07/03/2011
Séminaire d'art brut au Collège philosophal
Non, non, non, ça ne s'écrit pas comme ça mais bien Collège International de Philosophie, ce qui donne en sigle CIPH, mais pas ammoniacal. La mode des séminaires sur l'art brut bat son plein, il y avait le CrAB (est-ce que c'est bien comme ça les différentes tailles de lettres dans leur sigle à eux?) qui s'est déjà mis sur les rangs dans le cadre de l'INHA (Institut national d'Histoire de l'art, 2, rue Vivienne, Paris 2e, en accès libre), avec des conférence pointues en matinée (9h30-12h) sur l'art brut et la folie (le 31 mars), les écrits bruts le 14 mai, les architectures spontanées, le 17 septembre, art brut et primitivismes le 19 novembre... Que de sigles, que de sigles, fais-moi un sigle, pourrait-on reprendre en choeur.
Au CIPH, c'est Barbara Safarova de la collection et association ABCD qui est maîtresse d'oeuvre. En préambule de la première année de son séminaire (parti pour se tenir six ans), qui s'intitule "Quêtes identitaires et inventions du corps à travers les oeuvres d'art brut", Mme Safarova écrit: " Face au bombardement d’images normopathiques, souvent obscènes, qui nous entourent et qui prétendent définir toute forme identitaire, les œuvres d’art brut offriraient-elles un échappatoire ? Un point d’ancrage, une direction possible pour nos quêtes de vérité et de sens ? Face à certaines d’entre elles l’émotion nous saisit, proche du vertige ; on ressent l’inquiétude, parfois l’angoisse de se confronter à une «horrible découverte», celle de la chair chaotique et informe. Dans le même temps, on se sent happé, fasciné par leur pouvoir salvateur, qui semble nous donner accès à une forme de savoir universel, proche de «l’illumination»." La barre est d'emblée mise très haut, l'art brut se voit investi d'une mission menant au savoir universel, et en l'espèce capable de remettre en cause les "images normopathiques" notamment du corps (en regard, le programme du CIPH montre une des oeuvres de Lubos Plny, sorte d'anatomie écorchée abstraite et visionnaire, que je trouve personnellement plus savante que "brute", ce qui ne réduit en rien sa force je m'empresse de l'ajouter). L'art brut serait-il du côté de l'écorché, sans jeu de mots? Et du coup serait fort proche de cette peinture si à la mode aujourd'hui dans l'art contemporain qui consiste à exhiber les dessous du corps humain, coupé en tranches et coulé dans la résine, ou dénudé comme un poulet déplumé (Rustin), ou coulant comme une lente dégobillade humaine dans un raffinement coloré (Bacon)? Peut-être, cela vaut réflexion (après tout Bellmer et ses anatomies démantibulées marchaient sur ces traces-là lui aussi). Mais n'y aurait-il pas en ce moment aussi une certaine tendance inconsciente à faire évoluer le concept d'art brut vers un concept d'art-le-plus-créatif qui se rapproche de plus en plus du concept de l'art tout court? Ce genre de question se retrouvera-t-elle posée au gré des différentes interventions inscrites dans le programme du CIPH au premier trimestre de cette année? A voir donc. Suivez le programme. A noter que la première rencontre aura lieu le 10 mars prochain.
06/03/2011
"Pierre Albasser prend son envol"
C'est à Falicon sur la Côte d'Azur que Pierre effectue cet envol promis par son épouse et impresario Geha (dans un courrier privé). A l'occasion de la XVIIe exposition d'art singulier organisée dans cette bonne ville par Gérard Elléna et les édiles municipaux. J'ai à plusieurs reprises mentionné et reproduit sur ce blog les travaux de Pierre Albasser que je suis avec intérêt depuis qu'il a été exposé primitivement au musée de la Création Franche à Bègles (suite à une correspondance d'art postal entre Gérard Sendrey et Geha). Je renvoie à un de mes articles anciens pour Création Franche (n°17, 1999).
Pierre Albasser, sans titre, 2007, ph. Bruno Montpied
Pierre Albasser, Nuit calme, 2003, ph.BM
Certains peuvent trouver à ses productions une parenté avec les oeuvres de Gaston Chaissac. Il y a du vrai là-dedans, mais il faudrait ajouter tout de suite après que Pierre a su en dépit de ce cousinage construire petit à petit une oeuvre originale avec une écriture qui n'appartient qu'à lui. Peut-être est-ce dû à sa malice secrète, cachée derrière une apparente réserve, comme il se cache pour dessiner derrière des contraintes qu'il se donne librement à lui-même. Ne dessiner que sur des supports venus des cartons d'emballage alimentaire, et en deux, n'employer comme outils de traçage que des vieux feutres usagés, des stylos à l'encre évaporée, des marqueurs caducs. C'est son cahier des charges, ne travailler qu'avec des instruments ou des supports n'ayant rien coûté. La création se doit de se déployer dans la plus grande des gratuités. Peut-être que cela débordera sur le contenu de son inspiration (c'est sûr, même).
Pierre Albasser, dessins accrochés à un moment donné dans sa cuisine, ph BM, 2008
Des masques pullulent dans son oeuvre, mais aussi ils s'ordonnent dans des géométries contraignantes dont le dépassement par le dessinateur est tout ce qui l'excite apparemment. C'est à la faveur de ce combat avec la contrainte librement consentie (démarche oulipienne, ou pour être plus précis, oupeinpienne, sans qu'Albasser le sache probablement) que notre héros finit par susciter ses formes aux limites du pictogramme, du symbole, du signe abstrait.
Pierre Albasser avec deux de ses admirateurs, photo BM, mai 2008
*
L'exposition se tient à la Galerie Blanche de Falicon (entrée libre, tous les jours de 15h à 19h) du 12 au 21 mars prochains. Les autres exposants sont C.Besser, G.Cambon, P.Chapelière, J.Lorand. A propos de ce dernier, toujours aussi pugnace sur le front des expositions, ajoutons qu'il fera également une exposition personnelle, intitulée "Oiseaux improbables", en parallèle (du 11 mars au 9 avril) à la Galerie Béatrice Soulié (21, rue Guénégaud, dans le 6e à Paris).
18:29 Publié dans Art singulier | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : pierre albasser, création franche, art singulier, geha, falicon, gérard elléna, gérard sendrey, chaissac, oupeinpo spontané | Imprimer
03/03/2011
Soyez les bienvenus chez Fatima
Mystérieuses photos venues du Maroc, dans les Gorges du Dadès (et oui, on a manqué Dada de peu), voici quelques traces d'un environnement étrange, expédiées par notre correspondant Michel Boudin, chercheur au flair légendaire. Le goût des simulacres de ciment (ou de terre séchée?) appartient décidément à toutes les cultures.
Peut-être sommes-nous en présence d'un bistrot, que l'on a agrémenté de quelques statues pour égayer un décor un peu trop dépouillé? De qui sont ces oeuvres, mon correspondant à son habitude n'a pas été bavard, me réduisant aux conjectures...? On doit remarquer une signature difficile à déchiffrer précisément, au bas d'une peinture sur le mur de terre de chez Fatima: "Ahorb Abdellah, Kenitra". Sans doute le peintre du portrait présumé de Fatima, la tenancière de l'auberge? Les points d'interrogation voltigent en tous sens.
Kenitra, c'est où? Entre Rabat et Fés, au nord du pays. Est-ce loin des Gorges du Dadès où notre excursionniste est allé dénicher cette galerie en plein air? Oui, c'est pas du tout le même coin. Gogol maps nous signale qu'il y a des Gorges du Dadès (rien à voir avec les grands du même nom) à la latitude de Marrakech, elle-même ville à la la latitude de la célèbre Essaouira, l'ancienne Mogador, la ville où comme les amateurs d'art brut marocain le savent a fleuri une "école" de créateurs autodidactes remarquables (comme Ali Maimoune, ce créateur qui fut, entre autres lieux, présenté autrefois au musée de la Création franche à Bègles).
Ali Maimoune, oeuvre au musée de la Création franche
Erraad, peintre d'Essaouira, coll. Durande-Letourneau
Y a-t-il un rapport avec ces voisinages? On serait évidemment tenté de le penser. Même si le style des sculptures et de la peinture n'a rien à voir avec la peinture d'Essaouira. Il y a peut-être seulement dans ces coins-là une même tradition d'audace à s'exprimer.
(Les photos de chez Fatima sont dues à Michel Boudin, celles des peintres d'Essaouira à Bruno Montpied)
21:52 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : chez fatima, art naïf marocain, art immédiat, environnements spontanés au maroc, michel boudin, ahorb abdellah, essaouira, ali maimoune, erraad | Imprimer
22/02/2011
Fanny revient s'exposer
Fanny anonyme (signée JK, datée 1961), trouvée par l'antiquaire Michel Boudin
L'Art en Marche de Lapalisse délivre ces jours-ci une intéressante information, distincte des expositions que cette association-collection-galerie (je ne sais comment les qualifier au juste) monte régulièrement dans l'Allier. Il s'agit d'une expo de Fanny, tableaux, sculptures, collages, moulages, photographies - les techniques sont variées, selon le degré de capacité à reproduire des arrière-trains plus ou moins réalistes - qui va ouvrir à Mably à partir du 5 mars (vernissage le 4 à 18h), à quelques kilomètres au nord de Roanne, jusqu'au 20 mars, à l'Espace de la Tour.
Si la Fanny montrée sur le carton ci-dessus m'apparaît quelque peu mièvre, il faut savoir aussi que les talents se révèlent généralement très inégaux dans ce corpus (et ce pétrus). La bible, pour connaître un peu mieux un bon échantillon de ces représentations destinées à être embrassées par les boulistes perdant 13 (ou 15) à 0 leurs parties, dans la région lyonnaise et ailleurs, est sans contexte le livre de Mérou et Fouskoudis que l'antiquaire Lucien Henry m'avait indiqué autrefois (éditions Terre et Mer, 1982). Voici deux ou trois images extraites de cet inestimable ouvrage qui prouveront que certaines Fanny peuvent s'élever au rang de chefs-d'oeuvre naïfs.
Peinture sur bois, Pont-de-Claix (Isère)
Fraternelle Boule du Monument, Caluire (Rhône), 1930 (cette peinture n'est pas sans rappeler certain tableau du naïf Camille Bombois)
Fanny conservée au musée d'art naïf de Noyers-sur-Serein (Yonne)
(L'Art en Marche, 9, rue du 8 mai 1945, 03120 Lapalisse ; à noter une conférence de Luis Marcel le 18 mars sur les lieux de l'expo, intitulée, vaste programme, "L'art brut existe-t-il?")
15:22 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : l'art en marche, fanny, jeu de boules, art populaire insolite, art naïf, art immédiat, mérou et fouskoudis, luis marcel, art brut | Imprimer
16/02/2011
Nouvelle expo sur l'abbé Fouré, à St-Malo cette fois
Le Poignard Subtil, le blog qui vous donne en primeur les infos sur les expos dont ne parlent pas les médias artistiques (et pour cause? Ce silence indique peut-être que selon ces médias il ne s'agit pas d'art, mais alors qui en parlera ?... car tout de même, ces rochers et bois sculptés par l'ermite de Rothéneuf nous intéressent beaucoup) : une nouvelle manifestation est organisée début mars dans la ville de Saint-Malo, aux archives municipales, et toujours à l'instigation de l'Association des amis de l'œuvre de l'abbé Fouré, animée par la main énergique de Joëlle Jouneau.
