27/04/2010
Dessin de feu
Dans cette immensité blanche, tapis de neige d'une bitte d'amarrage, attendait une figure de feu. Coulée de rouille faite femme. Ou petit enfant né du hasard, lutin songeur et renfermé, un peu hâbleur cependant, la bouche entrouverte sur une réflexion qui meurt au bord des lèvres. En contrebas, un autre individu est sur le point de naître. Très opaque, comme calciné, figure charbonnée, le torse à peine esquissé, tourné de trois-quart. Tous deux sortent fumées d'une lampe invisible, génies inaperçus sur la rive du bassin portuaire, guettant peut-être le navire qui les embarquera, futurs passagers clandestins.
16:53 Publié dans Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : poésie naturelle et de hasard, images doubles, paranoïa-critique, délire d'interprétation | Imprimer
22/04/2010
Les cochons dans la boue
Je suis allé à Cherbourg où paraît-il il n'y a que deux saisons, l'hiver et le 15 août, et figurez-vous que pour moi le soleil fut de sortie. J'ai ramené plein de photos prises dans l'atelier du centre d'arts plastiques de La Passerelle qu'anime Romuald Reutimann (voir anciennes notes). Il y a là à n'en pas douter une certaine effervescence créatrice qui paraît rare en France. Je médite quelque texte plus long à ce sujet. Dans les limites de ce blog, et pour rester dans le sillage des impressions ressenties à chaud, je vous invite à prendre connaissance d'un petit texte d'interprétation automatique d'une des oeuvres vues à Cherbourg.
Ils processionnent, bien silencieux, bien cois. Moutons de Panurge prêts à se jeter dans les flots, mais de mort lente, comme dit la chanson. La queue dressée, en forme de goupillon ou de matraque, ou d'autre chose. Est-ce l'heure de la transhumance ? Horizontale alors, car il n'y a nulle trace d'alpage, de pente à gravir à l'horizon. Il n'y a pas d'horizon pour ce cortège figé, enfermé dans ses pensées, ou son absence de pensée. Le monde est une orange qui les entoure de toutes parts, ils flottent dans le vide, ronds jolis, colorés... Des choses sans nom traînent à terre, à côté d'eux, parmi eux.
Ils se ressemblent terriblement. Pourquoi « terriblement » ? Parce que certains pourraient les trouver monotones. Identiques, clonés. En réalité, s'ils paraissent bien bâtis sur un même modèle, ils ont leurs différences, de points, couleurs, taille. Il y a ceux qui sont clairs, et puis les plus sombres. Et encore ceux qui ne sont ni l'un ni l'autre.
Ils font bloc cependant. Groupe soudé, car l'union fait peut-être la force, mur de rondouillards mutiques érigé pour on ne sait quel ennemi invisible sur cette feuille. Ce qu'ils ne savent pas, c'est qu'en dépit de leur apparence décorative, ils intriguent. Leur dessin va du côté d'un possible dessein, d'un mystère destiné à rester insoluble sans doute.
Ils sont simples, mais aussi ésotériques. Du grand art, en somme.
J'ai découvert le titre de ce dessin après l'avoir décrit : « Les cochons dans la boue ». Cochons jouets, mais où est la boue ? Dans leur âme sans doute, qu'il faudra alors laver. Il paraît que les cochons ne préfèrent pas la boue. Ce sont les hommes qui les y précipitent.22:13 Publié dans Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art des handicapés mentaux, art immédiat, art singulier, la passerelle, romuald reutimann, cyrille a. | Imprimer
17/04/2010
Qui va là?
Laurent Jacquy, que j'ai déjà eu l'occasion de citer ici, par rapport au jardin de Bohdan Litnianski dans l'Aisne, ou pour une carte postale détournée de sa composition (le monsieur paraît priser les images modifiées) me fait part d'une exposition qui s'annonce fort intéressante dans sa bonne ville d'Amiens, manifestation apparemment organisée par lui et quelques autres amis et intitulée Qui va là?
Il me donne l'information brute, les dates (du 30 avril au 17 juin), le lieu (Galerie Carré Noir, Le Safran, ce dernier étant un centre culturel), et me signale un lien vers un blog qui parait avoir été créé tout exprès pour l'exposition, au nom éponyme de cette dernière, Qui va là? Ce blog paraît servir de catalogue (faute de mieux?). On y trouve une "bonne partie" des 200 oeuvres exposées à la galerie Carré Noir. Ah, si, son info contient aussi une courte phrase de présentation: "Cette exposition regroupe autour des travaux de Laurent Jacquy et de Yann Paris des oeuvres d'anonymes ou d'artistes plus connus". Parmi les "artistes plus connus", sans doute veut-on parler d'un Jaber (aux oeuvres pour une fois bien choisies) ou d'une Ody Saban (un dessin inhabituel dans sa production), voire d'un Maurice Rapin (j'y reviens plus bas).
C'est à chacun de se faire une opinion à partir des images que l'on découvre sur ce blog (j'en reproduis quelques-unes ici même). D'emblée, l'ensemble me séduit et m'apporte une impression de nouveauté et de fraîcheur, un goût de la création autodidacte populaire se manifestant là, imprégnée d'humour et d'esprit aimablement critique. Il y a là des peintures de Laurent Jacquy, en position de référence au monde des ex-voto contemporains ou plus anciens (certains exemplaires de ceux-ci sont présentés du reste, dont des mexicains), à un goût de l'imagerie modeste décalée et en écho à une imagerie politique caricaturale ou humoristique aussi (voir sa série de peintures sur l'histoire de la résistance dans le massif du Vercors qui n'est pas sans rappeler les tableaux à histoire de Gérard Lattier, qui fut influencé par Clovis Trouille lui de son côté). Un dessin de Maurice Rapin, visible dans le blog qui fait le "pré-inventaire" de cette exposition, prend peut-être de ce point de vue valeur de référence et de filiation. Ce dernier (disparu en 2000), qui appartint un temps au mouvement surréaliste avec Mirabelle Dors (1913-1991), avant de s'en détacher pour des raisons d'ordre esthétique avant tout, semble-t-il, prisait une figuration critique pour laquelle avec sa compagne il anima un salon du même nom. Ce même Maurice Rapin fut aussi en relation avec Clovis Trouille, qui avec Alfred Courmes fait figure de grand ancêtre de toute cette nouvelle figuration décalée inspirée de l'art populaire.
Les sculptures sur bois de Yann Paris, ou de Georges Paris également, sont aussi des oeuvres affichant une certaine naïveté de style, avec une posture déférente à l'égard de l'imagerie populaire contemporaine (le catch, les super-héros des séries de Marvel) qui ne déplairait pas aux animateurs du Musée international des Arts Modestes. J'apprécie également les peintures d'un certain Javier Mayoral, elles aussi dans l'esprit du démarquage d'une iconographie préexistante. On trouve également nombre de portraits de vedettes de la culture de masse (Nana Mouskouri, Bourvil, James Dean...) peints par des anonymes qui ne sont pas sans fasciner les organisateurs de cette expo par le mélange d'admiration et d'une problématique prise de distance vis-à-vis de leurs modèles qu'ils supposent aussi peut-être en creux. Ce goût de portraiturer ces "saints de rechange" dans la culture populaire contemporaine (on en trouve un grand nombre dans les jardins naïfs de bord de route) paraît ambivalent (mais peut-être n'est-ce qu'une vue de l'esprit?). Certaines déformations, des yeux un peu trop exorbités par exemple, ou des boîtes crâniennes bizarrement conformées, semblent trahir un inconscient désir de caricature, qu'un artiste plus délibérement frondeur choisira de pousser plus loin.
Qui va là? Exposition du 30 avril au 17 juin 2010, Le Safran, rue Georges Guynemer, 80000 Amiens. Tél 03 22 69 66 00.
14:35 Publié dans Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Art naïf, Art populaire contemporain, Art populaire insolite, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : laurent jacquy le safran, art modeste, ex-voto contemporains, art immédiat, yann paris, javier mayoral, figuration décalée, art singulier | Imprimer
14/04/2010
Fouré niouses
Cette note comporte une mise à jour
Petit rendez-vous sur les ondes à ne pas manquer si cela vous attire, vendredi soir à 22h30 dans l'émission Muzar de Radio-Libertaire, présentée par Nathalie Mc Grath, Jean-Christophe Belotti accompagné d'un sciapode sautillant, ainsi que de Roger Renaud et Alexandre Pierrepont, viendra faire une causerie autour du numéro 1 de sa revue L'Or aux 13 îles. Cela sera aussi l'occasion de parler de l'abbé Fouré et du dossier sur les bois sculptés inséré dans ce n°1 en compagnie de quelques rares documents sur l'ermitage et ses sculptures évanouies. Hélas, nous ne diffuserons aucun enregistrement de l'abbé, borborygmant à souhait parmi les embruns (sourd, il avait en outre, semble-t-il, quelques difficultés à s'exprimer oralement). Peut-être simplement sera-ce l'occasion de glisser quelques enregistrements de musique traditionnelle bretonne ou quelque ancienne complainte de marin (comme le guide du musée l'évoque à un détour de la visite, une oeuvre campant "un chanteur de complainte")? Contentons-nous pour le moment de cette grimace de l'abbé, qui semble bien une pitrerie destinée à amuser les bourgeois endimanchés qui l'entourent, à côté du "dernier des Rothéneuf" qui "protégeait sa femme" du monstre marin situé en contrebas, tout cela dans les rochers sculptés de la côte de Rothéneuf. On notera sur ce cliché l'état de fraîcheur des peintures qui recouvraient la statue de cette effigie confortablement barbue.
