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01/01/2010

Suggestion pour des cercueils imagés à la française

    Entré un peu par erreur dans le Grand Palais à Paris en croyant y trouver une exposition d'art forain (quelques figures de carrousel - ânes, chevaux, cochons, dragon, éléphant... - venues du musée des arts forains de Bercy étant bien présentes, maigres cautions artistiques), j'ai découvert qu'il s'agissait surtout d'une banale fête foraine. J'ai erré sous la verrière Belle Epoque, certes chef-d'oeuvre de l'architecture métallique fin XIXe, en grignotant des bons churros et autres gaufres belges.

    Une révélation m'est alors venue: si l'on devait imaginer des cercueils où enterrer nos contemporains, comme au Ghana, les ânes et les cochons  à la Bayol seraient tout indiqués... Un dernier tour de manège et, la comédie finie, au lit, ou plutôt au trou !

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Ane et cochon de carrousel, provenance Musée des arts forains, exposition Jours de fêtes au Grand Palais, décembre 2009, ph. Bruno Montpied

 

Une tombe imagée dans la Haute-Vienne

      En France aussi - mais il faut bien chercher! - nous avons des tombes qui pourraient faire écho aux cercueils ghanéens dont je parlais il y a peu (note du 19 décembre de la dernière année). L'inventaire reste à faire des sépultures imagées qui pourraient émailler de leurs rares présences tant de nos cimetières monotones.

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Tombe de Léonce Chabernaud, Rochechouart, photo (carte postale) Jacques Thibault

      La tombe ci-dessus semble avoir appartenu à un négociant en vins de la Haute-Vienne, voire à un viticulteur? Est-il le responsable du choix de ce tombeau fort insolite quoique bachique, ou est-ce le résultat des agapes d'après inhumation, quand la famille décida de la forme de sa dernière demeure, un peu comme une plaisanterie d'ivrognes (en ce lendemain de réveillon, cette hypothèse parlera à nombre de mes lecteurs)...? Toujours est-il qu'il voyage désormais dans la mémoire des hommes (qui passent par Rochechouart, ou par ce blog...) dans son tonneau pour l'éternité, moderne Diogène post-mortem.

Appel aux chimères

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Carte postale ancienne modifiée

29/12/2009

Ephémère enfant des parapets

    Une minute plus tard, je ne l'aurais pas vu, nous ne nous serions jamais rencontrés. Il ne devait son existence qu'à cette grosse goutte d'eau qui s'évaporait lentement, teintant le parapet de brun. Parapet qui paraissait sous la belle lumière de ce jour-là, sur le Pont du Carrousel, fait de nougat. Il était à "croquer", mais non, je préférai me rabattre sur un instantané. Un clic et ce visage enfantin, en trois trous et deux pieds patauds, fut figé dans le souvenir.

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Ph. Bruno Montpied, 2009

25/12/2009

Dictionnaire du Poignard Subtil

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NATIVITE:

     "Depuis deux mille ans, Jésus se venge sur nous de n'être pas mort sur un canapé."

     (Emil Cioran, Syllogismes de l'amertume)

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Rébus de Claude et Chris Ballaré traduisant l'aphorisme reproduit ci-dessus, extrait de 32 aphorismes d'Emil Cioran traduits en rébus par Claude et Chris Ballaré, éditions Finitude, 2009 ; et merci à Juliette Cerisier pour ce joli cadeau d'anti-Noël

20/12/2009

Un mini-golf à usage interne, Monsieur M., secret inspiré sarthois

    Les inspirés ne sont pas tous tout à fait au bord des routes, au sens où ils s'y montreraient bien en évidence. Celui que je vais indiquer ici, dont je tairai le nom et la localisation puisque je n'ai pas son accord pour le moment pour les révéler ou non, se cache un peu à l'écart au coeur d'une propriété située en bordure d'un chemin, mais cachée derrière des murs à hauteur d'homme, une végétation profuse masquant l'essentiel des sculptures installées à de nombreux points du jardin. On peut passer à côté sans le voir. De plus le chemin n'est pas une route très fréquentée.

Site anonyme dans la Sarthe,ph. Bruno Montpied, 2009.jpg
Un visage aperçu dans une trouée du feuillage... chez monsieur M., ph. Bruno Montpied, Sarthe, 2009

    J'en ai entendu parler de façon inopinée. Nous étions accoudés à un bar de bon matin (il devait être dans les 7h), moi et deux autres acolytes, à la Ferté-Bernard dans la Sarthe. Je me mis à interroger le patron du bar sur les traces possibles qu'aurait pu laisser un monsieur Fin (c'est par le Fin que tout commence parfois...) dans les environs. En effet, Francis David, photographe et chercheur d'environnements bien connu des amateurs, avait mentionné dans son catalogue "Les Bricoleurs de l'Imaginaire" (en 1984!) les "sculptures polychromes" que ce dernier aurait autrefois créées dans cette bourgade (et que je n'ai jamais eu l'occasion de voir). Le patron, ça ne lui disait rien. Les années 70-80 de l'autre siècle, ça commence à faire loin... Par contre, prolongea-t-il, il connaissait un autre gars qui depuis trente années aménageait son jardin avec des statues "en béton armé", me dit-il. Ces statues agrémentaient de façon originale un mini-golf. Ah, ah..., me dis-je. Je n'eus de cesse de convaincre dès lors mes deux compagnons, qui n'avaient pas besoin d'être trop poussés cela dit, et nous finîmes par trouver le lieu.

Vue générale d'un jardin aux statues naïves dans la Sarthe, ph. BRuno Montpied, 2009.jpg
Le portail chez monsieur M., Sarthe, ph.BM, 2009

    On ne le perçoit pas facilement. Seule une arborescence en ciment, semblable à de l'art d'artisan-rocailleur, apposée sur les murs jouxtant le portail, permet de le repérer. Les statues que contient le jardin - que je n'ai photographiées sur le moment que subrepticement et très partiellement, ce qui prouve le peu d'immédiateté de ce site, et ce qui est instructif sur sa signification - les statues en ciment polychrome, assez rugueuses, ne sont pas tournées vers l'extérieur, mais bien vers l'intérieur, destinées à être avant tout appréhendées depuis le centre de la propriété. A priori, c'est un décor à usage interne. La seule effigie tournée vers l'extérieur est un lion découvrant ses crocs.Lion en ciment, Sarthe, ph.Bruno Montpied,2009.jpg En se haussant sur la pointe des pieds, et en regardant au loin entre les frondaisons de nombreux arbustes, buissons et cyprés, on devine des saynètes, une gardienne d'oies, un homme nourrissant de pain semble-t-il un éléphant qui s'en saisit du bout de la trompe, une sorte de dinosaure, un orque dont le museau jaillit des branches derrière un buste d'homme barbu, un homme tenant une hache sur l'épaule devant un chien qui paraît en arrêt devant lui,Buste d'homme barbu, orque dans les arbres, Sarthe, ph.Bruno Montpied, 2009.jpg un ours blanc qui surgit derrière un arbre...

Homme,éléphant,mini-golf, Sarthe, ph.Bruno Montpied, 2009.jpg
Le repas de l'éléphant... devant le parcours de mini-golf, ph.BM, 2009

    Des pistes de mini-golfs semblent installées à différentes places du site. Imitées de celles que l'on trouve dans ces lieux d'attraction éminemment familiaux et touristiques. Ces espaces voués au divertissement, réductions démocratiques à l'usage du populaire, sont souvent oubliés des amateurs d'art populaire en plein air alors qu'ils entretiennent à l'évidence un lien de parenté avec les environnement spontanés. Leurs inventions dans le tracé des pistes, leurs décors de maquettes dont la fantaisie est fonction à la fois de l'exploit à accomplir et de l'agrément de la promenade de trous en trous, cela peut avoir une influence sur des individus que le démon de la création peut à l'occasion chatouiller... On s'étonne même qu'il n'y ait pas davantage de créateurs populaires d'environnements (ou de simples jardiniers) qui en aient dessiné dans leurs jardins.

Gardienne d'oies en ciment, Sarthe, ph. Bruno Montpied, 2009.jpg
Gardienne d'oies? Ph. BM, 2009

    Voici donc, c'est le cas de le dire, une autre piste à suivre.

19/12/2009

Enterrés dans une image, art funéraire au Ghana

     Il est une coutume funéraire contemporaine au Ghana qui consiste à enterrer certains dignitaires de l'ethnie Ga (il faut être un notable, avoir des moyens) dans des cercueils qui sont autant d'effigies emblématiques de la destinée du défunt, symboles aussi de sa fortune durant son parcours sur la terre (si Nicolas Sarkozy était ghanéen, on l'enterrerait peut-être dans un stylo ou une montre?). On vous enterre là-bas dans des oignons, des poissons, des pirogues, des voitures, des poules, des lions, des avions, tous sculptés dans le bois, ce qui est bien plus poétique on en conviendra qu'une simple caisse en sapin...

Cercueils du Ghana, un lion, ph.Thierry Secretan, 1994.jpg
Photo Thierry Secretan, extraite de son livre Il fait sombre, va-t-en, cercueils au Ghana

    J'écris "contemporaine", cependant, il faudrait préciser que cette coutume remonte déjà à la fin des années 1950. Elle remonterait même exactement à 1957, date à laquelle un menuisier du nom d'Ata Owoo (1902-1976, un contemporain de Dubuffet...) fabriqua pour un chef de sa région un palanquin en forme de cabosse de cacao. 1957 est aussi la date d'accession à l'indépendance pour le Ghana qui fut autrefois colonie britannique (sous le nom de la Gold Coast).

Cercueils divers du Ghana, ph T.Secretan, 1994.jpg
Ph.Thierry Secretan, extraites de Il fait sombre, va-t-en, divers cercueils produits dans les ateliers de Kane Kwei et de Paa Joe (1994)

     En France, ces coutumes ont été révélées au grand public par le photographe et cinéaste Thierry Secrétan qui a mené une recherche sur le sujet dès le début des années 1980. Un beau livre en fut l'aboutissement aux éditions Hazan en 1994 (Il fait sombre, va-t-en, Cercueils au Ghana).Il fait sombre va-t-en, cercueils du Ghana, T. Secretan, Hazan, 1994.jpg La grande exposition des Magiciens de la Terre a été la première en France, en 1989, à faire connaître ces cercueils-logos parmi tant d'autres merveilles de créativité populaire qui y furent simultanément présentées, provenant de différentes contrées du monde (les organisateurs français de cette expo avaient à l'époque cru bon d'estimer qu'il n'y avait personne en Europe capables d'être comparés avec les créateurs populaires du Tiers-Monde, hormis Chomo, dixit Jean-Hubert Martin, qui aurait dû passer à l'époque un bon cours de rattrapage en matière d'art brut et autres inspirés du bord des routes, quelle extraordinaire ignorance).  

     Une exposition plus récente vient de se terminer sur les cercueils du Ghana - je l'ai appris un peu tard, mille excuses! - au musée d'Evreux, dans l'ancien évêché (31 octobre - 29 novembre 2009, merci à Philippe Lalane pour l'info).  On y montra des photographies de Thierry Secretan mais aussi quelques cercueils venus de l'atelier de Paa Joe, neveu de Kane Kwai, émule lui-même du fameux Ata Owoo, qui fit beaucoup par son talent de sculpteur pour consacrer ce nouvel art funéraire en passe de devenir une tradition (on raconte que Kane Kwei proposa entre autres formes de cercueils le perroquet tenant en son bec un stylo pour symboliser les universitaires...). L'absence d'entreprise de pompes funèbres au Ghana, et l'importance capitale des rites funéraires qui ont pour enjeux de permettre aux défunts de rejoindre leur "famille céleste" et aussi de se réincarner par la suite parmi les vivants expliqueraient le développement de cet art fort imaginatif.

