22/01/2013
D'autres bonhommes neigeux signés Darnish et Samantha
"Grands esprits" se rencontrant avec mes fanto-bonhommes, sur les bords de fenêtres s'entend, sans qu'on se soit consulté, Darnish et Samantha façonnaient eux aussi à peu près au même moment que moi des petits personnages glacés, cette fois à Rennes, pas plus épargnée par la neige que Paris. Ce sont des autoportraits, me disent-ils. Je leur trouve un côté un peu japonais.
Autoportraits en neige, Darnish et Samantha, photo Samantha, 2013
17:00 Publié dans Art immédiat, Art populaire contemporain | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : darnish, bonhommes de neige, art immédiat, land art spontané | Imprimer
20/01/2013
Fanto-bonhommes de neige
Max T. ne m'envoie plus de photos de ses bonshommes de neige, alors je prends le relais. Sur le bord de ma fenêtre, se sont dressés des petits personnages aux bras écartés qui avaient simultanément tout l'air d'être aussi des fantômes. Ils paraissaient cogner à la vitre pour que je leur ouvre. Mais moi, sans pitié, je les ai laissés à leur glaciale atmosphère. J'ai assez de revenants en moi.
Ce sont de bons exemples d'art immédiat et éphémère en tout cas, qui ne sont pas de mon seul ressort, si l'on s'en réfère à l'espèce de Père Ubu écroulé sur le capot d'une voiture rue de Nevers, hier, et reproduit ci-après.
Fanto-bonhomme de neige, photo et façonnage Bruno Montpied, 19 janvier 2013
Deuxième mini bonhomme de neige, ph. et façonnage BM, 20 janvier 2013
Rue de Nevers, 19 janvier 2013 (les petites canailles à droite ne sont pas les auteurs), ph BM
Le même, passablement écroulé, ph BM
20:08 Publié dans Art de l'enfance, Art immédiat, Art populaire contemporain | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : bonhommes de neige, land art spontané, bruno montpied, max t., art éphémère, fantômes, neige | Imprimer
13/01/2013
J'expose avec "l'Or aux 13 îles" à l'Inlassable Galerie
Cette note contient une mise à jour du 14 janvier
C'est pour bientôt, dans une galerie que je ne connaissais pas, l'Inlassable Galerie, divisée en deux parties, une où le public entre, au 13 bis, rue de Nevers (une des rues les plus étroites de Paris, digne d'une nouvelle de Jean Ray), et une autre cachée derrière une vitrine au n°18 de la rue Dauphine, le tout dans le VIe ardt à Paris, à deux pas de la rue Guénégaud, dans le quartier des galeries de la Rive Gauche. C'est une galerie, je le souligne, qui ouvre sur RENDEZ-VOUS (tél: 0620994117 ou 0671882114), en dehors du jour de vernissage s'entend, et l'après-midi de 14h à 20h tous les jours, même le dimanche.
La revue de Jean-Christophe Belotti, L'Or aux 13 îles, dont j'ai déjà plusieurs fois parlé ici (pour y avoir publié dans ses deux premiers numéros un dossier sur l'abbé Fouré et ses bois sculptés et un dossier sur une sélection d'art immédiat),
présente quelques créateurs dans une ambiance de cabinet de curiosités de façon à attirer de nouveau quelque peu l'attention sur ce qui se joue en elle et autour d'elle.
Sur le verso de l'invitation ci-dessus, on retrouve une image de Jean-Pierre Paraggio
Bruno Montpied, La chamane entre en danse par le charleston, 43x30 cm, 2010 (un des trois dessins que j'exposerai, les deux autres s'intitulant le Charrieur et l'Idéaliste emplumé)
Cela ira des dessins d'un enfant de 7 ans, Alexandre Cattin, récente découverte de Mauro Placi qui en parlera plus largement dans le futur n°3 de la revue de Jean-Christophe, jusqu'à divers artistes surréalistes comme Jan Svankmajer (présent sous forme d'affiches), Jean Terrossian, Nicole Espagnol, Georges-Henri Morin, Josette Exandier, ou Alan Glass (dont Jean-Christophe présentera des photos des assemblages), en passant par des créateurs plus "singuliers" comme moi (j'exposerai trois dessins d'environ 40x30 cm), ou Charles Cako Boussion (voir ill. ci-contre),
des photographies (Pierre Bérenger, Pierre-Louis Martin, Diego Placi, Alexandre Fatta - un commentateur habitué de mon blog, celui-ci - des cartes postales anciennes de l'Ermite de Rothéneuf - en provenance de ma collection - plus deux de mes photos montrant le site de l'abbé de nos jours), des créateurs héritiers de l'inspiration surréaliste comme Jean-Pierre Paraggio, Guylaine Bourbon, ou encore Jean-Christophe Belotti qui exposera à cette occasion certains de ses collages.
Pierre-Louis Martin, sans titre, photographie (exposée à cette occasion), vers 1996
Des artistes dont je connais moins le travail seront également présents, Mélanie Delattre-Vogt (voir le n°2 de l'Or aux 13 îles et image en noir et blanc ci-dessous), François Sarhan (artiste ayant plus d'une corde à son arc apparemment), Claude Variéras, et le poète Mauro Placi venu tout spécialement d'Helvétie. L'idée générale, on l'aura compris, est de rendre hommage à l'ensemble de ce qui a été présenté dans la revue depuis ses débuts en 2010.
Petite expérience appelée peut-être à grandement intriguer les passants de la rue Dauphine qui y circuleront entre 9h et 18h, derrière la vitrine du n°18 on pourra également voir Virgile Novarina se livrer, de façon diurne donc et devant les passants, à un sommeil destiné à provoquer des rêves qu'il notera et publiera peut-être à l'occasion (voir le n°2 de la revue où l'on parle de ses expériences précédentes). La "performance" en question aura lieu du 21 au 26 janvier. Autour de lui seront exposés différents éléments liés à la revue L'Or aux 13 îles.
La vitrine attendant la performance onirique de Virgile Novarina
Le vernissage, en même temps que le début de l'exposition, sont donc prévus pour le jeudi 17 janvier, et tous les lecteurs du Poignard Subtil sont bien entendu cordialement invités. La manifestation se déroulera jusqu'au 5 février 2013 (ouverture sur rendez-vous, téléphonique ou par mail, je le répète).
12:20 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art singulier, Paris populaire ou insolite, Photographie, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : l'or aux 13 îles, jean-christophe belotti, l'inlassable galerie, abbé fouré, ermite de rothéneuf, bruno montpied, art immédiat, art singulier, josette exandier, jean-pierre paraggio, pierre bérenger, pierre-louis martin, charles cako boussion, jan svankmajer, georges-henri morin, nicole espagnol, diego et mauro placi, françois sarhan, mélanie delattre-vogt, virgile novarina, rêve en public, surréalisme | Imprimer
11/01/2013
Une orgie de colloques et de séminaires
Et c'est reparti pour les conférences, colloques et autres séminaires où l'on veut tourner et retourner la question de l'art brut avec conséquence –imprévue?– de le cuire et recuire à l'infini. Cela risque de devenir immangeable à la longue, comme on s'en doute.
Cependant, on en apprend toujours au tournant de quelques phrases, devant telle ou telle image montrée par le conférencier, ou bien dans la friction de tels ou tels intervenants amenés à relativiser le côté trop péremptoire de certaines affirmations. C'est pourquoi il ne faut pas bouder son plaisir d'aller de temps en temps faire un tour dans ces parlotes. En ce qui me concerne, il m'arrive régulièrement d'y opérer des mises à jour grâce aux recherches des jeunes (têtes) chercheuses (car il semble qu'il y ait plus de filles que de garçons dans ces colloques) qui sont repassées sur des chemins que je croyais connus, or, bernique, il y avait une information que je n'avais pas relevée. Cela va peut-être arriver samedi 12 janvier, demain matin donc, à l'initiative du CrAB, salle Walter Benjamin, au rez-de-chaussée de l'INHA, dans la Galerie Colbert (c'est un passage parisien que je crois avoir déjà évoqué sur la colonne sans fin de ce blog). Elle relie la rue Vivienne à la rue des Petits-Champs (près des métros Bourse ou –non, pas la vie– Pyramides). C'est une galerie couverte très cholie, peut-être un peu aseptisée, qui longe à côté la plus célèbre Galerie Vivienne. Le thème de la matinée est "le Brut et le Naïf", car le CrAB veut documenter les rapports entre les deux, et la question de savoir si on doit vraiment les opposer. Et sur ce blog, la question m'intéresse grandement, il suffit de regarder la catégorie "art naïf" dans ma colonne de catégories pour se rendre compte du nombre de fois où j'évoque le sujet.
Morris Hirschfield, cornac et jeune éléphant (prêts à gazouiller sans nul doute...), taille approximative 32x44 cm, 1943
De 9h30 à 13h, il y aura deux jeunes femmes qui viendront s'étendre, pour l'une, sur la réception et la reconnaissance de l'art naïf américain dans les années 30 aux USA, et pour l'autre sur les rapports Chaissac/Jakovsky. Dans ce dernier cas, ce sera aussi l'occasion d'évoquer la gué-guerre entre Jakovsky et Dubuffet à propos des délimitations entre art brut et art naïf, et peut-être de ce fait adventice que Chaissac, de son côté, aurait préféré qu'on s'en tienne, pour qualifier son art, au label forgé par lui, avec ingéniosité, de "peinture rustique moderne".
« Du folk art au self-taught : la reconnaissance de l’art naïf aux États-Unis (1932-1942) » par Marion Alluchon, doctorante en histoire de l'art à Paris I.
« Dans l’orbite de Gaston Chaissac, l’homme orchestre (1952) : Gaston Chaissac et Anatole Jakovsky au regard de l’art brut et de l’art naïf » par Vanessa Noizet, étudiante en M2 d'histoire de l'art à Paris IV.
10:20 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : crab, marion alluchon, vanessa noizet, inha, gaston chaissac, anatole jakovsky | Imprimer
05/01/2013
Arlette Reynaud est partie en avril
C'est par le blog très précisément documenté de la galerie-librairie d'Alain Paire à Aix-en-Provence, dans une note consacrée à Raymond Reynaud, que j'ai appris avec tristesse la disparition de son épouse Arlette le 10 avril dernier. Cela faisait un moment que je me demandais (vaguement) ce qu'elle devenait depuis la disparition de son époux, le "maître de Sénas du Mouvement Singulier Raymond Reynaud", en 2007. On apprend toujours dans la même note que leur maison sera prochainement vendue. Il y a de quoi s'inquiéter...