Pour revenir à la revue belottienne, il faut ajouter quelques nouvelles librairies parisiennes à la liste déjà signalée, toutes situées dans le Ve ardt. Elle est désormais également disponible à l'Arbre à lettres, 2 rue Edouard Quenu. Aux Autodidactes, 53 rue du Cardinal Lemoine, à la Galerie La Sorbonne, 52 rue des Ecoles. Et chez Compagnie, 58 rue des Ecoles. On espère pouvoir incessamment la voir déposée en Bretagne, où, me dit-on, quelques amateurs particulièrement bien documentés auraient autre chose à révéler sur le fameux abbé. Lyon, Marseille et Bordeaux l'auraient également en vente dans quelques bonnes adresses. Enfin on la trouve depuis peu à Clermont-Ferrand et à Murat, grâce à l'homme de Recoins, revue amie concoctée par Emmanuel Boussuge, adresses: Bouqui'Disk, rue des petits gras à Clermont, et Aux Belles Pages à Murat (mon rêve enfin réalisé: être distribué dans le Cantal!).
Il faut signaler qu'un documentaire existe sur l'abbé Fouré, de Frédéric Daudier et Olivier Gouix, intitulé "L'Homme de granit, le sculpteur des rochers de Rothéneuf" (co-production Arcanae-TV Breizh-DRC Films). Il dure 52 min et date de 2002.
Enfin, signalons un article de Mme Virginie David paru dans Le Pays Malouin du 8 avril dernier qui permet aux lecteurs de la région de St-Malo d'apprendre l'existence de notre revue et de son dossier sur Fouré. Grâces lui soient rendues...
00:11 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : abbé fouré, ermite de rothéneuf, rochers sculptés de rothéneuf, art brut, environnements spontanés, l'or aux 13 îles | Imprimer
11/04/2010
Graffiti de printemps
14:03 Publié dans Art populaire contemporain, Graffiti, Inscriptions mémorables ou drôlatiques, Paris populaire ou insolite | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : graffiti, paris populaire, francs bourgeois, inscriptions biffées | Imprimer
10/04/2010
Rouge Ciel se dévédise
Le film de Bruno Decharme (93 minutes au compteur), Rouge Ciel (pourquoi "rouge", peut-être parce que le rouge est bon pour nous les schizophrènes, disait, je crois, Aloïse), présenté par les auteurs comme "le premier long-métrage sur l'art brut" (je n'ai pas cherché à vérifier), vient d'être édité en DVD. Je ne l'ai pas encore vu. J'ai seulement aperçu un teaser (un condensé quoi...) que l'on peut voir sur le site de la société de production Système B, ou sur Daily Motion.
De cette bande-annonce, outre un effet spectaculaire visant à une certaine surprise de la part du spectateur, je n'ai retenu pour le moment qu'une bizarre impression d'irréalité. Devant les propos de Michel Thévoz et Lucienne Peiry proférés sur un ton manquant de naturel (peut-être est-ce le côté helvétique tout de retenue?), ou ceux de Manuel Anceau qui nous fait le coup de la "poussière qui danse", jolie image, quoique pas très convaincante dans un second temps (on dirait que ce poète se fait avant tout plaisir), devant les photogrammes ci-dessous, plaçant les visages de certains des créateurs portraiturés dans le film en parallèle avec leurs propos écrits, on éprouve la sensation qu'on tient à distance ces personnes.
Cela rejoint une autre impression que j'avais eue en regardant certains portraits présentés à part dans des expositions précédentes de la collection ABCD (j'ai dit ailleurs (dans la revue Création Franche) tout le bien que je pense de cette collection choisie avec sûreté, surtout en ce qui concerne les "classiques" de l'art brut). On contemple ces portraits filmés avec esthétisme, raffinement, virtuosité, et sensualité oserai-je même dire, mais on reste un peu sur sa faim, à côté de ces créateurs, de ces hommes et de ces femmes parqués dans l'Art Brut à majuscule.
Le sujet traitant sur un mode ludique et guilleret de l'histoire de l'art brut et de Dubuffet, de même, s'il représente une louable entreprise de subversion des discours établis en matière de documentaire sur l'art, ressemble aussi fort à une simple coquetterie. A noter aussi que certaines informations (présentes dans le dossier de presse), comme celle sur l'abbé Fouré, d'ordre factuel, auraient besoin de mise à jour (on nous y parle encore et toujours de l'inspiration des fameux "corsaires" de Rothéneuf que la recherche, depuis belle lurette, a pourtant représentés comme inexistants). Mais je devrai certainement approfondir ces quelques impressions, voire les remettre en question, dès que j'aurai vu l'ensemble du film. Pour le commander, voir ci-dessous:
00:26 Publié dans Cinéma et arts (notamment populaires) | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : rouge ciel, bruno decharme, art brut, abcd | Imprimer
06/04/2010
Mad Métallos
On nous annonce une exposition d'une petite partie de la collection du Madmusée de Liège qui aura lieu à Paris dans les tout prochains jours, du 16 au 30 avril (vernissage le jeudi 15 à 18h), à la Maison des Métallos dans le 11e ardt face à la mosquée de la rue des Couronnes. Seront présentées des oeuvres de Serge Delaunay (Bel), Umberto Bergamaschi (It), Pascale Vincke (Bel), Wouter Coumou (Pays-Bas), Martha Branten (idem), Dwight Mackintosh (à signaler l'exposition parallèle située non loin de la Maison des Métallos, à la Galerie Impaire, rue de Lancry dans le 10e ardt, entièrement consacrée pour le coup à Mackintosh, qui fréquenta longtemps le Creative Growth Art Center d'Oakland en Californie - dont la Galerie Impaire est comme on le sait l'émanation parisienne), Paloma Gonzalez (Esp), Hans-Jörg Georgi (All), Antonio Dalla Valle (It), Marco Raugei (venu du centre italien de La Tinaia, si je ne me trompe?), Wataru Saitou (J), Cathy Staughton (Aust.), Bernard Grandgirard (Sui) et Giovanni Galli (It).
Voici ce qu'écrivent les animateurs du Madmusée pour définir quelque peu le sens de leur action: "Inauguré en octobre 1998, ce musée valorise les démarches artistiques de personnes déficientes mentales. (...) Dévoilé pour la première fois à Paris, ce singulier patrimoine trouve sa source dans d'audacieux ateliers de pratiques artistiques, développant à la fois l'apprentissage de techniques rigoureuses et une éthique respectueuse de la personnalité et de l'inventivité de tout artiste. Aucune intention thérapeutique ou occupationnelle n'y a droit de cité."
Je connais assez mal les oeuvres présentées, et comme j'ai toujours eu la flemme de me rendre à Liège, je pense donc que c'est une bonne occasion d'en savoir plus.
Maison des Métallos, 94, rue Jean-Pierre Timbaud, 11e, Paris. Expo en entrée libre, ouverte TLJ de 14h à 19h, nocturne le jeudi jusqu'à 22h.
23:52 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art singulier, Confrontations | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : madmusée, art différencié, déficients mentaux, umberto bergamaschi, serge delaunais, pascale vincke, art des handicapés mentaix, art brut | Imprimer
01/04/2010
Armand Goupil et les paravents
Ombres chinoises, vous inspirâtes peut-être Armand Goupil pour ce fragile dessin sur papier fin un peu abîmé que je conserve et prise particulièrement pour son goût du voyeurisme naïf, direct et plein d'un désir qui paraît indéfiniment fait pour être retenu désir, tournoyant devant le paravent où l'adorable silhouette joue sa pièce charnelle, inconsciente de ses charmes.
01:11 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : armand goupil, art naïf, art singulier, voyeurisme naïf, paravents | Imprimer
28/03/2010
Les paradis de Cherbourg, la Passerelle expose
Je reçois de l'animateur de l'atelier d'arts plastiques La Passerelle à Cherbourg l'annonce d'une exposition organisée à la Maison des Jeunes et de la Culture de la ville. Bel événement étant donné l'apparente qualité de ce qui se produit dans cet atelier, qui j'espère fera plus amplement connaître ce foyer remarquable de créativité. Elle a débuté le 29 mars et se terminera le 7 mai.
Voici comment Romuald Reutimann, l'encadrant de cet atelier, présente leur travail sur son blog (où comme je l'ai déjà dit on peut découvrir un grand nombre des travaux réalisés par les participants à l'atelier):
« La Passerelle est un atelier d'art plastique inauguré il y a 20 ans, dans le cadre d'un service d'insertion sociale, s'adressant à des adultes vivant avec une déficience intellectuelle.
La plupart travaillent au Centre d'Aide par le Travail (C.A.T.) de LA GLACERIE. Nous accueillons également une personne du C.A.T. des Pieux et un retraité.
Depuis l'origine prés d'une centaine de personne sont passées par l'atelier. Actuellement, il compte 16 participants répartis en deux groupes. Chaque groupe se retrouvant deux heures par semaine.
Il s'agit avant tout d'un lieu de détente et d'expression autour des arts plastiques. Nous accueillons tous ceux qui en manifestent le désir pour peu qu'ils soient régulièrement présents et qu'ils s'investissent dans une production.
Les propositions de travaux sont le plus souvent amenées au cas par cas. Nous cherchons à leur faire plaisir mais aussi à les provoquer au travers de voies graphiques qu'ils ont souvent découvertes, initiées et développées eux-mêmes. »
14:11 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : romuald reutimann, la passerelle, art brut, art immédiat, handicaps mentaux | Imprimer
26/03/2010
Exposition des Prévost, les Bâtisseurs de l'Imaginaire à Melun
Les frères Prévost, Claude et Clovis... Quoi, le sciapode, que dites-vous là? Ce ne sont pas des frères, enfin, que ces Claude Lenfant (nom prédestinant?)-Prévost et Clovis Prévost, mari et femme, chercheurs associés depuis quelques décennies pour nous parler de, ou pour laisser parler plutôt, les dix même créateurs singuliers aux pas desquels ils se sont attachés depuis les années 70, les années des cultures alternatives (outsider en somme) dont ils sont imprégnés passablement (surtout Claude?). Ils les ont exposés depuis cette époque dans de nombreux lieux, notamment à la mythique exposition des Singuliers de l'Art en 1978 au musée d'art moderne de la ville de Paris.
