisée, "Tour du monde, Globe de la Paix"... Coll B.Montpied

    On perçoit certes en premier lieu l'énorme globe terrestre qui par ses dimensions signifie clairement quel est le sujet principal de cette mise en scène en remorque. La planète fait le souci de l'homme assis fièrement. Une inscription "Tour du Monde Globe de la Paix" - avec peut-être un numéro de téléphone en dessous? - indique le programme du monsieur, peut-être en train d'effectuer une tournée internationale pacifiste en solo. A droite, un bout de la voiture chargée de remorquer cet étrange attelage laisse voir une plaque d'immatriculation en 06, désignant donc, semble-t-il, un véhicule immatriculé en France.

    De quand date cette image? Les années 50 ou 60, époque de guerre froide où le mouvement des citoyens du monde avec Garry Davis recueillait quelque écho...? Un croissant de lune sur la gauche de l'image, la coiffe de type oriental peuvent suggérer que nous avons affaire ici à un Mahométan. Tous renseignements supplémentaires sur cette image seront bien entendu les bienvenus sur notre blog... 

28/05/2009

Souvenir des Pierres qui Parlent, Marie-Antoinette Bassieux

     Qui se souvient des "Pierres qui Parlent" et de leur petit musée à Dieulefit dans la Drôme?

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Marie-Antoinette Bassieux, pierre interprétée, vers 1985 ; photographe inconnu

      Une dame fort âgée, Marie-Antoinette Bassieux l'avait créé dans une boutique vitrée où elle abritait sur des rayonnages des dizaines et des dizaines de cailloux, galets de rivière ou autres. Elle avait perçu des images inscrites à leur surface. Convaincue que bien entendu le public distrait n'a pas toujours la disponibilité requise pour reconnaître ces signes, à ses yeux pourtant évidents, Mme Bassieux avait consenti à souligner d'une légère touche de pinceau trempé dans l'encre noire les contours des personnages qu'elle avait reconnus.

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Marie-Antoinette Bassieux, pierre interprétée, vers 1985 ; ph.inc.

      L'inconscient naturel de ces pierres, ou l'imaginaire de Dieu (m'est avis que c'était l'hypothèse envers laquelle penchait en premier le coeur de Mme Bassieux...), n'était pas tout à fait naïf en l'occurrence.  Ces images trahissaient une culture artistique moyenne, comme si Dieu, avec un coeur qui ressemble parfois  à celui d'une midinette, avait beaucoup regardé des estampes, des profils enclos dans des médaillons, des scènes animalières quelconques. Un Dieu bien provincial somme toute (à la mode de jadis, je dis ça pour "G.M."), qui avait glissé ces copies en catimini dans les pierres, poursuivant je ne sais quel but, mais les voies du Seigneur ne sont-elles pas impénétrables?

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Marie-Antoinette Bassieux, pierre interprétée (une souris grignotant une partition), vers 1985 ; ph.inc.

      Cependant, ces pierres interprétées finissaient par charmer. Sans doute parce que quel que soit le motif aperçu dans les matériaux naturels, l'oeil du spectateur reste amusé, intrigué devant tel phénomène de divination. Il y a comme une magie qui opère lorsqu'on se rend compte que l'interprète a sorti un personnage de rien, de l'informe, où pourtant elle l'avait perçu à l'état embryonnaire. Et peut-être que cette magie est d'autant plus opérante lorsqu'elle se manifeste dans le cas de ce genre de création aux sujets à la limite du banal, du convenu.

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Marie-Antoinette Bassieux, pierre interprétée, vers 1985 ; ph.inc.

      La collection de Mme Bassieux, dont a parlé en son temps Pierre Bonte (il l'avait interviewée) dans un de ses Bonjour M.le Maire, fut un moment transférée dans un "Naturodrôme", à Crest dans la Drôme toujours et comme le nom de cette collection consacrée à la poésie naturelle l'indique. Puis elle revint de guerre lasse à son point de départ, à Dieulefit (dont le nom, on s'en convaincra aisément, était déjà tout le programme de Mme Bassieux...). L'interprète des pierres m'écrivit quelques lettres pour me faire part des avatars affectant ses collections. Elle aurait bien aimé trouver un lieu qui protége de façon assurée ses pierres "parlantes" aprés son séjour terrestre. Que sont-elles devenues aujourd'hui? C'est ce que je me demandais ces jours-ci. Alors, si vous le saviez, ne vous privez pas d'éclairer nos lanternes... 

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Marie-Antoinette Bassieux, Tintin, pierre interprétée, vers 1985 ; ph.inc.

23/05/2009

Un étroit chemin

           Un étroit chemin pour cette ombre qui me ressemble comme un frère, la route que je suis sans doute au milieu de tous et que je sens peu fréquentée...

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Bruno Montpied, Masque d'où sourd une ombre, image numérique modifiée, février 2009

Armand Goupil, un peintre revenant

    On aura sans doute lu le récent commentaire d'un internaute, Charles Hamm, qui propose aux lecteurs de ce blog de se manifester auprés de lui pour envisager ensemble les possibilités de monter une exposition sur Armand Goupil. Il va sans dire que le Poignard Subtil s'associe à, et encourage ce genre de projet. Goupil est décidément un peintre qui ne nous laisse pas tranquille et qui revient sans cesse. Que nous veut-il? Mais nous parler encore et toujours par delà le néant...

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Armand Goupil, sans titre, 5-XII-60, coll.B.Montpied

Dominique Paul rue de la Grange aux Belles

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Dominique Paul, assemblage extrait du carton d'invitation ; horloge? Cible? Roue de la fortune?...

    Dominique Paul, une femme comme son prénom ne l'indique pas, une sorcière ou une fée, expose ses boîtes et autres assemblages au café l'Apostrophe, 23, rue de la Grange-aux-Belles à Paris dans le Xe arrondissement, du 3 au 19 juin. Le vernissage, c'est pour le mercredi 3 prochain, à partir de 18h30. Dominique fait partie du groupe de Paris du mouvement surréaliste, ce surgeon issu des scissions qui suivirent  la tentative de dissolution du mouvement par Jean Schuster. Elle fait des boîtes, encore me dira-t-on, car ils sont nombreux à faire des boîtes, depuis Joseph Cornell notamment. Oui, c'est devenu un genre, comme la peinture à l'eau ou la lithographie. Ou le collage. Un genre qui s'est enraciné. J'ai cité récemment, dans une info-miette (du 3 janvier 09), une exposition de Paul Duchein au Musée de la Création Franche. Il y a eu aussi par le passé pas très lointain les boîtes envahies de bijoux toc et de poésie luxueuse de l'ami Peter Wood, disparu prématurément hélas (aprés sa mort, ses oeuvres furent vendues et dispersées entre tous ses amis et relations, il serait passionnant de les réunir dans une exposition rétrospective).