Raymond et Arlette (derrière King-Kong qui porte les lunettes et la casquette de Raymond) à Sénas, quartier de la Peyronnette, ph. Bruno Montpied, 1989
Raymond et Arlette à Mallemort, sur le site bizarre d'hommage à Nungesser et Coli de "Monsieur Zé", 1989, ph. BM
Car la maison et le petit domaine qui l'entourait, la bordille qu'avait constituée Raymond non loin, parce que les dépotoirs étaient en péril dans sa région et avec eux les matériaux dont il se servait pour constituer ses assemblages-totems (ce que j'aimais particulièrement dans son travail, voir le "King-Kong" ci-dessus), avec quelques décors (des sortes de cariatides –crois-je me souvenir?– installées sur une façade au début des années 90 lorsque je passai 4 jours en leur compagnie), décors destinés à donner une allure d'environnement singulier au bâtiment, l'ensemble de cette propriété paraissait voué à devenir le siège d'un musée, d'une fondation Raymond Reynaud, même si ce dernier avec son épouse ne paraissaient pas rouler sur l'or.
Raymond Reynaud prodiguant ses conseils dans le cadre de son atelier du Quinconce Vert à Salon-de-Provence, 1989, ph. BM
Ne vendant que peu ses oeuvres, ayant constitué dans une salle à part un petit musée d'oeuvres de créateurs amis ou en relation avec eux, notamment les créateurs qu'il initiait à la liberté de créer dans ses ateliers du Quinconce Vert à Salon-de-Provence (il n'y avait que des femmes lorsque je leur rendis visite ; un des rares créateurs masculins fut André Gouin, un cultivateur voisin des Reynaud, voir ci-contre sa "Perrette"), Raymond Reynaud avait amassé sans nul doute au fil des années une imposante collection d'œuvres en tous genres. Si la vente de la maison de ces deux artistes devait amener la dispersion de cette collection hors du nid où elle fut constituée, ce serait certes un beau gâchis.
Arlette Reynaud, la soeur du maire célibataire dans le roman Jean de Florette, env. 29,7 x 21 cm, vers 1989, ph. et coll. BM
Arlette avait une période créatrice au moment où je les visitai (quoique je me sois toujours demandé si elle avait continué après une période "Jean de Florette", que tous au Quinconce Vert à un moment s'étaient mis en tête d'illustrer sous la férule du "Maître"). Par ces essais d'alors, elle manifestait un don naïf comme les peintres-paysans, à la différence de son mari qui avait plus de métier du point de vue de la technique picturale (c'était notamment un grand coloriste, d'une méticulosité et d'un acharnement dans la précision totalement obsessionnels) et une culture aux soubassements très distincts de ceux de son épouse (je me demandais s'il ne lorgnait pas du côté d'un certain psychédélisme, des bandes dessinées, et plus généralement des contre-cultures, reconverties au fil du temps en ce que l'on appelle aujourd'hui "les cultures urbaines"). Je le lui avais dit au cours de mon séjour. J'avais acquis du reste une de ses oeuvres délaissant celles de Raymond qui me touchaient au fond un peu moins. Il est cependant possible que je n'eusse pas alors vu les meilleures de ses productions qui ont pu progresser dans les années suivantes. Je les perdis de vue par la suite, du fait de mon éloignement géographique et de mes découvertes ultérieures d'autres créateurs. Mais j'ai gardé d'eux un grand souvenir.
Arlette Reynaud, le boulanger du roman Jean de Florette, env. 29,7 x 21 cm, vers 1989, ph. BM
Le texte que j'ai consacré à Raymond et à son Mouvement Singulier dans le n°4 de Raw Vision en 1991 (il est daté de 1989), peu diffusé (il était en français dans un supplément pour les francophones, tiré à peu d'exemplaires et glissé en édition séparée dans le numéro en anglais), se centrait sur le mouvement et le prosélytisme de Raymond, vu avant tout comme un prolétaire qui s'était toqué de devenir artiste et de propager sa passion parmi d'autres gens simples, eux aussi issus des couches populaires de la société. C'était à mes yeux le plus remarquable dans son expérience. Ce texte, qui mériterait que je le réécrive et le retravaille grandement (l'ordinateur était alors inconnu de mézigue ce qui m'empêchait de reprendre facilement mes textes), fut en outre quelque peu massacré à un endroit par les rédacteurs de Raw Vision qui oublièrent un morceau entier de phrase. J'ai rétabli, en annotation manuscrite, ce membre castré dans le fichier PDF que je mets en ligne ici et qui reproduit donc le fameux article. J'y ai également rétabli le titre exact, "Le retour de Raymond-la-Science, ou la bande à Reynaud". J'y tenais à ce "à", boudi...
19:31 Publié dans Art naïf, Art singulier, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : arlette reynaud, raymond reynaud, galerie-librairie alain paire, art singulier, art naïf, andré gouin, atelier du quinconce vert, mouvement d'art singulier raymond reynaud | Imprimer
01/01/2013
Quizz de nouvel an avec Guy Brunet
Pour commencer l'année avec un nouveau cadeau, j'offre le catalogue récemment paru de la Collection de l'Art Brut à Lausanne. Oui, mais il faut trouver qui se cache derrière les silhouettes peintes par Guy Brunet que je mets en ligne ci-dessous... Ce sont des vedettes de cinéma, de celles qui font les délices de Guy Brunet concernant le Hollywood de la grande époque et le cinéma français d'avant la Nouvelle Vague.
Je vous en soumets huit. Il faut les identifier toutes. Si les huit ne sont pas trouvées, le vainqueur sera celui qui aura le plus identifié de vedettes correctement (attention, le délai dans lequel arriveront les réponses compte aussi pour l'obtention du livre). Il y a des vedettes françaises, des vedettes américaines, une vedette autrichienne, une anglo-française (pour ces deux dernières, j'aide un max, je trouve)... Prêts? Un, deux, trois, partez...
N°1
N°2
N°3
N°4
N°5
N°6
N°7
N°8
15:45 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Cinéma et arts (notamment populaires) | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : guy brunet, hollywood, cinéma français, cinéma et arts populaires, art modeste, art naïf | Imprimer
28/12/2012
Voeux 2013 de Solange Knopf (à partager, d'ailleurs j'y joins les miens)
Voici les vœux qui commencent à tomber comme à Gravelotte. Derniers reçus, et particulièrement jolis, les vœux de l'artiste belge Solange Knopf dont j'apprécie particulièrement les travaux. Voici ce qu'elle propose en outre, joint à son envoi:
"Chers amis,
Je vous envoie des vœux magiques, remplissez un ou plusieurs cercles de vos souhaits les plus chers, gardez un cercle vide pour le "Grand Mystère"..."
J'ai donc suivi à la lettre cette demande et j'ai incrusté dans un des cercles un de mes vœux "les plus chers" du moment...
Bonne année 2013...
11:01 Publié dans Art singulier, Voeux de bonne année | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : solange knopf, bruno montpied, art singulier, voeux 2013 | Imprimer
26/12/2012
Arsène Vasseur, un autre créateur anonyme en Picardie
Cela fait quelque temps que Laurent Jacquy (du blog Les Beaux Dimanches, voir liens en colonne de droite) m'a fait passer une minuscule brochure consacré à un autodidacte inconnu nommé Arsène Vasseur, document qui paraît être la seule trace qu'ait bien voulu laisser transpirer le Musée de Picardie, en organisant à Amiens du 27 février au 28 mars 1999 une exposition au Centre Culturel du Safran.
Il s'agissait pour ce musée de faire découvrir, à l'occasion d'un événement exceptionnel (la quatrième édition de la série "Le Musée sort de sa réserve"), les objets, les "œuvres", les meubles décorés – voire certains documents photographiques ? – qui furent légués au musée après la mort du créateur. Arsène Vasseur, né en 1914, est en effet décédé en 1994. Malheureusement, peut-être par manque de sous?, ou par manque de motivation (plus probable, hélas, mais je ne voudrais pas me montrer trop pessimiste...), l'exposition, apparemment, n'a pas fait l'objet d'un catalogue (si je m'en tiens à ce que m'en a dit Laurent Jacquy). C'est bien dommage, étant donné que c'était la première fois qu'on sortait le bonhomme des réserves où il se retrouve enfoui... A peine a-t-on songé à laisser aux enfants un petit livret-questionnaire agrémenté de quleques minuscules photos qui me laissent personnellement grandement sur ma faim, mais qui constitue en même temps le seul tremplin dont mon imagination se saisit, tentant de vous transmettre une curiosité que j'espère contagieuse. Ce livret évoque les créations de ce Vasseur, à mon grand étonnement de lecteur éloigné, avec un sous-entendu que son œuvre est bien connue... Tu parles...
Arsène Vasseur, Magic délirium cacophonic
Vue de l'intérieur de la maison d'Arsène Vasseur avec différents tableaux d'hommage, à sa femme entre autres, et télévision décorée au premier plan
Il semble que l'homme ait eu deux passions, sa femme et ses violons d'Ingres qui consistaient à orner sa demeure de mosaïques de perles, de tableaux d'assemblages, de meubles richement ornés de matériaux divers agglomérés par-dessus (voir le tourne-disques à cornet que j'immisce au bas de cette note, ou la télévision recouverte d'un décor), s'élevant à la hauteur d'oeuvres commémoratives assez insolites, comme le meuble d'hommage à la Tour Eiffel bizarroïde ci-dessous...
En farfouillant sur internet, on ne trouve que fort peu de choses sur Arsène Vasseur. Le Musée de Picardie ne dispose pas d'une numérisation de ses collections les plus secrètes. Seul un entrefilet extrait d'un vieux numéro de L'Œil (n°504, mars 1999) apporte de maigres précisions: "Personnalité discrète, douée d’un véritable génie inventif, cet autodidacte a su créer un art original, à mi-chemin entre art populaire et art forain, inspiré tantôt par sa vie familiale, tantôt par son environnement urbain ou ses occupations domestiques (la philatélie). Dans ses reliefs, composés de matériaux de récupération – et principalement de plastique – prédominent un principe d’accumulation et le choix de couleurs vives, mêlées arbitrairement". "Arbitrairement", cela me paraît discutable, mais passons... Quant à la philatélie, en effet, on y pense en tombant sur le tableau qui ressemble à un projet (ou une copie ?) de timbre commémorant les exploits de l'aviateur Jean Mermoz (je n'en connais pas la taille, le livret n'apportant bien entendu aucune précision sur le sujet... Pas davantage du reste que sur les autres pièces reproduites).
Arsène Vasseur, Mermoz, la légende "Barlangue" en bas à droite me laisse quelque peu perplexe, auriez-vous des éclaircissements à apporter, vous qui me lisez? [Ah merci à Luc M de Rézé (voir commentaire ci-dessous) qui, comme il fallait bien sûr le faire, a cherché sur Internet et a compris qu'il s'agit d'une signature, et que donc ce tableau d'Arsène est probablement une copie agrandie d'un timbre existant]
Plus généralement, la façon de mosaïquer, d'assembler de toutes petits fragments évoque les collages de morceaux de timbres comme il s'en est fait beaucoup au cours du XXe siècle.