Affiche faite à partir d'une carte postale agrandie montrant l'abbé posant devant la "besace" et le tronc qui était destiné à recueillir les dons qu'il distribuait, disait-il, aux pauvres
14/02/2011
Lexique des arts populaires (1): l'art populaire rural
Cela fait un certain temps que je me dis qu'il faudrait essayer de donner mes définitions des différentes catégories d'arts populaires, le rural, le brut, le naïf, le modeste, les graffiti, les environnements spontanés, le singulier, l'outsider, et peut-être pour finir, l'immédiat. Que je regrouperai dans ma colonne de droite à la rubrique "Catégories" sous le nom de "Définitions des arts populaires". Tant pis si cela paraîtra immodeste à certains. Cela éclairera peut-être un peu mes lecteurs, en même temps que moi-même, comme si je mettais la maison en ordre par la même occasion.
Je vais commencer par...
C'est un vaste corpus d’œuvres, la plupart du temps utilitaires, créées par des artisans habiles, dont le tour de main est empreint d’un goût de la stylisation et de la naïveté plus ou moins codifié, plus ou moins reconnu par la communauté rurale à laquelle ils appartenaient. Elles se caractérisent souvent par une bonhomie, une simplicité d'allure, un humour parfois rabelaisien, un sens de l'immédiateté, et une foi naïve aussi.
On rangera dans l’art populaire des campagnes de jadis, les meubles, les outils, les vanneries, les vêtements, les coiffes, les dentelles, les plaques muletières, la vaisselle, les épis de faîtage (voir l'exemple ci-contre, extrait de la collection de l'antiquaire Michel Boudin) les jouets, les marionnettes, les objets forains, les chevaux de manège, les lettres de mariage, les bannières de procession religieuse, les bannières commémoratives de campagnes militaires, les douilles sculptées, les quilles de conscrits, les ouvrages en cheveux commémoratifs, les enseignes, les girouettes découpées et peintes, les objets de patience, les bateaux en bouteille, les marques à beurre, etc., etc. Les ex-voto sont plutôt rangés dans l'art populaire.
Beaucoup d’objets rattachés à ce dernier corpus, comme les fourneaux de pipe sculptés, ou les dessins de bagnards, les tatouages, pourraient cependant très facilement être associés à l’art brut ou à l’art naïf. De même, quelques œuvres orphelines, comme certains tableaux de chêne, des marquèteries, des paysages brodés dont la technique génère un climat onirique particulier, parce qu’elles sont restées anonymes, sont classées en art populaire alors qu’elles pourraient tout aussi bien être jointes à l’art brut. On distingue cependant l'art populaire de l'art brut par le fait qu'il est d'essence avant tout collective. C'est un langage reconnu par une communauté particulière celle des gens du commun, ouvriers, paysans, artisans. Au sein de ce corpus se détachent cependant des oeuvres parfois insolites, surtout du côté des objets curieux, de patience, que les brocanteurs spécialisés ont tendance ces temps-ci sous l'influence de la recherche d'art brut peut-être à mettre de plus en plus en vitrine. Les objets les plus singuliers de l'art populaire, la plupart du temps anonymes, du fait de cet anonymat, de leur statut d'orphelins de l'art, et aussi parce qu'ils n'ont pas été forcément en rupture vis-à-vis de la communauté populaire au sein de laquelle ils ont été produits, irradient d'une très grande force aujourd'hui. Ce sont comme des oeuvres d'art brut avant la lettre, qui auraient le pouvoir d'être communicantes, elles.
Collection Michel Boudin, détail d'un cadre de miroir ciselé, art populaire, Adam et Eve, Dieu le père sont représentés ; ph.Bruno Montpied, 2008
Collection Michel Boudin, porte-montre sculpté, photo BM, 2009
22:18 Publié dans Lexique et définitions des arts populaires | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : art populaire rural, lexique des arts populaires, michel boudin, épis de faîtage, girouettes, ex-voto, art populaire militaire, porte-montres, miroirs, art populaire insolite, objets de patience | Imprimer
10/02/2011
Les idioties d'Anne Marbrun, un nouveau blog
Pour nous changer des blogs d'art brut et consorts, avec leurs petites jalousies et autres vieilles haines recuites, claironnons l'apparition d'un blog de plus, qui apporte fraîcheur, et "idiotie" ambiguë (qui vaut mieux que l'idiotie de l'art en friche), celui d'Anne Marbrun. Je le joins dès aujourd'hui à mes doux liens.
Créé en début d'année, ce blog (dont l'apparente idiotie renvoie bien sûr au départ aux mots de Rimbaud, dans Une Saison en enfer, voir ci-dessous la citation exacte) s'efforcera, dixit l'auteur, "de ne dire que des idioties, de ne peindre que des idioties, de n'écrire que des idioties". Vaste programme.
Anne Marbrun, L'insomnie des moutons
Ajoutons que l'auteur s'est illustré en publiant un certain nombre de plaquettes et livres (Casus belli et La nuit, ça va, aux éditions Myrddin ; La traversée et la tache aux éditions L'Escampette ; La petite, à L'Oie de Cravan -réédition de la plaquette parue chez La Fée verte ; et Le sang des cerises, aux éditions Lucien Souny).
La citation de Rimbaud: "J'aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires ; la littérature démodée, latin d'église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l'enfance, opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs". Extrait d'Alchimie du verbe, dans Une Saison en enfer, (1873).
10:42 Publié dans Art inclassable, Littérature, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anne marbrun, peintures idiotes, blogs, poésie contemporaine, surréalisme contemporain, arthur rimbaud | Imprimer
08/02/2011
Dictionnaire du Poignard Subtil
06:04 Publié dans DICTIONNAIRE DE CITATIONS DU POIGNARD SUBTIL | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : rhinocéros, jean zéboulon, aphorismes, musée de la chasse et de la nature, trophées de chasse, ongulés | Imprimer
06/02/2011
Franck Montardier, à la fois déroutant et familier
Laurent Jacquy m'informe d'une exposition mystérieuse qui va bientôt s'achever à l'espace d'exposition le Safran à Amiens. Elle a ouvert le 7 janvier dernier et se termine le 11 février prochain. J'ai tardé à la répercuter sur ce blog. Mais tout n'est pas perdu, on la reverra du 14 mars au 15 avril 2011 à la galerie des Beaux-Arts d'Abbeville (18, rue des Capucins, tél: 03.22.24.41.15 ; le lieu dépend de l'école municipale des Beaux-Arts de la Communauté de Communes de l'Abbevillois).
Mystérieuse? Oui, un peu, car j'ai l'impression que le peintre présenté, Franck Montardier, n'est guère connu, en dehors de la Picardie, et que les rares images visibles de son travail s'apparentent à des sortes d'esquisses jetées à la diable sur des supports de fortune, loin de toute volonté esthétisante, tant paraît pressante la nécessité de dire quelque chose avec des dessins, des traces colorées que l'on n'estime pas utile d'insérer dans une composition... Comme si l'on voulait en priorité fixer des empreintes brutes des sensations vécues.
Franck Montardier, Figures, visages, acrylique sur toile
Un dossier de presse était joint à l'information de l'expo, confirmant le peu de sacralisation du créateur vis-à-vis des matériaux de sa quête: "Planches trouvées, plaques d'aggloméré, cartons, toiles ou chiffons sont autant de supports possibles pour déployer une imagerie à la fois familière et déroutante". Ce dossier comporte d'autres remarques qui m'ont titillé. "Franck Montardier n'a aucune référence historique et ne s'inscrit dans aucune école ou filiation artistique. Il ne se reconnaît pas non plus comme artiste ni même peintre et n'a aucune ambition artistique". Il ne se reconnait pas comme artiste, il crée avant toute chose dans un état d'urgence. L'oeuvre, nous dit-on (je n'ai vu que quelques pauvres reproductions, ce qui ne m'embarrasse nullement pour annoncer d'avance le probable intérêt que l'on doit pouvoir éprouver à la rencontre d'une telle production, étant donné les signaux envoyés), se déploie du côté des portraits, des saynètes, des paysages, s'attardant par moment sur le thème des bateaux, qui a notre agrément (et même notre agréement) sur ce blog... Il semble bien que les travaux de ce monsieur ressemblent en définitive à une sorte de carnet de ses voyages intérieurs, centré avant tout sur le désir de capter des bribes de la vie telle qu'elle va, bien plus que sur le fait de bâtir une oeuvre esthétique. C'est le genre de démarche qui a bien sûr toutes les chances de nous captiver, au Poignard subtil.
19:59 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : franck montardier, le safran à amiens, laurent jacquy, art immédiat, art spontané, art brut, bateaux | Imprimer
29/01/2011
Info-Miettes (11)
Disparition de René-François Gregogna
Gregogna a quitté cette vallée de larmes le 17 janvier dernier dans sa 85e année. J'ai eu l'occasion de parler ici du film qui lui avait été consacré par Anne Desanlis (disponible aujourd'hui en DVD). Tous ceux qui voudraient ne pas le perdre complètement sont invités à le revoir. Pour les autres, ce sera l'occasion de découvrir un créateur marginal haut en couleur, d'une élégance physique hors du commun, qui eut une grande influence sur les artistes de la Figuration dite Libre du côté de Sète et Pézenas. Et qui, ce que l'on sait moins, avait été dans sa jeunesse durablement marqué par la rencontre avec un inspiré du bord des routes des années 30, Alphonse Gurlhie (on voit des oeuvres de ce dernier dans le Violons d'Ingres de Jacques Brunius, doc de 1939). J'avais eu le temps, lors du passage de René-François à Paris pour l'avant-première du film d'Anne Desanlis, de l'interviewer au sujet de Gurlhie et autres.
Bernard Thomas-Roudeix, de la toile à la terre, et au Sel
Au fil du temps, j'aime à contempler les travaux de Thomas-Roudeix, avec un plaisir qui s'affirme toujours davantage. Il travaille la céramique émaillée et l'acrylique en peinture. Et voici l'occasion de découvrir le fruit de cinquante années de travail dans un Espace appelé la Galerie du Sel, installé 47, Grande Rue à Sèvres.
On dit de lui dans le carton d'invitation à cette prochaine expo (du 3 février au 6 mars) qu'il "a choisi le corps humain comme support principal de son art". "Impossibilité de communiquer, difformités, souffrances: l'homme est pour lui un vaste champ d'expériences et de possibilités d'expression". Il semblerait que parmi les influences qu'il revendique, on trouve Bacon. Il marche en effet sur ses traces, notamment en explorant une palette chromatique extrêmement raffinée et sensible. Et sans que son dessin se complaise dans la représentation de corps déchirés ou avilis qui sont parfois si en faveur chez d'autres peintres contemporains qui ne se lassent jamais de montrer les plaies et les chancres, les postures abaissantes.
Petit Pierre, pièce de théâtre pour la jeunesse par Suzanne Lebeau
Après André Robillard, Aloïse et autres créateurs d'art brut (dont les écrits, par exemple, ont aussi inspiré des dramaturges, que l'on se souvienne de la pièce de Patricia Allio jouée naguère un peu partout), voici que le théâtre s'attaque (façon de parler bien sûr) à Pierre Avezard (1909-1992), le créateur du célèbre manège automatisé en fils de fer et autres matériaux recyclés anciennement situé à la Fay-aux-Loges dans le Loiret et remonté par la suite dans le Parc de la Fabuloserie à Dicy dans l'Yonne.