Les dix: soit le facteur Cheval, l'abbé Fouré (qu'ils s'entêtent à orthographier Fouéré, respectant plus l'état-civil que le choix propre de l'abbé qui signait Fouré sur ses autographes), Picassiette (lotissement décoré d'une immense mosaïque de bouts d'assiettes à Chartres), Camille Vidal (statues en ciment à Agde), Marcel Landreau ("le caillouteux" de Mantes-la-Jolie), Irial Vets (l'homme qui se bricola une Chapelle Sixtine dans une chapelle qu'il avait rachetée pour son usage privé, à Broglie dans l'Eure), Robert Garcet et sa Tour de l'Apocalypse (Eben-Ezer en Belgique), Fernand Chatelain (avant ripolinage maquillé en restauration), le mirobolant Monsieur G. (Nesles-la-Gilberde, Seine-et-Marne). A ces neuf créateurs s'ajoute Chomo, présenté judicieusement par les Prévost, qui connaissent leurs gammes, comme un "artiste plasticien", ce qui le distingue des neuf précédents, moins "artistes", même s'ils sont tout autant des créateurs (et même infiniment plus originaux à mon humble avis que le Chomo). Ils vont présenter à Melun, à l'Espace Saint-Jean, à partir du 10 avril, une exposition multi-média (photographies et films) intitulée "Les Bâtisseurs de l'Imaginaire et hommage à Chomo", dont le tire entérine la différence qu'ils établissent entre les deux groupes (oui, on va dire que Chomo est un groupe à lui tout seul, même s'il vaudrait mieux parler d'un groupe de groupies...). L'expo se terminera le 10 juillet.
Le propos des deux chercheurs est de laisser parler les créateurs sans chercher à raconter leur histoire. Il n'y a en apparence aucune intervention des cinéastes durant le film, un effet de réel étant poursuivi tout du long, les créateurs parlant ou se taisant et apparemment laissés à eux-mêmes, comme on se figure qu'ils sont la plupart du temps en l'absence de tout spectateur, dans l'intimité de leur vie quotidienne de créateur oeuvrant avant tout pour soi-même.
Voici en supplément quelques éléments biographiques et conceptuels prélevés dans le petit catalogue de la rétrospective qui fut consacré à Clovis Prévost par le musée national d'art moderne en 1993 au Centre Georges Pompidou:
"Clovis Prévost est né le 5 novembre 1940 à Paris. Après des études d'architecture à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris et de sémiologie des médias à l'Université de Paris VII, il dirigera à partir de 1969 le département Cinéma créé par Aimé Maeght. (...) Montrer "comment l'imaginaire se symbolise à travers certaines figures formelles, spatiales, comportementales" est le sens du regard porté par Claude et Clovis Prévost tout le long de leur recherche cinématographique sur l'art."
Espace Saint-Jean, 26, place St-Jean, 77 Melun. Vernissage le samedi 10 avril à 18h. Cinq films au programme, Monsieur G. et le sanctuaire des lasers, Chomo: le fou est au bout de la flèche, Chomo le débarquement spirituel, La légende du silex: Robert Garcet, Le facteur Cheval: où le songe devient réalité. En outre, le samedi 29 mai, à 15h, Claude et Clovis Prévost assureront une visite guidée de l'exposition.
10:36 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art singulier, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : claude et clovis prévost, environnements spontanés, bâtisseurs de l'imaginaire, abbé fouré, picassiette, robert garcet, marcel landreau, camille vidal, fernand chatelain | Imprimer
22/03/2010
Le plein pays de Jean-Marie M., nouvelle projection parisienne
10:30 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Cinéma et arts (notamment populaires), Environnements populaires spontanés, Fous littéraires ou écrits bruts | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : antoine boutet, cinéma et art brut, jean-marie m., musique brute, environnements spontanés, archéologie sauvage, marminiac | Imprimer
21/03/2010
Etoiles noires de Robert Giraud
Robert Giraud, on commence à le connaître davantage, grâce au blog d'Olivier Bailly, Le copain de Doisneau, qui a ranimé sa mémoire sur internet avant de publier une courte biographie sur lui chez Stock, intitulée Monsieur Bob. Plusieurs livres de lui sont aujourd'hui disponibles, notamment chez l'éditeur Le Dilettante. Son livre le plus connu, Le vin des rues a été réédité chez Stock, en même temps que sortait la biographie d'Olivier Bailly.
C'était un connaisseur et un écrivain du Paris populaire des années 50 aux années 90 (il est disparu en 1997) que l'histoire littéraire a tendance à passablement occulter. Lisons ces lignes d'Olivier Bailly qui cerne en quelques mots les centres d'intérêt du personnage: "Il ne traitera que de sujets en marge: clochards, tatoués, gitans, petits métiers de la rue, prostitution, bistrots, sans oublier la cohorte des excentriques de tout poil. Son premier coup d'éclat, il le réalise avec Doisneau, dans Paris-Presse, avec la publication d'un reportage au long cours, "Les étoiles noires de Paris", onze articles consacrés à des personnages insolites qui peuplent le Paris de cette époque et que Bob croise pour certains dans ses périples journaliers et là où il boit son vin quotidien." (Monsieur Bob, p.84). Le vin était une autre de ses passions, sang de la vigne qui irriguait le corps de ses passions pour la vie immédiate. Olivier Bailly note qu'il fréquentait les bistrots qui avaient une certaine exigence en matière de crus, ceux tenus par des bistrotiers qui allaient sur place dans les régions chercher leurs récoltants, en évitant les "bersycottiers", c'est-à-dire les négociants de Bercy qui s'étaient enrichis pendant la guerre grâce au marché noir avec des mauvais vins (surnommés "côteaux de Bercy", synonymes de piquettes). Giraud, qui fut aussi un temps secrétaire de Michel Tapié au début de l'histoire de la collection de l'art brut, en 1948, alors que Dubuffet était parti voyager en Algérie, et qui garda mauvais souvenir de ce dernier qui le traitait en factotum (bien longtemps après, il parlait de lui en disant que Dubuffet n'était qu'un cave...), Giraud eut-il le temps de lire la "biographie au pas de course" (publiée dans Prospectus et tous écrits suivants, tome IV, 1995) où Dubuffet se vante lorsqu'il était marchand de vins justement à Bercy d'avoir renfloué son entreprise grâce au marché noir (il précise avoir alors vendu des "vins d'une qualité un peu supérieure" au vin de consommation courante, ce qui lui procura des bénéfices qui lui permirent d'éponger les dettes de son commerce d'avant-guerre, car il n'y avait sans doute plus de taxes sur ce négoce réalisé sans factures, sur parole)...? Nul doute que cela lui aurait confirmé ses impressions de la fin des années 40.
Giraud vécut de divers petits métiers (il vola même un temps des chats, il fut avec sa femme Paulette bouquiniste à la hauteur de la Samaritaine). Ses sujets de prédilection étaient les clochards, les tatoués, les bistrots, et l'argot sur lequel il publia de nombreux livres. Il s'intéressa aussi aux créateurs insolites, plusieurs de ses articles publiés dans différentes revues et journaux (outre Paris-Presse, il y eut aussi Franc-Tireur et la revue Bizarre) s'y rapportent: par exemple Frédéric Séron dans Les étoiles noires de Paris (1950 ; avec Robert Doisneau, son complice photographe qui fit de nombreux reportages avec lui, il paraît l'un des tout premiers à avoir rendu visite à Séron, avant Gilles Ehrmann en particulier), Picassiette (dans Bizarre n°V en juillet 1956), ou encore Gaston Chaissac dans Franc-Tireur en août 1956 (Chaissac de qui il reçut une correspondance dont certains éléments ont été publiés par Dubuffet et Paulhan dans Hippobosque au bocage en 1951). Charles Soubeyran (auteur des Révoltés du Merveilleux, livre consacré à Doisneau et Ehrmann où l'on voit plusieurs des créateurs évoqués dans les "étoiles noires de Paris" comme Jean Savary, Maurice Duval, Frédéric Séron, Pierre Dessau) a un jour signalé que certain "dandy de muraille" peint par Chaissac renvoyait au frère de Robert Giraud, Pierre Giraud qui était un dessinateur et un peintre spontané, associé un temps à l'aventure de la débutante collection de l'art brut.
Les chroniques de Robert Giraud sur les figures de la rue parisienne, vivant sous d'autres coordonnées mentales que le commun des mortels, au fond, on pourrait les voir comme issues d'une tradition de chroniqueurs du Paris populaire excentrique, qui rassemblent par exemple ces auteurs du XIXe siècle connus sous le nom de Lorédan Larchey (Gens singuliers), Champfleury (Les Excentriques), Charles Yriarte, Charles Monselet, etc, tous auteurs que l'on retrouve aujourd'hui au catalogue des précieuses éditions Plein Chant.
En attendant que quelque éditeur veuille enfin réunir les différentes contributions de Robert Giraud à la cause de l'art brut, on se contentera d'initiatives isolées comme cette réédition à Noël 2009 des onze articles parus dans Paris-Presse, "Les étoiles noires de Paris", sous l'aspect d'un livre-objet conçu par Bernard Dattas qui s'est amusé pour le compte des "Editions des Halles" à publier cet ensemble sous la forme d'un livre massicoté en étoile, qui une fois ouvert révèle des dizaines d'autres étoiles de toutes couleurs (c'est joli mais ne va pas sans faire des difficultés pour la lecture...).
Bonne idée qu'a eu là Bernard Dattas (qui ne paraît pas à son coup d'essai, d'autres ouvrages ont semble-t-il été réalisés auparavant sur lesquels je n'ai que des ouï-dire, le monsieur cultivant, semble-t-il, un certain secret). On découvre ainsi l'ensemble des personnages qu'avait évoqués Giraud en 1950, ceux que j'ai déjà cités, plus Armand Févre, André Gellynck, Salkazanov, M. Dassonville et sa cane Grisette, Gustave Rochard, M. Nollan dit l'Amiral, le peintre Héraut, Pierre Dessau qui se baladait en costume Directoire et juché sur un grand Bi à travers Paris... Malheureusement je ne puis renvoyer mes lecteurs à une quelconque adresse qui leur permettrait d'avoir accès à leur tour à cette charmante publication. A moins que M. Dattas, s'il nous lit, veuille bien éclairer nos lanternes.