Anonyme, XXe siècle, collage de timbres pour représenter un vase et un bouquet, anc. coll. Michel Boudin, actuellement coll. BM
Sans oublier que cela possède aussi des rapports avec les bannières commémoratives sur tissu des soldats réchappés de campagnes militaires, ainsi qu'avec la marquéterie ou les reliquaires. "L'armoire à illusion" ci-dessous, dont je ne sais ce qu'elle abritait d'illusionniste, aide à se l'imaginer.
Arsène Vasseur, Illusion
A noter enfin que notre héros devait probablement goûter passablement la musique (il est rapporté dans le livret que son affection se portait plus vers la "Marinella" de Tino Rossi que vers des rythmes rock n'roll), à voir son tourne-disques rudement embelli et son panneau magico délirant "cacophonic" (voir ci-dessus).
00:24 Publié dans Art Brut, Art naïf, Art populaire contemporain, Art populaire insolite, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : arsène vasseur, le sfran, musée de picardie, laurent jacquy, art modeste, art naïf, reliquaires, philatélie, collage de timbres, mermoz, tour eiffel, tino rossi | Imprimer
25/12/2012
Noël pour loup-garou
01:29 Publié dans Art singulier | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : père noël, bruno montpied, art signulier, loup-garou, lycanthrope, noël | Imprimer
22/12/2012
Louis-Auguste Déchelette et les saints...
Ce petit tableau de Louis-Auguste Déchelette aperçu récemment sur la couverture d'une ancienne plaquette préfacée par Anatole Jakovsky, avec un texte de Franco Cagnetta, le tout ayant servi de catalogue pour une expo à la galerie Le Cadran Solaire vers 1966 (deux ans après la mort de Déchelette), fait partie d'un dossier que j'ai ouvert en privé ce jour sur les tableaux-calembours (du nom du reste que cette expo du Cadran Solaire avait pris) et d'une nouvelle rubrique que j'insère à partir d'aujourd'hui dans ma colonne de catégories, "L'œil du sciapode", qui sera consacrée aux tableaux que je trouve remarquables en dépit de leur méconnaissance par le public.
Je mets le tableau de Déchelette en parallèle avec une autre peinture relevant de la même catégorie des calembours visuels, d'Armand Goupil cette fois, frère par l'esprit (sinon par le style) de Déchelette.
Louis-Auguste Déchelette (notez les ouvriers derrière la fenêtre que l'on voit sur un échafaudage en train de restaurer des statues...)
Armand Goupil, Corps nue, cornue, 8-V-62
14:10 Publié dans Art inclassable, Art naïf, Confrontations, L'oeil du Sciapode | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louis-auguste déchelette, armand goupil, tableaux-calembours, anatole jakovsky, art naïf | Imprimer
16/12/2012
La chute de la maison Péridier, la fin d'une merveille?
Un des mes souvenirs d'enfants les plus enchantés se rapporte à une balade que nous avions faite en compagnie de ma mère et de mon frère à Saint-Jean-de-Monts en Vendée il y a maintenant près de 50 ans... Comme il est d'usage, ce souvenir s'est bien entendu décomposé puis recomposé, lentement modifié au fil du temps. Je nous vois, entraînés par moi qui étais pourtant le plus petit des trois, à aller s'enquérir d'un bâtiment que je trouvais étrange, ses toits et tourelles émergeant des frondaisons d'une pinède à l'horizon, loin derrière les limites de la ville (ce paysage, dans mon souvenir, se tient comme un monde parallèle, situé à côté de la dernière maison de la cité sur le front de mer, la limite de la ville à cette époque étant marquée d'une façon nette, presque irréelle, la dernière maison étant suivie par une dune, des joncs, la pinède plus loin, etc.). Je prêtais à la demeure éloignée des charmes qui attisaient ma curiosité, il fallait à toute force qu'on aille y voir de plus près. Nous l'atteignîmes après quelques centaines de mètres, qui sont plutôt des kilomètres dans ma mémoire, et tournâmes autour, le bâtiment se révélant désaffecté, fermé en tout cas à une exploration plus poussée, ce que nous n'aurions sans doute pas pu faire de toute façon en cas de portes ouvertes, ma mère timorée veillant prudemment à la légalité de nos actions. Je me souviens encore que je supputais en regardant à travers les soupirails de la maison en apparence délaissée sur l'identité de son habitant. Il y avait de la hantise dans ce lieu...
Mais je me souviens aussi surtout de la quête, peu importait au fond ce que nous aurions trouvé dans la maison. Il y avait au bout de cet horizon un pôle de curiosité recélant toute forme possible d'enchantement. Et c'est cela que j'ai à nouveau éprouvé en lisant la note que Dom (qui se présente comme un "fouineur, héliotrope, naturiste, voire randonueur, canyonneur") mit en ligne il y a quelque temps déjà sur son excellent blog Hérault Insolite à propos de ce qu'il avait baptisé "La Villa Mystère" à Castries. Très extraordinaire demeure en vérité!... Et site d'art brut majeur, je n'hésite pas à l'affirmer.
Vue depuis la rue du domaine de Feu Roger Péridier à Castries, ph. Bruno Montpied, juillet 2012
Cette maison ressemble à un château, ou à une demeure princière, aristocratique, avec ses longues balustrades imitant celles du Château de Versailles (c'est le résultat de moulages à partir de balustres récupérés), ses têtes d'angelots incrustés un peu partout, son jardin fort allongé qui constitue, depuis le portail portant altièrement le monogramme du propriétaire,
une véritable mise à distance du passant (Dom écrit dans la seconde note qu'il a consacrée sur son blog à Péridier, qu'il s'agit d'une petite "folie, digne héritière populaire des folies montpelliéraines de l’aristocratie languedocienne" ; oui, mais soulignons bien que le propriétaire de cette "folie" était un ouvrier, ce que l'adjectif de "populaire" dans le texte de Dom ne dit pas assez). La bâtisse au bout de la perspective ne paraît être qu'une façade, analogue au fond à un décor de théâtre. Enfoncée quelque peu dans le sol, étirée de façon incroyable, surmontée d'une coupole d'observatoire, d'une éolienne... Très étrange tout cela décidément...
Vue rapprochée de la "folie" du sieur Péridier, ph. BM, juillet 2012
Si l'on regarde plus attentivement, on s'aperçoit tout à coup que sont semées au loin, devant la maison, des statues de style incontestablement naïvo-brut, représentant des personnages qui pourraient bien être les acteurs de la pièce dont la bâtisse constitue le décor précisément. Un toréador, une "Bohémienne" qui a perdu les attributs qui permettraient de l'identifier ainsi (à moi, elle me paraît avant tout, à l'origine, ressembler à une danseuse espagnole, le peigne fiché au sommet de sa chevelure, un éventail à la main droite ), un Africain en chéchia (chargé de signaler par un ingénieux mécanisme l'arrivée d'un visiteur en tapant sur un tam-tam), des animaux (autruche?, fauve, chèvre), un cavalier à califourchon sur un taureau...
Toreador, en juillet 2012, il brandissait à l'origine une muleta... qui a depuis disparu, de même que ses chapeaux... De plus son bras droit est ici en position levée, alors qu'à l'origine il était baissé, on doit donc supposer qu'il a été tordu... ph.BM
Voici comment était le toréador dans son état neuf, la muleta au bout du bras droit, la pique au bout du bras gauche, et il a son chapeau, ph archives Péridier (publiée sur le blog Hérault insolite), date? Peut-être les années 90? ; à noter qu'un dispositif lui permettait de tourner pour être plus commodémeent orienté vers le taureau qu'il était censé mater...
A noter que sur cette photo, le toreador a un chapeau plus traditionnel... Ph Archives Péridier (blog Hérault insolite)
La "Bohémienne" devant la maison, tournée d'une façon qui ne correspond pas à sa position initiale, et divers de ses attributs d'origine ayant disparu, ph BM, juillet 2012
Roger Péridier au milieu de son jardin, derrière la "Bohémienne", femme espagnole à la jupe jaune, tenant un éventail à la main et un peigne fiché au sommet de sa tête, ph Archives Péridier (sur le blog Hérault insolite), années 90?
Un cavalier chevauchant un taureau, ph Archives Péridier (blog Hérault insolite) ; le taureau est toujours debout en 2012, mais le cavalier gît à terre renversé dans les herbes qui envahissent tout désormais...
Vue de face du jardin avec la demeure en fond de perspective, archives blog Hérault insolite, années 90?
La plupart de ces figures sont fort abîmées, renversées à terre, recouvertes par la végétation qui envahit peu à peu le domaine en pleine décadence, passablement saccagé par des vandales insensibles à la magie et à la rareté du lieu.
On trouve aussi sur internet un clip de jeunes musiciens qui se sont filmés dans le domaine en ruine, poussant la désinvolture à se montrer dansant avec l'Espagnole qu'ils font virevolter. Certes, leur démarche procède certainement à leurs yeux d'une volonté de faire connaître le lieu, mais les escalades qu'ils y font, le jeu avec l'Espagnole, il est vrai pourvue elle aussi d'un système rotatif, peuvent avoir des conséquences imprévisibles sur d'autres plus vandales qu'eux.
Autruche (?) et autre statue renversées, ph BM, juillet 2012
Le domaine Péridier est en effet à l'abandon, les héritiers de l'endroit étant divisés sur le sort à lui faire. Dom a pu cependant rencontrer deux petits-enfants, Amélie et Stéphan, qui ont su conserver au moins quelques traces photographiques révélant comment se présentait le site du temps de sa splendeur. Le père de ces deux petits-enfants affiche lui aussi la volonté de faire quelque chose pour sauver ce patrimoine (non seulement familial, mais aussi collectif dans la mesure où les spectateurs qui passent devant cette demeure devraient avoir leur mot à dire sur cet ensemble architectural et artistique s'imposqnt dans le paysage commun.
Le temps de sa splendeur n'était probablement pas très éloigné d'aujourd'hui, puisque Roger Péridier, le créateur, ancien couvreur-zingueur et bricoleur de génie, n'est décédé qu'en 2003 (il était né en 1914, et créa son domaine des années 30 à la fin des années 70, affirme Dom), mais la ruine se propage vite hélas.
Roger Péridier au milieu de son domaine, vers la fin de sa vie? Ph. Archives Péridier (blog Hérault insolite)
Roger Péridier a fait sa folie à partir d'un emplacement où il y avait à l'origine un cabanon inséré au milieu des vignes. Il avait la conviction, au rebours de la plupart de ses voisins, qu'il pouvait dénicher une source sur cette terre en apparence aride. Le voisinage du viaduc de Castries tout proche devait l'inspirer...
Fontaine et périscope fiché dessus, ph. BM, juillet 2012
Il se mit à creuser un puits avec les moyens du bord et il parvint à faire jaillir de l'eau! Le puits est toujours en place aujourd'hui, sous l'éolienne, à quelques mètres d'une fontaine munie d'un périscope destiné à propager la lumière par un jeu de miroirs jusque dans les étages creusés en dessous. Car Péridier, en bâtisseur et bricoleur inspirés, avait aussi taillé des salles souterraines, de même qu'il avait installé toutes sortes d'ingénieux dispositifs que Dom détaille excellemment sur son blog Hérault insolite, et que je ne reprends pas ici, vous renvoyant à lui.