C'est au Théâtre de l'Est Parisien que cela se joue du 18 janvier au 5 février (pressez-vous!). Le fait que la pièce ait été classée et aussi écrite dans la perspective d'un théâtre pour la jeunesse est sûrement à mettre en lien avec l'édition pas très lointaine de l'album documentaire de Michel Piquemal et Merlin, le manège de Petit Pierre aux éditions Albin Michel jeunesse (en 2005). A ma connaissance, c'est la première fois qu'une pièce de théâtre pour la jeunesse choisit de camper l'oeuvre et l'existence d'un créateur brut devant des enfants.
L'univers enchanteur d'Anselme Boix-Vives
Est-ce la simultanéité de la magnifique nouvelle exposition qui vient de commencer à la Halle Saint-Pierre (Sous le vent de l'Art brut, collection Charlotte Zander, du 17 janvier au 26 août 2011, Paris), où l'on peut voir entre autres merveilles, à l'étage quelques oeuvres d'Anselme Boix-Vives, est-ce cette présentation qui a donné l'occasion aux responsables de la galerie Alain Margaron de ressortir de leurs cartons d'autres oeuvres de cet ancien vendeur de primeurs? On pourrait le penser.
Boix-Vives, Mariage des deux races ou Grand Mariage jaune, ripolin sur carton, 80 x 108 cm, 1965, ph. A. Ricci ; carton d'invitation à la Galerie Margaron
Eh bien, tant mieux puisque cela nous donne la possibilité de découvrir quelques nouvelles plumes de sa gerbe de 2400 peintures et dessins, ayant constitué, paraît-il, aux yeux du créateur, "son paradis sur Terre" (extrait du catalogue de la Halle Saint-Pierre).
Galerie Alain Margaron, 5, rue du Perche, 75003 Paris. Exposition jusqu'au 26 février 2011.
Henriette Zéphir, 50 ans de dictée
On avait remarqué à la Halle Saint-Pierre, il y a quelque temps (une exposition sur le dessin je crois) les dessins "médiumniques" de Mme Henriette Zéphir, née en 1920 dans la région toulousaine, qu'Alain Bouillet cherche à faire reparaître sous la lumière, car on l'avait un peu oubliée cette chère dame, depuis le fascicule n°14 de la Collection de l'Art Brut (1986), où une notice de Jean Dubuffet (de 1966) révélait son existence et ses travaux. Comme si ses dessins, à l'exemple des âmes qu'il lui fallait aider à brasser (vivant "dans les zones grises inférieures ; [il faut] les aider pour qu'elles parviennent à s'élever dans les zones de lumière"), avaient désormais besoin à leur tour d'un autre médium pour leur permettre de se réincarner.
Henriette Zéphir, sans titre, 1965, crayon de couleur et encre de Chine sur papier plastifié, 23 x 32 cm
On pourra contempler de nouveau des dessins de Mme Zéphir (une petite Zemankova à la française?) à la galerie Christian Berst du 4 février au 5 mars prochains. Le soir du vernissage (jeudi 3 février, à 20h précises), on aura aussi la possibilité de visionner un film de Mario Del Curto et Bastien Genoux (avec la collaboration d'Alain Bouillet), d'une quinzaine de minutes sur la même Henriette Zéphir.
18:41 Publié dans Art Brut, Art singulier, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gregogna, petit pierre, fabuloserie, environnements spontanés, art singulier, thomas-roudeix, henriette zéphir | Imprimer
23/01/2011
Carbonisés en goguette, fillette au pantin et autres créatures de Montpied à Bègles à partir du 5 février prochain
La date d'ouverture de ma prochaine exposition au musée de la Création franche (58 ave du Maréchal de Lattre de Tassigny, 33 Bègles) approche. C'est l'occasion de faire un petit rappel, en espérant que les intéressés pas trop éloignés de la région Aquitaine pourront venir à l'inauguration du samedi 5 février à partir de 18h. Et s'ils ne peuvent venir ce jour-là, leur préciser que l'expo durera jusqu'au 20 mars.
BM, Les Carbonisés en goguette, 2010 ; extrait du carton d'invitation à l'expo BM
C'est aussi l'opportunité de mettre en ligne le texte fouillé que Myriam Peignist, rencontrée grâce à ce blog, a eu la gentillesse de consacrer à un de mes dessins présentés dans cette exposition, Les carbonisés en goguette (voir ci-dessus). Je publie ici son texte dans sa version complète (qui a en effet été raccourcie, avec son accord, faute de place dans le carton d'invitation à l'expo ; les blogs sont là pour pallier ce genre de difficultés):
Sur un fond nébuleux de débris nucléaires, une ambiance de grisaille ; peu de place pour un coin de ciel bleu. Le végétal a disparu de cet anima mundi de rescapés saugrenus entassés. Comme une crête hérissée sur un front avantageux qui lorgne le ballet des hybrides, un peigne blanc aux dents irrégulières s’érige pour recoiffer l’air filandreux. Lambeau rouge, seul dressé, s’effiloche dans un vent blanchi, jouant avec les rebords de la feuille en déchirure. La mascotte des goguettiers serait-elle visière noire ? En contours irréguliers et frétillants, c’est bien la couleur charbon qui donne relief à la scène.
Dégoulinant, saturé et touffu, l’univers de Bruno Montpied se précipite et s’extravase vers le bas de la feuille en joyeuse dégringolade, se jouant du rase-mottes. L’insurrection s’y fait à l’envers, brouteuse, dévalant la feuille en cascade, s’agglutinant jusqu’à tâter cette terre devenue poussière cendreuse. Pas question de s’y enliser.
Le ton broussailleux est donné : tandis que l’étrange pèlerin courbé et bosselé, traînant sa trace gluante et fumeuse de cramoisi, raconte au grand cornu son épopée, la cadence du bal est lancée. Sous lui s’amoncelle une palissade crâneuse de formes concassées, en grappe de grelots. Sur les restes de la catastrophe, la danse des « carbonisés en goguettes » est à la bousculade espiègle, mais impossible de s’y marcher sur les pieds. Ça swingue sur les ruines d’un camp dévasté.
Bruno Montpied invente la danse Carambole : la troupe des Gouailleurs est entraînée dans une parade de frottis frotta, à la cadence d’un pousse-toi pousse-moi. Les créatures de Montpied ont de drôles de mines, forment un cénacle déjanté qui se taquine.
On ne peut pas dire que ce monde-ci soit « sans queue ni tête » puisque paraissent s’y enchevêtrer les « tête à queues ». Pas de mains, peu de pieds, ni entrechats, mais des nez à nez d’amputés drolatiques, des yeux globuleux, des crocs à crocs de dents noires, des langues lécheuses fourchues flairant les échancrures.
S’y côtoie un monticule de difformités sous le regard bienveillant d’un personnage maquillé à la clown, sourcils rouges, les yeux cernés. Avec son bras d’écailles, sa chevelure d’un brun épais, son châle à pois roses sur son corps tronqué, il-elle s’attendrit devant le bal, dentition écarquillée. Un demi moustachu balafré par le rebord du papier pointe sa bacchante effilée, curieux d’entrer dans la danse : s’y entreprennent en enfilade, une méduse froufrouteuse, des défroqués, et autres décolletés en jabot. Des hiéroglyphes d’un bleu limpide, semblent indiquer le message d’un mystérieux patrin (1). Le papier déchiré et granuleux joue entre cadre comprimé et échappée hors cadre.
La moutarde monte au nez, les carbonisés partent en dérive et cavalcades comme s’il sortaient de le feuille en courant.
Myriam Peignist
(1) Le patrin est le code secret des tsiganes (une sorte d’alphabet) qui leur permet de communiquer visuellement (de patran : feuille d’arbre), ce sont des signes très simples qu’ils laissent après leur passage.
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Au même moment, autre rappel, se tiendra au rez-de-chaussée du même musée une exposition d'une centaine d'oeuvres de Jean-Louis Cerisier. L'inauguration de son expo se déroulera en parallèle avec la mienne.
15:06 Publié dans Art singulier | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : bruno montpied, myriam peignist, création franche, art singulier, jean-louis cerisier, patrin | Imprimer
18/01/2011
Voeux singuliers
Je ne cache pas que les voeux de nouvel an me laissent passablement dubitatif. Certes, je n'en veux pas à ceux qui me disent bonjour chaque fois qu'on se croise pour la première fois dans une journée. Après tout, on pourrait voir les voeux de nouvel an comme une salutation spécifique pour la première fois de l'année. Ah bonjour, vous êtes encore là? (Car c'est peut-être ce qui est sous-entendu par "Bonne année, bonne santé"...?). Ceux qui meurent dans l'année qui suit avaient d'abord essuyé en début d'année les voeux de leur semblables leur souhaitant de vivre une bonne année, la vraie poisse en somme. Est-ce à cela qu'a pensé Laurent Jacquy en publiant ces temps-ci, à l'enseigne des Beaux Dimanches, Avec par ordre de disparition, Répertoire 2010 des Macchabées Célèbres, tomes 1 et 2 ?
Les Beaux Dimanches, Laurent Jacquy, beauxdimanches@orange.fr ; ci-dessus, la chronologie macabre est tirée du tome 2 de cette mini publication
Laurent Jacquy, extrait du Tome 1 du Répertoire 2010 des Macchabées Célèbres
Extrait du Tome 2
C'est pourquoi ma préférence, plus qu'aux simples voeux formulés plus ou moins machinalement, va aux oeuvrettes qui prennent prétexte de ces voeux pour pouvoir déployer une autre facette du talent de leurs auteurs, cartes postales spécialement éditées pour l'occasion avec quelque chose de singulier dans leurs atours, voire oeuvres graphiques ou autres spécialement conçues pour l'occasion, parfois variantes de l'art postal.
Joseph Donadello, dont je parle sur ce blog et qui sera au sommaire de mon prochain livre sur les Jardins Anarchiques, a édité une carte de voeux luxueuse où on le découvre paraissant attendre avec bienveillance le chaland occasionnel. Derrière et autour de lui sont ses coupes glanées aux champs de bataille des boulistes et ses peintures naïvo-bruto-singulières qui sont une des autres facettes de son talent, à côté des sculptures qu'il dissémine dans son jardin. Je crois savoir que ses peintures sont à vendre.
De leur côté, le musée des Amoureux d'Angélique (alias l'association Geppetto, alias Martine et Pierre-Louis Boudra, dans le village du Carla-Bayle en Ariège) ont sorti une carte où sont réunis une pièce sculptée de Roger Beaudet (représentant le couple Boudra) et un arbre couvert d'oiseaux naïfs qui serait dû à "un vagabond russe" croisé du côté de Villemur-sur-Tarn.