Cercueils du Ghana, photographies de T. Secretan, expo musée d'Evreux, 2009.jpg
T.Secretan, Aigle en chemin vers la tombe, image éditée par le musée d'Evreux, 2009

     Ces cercueils sont maintenant bien connus, au point que les commandes affluent de partout dans le monde, et probablement aussi - surtout? - pour des raisons d'ordre esthétique et marchand. Les cercueils présentés à Evreux provenaient par exemple de la galerie Dieleman, située à Gembloux en Suisse. D'autres cinéastes ont réalisé des documentaires sur le sujet, comme Philippe Lespinasse, connu pour sa collaboration entre autres avec la Collection de l'art brut à Lausanne (plusieurs de ses films édités en DVD y sont diffusés). Ghana, sépultures sur mesure, un moyen-métrage de 52 minutes, a été diffusé il y a peu sur France 5.

Cercueils du Ghana, ph. Philippe Lespinasse, 2009.jpg
© Philippe Lespinasse, 2009

 

 

13/12/2009

Devenir de l'art brut

    L'art brut prend des aspects de plus en plus variés, éclectiques, hétéroclites, il recouvre des oeuvres et des personnalités qui peuvent être aussi cultivées que non cultivées. C'est l'évolution actuelle, depuis une dizaine d'années environ. Ce qui pose problème, je trouve, le terme et la notion dans cet élargissement du champ perdant de plus en plus de leur netteté (la netteté de la définition n'étant déjà pas évidente au départ, combinant à la fois des oeuvres médiumniques, des créations de bord des routes, de l'art produit par des aliénés, des oeuvres produites par des marginaux, retraités, exclus, dépressifs, êtres en manque affectif, etc.).

      C'est une constatation que je me suis faite ces jours-ci, d'abord suite au colloque "L'art brut, une avant-garde en moins?" organisé par le LaM à l'auditorium de l'INHA à la galerie Colbert à Paris les 7 et 8 décembre derniers, puis en découvrant successivement l'expo consacrée à Fernand Desmoulin par la galerie Christian Berst, rue de Charenton dans le XIIe ardt, ainsi qu'à la lecture du journal de l'exposition "Anatomia metamorphosis" (Galerie ABCD, Montreuil), notamment la notice biographique et les reproductions centrées sur le cas de l'artiste Lubos Plny (là, on peut vraiment parler "d'artiste"). Sans compter l'annonce d'une expo prochaine à la Collection de l'Art Brut à Lausanne (de mars à août 2010) qui se tourne (avec clairvoyance) du côté de deux créateurs d'art brut africains (j'y reviendrai).

Fernand Desmoulin, dessin exposé chez Christian Berst, 1900-1902.jpg
Fernand Desmoulin, dessin médiumnique sans titre, mine de plomb sur papier, 1900-1902, expo actuelle à la Galerie Christian Berst (et à la Galerie Christophe Gaillard), du 3 décembre 2009 au 9 janvier 2010

      En effet, l'art brut à mes yeux, dans les premiers temps où je me suis intéressé  à lui (grosso modo à partir de 1980, date à laquelle je suis tombé sur les fascicules de l'art brut dans les locaux de la librairie Artcurial prés des Champs-Elysées), relevait d'une filiation avec les arts populaires qui sautait aux yeux, que ces derniers soient rustiques ou urbains, filiation qui s'établissait en dépit de la rupture évidente au point de vue esthétique entre les oeuvres populaires du passé et celles que Dubuffet et Thévoz défendaient sous le nom d'art brut (rupture esthétique qui était le reflet aussi d'une rupture sociale, les auteurs d'art brut étant des internés, des femmes frustrées, des marginaux de la société, des retraités, des clochards...). J'ai ainsi pu écrire en 1992: "l'art brut (qui est une forme hyper-individualisée et réprimée de la créativité populaire qui survit à l'anéantissement des liens communautaires)" (Bruno Montpied, Formes pures de l'émerveillement, dans Masgot, l'oeuvre énigmatique de François Michaud, éd. Lucien Souny, 1993). Définition qui tapa dans l'oeil de Madeleine Lommel qui me fit l'honneur de la reprendre en citation dans ses ouvrages (avec des coquilles dans la référence, cf la deuxième mouture de son livre où mes phrases sont attribuées à un "Art populaire en France" paru chez Arthaud, il y a là visiblement une confusion avec le livre de Jean Cuisenier du même titre, mais quel honneur qu'on puisse me confondre avec cet ancien conservateur des ATP!).

Masgot, l'oeuvre énigmatique de François Michaud, Livre paru en 1993.jpg

      Bien sûr au départ dans le corpus des créations rassemblées sous le terme art brut, il y avait déjà, héritées en particulier  des recherches précédentes des surréalistes (André Breton), des créateurs cultivés mêlés à des hommes et des femmes du peuple (notamment chez les médiumniques, que l'on pense au Comte de Tromelin, à Victorien Sardou, à Fernand Desmoulin, peintre post-impressionniste et symboliste, ami de naturalistes comme Emile Zola, peintre aux goûts visionnaires qui eut une brève période de dessin automatique médiumnique entre 1900 et 1902 - voir l'expo actuelle chez Christian Berst, où sont montrés quelques exemples (il y avait déjà eu une expo sur les dessins retrouvés de Desmoulin à la Galerie de Messine à Paris en 2002, organisée par cette dernière conjointement avec l'association ABCD) ; cependant on trouve d'autres créateurs cultivés dans d'autres secteurs de l'art brut comme par exemple Gabritschevsky, Aloïse elle-même, ou Juva, alias le prince Juritzky,Juva,silex interprété,extrait du Fascicule n°21 de la Collection de l'Art Brut.jpg ou encore Magali Herrera, fille d'aristocrate et de propriétaire foncier en Uruguay). D'autant que la notion d'art brut cherchait à prouver qu'existait une créativité artistique en dehors du champ artistique reconnu comme tel, en dehors du monde professionnel de l'art. Il fallait, de ce point de vue, ne pas se limiter à des créateurs issus du peuple. Cependant, ces derniers constituaient une bonne proportion dans l'ensemble des créateurs retenus (la majorité probablement). Parmi les internés des asiles psychiatriques, on rencontre ainsi nombre de créateurs issus des classes sociales défavorisées (ce qui paraît logique, le monde du travail est rarement lieu d'épanouissement et d'harmonie, plutôt un champ de bataille).

     Avec l'internationalisation des découvertes de créations associées à l'art brut de Dubuffet, ou à l'art outsider des Anglo-saxons (concept encore plus ouvert que celui d'art brut), ce dernier ayant beaucoup d'influence sur le vacillement amplifié des limites du concept d'art brut, avec le développement de la connaissance de l'art brut américain, anglais, chinois, japonais, slave, sud-américain, bientôt africain, etc., le nombre de créateurs qui pourraient être aussi bien rangés sous la bannière d'un art visionnaire, d'un surréalisme instinctif, ou d'une inspiration cultivée hétéroclite, est en voie d'expansion considérable.

      Le cas de Lubos Plny, artiste découvert par l'association ABCD paraît exemplaire de ces nouveaux cas-frontières.Lubos Plny (en Discobole),extrait des performances de la série Dessinateur, collagiste, peintre, auteur de performances, intervenant sur son corps par des piercings ou de la couture, qui pourraient relever de ce que l'on nomme ailleurs le body-art, modèle en académie, il paraît être un homme de grande culture artistique.Lubos Plny de Rodin (en penseur de Rodin),Série des Actes, négatif de Frantisek Vanasek, expo Anatomia metamorphosis che ABCD en 2009.jpg Ceux qui le rangent dans l'art brut semblent le faire en regard de son état - passager? - de schizophrène, associé à une inventivité indéniable. A ce compte-là, Van Gogh, Edvard Munch, pour ne citer que deux artistes du passé, pourraient être eux aussi catalogués rétrospectivement dans l'art brut.

     Ce dernier en vient à signifier un corpus incroyablement hétéroclite de créations tous azimuts (on y incorpore aussi les environnements de bords de routes faits par des autodidactes, secteur où la culture apparaît facteur de distinction marquée cependant entre créateurs, que l'on compare par exemple le facteur ChevalPalais Idéal du facteur Cheval,vers 1980,Carte postale moderne.jpg avec le Jardin des Tarots de Niki de Saint-Phalle).Le Jardin des Tarots.jpg Ce corpus contient de plus en plus de véritables oeuvres se confrontant ouvertement au monde de l'art professionnel. L'adjonction,  ces dernières années, de l'art produit par des handicapés mentaux, tels ceux venus de Belgique - issus d'ateliers supervisés par des animateurs dont la culture et le discernement artistiques ne paraissent pas compter pour du beurre... - cette adjonction paraît jouer à plein pour la fusion qui semble se préparer entre art brut et art professionnel.Alexis Lippstreu,dessin produit dans le cadre des ateliers du Centre de la Pommeraie en Belgique, effectué d'après un tableau de Gauguin, coll. Bruno Montpied.jpg Le colloque sur l'art brut, que je citais au début de cette note, initié par le musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut de Villeneuve-d'Ascq, a semblé vouloir avancer ce genre de proposition, même si cela n'affleurait qu'entre les lignes, au gré des interventions, elles-mêmes assez hétéroclites ( à l'image du champ actuel de l'art dit brut -de moins en moins "brut" du reste?) de plusieurs étudiants et chercheurs surgis ces dernières années dans le sillage d'un engouement nouveau dans le monde des nouvelles générations de chercheurs. Intégrées à un musée d'arts moderne et contemporain, les oeuvres d'art brut, que les intervenants du colloque disaient avec une hésitation perplexe produites tantôt par des "artistes" tantôt par des "créateurs" (montrant par là que la question de l'usage social de la création dans l'art brut n'est pas prise en compte véritablement par les chercheurs formés avant tout sur un plan esthétique), les oeuvres de l'art brut paraissent devoir être associables dans les prochaines années aux oeuvres des artistes professionnels classés dans l'histoire de l'art, sur le même rayon, en effaçant l'origine sociale, le contexte de production de ces oeuvres(1) (c'est dans ce sens qu'il fallait je crois interpréter les mots "d'avant-garde en moins?": l'art brut aurait pu être une autre avant-garde, une avant-garde oubliée en quelque sorte, selon les concepteurs du titre de ce colloque, idée pour le moins étrange et plutôt erronée). Il se passe peut-être en ce moment le même phénomène de vitrification esthétique, par rapport à l'art brut, que celui qui affecte les objets ethnologiques muséifiés dans un espace peu défini comme le musée du Quai Branly (le fait que ce dernier musée n'ait pas de qualification plus précise est déjà remarquable en soi).

Jean Smilowski, maquette d'avion des années 1940.jpg
Jean Smilowski, maquette d'avion des années 1940
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(1) Je suis ici en accord avec ce que m'écrivait récemment en privé Mme Bénédicte Lefebvre, gardienne de la mémoire de l'autodidacte Jean Smilowski en tant que présidente de l'Association La Poterne à Lille, qui renâcle avec ses camarades de l'association à la perspective d'offrir toutes les productions de leur protégé à un musée qui ne prendrait pas en charge l'ensemble de cette oeuvre d'art total, véritable environnement. L'approche muséale, privilégiant des accrochages classiques d'oeuvres égrenées sur des cimaises, peut paraître en effet fort réductrice de ce point de vue et peu en accord avec le sens complet de ces créations brutes, déployées dans l'espace de la vie quotidienne, oeuvres indissolublement liées à des comportements marginaux, à des conduites de vie en rupture bien souvent avec l'environnement normalisé. 