15:44 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire contemporain, Environnements populaires spontanés, Fantastique social, Littérature, Paris populaire ou insolite | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : bernard dattas, robert giraud, robert doisneau, étoiles noires de paris, frédéric séron, environnements spontanés, figures de la rue parisienne, paris insolite | Imprimer
20/03/2010
Friches de l'art, le blog
Joseph Ryczko, un des accros des arts singuliers sur la planète des amateurs d'art spontané, auteur d'un fanzine intitulé Les Friches de l'Art , qui était plutôt confidentiel il faut bien le dire, et traitait souvent davantage d'art des Singuliers que d'art brut proprement dit (je me base sur les rares numéros auxquels j'ai été éphémèrement abonné) - continue-t-il d'être publié (il semble que oui, ils en étaient il y a peu encore au n°33 et des brouettes... de facteur Cheval bien sûr)? L'information ne me parvient que difficilement, par bribes... - Joe Ryczko s'est lui aussi mis au blog depuis 2008. Il semble que ce fut un départ bref, suivi d'un long silence - pas de notes après 2008, durant toute l'année 2009. Cela reprend plus énergiquement puisque les notes tombent à présent comme à Gravelotte. Mais peut-on faire remarquer qu'on aimerait tout de même lire sur ce blog autre chose que des resucées des dossiers de presse, et autres copiés-collés d'anciens articles repris du fanzine, et davantage d'articles écrits spécialement pour le blog, des interprétations ou des opinions personnelles, et surtout inédites? Je sais qu'on me rétorquera que cela permet de donner les articles non lus au public qui n'est pas abonné, mais cela donne en même temps l'impression aux internautes qu'on ne trouve pas internet digne de recevoir autre chose que les copies des éditions papier, cela marque ainsi un certain dédain préjudiciable à la lecture de ce blog. Au point de vue de l'esprit critique, cela reste aussi pour le moment largement consensuel et plutôt timide.
Je suis loin, également, de partager les mêmes enthousiasmes que lui vis-à-vis de tel ou tel sujet ou créateur, mais enfin, il fait partie du paysage des amateurs qui militent pour une reconnaissance des différentes formes d'art spontané depus tellement d'années qu'il serait malhonnête de ne pas signaler ce nouveau blog éponyme de ses Friches de l'Art donc (plus je le regarde, plus je me dis que le blog est conçu comme la vitrine du fanzine). Je le joins à ma liste de liens pour que le lecteur se fasse une idée. A souligner la note que Joe Ryczko - le premier? - a écrit sur Gabrielle Decarpigny, créatrice de Bagnères-de-Luchon (Non! Bagnères-de-Bigorre, voir commentaire ci-dessous...) à qui il avait d'abord consacré un article dans Création Franche, que j'avais signalée en son temps sur ce blog. Cette dame a elle aussi créé un site que j'ajoute également dans mes liens.
14:56 Publié dans Art Brut, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : joe ryczko, les friches de l'art, art burt, art singulier, art archaïque | Imprimer
18/03/2010
Hung-Tung, le retour
Cette note contient une mise à jour
Prononcez paraît-il "Rong-Tong". Mais ça s'écrit Hung-Tung, et on l'a déjà vu à Paris, c'était à la Halle Saint-Pierre en 1998, sous le titre "17 Naïfs de Taïwan", une exposition organisée par le musée d'art moderne de Taipei en collaboration avec le musée d'art naïf Max Fourny (qui est toujours hébergé encore aujourd'hui quelque part dans la Halle, c'est même un jeu, enfants, cherchez où se cache la collection Max Fourny...). Il y avait aussi le musée de Louvain-la-Neuve sur le coup à l'époque. Etaient exposés des naïfs (peintures de genre exécutées avec des distorsions, des perspectives non réalistes, des couleurs subjectives, une déformation primitiviste des lignes, etc.) effectivement, fort séduisants, mais aussi des créateurs plus détachés de la référence au réel comme Lin Yuan par exemple ou le fameux Hung-Tung, né en 1920 et disparu en 1987.
Voici qu'il nous revient, dans le cadre du Festival de l'Imaginaire patronné par la Maison des Cultures du Monde, à la Galerie Frédéric Moisan (sur laquelle j'ai déjà eu l'occasion de faire une note lorsqu'elle avait exposé le peintre d'ex-voto mexicain Alfredo Vilchis). C'est commencé depuis jeudi 11 mars et c'est prévu pour se terminer le 10 avril 2010. Il s'agit il est vrai avant tout d'une exposition de trois "artistes taïwanais contemporains" (Hung Tung, Hou Chun-Ming, et Mei Dean-E). Mais je ne choisis dans le cadre de ce blog qui s'intéresse avant tout à la création spontanée que d'évoquer la figure de Hung Tung, créateur "brut", homme d'extraction humble, aux parents disparus alors qu'il était encore enfant, et qui fut une bonne partie de sa vie un pauvre paysan. Le taoïsme eut une grosse influence sur la formation de son caractère, nous renseigne la notice que l'on trouve dans le catalogue des "17 Naïfs de Taïwan" (édité par le musée d'art moderne de Taipei ; j'emprunte quelques photos à ce catalogue en espérant qu'on me pardonnera du côté de Taipei, c'est pour la bonne cause). Le village où habitait notre héros possédait un temple renommé fréquenté par de nombreux fidèles. Hung-Tung fut enrôlé dans ce temple comme médium chargé de transcrire les paroles des dieux par le papier et l'encre, paroles interprétées ensuite par les moines. Tout à coup, à 50 ans pile, notre médium décide de cesser de pourvoir à l'entretien de sa famille (une femme et cinq enfants) pour se consacrer à une pulsion graphique et picturale irrépressible qui va l'occuper toute sa vie jour et nuit désormais. Il semble qu'il voulut montrer ses oeuvres dans un premier temps, allant jusqu'à les exposer dans la rue. après avoir d'abord essuyé des rebuffades, notamment de la part des milieux artistiques conventionnels (un peu comme dans le cas de ce qui se passe vis-à-vis de l'art brut au Japon dans les milieux intellectuels et esthètes), il est remarqué par un journaliste qui le fait connaître à Taipei la capitale. Il est exposé au centre d'information américain dans cette ville (en 1976), puis dans un grand magasin. Mais après cette date, il décide de s'enfermer dans sa maison, comme las de ses démarches pour la reconnaissance, ou tout simplement las des autres... Il rejette les visiteurs, même ceux qui veulent lui acheter ses peintures. Sa femme, son seul soutien matériel, décède en 1986. On le retrouve au début de 1987, mort dans son atelier, vingt-quatre heures après qu'il a rendu son dernier soupir.
Hung-Tung n'a donc jamais suivi de cours artistiques. Il semble que son inspiration et ses stimulations à dessiner soient à rechercher du côté de ses fonctions de médium au temple de son village. Cela le relie aux profils sociologiques de plusieurs créateurs de l'art brut occidental. Son comportement vis-à-vis du monde de l'art, son renfermement, le style de ses oeuvres, qui paraissent empreintes de références aux légendes populaires et à la culture religieuse taoïste (je pense notamment devant ses peintures aux silhouettes découpées dans le cuir du théâtre d'ombres chinois), ses imitations de l'écriture chinoise qu'il ne savait pas écrire, la traitant comme si elle était revenue à sa seule apparence de dessin, de signe cabalistique, tout cela le distingue grandement des deux autres artistes taïwanais qui sont ici exposés avec lui. Cela le distingue, et ne l'amoindrit pas, tout au contraire! Il est simplement autre. Ailleurs. Avec ce type de créateurs, nous rencontrons une autre pratique de l'art, profondément immergée dans la vie quotidienne, vécue tellement immédiatement qu'il n'y a plus aucun temps de disponible pour sa sa médiatisation. Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer sur ce blog des cas comparables, je pense ainsi sur le moment au "photographe" Miroslav Tichy. C'est sans doute ce total investissement intellectuel et physique qui garantit à de telles oeuvres cet impact esthétique d'une grande intensité stylisée.
Merci à Remy Ricordeau qui m'a signalé l'expo
Et à propos de Hung Tung, lisez cette note supplémentaire que m'a envoyée le même Remy Ricordeau:
"Concernant son expression graphique, il est à noter une autre inspiration qui n'a certes pas été relevée mais que je crois réelle, même si Hung Tung lui-même ne l'a pas revendiquée (mais en général les artistes bruts ne revendiquent rien quant à leur inspiration): la proximité de couleurs vives (avec dominante de rouge) de beaucoup de ses tableaux ainsi que celle de la forme des visages qu'il peint ou dessine, avec les représentations de l'art aborigène taïwanais me semble frappante (particulièrement avec les bas-reliefs sur bois ou les tissages).
Si Hung Tung n'était pas lui-même d'origine aborigène, il vivait dans un village près de Tainan (au centre/sud de l'ile) où vivent plusieurs communautés aborigènes différentes. Dans cette région, les populations sont mélangées au sein des villages et il ne pouvait donc que connaître ou au moins avoir vu plusieurs représentations de cet art populaire à connotation tribale et religieuse (en général représentation des esprits). Ma remarque est bien sûr une hypothèse, mais compte tenu du fait qu'à l'époque où Hung Tung a été remarqué, l'art aborigène était encore l'objet de beaucoup de mépris de la part de la plupart des Taïwanais (ce qui a changé depuis pour des raisons qu'il serait trop long d'exposer ici), cette "filiation", je pense, a été passée sous silence et maintenue par paresse ou conformisme jusqu'à maintenant.
Mon amie taïwanaise qui s'intéresse à l'art brut formosan, me dit par ailleurs qu'aujourd'hui la plupart des créateurs contemporains sont des aborigènes (ou métis) qui se sont émancipés de l'inspiration spirituelle d'origine de leurs ancêtres pour représenter des scènes de la vie quotidienne ou en rapport plus ou moins direct avec l'actualité. Leur style reste cependant très influencé par leur milieu culturel d'origine. Il y a là tout un univers à découvrir..."