Mais la palme de la création la plus délicieuse revient pour moi sans conteste au binôme Géha + Pierre Albasser qui m'ont envoyé au croisement des deux années le cadavre exquis ci-dessous, intitulé Bi:
Geha et Pierre Albasser, Cadavre exquis, 2010
16/01/2011
Lundi 17 janvier, Recoins sur Aligre FM
J'ai oublié... Demain a lieu une réunion au sommet de votre serviteur avec Emmanuel Boussuge, et Cosmo Hélectra, assisté de ses camarades de l'émission Songs of Praise sur Aligre FM (93.1), pour causer du dernier numéro 4 de Recoins. L'émission se tient de 19h30 à 21h, tous les lundis (elle peut être réécoutée par la suite sur le site d'Aligre FM). On va pouvoir entendre la musique dont nous parle Emmanuel et ses amis de la revue (Franck Fiat, Bastien Contraire, etc.) un peu plus concrètement qu'en lisant les pages de cette stimulante et attachante revue, où j'ai publié pour ma part en pré-publication un article sur Pierre et Yvette Darcel, qui se retrouvera dans mon livre, L'Eloge des Jardins Anarchiques.
(L'émission peut être écoutée en suivant ce lien vers un téléchargement: http://songsofpraise.hautetfort.com/)
A noter aussi que la situation financière de cette radio associative est actuellement "au plus mal" pour citer les mots de Cosmo, "mettant en péril son avenir". Si vous pensez qu'il faut soutenir cette radio, faisant partie des lieux d'expression alternatifs qui nous sont précieux face aux grands médias décervelants, envoyez donc un chèque de soutien à Aligre FM, 42, rue de Montreuil, 75011 Paris.
Photo Emmanuel Boussuge, 2010
09/01/2011
L'Eloge des Jardins Anarchiques, le livre de Bruno Montpied sort en mars
1ère et 4ème de couverture du livre L'Eloge des Jardins Anarchiques, éditions de L'Insomniaque, avec les rabats déployés (dernière maquette établie au moment où j'écris ces lignes)
Il y a le film, Bricoleurs de Paradis, qui sort bientôt à la télévision, mais il y aura aussi dans un peu plus de temps, quand le méchant hiver sera balayé par les giboulées, et que les bourgeons reviendront, L'Eloge des Jardins Anarchiques, publié par votre serviteur aux Editions de l'Insomniaque en mars. Les deux se complètent, et c'est pourquoi on retrouvera le film en DVD sous les rabats du livre.
Voir l'avis de souscription (pour acquérir ce livre avec une réduction) au bas de cette note
Il s'est agi de rassembler un certain nombre d'articles anciens en les joignant à de nouveaux rédigés spécialement pour l'occasion. Les articles anciens ont été remaniés, pourvus de notes concernant quelques mises à jour d'information. La réédition de ces textes était souhaitée par moi depuis longtemps car ils avaient fait l'objet de publications dans des revues ou des livres restés en diffusion passablement confidentielle (Plein Chant, Création Franche, les premiers numéros de Raw Vision, Réfractions, Le Monde Libertaire, L'oeuvre énigmatique de François Michaud, Recoins...), quand ils n'avaient pas été raccourcis par les tribunes qui les avaient accueillies (Artension, 2ème série, pour Les Inspirés qui expirent, titre qui devint Voués à la destruction). Le projet parallèle de film avec Remy Ricordeau me permit de découvrir d'autres sites pour lesquels de nouveaux articles s'imposaient, sur Bohdan Litnianski, les vestiges du jardin d'Emile Taugourdeau, ou sur le jardin de moulins multicolores d'André Pailloux, par exemple. Par manque de place, j'ai été amené à regrouper un certain nombre de notices sur des sites pressentis pour être incorporés au film et qui ne furent pas toujours gardés au montage final (sur Alexis Le Breton, Bernard Roux, la maison "tricotée" de Madame C., André Hardy, André Gourlet, Léon Evangélaire, Joseph Meyer, Michele et Concetta Sassano, Remy Callot, etc.). J'en profitais aussi pour prolonger certains articles anciens en les incorporant dans une mise à jour étendue (La Dynastie des Montégudet, rare cas de prolongement du travail d'un créateur par son fils).
René Montégudet sur son crocodile (fils de Ludovic, dont des photos du site qu'il avait créé furent exposées aux Singuliers de l'Art en 1978 à Paris), ph. Bruno Montpied, 2009
Il doit bien y avoir une trentaine de sites évoqués avec une certaine ampleur dans ce livre. Mais si l'on se réfère à l'index que j'ai ajouté au bout du livre, uniquement consacré à l'indexation des noms des créateurs cités à un moment donné de l'ouvrage, on atteint plus de 90 sites mentionnés, avec leur localisation (ou non!), leur état actuel (dans la mesure où j'ai toujours l'information à ce sujet), les lieux qui les conservent en partie.... Une bibliographie passablement épaisse, et pas assez exhaustive à mon goût (mais il a bien fallu que je me réfrène), complète je pense utilement l'ensemble, à l'usage des chercheurs et des amateurs qui sont toujours attentifs à la mémoire de ces créateurs et des médiateurs qui ont aidé à les faire connaître.
Le problème de la médiation est un problème délicat. On a affaire en l'espèce - il faut sans cesse le rappeler - à des créateurs qui agissent au sein de propriétés privées, avec, certes, à l'évidence, le besoin de montrer leurs réalisations depuis la rue ou la route qui passe devant chez eux. Parfois même, le jardin de ces gens ressemble à une galerie en plein air (exemple de Joseph Donadello, que j'ai évoqué sur ce blog, note qui a été développé pour les besoins du livre d'ailleurs).
Monsieur C., site en Normandie, détail d'une photo plus large de BM, 2010
Il n'en reste pas moins que ces créateurs aiment montrer leurs "oeuvres" (mot qui les gêne) dans un cadre qui reste de l'ordre de l'environnement plus ou moins immédiat. Les relais sur l'information concernant leur existence, par des média plus ou moins puissants (du petit passionné dans mon genre, jusqu'à la télévision régionale, voire nationale, en passant par la presse régionale) les dépassent généralement, même si ici ou là certains se montrent un peu mégalomanes. La méfiance est même souvent au rendez-vous avec parfois des récriminations concernant une possible exploitation de leurs travaux par les photographes de passage, ou les cinéastes comme ceux de l'équipe à laquelle j'ai collaboré (j'en profite pour dire que jusqu'à présent, dans notre cas, ces profits sont restés largement imaginaires! Si les techniciens sont payés dans ce pays, les auteurs ne sont pas souvent servis à la même enseigne...).
Panneau chez Joseph Donadello, Saiguèdes, Haute-Garonne, ph. BM, 2008
Les créateurs ne sont donc pas toujours bien conscients de ce qui peut arriver par ce long ruban routier dont ils attendent des regards, mais quels regards au juste? Je pense personnellement qu'ils les souhaitent discrets, bien élevés, respectueux. Les gros sabots des médias de ce point de vue pourraient leur causer du tort. Soyons-en conscients à leur place...
Alexis Le Breton, L'Art sacré..., parc de "la Seigneurie de la Mare au Poivre", Locqueltas, Morbihan, ph. BM, 2010
A-t-on affaire à de l'art? Oui, si on entend ce terme dans son acception liée au seul façonnage, à la seule mise en forme. Mais non, si on rappelle que l'art c'est aussi un mode social de production, un discours théorique, une histoire, un marché surtout, une vision d'une certaine pérennité de l'oeuvre produite. Mon livre, et le film aussi bien, évoquent l'aspect extrêmement éphémère de ces créations de plein vent, ce qui me fait les ranger sous le terme "d'art immédiat" (art de l'immédiat), et les problèmes de conservation qui découlent inévitablement de leur façon d'être créées (le problème est fort apparent dans le film lorsqu'est interrogé Claude Vasseur, le fils de Robert, qui se débat actuellement dans des difficultés quasi inextricables pour tenter de sauver le jardin de mosaïque de son père ; ce genre de problème est tellement aigu qu'on ne peut s'en tirer en traitant tous ceux qui prennent parti pour l'éphèmère "d'imbéciles", d'ignorants, etc, comme c'est le cas sur certains sites se présentant en champions exclusifs de la conservation de ces sites).
Chez Robert Vasseur, photo Remy Ricordeau, 2008
Rendez-vous donc en mars, et le 3 avril plus physiquement parlant, à la Halle Saint-Pierre en début d'après-midi, un dimanche, pour la signature du livre et la présentation du film. En attendant, veuillez prendre connaissance de l'avis de souscription du livre (soit en PDF en cliquant sur le lien de l'avis ci-dessus, soit en imprimant l'image en faible résolution ci-dessous).
Les Editions de L'Insomniaque: 43, rue de Stalingrad, 93100 Monteuil-sous-Bois, Tél: 01 48 59 65 42. insomniaqueediteur@free.fr et le site web: www.insomniaqueediteur.org. Pour les libraires qui souhaitent vendre le livre, il faut s'adresser au diffuseur Court-Circuit Diffusion.
15:11 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Environnements populaires spontanés, Napoléon et l'art populaire, Photographie, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (61) | Tags : bruno montpied, éloge des jardins anarchiques, l'insomniaque, bricoleurs de paradis, environnements spontanés, habitants-paysagistes naïfs, inspirés du bord des routes, art brut, art immédiat, bohdan litnianski, léon évangélaire, émile taugourdeau, alexis le breton, andré pailloux, ludovic montégudet, joseph donadello | Imprimer
07/01/2011
"Bricoleurs de Paradis", le film où gazouillent les éléphants
Rabat du livre L'Eloge des Jardins Anarchiques de Bruno Montpied (à paraître en mars aux Editions de l'Insomniaque), évoquant le film Bricoleurs de Paradis (le Gazouillis des Eléphants) dont le DVD sera joint au livre
Alors, c'est parti pour le passage prochain en télévision du film de Remy Ricordeau, co-écrit avec votre serviteur, Bruno Montpied. Cela s'appelle "Bricoleurs de Paradis", c'est produit par la maison Temps Noir, et cela sera visible pour les habitants de Normandie, le samedi 15 janvier à 15h30. De quoi est-ce que cela parle? Des environnement spontanés, des habitants-paysagistes, de l'art brut, des inspirés du bord des routes, des outsiders... Un des personnages du film, et pas l'un des moindres tant est peu commune sa réalisation dans le lopin de terre qui s'étend entre la rue et sa maison en Vendée, répond à ces appellations qui le dépassent: et si je n'étais qu'un original?
André Pailloux, un détail de son site, une des découvertes inédites du film (et du livre L'Eloge des Jardins Anarchiques), photo Bruno Montpied, 2010
C'est l'homme du peu commun qui s'exprime ainsi, et peut-être le mot même "d'exprimer" est de trop. Car, au fur et à mesure du tournage et de la réalisation de notre projet, ce qui finit par revenir comme un leitmotiv fut que les inhabituels créateurs que nous visitions à travers la France (du Nord à la Normandie, des Pays de Loire à la Bretagne) avait décidément du mal à trouver des mots pour décrire leur travail, à répondre à nos questions qui les dérangeaient, et qui les déstabilisaient souvent (parfois à cause de leur âge aussi). On venait taper dans la fourmilière de leur inspiration, on ne les avait pas prévenus, ils n'étaient pas prêts, certains - comme Arthur Vanabelle - avaient entendu d'autres intervieweurs leur parler "d'art brut", alors ils nous resservaient la soupe, ils croyaient nous donner ce qu'ils pensaient que nous voulions entendre...