12/12/2009

Gérard Sendrey, couronnement

Gérard Sendrey,Composition,2003, coll Bruno Montpied.jpg
Gérard Sendrey, Composition, 19x26,5 cm, 2003, coll.BM

    Gérard Sendrey, dit-on, se retire chaque jour davantage du musée qu'il a créé à Bègles avec l'appui jamais démenti du maire de la ville Noël Mamère (lui-même, paraît-il, collectionneur d'arts populaires spontanés, naïf, brut...On aimerait en savoir plus). La Création Franche, terme inventé par Gérard pour rassembler toutes sortes d'expressions produites par des autodidactes s'essayant à l'inventivité dans un rapport plus ou moins détaché vis-à-vis du monde des artistes professionnels, la création franche, c'est lui (ailleurs, cela s'appelle neuve invention ou art singulier, ou bien encore le monde des "apparentés de l'art brut", terme que je trouve passablement ambigu tant il cache mal parfois les ambitions de certains artistes voulant profiter de la vogue de l'art brut).

invitation rétrospective Gérard Sendrey, 2009-2010.jpg

 

    Cette activité de rassembleur, calquée un peu sur celle de Dubuffet dans les années 50 de l'autre siècle, a masqué sa propre production d'artiste, énorme, diverse, souvent expérimentale, marquée par une écriture caractéristique (des visages, des corps quelque peu métaphysiques, une certaine vision de l'humain présenté avant tout de manière dépouillée). Alors que comme dans le cas de Dubuffet elle constitue un dialogue entre créateurs dans lequel Gérard a puisé les raisons d'être de sa propre oeuvre.

Gérard Sendrey, Marie, 2003, coll. Bruno Montpied.jpg
G. Sendrey, Marie [Hénocq], 50x32 cm, 2003, coll.BM

    L'âge avançant, et étant donné que Gérard s'était toujours refusé à s'exposer jusque là dans le sein de son musée à Bègles, les animateurs du musée - Pascal Rigeade, nouveau responsable du musée, aidé entre autres collaborateurs par Anne Billon, qui émit paraît-il la proposition initiale de l'exposition - lui ont monté une rétrospective du 12 décembre 2009 (aujourd'hui, c'est le vernissage) au 24 janvier 2010. Il paraît qu'on devrait s'attendre à trouver sur les cimaises du musée de la création franche aux alentours de 650 oeuvres, accrochées d'une façon anticonformiste chère à Gérard Sendrey, voulant toujours se tenir à l'écart des us et coutumes, même éprouvés (Anne Billon s'est vu confier cet accrochage). Cela l'a amené autrefois à réclamer qu'on vende les oeuvres d'art au prix des camemberts dans les supermarchés, proposition que je trouvais de mon côté un peu discutable...

Gérard Sendrey,Visage, 2001, coll.Bruno Montpied.jpg
G. Sendrey, Visage, 32x24 cm, 10-12-2001, coll.BM

     En ce jour de couronnement, je m'en voudrai cependant de critiquer les propositions décoiffantes sendreyesques, et laisserai donc Gérard tout au plaisir de savourer le bonheur de faire ce voyage à travers ses périodes. Bon vent, capitaine.

10/12/2009

L'envol

A Philippe Lalane, qui m'a fait découvrir cette peinture  
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Anonyme, peinture naïve à la manière d'un ex-voto, sans date (XXe siècle? Origine: Espagne?), coll BM
   Elle tombe telle une fusée à l'envers, bien droite, fonçant vers la terre pour y percer un trou qui fera date. On dirait un envol, un envol vers le bas cette fois, les bras en croix ou en prière, en un geste d'invocation. Comme un christ renversé, une provocation ? Est-ce un suicide ou un accident? Sa tête couverte d'une opulente chevelure noire fait signe abstrait, inquiétant au milieu de ce petit tableau (env. 25x30 cm).
   On dirait que la maison a des murs de terre, que la scène se passe dans un monde rural, plutôt méditerranéen, peut-être en Espagne. Au pied de la maison, des herbes folles prolifèrent sans entrave sur un sol meuble semble-t-il.
    Il n'ya pas de saints évoqués dans un nuage placé en un coin de la composition, pas de textes de remerciement ou d'invocation au bas, mais on note tout de même dans la façade, remplaçant peut-être l'image du saint dont on demande l'intervention (ou qu'on remercie d'un dénouement heureux et inespéré), une niche avec une Vierge à l'enfant, constitué semble-t-il d'un minuscule collage d'images pieuses représentant le fameux couple que le peintre a couvert de peinture.
    Les perspectives sont étranges, surtout sur le seuil avec cet escalier bizarrement positionné par rapport aux lignes de fuite du vestibule s'ouvrant sur un lointain lumineux. Le peintre a pris soin de ne pas exposer les limites de cette façade, devenue espace de tableau.
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La Vierge à l'enfant, détail du tableau ci-dessus

05/12/2009

Autour de Trouille à L'Isle-Adam

    Je m'en voudrais de ne pas vous signaler l'exposition autour de Clovis Trouille qui a débuté le 28 novembre au musée d'art et d'histoire Louis Senlecq de L'Isle-Adam et qui est prévue pour s'achever le 7 mars 2010 (tous renseignements sur le lien précédent, catalogue, conférences de Clovis Prévost, le vice-président de l'Association Clovis Trouille...). Elle s'intitule "Voyants, voyous, voyeurs", ce qui est tout un programme comme on voit... Le vernissage a lieu aujourd'hui à partir de 16 h. C'est annoncé sur un carton aux formes originales en accord avec les goûts du peintre Clovis Trouille (1889-1975), inclassable marginal de l'art moderne que l'on a tendance à rattacher aux surréalistes desquels il fut un temps le compagnon de route (mais dont il se séparait par son goût de "l'élite", et pour les artistes de l'Antiquité tels que Phidias ; il écrivait ainsi en 1961 à Maurice Rapin: "J'ai horreur de l'appellation "populaire", ce mot me fait vomir").

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Les chauve-souris qui sont des cache-sexes dans les peintures deClovis Trouille...
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Clovis Trouille, vernissage de l'exposition organisée par Ornella Volta à la Lanterne Magique le 9 novembre 1962, Pablo Volta,tirage argentique original

    Clovis Trouille, on a toujours intérêt à remettre le nez dedans. Et à l'écouter: "J'ai pour principe qu'il faut gagner de l'argent pour pouvoir vivre et peindre, mais jamais peindre en vue de gagner de l'argent, mais qu'un tableau fait en vue de la vente est raté d'avance" (cité dans le livre de Jean-Marc Campagne sur lui chez Pauvert en 1965). Comme l'a souligné Bernard Marcadé (dans le magnifique livre de Clovis Prévost sur Clovis Trouille aux éditions Melie-s en 1999), le peintre appliquait ses idées  à sa vie. Il vécut matériellement grâce à son métier de maquilleur-retoucheur dans une fabrique parisienne de mannequins. C'est son anarchisme, son anti-cléricalisme, son voyeurisme érotique assumé et revendiqué qui le rapprochent des valeurs défendues par les surréalistes. Par contre, sa technique faisant recours à la copie quasi hyperréaliste(notamment de photos) pourrait faire croire qu'il s'éloigne des techniques surréalistes connues comme le dessin automatique, les frottages, etc, si l'on oublie qu'à côté existaient aussi les techniques daliniennes de détournement délirant des techniques de la peinture illusionniste. Dali est du reste une grande référence de Trouille.
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Le voyeur canonisé, 1945, 38x46cm, tableau peu connu (étonnant!), extrait du livre de Clovis Prévost sur Clovis Trouille
 
     En fait Trouille généralisait - et dans ce domaine il eut un "frère" qui s'appelait Alfred Courmes, autre génial marginal de l'art moderne, du reste présent dans l'expo de L'Isle-Adam - une technique picturale de montage d'éléments iconographiques empruntés à l'imagerie ambiante, photographique, publicitaire, et même populaire. Il anticipait de loin sur le Pop'Art, la figuration critique, des peintres tels qu'Erro, ou ceux de la Figuration Libre (Di Rosa, présent dans l'expo avec un tableau d'hommage à Trouille). Il pratiquait au fond un collage, technique on le sait largement utilisée par les surréalistes (mais pas seulement par eux, les dadaïstes aussi), un collage qui se réalisait en peinture (technique savante peu à la portée des autodidactes mais peut-être plus féconde que le collage de papiers).
     Il prétendait n'avoir peint que 120 tableaux, c'est qu'il était aussi un perfectionniste, reprenant sans cesse ses ouvrages. Et même s'il paraît fautif de l'associer à la peinture dite "naïve", on ne peut s'empêcher de souscrire à ce que lui écrivit un jour Ghérasim Luca: "Vous êtes celui qui a réussi à planter entre les cuisses du douanier Rousseau une paire de couilles géantes".
     L'exposition est aussi l'occasion de présenter des artistes que l'on a voulu associer à Trouille, comme Courmes, Pierre Molinier (autre grand érotomane), Hervé Di Rosa (dont l'art modeste est petit cousin des goûts iconographiques de Trouille), Gérard Lattier (qui eut une correspondance avec l'artiste qui l'influença en ses débuts), Francis Marshall, Anne Van der Linden, entre autres.
Clovis Trouille la joueuse de tarentelle.jpg
Clovis Trouille, La joueuse de tarentelle
  

A noter que l'exposition sera présentée ensuite au musée Rimbaud de Charleville-Mézières du 15 mai au 21 septembre 2010. Puis elle continuera son petit bonhomme de chemin jusqu'au musée du Vieux-Château de Laval du 16 octobre 2010 au 16 janvier 2011 (histoire sans doute de permettre à tous ceux qui prisent en Mayenne une certaine imagerie anticléricale délicieuse et peu montrée dans ces parages de s'en mettre plein les mirettes). 

 

03/12/2009

Le jardin d'Emile Taugourdeau danse encore dans les ronces

     Qu'est-ce que ça devient chez Emile Taugourdeau, le maçon disparu en 1989, qui avait laissé derrière lui dans son jardin des dizaines et des dizaines de statues naïves, brutes, immédiates, ce qui constituait un des environnements de statues naïves ou brutes parmi les plus importants de France? Vingt ans qu'il est décédé, et pas de commémoration pour lui (il n'aura pas eu la chance d'un Chomo par exemple, plus artiste sans doute et reconnu comme tel par ses pairs).

Maison de Mme et M. Taugourdeau,ph.Bruno Montpied,1991.jpg
Maison de Mme et M. Taugourdeau en 1991, ouverte avec confiance sur le monde extérieur, tableaux naïfs en ciment posés en clôture, façade de la maison entièrement peinte, ph. Bruno Montpied
Maison des Taugourdeau, état 2009, ph. Bruno Montpied.jpg
La même maison, en juillet 2009, la végétation envahit le jardin, par abandon ou pour le cacher... ph.B.M.
 

     Il était en concurrence, au point de vue strictement quantitatif bien entendu, avec le jardin de Gabriel Albert à Nantillé en Charente-Maritime (on y a dénombré environ 400 statues, chez Taugourdeau, cela devait être approchant), lui aussi désormais en grand péril. On a parlé de lui autrefois (et abondamment, ce qui me justifie de venir en reparler aujourd'hui: Francis David le tout premier dans Les Bricoleurs de l'imaginaire, Jean-Louis Lanoux dans Plein Chant n°45, Taugourdeau étant alors encore de ce monde, puis après sa mort, dans ce fatras qu'était le Guide de la France Insolite de Claude Arz, etc.).

    Un article dans un journal spécialisé dans la brocante, longtemps aprés la mort de l'auteur, eut paraît-il une influence néfaste, car à la suite de cette publication qui aurait fait trop de bruit, on vola certaines statues qui étaient sans surveillance (les statues que M. Taugourdeau exposait de l'autre côté de la route, en face de sa maison, les laissant avec confiance pour la récréation de tout un chacun qui passait sur ces petites routes charmantes de la Sarthe).