(Remy Ricordeau)
PS: Cette évolution de l'inspiration des aborigènes formosans, s'affranchissant de leur inspiration spirituelle pour aller vers des contenus plus contemporains, profanes, est à mettre en rapport avec l'évolution de l'art des aborigènes australiens.
04:33 Publié dans Art Brut | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hung-tung, at brut taïwanais, galerie frédéric moisan, festival de l'imaginaire | Imprimer
17/03/2010
Sanfourche, fin de partie
Jean-Joseph Sanfourche, le disciple de Chaissac, l'émule de Dubuffet, dont j'appréciais l'oeuvre fort modestement en ce qui me concerne (ce qui explique que je m'étendrai pas sur le sujet, d'autres ne manqueront pas de le faire), est décédé samedi 13 mars dernier. Ses obsèques ont lieu ce mercredi 17. Paix à ses cendres et condoléances à ses proches. Une page de l'art singulier, de la "neuve invention" et de la création franche se tourne.
Une petite vidéo sur FR3
10:11 Publié dans Danse macabre, art et coutumes funéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sanfourche, création franche, chaissac, art singulier, dadaïsme naïf | Imprimer
14/03/2010
Une vie dans les plis, le cas Clelia Marchi
Récupérée je ne sais plus où (les balades sur Internet brouillent la mémoire, tous les carrefours sont faits de références, mots, images qui se recouvrent et s'effacent dans leur sources), l'information du drap de Clelia Marchi m'est parvenue un jour. Il y a bien sûr un article en italien sur Wikipédia que je me suis traduit. Mais comment ai-je découvert son existence? Je ne sais plus. Je possède un entrefilet sur elle, découpé dans un magazine spécialisé pour les retraités, Notre Temps, qui a dû être publié vers 1995...
Il était une fois une paysanne italienne qui vécut toute sa vie de misère à Poggio Rusco en Toscane, non loin de Bologne, Venise (née en 1912, elle mourut à 94 ans en 2006)... Elle eut un mari, Anteo, et sept fils dont quatre moururent en bas-âge. Son époux lui aussi disparut prématurément, à la suite d'un accident. C'est après ce drame, en 1982, que Clelia décida de raconter sa vie de rude travail, de souffrance mais aussi d'amour sur un drap de 2 mètres sur 3, car il lui en restait de trop après la mort de son mari, disait-elle. Ce fut le support insolite de ce qui devint petit à petit, couverte de lignes serrées et minuscules, écrites en certains endroits à l'encre rouge, l'autobiographie d'une prolétaire moderne. Ces lignes font deux mètres de long, et une frise de poèmes orne le bas de ce drap devenu célèbre en Italie. Surtout depuis que la Fondation Mondadori décida de publier l'écrit en 1992 sous le titre "Gnanca na busia" (ce qui pourrait semble-t-il se traduire par Sans mentir). L'ouvrage obtint un franc succès, connaissant plusieurs réimpressions. Suite à l'intervention du maire de Poggio Rusco, que Clelia avait sollicité en 1985, le drap fut déposé aux archives nationales du journal intime de Pieve San Stefano qui sont situées à Arezzo (en France aussi il existe un centre de documentation qui se consacre à archiver ce même genre d'écrit, des autobiographies ; Philippe Lejeune en est il me semble l'un des fondateurs - sinon l'unique fondateur...). Ces archives, véritable "banque de la mémoire" selon Saverio Tutino, leur fondateur, conservent près de 2000 manuscrits autobiographiques, certains vieux d'une centaine d'années.
Au fond, écrire sur un drap quoi de plus naturel, et de plus inspirant aussi? Ils nous enveloppent contre le froid, nous servent parfois de linceul après avoir accueilli notre repos, nos songes, nos cauchemars et nos amours. Combien d'heures passons-nous entre eux? Il n'est que trop juste qu'ils recueillent aussi un jour nos confessions...
19:44 Publié dans Art immédiat, Art populaire insolite, Fantastique social, Littérature | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : clelia marchi, journal intime, littérature prolétarienne, mémoire du peuple, écrits bruts | Imprimer
Portrait présumé de Hung Tung?
Cela fait quelque temps que je possède cette tête insolite, rigolarde, bienveillante, sculptée dans une variété de noix (très légère) que je ne parviens pas à identifier, son sourire découvrant des gencives noircies qui paraissent plutôt mal en point. Je l'appelle à part moi "Le Chinois". C'est une sorte de coolie détendu, alors que normalement il n'y a vraiment pas de quoi chez les portefaix. Un portrait présumé de Hung Tung?
02:08 Publié dans Art immédiat, Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sculpture populaire anonyme, objets de curiosité, art immédiat, noix de coco sculptées | Imprimer
09/03/2010
Quel titre lui donneriez-vous?
Je lui ai donné un titre bien sûr, au dos. Mais vous, qu'auriez-vous écrit?
10:43 Publié dans Art singulier, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (27) | Tags : poésie naturelle, art singulier, bruno montpied, galets peints | Imprimer
05/03/2010
Fantaisie forgée rue Durantin prolongée
Curieuse intervention créative qui a dû nécessiter un temps considérable pour être confectionnée puis ensuite disposée sur ces fenêtres en rez-de-chaussée, dans cette rue de Montmartre au nom cocasse, la rue Durantin prolongée... (Comme si on avait manqué d'imagination pour trouver un autre nom à cette voie qui ne ressemble du coup qu'à une excroissance méprisable).
C'est plutôt rare à Paris les décors originaux, faits en matériaux de récupération en l'espèce, et placés en plein air, au vu et au su des passants. Sans doute parce que les règles d'ornementation sont contraignantes dans les grandes villes et que peu osent s'en affranchir. Ici, la rue est maigrement fréquentée, malgré sa fonction de raccourci commode dans Montmartre. Cela a dû contribuer à l'audace du créateur qui a composé ces arabesques de fers tordus et soudés où l'on reconnaît entre autres dans le labyrinthe des lignes un plateau de dérailleur de bicyclette. Tout prés se tenait aussi (rue Durantin - non prolongée), à la même époque, l'atelier d'un sculpteur-assembleur connu des amateurs d'art singulier et qui se nomme Gilbert Peyre. Une enseigne en tôles peintes et sculptées, due à Peyre, au style voulu de guingois, représentant un moulin où s'agitait un automate au visage rigolard (la rue mène au moulin de la Galette que l'on aperçoit plus haut), donnait déjà l'exemple au coin de la rue Durantin prolongée et de la rue Tholozé (la rue du cinéma le Studio 28, où eut lieu le scandale de L'âge d'or de Bunuel). Le coin a ainsi l'aspect d'un bout de terrain libéré par les créateurs singuliers de plein vent parisien.
00:05 Publié dans Paris populaire ou insolite | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : paris insolite, fer forgé insolite, rue durantin prolongée, art d'immeuble | Imprimer
03/03/2010
Ataa Oko et Frédéric Bruly-Bouabré, deux créateurs africains à la collection de l'art brut à Lausanne
La Collection de l'Art Brut de Lausanne, qui était fermée depuis quatre mois suite à des dégâts des eaux, réouvre ses portes le 5 mars prochain avec une exposition qui fera date dans l'histoire de la collection. Elle accueille deux créateurs africains, Frédéric Bruly-Bouabré tout d'abord, déjà bien connu (cet ancien collaborateur de Théodore Monod fut montré notamment à la grande exposition du Centre Georges Pompidou et de la Grande Halle de la Villette en 1989 Les Magiciens de la Terre ; vous savez, cette expo où Jean-Hubert Martin s'illustra en affirmant qu'il ne voyait aucun singulier primitiviste en occident, à part Chomo, pour être mis en parallèle avec les créateurs du tiers-monde qu'il voulait présenter à Paris, c'était dire l'étendue de son savoir...), ce qui fera que je ne m'étendrai pas à son sujet (même si ses oeuvres sont absolument séduisantes) et un autre créateur qui, lui, est beaucoup moins notoire, Ataa Oko Addo.
Ataa, ça veut dire "grand-père" au Ghana, dans l'ethnie Ga dont fait partie cet étonnant nonagénaire toujours actif aujourd'hui (Oko signifie "jumeau", il eut une soeur jumelle qui mourut peu après la naissance). Cette fameuse ethnie s'est rendue célèbre auprès des amateurs d'art populaire africain contemporain par la confection de ces cercueils imagés (fèves de cacao, effigies de policiers, mercédès-benz, lion, oignons, etc) dédiés aux grands personnages que l'on veut enterrer pour se concilier leurs faveurs (voir ma note précédente sur le sujet). Certains de ces cercueils, qui intéressent maintenant les collectionneurs, ont été montrés dans des grandes manifestations (ceux de Kane Kwei furent présentés aux Magiciens de la Terre).
Son histoire et son destin sont hors du commun sur le plan de l'histoire des arts populaires en Afrique (et ailleurs). D'après l'ethnologue suisse Regula Tschumi (qui fut hôtesse de l'air avant de choisir cet autre métier), qui étudie les coutumes religieuses des Ga, c'est Ataa Oko qui aurait créé le premier cercueil sculpté en 1945, à l'effigie d'un crocodile. Mais elle ne fournit pas de preuve photographique du fait (puisque les cercueils que les menuisiers ont sculptés avec soin, telles de véritables oeuvres d'art, sont enterrés avec les défunts à l'intérieur, disparaissant donc sous la terre, où, nous dit Philippe Lespinasse dans son documentaire Ghana, sépultures sur mesures (1), ils sont rapidement dévorés par les termites).
Dans le catalogue qu'édite la Collection de l'Art Brut en collaboration avec l'éditeur suisse Infolio, elle ne montre qu'une photo datant de 1960 (où l'on voit Oko ave sa femme posant devant un cercueil en forme de cargo). L'ethnologue se base sur le témoignage du dit Ataa Oko et le recoupe avec les témoignages d'autres personnes qui confirment que Oko construisait bien des cercueils sculptés, et qu'il encouragea Kane Kwei à en faire à son tour, ce même Kane Kwei qui a été présenté internationalement comme le fondateur de cette tradition (il ne fit rien pour démentir la rumeur). L'idée vient alors à Regula Tschumi de demander à Ataa Oko de lui dessiner ses cercueils de 1945-1948, histoire de voir à quoi ils pouvaient bien ressembler...