L'équipe du film Bricoleurs de Paradis chezArthur Vanabelle; Remy Ricordeau, Stéphane Kayler, Pierre Maïllis-Laval, ph. BM, juin 2010
Ce film est ainsi, il y eut un projet (cela fait plus de deux ans qu'il a été projeté, c'est incroyable comme c'est long la réalisation de quelque projet que ce soit), on sentait bien que cela pourrait ressembler à une sorte d'enquête à travers le territoire français, comme un road-movie, disait Remy depuis le début, lui qui avait été passablement impressionné au début par les Glaneurs et la Glaneuse d'Agnès Varda (où l'on aperçoit un des sites que l'on retrouve dans notre film, celui de Bohdan Litnianski). Une enquête non pas policière mais plutôt une quête. Sur ces créateurs des bas-côtés, à tous les sens du terme, qui dressent sous le ciel de nos paysages uniformisés, leurs splendides lubies expressives, naïves ou brutes, faites avec "deux fois rien" (Arthur Vanabelle), des mosaïques, des statues, des empilements de matériaux de rebut, des reproductions de canons anti-aériens, des rochers sculptés, des moulinets multicolores, la quête, en cherchant à capturer quelque chose de la poésie spontanée, évanescente, de ces inspirations fantasques, débusqua sans crier gare de nouveaux environnements inconnus de très belles apparence et qualité. Le film permet ainsi de découvrir au moins trois sites nouveaux de première importance jamais vus au cinéma (et ailleurs): ceux d'André Pailloux, d'Alexis Le Breton (la seigneurie de la Mare au Poivre, dont j'ai déjà parlé ici), et la maison extraordinairement décorée d'une dentelle de plâtre et papier mâché de Madame C.
Aux rochers sculptés de Rothéneuf sculptés voici cent ans par l'abbé Fouré
Est-ce de l'art? La question voletait sans cesse au-dessus de nos têtes.Bien sûr, répondit Savine Faupin dans l'interview que je fis d'elle dans le chantier du LaM en juin 2010 (on trouvera cette interview dans les bonus du DVD du film, voir une prochaine information à ce sujet sur ce blog), c'est de l'art, quoique modeste. Vanabelle, qui est très sollicité par les gens d'association et de musée qui voudraient préserver ce qui peut l'être de son environnement étonnant et mémorable, dit "on est tous un artiste, non?" (il sait prendre la casaque qu'on lui tend...). Pierre Darcel en Bretagne dit que ce qu'il fait est plus vivant que ce que l'on trouve dans les musées (Vanabelle aussi dit cela, Picasso c'est pas si fameux...). André Gourlet dans le Morbihan se verrait bien dans un musée, pourquoi pas, mais André Pailloux, lui, trouverait que c'est bien de l'orgueil que de parler d'oeuvre à son sujet... On dirait bien que nos héros oscillent entre modestie et ambition démesurée parfois. Mais on pense finalement, et on le dit en conclusion du film, que si ces messieurs n'arrivent pas tout à fait à se situer face à ce monde de l'art (qui n'a au fond vraiment rien à voir avec cette création immédiate), c'est qu'ils vont bien plus loin, dans un monde où la séparation entre art et vie quotidienne n'existe plus. Un monde où l'on parvient parfois à entendre, comme dans la Seigneurie de la Mare au Poivre d'Alexis Le Breton (Morbihan), "gazouiller les éléphants"...
André Hardy, éléphant dans son jardin à Saint-Quentin-les-Chardonnets (propriété privée), ph. Remy Ricordeau, 2008
Le documentaire Bricoleurs de Paradis sera diffusé a priori surtout sur FR3 régions (Normandie, Pays de Loire, Bretagne, peut-être Nord), mais aussi sur la chaîne Planète. Il sera également présenté le dimanche 3 avril 2011, à 14h, dans l'auditorium de la Halle Saint-Pierre, rue Ronsard dans le XVIIIe ardt à Paris.
00:42 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Cinéma et arts (notamment populaires), Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : bricoleurs de paradis, l'éloge des jardins anarchiques, remy ricordeau, bruno montpied, cinéma et environnements spontanés, environnements spontanés, habitants-paysagistes, andré pailloux, andré gourlet, arthur vanabelle, alexis le breton, pierre darcel, andré hardy, savine faupin | Imprimer
06/01/2011
50 mètres...
21:15 Publié dans Inscriptions mémorables ou drôlatiques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ernest lamort, inscriptions drolatiques, discoglosse | Imprimer
02/01/2011
Les Chapardeurs, une petite saga bien inspirée adaptée une seconde fois au cinéma
Mercredi 12 janvier prochain sort sur les écrans - ô surprise - un nouveau film, Arriety et le petit monde des chapardeurs, de Hiromasa Yonebayashi, manga animé produit par les studios Ghibli (de l'extraordinaire Hayao Miyazaki, et de son compère Isao Takahata), et adapté du cycle de Mary Norton, intitulé en anglais The Borrowers, ce qui fut traduit en français lorsque l'Ecole des Loisirs l'édita en version française, par Les Chapardeurs.
J'adore ce petit monde des chapardeurs (en fait en anglais, borrowers se rapprocherait davantage "d'emprunteurs" comme dit la traductrice du livre en français, c'est le sens que ces minuscules personnages attachent à leurs larcins, même si ce qu'ils font en réalité, c'est du chapardage aux dépens des "Z'umains", comme ils sont appelés au cinéma). J'ai eu du mal à me procurer des exemplaires de ces livres édités pour la première fois dans "la bibliothèque de l'Ecole des Loisirs" en 1979. Il y a eu cinq volumes, successivement Les Chapardeurs, Les Chapardeurs aux champs, Les Chapardeurs sur l'eau, Les Chapardeurs en ballon et enfin Les Chapardeurs sauvés (1984). Il existe aussi, toujours en français, Un Chapardeur a disparu, "une petite histoire apparentée au grand cycle en cinq volumes des Chapardeurs", comme l'indique le texte de son 4e de couverture, sorte de rallonge donnée pour un public de plus petits. Dans ce petit texte, Mary Norton évoque assez bien la particularité de ces avatars des lutins (en somme), quoique nettement plus humains que ces derniers:
"Mais où donc disparaissent toutes les aiguilles? Et les punaises, les boîtes d'allumettes, les barrettes, les dés à coudre, les épingles anglaises? Les usines continuent à fabriquer des épingles anglaises, les gens continuent à en acheter et pourtant elles sont toujours introuvables le jour où nous en cherchons! Où passent-elles donc? Maintenant, à cette minute même?
Elles ne peuvent pas tout simplement traîner dans la maison. Qui les prend et pourquoi? Nous commençons à comprendre que quelque chose ou quelqu'un doit vivre tout prés de nous, sous le même toit, quelque chose ou quelqu'un avec des goûts humains, des besoins humains, quelque chose ou quelqu'un de très secret, très caché - sous les parquets, peut-être, ou derrière les plinthes. Tout petit, bien sûr, cela va de soi, et très occupé, toujours improvisant et toujous fabriquant quelque chose avec quatre fois rien.
Et courageux - ils doivent être très téméraires pour s'aventurer dans les grandes pièces des humains (aussi dangereuses pour eux que pour les souris) en quête du nécessaire pour survivre. Qui pourrait leur reprocher le bout de crayon perdu, la vieille capsule, le timbre périmé ou le reste d'une tranche de fromage? Non (il faut de tout pour faire un monde, à ce qu'on dit) et nous devrions accepter leur présence cachée et les laisser gentiment vivre leur vie. Les enfants les appellent Les Chapardeurs". (Mary Norton, Introduction Un chapardeur a disparu).
Illustration de Diana Stanley pour Les Chapardeurs aux champs
Sur les cinq volumes, je n'en ai trouvé que trois jusqu'à présent. Ils se dévorent, et sont si "british"... J'ai cru à un moment donné, lorsque sortit une première adaptation des Borrowers au cinéma (Le Petit Monde des Borrowers de Peter Hewitt, 1996 ; excellent film à petit buget, bien mené, aux trucages crédibles, avec ce désopilant acteur qu'est John Goodman, film qui plus est continuellement plébiscité par les enfants qui le visionnent, alors qu'aucune publicité ne lui est faite dans les grands médias) que l'Ecole des Loisirs allait le rééditer, que nenni... Cela arrivera peut-être cette fois, la renommée et l'audimat attachés aux délicieuses productions des Studio Ghibli captant davantage l'attention des éditeurs? Les fans de ces studios - j'en suis, collectionnant tout ce qui en sort, depuis que de bons amis, sensiblement aussi âgés que moi, aussi loin de l'enfance que moi en tout cas, m'eurent fait découvrir l'univers enchanteur de Miyazaki (Mon Voisin Totoro, Le Voyage de Chihiro, Le Château Ambulant...)! - les fans sont aux anges de voir que ces créateurs venus du Soleil Levant ont le même goût qu'eux pour les Chapardeurs, dont ils sont tout autant fans (cela dit, dans le monde anglo-saxon, auquel semblent être très attentifs les animateurs des Studios Ghibli, les Borrowers sont sans doute plus notoires que par chez nous ; car je me demande s'il y a beaucoup de connaisseurs des Chapardeurs en France...?). La rencontre des deux univers promet beaucoup. Espérons qu'il n'y ait pas de faux pas (la musique un peu lénifiante de la bande-son, due à une Française, Cécile Corbel, qui fait dans le celtique éthéré-gonflant pourrait en effet nous le faire craindre, mais chut... Ne jouons pas les Cassandre).
18:57 Publié dans Littérature jeunesse | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : arietty, le petit monde des chapardeurs, les chapardeurs, the borrowers de mary norton, studios ghibli, manga, littérature jeunesse, peter hewitt | Imprimer
01/01/2011
Sauve-toi, Petit Poucet...
Bruno Montpied, Cherchant le Petit Poucet, 24 x 17 cm, 1.1.11
Il a le physique d'un ours vraiment mal léché. D'ailleurs, à propos de lèche, vous avez vu sa langue? Il en goutte des grains de poussière qui vont s'accumuler en un gros tas poudreux devant ses pieds. L'estomac proéminent, il s'avance d'un pas lourd à la recherche de celui dont il veut se venger, depuis qu'on lui a fait une mauvaise, une très mauvaise farce. Sa main gauche tient, au bout d'un bras démesuré, ballottant comme une chiffe molle, une petite hache. Ses hardes peu soignées, roussies à force d'être restées tant de fois trop prés des âtres, flottent au vent, on dirait une vague robe de chambre, il ne porte plus ses bottes habituelles qui lui faisaient gagner tellement de temps (c'est d'ailleurs pour cette raison que son corps a pris du poids, ne faisant plus les efforts dont le dispensaient ses bottes magiques). Il avance d'un pas lourd, des petites bêtes lui mordillent les chevilles pour tenter de le ralentir davantage. Le Petit Poucet est déjà loin. Il ne paraît pas pouvoir s'en rendre compte, car son crâne n'a pas eu la place de lui garantir une loge pour un cerveau suffisamment grand. Le peu qu'il lui reste, par surcroît, goutte de sa langue en particules de poussière. Il va bientôt buter dessus et s'étendre de tout son long, la gueule fendue sur sa propre hache.
22:20 Publié dans Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : bruno montpied, petit poucet, contes et art singulier, art singulier, 1.1.11 | Imprimer
31/12/2010
Voeux...