Emile Taugourdeau, Les trois attablés,ph. Bruno Montpied, 1991.jpg
Ces statues ont aujourd'hui disparu, la photo (BM) date de 1991

  Le silence retomba. Certains familiers du site, continuant de lui rendre visite secrètement (à noter un article du modeste Zon'Art, vers 2003, si je me rappelle bien), familiers qui récupéraient au passage certaines pièces qui étaient à vendre (et ils faisaient bien, faute de mieux)... Personnellement, j'y étais passé en 1991, en compagnie de la photographe et artiste Marie-José Drogou, afin de fixer sur pellicule le plus possible d'oeuvres. J'y suis revenu longtemps après, en 2003, puis récemment donc en juillet 2009.

Emile Taugourdeau,Footballeurs,marins...Ph. Bruno Montpied, 1991.jpg       Chez Taugourdeau, il y a (il y avait) beaucoup d'animaux, des cervidés, mais aussi des crocodiles, des dinosaures, des serpents, des chiens, des chevaux, et énormément de volatiles. Et aussi des footballeurs lilliputiens (les équipes, les buts, rien n'était oublié, ça grouillait, il fallait faire attention de ne pas buter sur eux).Emile Taugourdeau,Bernard Hinault,ph. Bruno Montpied, 2004.jpg Un Bernard Hinault (il est tombé par terre, c'est pas la faute à Voltaire, mais plutôt la tempête dernière). Une voiture ancienne avec passager et chauffeur (plus de poussière soulevée par ses roues, mais du lierre à la place qui grimpe vaillamment à l'assaut).Emile Taugourdeau, son Bernard Hinault à terre,ph. Bruno Montpied, juil 09.jpg

Des carrioles conduites par des hommes paraissant porter sombreros (la forêt, les ronces les ont-elles mangés? Je ne les ai pas revues à mon dernier passage en juillet dernier).

Emile Taugourdeau, Le charretier et son âne, ph. Bruno Montpied, 1991.jpg
Carriole tirée par un âne, ph.BM, 1991

     Taugourdeau paraissait aimer les personnages, principalement couverts de chapeaux. Les sombreros revenaient souvent, semblant indiquer une fascination du créateur pour les Mexicains (il avait représenté deux Mariachis, les guitares absentes de leurs mains à mon passage en 1991). Il y avait aussi, récurrents, des petits couples gentils, des couples de danseurs  certes immobiles mais paraissant tourner sur eux-mêmes simultanément, des grenouilles cachées comme des larves dans des jardinières carrées montées sur pieds.

Emile Taugourdeau, Deux mariachis, ph. Bruno Montpied, 1991.jpg
Les "Mariachis" en 1991, plus revus en 2009... ph. BM
Emile Taugourdeau,deux grenouilles en ciment, ph. Bruno Montpied, 1991.jpg
Deux grenouilles ("les larves"...), un peu à la mode Miyazaki, ph. BM, 1991

     Des arbres de ciment - toujours le ciment - aux branches couvertes d'oiseaux. Des pêcheurs à la ligne, oui aussi en ciment, qui cherchaient à prendre des poissons eux-mêmes en ciment (c'était les premiers sujets que commença Taugourdeau après s'être essayé à un canard). Des mariés qui dansaient galamment sous les arbres. Des cigognes aux longs cous. Un phacochère. Une déesse Kali (du moins l'ai-je identifiée ainsi, on l'a appelée aussi "la magicienne") plutôt du genre souriante, des serpents sur les bras (elle est toujours là, à mon passage en juillet dernier, je lui ai remis sur les bras les serpents qu'un antiquaire indélicat avait jetés par terre, à ce que me confia Mme Taugourdeau).Emile Taugourdeau, Kali en gros plan, ph. Bruno Montpied, 1991.jpg Un moulin avec son petit meunier (il avait le bras fendu, on l'a acheté, puis emmené à l'abri ailleurs, loin de cette jungle). Il y avait (oui, toujours l'imparfait) deux cavaliers sur deux chevaux qui avaient l'air de fendre les airs pour aller où? On en a vu filer un récemment encore, du côté de L'Isle-sur-la-Sorgue sur une brocante, à l'évidence échappé du jardin de M. Taugourdeau (voir ci-dessous le cavalier encore en place en 2003). Il est resté le second, une variante, avec de subtiles différences, de l'ordre de quelques centimètres de plus ou de moins (j'ai vérifié, il a les jambes plus longues, des étriers plus dégagés de la masse de ciment...)

Emile Taugourdeau, un cavalier qui s'échappa,ph. Bruno Montpied, 2003.jpg
Le cavalier, échappé ensuite sur les brocantes, ph. BM, 2003 

       Il y avait, surtout, plus oubliés encore que les statues, d'étonnants tableaux de ciment teint dans la masse, d'une très belle facture naïve. Dans le jardin, exposés à la merci des intempéries, leurs couleurs ravivées à chaque pluie.

Emile Taugourdeau, un renard, tableau de ciment, ph. Bruno Montpied, 1991.jpg
Un renard, ph. BM, 1991

      Qu'ils étaient beaux, ces tableaux... Et que le coeur me fend de les imaginer perdus, brisés, cassés? Ici ou là, tassés parfois à plusieurs contre un mur de parpaings, petit à petit couverts de terres, de mousses, enserrés par des racines accrocheuses, on en redécouvre, en les feuilletant d'un bras qui les retient de tomber pendant que l'autre prend la photo.

Emile Taugourdeau, tableau de ciment avec un loup, ph. Bruno Montpied,2009.jpg
Un loup...? Tableau de ciment entassé à l'abandon, ph. BM, juil 2009 

 

     D'autres disparaissent sous la couleur uniformément verdâtre qui glace l'ensemble de l'oeuvre encore en place (les statues ne sont pas fendues, résistant encore bien malgré vingt ans sans entretien à l'air libre depuis la mort de leur créateur).

Emile Taugourdeau,un autre cavalier, un cerf peint et sculpté,ph. Bruno Montpied, 2009.jpg
Etat actuel du jardin en juillet 2009, tableau sous un glacis de lichen, la deuxième variante de cavalier à gauche galopant dans le lierre envahissant, un cervidé contemplant avec mélancolie l'à-vau-l'eau du jardin..., ph. BM

 

         Peut-être que certains ont été tout simplement vendus? Car c'est ce qui arrive, la famille laisse partir par petits bouts les oeuvres du jardin, tantôt chez des amateurs désireux de sauvegarder ces chefs-d'oeuvre naïfs, tantôt à des brocanteurs peu scrupuleux qui acquièrent à bon compte des jardinières en mosaïque, en renversant au passage les statues qui ne les intéressent pas, et qu'ils ne songent pas une minute à relever, l'affaire étant faite. C'est ainsi, il ne semble pas qu'aucune autre possibilité de sauver ce qui resterait encore à sauver puisse se mettre en place désormais. Il reste des écrits, des photos, peut-être des films, et quelques statues échappées chez les uns et les autres pour garder la mémoire de cette magnifique création.

Ph. Bruno Montpied, Juil 2009.jpg
Hinault à terre, juillet 2009... Ph. BM

        Le jardin, encore visible un peu il y a cinq ans, un jour que nous le visitions après un nettoyage saisonnier, se couvre à d'autres moments d'une végétation qui semble partie pour le dévorer complètement. Le redécouvrira-t-on un jour comme on a découvert les temples mayas dans la jungle du Yucatan?

Emile Taugourdeau,les mariés dans les ronces, ph. Bruno Montpied, 2009.jpg
La danse dans les ronces, ph. BM, 2009

29/11/2009

Comme enragé

Protest song, bande piétonnière usée, rueVivienne, Paris 1er ardt, ph. Bruno Montpied, oct 2009.jpg
Protest song, bande piétonnière usée, rue Vivienne à Paris, oct 2009, ph.Bruno Montpied
(ou "un couple improbable de danseurs de tango...", selon un de mes lecteurs, Gilles M.)

25/11/2009

Comment les enfants voient-ils l'au delà? Enquête

D'après vous, qu'est-ce qu'il y a après la mort ?

 

I : On devient un squelette, on va dans les cimetières, on fait peur aux gens qui viennent visiter le cimetière.

N : On devient un animal... Celui qu'on voulait être dans la vie. Moi, je voudrais être un écureuil.

Y : On reste cadavre. On dort. On fait des rêves heureux.

détail d'une tombe au cimetière de Murat, ph.Bruno Montpied, 2007.jpg Ph. Bruno Montpied, cimetière de Murat, 2007

J : On devient zombie. Mort-vivant. Et puis après, on essaye de vous attraper. Parce que les zombies attaquent les vivants, les êtres humains, les chiens, les chats... C'est un monsieur qui est très méchant, un inventeur, c'est lui qui a transformé les morts en zombies.

F : On vous met dans un drap blanc, puis au cimetière, directement dans la terre.

I : On va dans le ciel, on est des esprits, on ne les voit pas (invisibles). Dieu, il nous met dans l'enfer ou au paradis.

B : On se fait enterrer et ensuite direct au paradis ou direct en enfer.

N : On nous enterre et après on a une autre vie qui est la même qu'avant et qui se répète.

S : On est enterré, on devient un mort.

Costume d'Halloween, vu sur le blog Anonymous Works.JPG

Costume d'Halloween, vu sur le site Anonymous Works, USA

Z : Si on se fait incinérer, on est dans un bocal et si on est enterré, le corps se transforme petit à petit en terre. Il n'y a plus rien.

N : Notre corps devient un squelette. On le met comme dans une boîte. Le squelette disparaît petit à petit.

C-E-V : On existe encore, on devient un fantôme qui va au paradis. C'est comme un hôtel. 

H : C'est un château le paradis. Y a pas de serviteurs... Il y fait chaud. Y a pas d'hiver.

N : Aussi, on brûle notre corps, on devient un elfe qui protège tout le monde. Au paradis, il fait chaud. Tout se passe bien. Il y a Dieu. Il a la peau noire. Il est vieux et il a de la famille au paradis, et il a aussi un enfant qui porte une couronne qui s'appelle Jésus. La famille de Dieu elle porte une couronne. 

F : On est mort, il y a des gens qui nous voient. Nous sommes blancs avec des yeux tout noirs. Les vivants ont peur de nous.

Gironella, squelette sculpté sur liège,extrait du blog d'Eric Poindron).jpg
Joaquin Vincens Gironella, squelette sculpté en liège, extrait du blog d'Eric Poindron, Le Cabinet de curiosités

 K : On va sur une planète nommée la Mort. Elle est exactement pareille que la Terre. Elle a un bouclier qui la rend invisible à la Terre. C'est la planète des morts. Il y a deux parties, une pour les méchants qui ont fait des bêtises et une pour les gentils.

L : On meurt quand on est vieux, on devient squelettes. Les gens vont pour mettre les os dans le cimetière. 

I : Le paradis, c'est une ville ronde, très grande, on y obtient tout ce qu'on veut. 

 Is. : J'ai un arrière-grand-père qui est mort en Chine. On l'avait mis dans une boîte en haut de.... Il était dehors. Les gens venaient le voir. Il ne parlait pas. Il ne bougeait pas. Son visage était pareil que lorsqu'il était vivant. On ne savait pas s'il dormait ou s'il était mort. Ma grand-mère, elle pleurait (rire...).

F : J'ai un tonton que j'ai pas connu qui est mort à cause d'une forte maladie. Ma mère était allée voir quand il était mort. Moi j'étais pas né. Il est à la Guadeloupe maintenant dans un cimetière prés d'un lac. Après la mort, on peut survivre dans les cœurs des gens qui restent. Dieu peut faire vivre les morts d'une autre manière.

A : Les animaux, on les brûle. On enterre les cendres sous la terre. Leurs esprits restent sous la terre et pensent à leur vie passée.

R : On part au paradis qui est joli. C'est une ville dans le ciel où à la place du plancher il y a des nuages.

Fous. : On va en enfer. C'est un endroit tout cassé. On passe son temps à se battre et le ciel de l'enfer est rouge à cause de la colère des morts, et les nuages sont noirs.