Dominique Paul, A l'inclinaison du rêve, 2006.jpg
Dominique Paul, A l'inclinaison du rêve, 27,5x45x10,5 cm, 2006

     Les assemblages de Dominique Paul sont réalisés avec un sens aigu de l'agencement d'objets hétéroclites, c'est là où les doigts d'une fée ont leur utilité. Il y a certes toujours beaucoup d'ésotérisme dans ce genre de compositions, mais l'intuition alliée à un certain goût candide verse en définitive dans le sens d'une certaine simplicité paradoxale (parce que peu commune parmi les créateurs de boîtes oniriques). Elle ne dédaigne pas le recours à la peinture, à la teinture de certains de ses décors, matériaux, faisant ainsi converger dans un unique système imaginaire tous les fragments qu'elle a prélevés dans la réalité extérieure, fragments, objets privés de signe poétique, et qu'elle a donc relevés en les faisant accéder à son univers d'échos analogiques. On prend plaisir à errer dans cette forêt de réminiscences où une certaine enfance du regard rafraîchit (et lave) le paysage.

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Dominique Paul, Le laid tombe et l'oiseau le relève, 47x87x13, cm 2008

21/05/2009

Alain Garret le foisonnant

                      Au Musée de la Création Franche, dans la collection permanente, que l'on découvre toujours par fragments, au gré des réaccrochages au premier étage du bâtiment qui dépendent de la surface occupée par les expositions temporaires, il arrive que l'on découvre des oeuvres de créateurs inconnus au bataillon et que l'on souhaite en savoir plus. Cela m'arrive régulièrement d'être particulièrement attiré par tel ou tel inconnu. Je cherche alors à en savoir plus auprès des animateurs du musée. Je déplore en même temps que le musée n'accorde pas davantage de lumière à ces créateurs-là. Tel est le cas par exemple du peintre Alain Garret, installé à Bordeaux. Et voici la lettre que je lui ai envoyée en retour aux images qu'il m'envoya suite à ma demande d'en savoir plus.

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Alain Garret, La diligence de Gustave, Musée de la Création Franche, Bègles, ph.B.Montpied, juil 2008 
   "Alain Garret,
    J'ai enfin pris connaissance des photos que vous m'avez envoyées si aimablement.
   Elles corroborent totalement l'impression que j'avais ressentie la première fois que j'avais découvert de vos peintures au premier étage du musée de la création franche.
    Votre création a quelque chose de parfaitement original, de véritablement neuf, dont je suis personnellement assoiffé.
    Ce sont surtout les toiles (pourquoi les appelez-vous des "canevas"?) où le sujet n'est pas particulièrement lié à une question d'actualité ou un sujet trop couru (comme "la descente de Croix" entre autres...) qui détourne l'image de sa pente inconsciente, qui me touchent et me remuent. Votre pente inconsciente est beaucoup plus impressionnante.
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Alain Garret, Marina, 55x65 cm, 2009, ph.A.Garret


    Je trouve que votre propension à peindre en vous évadant du rectangle de la toile, en mordant, en vous étalant sur la baguette de cadre est une excellente idée qui va loin (il ne faudra pas la laisser perdre, c'est une signature). On dirait que vous signifiez au spectateur votre volonté de ne pas vous limiter aux cadres, aux limites de l'oeuvre, à l'art pour l'art au sens traditionnel (les marchandises esthétiques limitées) et que votre ambition vise au delà, à répandre votre geste artistique dans l'univers entier...! C'est cette fusion de l'art avec la vie que notre modernité dans ce qu'elle a de plus fécond et excitant (surréalisme, situationnistes, art brut...) a recherchée au XXe siècle.

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Alain Garret, sans titre, 120x60 cm, 2008, ph.A.G.


    Vos oeuvres répondent à une recherche que je partage totalement avec vous, essayant de la mettre en action dans ma propre peinture (sans je pense y parvenir aussi directement que vous, faute à un certain savoir-faire par exemple dans le rendu des volumes), à savoir, le télescopage - je ne trouve pas d'autre mot plus adéquat, sur le moment - de plusieurs registres d'expression, réaliste, figuratif, abstrait, imaginiste, sur le même plan. C'est cette recherche d'image-là qui explique que personnellement, dans ma militance pour les arts spontanés, je ne privilégie pas l'art brut face à l'art naïf, souvent méprisé par rapport au premier par les orthodoxes de l'art brut. Dans l'art naïf, ce que l'on ne veut pas retenir (ou bien lorsqu'on le retient, c'est pour accabler l'art naïf, accusé d'être moins inventif que l'art brut), c'est la référence au réel, à la réalité rétinienne, comme disait Marcel Duchamp, qui est maintenue (tandis que l'art brut rassemble des créateurs davantage orientés vers l'informel, l'ornementation pure, l'abstraction automatique, bref, vers des représentations non rattachées à la réalité extérieure).

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Alain Garret, La gitane, 65x50 cm, 2007, ph.A.G.


    Devant vos tableaux, j'ai l'impression d'assister à un spectacle mouvant. C'est une sensation qui me ravit profondément. L'oeil passant, grâce à des transitions dont vous avez le secret, d'un registre d'expression à l'autre très contrasté (d'ordinaire...), la mémoire sollicitée à des niveaux différents, il en résulte un tourbillon, une mise en mouvement de l'esprit, tout à fait excitants... Vous organisez un va-et-vient de la réalité "intérieure" (l'univers imaginaire construit dans l'espace de la peinture, conçue comme disait Fernand Léger comme une "réalité en soi") à la réalité extérieure, va-et-vient qui crée le dialogue entre les deux réalités, permettant l'enrichissement et la subversion de l'une à l'autre... Alors que les créateurs qui ne prennent en charge qu'une seule des réalités risquent de s'enfermer dans un monologue qui à terme débouche sur une sclérose.

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Alain Garret, Saint-Michel terrassant 1 dragon picassien, ph.A.G ; à noter que le titre de cette oeuvre résonne aussi comme un manifeste pictural... 