Fauve, ph BM, juillet 2012
L'ensemble de cette propriété aujourd'hui en pleine décadence, saccagée par toutes sortes de squatteurs inconscients, qui ne réalisent pas le génie mis en œuvre par Péridier et l'exemple qu'il nous donne en matière d'ingéniosité, d'économie d'énergie (ses éoliennes bricolées par lui, ses moteurs fabriqués à partir de fragments de machines-outils récupérées, un monte-charge...), déployées non seulement par souci écologique mais plus sûrement par goût du jeu et de l'ingéniosité recherchée pour elle-même, l'ensemble de cette propriété devrait bien entendu être sauvé, même si son charme a disparu depuis que son auteur nous a quittés. Elle ne doit pas être vendue, ni modifiée. Aux armes, amateurs des génies des bords de routes! C'est la poésie la plus pure qui meurt là-bas au milieu de l'Hérault...
L'Africain en chéchia renvoyé à la jungle... Ph BM, juillet 2012
11:44 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : roger péridier, villa mystère à castries, hérault insolite, habitants-paysagistes, sculpture naïve, folies aristocratiques, environnements populaires spontanés | Imprimer
08/12/2012
Graffiti cousus sur grille, du nouveau dans les inscriptions urbaines
Dans mon périmètre d'arpentage perpétuel (j'ai souvent comme ça de ces moments à tuer) situé peu ou prou dans les Xe et XIe arrondissements, je suis tombé il y a quelques temps sur une drôle d'inscription à signification socio-politique quoique... Elle était brodée, si je puis dire, par-dessus les mailles du grillage d'une barrière de chantier. Et elle n'était vraiment pas facile à lire, vu qu'elle épousait étroitement les tiges métalliques. On pouvait passer devant sans la voir.
Mais qui avait pu passer autant de temps à tisser d'une telle façon ce texte sur un support des plus exposés à toutes les vicissitudes?
Le texte protestait contre le fait suivant (je n'ai pas vérifié si la statistique est bien fondée): "75% des pauvres = [le symbole de la gent féminine]", 75% des pauvres sont des femmes... C'était une protestation féministe apparemment, dans une technique traditionnellement impartie aux femmes. Exemple unique à ma connaissance dans l'art du graffito (au terme peu idoine en l'occurrence) et de l'inscription politique, en tout cas...
Inscription tissée avenue Parmentier Xe ardt, octobre 2012, ph. Bruno Montpied
Plus grande...
Encore plus rapprochée
17:03 Publié dans Art immédiat, Graffiti, Inscriptions mémorables ou drôlatiques, Paris populaire ou insolite, Questionnements | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : inscriptions insolites, créations textiles, graffiti, féminisme, paris insolite | Imprimer
02/12/2012
Un troisième exemple de créateur brut iranien
Oui, j'ai bien dit trois, car il y avait eu jusqu'ici Mokarrameh Ghanbari (voir ci-contre le mur peint dans sa maison) et Akram Sartakhti (voir ci-contre les personnages peints sur toile, dont une femme en bleu) naguère exposée à la Halle saint-Pierre. J'ai eu l'occasion d'en parler sur ce blog . Voici en outre, présenté par la Galerie Hamer de Nico Van Der Endt à Amsterdam (qui avait elle aussi exposé autrefois Sartakhti), un troisième créateur de toute première force, Davood Koochaki, né en 1939 dit le carton de l'exposition, dans la partie nord de l'Iran, dans une région de rizières. Son œuvre essentiellement graphique s'apparente à d'autre dessins rangés habituellement dans l'art brut.
Davood Koochaki, Couple, 100x70 cm, crayon sur papier, Galerie Hamer
Sa biographie ressemble à celles d'autres exemples de création autodidacte, une enfance pauvre et difficile (il travailla dès l'âge de 7 ans et n'apprit à lire et à écrire que par ses propres moyens quand il fut plus âgé), une origine ouvrière (il fut réparateur de voitures), aucune formation en dessin, et un fils artiste qui l'incite à persévérer dans le hobby qu'il se découvre à 40 ans, le dessin, et qu'il systématise à 60, dès qu'il se retrouve avec plus de temps à sa disposition. L'influence du fils artiste, on la retrouve chez des créateurs européens comme Boix-Vives ou Joseph Barbiero. Cela fonctionne comme un stimulant, encouragé qu'on est à créer par une instance normalisée alors qu'on se sentait par trop atypique peut-être...
Koochaki, Créatures, 100 x 70 cm, Crayons, Galerie Hamer
Il dessine aux crayons graphite et de couleur des créatures imaginaires, semi mythologiques, parfois proches de l'humain. Les oiseaux font de fréquentes incursions sur ses pages. Il paraît dessiner de façon automatique, accueillant ce qui surgit avec hospitalité, ne regrettant pas qu'une œuvre plus "esthétiquement correcte" ne soit pas venue finalement, alors qu'il l'avait pourtant désirée au départ. Ayant de la sympathie pour le parti communiste iranien, il pense que l'étrangeté de ses créatures sont peut-être à mettre en rapport avec son passé difficile.
Koochaki, figure, 100 x 70 cm, crayon, Galerie Hamer
Sa figuration tout en hachures juxtaposée, noires ou en couleur, campe des êtres qui en raison de leur densité, de leur compactage, de leurs contours ambivalents, sont à mi-chemin des règnes animaux, végétaux et minéraux. Des sortes de fantômes d'êtres non advenus, laissés à l'état de possibles, pour une autre planète...
Expo Davood Koochaki du 17 novembre au 5 janvier 2013. Galerie Hamer, leliegracht 38, Amsterdam. www.galeriehamer.nl.
18:57 Publié dans Art Brut, Art immédiat | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : davood koochaki, mokarrameh, akram sartakhti, art brut iranien, galerie hamer, nico van der endt | Imprimer
26/11/2012
Des créatures champignonnesques
e viens de produire une planche d'échantillons à base d'empreintes de champignons sectionnés. Le champignon joue toujours les tampons avec facilité. Je n'en avais pas refait depuis des années. Les créatures apparues sont curieuses je trouve. Ça et là, des éléphants pointent le bout du museau, lorsque ce ne sont pas, à la place, des visages surmontés de fardeaux portés somme toute d'un air conciliant.
Des chapeaux sont bien arrimés, jouant un rôle important dans ces apparitions, ces réminiscences de personnages entrevus peut-être au départ (mais quand?) dans la réalité ou dans l'imaginaire du cinéma (un des mes anciens camarades, Thierry Tricard, avait bien remarqué l'invasion de ces couvre-chefs par ailleurs). Des cheveux flottent au vent. Des barbiches, des mentons pointus de vieux prêtres russes ou de rabbins. Des bras poussent dans les crânes... Un profil d'homme aux lèvres fardées songe doucement à la gorge d'une femme cachée dans sa joue, tandis que divers autres personnages se promènent dans sa tête.
Ailleurs, ce sont des corps-grumeaux, des agrégats ambulants, compacts, résolus et fatalistes, malgré une ou deux mines effarées près d'eux, (se doutant peut-être des menaces d'éclatement qui pèsent sur les corps-grumeaux, perpétuellement en danger de morcèlement, de fragmentation). Un clown tente un pas de danse, guère de mise dans un tel régiment bien rangé. Une sorte de cangaceiro enfantin piètine allégrement un chauve masochiste. En somme une planche d'échantillons de convenables hallucinations comme en lévitation (voir les ombres noires à leurs pieds)...
Bruno Montpied, 27 créatures-champignons-hallucinogènes, 40 x 30 cm, 2012
6 créatures agrandies... Celui que je désigne comme un "cangaceiro" est en haut à droite
Un dominant et un qui le supporte avec philosophie?
23:30 Publié dans Art singulier | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : bruno montpied, art singulier, thierry tricard | Imprimer
24/11/2012
Info-Miettes (20)
Boudin et Jakobowicz arrivent à Bègles
Prochaine expo au Musée de la Création Franche, qui continue de permettre aux artistes et créateurs de la collection permanente de montrer leurs derniers travaux, Marie Jakobowicz et Michel Boudin. Ce dernier, on le sait, propose des dessins à l'encre où des petites bêtes ne cessent de tarabuster les êtres humains, histoire peut-être de leur rabattre le caquet.
Michel Boudin, sans titre, encre sur papier vélin, 65 x 51 cm
Sur la seconde, voici le texte qu'elle m'avait dans un premier temps demandé pour la présenter de façon franche (c'était son souhait à elle, des gens qui diraient le pour et le contre, et l'entre deux...) et qu'elle a finalement fait remplacer par une autre présentation:
"Marie Jakobowicz me laisse perplexe. Si j’apprécie ses anciens pastels, discipline qu’elle pratique avec une aisance qu’elle a fini (bizarrement !) par trouver suspecte, je reste réservé en ce qui concerne toutes sortes d’autres travaux qu’elle veut de contenu « engagé » comme on disait dans les années 70. Ce choix à mon avis plombe l’envolée du merveilleux dont elle était aussi dépositaire.
Et je me demande si ses réticences, sa suspicion à l’égard de sa maîtrise du pastel ne viendrait pas de son traumatisme concernant l’extermination des Juifs par les Nazis. Une descendante des familles massacrées ne pouvant plus pratiquer la moindre forme d’expression sans se sentir obligée à la vigilance… Si cela était avéré, on mesurerait là à quel point cette tragédie et cette folie ont poussé loin leurs ruptures et leurs censures. N’y a-t-il donc plus de place, Marie, pour un merveilleux sans hantise du massacre ?"
Marie Jakobowicz et Michel Boudin au Musée de la Création Franche du 7 décembre 2012 au 20 janvier 2013.
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Guy Girard, lui, expose dans un couloir
Guy Girard expose quant à lui à partir de jeudi prochain 29 novembre dans la Galerie du Couloir, espace dédié paraît-il aux petits formats (ce qui semble adéquat avec le nom de la galerie). Les horaires et jours de monstration sont assez particuliers. Le jeudi 29 novembre, c'est de 19h30 à 22h. Puis c'est entrée libre le samedi 1er décembre ainsi que le dimanche 2 de 14h à 18h. Ensuite, du 3 au 20, on visite sur rendez-vous: 06 19 63 64 51. Pour les artistes, l'heure est venue des jeux de pistes. L'art sincère d'aujourd'hui se cache au fond d'un labyrinthe. Il est passé par ici, il repassera par là...
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Jean Estaque voit des saints partout
Il expose cette fois à Montluçon, avec une proposition de nouveaux saints qui n'auraient pas déplu au marquis de Bièvre qui était grand amateur comme on sait de calembours bons. Ci-dessous par exemple voyez le portrait de saint-Ethique.