00:14 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Environnements populaires spontanés, Voeux de bonne année | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : abbé fouré, ermite de rothéneuf, rochers sculptés de rothéneuf, art immédiat, environnements spontanés, habitants-paysagistes, art brut, sites d'art brut, cartes de voeux insolites, art rupestre | Imprimer
28/12/2010
Bruno Montpied bientôt au musée de la Création Franche (lui itou)
Si Jean-Louis expose une centaine de peintures et dessins, je suis resté pour ma part dans des limites plus modestes, une cinquantaine d'oeuvres. Il ne s'agit pas de deux expos en une, mister Jean Granier (merci de votre intérêt), mais plutôt de deux expos personnelles parallèles. Jean-Louis Cerisier est au rez-de-chaussée, et Bruno Montpied, prenant de la hauteur (sans pour autant devenir hautain), est au premier étage du même musée de la Création Franche. Mêmes dates: du 5 février au 20 mars 2011 (inauguration le samedi 5 février).
Bruno Montpied, Inconnu comme le loup blanc, 38 x 46 cm, 2010, technique mixte sur carton entoilé, avec collage de deux moitiés de noyau d'avocat légèrement sculptées
J'exposerai une douzaine de tableaux de format 8 Figure (comme celui que je reproduis ci-dessus), le reste se composant de travaux sur papier, le plus souvent à l'encre et autres techniques mixtes comme on dit. L'ensemble s'efforce d'être varié, les travaux ayant été choisis en fonction de cela et aussi de leurs dates, du plus ancien datant de l'an 2000 jusqu'à cette année, histoire de montrer une partie de ce qui a été produit depuis ma dernière exposition au musée de la Création Franche (en 1998). Les critères de sélection au sein d'une production qui demeure abondante (la plupart du temps en petit format, faute au manque d'espace et de volume de mon logis, et aussi parce que "small is beautiful", qu'en petit on peut plus facilement faire surgir de l'inopiné, alors qu'en grand on se résigne souvent à composer avec l'inspiration, la tuant quelque peu), les critères de sélection sont liés quelquefois au fait que certaines oeuvres qui me satisfont étaient déjà encadrées, et pas assez exhibées à mon gré. Et aussi bien sûr au fait que certaines oeuvres produites plus récemment suscitent mon désir de voir comment les amateurs réagiront devant. Je mets en ligne ci-dessous quelques exemples de ces récentes productions qui seront exposées à Bègles en février-mars prochains:
BM, La fillette au pantin, 35 x 27 cm, 2010, photo de magazine modifiée
BM, La chamane entre en transe par le charleston, 43 x 30, technique mixte sur papier pur chiffon, 2010
BM, Lourd de menaces, 24 x 17 cm, lavis, encre, crayons, et marqueurs sur papier aquarelle, 2010
Régulièrement, je reviens vers les modifications, pour reprendre un terme mis à l'honneur je crois à l'époque des années 1960 par le peintre Asger Jorn, et qui désigne des oeuvres exécutées par-dessus des images trouvées, déjà faites. C'est généralement à des reproductions que je m'attaque, plus rarement à des oeuvres originales (récemment j'ai utilisé des gravures ; il m'est arrivé de repeindre une fois ou deux par-dessus des toiles). Il y aura une catégorie d'oeuvres non représentées dans cette expo ce sont les oeuvres exécutées en collectif, le collectif se limitant le plus souvent au nombre 2. Je ne désespère pas de pouvoir en montrer un jour dans un lieu intéressé par la chose.
17:26 Publié dans Art singulier | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : bruno montpied, art singulier, création franche, modifications | Imprimer
26/12/2010
Jean-Louis Cerisier bientôt au Musée de la Création Franche
J'annonce cette exposition longtemps à l'avance pour le cas où l'on voudrait faire le voyage en réservant un billet à tarif réduit. L'inauguration aura lieu en effet le samedi 5 février, un samedi pour les voyageurs qui viendraient de beaucoup plus loin que Bègles, merci aux organisateurs du musée qui ont eu cette délicate attention.
Jean-Louis Cerisier, Mythologie, 2009
Jean-Louis Cerisier, cela faisait longtemps que je n'avais plus parlé de ses travaux. J'avais même cru à un moment qu'il allait laisser tomber la peinture. Et puis voici que pas du tout il est reparti la fleur au fusil, ou plutôt qu'il n'a jamais cessé de créer sous roche, continuant à produire des tableaux, des travaux graphiques avec une belle opiniâtreté. Peut-être n'était-ce qu'une stratégie pour pouvoir continuer sur d'autres voies plus inédites, tranquillement, en se procurant le calme nécessaire. Je l'ai un peu enfermé au début dans l'art naïf, tant je continue de croire que dans ce domaine, on peut rencontrer d'aussi poétiques trouvailles qu'ailleurs (et Jean-Louis me faisait l'effet d'une de ces trouvailles). Naïf n'est pas forcément synonyme de mièvre et de peinture cu-cul. Lui-même paraissait s'enfermer dans un système, tout en cherchant à casser les limites qu'il s'assignait inconsciemment. Plusieurs de ses peintures, à un moment, attestent de ce besoin de rupture, par des jeux de décadrement. A une époque, comme le rappelle Françoise Limouzy dans le texte qui présentera Jean-Louis sur le carton d'invitation à l'exposition, ce dernier allait même jusqu'à scier ses anciens tableaux, cherchant de nouveaux cadrages, déboîtant, recomposant ses images comme un photographe ou un joueur de casse-tête genre Rubik's cube. Certains portraits masqués représentait un homme se cachant derrière un masque tatoué de cases, de grilles, de labyrinthes vaguement inquiétants. Aujourd'hui, il semble vouloir dépasser cette période. Une de ses dernières peintures, Mythologie (voir notre première illustration), montre ainsi un trio, au sein duquel on peut imaginer un personnage bras en croix comme une projection de l'auteur, enfin sorti avec ses compagnes d'un jardin fermé de grilles, à la végétation envahissante, quelque peu étouffante, s'échappant avec satisfaction semble-t-il de la toile d'araignée de fils blanchâtres qui occupe la composition par-dessus le jardin et le voile noir qui bouche une partie du cadre.
Jean-Louis Cerisier, Les soeurs jumelles, 2010
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25/12/2010
Bonzom's de neige, gardiens de Nono, gardiens de Noël, hips!
Voici des bonshommes tendrement amassés, tassés, palpés, façonnés par l'ami Max T., que la neige inspire toujours, malgré l'âge venu. Il essaie de les collectionner, me dit-il, mais l'on conviendra que c'est une collection des plus éphémères, bien accordée à la spontanéité de sa création. Une véritable collection d'art immédiat pour le coup. Encore une fois, pour s'en rendre compte et garder quelque souvenir de cette forme d'art collant à l'inspiration quotidienne, rien ne vaut la photo (ou le film).
Bonhom' number one, photo et sculpture Max T.
Le premier est raide comme la justice, un balai peut-être fourré là où je pense au lieu d'être dans ces bras qu'il n'a pas (ce qui explique qu'il a bien fallu mettre l'outil ailleurs). Bonhomme de neige genre sentinelle qui n'alertera personne.
Bonhom' number two, idem
Pour le second, la nuit est tombée, manteau traditionnel qui va bien au teint des bonhommes de neige. C'est un boulimique, un obèse rembourré d'une baudruche qui pendra lamentablement sur l'herbe brûlée par le froid une fois le redoux bien amorcé, à moins que cette sous-ventrière trop gonflée n'explose sous la pleine lune, par suite d'une vilaine farce (encore un balai). On admire cependant le chapeau effilé à quatre testicules.
Bonhom' number three, idem
Enfin vint le troisième, avec son large sourire benêt, ses trous de nez en route pour devenir un groin, son poitrail de lutteur, ses onze âmes tournoyant autour de son chef, âmes boules de neige qu'il pourrait lancer à tous ceux qu'il aime, s'il avait des bras (il ne lui reste que des moignons) et s'il y avait des gens qu'il pût aimer.
07:00 Publié dans Art immédiat | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
22/12/2010
Beaucoup d'artistes et trop peu de titres?
Il peut parfois y avoir surpopulation et bousculade pour trouver un titre inédit à un dessin ou une peinture... L'imaginaire permet en même temps des rencontres logiques, comme dans les deux cas ci-dessous, Gilles Manero et Bruno Montpied. A l'actuelle exposition du premier au Musée de la Création Franche à Bègles, on peut découvrir sur un mur ce dessin appartenant à une série intitulée "Sur la Terre comme au ciel". C'est daté de 2008. Eh bien, Bruno Montpied fut prem's sur le titre (vraiment? A ma connaissance bien sûr, car il serait bien étonnant qu'il n'y ait pas eu d'autres prédécesseurs...). Voir cette peinture de 2000, intitulée pareillement que celle de Gilles Manero, Sur la Terre comme au ciel. Je m'empresse d'ajouter qu'il n'y a aucune chance que Gilles ait pu connaître cette peinture qui ne me paraît pas être beaucoup sortie des cartons de BM...
Gilles Manero, Sur la Terre comme au ciel, n°9, mai 2008
Bruno Montpied, Sur la terre comme au ciel, 2000
A noter une curieuse coïncidence supplémentaire dans les deux dessins. On trouve deux personnages faisant la sieste dans ces deux compositions, l'un assis se reposant au pied de ce qui peut tenir lieu d'un arbre dans le cas Montpied (l'arbre rouge se révèle être aussi un autre personnage), l'autre étant vautré dans le cas Manero le long d'un talus, personnage résumé à une tête quelque peu chauve (à moins que je n'hallucine?).
07:34 Publié dans Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : gilles manero, bruno montpied, coïncidences, titres en peinture, art singulier, création franche | Imprimer
20/12/2010
Rothéneuf sous la neige, une sculpture de l'abbé Fouré réapparaît
Le ciel était incroyablement noir en plein jour, la neige hésitait entre le gel et la déliquescence glacée. Ilot de lumière et de chaleur relative, une salle des fêtes sans fête abritait une exposition consacrée à l'ermite de Rothéneuf qui ne fut jamais vraiment un ermite.
Vue de la nouvelle salle de quartier de Rothéneuf où se tenait (le 18 décembre seulement) une expo sur l'abbé Fouré montée par l'Association des amis de l'oeuvre de l'abbé Fouré, ph. Bruno Montpied, 2010
On essayait de reconstruire l'œuvre, sa signification, ses sujets, comme dans une course après un gibier qui fuirait toujours plus dès qu'on s'en rapproche. Où étaient les visiteurs? Une petite trentaine, des gens âgés surtout, transis, grelottant sous d'épaisses couches de vêtements, qui avaient risqué les routes annoncées glissantes, dangereuses. Pour venir jusque là, du reste, il semblait qu'il ne pût y avoir que les taxis comme moyens de locomotion, ces derniers devant être pourvus de moyens magiques auxquels le conducteur ordinaire ne pouvait avoir accès... L'organisatrice se démenait, bien seule, ses rares aides l'ayant abandonnée, bloqués par les routes enneigées ou en retard. Le spécialiste parisien de l'ermite était là, lui, fidèle au rendez-vous, en dépit de ses éternels problèmes intestinaux. On l'enrôla comme magasinier, factotum, accrocheur de panneaux...