 
    Le dessin chez vous naît de la couleur. C'est la couleur laissée libre avec ses contours vaporeux - ce qui assure sans doute les transitions entre les différentes zones de l'image -qui fait le dessin des formes. Les matières non cernées, les couleurs chatoyantes, variées, souvent chaudes, que vous privilégiez me donnent la confirmation que la couleur, dans son usage bariolé, n'est pas forcément à bannir en peinture (ceci est un petit clin d'oeil envoyé à l'ami Gilles Manero). Je sens que vos tableaux ont gardé le souvenir de plusieurs écoles artistiques tout en opérant une synthèse très désinvolte entre elles, et libre donc, qui n'oublie pas l'humour.
      Je vous félicite en conséquence et m'incline chapeau bas.
"

(E-mail remanié d'après celui que j'ai envoyé à l'artiste le 14 mai 2009, Paris)

 

16/05/2009

Dessin d'écrivain

Régis Gayraud, La bonne femme à la mort, 2007.jpg
Régis Gayraud, La grosse dame à la Mort, dessin et collage sur bristol alimentaire, 29-II-2007

Disparition de Pierre Peuchmaurd, un hommage de Joël Gayraud

"Pierre Peuchmaurd (1948-2009)

 

        Les trains dans la menthe

        la main dans l'étreinte

        la nuit violette aux œufs de femme

        les forêts bleues au bas des ventres,

        le sang sait ça

        le sang sait la poussière

        la lumière et l'écharde

        et les doigts des amantes

        dans la brèche bleue des bois

 

        (Scintillants squelettes de rosée, Simili Sky, 2007)

Pierre Peuchmaurd,photo Antoine Peuchmaurd, 2003.jpg
Pierre Peuchmaurd par Antoine Peuchmaurd, 2003 ; photo extraite du blog La vie palpitante d'Antoine P.

         Notre ami Pierre Peuchmaurd est mort le 12 avril 2009.  Un enchanteur, un poète. Qui avait trouvé dans le surréalisme  « une des passions de sa vie » et « son axe moral ». Il avait participé à des aventures collectives relevant éminemment de l'exigence surréaliste telles que les éditions Maintenant et la revue Le Cerceau, et avait animé de minuscules entreprises éditoriales comme L'air de l'eau ou Myrddin qui publiaient, pour le bonheur d'une constellation restreinte et sûre, certains des plus grands occultés de notre temps. Mais avant tout c'est sa voix singulière que nous écoutions, que nous attendions à chaque nouvelle parution - et là, dès l'ouverture du recueil, l'enchantement coulait de source. Voix de feuilles mouillées et d'envols dans les sous-bois, voix de cailloux jetés dans l'étang la nuit, voix qui, comme nulle autre, en ces années les plus hostiles au lyrisme qui furent jamais, a fait vibrer, de toutes ses harmoniques, la poésie, la maintenant inaltérée au-dessus des décombres d'une langue chaque jour un peu plus mise à mal. C'était la voix d'un amant de l'amour, la voix qui va droit au cœur, mais aussi la parole acérée et lucide, qui ne transige jamais sur l'essentiel, et porte au centre de la cible. Quand disparaît un poète, c'est une île, dans l'archipel du langage, qui s'enfonce sous les eaux. Il n'en reste, dans les textes, que l'empreinte cristalline et, nous le savons, nous ne lirons plus que ce qui a déjà été écrit. Cependant, les images inespérées, les attelages inouïs de mots dont chaque nouveau poème suscitaient le jaillissement, se lèveront toujours devant nous. Ils ne se prendront pas dans le givre de la mémoire.

         Parmi les dizaines de livres et de recueils que Pierre a égrenés sur sa route depuis quarante ans, et qu'ont souvent illustrés ses amis, nous citerons :

         Plus vivants que jamais, Robert Laffont, 1968.

        L'Embellie roturière, Éditions Maintenant, 1972.

        L'Oiseau nul, Seghers, 1984.

        Les Bannières blanches, illustré par Robert Lagarde, Fata Morgana, 1992.

        Le Diable, illustré par Jorge Camacho, L'Embellie roturière, 1993.

        Arthur ou le système de l'ours, illustré par Robert Lagarde L'Ether vague, 1994.

       Parfaits dommages, avec cinq photographies de Nicole Espagnol, L'Oie de Cravan, 1996, 2007 (réédition augmentée).

        À l'usage de Delphine, illustré par Jean Terrossian, L'Oie de Cravan, 1999.

        Encyclopédie cyclothymique, illustré par Jean-Pierre    Paraggio, Cadex Éditions, 2000.

        Bûcher de Scève, L'Escampette, 2002.

        L'Œil tourné, illustré par Hervé Simon, Cadex Éditions, 2003.

        Colibris et princesses, L'Escampette, 2004.

        Au chien sédentaire, Pierre Mainard, 2005.

        Le Tigre et la chose signifiée, L'Escampette, 2006.

        Scintillants squelettes de rosée, avec une photographie d'Antoine Peuchmaurd, Simili Sky, 2007.

        Alices, illustré par Georges-Henri Morin, Les Éditions de surcroît, 2008.

        La Nature chez elle, sur des images de Jean-Pierre Paraggio, Collection de l'Umbo, 2008.

 

Joël Gayraud, 1er mai 2009."

(NB: Ce texte est extrait du site du Groupe de Paris du Mouvement Surréaliste, où il a été mis en ligne récemment.)

 

15/05/2009

Parasite?

    Ce visage en danger de pulvérisation, d'une friabilité qui confine à l'angoisse, me rappelle le visage de l'acteur Charles Laughton qui avait les lèvres presque lippues, des lèvres à la lourde gourmandise, lourde menace, on aurait cru que ces lèvres allaient s'échapper de leur visage pour partir à la chasse à courre, happeuses, voraces...

Anonyme, sculpture peut-être sur champignon d'arbre, coll B.Montpied.jpg
Anonyme, provenance éventaire du brocanteur Philippe Lalane, ph.B.Montpied, 2008

      Mon brocanteur favori, Philippe Lalane, dont je suis les stands nomades à la trace tant je sais pouvoir y trouver de quoi me surprendre, en avait d'autres, confectionnés dans la même matière friable. Du coup, il avait du mal à les présenter sur ses stands, autant tenir du sable dans ses mains. On dirait un champignon parasite des arbres, mais ce n'est pas sûr. En tout cas, de l'art particulièrement éphémère, immédiat, dont la gageure est précisément de le faire durer... Au moins par la photo.