Trouverons-nous encore dans cette expo Saint-Bol, Sainte-Hure, et peut-être aussi Saint-Dé, Saint-Trait et Saint-Plaie?
Galerie Ecriture, 1 rue Pierre Petit (ça ne s'invente pas, mais ce n'est sans doute pas le même qui est bien connu dans l'art brut), Montluçon, exposition du 28 novembre 2012 au 14 février 2013.
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Alexis Lippstreu exposé chez Berst et au Madmusée
En cette fin d'année, on assiste à une déferlante Alexis Lippstreu à Liège et à Paris. Trois expos simultanées se tiennent pour vanter le travail de ce créateur handicapé qui s'est fait une spécialité (ou à qui on a fait une spécialité?) de transposer des chefs-d'œuvre de l'art dans une sorte de réduction graphique tout à fait fascinante (j'ai déjà eu l'occasion de montrer des images sur ce blog). Il paraît être en même temps un cheval de bataille exemplaire pour ceux qui voudraient mélanger art brut, art moderne et art contemporain dans la même arlequinade artistique ("artification", qu'ils disent, sans lésiner sur les néologismes effroyables).
Alexis Lippstreu au Madmusée du 1er décembre 2012 au 16 février 2013. A la Galerie Christian Berst, du 7 décembre 2012 au 12 janvier 2013. Au BAL (musée des Beaux-Arts de Liège), du 30 novembre 2012 au 16 février 2013.
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L'art brut italien à travers le cinéma documentaire, une programmation de Pierre-Jean Wurtz et Denis Lavaud
C'est à la Halle Saint-Pierre (sans laquelle on ne sait pas ce que l'on deviendrait) que cela va se passer, durant le week-end du 15 et du 16 décembre. Un second programme de films courts a en effet été programmé pour ces dates. A découvrir ci-dessous:
Samedi 15 décembre 13h30 - 17h30
- Pennarelli (Antonio Dalla Valle) di La Manica Lungo officina creativa, 2003, 29’.
En présence d’Alain Bouillet, commissaire d’expositions, écrivain (c'est sur un atelier de créateurs handicapés, si je ne me trompe pas? NDR)
- Nella prospettiva della chiusura lampo de Paolo Pisanelli, 1997, 54’.
En présence d’Alain Bouillet
- Pietro Ghizzardi de Muriel Anssens, 2004, 10’
- Alla ricerca del giardino incantato (Marcello Cammi) di Piero Farina, Marisa Fogliarini con Marco Farotto, 2012, 21’, (c'est tout en italien, sur le jardin détruit de Cammi)
- Luci Sospese. L’opera irriducibile (Mario Andreoli) de Gabriele Mina, 2010, 27’. (Là aussi, c'est pas sous-titré, mais il y aura sans doute un interprète dans la salle, enfin on verra bien...)
En présence de Gustavo Giacosa, commissaire de l’exposition
La "Crèche" de Mario Andreoli telle qu'elle s'illumine aux alentours de Noël sur une colline ligure, ph extraite du site de la Galerie Rizoi à Turin
La colline de M. Andreoli, de jour... ph Gabriele Mina
Dimanche 16 décembre 13h30 - 17h30
- Un « facteur Cheval » en Sardaigne (Fellicu Fadda) de Giuseppe Trudu, 2004, 47’.
En présence du réalisateur
- Un sculpteur de l’île aux ânes blancs (Enrico Mereu) de Giuseppe Trudu, 2009, 38’.
En présence du réalisateur
- Melina Riccio de Gustavo Giacosa, 2009, 10’. En présence du réalisateur
- Eugenio Santoro de Dominique Clément, Chantal Woodtli, 1994, 12’. (A signaler que ce film est édité dans le DVD intitulé "Art Brut" avec deux autres courts, un consacré à Ni-Tanjung par Erika Mannoni et un autre de la même Mannoni consacré à Lobanov; le film sur Santoro est plus précisément intitulé dans ce DVD "Les jardins de l'imaginaire" ; le tout est édité par la Collection de l'Art Brut et la Télévision Suisse)
- Antipasti (surprises à l’italienne) 45 ‘.
Suite de petits plats (films) divers et variés, exubérants, bigarrés, goûteux. (Dont paraît-il des films de Bernard Dattas sur des "choses" vues en Sardaigne)
Pour tout renseignement complémentaire, on peut contacter Denis Lavaud himself : 01 42 45 19 67/06 75 94 16 48.
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A la Halle Saint-Pierre encore, le retour du "Petit Paris" de Marcel Dhièvre
Marcel Dhièvre est connu depuis les années 70 grâce au livre Les Inspirés du Bord des Routes de Jacques Lacarrière et Jacques Verroust où l'on peut voir cinq belles photos et un fragment de témoignage de Dhièvre. C'est peut-être grâce à ce livre que sa maison richement décorée de fresques et d'ornementations diverses peintes et parfois sculptées en relief parvint à être classée monument historique dès 1984 (né en 1898, il décéda en 1977).
Image récupérée sur le site d'une association qui défendait, notamment sur la toile, "le Petit-Paris", l'association Entre-Tenir ; l'affirmation "je ne suis pas un artiste" avait été très justement repérée par ce site web, avis aux "artificateurs"...
Il avait en effet réalisé une magnifique décoration naïve, brute, ou simplement populaire, sur les murs d'angle à l'extérieur de son magasin de vêtements (il était vendeur en confection dans la lingerie et les vêtements de travail) à Saint-Dizier dans la Haute-Marne. Il avait poussé le bouchon plus loin en peignant (ce n'était pas un mosaïste) les murs intérieurs de la petite bâtisse, mais aussi divers petits sujets, des animaux, des tableaux de fleurs, des paysages. C'était comme il le disait lui-même également un tour de force dans la mesure où, paralysé de la main droite, il avait dû tout faire de la main gauche.
Marcel Dhièvre, la façade d'"Au Petit Paris", vers 1976, ph Jacques Verroust
Il avait appelé cette maison "Au Petit Paris", car la ville-lumière, où il allait se fournir chaque semaine, l'avait charmé au point de le pousser à représenter dans des médaillons l'Arc de Triomphe sur sa façade, ainsi que la Tour Eiffel, la Madeleine, les quais de la Seine, et la nef symbole de la capitale. L'ensemble connut quelques vicissitudes pendant de nombreuses années. Diverses bonnes volontés tentaient régulièrement d'alerter l'opinion pour essayer de sauver une maison qui visiblement résistait dans le souvenir de la population de St-Dizier (cet attachement d'une ville populaire à un tel monument naïf est assez touchant je trouve). L'illustratrice Kathy Couprie racheta à un moment le magasin, y faisant quelques réparations, puis ce fut la mairie, sous l'impulsion d'un maire UMP, François Cornut-Gentille (comme l'a signalé entre autres un article paru cet été dans La Croix, dû à Aude Carasco), qui l'acquit dans les années 2000. Là aussi, comme dans le cas de Gabriel Albert en Charente-Maritime, on veut "valoriser", on parle d'installer dansle Petit Paris un "café associatif", et d'installer à côté l'atelier d'art-thérapie de l'hôpital psychiatrique voisin... Surtout, on a fait rénover, terme plus exact que "restaurer", les peintures intérieures et extérieures (on peut juger du résultat sur une galerie d'images mises en ligne sur Flickr par la mairie), les tableaux, les petits sujets divers et variés que la mairie a récupérés. Si l'on compare ces rénovations, dues à M. Renaud Dubrigny, un employé municipal à la peinture qui s'est passionné, nous dit-on pour ce travail de renaissance d'un chef-d'oeuvre populaire, aux photos du livre de Jacques Verroust, on pourrait dire que les couleurs de la rénovation sont un peu flashy, mais baste, on s'en contentera, car y avait-il moyen de faire mieux avec les subsides disponibles? On peut aussi s'en consoler en constatant que le restaurateur a remis les décors à l'identique, quant aux sujets représentés, du moins si l'on en juge à travers les informations de la presse et d'internet.
Deux tableaux de Marcel Dhièvre restaurés par la ville de St-Dizier
Simplement, il faut bien être conscient qu'un Marcel Dhièvre ne peut ressusciter, et que lon a désormais autre chose à la place de sa maison décorée de son vivant, comme le musée d'une inspiration, soit un beau paradoxe...
Enfin signalons qu'un livre vient de paraître qui traite de ce monument, celui de Henri-Pierre Jeudy, Le Naïf, le Brut, le Primitif, au Petit Paris, aux éditions Châtelet-Voltaire (basées dans la Haute-Marne). Il viendra en parler à l'auditorium de la Halle Saint-Pierre samedi 1er décembre à 16h.
20:41 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art singulier, Cinéma et arts (notamment populaires), Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michel boudin, marie jakobowicz, jean estaque, guy girard, musée de la création franche, alexis lippstreu, madmusée, galerie christian berst, banditi dell'art, cinéma et arts populaires, mario andreoli, art brut italien, pierre-jean wurtz, denis lavaud, marcello cammi, environnements spontanés, au petit paris, marcel dhièvre | Imprimer
18/11/2012
Merveille de l'art naïf anonyme, un dessin d'un(e?) certain J.A.B.
J.A.B, Liria (un prénom? Le nom d'une ville espagnole?... Mystère, mystère...), crayon sur papier, 42 x 30 cm, 1922, coll. Bruno Montpied
L'art naïf n'a plus le vent en poupe, paraît-il. Le goût nous en serait passé, répète-t-on à l'envi. L'art brut est passé par là, bien sûr, avec les oukases des Dubuffet et des Thévoz, à qui toutes sortes de nouveaux fans ont emboîté le pas comme un seul homme. Du coup, conséquence sympathique en dépit de son aspect paradoxal, la foule des emboîteurs de pas ne fraye plus par ces chemins, et surout pas du côté des Naïfs anonymes. Ils sont légion ces derniers. On ne sait rien d'eux, ils débarquent sur les brocantes et les vide-greniers sans autre lettre de créance que leur bonne mine, leur mine étrange qui leur fait comme un bouclier quasi surnaturel. C'est leur apparence seule qui les défend du vandalisme, de l'anéantissement. Preuve que l'anonymat n'est point si rédhibitoire... Et qu'au contraire, il accompagne presque à coup sûr une valeur intrinséque, qui se passe de tout qu'en dira-t-on, de toute rumeur ou réputation flatteuses. C'est ce que j'aime en lui, dans ces tableautins sans pedigree qui circulent entre collectionneurs, tous comme membres d'une société secrète d'admirateurs des beautés silencieuses de l'ombre.