Cimetière de Sapinta, photo Association Geppetto,2008.jpgCimetière de Sapinta en Roumanie, tombes sculptées et gravées par Stan Ion Patras et ses successeurs, photo transmise par l'Association Geppetto (Carla-Bayle)

A : On va au paradis, c'est la campagne. Il y a des vaches et des chevaux. Des fontaines de jus d'orange. On s'y baigne. On mange des éclairs au choco et du poulet-frites. 

D : On devient invisible et on va dans le ciel, on a des ailes.

Ir : On va au paradis, et ceux qui ont menti dans la vie vont en enfer. Il y a plein de pièges. On s'assied sur des chaises avec des clous.

N : On renaît quand on est mort, on revit... Les animaux, eux, deviennent des objets. 

R : On a la belle vie. On mange de bonnes choses... On fait tout ce qu'on veut avec Dieu. C'est un homme qui a été le premier sur la Terre. Quand il est mort il est allé au paradis direct. Après, il y a les animaux qui sont venus... Comme il y avait beaucoup de singes, ils se sont transformés en hommes....

Fous. : On reste comme on est mais on est transparent. On descend de l'enfer pour détruire les personnes qui nous ont fait mal. On revient sur terre comme fantômes... Et on essaye de trouver le bonheur.

A : On danse, on fait la fête tous les soirs. On n'y grossit jamais... Dieu c'est lui qui fait les repas. Il est maigre et gros à la fois. Il est habillé en blanc et il a un bouclier en bronze. C'est le chef !

Détail d'une tombe au cimetière de Murat, photo Bruno Montpied, 2007.jpg
Cimetière de Murat, détail d'une tombe, ph.BM, 2007

 Ir. : Ceux qui vont en enfer y restent cinq ans. Après ils revivent. Au paradis, ils restent un an. Ils reviennent en animaux. 

(Atelier d'écriture dans une BCD, avec des enfants de 7 ans, mai 2009)

23/11/2009

Une exhumation: "L'Homme-Serpent" de Pierre Jaïn

« L'Homme-serpent »

Fig 1, Homme-Serpent, ph. Benoît Jaïn.jpg
1. Os, fer, L: 15,3 cm , H: 10,5 cm , P: 7 cm, vers 1965, collection Benoît Jaïn

       Cet objet a été découvert lors des fouilles menées pendant l'été 2006 dans l'ancien jardin de Pierre Jaïn, à Keryoré sur la commune de Kerlaz dans le Finistère. C'est au cours de son récent nettoyage (août 2009), que la trouvaille a révélé sa véritable nature ; les petites traces laissées par des outils indiquent visiblement l'intervention du sculpteur ; ainsi, sur la face postérieure, à la perpendiculaire de la base du nez, deux marques de sciage sont nettement apparentes (Fig. 2).

Fig 2, ph.Benoît Jaïn.jpg
2.

     Enfoui pendant près d'une quarantaine d'années - entre 1967, année du décès du sculpteur et 2006, année de son exhumation - l'objet est en assez bon état. Il s'agit du cartilage d'une corne de vache, demeuré à l'état brut ; à peu près en son milieu et à sa base, un trou de 2 cm de diamètre laisse deviner sa structure interne cloisonnée. A son extrémité, le petit bout de crâne subsistant représente la tête d'un personnage vu de profil (Fig. 3).

Fig 3, ph.Benoît Jaïn.jpg
3.

     Le nez est long et recourbé ; par sa forme, selon le point de vue adopté, la bouche, peut paraître petite et fermée sur des lèvres fines ou alors, plus large et ouverte sur des petites excroissances comme des dents. La mâchoire est soulignée par la forme naturelle de l'os, la jonction du crâne et du cartilage se poursuivant sur toute la hauteur de la tête du personnage ; un trou perçant la cloison de l'os figure un œil à l'expression triste. Un clou en fer rouillé y est introduit, l'os ayant été exhumé dans cet état. Cet élément matériel mais aussi l'esthétique et la forme générale de cette petite sculpture viennent interroger son association possible avec les thèmes abordés par le sculpteur Jaïn dans l'environnement de son jardin.

      L'os était enfoui à une faible profondeur, au pied d'un tertre de 1,50 m de hauteur élevé par Jaïn à proximité d'un jeune pommier au début des années 1960. Il y avait aménagé une niche abritant une sculpture en bois, toujours existante, figurant un homme nu et barbu portant un cache-sexe (Fig.4, ci-contre)Fig 4, Adam, ph.Benoît Jaïn.jpg; la « Hutte d'Adam » était reliée par une chaîne à une autre composition, le « Baquet d'Eve ». Cette demi-barrique renversée, décorée de ciment incrusté d'objets divers, redécouverte en 2006, était le refuge d'une autre sculpture représentant une femme nue couchée (Fig. 5) inspirée de La Tentation d'Ève d'Autun, un bas-relief d'époque romane.Fig 5, Eve, ph.Benoît Jaïn.jpg L'ensemble de cet aménagement formait ainsi une évocation personnelle du paradis terrestre (Fig. 6).

Fig 6, ph. Dr.Maunoury, 1964.jpg

     L'os était-il fixé sur les montants en bois encadrant la « Hutte d'Adam », comme laisse présumer ce clou ? Probablement car une scène du film super 8 tourné par le Docteur Maunoury et son épouse en 1965 permet d'entrevoir un objet à la forme similaire aux abords de l'aménagement.

     Simple conjecture, en observant cette œuvre singulière, il est possible d'imaginer que cette tête humaine et son appendice animal est une créature fantastique, une sorte de monstre hybride, mi-homme mi-serpent, marchant sur son ventre. Et comme cet « Homme-Serpent » semble exprimer ici un grand désarroi, comment ne pas voir en lui Nahash, le « Serpent » de la Genèse qui entraîne la chute d'Adam et Ève en les faisant goûter au fruit défendu ? La thématique religieuse et biblique est omniprésente dans l'œuvre de Jaïn, grand mystique aux interrogations millénaristes.

     Par son matériau, cet objet n'est pas unique dans la création de Jaïn puisqu'il en réalisa environ une trentaine entre 1964 et 1966, alors qu'il souffrait en silence d'une psychose hallucinatoire chronique. La Collection de l'Art Brut conserve neuf os sculptés et colorés ; les héritiers de l'artiste en possèdent une douzaine dont une tête de personnage, également déterrée à Keryoré au début des années 1990 (Fig. 7).Fig 7, Pierre Jaïn, Tête en os, ph.Benoît Jaïn.jpg Sculptée à l'épiphyse d'un fémur, semblable aux pièces conservés à Lausanne (cf. notamment Pierre et Renée Maunoury, « Pierre Jain », in L'Art Brut, fascicule n° 10, p.92) elle est singulièrement expressive et, à l'inverse du sombre « Homme-Serpent », celle-ci détonne par son sourire farceur.

Benoît Jaïn

(Saint-Brieuc, 1er Novembre 2009)

Post-scriptum du sciapode: On ne s'étonnera pas de constater que ce farceur de Pierre Jaïn, ton grand-oncle, a choisi pour représenter ce "serpent" tentateur (proche d'un pommier dis-tu) un os à la forme phallique bien conquérante.

 

 

20/11/2009

Gustave C., bien inspiré?

     Les sculptures et les dessins de Gustave C., ça me laisse parfois sur ma faim. Ce n'est pas parce que ce monsieur a eu bien des malheurs dans sa vie (une méningite, puis un patron -autre maladie...-  qui profitait de sa faiblesse pour lui interdire de dessiner ou de sculpter, voire le frapper parce qu'il continuait, et puis quoi encore, les patrons faudrait parfois leur faire un sort), ce n'est pas parce qu'il n'a pas été gâté jusque là que son inspiration est nécessairement toujours au rendez-vous. On a parfois l'impression que le récit de sa vie devrait servir à faire oublier que les oeuvres sont parfois un peu trop gentilles. La situation de santé de l'auteur musèlerait ainsi toute velléité de critique. Devant une telle faiblesse, on n'ose pas faire la fine bouche. Zut! Ce n'est pas respecter le créateur que de systématiquement l'encenser par charité. 

GCPortraitMaine Découvertes.jpg
Gustave C., photo Michel Leroux, extraite de l'article de Pascal Trégan, "L'enfance de l'art, Gustave C(...)", à paraître dans Maine-Découvertes du mois de décembre 2009
 
   

    Il arrive cependant que certains de ses dessins aux crayons de couleur (les délicieux crayons de couleur) -dessins qui me paraissent souvent préférables à ses sculptures, ces dernières étant de vagues totems inspirés de formes africaines - atteignent à une singularité qui montre que ce créateur pourrait nous donner plus, dans une inspiration des formes vraiment étrange.

Gustave CahoreauDessinMaine Découvertes.jpg
Dessin, représentant le pape Jean-Paul II, dans le même numéro de Maine-Découvertes à paraître

    Un article du magazine Maine-Découvertes, dû à Pascal Trégan pour le texte et à Gilles Kervella pour les illustrations, va paraître à son sujet (il est prévu pour le prochain mois de décembre, vers le 10). Il donne plusieurs éléments pour mieux connaître la biographie de ce monsieur désormais âgé, dont l'oeuvre a déjà été acquise par différentes collections dont celle de l'Aracine suite à une visite à Alain Lacoste. Un dessin (voir ci-dessus) publié dans le magazine attire l'attention par son originalité, en dépit de la simplicité de son tracé (dans ce même contraste qui nous plaît tant chez un Chaissac par exemple)... Dommage que le dessin représente, à ce que répète de plus complaisamment l'auteur de l'article, "le Saint-Père"... Malsain père, oui. Le côté lénifiant de la foi chrétienne, qui tend à niveler les caractères au sein d'une vision du monde artificielle et mièvre, est souvent cause de l'affadissement de l'expression chez les créateurs qui la professent. Après tout ce qu'avait déjà subi Monsieur C., pourquoi a-t-il fallu qu'on lui inflige Dieu en sus?

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Gustave C., Bonhomme au chapeau, coll. B. M. 

 

19/11/2009

Chomo pour ceux qui ne le verront pas à Paris

    Voici un lien vers le site de FR3 qui a mis en ligne un petit sujet filmé dans l'expo qui continue de se tenir actuellement à la Halle St-Pierre (il a été diffusé à partir du 9 novembre dans différents JT). On y voit différents intervenants s'exprimer succinctement à son sujet, Geneviève Chomeaux, fille de l'artiste, Antoine de Maximy qui fut l'auteur autrefois d'un documentaire sur Chomo et Laurent Danchin, commissaire de l'expo. Geneviève Chomeaux se balade dans le site actuel de son père, où l'on se rend compte (fugitivement car les images ne durent pas longtemps) qu'il ne paraît pas  rester d'oeuvres installées à l'air libre dans la forêt autour des sanctuaires (toujours debout), le site ayant été remanié profondément désormais. Ce qui pose la question: où sont-elles à présent? Dans des collections privées? Probablement: collection Chomeaux (la famille de Chomo), collection Josette Rispal, collections citées dans le catalogue de l'expo.



16/11/2009

Discographisme récréatif, suite

    Petit prolongement à ma note du 10 novembre dernier sur le livre, volume II, de "discographisme récréatif", publié par Patrice Caillet aux éditions Bricolage: ce dernier sera présent lundi 16 novembre, ce soir donc, à partir de 19h30, dans l'émission "Songs of praise" sur Aligre FM. Et ce, jusqu'à 21h. Qu'on se le dise.