Vue de l'exposition dans la grande salle de quartier, ph.BM
Il y avait aussi un autre spécialiste présent, le régional de l’étape, retenu avant tout par la signature de son dernier livre, car il était là pour le vendre après tout, il ne participait en rien à l’organisation pratique de l’expo qui se montait devant ses yeux, ayant pris du retard.
L'organisatrice recevait pendant le même temps coups de téléphone sur coups de téléphone qui paraissaient destinés à lui ruiner le moral.
Tout ce travail ne se déployait que pour une journée, l’exposition devant être déménagée plus loin dans un autre local plus petit où l’accrochage s’annonçait moins volumineux. On s'agitait et on bossait comme des perdus pour une esquisse d'exposition permanente dans un lieu en plein hiver où l'on pouvait être assuré que l'on ne rencontrerait pas le moindre touriste en une telle saison. Il flottait un parfum très fort d'inanité sur tout cela...Est-ce pour cette raison que l'hiver et la neige m'apparurent menaçants, mortels? Les problèmes intestinaux y contribuaient aussi probablement...
Une sculpture inconnue de l'abbé Fouré réapparaît..., photo BM
Au milieu de ce qui aurait pu tourner finalement à la cagade généralisée, survint paradoxalement le petit miracle: apportée par une dame d'un âge avancé, apparut comme par enchantement une sculpture inconnue de l'abbé Fouré! Signée sur son socle, et datée de 1904 avec une autre inscription, "Oeuvres de l'ermite de Rothéneuf". Le pluriel sur "oeuvres" était curieux. L'objet, paraissant représenter un bouquet de roses, provenait de la fille - devenue la dame d'un âge avancé, s'appuyant sur une canne - de la personne à qui avait été offerte originellement la petite sculpture. Le nom de cette dernière se lisait sous le socle: Joséphine Macé, avec une date, 1910. La date même du décès de l'abbé, et de la vente aux enchères de ses meubles et sculptures... De là, à imaginer que cet objet avait été acquis à cette vente aux enchères où plusieurs habitants eurent à coeur d'emporter un souvenir de l'abbé (selon ce qu'en raconte Noguette dans son article "Au gré des enchères", voir mon dossier sur l'abbé Fouré dans L'Or aux 13 îles n°1), il pourrait n'y avoir qu'un pas.
17/12/2010
Postérité des environnements (5): Franck Barret renaît (un peu) de ses cendres
Ah oui, c'est un drôle de nom que celui de cet ancien coureur cycliste régional, qui sonne comme prédestiné à une existence excentrique. Franck Barret est un peu connu des amateurs d'environnements depuis que Pierre Bonte l'interviewa dans les années 1970 et publia cet entretien par la suite aux éditions Stock (1977). Avant cela, des magazines s'étaient déjà intéressés à lui de son vivant comme L'Information Artistique n°55 au milieu des années 1950 (comme me l'avait signalé en son temps J-F. Maurice). Après un accident qui l'avait rendu incapable de reprendre le vélo en compétition, il devint agriculteur, et sur le tard quelque peu rebouteux.
On l'associe généralement, pour les statues fort proches de l'art brut qu'il créa, aux créateurs d'environnements, mais à la différence de ceux-ci, s'il organisa lui aussi une mise en scène pour les camper, et semble-t-il un parcours comme dans un musée de cire (auquel son site fait immanquablement penser), ce ne fut pas sous le ciel qu'il choisit de le faire mais bien à l'intérieur de sa ferme, dans deux pièces vouées à l'exposition (entre1948 à peu prés et 1968, les visites étant autorisées par lui à partir de 1955).
Un reportage paru dans la revue des patrimoines de la région Aquitaine, Le Festin n°15, en 1994, de Jean Vircoulon, avec des photographies en noir et blanc de Christophe Garcia, permettait d'avoir quelques idées sur l'ambiance qui pouvait régner dans ce réduit. L'homme a expliqué ses créatures par les rêves qui le mettaient dans un état second. Dalinien au petit pied, Franc Barret? Peut-être. Cependant, on constate en se documentant sur les sujets de ses modelages et assemblages (plus que des sculptures) qu'il allait aussi les puiser dans la littérature (Le Fantôme de l'Opéra de Gaston Leroux, la mythologie chrétienne, Joseph, Marie, le Christ enfant puis adulte, Sainte Blandine, Jeanne d'Arc, la préhistoire avec son homme de Néanderthal, les animaux fabuleux avec son Yéti et son dragon de carnaval, des personnalités historiques comme Pie XII...Pour son homme préhistorique, on a retrouvé une image gravée qui lui servit de modèle, ce qui paraît indiquer que comme de nombreux cas de créateurs populaires il recourait à la copie qui se trouvait ensuite au cours du façonnage transformée, transcendée.
Ci-dessus, deux photos de Jean-Christophe Garcia dans Le Festin n°15
Le gorille du petit musée de Franck Barret
De gauche à droite, Guynemer, le Fantôme de l'Opéra avec, derrière, la poitrine nue, Sainte Blandine, et la main sur l'épaule du fantôme, Christine Daaé (autre personnage du roman de Gaston Leroux ayant servi de source aux statues), ph.Musée du Pays Foyen (date?)
La même Christine Daaé, dans son état 2008, le jour où je passai dans le musée : on mesure ici l'étendue des problèmes de restauration pour M. Lamothe... ph.Bruno Montpied
Heureusement d'autres photos existent, en couleur qui plus est, montrant l'intérieur de ce musée, et publiées récemment sur le site du Musée du Pays Foyen (voir ci-dessous le lien), musée qui a conservé quelques pièces que j'avais photographiées en 2008 avant restauration. On doit ces clichés sans doute à Pierre Lamothe, par ailleurs sauveur de ce qui pouvait encore être sauvé, ce qui reste n'étant certes qu'une petite partie de l'ensemble, mais conservée au prix d'efforts incroyables chez un homme seul, acharné à préserver des lambeaux d'un patrimoine auquel on le sent profondément attaché. Il raconte sur le site du Musée du Pays Foyen, petit musée que la municipalité de Sainte-Foy-la-Grande lui laisse organiser, l'histoire des difficultés rencontrées du fait de l'extrême fragilité - et du poids - des matériaux employés par Barret qui édifiait ses statues couche par couche au moyen d'une argile jamais cuite, ce qui leur assura de se dissoudre peu à peu dans le temps, la terre redevenant friable progressivement... C'était de l'art éphémère, comme le dit très bien M. Lamothe sur son site, art pratiqué dans l'urgence, pour satisfaire un besoin d'expression irrépressible se déployant dans la plus stricte immédiateté.
Pierre Lamothe devant des vestiges d'un homme préhistorique de Franc Barret, gageure de restauration, photo BM, 2008
Bonne nouvelle que celle-ci, la restauration a dû aller assez loin pour que Pierre Lamothe ait pu enfin juger venue l'heure d'ouvrir les portes du Musée du Pays Foyen.
Le Musée du Pays Foyen, Sainte-Foy-la-Grande, 2008, photo BM
Le musée va éditer une plaquette, plus complète, en couleur, de 26 pages, en vente à l'Office de tourisme de Sainte Foy à partir de janvier 2011. L'exposition est visitable, uniquement sur rendez vous, au 142 rue de la république, Sainte-Foy-La-Grande (Gironde), le mardi soir à partir de 20h30, le samedi après midi de 14h à 18h et le dimanche. Téléphone : 05 57 46 59 73 - 06 75 70 35 34 - 06 28 37 73 63
01:41 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Environnements populaires spontanés, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : franck barret, musée du pays foyen, petit musée de franc barret, environnements spontanés, pierre lamothe, art éphémère, art immédiat | Imprimer
10/12/2010
Un nouveau livre sur les Rochers sculptés de Rothéneuf, et une exposition sur place
Annoncé depuis plusieurs mois, voici qu'est paru, selon une information de Joëlle Jouneau, fondatrice de l'Association des Amis de l'Abbé Fouré (qui veut se consacrer à mieux faire comprendre la vie et l'oeuvre du fameux ermite), le livre du photographe et cinéaste Jean Jéhan, Saint-Malo-Rothéneuf, au temps des Rochers Sculptés, aux éditions Cristel. Je peux montrer ici, transmis par cette même Joëlle, la couverture et le 4e de couv de cet ouvrage qui paraît fort coquet ma foi:
Couverture du livre de Jean Jéhan, éd Cristel, préface d'Alain Bouillet, 2010
4e de couv' avec un curieux photomontage
On notera le format italien du livre qui paraît par son titre (ne mentionnant curieusement pas le nom de l'auteur des rochers sculptés) mettre l'accent avant tout sur l'aspect régionaliste du thème traité, annonçant des reproductions de cartes postales anciennes, ainsi que des photographies en noir et blanc de l'auteur extraites des 300 clichés de sa collection personnelle (prises à des époques où certaines statues, disparues depuis, existaient encore, ce qui permet de mettre en évidence la dégradation du site). Dès que j'aurai pu davantage le consulter, j'y reviendrai bien entendu (puisque mon blog sert de caisse de résonance à ma propre recherche sur l'abbé depuis déjà plusieurs notes). D'ores et déjà, on attend avec impatience de trouver dans le livre de Jean Jéhan la reproduction promise de plusieurs pages du Livre d'Or de l'abbé, que celui-ci gardait à la disposition des visiteurs de son petit musée dans le bourg. Ce livre d'or contiendrait des dessins de l'abbé. Une rumeur court ainsi comme quoi certaines "enluminures" de ce livre, les dragons ci-dessous par exemple (reproduits d'après une photocopie d'un autre article paru cette année dans Le Pays Malouin sur l'existence de ce Livre d'Or, conservé jusqu'à présent par une descendante de l'abbé), seraient de la main de l'abbé, ce qui serait, si cela s'avère bien attesté, une belle découverte de la part de M. Jéhan.
"Enluminure" du Livre d'Or de l'abbé, tel que parue dans un numéro du Pays Malouin, journal de la région de St-Malo
Autres révélations que l'on devrait aussi trouver dans ce livre de Jean Jéhan, des témoignages de personnes ayant connu dans leur enfance l'abbé, personnes disparues depuis. Le Pays malouin cite l'anecdote rapportée par l'une d'elles des bains de sable que l'on faisait prendre à l'abbé pour le soulager de ses rhumatismes... De même, le caractère taciturne et pour le moins taiseux du personnage se trouve corroboré dans ces témoignages (mais s'il avait des difficultés d'élocution engendrées par sa surdité, cela ne pouvait que le rendre taiseux, non?...). On attend certes beaucoup de ce livre que d'aucuns présentent déjà, de façon pour le moins précipitée comme celui qui traiterait enfin de "l'intégralité" de l'abbé Fouré... Attention de ne pas lui en demander trop. Mais il faut certes se féliciter de ce qu'un ouvrage sérieux ait enfin paru sur les terres mêmes de l'abbé Fouré, cent ans que ses mânes, errant entre les falaises de Rothéneuf, attendaient cela.
Joëlle Jouneau me signale par ailleurs que le livre reprend « en annexe » le Guide du Musée de l‘ermite de Rothéneuf dont on se souviendra peut-être que j’ai donné au début de cette année, date anniversaire des cent ans de la mort de l’abbé Fouré, dans le n°1 de la revue apparentée au surréalisme L’Or aux 13 îles la première édition commentée depuis son édition originale en 1919. Je ne suis pas mécontent de vérifier qu’une fois de plus, face aux partisans de l’art brut, les surréalistes auront encore tiré les premiers ! (Ce qui explique peut-être l’attitude assez mesquine d’une Animula Vagula, sur un blog parallèle, qui s’empresse de ne pas mentionner notre première édition lorsqu’elle apprend avec ravissement la publication prochaine du livre de M. Jéhan - éternelle jalousie du parti de l’art brut ?).