On n'en parle pas assez de ces anonymes insolites, à la figuration onirique ou merveilleuse, parfois aussi adeptes d'une inquiétante étrangeté. Regardez la petite fille ci-dessus. Elle m'a regardé dans les yeux et je n'ai pu faire autrement que de l'acquérir, sans discuter. Elle serait peut-être d'origine espagnole, selon les mots du marchand qui la présentait sur son stand à la dernière Foire de la Bastille à Paris. Elle tient peut-être avant tout par sa robe, immense, à la géométrie rigoureuse, dessinée avec soin et méticulosité dirait-on presque. La moue aux coins des lèvres également nous retient. Le nœud au sommet de sa tête. Ses bottines petites et pointues, ses bras dissymétriques, et ce ballon au bout de son bras, protégé dans un filet comme une résille. En 1922, en Espagne, les filles jouaient donc aussi au ballon.
Simplement dessinée au bout d'un crayon au tracé poudreux, on eût pu la croire d'une éphémère existence, mais elle a résisté jusqu'ici au temps, mirage solide. Elle est d'une présence indiscutable, et j'oserais même dire qu'elle se pose là. Sans doute avant tout par la jeunesse de sa présence, captée peut-être plus aisément en raison de la jeunesse – peut-être! – de celui (ou de celle?) qui a signé au bas de l'oeuvre, modestement, de ses simples initiales, J.A.B., et dont l'histoire n'a pas retenu d'autre trace (si?)...
17:18 Publié dans Art immédiat, Art naïf | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dessin naïf, art naïf, art naïf anonyme, j.a.b., liria, foire de la bastille | Imprimer
17/11/2012
Postérité des environnements (7): Gabriel Albert sous cloche?
Transmis par Patrick Métais, un article de Sud-Ouest m'apprend que le jardin de Gabriel Albert a reçu la visite de l'ineffable Ségolène Royal, la présidente du conseil régional de Poitou-Charentes, qui a fait part de son désir de valoriser et préserver le site et que sa région soit maître d'œuvre de ce point de vue. Il semblerait, à lire cet article, que l'Etat, via la DRAC, et la Région travailleraient sur un projet de valorisation culturelle et scientifique du jardin. On souhaiterait ainsi créer sur place un centre d'interprétation et un atelier de restauration des statues. Ces dernières sont on le sait passablement abîmées, tandis que plusieurs ont disparu, victimes de voleurs.
Le jardin de Gabriel Albert (que l'on voit coiffé d'une casquette au fond devant le moulin), avec Christine Bruces-Cerisier, Anita Albert, Jean-Louis Cerisier, le jour où nous visitâmes les Albert en 1988, ph. Bruno Montpied
Il paraît que l'on songe même à mettre l'ensemble du site dans une serre... Alors Gabriel, bientôt comme le fromage, sous cloche? Cela illustre bien les conséquences de la reprise en main d'un site d'art populaire par une instance conservatrice. Avec la perspective de le faire entrer dans la postérité et de l'installer dans une certaine pérennité, le site se métamorphose en autre chose, de plus pétrifié. Un comble pour un jardin de statues en ciment armé... Du coup, par contraste avec ce qui risque d'advenir quand on l'aura réifié sous un dôme (comme chez Euclides da Costa Ferreira), ce ciment reviendra dans nos souvenirs, à l'époque où son auteur était encore vivant, moins solide, presque palpitant.
Mais l'on dira bien sûr, en chœur, "c'est mieux que rien..." Ah, mais je m'interroge décidément sur ce "rien". Pas sûr, pas sûr... Mais, bon, on pourrait dire aussi, un jardin, ça peut se mettre sous serre, argument habile...
La Maison Bleue d'Euclides da Costa Ferreira à Dives-sur-Mer, vue de la rue, état en juillet 2012 (le site fut recouvert d'un dôme en urgence, avec les moyens du bord, dans l'idée de le mettre hors d'eau, mais la situation perdure... Peut-être faut-il voir dans ce sarcophage plus ou moins translucide comme la métaphore d'une chrysalide dans laquelle une mue s'opère, prélude à l'essor d'un futur nouveau papillon?), ph BM
00:27 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : gabriel albert, région poitou-charentes, conservation des environnements spontanés, jardin de gabriel albert, les amis du jardin de gabriel, sculpture naïve, maison bleue, habitants-paysagistes, environnements spontanés, inspirés du bord des routes | Imprimer
11/11/2012
Couleau subtil
Il n'y a pas grand chose à dire du sieur Couleau que Gilles Manero et Anne Billon ont découvert récemment sur une brocante de l'Entre-Deux-Mers... On ne sait pas ce qu'il faisait dans la vie, juste qu'il lui est arrivé de tailler le bois d'une manière qui pourrait le faire classer dans un art populaire moderne. A quelle époque? Au XXe siècle sûrement peut-être dans les années 60-70, parce qu'il a représenté un De Gaulle (que j'aimerais bien voir, Gilles et Anne sont arrivés trop tard, donc, si l'acheteur lit internet, qu'il nous le dise...), mais bien entendu c'est une hypothèse assez aventurée.
Couleau, Philippe le Hardi, h. 30 cm env., bois sculpté, coll. Bruno Montpied, ph. Gilles Manero
Il aimait les sujets historiques en tout cas, comme on le voit avec le roi ci-dessus, qu'une inscription à moitié effacée sous la statuette désigne au crayon comme "Philippe le Hardi" (c'est Anne qui l'a vue, félicitations). Il y eut deux Philippe Le Hardi dont l'un au XIVe siècle fut duc de Bourgogne, peut-être plus célèbre que l'autre (l'autre vécut au XIIIe, fut roi de France sous le nom de Philippe III et se fit connaître pour avoir cédé l'Agenais au Roi d'Angleterre de l'époque, ce qui le désigne peut-être comme celui que Couleau a représenté, car ce dernier paraît originaire de la région de Marmande, après avoir vécu à Bergerac aussi). Notre hardi qui porte couronne (ce qui renforce peut-être l'hypothèse qu'il s'agit du roi du XIIIe siècle que du duc de Bourgogne) tenait peut-ête un sceptre à la main droite, mais il en a été visiblement dépossédé dans la suite des temps... Jolie tête en tout cas, bien enfantine, stylisée d'une manière qui lui confère une sorte de signature à la longue attachante.
Couleau, Vierge à l'enfant, bois sculpté, coll Manero/Billon, ph. GM
Couleau, gaveuse d'oie (semble-t-il, à moins qu'elle ne se cramponne à sa bouteille), coll. Manero/Billon, ph.GM
On retrouve la même expression aux limites de l'archaïsme des têtes de marionnettes sur les autres statuettes chinées par Manero et Billon. Que l'on ait affaire à une Madone à l'enfant Jésus ou à une gaveuse d'oie. C'est une bien belle sauvegarde qu'ont opérée là Anne et Gilles en tout cas. Si des lecteurs reconnaissent l'auteur ou ont des informations à nous communiquer, qu'ils ne se gênent surtout pas, nous sommes preneurs. A la poursuite de Couleau...
Couleau, femme (?) au tablier, tentant de lancer la mode des uniques poches gigantesques triangulaires, coll Manero/Billon, ph.GM
18:40 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : couleau, gilles manero, anne billon, philippe le hardi, art populaire contemporain, art immédiat, sculpture naïve | Imprimer
09/11/2012
Arnaud Mahuas, dit "Darnish", colleur et architecte d'images
On parle d'art nahuatl mais on ne parle pas d'art mahuas. Et pourtant la tribu existe, résumée à un seul individu, le surnommé Darnish, actif dans le secret d'une grande ville du Far West breton, j'ai nommé Rennes. Ce drôle de Peau-Rouge, natif de Vannes en 1973, ayant grandi à Sainte-Anne-d'Auray dans le Morbihan, travaille bien caché de la circulation, loin des FRAC et autres autoroutes de l'art contemporain, porté par un goût de créer qui visiblement l'occupe comme nous habite le principe germinatif responsable de la pousse de nos cheveux ou de nos ongles. Cela sort de lui comme l'eau du robinet qu'il a choisi depuis l'âge de 12 ans de laisser ouvert.
Collages, architectures miniatures et légères faites d'assemblages de minuscules baguettes de bois récupérées, ruines et brisures d'images logées au fond de bouteilles tels des ex-voto profanes, lavis visionnaires où des silhouettes infimes, collées dans un coin, donnent aux étendues d'encre, abstraites en apparence, la force de s'imposer du seul fait de ces présences dans un coin de la feuille comme des paysages concrets tout au contraire, disques de bois aux compositions savantes, très constructivistes russes du début du siècle précédent, des gravures enfin, ultra stylisées, bricolées dans sa cuisine puis pressées en atelier, tout cela est charrié par Darnish avec un égal bonheur.
Sans titre, paysage avec couple, collage et lavis, vers 2012, 44 x 30 cm
Sans titre, collages et bois insérés dans une bouteille, env. 15 cm, vers 2011
Sans titre, collage et bois dans une bouteille, env. 10 cm, vers 2012
Sans titre, deux autres bouteilles... env 20 cm
Il y a du Schwitters aussi dans ce Darnish, surtout dans ses bouteilles (anciens échos des bouteilles où les marins glissaient des bateaux, du reste Darnish a aussi fait des bateaux, mais dans son système cela devient des bateaux-visages de femmes) où il insère des ruines, ou des amas de débris frêles qui me font penser aux "misérables petits tas de secrets" que cachent paraît-il les hommes (qui a écrit cela? Je sens que l'Aigre de Meaux va nous le rappeler...). C'est comme si on avait mis le Merzbau en bouteille.
Sans titre, une des pièces de la série des bateaux à visage, env. 40 cm de long, vers 2011 ?
Mais ces récipients ne peuvent à eux seuls permettre une telle contention, Darnish dresse vers le ciel ce qu'il fait de meilleur à mon goût, des architectures fragiles où des images, empruntées aux chefs-d'œuvre de l'histoire de l'art comme aux icônes du cinéma dont il est tout autant féru, se retrouvent mêlées dans ces tours de Babel mémorielles où elles prennent figure de kaléidoscopes de souvenirs en miettes échafaudées en désespoir de cause vers les nuages...
Des galeries et autres espaces d'exposition vouées à la promotion de ce qui se fait de mieux dans la création contemporaine feraient bien de s'intéresser d'un peu plus prés à ce jeune homme très sincèrement inspiré. Non?
09:48 Publié dans Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : darnish, architecture, kurt schwitters, merzbau, objets en bouteilles, collages, art singulier, assemblages, tours de babel | Imprimer
30/10/2012
Bruno Montpied au musée d'art naïf et d'art singulier de Laval
Rendez-vous pour une présentation d'Eloge des Jardins anarchiques, le livre de votre serviteur, et une projection de Bricoleurs de Paradis, le film de Remy Ricordeau co-écrit avec BM, au musée du Vieux-Château à Laval mardi 6 novembre à 20h. Un débat est prévu au programme... A bientôt donc.