13/05/2009

André Robillard continue la tournée

    André Robibi, comme l'appellent certains décidément très familiers, continue à faire son cabotin. Cette fois il est, toujours en compagnie de ses amis les Endimanchés (Forestier, Ranson and co), au Théâtre de l'Echangeur, à Bagnolet, autant dire qu'il revient tout prés de Paris dans sa course sans fin pour Tuer la misère... Ce sera du 25 mai au 5 juin prochains.

bandeau-annonce Tuer la misère, Théâtre de l'Echangeur, Bagnolet, 2009.jpg

     M.François Legrand, du théâtre en question, propose, c'est vraiment gentil de sa part, le prix à tarif réduit de 7 euros pour tous ceux qui oseront sussurer devant la caisse du théâtre où se produisent André Robillard et ses amis qu'ils sont des lecteurs du Poignard Subtil. Si,si, puisque je vous le dis... ça, c'est vraiment tuer la misère tant morale que matérielle...

flyer Tuer la misere.jpg

      Veuillez noter que comme récemment à Bègles il y aura une exposition des oeuvres de Robillard en parallèle dans le théâtre. C'est pas au Théâtre de la Bastille qu'ils auraient eu cette idée-là...

André Robillard,un dinausore,exposition Musée de la Création Franche 2009, ph.Bruno Montpied.jpg
André Robillard, un dinausore [sic], 500 millions d'annes [re-sic], exposition au Musée de la Création Franche, Bègles, avril 2009, ph.B.Montpied

11/05/2009

Pas joubarbe, pas rhubarbe, mais mi-barbes

    Sasha Vlad depuis San Francisco continue ses révélations sur la création surréaliste (révélations pour le moment toutes relatives à des morceaux anatomiques). Cette fois, il vient de m'envoyer deux images qui sont étonnantes relatives à Man Ray, photographié en 1943, et à Gellu Naum, surréaliste roumain, photographié en 1941. Leurs détails pileux sont une trouvaille selon moi...

    Sasha accompagne cet envoi de ces mots laconiques:

   "Deux surréalistes pour une barbe..."

   Man Ray, 1943.jpg       Gellu Naum,1941.jpg

08/05/2009

Le cerveau de l'enfant (new look)

    Une poupée de chiffon, voilà des mots dont l'assemblage sonne tendrement à l'oreille... Sur le stand du brocanteur Philippe Lalane, grand fureteur devant l'Eternel, et dénicheur non pas d'oursons mais plutôt de nounoursons, pardon, de vieilles poupées chiffonnées, déchirées, tachées, entre autres, à l'occasion... Hier, sur la Foire de la Bastille à Paris... J'ai rencontré la souillon ci-dessous, repartie bien vite à mon bras pour être montrée, en premier, aux enfants de l'école où je travaille. Ils l'ont trouvée bien sale, d'abord! Puis, quand je leur eus dit que cette poupée avait traversé beaucoup, beaucoup d'années avant de pouvoir leur être présentée, ils se sont exclamés, mais alors la petite fille qui jouait avec, elle est morte maintenant...? Eh oui, ai-je rétorqué... Nous en sommes bien désolés. C'est la première chose à laquelle pensent les enfants lorsqu'ils regardent une photo ancienne montrant par exemple d'autres enfants du même âge qu'eux. I'sont tous morts, ces enfants-là? C'est gai... Leur appréhension du temps est tout de suite liée à la mort. Du coup, tout ce qui se rapporte au temps, l'Histoire par exemple, c'est un peu suspect... Je sais que si j'avais encore leur âge, je m'y calfeutrerais dans mon immédiateté...

Anonyme,Poupée de chiffon ancienne, ph.Bruno Montpied, 2009.jpg
Poupée de chiffon, peut-être XIXe, découverte par Philippe Lalane, ph.B.Montpied, 2009

      La poupée, elle, ne s'est pas dissoute. Elle gît, l'air désolé, ou plutôt l'air passablement hantée... Ses yeux sont blancs, et cela lui confère une expression inquiétante, comme celle qu'arborent les poupées d'exorcisme. Cette poupée qui a vécu, et dont la robe porte des taches non de sang mais de temps, a des airs de poupées vaudou. Un doudou vaudou, une poupée vaudoudou? Errant entre la vie et la mort, cherchant à renouer les fils, à relier ceux que le néant sépare à jamais.

Anonyme,poupée ancienne, ph.B.Montpied, 2009.jpg

      J'ai songé devant ce visage aux yeux vides au tableau de Chirico, Le Cerveau de l'enfant, où l'on voit un homme en buste les yeux fermés, une table devant lui avec un livre fermé d'où dépasse un fil de marque-page. Les surréalistes faisaient grand cas de ce tableau. Je ne me rappelle plus où ils s'amusèrent à publier une reproduction où l'homme ouvrait enfin les yeux...

Anonyme,la poupée qui ouvre les yeux, photo retouchée B.Montpied, 2009.jpg

 

 

Histoire d'oeil

     Mon estimable collègue poète et artiste Sasha Vlad, créatif et expérimentateur doué, de culture surréaliste, créchant du côté de la Californie, m'envoie deux images au parallélisme intriguant. Moi, sciapode au pied unique, je suis également porteur d'un oeil unique, le deuxième ne fonctionnant qu'à peine. Ces images m'interpellent, forcément.

              Victor Brauner, autoportrait, 1931.jpg        Jules Perahim, Portrait de Gherasim Luca, 1934.jpg

A gauche, autoportrait de Victor Brauner de 1931, à droite, portrait de Gherasim Luca par Jules Perahim en 1934

 

     Une histoire d'oeil en plus ou en moins, donc. Brauner anticipe dans son autoportrait imaginaire, comme on sait, la perte de son oeil qui arrivera effectivement plus tard réellement, suite à un accident au cours d'une fête dans une algarade avec le peintre Oscar Dominguez. Tandis que Perahim affuble Luca d'un troisième oeil à peu d'années de là. Ceci compense cela...

07/05/2009

Marcel Noël, un trio de bruyère, et des questions

    Voici un drôle de trio (ci-dessous) qui a germé sur une racine de bruyère à ce que m'avait confié leur père, le bien nommé Marcel Noël, vieux monsieur hospitalier et affable de 94 ans (mazette...) qui vivait autrefois à L'Isle-sur-la-Sorgue, en 1993 date où j'allai chez lui... Ancien conducteur de travaux et entrepreneur en maçonnerie, à sa retraite, il s'était mis à sculpter le bois en tenant compte de l'aspect tourmenté et expressif des matières. entre autres sensibilités au bois et aux langages de ses noeuds, écorces, fibres, teintes, il connaissait aussi certains lieux spéciaux où l'on rencontre des arbres aux aspects phénoménaux, comme par exemple les faux de Verzy, ces hêtres tortillards sur la Montagne de Reims qui victimes d'un retard de croissance dû à un mystérieux virus se tortillent depuis au moins mille ans dans des sinuosités remarquables ("faux" vient du latin "fagus" qui veut dire "hêtre", mais l'homonymie avec l'adjectif contraire de "vrai" joue certainement inconsciemment dans le retentissement de ces arbres sur la mémoire collective).