DiscographismeAphexTwin.jpg
Une des pochettes de disques modifiées extraite du livre de Patrice Caillet

14/11/2009

André Breton, lettres à Aube

Lettres à Aube, André Breton, éd. Gallimard,2009.jpg     Gallimard vient de publier dans la collection blanche les "Lettres à Aube" qu'André Breton a envoyées des  années 30 aux années 60 à sa fille. Cette publication est le signe avant-coureur de la correspondance plus générale du poète du surréalisme que l'on verra publiée, probablement en plusieurs volumes, tant elle s'annonce profuse et variée, à partir de 2016 (conformément à ses volontés testamentaires, qui ne s'appliquaient pas à la correspondance détenue par sa femme et sa fille). Tout amateur du surréalisme ne peut que s'en enchanter. Car la vie du poète fait partie d'un ensemble uni indissolublement à son oeuvre, à son message général face à la vie et à la société, à la philosophie du surréalisme qui comme on sait n'est pas un mouvement limité à une esthétique, qu'elle soit plastique ou littéraire. Breton vivait au sein d'un faisceau de signes, d'évènements, de rencontres (importance, incroyable peut-être aux yeux d'un contemporain, de la place prise par la sociabilité dans ce qui ressort de cette correspondance... Les amis, la famille aimée, l'amour, que le poète ne cesse de réclamer autour de lui) qu'il assemblait dans une recherche attentive à en dégager les significations merveilleuses latentes.

Détail André Breton et Aube Elléouët en 1959-1960 à l'expo internationale du surréalisme à la Galerie cordier, p. William Klein.jpg
André Breton et sa fille Aube à sa droite, détail d'une photo de William Klein parue dans Vogue à l'occasion de l'exposition internationale du surréalisme, Eros, à la Galerie Cordier, 1959-1960

     Pour ne se cantonner qu'aux allusions à des sujets qui nous occupent plus particulièrement sur ce blog, les rapports à l'art brut, à l'art naïf et l'art populaire, on trouvera dans cette correspondance quelques notations intéressantes.

Miguel Hernandez, Portrait d'André Breton, 1952, vente Breton à Drouot en 2003.jpg
Miguel Hernandez, portrait d'André Breton, 1952 (extrait du catalogue de la vente Breton par Calmels-Cohen)

       Dans la lettre du 12 octobre 1948, Breton décrit à sa fille, alors âgée de treize ans, son projet d'Almanach de l'art brut (à noter qu'il ne fait aucune allusion à Dubuffet...): "Tu te demandes peut-être ce que ça peut être que l'art brut? Cela groupe tous les tableaux et objets que font quelquefois des gens qui ne sont pas artistes: par exemple un plombier-zingueur, un jardinier, un charcutier, un fou, etc. C'est extrêmement intéressant". "Des gens qui ne sont pas artistes", c'est à souligner, en ces temps où le terme d'artistes, appliqué aux créateurs de l'art brut, ne cesse plus d'être employé à tout va. En quatre lignes, ce père attentif à faire passer ce qu'il croit bon de faire apprécier à son enfant trouve les mots clairs et accessibles, résumant finalement assez bien le sujet pour un premier contact.

      Il faut attendre une dizaine d'années plus tard pour trouver dans une lettre du 16 juillet 1958 une autre allusion cette fois à son intérêt pour l'art naïf. "J'attends l'arrivée, par les soins du camionneur, d'une vingtaine de tableaux naïfs que j'ai prélevés dans la soupente de l'atelier rue Fontaine et qui me semblent devoir ici [ dans sa maison de Saint-Cirq-Lapopie dans le Lot] égayer un peu tous les murs." On se demande à quoi pouvaient ressembler ces tableaux. Certains ont-ils fait partie de la vente Breton en 2003 à Drouot? Cela serait plausible, quand on se rappelle (et le catalogue de la vente par Calmels-Cohen aide à s'en souvenir) le nombre de tableaux naïfs que collectionnait Breton, par des peintres connus, Ferdinand Desnos, Hector Hippolyte, André Demonchy, Miguel Vivancos, par exemple, ou  moins connus comme Alphonse Benquet, voire des peintres anonymes (le catalogue présente plusieurs oeuvres "d'auteurs non identifiés").

Naïf anonyme,anc. coll. André Breton,vente 2003 par Calmels-Cohen.jpg
"Auteur non identifié", titre "Le retiro", tableau naïf ayant appartenu à André Breton, Catalogue de la vente 2003 par Calmels-Cohen

       Breton s'est à maintes reprises passionné pour des autodidactes, comme son ouvrage Le surréalisme et la peinture le montre déjà abondamment. Une nouvelle preuve nous en est administrée à la page 121 de cette correspondance inédite (lettre du 11 septembre 1958 destinée à Aube et son mari Yves Elléouët). "Hier, avec Joyce et son mari, nous sommes allés voir ce vieux boulanger-sculpteur de Corbeil dont je crois vous avoir déjà parlé. J'ai ramené de lui un tableau ultra-naïf qui n'est pas sans charme." Eh bien, le "boulanger-sculpteur de Corbeil", ça ne vous rappelle rien, ô vous lecteurs fidèles et assidus de ce blog? Mais bon sang, c'est bien sûr, comme aurait dit le commissaire Bourrel, il s'agit là de Frédéric Séron une fois de plus! En 1958, tout le monde allait chez lui, Doisneau, J-H. Sainmont, Breton, Dumayet, Gilles Ehrmann, et même ce grand mondain frelaté qu'était Cocteau (qui avait acquis des sculptures de Séron pour sa propriété de Milly: toujours présentes?). J'aimerais bien savoir où est passée finalement ce "tableau ultra-naïf" que Breton eut la bonne idée de sauver en l'achetant... Est-ce un des tableaux étiquetés par Calmels-Cohen, "auteur non identifié", là encore (mais il ne semble pas, voir ci-dessous)? Wait and see... Qui dissipera le mystère? Pour en savoir plus sur les peintures que faisait Séron, à côté des statues qu'il avait mises dans son jardin, on se reportera au documentaire-interview de Pierre Dumayet mis en ligne sur le site de l'INA que j'ai déjà évoqué et mis en lien sur ce blog (voir ci-dessus, le nom Frédéric Séron). Deux tableaux y sont commentés, dont une "Chasse à courre" et une "Paix chez les animaux". Ultra-naïfs en effet... A noter cependant que les tableaux de Séron étaient signés à gauche en bas, selon ce que répond Séron lui-même à Dumayet dans l'interview. On devrait donc pouvoir facilement les identifier si on les retrouve...

Tableau de frédéric Séron, chasse à courre, extrait du documentaire de Pierre Dumayet, Ina.fr.jpg
Un des tableaux montrés pendant l'entretien avec Pierre Dumayet mis en ligne par l'INA, une chasse à courre, avec un parachutiste dans le ciel, souvenir de guerre de Séron ; on se rend un peu mieux compte ainsi de la manière "ultra-naïve" évoquée par André Breton

 

Noël Californien

Galerie Impaire- California Christmas.jpg

10/11/2009

Le Musée de Montmartre en péril

LAISSERONS-NOUS DISPARAITRE LE MUSEE DE MONTMARTRE ?

musée de Montmartre vue générale.jpg

     Le Musée de Montmartre, patrimoine des Montmartrois, risque de mourir par la volonté de sa tutelle, la Mairie de Paris, qui vient de décider, sans préavis, de lui couper toute subvention.

   Installé au 12, rue Cortot à Paris 18ème depuis 50 ans, par la Société du Vieux Montmartre, association née en 1886 et reconnue d'utilité publique en 1967, ce Musée associatif, devenu Musée de France en 2003, va attirer, cette année, avec ses 6000 œuvres d'art et objets de collection, plus de 50 000 visiteurs venant de France et de l'étranger.

    La Société du Vieux Montmartre et son Musée sont donc condamnés à disparaître faute de subventions si nous laissons faire la Mairie de Paris, privant ainsi pour toujours Montmartre et les Montmartrois de leur Association et de son Musée, et donc de leur histoire.

    C'est le cœur et la mémoire de Montmartre que l'on va tuer.

   Mobilisons-nous pour que les élus parisiens (Mairie du 18ème et Mairie de Paris) reviennent sur leur décision.

    Pour vous opposer à la mort du Musée, merci de signer cette pétition: http://www.petitionduweb.com/LAISSERONS_NOUS_DISPARAITRE_...

(Appel transmis par Rodolphe Trouilleux que je répercute volontiers sur ce blog)

Info-miettes (6)

Art en Marge...

devient Art ET Marges. Cette association a poussé les murs semble-t-il et agrandi ses locaux, ce qui lui permet, annonce-t-elle sur son site internet modifié lui aussi, de présenter ses riches collections (2500 oeuvres réunies en 25 ans d'existence) dans "un confort muséal optimal". Mazette... Ils ouvriront leurs portes sur cet espace muséal tout neuf le 2 décembre 2009 prochain à 18h. Juste avant une année 2010 qui s'annonce comme une date inspirante pour beaucoup d'amateurs et d'animateurs férus d'art spontané en tous genres (Villeneuve-d'Ascq, Lausanne et sa Collection d'art brut qui fait des travaux de rénovation au Château de Beaulieu...). Comme si le XXIe siècle du triomphe de l'art brut et consorts commençait seulement en 2010. Pour marquer le coup, l'association a remanié aussi son nom, histoire de faire écho à leurs préoccupations plus récentes qui consistent à établir des confrontations entre artistes isolés, étrangers aux milieux professionnels de l'art, voire même des artistes très reconnus (Max Ernst), avec des personnes "psychologiquement fragiles", handicapées. Leur exposition de rentrée s'intitulera "Liaisons insolites".

 
AlexisL,uneoeuvre ArtToutsimplement.jpg
Alexis Lippstreu, un de ses dessins, extrait du site "L'Art tout simplement"

Discographisme créatif... 

Tel est le titre d'un livre paru aux éditions Bricolage /En Marge en octobre dernier qui m'a été signalé par Cosmo Helectra de l'émission Songs of praise (Aligre FM). Il s'agit d'une tentative de compilation de couvertures de vinyls sur lesquelles leurs propriétaires sont intervenus à divers titres et de diverses manières, dessins, peinture, collages, montages divers.extrait de discographisme créatif, éditions Bricolage, 2009.jpg Il semble que les pochettes en question aient été pour la plupart collectées dans les brocantes et autres disquaires alternatifs. Un art involontaire, fort désinvolte en tout cas, fait en s'amusant, non trop éloigné des dessins que l'on griffonne au téléphone ou pendant des cours casse-pieds.Couverture de disque modifiée, extrait du livre Discographisme créatif, éditions Bricolage, 2009.jpg

Le livre est présenté dans différents endroits dont on trouvera les références sur le site indiqué en lien ci-dessus. Il est également diffusé à la librairie Bimbo Tower dans le passage Saint-Antoine, dans le XIe ardt à Paris.

LES ANGES DE LA PISTE...

est le titre d'un film de Remy Ricordeau que j'ai déjà eu l'occasion de citer ici. C'est une balade avec une troupe de jeunes artistes de cirque chinois qui se débattent contre le déclin de leur activité, la crise économique, les difficultés de survivre dans la Chine campagnarde contemporaine.Les anges de la piste, film de Remy Ricordeau, le camion....jpg Le véritable héros du film est le camion servant à transporter leurs vies et tout leur matériel, qu'ils poussent, réparent sans cesse, et qui est perpétuellement au bord de l'avarie définitive. Un mythe de Sisyphe revisité en somme... Ce long-métrage documentaire (76 min.) sort actuellement en DVD. Voir ce site pour les détails de toute commande éventuelle. A signaler qu'édité entre autres par L'Harmattan, le DVD devrait de ce fait être trouvable au comptoir de vente de DVD de cette maison d'édition que l'on trouve à côté de ses librairies, rue des Ecoles dans le 5e ardt à Paris. 