Le livre et, ci-dessous, une galette du DVD à laquelle vous avez échappé (malheureusement, parce qu'elle était bien adéquate avec les moulinets de monsieur Pailloux, tournant même plus vite que tout ce que les vents de Vendée auraient pu lui proposer)
13:04 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : bruno montpied, remy ricordeau, eloge des jardins anarchiques, bricoleurs de paradis, environnements spontanés, art sans artistes, musée d'art naïf et singulier de laval | Imprimer
25/10/2012
Villefranche-sur-Saône déroule le tapis rouge pour Guy Brunet
Guy Brunet devant l'entrée de sa maison, où sa fresque sur l'âge d'or d'Hollywood a tendance à se détériorer, juillet 2012, ph. Bruno Montpied
Guy Brunet, c'est cet éternel adolescent, né en 1945 et resté pour la vie ensorcelé par l'âge d'or d'Hollywood (des années 30 aux années 60, les seules décades du cinéma américain qui trouvent grâces à ses yeux d'envoûté des salles obscures). Ayant grandi entre des parents gérants d'un cinéma nommé le Plaza à Cagnac-les-Mines dans le Tarn (entre 1949 et 1963, précise Alain Moreau dans le dépliant qui accompagne l'exposition montée à Villefranche-sur-Saône du 31 octobre au 11 novembre), il n'a en effet jamais pu quitter l'univers irréel et scintillant des écrans.
Exposition Guy Brunet à Villefranche-sur-Saône
Comme un drogué en manque, il lui faut reprendre éternellement sa dose de pellicule, se reprojeter dans ce monde à deux dimensions de belles dames aux chevelures indécoiffables, de séducteurs élégants et irrésistibles, où le savoir-vivre et le langage châtié paraissent innés, où la musique fait vibrer les passions à tout coup, ce monde de dieux et de déesses modernes en somme... Dehors, règnent la poussière, l'aridité, l'abandon et la misère. Le bassin des mines de Decazeville, en décadence depuis longtemps, est morose, et pue la mort. Brunet lui-même, seul de façon infinie, habite dans une bâtisse plus qu'austère, mais qu'importe puisqu'il a rempli l'espace de cet habitat de ses 750 silhouettes en carton peint représentant des comédiens, des producteurs, des metteurs en scène, des musiciens qui lui font escorte et lui tiennent compagnie. Une bien étrange armée en vérité, comme chargée de le défendre, faisant bouclier de leur corps...
Acteurs ? Réalisateurs? Producteurs américains? Les figurines en carton peint de Guy Brunet à son domicile, juillet 2001, ph BM
Au coeur de son royaume obscur, brille perpétuellement l'écran de ses rêves cinématographiques. Il a réalisé avec un amateurisme poignant, depuis le début des années 2000, dans son studio-bureau, minuscule unité de création enserrée de toutes parts par des monceaux de documents divers, une douzaine de documentaires et de films historiques (dont le dernier, qui veut évoquer "Le monde magique des frères Lumière", sera projeté à Villefranche dans le cadre de l'exposition, "en avant-première" – à signaler tout de même qu'un long extrait avait été projeté en juin dernier au dernier festival autour des Art Singuliers par l'association Hors-Champ à Nice, en présence du reste de Guy Brunet, qui s'y est déjà rendu plusieurs fois).
Dans le studio de cinéma où Guy Brunet crée ses films... 2012, ph.BM
Ses figurines en carton, ses décors aussi, ses affiches (il en a réalisé des dizaines et des dizaines, déjà plusieurs fois exposées, notamment au Musée International des Arts Modestes de Sète) sont réalisés avant tout dans l'orbite de création de ses films. Il écrit des scénarii depuis l'âge de 16 ans, au même âge où il a commencé à faire des affiches (il confie même avoir commencé à dessiner des affiches dès l'âge de 7 ans). Primitives affiches dont le style fort sommaire et très enfantin est fort éloigné de la maîtrise qu'il atteignit par la suite dans ses réinterprétations des modèles d'affiches originales, comme on s'en convaincra avec ces deux exemples d'affiches de jeunesse que je donne ci-dessous, et qui me paraissent bien inédits (probablement réalisées aux alentours de ses 7 ans?). A comparer avec une troisème affiche plus récente.
Guy Brunet, "Attilus chef des Carthaginois", affiche de jeunesse (d'un film imaginaire inventé pour les besoins de l'affiche par Brunet), vers 1952? ; Coll. BM
Guy Brunet, "Laurel et Hardy, fameux soldats" (là aussi, titre d'un film imaginaire selon moi), vers 1952? ; Coll. BM
Guy Brunet, affiche exposée au Musée International d'Art Naïf de Nice dans le cadre des rencontres autour de l'Art singulier de l'Association Hors-Champ en 2005
Toutes ces créations doivent donc converger vers le but principal de Guy, dresser une sorte de couronne de fleurs de pellicule cinématographique, une véritable guirlande de documentaires célébrant le septième art où il s'est définitivement réfugié, et particulièrement le cinéma américain. Comme il le dit dans l'interview que j'ai réalisée en sa compagnie à son domicile l'été dernier, tout cela est fait pour "les générations futures, les adultes et les jeunes". On reconnaîtra aisément qu'il s'agit là d'une oeuvre des plus atypiques. Qu'on la range dans l'art modeste ou dans l'art brut est une (gentille) querelle qui paraît un peu dérisoire à côté de cette originalité à nulle autre pareille.
Guy Brunet et son ami Burt Lancaster, 2012, ph. BM
Exposition Guy Brunet, Affiches, films, silhouettes de vedettes de films, fresques et éléments de décors, logos de firmes cinématographiques (300 œuvres exposées ; commissaire d'exposition Alain Moreau), dans la salle des Échevins de Villefranche-sur-Saône (69), du 31 octobre au 11 novembre 2012.Entrée libre. Lu-Sa, 14h-19h. Di, 11h-17h.
Une rencontre avec Guy Brunet, animée par Clovis Prévost (photographe, cinéaste, auteur qui prépare actuellement un film sur Guy Brunet), aura lieu samedi 3 novembre à 11h, dans la salle des Échevins. Elle sera suivie d'une visite de l'exposition et d'un verre de l'amitié.
10:08 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art inclassable, Art naïf, Art populaire contemporain, Cinéma et arts (notamment populaires) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guy brunet, art modeste, alain moreau, clovis prévost, association hors-champ, cagnac-les-mines, cinéma le plaza, cinéma naïf, burt lancaster | Imprimer
20/10/2012
Le nouveau catalogue de la Collection de l'Art Brut
En attendant que la municipalité de Lausanne se déniche un(e) nouveau(elle) directeur(trice) pour la collection de l'Art Brut, les responsables précédent (Lucienne Peiry) et actuel (Sarah Lombardi) s'affairent et publient par exemple ce nouveau catalogue de la Collection dont la couverture est aux couleurs de la magnifique Laure Pigeon (qui dessinait avec de l'encre et... une plume – par prédestination sans doute?).
Mais – et ici je formule une critique de fanatique de la dite collection – on aurait pu attendre, puisque l'on nous parle d'un "catalogue", enfin le catalogue raisonné exhaustif de la Collection avec tous ses créateurs, mis à jour... Une sorte de pavé sur papier bible dans le genre de la collection Bouquins chez Albin Michel, sans nécessairement beaucoup d'images (ou alors sous forme de vignettes), histoire que le public des mordus se fasse une idée du vaste et éclectique panorama de l'art brut tel qu'amassé depuis les années 40 jusqu'à aujourd'hui (je le verrai bien comme un annuaire!). Au lieu de ça, on a droit ici, une fois de plus à un échantillonnage de ce que l'on pourrait trouver dans le Château de Beaulieu si l'on voulait faire un petit détour par la jolie Suisse, sans savoir que les réserves de ce musée extraordinaire abritent en fait bien d'autres trésors.
Johann Hauser, sans titre, 1969, mine de plomb, craie grasse et crayon de couleur sur papier, 40 x 30 cm, Photo : Claude Bornand, Collection de l’Art Brut, Lausanne
J'écris "une fois de plus" parce que l'on avait déjà vu paraître en 2001 un ouvrage de nature voisine, signé par Michel Thévoz, à l'enseigne des Musées Suisses, qui comprenait une sélection de 36 créateurs de la collection, livre qui prenait l'allure d'une esquisse de catalogue de la collection (et qui est, dit le site web de la collection, désormais épuisé ; voir ci-contre). Dans le catalogue récemment publié, une cinquantaine de créateurs ont droit à des notices et quelques images (magnifiquement imprimées, dois-je le souligner). On nous y annonce que la Collection possède environ 60 000 œuvres désormais. Mais je le répète (j'aime ressasser), on aimerait voir tous les autres. Pour y arriver, à moins de collectionner les livres sur la collection depuis des décennies, comme s'y emploient quelques vieux de la vieille campant sur leurs trésors (il y a notamment les 22 fascicules que la Compagnie, puis la Collection de l'Art Brut, ont édités depuis les années 60 jusqu'à aujourd'hui), on se prend à rêver d'une numérisation de toutes les notices sur les créateurs avec des images de toutes leurs oeuvres... Vaste programme!
Catalogue de l'exposition de 1967 au Musée des Arts Décoratifs
Il me semble que c'est le quatrième catalogue dans l'histoire de la Collection, après celui de 1967 (qui était le catalogue de l'exposition au Musée des Arts Décoratifs de Paris, la collection provenant à l'époque de la Compagnie de l'Art Brut située rue de Vaugirard, dans le même bâtiment qui abrite aujourd'hui la Fondation Dubuffet ; il y avait selon Michel Thévoz 700 œuvres de présentées dans cette expo, en provenance de 75 auteurs). Le deuxième catalogue, dont la maquette copiait celle du catalogue des arts décoratifs, parut quatre ans plus tard en 1971 à l'égide, pour le coup, de la Collection de l'Art Brut qui venait d'être donnée à Lausanne. Ce catalogue-là recensait, toujours selon Thévoz, "4104 œuvres de 133 auteurs" (en 1975, un an avant l'ouverture de la Collection au public, il précise que la donation était passée à "quelques 5000 œuvres"). Lucienne Peiry, dans l'ouvrage très bien documenté qu'elle a consacrée à l'art brut en 1997 (chez Flammarion), signale que la collection d'art brut comprenait en 1996, soit vingt-et-un ans plus tard, environ 15 000 pièces, tandis que la collection Neuve Invention – les cas-limites de l'art brut – en rassemblait environ 5000 (entre parenthèses, on aimerait bien savoir ce que devient cette collection Neuve Invention dite autrefois "collection annexe"; a-t-on annexée l'annexe?).
Aloïse Corbaz, Napoléon, 1943, crayon de couleur sur papier, 58 x 45 cm, photo : Arnaud Conne, Collection de l’Art Brut, Lausanne
On peut se demander à combien d'auteurs on en est arrivé aujourd'hui (je ne trouve pas dans le nouveau catalogue de chiffre à ce sujet), étant donné le fantastique accroissement du nombre d'œuvres depuis 1971 (de 5000, il y a quarante ans, puis de 15 000 il y a seize ans, on est passé, accroissement conséquent tout de même, à 60 000 ce qui paraît prouver une accélération des acquisitions rassemblées à Lausanne sous le vocable d'art brut ; la prospection internationalisée n'y étant sans doute pas pour rien). Le public qui découvre l'art brut aujourd'hui – et il n'y a pas de doute qu'il est en train de s'accroître avec l'extension du marché autour de l'art brut et l'écho que lui accordent simultanément les média – ne se doute pas de l'incroyable variété des créations conservées dans ce temple d'Ali Baba qu'est la Collection de l'Art Brut à Lausanne. Le catalogue qui vient de paraître, malgré son élégance et sa qualité d'impression inégalable (Skira + Flammarion + Collection de l'Art Brut...), est bien loin de le renseigner à ce sujet.