Verso de l'affichette Fantastique dans la nature de Marcel Noël, 1993.jpgMarcel-Noël,affichette Fantastique dans la Nature, 1993.jpg 

    Il avait dressé sur le bord de la route un panneau où l'on pouvait lire "Le fantastique dans la nature". Des "messieurs d'Avignon" étaient ensuite venus lui demander de l'enlever, on se demande pourquoi...

Marcel Noël,sans titre,années 1990 peut-être, ph.Bruno Montpied, vers 1994.jpg
Marcel Noël, trio de têtes sculptées sur une racine de bruyère, années 90 environ, ph.B.Montpied, 1994

    C'était Raymond et Arlette Reynaud qui m'avaient mis sur son chemin par une petite notice parue dans le Bulletin des Amis d'Ozenda, que publiaient les Caire à Salernes, en Provence. Mes parents âgés, au cours d'une de nos dernières pérégrinations en commun, m'avaient conduit jusqu'à la maison trapue de monsieur Noël, où dans la cour se montraient quelques statues taillées dans des branches, des racines (de tous ceux qui me menèrent vers ce créateur, tout le monde est mort aujourd'hui, il ne reste plus que moi...). Une cave sombre et fraîche abritait le gros des oeuvres.

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Marcel Noël, une tête avec un képi? Ph.B.M., 1993

     Originaire de Ste-Ménehould, dans la Marne, Marcel Noël parlait à l'époque où nous le visitâmes de faire peut-être rapatrier ses oeuvres dans son pays natal, son fils Robert ayant formulé ce souhait, notamment d'installer les oeuvres dans un petit musée à Beaulieu-en-Argonne. M.Noël nous raconta avoir sculpté autrefois un calvaire en béton armé en ce bourg (qu'il prétendait - forfanterie? - avoir en quelque sorte fondé...).

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Marcel Noël, ph.B.M., 1993

     Que sont devenues les sculptures que je photographiai (chichement et plutôt mal ce jour-là, en noir et blanc qui plus est, je me demande pourquoi, pour faire photographe à l'ancienne...)? C'est ce que je me demande en revoyant aujourd'hui ces figures légères et visionnaires, et ce que je propose aux internautes qui d'aventure pourraient peut-être me renseigner sur la question...?

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Marcel Noël, un lutin? Ph.B.M., 1993

06/05/2009

Alain Gruger chez Nuitdencre

    Alain Gruger, c'est un dessinateur fort passionnant que j'ai pour ma part découvert en lisant sur lui une notice par Paul Duchein dans une des publications du Musée de la Création Franche, notice qui était fort injustement et inexplicablement reléguée à la fin de la publication.

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    J'avais pu voir deux grands dessins, semblables à des compositions en mandala, présentés à l'exposition Le Moi et son double au Musée Ingres à Montauban il y a trois ou quatre ans. L'occasion est donnée d'en découvrir un peu plus puisque la galerie Nuitdencre 64, dans le XIe ardt de Paris, dont j'ai déjà plusieurs fois relayé les annonces d'expos souvent attractives, va nous proposer plusieurs oeuvres de lui à partir du jeudi 7 mai qui vient .

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      A voir comme ça les oeuvres que vient de m'envoyer la galerie (et que je reproduis ici), son travail paraît évoluer dans un  sens toujours plus intriguant. Cependant, il est à remarquer que ces dessins en viennent à ressembler à ceux d'un autre créateur que nous apprécions beaucoup aussi, Michel Boudin, adepte lui-même des compositions avec animaux stylisés tourbillonnant autour d'un sujet central (du moins est-ce une des composantes de son travail). Michel Boudin qui figurait aussi à la même expo du Musée Ingres. Cependant, ce ne doit être ici qu'une coïncidence, qu'un cousinage de grands esprits qui se rencontrent sur le plan de l'inconscient.

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Alain Gruger, photos Galerie Nuitdencre 64
Et ci-dessous,
un dessin de 2001 de Michel Boudin:
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03/05/2009

On a retrouvé Mario Chichorro...

       Allons donc... On ne l'avait pas sans doute complètement, véritablement, perdu, l'ami Chichorro... On n'avait plus trop de nouvelles. Moi en tout cas! Et voici que notre fidèle camarade Jean-Louis Cerisier nous a ramené un petit article d'un journal appelé adéquatement L'Indépendant et qui place la bonne figure épanouie du signor Chichorro à la une...

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       C'est qu'il expose - ou plutôt exposait, car ça se termine demain le 4 mai... - à la Casa Carrère à Bages, dans les Pyrénées-Orientales (maison qui abritait autrefois le "Palais de l''art naïf" dont les collections, à ce que l'on m'avait dit, ne valaient pas trop le déplacement...). On lui a fait une vraie rétrospective en commençant par les années 80, le rêve de tout artiste (cela dit, il a commencé plutôt après 1968, sa première expo personnelle ayant eu lieu à Collioure vers 1972, puis ce fut à l'Atelier Jacob d'Alain Bourbonnais en 1974, la galerie d'Alphonse Chave à Vence aussi dans ces mêmes années 70...). Je n'en sais guère plus, l'article du journal envoyé ne donnant pas beaucoup d'informations sur cette récente expo. Une autre exposition de Chichorro s'est tenue à Thuir l'année dernière (66 aussi). Des oeuvres de lui sont conservées dans divers lieux comme le Musée de la Création Franche à Bègles et au musée de l'Art en Marche à Lapalisse. Il paraît présent dans les collections du FRAC Languedoc-Roussillon, bref, il paraît s'activer désormais beaucoup dans la région magnifique qui s'étend autour de Perpignan...

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01/05/2009

René Jenthon, souvenir de Régis Gayraud

            Lecteur fidèle, dites-vous, cher sciapode... Fidélité bien relative puisque je découvre cet écho seulement ce jour, soit une dizaine de jours après publication. Fidélité peu fluide, fidélité en grumeaux. Du haut du grumeau d'aujourd'hui, je note d'abord votre honnêteté, toujours fidèle, elle, en dépit des inexactitudes dont vous semblez redouter que je vous en fustige. Bien peu aurait eu le scrupule de relater par le menu, à votre instar, les conditions exactes d'une « découverte » ne leur « appartenant » pas tout à fait.