Elle apporte des blocs de papier à dessin, des crayons de couleur et Ataa Oko se prête de bonne grâce au jeu. Il commence à dessiner prudemment, sans appuyer, les formes des cercueils qu'il a confectionnés après 1945. Puis petit à petit, il se pique au jeu, il s'enhardit, prend confiance, et de dessin en dessin se lance à corps perdu dans son imaginaire délaissant les représentations imitatives du début (qui durèrent de 2004 à 2005, les années de début de cette production graphique). Ce sont ces dessins aux crayons de couleur, où se donne libre cours l'imagination de l'auteur, quoiqu'avec des références à l'animisme Ga, qui ont intéressé la Collection de l'Art Brut qui en possède désormais une bonne sélection semble-t-il, si l'on se rapporte aux oeuvres illustrant le charmant catalogue d'exposition. Le reste est dans les mains de Regula Tschumi qui a acheté régulièrement, au fur et à mesure qu'elle était produite, toute la production d'Ataa Oko. Ce qui est unique dans l'histoire des oeuvres d'art brut sur lesquelles on ne possède généralement pas de renseignements par exemple d'ordre chronologique. Lucienne Peiry précise au début du catalogue: "C'est ainsi que 2500 dessins ont vu le jour en six ans (2003-2009)". On voit là une oeuvre rangée dans le corpus de l'art brut en train de se faire quasiment sous nos yeux, ce qui est un fait nouveau.
Autre fait étonnant et rare, on se confronte avec cet Ataa Oko à un autre phénomène qui m'apparaît unique. C'est un créateur qui est à l'origine à la fois d'une tradition de sculpture funéraire populaire et, par la suite - soixante ans après, excusez du peu! - aussi, d'une nouvelle expression individualiste populaire, dite "brute". C'est Dieu, ce type-là.
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(1) Ce film a été édité en DVD chez Grand Angle Productions. Grand Angle Distribution, 14 rue des Périchaux, 75015 Paris. +33 1 45 359 258. n.labid@grandangle.com et www.grandangledistribution.com. Philippe Lespinasse livre aussi un texte de témoignage sur Ataa Oko dans le catalogue de l'exposition. Cette dernière se tient à Lausanne du 5 mars au 22 août 2010 (en parallèle avec Bruly-Bouabré): www.artbrut.ch
01:26 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire contemporain, Danse macabre, art et coutumes funéraires | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : ataa oko, regula tschumi, art brut, art populaire contemporain, collection de l'art brut, cercueils du ghana, bruly-bouabré, philippe lespinasse | Imprimer
28/02/2010
Les indigènes de Pierre Blondeau
Natif de Lyon, plusieurs fois exposé déjà par le passé dans la galerie Dettinger-Mayer, Pierre Blondeau y fait un retour du 5 mars (jour de vernissage) au 5 avril prochains. Le carton d'invitation à l'expo est particulièrement frappant.
Ceux que l'artiste appelle ses "indigènes" sont groupés devant le spectateur comme des marionnettes ou des poupées faites de matériaux, de pigments et objets composites, évoquant des fragments de cultures dites "primitives", ou populaires aussi bien, elles-mêmes brassées, rebattues telles des cartes de jeux différents, poker, tarot, jeux de sept familles mélangés. Certaines figures du groupe ci-dessus représenté évoquent par ses faces macabres aux orbites creuses l'art mexicain de la fête des morts. Mais les poupées vaudou haïtiennes paraissent elles aussi hanter le créateur, de même que pour ce qui concerne les teintes, ou les matières employées, on soit tenté de penser à l'art africain. Tel personnage auréolé d'une cape comme ouatée paraît fait de la même cire que celle que l'on rencontre chez certaines figurines de reliquaires occidentaux.
L'auteur dans un texte que l'on peut lire sur le site de la galerie affirme sa détermination à "bannir tout mysticisme" de ses personnages dont seule la matière parle. On aurait envie de s'en saisir pour jouer à la poupée, mais à des jeux de poupée bien peu usuels, où la fiction qu'on élaborerait en les manipulant s'inventerait automatiquement, comme il y a une écriture et un dessin automatiques. Comme un théâtre de marionnettes où le marionnettiste ne saurait pas le texte de sa pièce avant de pouvoir manipuler ses pantins.
L'exposition est accompagnée d'une autre, celle de Jean Veyret, auteur de boîtes aux narrations elles aussi faites d'objets et matières assemblés pour des "histoires sans paroles" (titre de l'expo). Galerie Dettinger-Mayer, 4, place Gailleton, 2e ardt, Lyon (dans la Presqu'île). Ouv. du mardi au samedi de 15h à 19h30, le matin sur RV.
01:38 Publié dans Art singulier | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : pierre blondeau, art singulier, galerie dettinger-mayer | Imprimer
22/02/2010
Infos-Miettes (7)
Jean Linard is dead
Ce titre résume à lui seul tout ce que j'ai à dire sur ce blog au sujet du céramiste Jean Linard, auteur d'un environnement appelé communément "la Cathédrale" à La Borne, village comme on sait de potiers depuis des générations. L'info nous a été transmise par le site ArtInsolite.com. Il était l'auteur d'un environnement très "artiste" (et un peu trop mystique pour mon goût) très différent des environnements du genre qui me retient sur ce blog. Pour information, je répercute l'annonce de cette disparition vers ceux que cela pourrait concerner, avec mes condoléances à ses proches.
Expos François Burland et Alp-Traüme au Museum Im Lagerhaus, St-Gall, en Suisse orientale...
Tiens, ça faisait longtemps que je n'avais pas fait d'info sur le Musée d'art naïf et d'art brut suisses de St-Gall. C'est que leurs informations me parviennent toujours en allemand que je déchiffre fort mal... Mais bon, il est toujours loisible de jouer à la devinette. S'achève en ce moment (ça se termine le 7 mars prochain) une exposition de photographies d'Hildegard Spielhofer (dont je ne perçois pas trop le rapport à l'art brut ou à l'art naïf) et de "jouets" créés par François Burland qui n'en finit plus de produire des maquettes de bateaux, et autres véhicules variés, bricolés en matériaux de récupération, qui ne sont pas sans faire songer à d'autres maquettes telles qu'on en rencontre dans l'art brut conservé en Suisse, à Lausanne notamment (pensons aux bateaux de Forestier par exemple, mais plus généralement, l'art brut n'est pas avare de grands enfants jouant encore graphiquement avec des trains - David Braillon, Willem Van Genk... - des voitures, des engins spatiaux - André Robillard... - etc.).
Et cette expo sera suivie d'une autre, Alp-Traüme, plus inspirante à mon goût sur des créateurs du massif montagneux du Säntis (région d'Appenzell et Toggenburg), riche en traditions populaires (voir les Sylvester klaüse d'Urnasch et leurs costumes prodigieusement inventifs) et en peintres originaux, Alp-Traüme que l'on doit pouvoir traduire simplement par Rêve d'alpe, nein? Il s'agit cette fois de nouveaux noms, comme Erich Staub, ou Imma Bonifas, Willy Künzler, présentés à côté de plus connus comme Hans Krüsi. Nouveaux noms et nouvelles créations, plus dégagées de l'imitation du réel que dans le cas des peintres d'alpage déjà présentés précédemment dans ce musée (les peintres de poyas décorant les chalets et les étables de la région). L'exposition se tiendra du 24 mars au 4 juillet 2010.
Colloque sur "l'art outsider" en Sicile, "la création différente"
Mlle Roberta Trapani m'a signalé récemment trois jours (26-27-28 mars prochains) où l'on va colloquer vaillamment à Palerme sur l'art brut et consorts, voir ici le programme en français et le programme (plus détaillé) en italien, à l'initiative de "l'Association culturelle" Start Factory (pas très sicilien le titre). Ce sera "coordonné scientifiquement" par la professore Eva Di Stefano qui dirige à Palerme un "Observatoire Outsider Art" dans le cadre de l'université locale.
Joël Lorand et Claude Massé à Carquefou
Ah, ce Joël Lorand, il en aura fait des voyages à travers la France, c'est un des plaisirs qui accompagnent tous ceux que la poursuite d'une quête imaginative titille. Outre des oeuvres représentatives de ses différentes périodes précédentes, proches du graffito au début, puis les "personnages floricoles", et les "boucliers", il montrera dans une nouvelle exposition au Manoir des Renaudières (direction de l'action culturelle de Carquefou) une nouvelle série d'oeuvres. Est-ce que la peinture reproduite sur le carton d'invitation en fait partie? Faut aller voir l'expo pour répondre.
Avec lui, au même moment, on pourra également voir les "patots" de Claude Massé, sculptures-assemblages sur liège. Pour le vernissage du 6 mars, à 16h30, Massé fera d'ailleurs une conférence-débat sur "l'Art Autre".
Exposition du 6 mars au 4 avril 2010, ouverte les ven., sam. et dimanche de 14h à 18h et sur RDV (02 28 22 24 40). Entrée libre.
Histoire d'une Collection (2)
Là c'est à Paris, c'est le deuxième volet d'une exposition qui paraît vouloir retracer l'histoire de la collection du centre d'étude de l'expression, collection qui est abritée dans le centre hospitalier Ste-Anne, dans le 14e ardt. Anne-Marie Dubois est l'organisatrice de l'expo qui est accompagnée aussi par la publication d'un troisième tome de son ouvrage De l'art des fous à l'oeuvre d'art. Cette collection vaut surtout à mes yeux pour sa partie ancienne, rassemblant des oeuvres produites par des patients que l'on n'avait pas encore encadrés soit artistiquement (artistes-thérapeuthes) soit chimiquement. L'expo La Clé des champs qui s'était tenue à la Galerie Nationale du Jeu de Paume en 2003 avait permis de s'en rendre compte de façon nette. L'expo actuelle, commencée le 28 janvier, s'achévera le 28 mars 2010, elle se tient dans le musée Singer-Polignac, à l'intérieur du centre hospitalier (ne craignez rien, on vous laissera ressortir...).