Les anges de la piste, film de Remy Ricordeau,couverture du DVD, 2009.jpg
 
 
Jean-Louis Faravel et son association Oeil'Art...
 
 
exposent chez Arthésée qui leur donne carte blanche. Cela se passera à Villefontaine en Isère. Les artistes présentés ne sont pas indiqués sur le carton d'invitation. Des films de Philippe Lespinasse sur des sujets ayant trait à l'art brut seront également projetés à cette occasion (sans que là non plus on ne daigne nous en dire plus...). Bref, c'est pour les inconditionnels et les initiés.
 
 
Invit.Renc13.jpg
Addendum du 15 novembre:
     Suite à cette note, Thésée (cinéaste d'art qui anime l'association Arthésée) a souhaité éclairer nos lanternes quant aux films projetés. Il s'agit de deux films de Lespinasse relatifs à l'art brut japonais extraits de l'ensemble intitulé "Diamants bruts du Japon" (édité en DVD par Lokomotiv Films et la Collection de l'art brut de Lausanne), consacrés aux créateurs suivants, Shinichi Sawada et Yoshimitsu Tomizuka. Les artistes et créateurs présentés par Oeil'art sont nombreux, citons-en quelques-uns, un sculpteur, Dominique Bottemane, des peintres ou dessinateurs, l'incontournable Joël Lorand, Marilena Pelosi, Ruzena, Yvonne Robert, Bruno Montpied (ça me rappelle quelqu'un), Adam Nidzgorski, Alexis Lippstreu, Martha Grünenwaldt, Jean-Marie Heyligen, Eric Gougelin, Claudine Goux, Marie-Jeanne Faravel, etc.

07/11/2009

Dictionnaire du Poignard Subtil

Poignard-gaulois-(Encyclopé.jpg

NAÏF:

     "Ce qui est beau dans "l'art naïf", ce n'est pas son innocence, c'est sa brutalité. La brutalité de son innocence, si l'on veut."
     Pierre Peuchmaurd, Le Pied à l'encrier, éd. Les Loups sont fâchés, 2009

06/11/2009

Une marine cruelle

     Curieux, curieux tableau acquis voici quelques années auprés d'un antiquaire de la Foire de la Bastille suite à l'indication de l'ami Philippe Lalane...

     Sur une mer où ne frise qu'une seule vague, un homme semble appeler à l'aide dans un geste alangui et grâcieux, bizarrement étant donné la meute des poissons, aussi affamés que des murènes, qui se jette sur lui avec voracité. Son corps est couvert de plaies sanguinolentes, et son sang commençe à teindre les flots bouillonnant autour de lui. Il ne paraît pas encore mort puisqu'il agite le bras (il a un côté Saint-Sébastien, je trouve)... Si l'on fait abstraction de ses persécuteurs aquatiques, on observe que son corps adopte la position d'un nageur de 100m dos!

L.Plé,tableau sans titre, peut-être XIXe siècle, coll.Bruno Montpied.jpg
L.Plé, sans titre, 22 x 33,5 cm, huile sur toile, XIXe siècle? Photo Bruno Montpied

     Au loin à droite, on aperçoit un trois-mâts battant pavillon français. Un canot approche, chargé de deux rameurs et d'un homme barbu debout les bras en l'air, dans un geste d'affolement face au spectacle qu'il découvre. L'ensemble de la scène fait penser aux ex-voto représentant des événements tragiques, bien qu'ici on ne trouve nulle invocation à un quelconque saint ou dieu. Le tableau est signé en bas à droite "L.Plé". Amusant du reste ce patronyme, je le note au passage, étant donné le nombre de...plaies sur le corps de la victime au premier plan. Je n'ai jusqu'à présent trouvé aucune référence à ce peintre dans les dictionnaires spécialisés en peinture naïve. L'enquête est donc ouverte.

04/11/2009

Complaintes et messages de Jean-Marie M.

     J'ai récemment parlé de Jean-Marie M., le creuseur de tunnels sauvage du Lot. Antoine Boutet a fait un extraordinaire film sur lui, Le Plein pays (intitulé comme cela par allusion à sa manière de chanter Le Plat pays de Jacques Brel). Une de mes surprises en voyant le film fut de découvrir les insoupçonnables talents de chanteur-psalmodieur de cet archéologue pulsionnel. Il fait corps avec la nature, au creux de laquelle, après tant d'années de compagnonnage intime, il a besoin de se nicher pour chanter ses drôles d'incantations. Se rencoignant dans certaines grottes creusées par lui à mains nues, et s'y recroquevillant comme foetus régressant. Du reste, le contenu de ses chansons qu'il improvise en utilisant une technique de répétition parle de procréation qu'il faut cesser, de trop plein de population, d'apocalypse à venir (cela dure depuis trente ans). Il faut selon lui que les hommes restent avec les hommes et les filles avec les filles, sans préciser plus avant ce qu'il compte leur proposer comme occupations.

Jean-Marie M et ses collages, ph.Antoine Boutet.jpg
Jean-Marie M. parmi ses collages, photo site "Complaintes et messages", Antoine Boutet

      Une autre découverte est le talent artistique quasi enfantin de Jean-Marie. Il apparaît en fait plus flagrant lorsqu'on va sur le site internet qu'Antoine Boutet a consacré aux "complaintes et messages" de ce vieil enfant sauvage du Lot. En toile de fond, on aperçoit en effet des dessins aux traits tremblés qui sont touchants. Des collages aussi, au milieu desquels, la tête rejetée, il pose comme abattu,  tel un cadavre. Des petites peintures tendant vers la recherche pictographique. Le site, intitulé " Les complaintes de Jean-Marie", permet d'entendre en outre les fameux chants de l'auteur (le site en a choisi quatre), proches du cantique et de la psalmodie médiévale telle qu'on a l'habitude de l'entendre plutôt résonner au fond des cathédrales à l'acoustique réverbérante. On trouve aussi quelques fragments de vidéo et des photos (dont celles que je reproduis pour illustrer cette note).

Jean-Marie M parmi ses collages, photo Antoine Boutet.jpg
Jean-Marie M, photo même source, Antoine Boutet

      Chaleureuse gratitude à Antoine Boutet qui nous a révélé l'existence de son site plutôt secret, du moins peu connu des amateurs "d'art brut", ou de land art spontané, d'environnements étranges, et de proclamations apocalyptiques. A noter que, selon ce qu'il nous a confié, Boutet a longtemps constitué sa culture musicale à l'écoute de l'émission "Songs of praise" dont un des animateurs intervient depuis quelque temps sur ce blog. Il n'y a décidément pas de hasard...! Cette émission aura donc sans doute aidé cet auditeur inspiré à rechercher puis finalement à nous fournir un exemple supplémentaire de ce que l'on peut peut-être appeler de la "musique brute". Je gage que cela te mette du baume au coeur, cher Cosmo Helectra...? 

Sinon, pour ceux qui l'auraient raté à Montreuil récemment, à signaler d'autres occasions de voir le film d'Antoine Boutet, Le Plein pays:

Festival les Ecrans Documentaires à Arcueil dans le 94 (compétition internationale)
jeudi 29 octobre 2009 - 22h00

http://www.lesecransdocumentaires.org/2009/

Festival International du Film de Belfort (compétition internationale). Du 28 novembre au 6 décembre 2009
http://www.festival-entrevues.com/-2009-/films-competition2009.htm
 

Les Hivernales du documentaire à Nègrepelisse
samedi 14 novembre 2009
http://leshivernalesdudoc.free.fr 

Mois du documentaire - Cinéma Jean Renoir  à Martigues
samedi 28 novembre 2009 - 20h30
http://cinemajeanrenoir.blogspot.com

 

03/11/2009

Petit Jean de la côte

Masque de Yannig an Aod, pierre trouvée,photo Benoît Jaïn, 2006.jpg
Masque de Yannig an Aod, pierre trouvée, photo Benoît Jaïn, 2006 

    "Concernant le caillou, certes, il a la couleur et les formes "circonvolutionnées" de l'étron mais il n'en a guère la consistance ni la masse ! Hauteur : 10,5 cm, roche très dure et très, très dense, je n'ai pas pu encore déterminer sa nature... Un caca préhistorique fossilisé alors... Des petits coquillages blancs se sont incrustés dans les cavités (yeux et bouche) ce qui facilite sa lecture (pupille, dents)... Si tu publies la photo de cette bizarrerie, "Masque de Yannig an Aod", c'est mieux comme titre ("Petit Jean de la côte", c'est la version "littorale" de l'Ankou, dans les légendes de Basse-Bretagne, il pousse un cri à dresser les cheveux sur la tête,  les jours de brume, du style : "IOU-IOU")."

    Benoît Jaïn (courriel à BM)

02/11/2009

Art forain à l'Abbaye de Fontevraud

     "De la plus grande abbaye d'Europe, de la plus sale prison de France, nous pensons bien à toi, au coeur d'une magnifique collection d'art forain.

      A bientôt à la Bastoche, Nini peau de chien."

      (Carte postale du 27 octobre)Art forain indien,manège sur une plage à Madurai, ph. Yves Kneusé,2009.jpg

      L'Arche des animaux, l'art forain à l'Abbaye de Fontevraud [d'après la collection Marchal de chevaux de carrousels], exposition du 26 juin au 8 novembre 2009. A noter que cette exposition, bientôt close, faisait partie d'un ensemble plus vaste sur les voyages dans les mondes imaginaires. Centaure militaire de carrousel, expo L'arche des animaux, abbaye de Fontevraud, 2009, ph. christophe Mouton.jpg

31/10/2009

Un voyant

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Le Voyant exacerbé, Maine-et-Loire, photo Bruno Montpied d'après un détail sur un orme mort, juillet 2009
    A trop insister dans l'interprétation hallucinée, l'oeil finit par se dilater, se métamorphosant lentement, aussi lentement qu'une dérive des continents, l'oeil se pétrifie, durcit et devient un bloc de bois où serpente progressivement une lézarde, bientôt une crevasse, indice d'une fracture à venir... Le nez a été grignoté par un mulot. Pendant l'éternité de cette tentative de voyance, il a bien eu tout son temps. La face ressemble du coup à celle d'un lépreux. La bouche tente de hurler mais là aussi les paroles et la langue se sont muées en un bloc de bois fendillé où l'on peut deviner des grimaces, des rictus d'un hôte parasite narquois... C'est cher payé le moment de divination.
MetL-Cadavre-d'ET.jpg
La même image, pivotée à droite selon le choix du commentateur ci-dessous (Fred), cela donne selon lui une poupée de Nedjar, et selon moi, le cadavre d'E.T....

25/10/2009

Frédéric Séron

     Retour vers le passé, ce sera l'incipit pour aujourd'hui.

     J'espère que l'INA ne m'en voudra pas de leur faire un peu de publicité en les mettant en lien avec mon modeste blog. Ainsi que de la mise en ligne de quelques photos capturées grâce à l'obligeance du camarade Jean-Jacques que je remercie hautement ici, et d'abord pour le renseignement précieux qu'il m'a fourni: sur le site de l'INA, on trouve depuis quelque temps, dans la rubrique "le journal de votre naissance", à la date du 25 octobre 1961, un reportage intitulé "Poésie pas morte" où l'on nous parle d'une exposition sur des oeuvres d'autodidactes (on reconnaît bien vite des photos de Gilles Ehrmann, qui était à cette date sur le point de publier son livre Les Inspirés et leurs demeures aux éditions du Temps, publié au 4e trimestre 1962 ).

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Image d'ouverture du reportage, 1961, ina.fr

    L'exposition n'est pas autrement décrite, ni située. Nous sommes dans un fragment de journal d'actualités (on le trouve à la 5e minute - à peu prés - du journal  qui parle aussi d'inondations au Japon, d'affrontements entre Wallons et Flamands, de refoulements par avions de manifestants "musulmans algériens" de la France vers l'Algérie, de Kroutchev et d'autres sujets de l'actualité de l'époque). Je n'ai pour l'instant pas trouvé d'ouvrages - notamment ceux qui ont été faits sur Gilles Ehrmann qui ne situent ses premières expositions qu'à partir de 1965... - qui puissent renseigner sur l'exposition en question. Qui est l'auteur du reportage? On ne nous le dit pas non plus.