Roger Jeanton,vue générale frontale, ph.Bruno Montpied, 2002.jpg

Donc merci de l'avoir fait et d'avoir rendu, de ce fait, justice à Agnès (moi, je n'y suis pour rien) d'avoir remarqué ce site en léger contrebas de la nationale 9, quelques kilomètres avant l'entrée dans Saint-Pourçain, mais déjà sur la commune. Puisque vous tenez tant à ce que nous apportions des précisions, les voici.

           1) Agnès aperçut ce site pour la première fois en 1996, au cours de l'un des tout premiers de ces incessants voyages à travers toute la région qu'elle effectue depuis maintenant 13 ans.

           2) A cette époque, le propriétaire-créateur était encore en vie, Agnès avait le projet d'un jour s'arrêter, de tâcher de le voir tout en redoutant un peu ce tête à tête (un peu comme autrefois quand nous étions allés voir J-M. Massou dans sa forêt et qu'au dernier moment, nous avions flanché devant la maison silencieuse au fond des bois d'où, sans doute, on nous épiait).

           3) Le temps passa, Agnès passait plusieurs fois par an sur la route, n'avait jamais le temps de s'arrêter, un jour elle remarqua un panneau « A vendre » accroché à la clôture. Ca sentait le roussi.

           4) C'est à ce moment-là que vous « descendîtes » nous voir et que nous prîmes ensemble la route de Saint-Pourçain dans notre automobile qu'on aperçoit à droite de la photo du haut.

Roger Jeanton,le panneau de l'Etang-Bazin, ph.Bruno Montpied, 2002.jpg
Panneau entre la N 9 et la route longeant la propriété de Roger Jenthon en 2002, ph.Bruno Montpied

           5) A cet égard, pour l'intelligence du lecteur, il convient de remarquer que le jardin proprement dit ne se situait pas exactement « le long de la route principale », mais le long d'une petite route qui s'en sépare à l'occasion d'un tournant et suit presque parallèlement cette route principale (la N 9) sur plusieurs centaines de mètres, de sorte que l'on voyait parfaitement de ladite N 9 le site en question. La photo du haut [pour voir cette photo, se reporter à la note du 7 avril 2009 sur ce blog] est prise depuis la sorte de no man's land entre les deux routes, parsemé de quelques reliefs d'édifices certainement dus au même créateur : un ou deux bancs de bétons détériorés, et ce panneau indiquant « l'Etang Bazin ».

           6) Aujourd'hui, la maison a été effectivement revendue et repeinte, le panneau « l'Etang Bazin » subsiste toujours.

Roger Jeanton,la croix A toi Maman, ph Bruno Montpied, 2002.jpg
La croix évoquée ci-dessous par Régis Gayraud, à noter une petite erreur de mémoire de ce dernier, l'inscription sur la croix est libellée A toi maman ; ph.B.M. 2002

           7) Sur place subsiste toujours également la croix « A ma mère », qui se trouve de l'autre côté de la N 9 (soit à droite quand on vient de St-Pourçain). C'est une grande croix de fer parsemée de touches de peinture de différentes couleurs, peinture réfléchissante, de telle sorte qu'elle s'illumine (ainsi que la mention « A ma mère ») dans la lumière des phares des voitures, la nuit, comme pour rappeler aux automobilistes qu'un des leurs a tué là la mère Jenthon (c'est l'hypothèse d'explication qui s'impose à moi comme l'évidence d'une intuition, mais c'est peut-être faux). Au pied de la croix tente de pousser un lierre (comme en poussait un autour de la statue de la Liberté à laquelle vous faites allusion et que nous avons gardée, belle femme mi-Marilyn mi-Bardot, un cœur de fer - « sacré-cœur » comme on en voit de temps en temps sur les vieilles tombes - peint de rouge en relief au niveau du sexe), tandis que des fleurs de plastique s'abritent dans les ajours du fer.

Roger Jeanton,Statue de la Liberté,coll.Gayraud-Barbier, ph.B.Montpied, 2004.jpg
La statue de la Liberté de René Jenthon, ph.B.M., 2004
 

           8) Pour ce qui est du nom de Jenthon, nous l'avons appris d'une voisine habitant un pavillon plus loin, qui nous a aussi indiqué, un peu plus loin dans le même groupe de maison, celle du fils Jenthon, du jardin duquel montaient maints aboiements peu attirants.

Roger Jeanton,un renard,ph.B.Montpied, 2004.jpg
René Jenthon, un renard en métal peint, autre oeuvre sauvegardée, ph.B.M., 2004
Roger Jeanton,crocodile,ph.B.Montpied, 2004.jpg
René Jenthon, un crocodile, autre oeuvre sauvegardée, ph.B.M., 2004

           Il est amusant et désespérant à la fois de relater brièvement notre course à la ferraille qui marqua la fin de l'Etang Bazin. Comme vous l'avez bien dit, nous nous levâmes un jour persuadés qu'il fallait aller faire le voyage de Saint-Pourçain. Agnès avait appelé l'agence immobilière indiquée pour en savoir plus, etc. Et nous avons appris que maintenant, la maison était vendue et que les acquéreurs allaient faire le net. Dès que possible, le samedi suivant, nous partons là-bas, avec l'idée de, peut-être, tout récupérer s'il n'était pas trop tard, y compris en payant une somme aux nouveaux propriétaires. En arrivant, bien sûr, plus rien, mais un type en train de faire des travaux. Le nouvel occupant. On l'interpelle. On lui demande ce qu'il a fait des figures de métal de son jardin. Lui un peu interloqué et commençant à regretter en voyant notre insistance. « Mis à la déchetterie lundi dernier ». C'est ainsi qu'on appelle maintenant les décharges. Il nous l'indique la décharge, une route à droite quelques kilomètres après Brou-Vernet. On s'y précipite. Des tas de plastique. Des tas de végétaux. Des tas de bois. Des tas de béton. Des tas de détritus divers. Pas de fer. On avise un employé, qui se souvient très bien des objets en question : « Le ferrailleur est passé avant-hier. Il a tout pris. C'est parti à Issoire, à la fonderie. Mais là-bas, il y en a des tonnes. Ca y est peut-être encore. Va savoir. » Hésitation devant l'idée de retraverser toute la région. Et puis, nous sommes samedi, faire tout ce chemin pour risquer de trouver porte close. L'employé nous donne le numéro de téléphone de l'entreprise. Le lundi, nous finissons par avoir quelqu'un. Bien sûr c'est trop tard.