16:08 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Art singulier, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jean linard, eva di stefano, françois burland, alp-traüme, museum im lagerhaus, art naïf, art brut, art singulier, joël lorand, anne-marie dubois | Imprimer
21/02/2010
Playboy communiste, le DVD
Annoncée par commentaire interposé grâce à David Thouroude, il est peut-être bon d'insister quelque peu en lui faisant accéder à la dignité d'une note, voici donc la sortie , prévue pour mars, d'un DVD tiré du documentaire consacré par DT et Pascal Héranval à celui que j'appelle "Le griffonneur de Rouen", c'est-à-dire Alain R., vagabond des rues rouennaises, qui couvre en lettriste sauvage conséquent les murs de la ville de ses mots graffités dans des palimpsestes parfois aux limites de la lisibilité (voir l'armoire électrique près de la Poste en centre-ville). On se reportera pour en savoir plus sur ce sujet à la note que je lui ai déjà consacrée ainsi qu'au site "Playboy communiste" signalé sur ce blog dans mes "liens", où l'on peut voir des extraits du film, entre autres.
Pour se le procurer, on écrit à MIL SABORDS, 9, rue Georges Braque, IMM. ALPHA, 76000 Rouen. Le DVD vaut 12 € + 3€ de frais de port. Paiement par chèque à l'ordre de MIL SABORDS.
12:16 Publié dans Art immédiat, Art populaire contemporain, Cinéma et arts (notamment populaires), Fantastique social | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : alain rault, playboy communniste, david thouroude, graffiti, art immédiat | Imprimer
19/02/2010
Quand le foot mène à l'art
Voici déjà quelque temps que je voulais mettre en ligne ces images, le recto et le verso d'un panneau peint et collé de quelques éléments empruntés à des photos, fabriqué à l'évidence vers 1982. C'est de l'art modeste ou je ne m'y connais pas.
Il a été trouvé dans une décharge ou un dépôt de rebuts par Jean-Louis Cerisier, peintre primitiviste lavallois bien connu dans le Landerneau de l'art naïvo-singularo-brut, du côté de la Brière. L'artiste inconnu qui l'a confectionné a pris un panneau de contreplaqué quelconque, à peu prés 1,50m sur 1,60m, de format proche du carré, et a utilisé de la peinture, et des éléments photographiques pour plus de réalisme. Il y a une volonté publicitaire naïve sur le côté où l'on voit un Platini dont on a retiré les yeux (par accident ou volontairement?), avec ces lettrages rouges voyants. Sur le verso, le ballon sert de O, jeu graphique commun qui prend ici une valeur quelque peu touchante. De même du reste que la couleur bleue de la photo décolorée du joueur qui brandit le ballon de la victoire, on n'a pas songé avec ce panneau à faire une oeuvre impérissable... Or, justement, ne pourrait-on pas la conserver? Il me semble que le Musée International des Arts Modestes pourrait s'y intéresser, ou les distingués collectionneurs de la CAPUT (voir les liens de ce blog). Le propriétaire actuel du panneau le leur céderait volontiers, il me semble (si ce n'est déjà fait pour quelque autre destination plus anéantissante)...
10:42 Publié dans Art populaire contemporain | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art modeste, art populaire contemporain, jean-louis cerisier | Imprimer
13/02/2010
Touche française à la Galerie Impaire
La Galerie Impaire est sympa. Elle ouvre ses portes, jusqu'ici consacrées aux créateurs américains contemporains et (surtout) souffrants d'incapacités mentales (autrement dit des handicapés mentaux), à quelques créateurs et artistes alternatifs, "singuliers", français.
Une exposition, proposée au départ par Gaëla Fernandez, l'animatrice de la galerie, qui a fait entièrement confiance à Jean-Christophe Philippi, l'un des exposants (et pas des moindres), s'y tiendra du 25 février au 4 avril 2010 (vernissage le 25 février). Ce sera l'occasion pour les amateurs parisiens de découvrir des oeuvres sincères rarement montrées dans la capitale, toutes sélectionnées par le co-curator ci-dessus nommé (Cocurator, nos amis américains n'ont pas l'air de se douter que cela peut prêter chez certains esprits mal tournés à la galéjade). D'ailleurs, étant donné la nationalité french des artistes sélectionnés, on aurait dû parler, comme me l'a écrit Jean-Christophe Philippi, de "cocorico-curator".
Elle réunira (entre autres, pour savoir tous les noms des artistes exposés on se reportera au site de la galerie) Pierre Albasser, pour une fois présentée avec son épouse Geha (connue pour ses travaux d'art postal mais non limitable à cela), Gérard Sendrey, Jean-Paul Henry (un handicapé pas assez connu), les dessins et peintures semi naïfs du Mayennais Patrick Chapelière, des oeuvres d'Alain Pauzié (qui se faisait rare, à Paris tout au moins), des peintures d'Yvonne Robert (que le texte anonyme qui présente l'expo sur le carton d'invitation virtuel que l'on m'a envoyé associe aux ex-voto, mais qui sont plutôt de simples saynètes de la vie quotidienne qui ont retenu l'attention de Mme Robert, dont on n'est pas sûr même qu'elle les envisage sous un angle caricatural).
Yvonne Robert figure dans la collection de l'art brut à Lausanne.
17:09 Publié dans Art singulier | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : pierre albasser, géha, gérard sendrey, yvonne robert, jean-christophe philippi, galerie impaire, art singulier, jean-michel chesné | Imprimer
09/02/2010
Les artisans du bagne à Chartres en attendant les artistes du bagne à La Seyne-sur-Mer
Michel Thévoz, dans son ancien ouvrage sur l'art brut paru chez Skira en 1975, notait qu'on trouvait infiniment moins de travaux artistiques chez les prisonniers de droit commun que chez les pensionnaires d'hôpitaux psychiatriques. Surtout, les prisonniers, notait-il encore, restent responsables de leurs actes, tandis que les aliénés en sont déchargés. L'expression chez ces derniers devient du coup "sa propre fin". "La contrepartie de sa déréliction, c'est la licence de s'exprimer gratuitement", écrit-il aussi. L'art brut s'est constitué des collections d'expressions de ce type, dites "inventives", parce que marquées très profondément par l'abandon des "normes de communication" (il rassemble aussi, de ce fait, des dessins qui parfois ne suscitent vraiment aucune curiosité en retour de la part du spectateur, tant ils sont obscurs, proches de ce que Dubuffet à la fin de sa vie avait lui-même finalement et tragiquement rencontré: des "non-lieux").
Devenu insoucieux des conventions d'expression, le créateur reconnu "brut", donc surtout le pensionnaire créatif d'hôpital psychiatrique, se laisserait davantage aller dans ses images ou ses écrits, puisqu'il n'a plus d'autre spectateur ou de lecteur que lui-même. Surgirait ainsi un langage plus originel, venu des racines de toute expression humaine, véritable but de la recherche dubuffétienne d'art "brut". Ce plaidoyer pour l'art brut on le voit accorde une place prépondérante au créateur aliéné, alors que par ailleurs l'art brut regroupe des créateurs venus d'autres espaces de la marginalité sociale (l'art des fous ne représente qu'une partie du corpus de l'art brut). Comment fait le créateur non aliéné, cependant collectionné comme étant un créateur brut, pour rester inventif, alors que sa situation mentale et sociale est tout autre, et qu'en particulier il garde la responsabilité de ses actes? La créativité n'est-elle l'apanage que de ceux qui sont rejetés par la société? Ces derniers ne deviennent pas automatiquement inventifs du fait de leur marginalisation non plus.
La quête de Dubuffet de nouvelles formes d'art plus pures ne m'a jamais paru si éloignée que cela de la recherche surréaliste d'un langage plus accordé à la réalité de la pensée. Et pas très éloignée de ce que j'envisage sous le terme d'art immédiat, que j'emploie pour rassembler toutes sortes d'expressions, y compris parfois non humaines (l'art des animaux, les ready-made de la poésie naturelle), qui ne restent cependant envisageables que par des humains. Du point de vue de l'immédiateté poétique, la question de l'écart vis-à-vis des conventions expressives, qui fait le centre de l'intérêt de tant de thuriféraires de l'art brut, me paraît moins importante aujourd'hui. J'accorde autant de fascination à l'art populaire des campagnes, l'art naïf inspiré, les environnements spontanés naïfs ou bruts, l'art brut, qu'à la poésie naturelle, ou à l'art carcéral inspiré, lorsque celui-ci est naïf (graffiti, tatouages, fresques et peintures naïves). Parce que le point commun à chacun de ces corpus est la poésie vitale qui s'en dégage, contribuant à réunir les humains au sein d'un dialogue et non plus d'un monologue (où risque de nous amener la passion de l'art brut). Les nouvelles formes d'art, nouvelles techniques, cela n'est peut-être plus si obsédant aujourd'hui comme ce le fut après la guerre.
L'actualité des expositions ne nous laisse plus que quelques jours pour aller se faire une opinion par exemple au sujet de certains aspects de l'art des bagnards... En effet, une exposition, intitulée L'artisanat du bagne, a commencé au musée des Beaux-Arts de Chartres le 7 novembre 2009, prévue pour se terminer le 21 février (plus que 12 jours donc). Cette exposition est cependant liée à une seconde qui s'appellera Les artistes du bagne, qui prendra place au musée Balaguier du 25 mars prochain jusqu'au 25 mars 2011 (un an, ça laissera le temps d'aller à ce musée Balaguier de La Seyne-sur-Mer, qui a déjà prêté de nombreux objets à cette expo de Chartres, objets en rapport avec l'ancien bagne de Toulon proche de La Seyne-sur-Mer).