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Frédéric Séron peignant l'effigie de Clémenceau, "le Père la Victoire", 1961, ina.fr
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Sirène au premier plan et Clémenceau au bout de l'allée, chez Frédéric Séron dans les années 50, photo extraite du livre de Gilles Ehrmann, Les inspirés et leurs demeures

      Toujours est-il qu'on voit tout à coup, après l'introduction d'usage qui est consacrée à des images de l'exposition, d'autres vues prises cette fois directement sur les sites des divers inspirés évoqués dans l'expo. Autant dire que sur ces créateurs-là les films ne courent pas les rues, et ce dernier reportage pourrait bien être l'un des seuls (1): on découvre ainsi, revenus du passé en pleine forme, leurs oeuvres encore toutes fraîches, Frédéric Séron et ses statues du Pressoir-Prompt (aujourd'hui  son jardin et sa maison ont semble-t-il disparu pour cause d'élargissement de la Nationale 7 qui les longeait dans l'Essonne), Raymond Isidore, dit Picassiette, en train de composer une mosaïque sur le sol devant sa petite maison, la paume de la main remplie de fragments d'assiettes, sa femme en train de coudre sur la machine que son mari avait également couverte de mosaïque, ou encore M. Marmin, le pépiniériste des Essarts en Vendée, qui avait taillé des animaux dans des arbustes sur une prairie prés de sa maison (le jeune homme qu'on voit tailler les arbustes est probablement un acteur, car Marmin photographié par Ehrmann n'a pas du tout la même apparence, ni le même âge...).

PicassietteJPEG, scène du Nouveau Testament en silhouettes blanches, Les J de l'AI, 1981.jpg
Picassiette, scène biblique, photogramme extraite des Jardins de l'art immédiat, Bruno Montpied, 1982

     Frédéric Séron est montré en train de  confectionner ses statues, disposant son ciment sur des armatures de fil de fer, badigeonnant une de ses statues dont le commentaire nous apprend fortuitement le nom (Un "Père la victoire" évoquant Georges Clémenceau, à qui l'on attribue la victoire de la Guerre 14-18), enfermant dans ses statues nous dit-on "sa carte de visite et le journal du jour".

      On peut continuer à fouiller dans les archives de cette INA ouverte (depuis peu, semble-t-il) à l'art brut du passé, et notamment prolonger la recherche sur Frédéric Séron, sur lequel il existe de rares documents écrits (2), surtout accessibles du grand public. On trouve sur leur site un autre document rare, nettement inconnu  des chercheurs jusqu'à présent à ce que je subodore... Une interview de Frédéric Séron par Pierre Dumayet dans Lectures pour tous du 25/03/1954 (production RTF). Après des vues sur les statues du jardin (c'est muet, pas la peine de vous exciter sur votre ordinateur!), au bout d'une minute et des poussières, tous deux causent familièrement assis au jardin en toute cordialité du travail de Séron et de son contenu ("Dites donc M. Séron c'est pas par hasard si on trouve une Porteuse de pain dans votre maison...", "Ben oui, j'ai été trente ans boulanger..."), tandis qu'en fond sonore dialoguent des poules fort glousseuses. Il y révèle qu'il enfermait dans ses statues toutes sortes de journaux, pas seulement dans la perspective comme le signale de son côté Ehrmann, de fabriquer des sortes d'âmes dans des boîtes, mais plutôt avec l'arrière-pensée de mêler sa propre identité à celles des hommes qui faisaient l'Histoire de son temps. Il y avait certainement dans cette démarche un peu d'un rituel magique naïf, écho de rituels païens plus anciens et oubliés. Certains de ses sujets y sont évoqués pour les modèles qui les ont inspirés (la patineuse, la danseuse, "L'Etoile polaire"...). Séron avoue dessiner ses sujets au préalable, il parle un peu de sa technique (des balles de la guerre de 14-18 servaient de crocs au lion de 100 kilos qu'enserrait un serpent et que l'on voyait en premier lorsqu'on découvrait le jardin dans les années 80).

SéronLesanimauxsurlegarage5.jpg
Frédéric Séron, le lion sur le toit du garage au Pressoir-Prompt, photo extraite du n° spécial "Art naïf" de la revue Phantômas (1956)

    On y voit aussi, chose rarissime, des images des tableaux naïfs que confectionnait Séron. Du reste, Ehrmann a photographié Séron dans son intérieur devant une magnifique fresque naïve peinte sur un des murs de son logis (c'est sans doute par ces tableaux naïfs que le critique de l'art naïf Anatole Jakovsky est venu lui aussi visiter Séron dans les années 50). Dans l'interview de Dumayet, Séron commente en direct deux de ses tableaux, dont une chasse à courre, qui est le support de souvenirs, de récits, notamment liés à la guerre de 14 dont on comprend que Séron, ancien combattant, avait été copieusement marqué. Le second, intitulé "La paix chez les animaux", paraît remarquable.

     Rien de mieux pour se faire une idée vivante et réelle du genre de personnage et du type de créateur que ce petit documentaire de 8 minutes... Allez... Tous à l'INA...!

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(1). J'ai fait quelques images en Super 8 sur ce qu'il restait du site de Frédéric Séron au Pressoir-Prompt en 1987, des statues verdâtres, d'autres enfouies sous les ifs qui en croissant les avait recouvertes, la maison fermée et inhabitée ; j'avais rencontré à l'époque un voisin qui nous avait confié, à moi et à Jean-Claude Pinel, qu'il avait conservé quelques sujets, peu importants semblait-il, et qu'il surveillait le devenir de la maison : peut-on espérer qu'au Pressoir-Prompt, on ait songé dès lors à sauvegarder à part quelques oeuvres de Séron? Mon petit film a été incorporé dans l'ensemble plus important qui s'intitule Les Jardins de l'art immédiat.

(2). On peut lire sur Séron outre le livre de Gilles Ehrmann déjà cité, le très bon livre de Charles Soubeyran, Les Révoltés du merveilleux, aux éditions Le Temps qu'il fait (2004), consacré à Ehrmann et à Robert Doisneau. Ces derniers ont tous les deux photographié Séron. Soubeyran donne des pistes bibliographiques par la même occasion, il rappelle l'article que Robert Giraud publia en 1950 (soit dix ans avant Ehrmann), "Etoiles noires de Paris: Frédéric Séron est le bon Dieu du paradis des animaux" dans Paris Presse-L'Intransigeant, article qu'illustraient deux photos de Doisneau. Ce dernier évoque lui-même Séron dans son livre de souvenirs, A l'Imparfait de l'objectif (p. 131, - et non pas p.73, M. Soubeyran... - éd. Belfond, 1989). Anatole Jakovsky a évoqué, quoique vraiment entre les lignes, la figure de Séron dans Les Peintres Naïfs (éd. La Bibliothèque des Arts, 1956). J'ajoute à cette bibliographie deux références que peu de gens ont dû repérer, je gage... Dans un n° spécial de la revue Phantômas, consacré à l'Art naïf (n°7/8, hiver 1956), revue dirigée par Marcel Havrenne, Théodore Koenig et Joseph Noiret à Bruxelles, on trouve quelques photos (voir ci-dessus, ci-dessous, et ci-contre) du site de Frédéric Séron, et notamment une photo du créateur en compagnie du mystérieux pataphysicien J-H. Sainmont que l'on aperçoit - anonymat, et peut-être supercherie, obligent - de dos seulement... Les commentaires des photos sont de Sainmont.Phantômasnuméro1504,1956.jpg Une autre référence encore par rapport à Séron: l'article de Ralph Messac, "Un ancien boulanger a fabriqué un paradis en ciment" dans L'Information n°1504 du 7 septembre 1955 qui dénombre à l'époque (Séron, né en 1878, disparaît en 1959) 90 statues. A Dumayet, passé en 1954, il en signalait 88, dont une en cours... Ces chiffres paraissent donc authentiques. En 1987, lors de mon passage j'en vis nettement moins...   

Phantômas2pagesArtNaïfSéron.jpg
Deux pages sur Séron (et Camille Renault) dans Phantômas n°1504, 1956

Marcel Landreau n'est donc pas mort

     Je ne tenterai pas en rédigeant cette note de m'attribuer un mérite qui revient de fait au blog Animula Vagula qui a su ces derniers jours ouvrir ses fenêtres à des nouvelles des statues de silex du "caillouteux" Marcel Landreau que l'on croyait définitivement perdues. Je voudrais seulement rediriger vers cette sympathique information les lecteurs qui n'y seraient pas déjà allés. Veuillez donc suivre le lien ci-dessus s'il vous plaît d'en apprendre davantage.

Marcel Landreau,Yvette Horner au sommet du manège automatisé à Mantes-La-Jolie en 1987, photogramme Les Jardins de l'art immédiat, Bruno Montpied.jpg
Marcel Landreau, détail du manège automatisé avec Yvette Horner au sommet à gauche (on notera que la statue photographiée sur Animula Vagula s'est un peu dégradée par rapport à l'époque (1987) où je pris cette image), photogramme Les Jardins de l'art immédiat, Bruno Montpied

    Deux personnes, nommées sur le blog cité en référence "Freddy et Cathy", ont donc sauvé de l'oubli un certain nombre de statues de Marcel Landreau qui végétaient dans un recoin perdu. Bien sûr on aimerait en apprendre plus, combien de statues, quand est-ce que Landreau avait déménagé de Mantes-La-Jolie (où il a créé son décor de statues de silex collées à l'Araldite de 1961 à 1990 environ...) pour les Deux-Sèvres, quand il est mort, ce que devinrent ses statues avant d'atterrir dans le recoin oublié, ce que comptent faire les deux conservateurs par la suite, pensent-ils à une conservation qui serait plus assurée dans une quelconque institution muséale, (Le futur LaM de Villeneuve-d'Ascq par exemple?), etc...

Marcel Landreau, personnages du manège automatisé du jardin à Mantes-la-Jolie, photogramme les Jardins de l'Art Immédiat,1987, Bruno Montpied.jpg
Marcel Landreau, les personnages du manège automatisé en train de tourner, photogramme Les Jardins de l'art immédiat, 1987, B.M.

     Animula avance en outre  que l'on pouvait déduire le départ de Landreau pour les Deux-Sèvres à partir du chapitre que Clovis et Claude Prévost ont consacré à Landreau dans leur livre Les Bâtisseurs de l'imaginaire en 1990. Cela me paraît un peu gratuit comme affirmation. Rien dans ce chapitre ne me paraît de nature à autoriser une telle "déduction". Par contre, j'ai personnellement signalé oralement à divers interlocuteurs dans les années 90 (dont par exemple Laurent Danchin qui l'a répercuté dans certains de ses textes) que je me demandais si Landreau n'était pas retourné dans sa région d'origine, aprés que j'eus filmé en 1992 son jardin aux statues disparues (séquence que j'ai montée dans le petit sujet en Super 8 que j'ai consacré à Landreau et que j'ai joint à  l'ensemble Les Jardins de l'art immédiat, voir Le petit dictionnaire Hors-Champ de l'art brut au cinéma). Le petit "musée" que signalent Claude et Clovis Prévost dans leur livre était installé dans le grenier de la maison de Mantes. Je l'ai personnellement visité en présence de Landreau en 1987.

       La nouvelle de la pérennité d'un certain nombre de ces merveilles d'inventivité spontanée et populaire est une excellente nouvelle qui paraît prouver ce que me confia un jour Maugri, autre créateur autodidacte, paysan de la région de Brancion, à savoir que les oeuvres fortes se défendent toutes seules, comme douées d'une vie propre, protégées qu'elles sont par le talisman d'une magie liée à la fascination qu'elles exercent sur ceux qui les voient.