          Rarement l'impression de nous heurter à l'éternel fatum n'a été aussi forte.
         La morale de cette histoire? Il faut battre le fer pendant qu'il est chaud. Les ferrailleurs le savent, eux.

          Régis Gayraud

Roger Jeanton,Jockey (peut-être...), ph.B.Montpied, 2002.jpg
René Jenthon, un de ses personnages en silhouette, un jockey? Ph.B.M., 2002

Dictionnaire du Poignard Subtil

Poignard-gaulois-(Encyclopé.jpg

PLATITUDE :

      « Car voilà : on a supposé la terre plate.

         C'était vrai elle l'est encore aujourd'hui, de Paris à Asnières par exemple.
        Seulement n'empêche pas que la science prouve que la terre est surtout ronde. Ce qu'actuellement personne ne conteste. Or, actuellement, on en est encore, malgré ça, à croire que la vie est plate et va de la naissance à la mort. »

         Vincent Van Gogh, Lettre à Emile Bernard, Arles 1888 (cité sur le portail d'accueil du site web des Editions du Sandre, avril 2009)

29/04/2009

Madeleine Lommel, co-commissaire posthume

    Voici ce que je viens de lire dans la Newsletter de mai 2009 du musée d'art moderne de Villeneuve-d'Ascq, dans une nécrologie consacrée à Madeleine Lommel (les lignes en gras sont soulignées ainsi par moi):

LA VIE DU MUSÉE  


C'est avec une grande tristesse que toute l'équipe du Musée a appris la disparition de Madeleine Lommel, le mardi 14 avril dernier, à l'âge de 86 ans. Présidente de L'Aracine, elle a été à l'origine de la donation de l'intégralité de la collection d'art brut de l'association (3500 œuvres) à Lille Métropole Communauté Urbaine en 1999. Cette collection sera présentée de manière permanente aux côtés des collections d'art moderne et d'art contemporain à la réouverture du Musée en 2010.
Madeleine Lommel devait assurer le co-commissariat de la toute dernière exposition hors les murs du Musée. Consacrée à l'art brut, l'exposition, qui sera présentée fin septembre à l'Institut National de l'Histoire de l'Art à Paris, lui sera naturellement dédiée.

      Bonne nouvelle donc, une nouvelle expo d'art brut à Paris en septembre, la "toute dernière exposition hors-les-murs" du musée de Villeneuve-d'Ascq, paraît-il. Mais j'avais déjà lu cette promesse à propos de l'actuelle expo Hypnos, elle aussi était annoncée comme la dernière hors-les-murs... Enfin, cela permet à Madeleine de se trouver bombardée du titre de coco-missaire... Elle qui avait des sympathies du côté PC, ça doit la faire sourire du haut de ses nuages (les nuages de Clémentine Ripoche à n'en pas douter...).

Madeleine-Rifi.jpg
Madeleine Lommel chez Abdelkader Rifi, son voisin créatif à Gagny ; photogramme extrait du film de Claude et Clovis Prévost actuellement en cours de réalisation sur l'Aracine (merci à Frédérique pour son intervention)

28/04/2009

Causerie pour situer François Michaud parmi les autres environnements spontanés

    "François Michaud, première trace des environnements spontanés populaires. Sa proximité avec les autres créateurs autodidactes de son temps, et ses successeurs au XXe siècle. L'environnement spontané, un art de l'immédiat à part entière, illustré par de nombreux exemples choisis en France", tels sont le titre et les sous-titres de la causerie que je vais être amené à faire à la Maison de la Pierre, à Masgot même, dans la Creuse, berceau de l'oeuvre de ce tailleur de pierre, créateur du plus ancien des environnements spontanés qui nous aient été conservés en France, puisque commencé dans les années 1850-1860 et achevé sans doute avec la mort de son auteur en 1890 (il était né en 1810, ce qui en fait un phénomène de longévité en ce XIXe siècle impitoyable pour les gens de peu). Cela aura lieu le samedi 9 mai prochain à 20h30.

Carte-Masgot.jpg
Masgot, c'est sur la commune de Fransèches, entre Aubusson et Le Moutier-d'Ahun dans la Creuse...

       Je donne à la suite le plan que j'ai rédigé pour l'association des Maçons de la Creuse, animée notamment par Roland Nicoux, afin qu'on se fasse une petite idée de la tournure de cette conférence (que devraient accompagner pas moins de 190 photos... Mais j'ai sans doute compté trop large!):

François Michaud

Premier d'une tradition de créateurs autodidactes d'environnements en plein air 

         Il s'agit de resituer le décor du village de Masgot du tailleur de pierre François Michaud dans le contexte général des environnements populaires spontanés qui ont fleuri en France depuis deux siècles au moins. Ces créateurs d'environnements sont parfois aussi appelés « Inspirés du bord des routes », « bâtisseurs de l'imaginaire », ou encore « habitants-paysagistes ». L'environnement de Michaud, avec ses statues exposées sur les clôtures autour de ses maisons, est actuellement le plus ancien de ce type à avoir été conservé en France.

Cave-sculptée-de-Dénezé-sou.jpg
Cave sculptée de Dénezé-sous-Doué (Maine-et-Loire), XVIe ou XVIIe siècle

         La causerie, constamment illustrée d'images numérisées (190 au total) s'attachera d'abord à présenter les environnements ou les sculptures populaires qui ont été repérés avant la période où fut décoré Masgot, grottes sculptées, croix de chemin, chapelle naïve d'un sculpteur solitaire prés de Gap, linteaux rustiques, bas-relief, sculptures par d'autres tailleurs de pierre et hommes du peuple, etc...

          Nous glisserons ensuite vers la présentation de quelques œuvres de Michaud histoire de se les remettre dans l'œil avant de montrer un ensemble aussi vaste et varié que possible d'autres pièces créées dans des jardins d'inspirés et d'originaux en tous genres. Dans un premier temps, la causerie se focalisera sur des thématiques, les « Barbus Müller », ou le thème de la sirène par exemple, présente dans l'œuvre de Michaud et souvent traitée dans plusieurs autres environnements apparus au XXe siècle (chez Fernand Châtelain dans la Sarthe, Hippolyte Massé aux Sables d'Olonne, René Escaffre dans le Lauragais, Martial Besse dans le Tarn-et-Garonne, René Jenthon dans l'Allier, Alfonso Calleja sur le bassin d'Arcachon, ou Remy Callot dans le Nord).