L'exposition, dont je me fais une idée grâce à son catalogue, paraît rassembler des caricatures de bagnards, des peintures (de Francis Lagrange notamment), des planches du livre de témoignage sur la vie de bagnard par le prisonnier Clément (venu de la Médiathèque municipale de Rochefort, ce manuscrit illustré naïvement fut édité jadis par Gallimard dans une magnifique édition sous emboîtage ; j'ai entendu rapporter dans une librairie de La Rochelle que le manuscrit le plus connu - car il y en aurait deux - aurait été amélioré par un dessinateur resté anonyme d'après le premier manuscrit original rédigé, lui, de la main de Clément).
On y voit aussi des marqueteries de paille, des noix de coco gravées, sculptées intérieurement ou extérieurement, divers objets (buvards, coupe-papiers), des coquillages gravés (des nautiles dont la nacre est aussi adroitement ciselée que par n'importe quel orfèvre de métier), des maquettes, des bijoux bricolés... Une belle occasion en somme d'aller vérifier s'il n'y a pas là aussi la poésie que nous recherchons tant dans d'autres secteurs de la créativité populaire davantage à la mode aujourd'hui, comme le fameux "art brut".
10:40 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Art populaire religieux, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art des prisonniers, art brut, marqueteries populaires, francis lagrange, artisans du bagne, le bagnard clément, michel thévoz | Imprimer
02/02/2010
Il y a cent ans mourait l'abbé Fouré: le Guide de son Musée des bois sculptés réédité dans un dossier signé Bruno Montpied
Ouf, ça y est enfin, est paru le dossier que je préparais depuis des lustres sur les sculptures en bois de l'abbé Fouré, parfois appelé aussi l'ermite de Rothéneuf. Il sort dans une revue nouvelle, L'Or aux 13 îles, d'inspiration surréalisante, concoctée par le poète et collagiste Jean-Christophe Belotti, qui en l'espèce avec la collaboration d'un bon maquettiste, Vincent Lefèvre, a réalisé là un très bel objet (108 pages, illustrations noir et blanc et couleurs en majorité) .
N°1, janvier 2010. Cent ans après la mort de l'abbé, je tire ainsi mon chapeau à la mémoire de cet extraordinaire sculpteur de roches à l'air libre (sur la côte, au-dessus de la Manche, nous sommes dans la banlieue de St-Malo, dans un bourg qui fut autrefois du temps de l'abbé, au début de l'autre siècle, une station balnéaire en vogue) et sculpteur aussi, ce que l'on sait un peu moins, de bois aux formes tourmentées qu'il entassait dans son "ermitage" au coeur du bourg. Les cartes postales ont popularisé ces statues géniales qui étaient joyeusement peinturlurées en outre (ce que les cartes en noir et blanc ne révèlent malheureusement pas).
Le dossier se divise en deux parties, une introduction qui resitue le personnage, son oeuvre, et retrace également les étapes qui m'ont mené à découvrir vers 1989 l'existence d'un document étonnant que personne jusqu'ici n'avait songé à rééditer en son intégralité (en l'occurrence, en fac similé), le Guide du Musée de l'ermite, daté de 1919 (la même année que La Vie de l'Ermite de Rothéneuf, autre petite brochure plus biographique dûe à la plume de l'historien régional Eugène Herpin, dit "Noguette" et imprimée dans la même maquette chez le même imprimeur de St-Malo (R. Bazin)). Les lecteurs de ce modeste blog se souviendront peut-être que je l'ai mis en ligne ici même à la date du 24 septembre 2009. Ce Guide décrit par le menu les oeuvres que conservait le musée après la mort de l'abbé. Dans cette réédition de L'Or aux 13 îles, j'ai bien entendu mis en parallèle les cartes postales montrant les oeuvres décrites. Tout fonctionnait ainsi à merveille à l'époque pour les estivants qui visitaient l'Ermitage de Haute-Folie (tel était le nom de l'habitation de l'abbé). On pouvait repartir avec un guide et des images sur cartes postales. Ces dernières sont plus rares aujourd'hui que celles représentant les rochers sculptés, car les pièces sculptées et l'ermitage ont désormais disparu tandis que les rochers subsistent, sans qu'on sache très bien à quel moment l'anéantissement eut lieu (il faudra faire confiance aux chercheurs qui nous suivront pour éclairer ce point).
Pour marquer le coup de cette parution (veuillez lire les renseignements pratiques pour l'acquisition de la revue au bas de cette note), je ferai un exposé sur l'abbé Fouré à l'auditorium de la Halle Saint-Pierre, 2, rue Ronsard à Paris (18e ardt), le dimanche 7 février prochain à 15 heures, illustré de photos des sculptures de l'ermite, sur bois et sur roches. Jean-Christophe Belotti sera également là pour présenter la revue et toute l'étendue de son sommaire qui ne se limite pas, loin de là, à mon dossier sur l'ermite. On y trouve de nombreuses collaborations, un dossier fort important sur le peintre surréaliste discret Jean Terrossian, un article sur le film Démence de Jan Svankmajer, des textes polémiques à propos de Sade et de Nadja par Jean-Pierre Guillon pour le premier, et par Jorge Camacho, Bernard Roger et Alain Gruger pour la seconde, une enquête sur l'exaltation avec des réponses de Roger Renaud qu'illustrent des oeuvres de Josette Exandier fort belles ma foi. Le tout coiffé d'un éditorial rédigé par Jean-Christophe Belotti dont les collages parsèment la revue.
10:10 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Environnements populaires spontanés, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : l'or aux 13 îles, environnements spontanés, abbé fouré, ermite de rothéneuf, rochers sculptés de rothéneuf, jean terrossian, jan svankmajer, nadja, art brut | Imprimer
Le Plein Pays d'Antoine Boutet, séance de rattrapage
Pour ceux qui auraient raté les séances du cinéma Le Méliés à Montreuil (voir note du 1er octobre 2009) où avait été projeté le film sur Jean-Marie M., Le Plein Pays d'Antoine Boutet, on propose une séance de rattrapage, au cinéma Le Nouveau Latina, 20, rue du Temple, dans le 4e ardt à Paris, mercredi 10 février à 19h. L'occasion de découvrir, ou de re-découvrir, les talents de chanteur brut du Jean-Marie, plus connu auparavant comme prophète apocalyptique, creuseur obsessionnel de galeries souterraines à la recherche d'improbables civilisations oubliées.
10:05 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Cinéma et arts (notamment populaires) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean-marie m., antoine boutet, cinéma et art brut, musique brute, environnements spontanés | Imprimer
30/01/2010
Exposition Charles "Cako" Boussion à Bègles
Charles "Cako" Boussion est un créateur, basé à Montpellier, exposé depuis la fin des années 1970, et davantage connu ces dernières années en grande partie grâce au musée de la Création Franche. Il aime travailler avec des myriades d'ornementations pointillistes multicolores, parfois pailletées, car on sent que pour leur manipulateur, faut que ça rutile, que ça en jette. On le "sent" d'autant plus que leur créateur est un ancien représentant en parfumerie (ouaf, ouaf).
Il y a de l'icône orthodoxe dans ce travail-là, Boussion campe souvent des figures centrales, tsars, popes barbus, jeunes filles, qu'il encadre de ces milliers de petites gouttes de couleur appliquées aux feutres semble-t-il et cernées de noir dans des compositions qui ressemblent à des kaléidoscopes ou de l'orfévrerie. On a cité du côté de Bègles du reste, ses goûts qui se portent de préférence vers l'art irlandais (les enluminures des livres), l'art byzantin, l'art russe effectivement...
Cette exposition se déroulera du 5 février au 21 mars 2010 au musée de la Création Franche à Bègles. Son inauguration aura lieu le vendredi 5 février 2010, à partir de 18 heures.
01:20 Publié dans Art singulier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : charles cako boussion, art singulier, musée de la création franche | Imprimer
Décès de Louise Tournay, dite "Loulou"
J'apprends par un mail ultra-bref la disparition de "Loulou", c'est-à-dire Louise Tournay, le 25 janvier dernier. Elle était cette créatrice bien connue de ceux qui fréquentaient le Château-Guérin dans les années 1980 à Neuilly-sur-Marne où se cachaient les premières acquisitions de la débutante collection de l'Aracine (elle n'est cependant pas restée apparemment uniquement attachée à cette période).
Issue d'une famille bourgeoise, elle avait suivi des cours à l'académie des Beaux-Arts de Liège, mais avait gardé son indépendance d'esprit et sa spontanéité pour créer, dans l'intimité près de son époux tout au long d'une vie plutôt tranquille (elle était née en 1925), tout un peuple de statuettes en terre cuite qu'elle peignait. Sa thématique principale était les gens, les types de gens qu'elle croisait. Le résultat était à la fois attachant et grotesque, assez voisin de ce qu'avait réussi au tournant du XIXe et du XXe siècle en Suède l'autodidacte paysan Axel Petersson, dit Döderhultarn (voir Bruno Montpied, « Histoire de Döderhultarn », Plein Chant n°36, Bassac, été 1987), qui croquait à plaisir ses contemporains en sculptant rugueusement le bois (les artistes qui font dans le grotesque oublient en effet parfois, le plus souvent, de rester attachants...).
Le LaM à Villeneuve-d'Ascq conserve, grâce à la donation de la collection de l'Aracine plusieurs oeuvres de Loulou. Du reste on avait pu admirer à Paris dans les locaux de l'INHA, pour l'expo Les chemins de l'art brut 8 (actuellement du côté de Villeneuve d'Ascq), une de ses oeuvres, une sorte de foule de personnages en terre cuite qui était exposée sous un cube de plexiglas (voir note du 11 octobre 2009). Les éditions de l'Atelier de l'Agneau ont consacré naguère un numéro de leur revue à cette créatrice, qui s'intitulait "Pour Louise Tournay". On est désormais en droit d'attendre une rétrospective de l'oeuvre de cette dame secrète au style si personnel, en dépit d'un matériau bien convenu.
00:17 Publié dans Art Brut | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : art brut, art immédiat, louise tournay, l'aracine, atelier de l'agneau | Imprimer