Mais revenons à Joëlle Jouneau. Cette dame, intéressée vivement à la vie et à l'oeuvre de l'abbé, surprise comme beaucoup de visiteurs des rochers que l'on n'ait jamais songé sur place à communiquer davantage d'informations véridiques sur le compte de l'abbé, au lieu de se contenter des légendes créées de toutes pièces par les ancêtres des gérants du lieu, cette dame a décidé de créer donc une association qui se donne pour mission d'aider à restituer la mémoire et le sens de l'oeuvre de l'abbé. Il va de soi que je m'associe pleinement à cette mission. C'est pourquoi je viendrais à la journée du 18 décembre prochain à la salle de quartier de Rothéneuf, qu'organise Joëlle Jouneau en prélude à une exposition qui sera ensuite installée au manoir Jacques Cartier qui vient d'être donné à la Ville de St-Malo par la fondation canadienne qui le gérait jusque là. Voir l'affiche ci-dessous:
Je devrai normalement, au cours de la soirée, si la technique ne nous fait pas faux bond, présenter un film surprise sur la question des environnements spontanés contemporains afin de situer les rochers sculptés dans un contexte plus général (je donnerai bientôt plus de détails à propos de ce film). L'exposition essaie de retracer l'ensemble de ce que l'on sait du parcours biographique de l'abbé, et de la signification de ses sculptures sur pierre ou sur bois, à partir des recherches des divers exégètes de l'abbé Fouré .
22:58 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Environnements populaires spontanés, Photographie, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : abbé fouré, ermite de rothéneuf, éditions cristel, rochers sculptés de rothéneuf, jean jéhan, joëlle jouneau, bruno montpied, l'or aux 13 îles, guide du musée de l'ermite, environnements spontanés, jacques cartier | Imprimer
Papier Gâché contre Recoins, tout contre (et non pas Recoins contre Tumbélé), samedi, rue de la Fontaine au Roi
Titre mystérieux, n'est-ce pas? Un peu moins si l'on se réfère à ma note du 2 décembre, et encore moins si on a déjà eu l'audace d'aller compulser fiévreusement le n°4 de la revue Recoins-Coins dans les deux seules librairies parisiennes à l'avoir (La Halle Saint-Pierre et Bimbo Tower). Il contient un article que je n'avais pas évoqué, en dépit de la légitime curiosité qu'il avait fait naître en moi, qui traitait de la musique antillaise d'avant le zouk, dont l'auteur de l'article, Emmanuel Boussuge, nous disait que la réputation était envahissante (je suis bien d'accord, le zouk me gonfle très vite). EuBé attire l'attention dans cet article sur les racines de la biguine (pour résumer vite, comme il dit), racines qu'on appelle Tumbélé, musiques faisant l'aller-retour entre rumba congolaise et biguine. Cette musique que je suis allé consulter sur le site de l'éditeur de la compil (Soundway Records, label britannique) que l'article cherche à nous faire découvrir paraît en effet tout à fait excitante. Qu'on en juge avec cet extrait en libre écoute sur le site en question:
Extrait de la compil d'Hugo Mendez de musique Tumbélé parue chez Soundway Records
C'est assez agréable, hein? Et puis le créole est si fascinant... Eh bien, une occasion va peut-être être donnée d'entendre plus de disques en rapport avec ça (ou autre chose) au cours d'une réunion intitulée "Papier Gâché Party vs Recoins Tumbélé" et programmée à 20h pour demain samedi 11 décembre. Ce sera au "Un Do/ Re-Do", 75, rue de la Fontaine-au-Roi, Paris XIe ardt. On y mangera, boira et écoutera des disques, paraît-il. Papier Gâché est le nom d'un fanzine graphique où l'on retrouve un collaborateur de Recoins, Bastien Contraire.
00:42 Publié dans Musiques d'outre-normes | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : recoins, papier gâché, un do redo, tumbélé, soundway records, emmanuel boussuge, bastien contraire, hugo mendez, musiques antillaises | Imprimer
07/12/2010
Un créateur secret au Musée de la Création Franche, Gilles Manero
Voici Gilles qui dévoile à nouveau ses dernières investigations du côté de l'imaginaire expérimental. Manero, l'esthète discret, photograveur de métier (ce qui influe sûrement sur ses recherches), revient avec un cabas rempli de mystères à Bègles, la patrie de la Création dite Franche, et ce du 10 décembre 2010 (l'inauguration, c'est vendredi soir) au 23 janvier 2011. Cet alchimiste de l'image prospecte toujours du côté des supports inédits, les papiers en tous genres, par exemple les papiers photographiques comme ces deux exemples de dessins sans titre (à l'encre et à la mine de plomb) qui sont publiés sur le 4 pages qui tient lieu de catalogue pour son expo. Remarquables dessins qui nous changent de ses vinyls repeints de volailles bizarres (comme des personnages de Bosch ou de Breughel qui se seraient métamorphosés en espèces de Shadoks) qu'il produisait presque à la chaîne auparavant (tout en cultivant des images plus secrètes en marge de cette production, souvent des détournements et autres modifications d'images trouvées, vieilles gravures de planches anatomiques ou photographies anciennes)... L'image ambivalente, Gilles connaît cela, il sait que la mémoire du spectateur va se mettre à s'affoler. Qu'est cela?, se dira-t-elle... Elle cherchera à combler les vides laissés par la perception trop rationnelle et se propulsera alors vers des horizons où se dévoilera peut-être quelque secret inavouable.
Gilles Manero, sans titre, 2010, encre et mine de plomb sur papier photographique, 50 x 46 cm
GM, sans titre, 2010, même technique que ci-dessus, 42 x 35 cm
La mienne de mémoire a sa propre vision automatique du premier dessin du dépliant annonçant l'expo (juste ci-dessus), vision qui exprime cette fois un secret bien avouable. Je reconnais à cette calvitie rêveuse mon propre portrait en vagabond, vu de dos, la besace en travers de l'échine, mes hardes volant au vent, m'acheminant lentement moi aussi vers Bègles où j'arriverais le 5 février à mon tour pour m'exposer, en compagnie d'un autre camarade habitué des lieux, Jean-Louis Cerisier.
Pour situer le musée de la Création Franche voir leur site web.
21:25 Publié dans Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gilles manero, musée de la création franche, art singulier | Imprimer
06/12/2010
Guo Fengyi, une créatrice brute chinoise à Paris
Guo Fengyi (1942-2010), première exposition à Paris, c'est à la galerie Christian Berst que l'événement aura lieu, et ce dès jeudi 9 décembre prochain date du vernissage. On va enfin pouvoir mieux cerner les travaux de cette femme, disparue cette année même, ancienne ouvrière d'une usine de caoutchouc, métier qu'elle dut abandonner par suite de crises d'arthrite (réaction à la souplesse du caoutchouc?) à l'âge de 39 ans, ce qui lui fit découvrir le Qi-Gong, médecine traditionnelle chinoise. En 1989, elle éprouve des visions qui la mènent vers le dessin, qu'elle exécute de façon automatique, le découvrant au fur et à mesure qu'il se développe. Les résultats sont des oeuvres tout en hauteur (mesurant parfois jusqu'à cinq mètres), tracées sur papier de riz au pinceau et à l'encre de Chine, sortes de bannières déroulées où je ne peux m'empêcher de voir comme des Ophélies nageant entre deux eaux par delà les spectres, dragons ou phénix qu'elle affectionnait de représenter, allant parfois jusqu'à des évocations de monstres ou d'esprits malfaisants, survenant par contraste au sein d'un dessin raffiné et délicat qui ne les laissait guère prévoir.
Un catalogue paraît à cette occasion, riche idée pour tous ceux qui voudraient se documenter sur cette nouvelle créatrice à découvrir jusqu'au 15 janvier 2011. A noter qu'une rétrospective se prépare également à la Collection de l'Art Brut à Lausanne. Elle devrait être accompagnée d'un court-métrage de "Philippe Lespinasse qui a filmé Guo Fengyi sur son lieu de vie, en entretien et en pleine création. Il a aussi rencontré ses proches, et pris des images d’œuvres" (texte repris du site web de la Collection d'Art Brut, et apparemment aujourd'hui plus disponible).
Toutes les illustrations de cette note sont empruntées au site web de la Galerie Christian Berst, 3-5, passage des Gravilliers, Paris IIIe ardt (en baladant votre souris vers le premier lien de cette note et en cliquant dessus, vous aurez toutes les précisions souhaitables sur la galerie).
23:33 Publié dans Art Brut | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guo fengyi, galerie christian berst, art brut chinois, qi-gong, cinéma et art brut | Imprimer
05/12/2010
Le Théâtre Bois De Bout de François
François le marionnettiste, photo Bruno Montpied, décembre 2009
Depuis quelques mois, l'ami Remy Ricordeau me l'ayant signalé sur le parvis du Centre Beaubourg à Paris, je garde des photos de côté sur un marionnettiste de rue, dont je viens de découvrir qu'il se prénomme François. Remy me l'avait présenté en me disant qu'il s'exprimait avec ses marionnettes dans une musique qu'on pourrait apparenter à une sorte d'art brut musical. J'étais allé le voir, l'avais écouté. Il s'exprime avec un sabir étrange, déformant les mots, prenant un drôle d'accent en effet. Mais lorsqu'on l'entend répondre aux questions d'un interview dans le web-documentaire présent sur le site Brèves de trottoir (excellent site qui se voue à l'illustration sonore, visuelle, cinématographique des figures de la rue parisienne - et voilà encore un crêneau de pris sur le web!), on se dit qu'il a de la culture - il cite Dubuffet et son "homme du commun" à un moment - il nous dit descendre d'une famille de marionnettistes, il n'est pas complètement "barré".
François, 2009, ph. BM
Mais qu'est-ce que ça fait au fond? L'homme est éminemment sympathique. Il vient en vélo tous les jours d'une campagne située à 50 kms de Paris pour rencontrer un public divers et varié (ou non, il lui est arrivé de jouer devant le vide, en continuant quand même), il manipule ses marionnettes à fil, tirant des borborygmes par-dessus l'action de ses histoires décousues, soufflant dans son harmonica avec une sainte inspiration. Il fait de "l'art populaire", il maintient le théâtre de marionnettes en public, comme il dit à un moment où on n'en voit plus beaucoup dans les rues. Son désintéressement est peut-être ce qui lui fait avant tout rencontrer quelque public plus ou moins éberlué et lentement gagné à sa cause. Son jeu, son accent pâteux, comme d'un dyslexique ou d'un handicapé verbal, intriguent, donnant à ses spectacles un aspect vaguement foutraque.
Les marionnettes épuisées, ph BM, 2009
09:00 Publié dans Art immédiat, Art populaire insolite, Fantastique social, Musiques d'outre-normes, Paris populaire ou insolite | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : françois le marionnettiste, brèves de trottoir, marionnettes de rue, figures de la rue parisienne, théâtre populaire | Imprimer