Martial-Besse,-ph-1991.jpg
Sirène de Martial Besse à Bournel (Lot-et-Garonne), ph.Bruno Montpied, 1991 (le site a aujourd'hui disparu)

         Napoléon est un autre thème très présent à Masgot, il rejoint la légende napoléonienne telle que l'ont illustrée de nombreux sculpteurs populaires, anonymes ou non, au XIXe siècle (comme le sabotier Jean Molette dans le Rhône par exemple). Cette façon d'afficher ses admirations pour des personnalités célèbres en sculptant leurs effigies dans le décor de sa vie quotidienne se rencontre chez nombre de créateurs d'environnements, et ce de tous temps (voir les environnements de Gabriel Albert en Charente, Emile Taugourdeau dans la Sarthe, Raymond Guitet dans l'Entre-Deux-Mers). Il est à noter que de nombreux sculpteurs autodidactes ont aussi taillé des monuments aux morts, de façon naïve, comme Michaud lorsqu'on lui passa commande d'un buste de Marianne pour la mairie de Fransèches. Une sélection de quelques monuments aux morts naïfs sera ainsi présentée.

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Monument aux morts dû à Claude Morillon, tailleur de pierre, à Vallenay (Cher), ph.B.M., 1998

          Une petite parenthèse sera ouverte pour présenter également les sites naïfs ou bruts réalisés par des ecclésiastiques excentriques, contemporains de François Michaud, comme l'abbé Fouré dans l'Ille-et-Vilaine, ou l'abbé Paysant dans l'Orne. On les rapprochera de l'humble mystique que fut Raymond Isidore, dit Picassiette, au siècle suivant.

         Le Palais Idéal de Ferdinand Cheval dans la Drôme sera l'occasion de montrer que les autodidactes inspirés ont su aussi s'attaquer à des projets plus nettement architecturaux. S'inspirant parfois les uns des autres, comme dans le cas de Charles Billy dans le Rhône qui, inspiré par le facteur Cheval, dressa autour de sa villa un vaste collage de maquettes en pierre imitant des bâtiments célèbres du monde entier. L'architecture excentrique populaire peut parfois revêtir des aspects tour à tour muséaux (exemple du Castel Maraîchin à Croix-de-Vie en Vendée avec ses moulages à vocation pédagogique et encyclopédique, ou la maison de François Aubert dans le Cantal avec son musée minéralogique), ludiques (Camille Jamain en Touraine, ou Ludovic Montégudet dans la Creuse, créateurs de parcs de loisirs bricolés naïvement avec attractions faites main), parfois farceurs (Alphonse Gurlhie en Ardèche).

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L'Etang Fleuri réalisé par Ludovic Montégudet à Lépinas dans la Creuse, carte postale de 1969

         Parmi les créateurs d'environnements, la causerie a choisi de se concentrer sur les créateurs de statues puisque Michaud en a lui-même réalisé un certain nombre. Ces hommes simples rassemblent sur des terrains plantés d'arbres et de fleurs, dans une scénographie étudiée, pêle-mêle, hommes célèbres ou personnifications de métiers, comme chez André Hardy dans l'Orne, Charles Pecqueur ou Léon Evangélaire dans le Nord, Marcel Debord dans le Périgord.

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Léon Evangélaire à Pont-à-Vendin, Pas-de-Calais, ph.B.M., 2008

         Puis la causerie se déplacera insensiblement vers des environnements aux styles plus caractérisables dans le sens de ce que l'on appelle l'art brut, permettant au public de se faire une idée des distinctions possibles entre ces catégories aux limites poreuses que sont l'art naïf, l'art populaire et l'art brut. On verra ainsi des pièces venues des sites d'André Morvan dans le Morbihan (souches d'arbres et branches assemblées de manière anthropomorphe dans un style arcimboldesque), Jean Grard et ses manèges, statues et maquettes colorées et enfantines en Bretagne, Arthur Vanabelle dans le Nord avec ses canons et ses chars construits avec des matériaux recyclés afin semble-t-il d'exorciser le souvenir de la guerre vécue lorsqu'il était enfant, les statues de silex collés de Marcel Landreau à Mantes dans les Yvelines, le jardin de déchets accumulés de Bohdan Litnianski dans l'Aisne, le jardin aux girouettes et vire-vents de Monsieur P. en Vendée, le jardin du forgeron Maurice Guillet faisant de l'art moderne en autodidacte, ambition originale, ou encore le jardin de bidules emberlificotés d'Yves Floch en Normandie. Pour finir, seront présentées quelques sculptures d'Auguste Forestier qui en dépit du fait qu'elles sont rangées usuellement dans le corpus de l'art brut présentent de forts rapports de cousinage avec l'art populaire.

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Saynète sculptée par Jean Grard à Baguer-Pican, Ille-et-Vilaine, ph.B.Montpied, 2001

     

27/04/2009

Le Musée des Méprises (3)

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Photo Bruno Montpied, Villefranche-sur-Saône, 2009

        Nous recevions pour quelques jours un couple d'amis provinciaux dont nous n'avions que rarement le plaisir de la visite. A l'issue d'une première soirée enjouée et arrosée comme il se doit pour des retrouvailles trop longtemps reportées, la conversation glissa sur les lieux et les quartiers parisiens dans lesquels nos amis souhaitaient se promener dans les jours à venir. Ils émirent également le désir de profiter de leur passage dans la capitale pour visiter quelque musée ou exposition, sans avoir toutefois d'idée particulièrement arrêtée. Je fis donc quelques suggestions susceptibles de leur plaire, en commençant benoîtement, je dois le reconnaître, par les musées les plus connus et les plus visités. Non, dirent-ils, plutôt un musée calme mais cependant intéressant. Nous en étions donc à suggérer quelques lieux moins fréquentés lorsque ma compagne leur fit une proposition qui les laissa stupéfaits: pourquoi n'iriez-vous pas visiter le musée du jus de pomme, leur souffla-t-elle, il y a rarement foule. Le musée du jus de pomme? reprit mon ami, plutôt porté à des boissons plus enivrantes, mais qu'y a-t-il donc à voir dans un tel musée ?

         La méprise que j'entretins avec une pointe de perversité dura le temps de quelques répliques au cours desquelles mon ami, encore peu habitué au charme de l'accent de ma compagne, se perdait en conjectures sur les raisons de l'existence d'une institution aussi saugrenue.

          Remy Ricordeau   

 

Méprise-générale,-inscripti.jpg
 Photo B.M., inscription "complétée"...