19:16 Publié dans Art Brut, Napoléon et l'art populaire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : collection de l'art brut, lucienne peiry, sarah lombardi, michel thévoz, catalogues d'art brut, johan hauser, aloïse, neuve invention, skira | Imprimer
18/10/2012
Collection de l'Art Brut recherche conservateur...
Direction de l'administration générale et de la culture
Lieu de travail
- Collection de l'Art Brut - Av. des Bergières 11-13
Mission(s)
- diriger le musée
- confirmer le musée dans son rôle de collection-mère d'art brut
- renforcer le rayonnement de l'institution sur le plan régional et international
Profil souhaité
- formation universitaire complète en histoire de l'art et connaissances en muséologie
- spécialisation dans le domaine de l'art brut
- expérience dans la direction de musées
- expérience dans l'organisation d'expositions
- aptitudes à la communication et à la gestion d'équipe
- intérêt marqué pour la culture lausannoise
- maîtrise de l'anglais
Entrée en fonction
- 1er mars 2013 ou à convenir
Renseignements
- M. Fabien Ruf, chef de service, 021 315 25 25, fabien.ruf@lausanne.ch
Postulation
Nos postes sont ouverts tant aux femmes qu'aux hommes."
08:53 Publié dans Art Brut | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : collection de l'art brut de lausanne, dubuffet | Imprimer
16/10/2012
Week-end immersif chez les bandits
La Halle Saint-Pierre propose comme on le sait de temps à autre des animations qui peuvent durer le temps d'un week-end. Celui qui arrive bientôt, les 27-28 octobre, à l'ouverture des vacances de Toussaint, va fournir pêle-mêle des "conférences, débats, lectures, musique, films, en compagnie de philosophes, historiens de l’art, anthropologues et artistes..." Il paraît que ce sera, je cite encore le laïus de la communicante de la Halle, "une occasion de prolonger les questionnements pluriels mis en œuvre par l’exposition" (Banditi dell'Arte). Comme je ne suis pas là pour donner systématiquement une information complète sur les manifestations (les sites web, c'est pas fait pour les chiens, si vous voulez avoir le programme complet, cliquez, mes bons amis), je ne vous indiquerai que ce qui a retenu mon attention et suscité mes velléités de déplacement pour assister aux interventions ci-dessous, à savoir les conférences du samedi matin autour de Lombroso et du musée d'anthropologie criminelle de Turin (dont plusieurs pièces présentées dans l'expo au rez-de-chaussée demandaient d'en apprendre plus sur cette collection) avec notamment à la fin de la matinée (semble-t-il), l'intervention intitulée "Collection Lombroso : du document à l’œuvre", par Barbara Safarova, "présidente de l’association abcd, docteur en philosophie, maître de conférence en esthétique" (n'en jetez plus). L'après-midi du samedi, je crois bien que j'irai me promener ailleurs (d'autres expos à voir). Je ne reviendrai, je le crains et je l'imagine, que le dimanche après-midi de 14h à 18h pour Marc Décimo (conférence "les pierres parlent et nous on les écoute"), Marina Giordano (art et textile chez les outsiders italiens), Laurent Danchin (qui nous causera des "Banditi della critica", vaste programme) et Lucienne Peiry (pour le "désencadrement de l'art chez Podesta, Bosco et Nanetti"). Je ne pense pas pouvoir rester pour le concert de clôture (Gustavo Giacosa et le Fausto Ferraiuolo Trio Jazz) se rapportant "aux chants de bandits et à un hommage à Pier Paolo Pasolini". Ce dernier ne m'intéresse que très faiblement en effet. Mais chacun est libre d'en juger autrement, n'est-ce pas.
19:44 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Environnements populaires spontanés, Fous littéraires ou écrits bruts, Graffiti | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : halle saint-pierre, banditi dell'arte, gustavo giacosa, week-end immersif, barbara safarova, cesare lombroso, marc décimo, laurent danchin, lucienne peiry | Imprimer
4ème biennale de l'art partagé
On ne trouve plus de qualificatif pour les artistes présents dans cette biennale montée par l'association Œil'Art de Jean-Louis Faravel, alors c'est tout simplement l'art partagé... Et pourtant, n'y a-t-il vraiment aucune caractéristique qui se dégage des productions variées que l'on verra à Rives en Isère? Il me semble qu'en cherchant bien on y arriverait. Ceci dit, même avec un qualificatif ne qualifiant rien on arrive à créer un nouveau label. Car il est peut-être question ici surtout de gens qui pratiquent l'art en amateurs, en semi professionnels, d'une façon proche de tout un chacun, dans la vie quotidienne, comme on pratique le bricolage ou le jardinage, dans un sens de partage des recherches, sans que le commerce vienne par trop bouleverser l'ensemble, sans qu'une quelconque idée de sacralisation vienne se superposer à cela, retranchant nos artistes de l'homme du commun? Communiste, la biennale de l'art partagé? Ou bien ne serait-ce qu'une foire d'artistes de plus, désireux de se faire connaître comme de vulgaires marchandises esthétiques new look? A vous de trancher si vous passez par l'Isère dans les mois qui viennent.
C'est du 27 octobre au 18 novembre 2012.
19:14 Publié dans Art moderne ou contemporain acceptable, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : oeil'art, 4ème biennale de l'art partagé, jean-louis faravel, rives, david braillon, patrick chapelière, michel dave, marie-jeanne faravel, yves-jules fleuri, joël lorand, gilles manéro, ruzena, jacques trovic, jacqueline vizcaïno | Imprimer
15/10/2012
Peinture rustique moderne
"Mes préférences vont d'emblée à la peinture rustique moderne. Peintre de village, je lui reste fidèle, trop sûr de faire fausse route si je cherchais à peindre à la façon des artistes peintres des capitales et sous-préfectures.
Nous autres les ruraux de 1946, nous n'avons plus les préjugés d'hier, nous avons évolué et pouvons sans crainte faire des créations à notre idée, insouciants de ce qu'en penseront les bourgeois et d'autres. Dans nos campagnes désertes, rien n'interrompt la méditation si nécessaire avant toute création artistique, et nous ne recevons que de bien faibles échos de ce qu'on peint dans les cités prestigieuses. Quant à la vie moins intellectuelle et plus saine qui est la nôtre, elle favorise l'éclosion de nos créations. N'ayant nul besoin du dessin et de la palette des autres, oubliant l'univers et travaillant sans autre souci que de progresser d'une façon continue jusqu'à notre mort, des nouveautés nous appartiennent, il n'y a qu'à ramasser.
Sur divers sentiers suivis au cours de mes recherches, j'ai trouvé les bouquets, masques, portraits, etc. que je peux dire miens. Demain s'ajouteront à ma collection d'autres choses autant miennes.
Sans gestes théâtraux, ni mise en scène phénoménale, il n'y a qu'à parcourir certaines pistes qu'on reconnaît bien vite quoiqu'à peine visibles et on en revient avec des richesses pour son pays, pour la terre entière. Ma peinture rustique moderne est encore assez pauvre, mais dans une vingtaine d'années, j'espère qu'elle sera riche, presque autant que la terre."
Gaston Chaissac, texte paru dans la revue Centres, 1946.
Graffito de Gaston Chaissac dans les latrines de l'ancienne école publique de Ste-Florence-de-L'Oie, ph. Bruno Montpied, 2012
00:03 Publié dans Art singulier, Lexique et définitions des arts populaires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture rustique moderne, gaston chaissac, art singulier, lexique des arts populaires | Imprimer
13/10/2012
Qu'est-ce qu'un "ballon interdit"?
Panneau dans le Xe (non, le XIe) ardt à Paris
Il faut faire attention aux bifurcations de sens induites par un pluriel oublié, comme dans le panneau ci-dessus. Qu'est-ce que ces jeux menés avec un ballon interdit, me suis-je dit tout à coup? A quoi ressemble ce dernier? Pourquoi l'a-t-on interdit? A moins que ce ne soit un ballon perplexe qui reste interdit, interrogatif, devant certaines situations imprévues. Ce qui voulait au départ signifier l'interdiction de jouer au ballon dans la rue (le fait qu'il y ait une mosquée avec beaucoup de fidèles sur les trottoirs à 30 mètres n'y est peut-être pas étranger?) se renverse en un sens opposé. Ici, semble proclamer le panneau du fait de la faute de pluriel, on joue avec un ballon interdit. Un ballon en forme de pénis pour les filles, ou de mamelle pour les garçons? En forme de chipolata? Un ballon rempli de sauce tomate? Une piñata? Un ballon aux inscriptions subversives ou scabreuses? Un ballon en forme de coussin péteur? Etc., etc.... Allons, vivent les fautes de français...
14:13 Publié dans Inscriptions mémorables ou drôlatiques | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : inscriptions drôlatiques, fautes d'orthographe, signalisation onirique | Imprimer
Entrée des médiums, spiritisme et art de Victor Hugo à André Breton
Débutera le 18 octobre prochain l'exposition susdite à la Maison de Victor Hugo, place des Vosges à Paris, prévue pour durer jusqu'au 20 janvier 2013. On y découvrira du nouveau sur l'art médiumnique, notamment des dessins, gravures et documents jamais vus de Victorien Sardou.
Victorien Sardou, La maison du prophète Elie, vers 1857, encre sur papier, 47 x 60 cm, collection M. et Mme Claude de Flers, Paris, ©Studio Sébert
Ce dernier, comme le comte Le Goarant de Tromelin, Léon Petitjean, Augustin Lesage, fait partie des créateurs médiuniques évoqués par André Breton dans Le Message Automatique, texte de 1933 publié dans la revue Minotaure. Ils furent ensuite avidement recherchés par les thuriféraires de l'Art Brut.
Le Comte de Tromelin, sans titre (femmes et monstres), entre 1902 et 1907 (si l'on se base sur le catalogue d'une précédente exposition à la Halle Saint-Pierre à Paris en 1999, Art spirite, médiumnique, visionnaire, messages d'outre-monde), crayon sur papier, 38 x 51 cm, Collection de l'Art Brut, Lausanne, ©Claude Bornand
Léon Petitjean, sans titre, 1922, mine de plomb, encre et aquarelle sur papier, 32 x 17,4 cm, collection ABCD, Montreuil, © collection ABCD/ photo Patrick Goatelen
En fait, on va assister semble-t-il à une revue des principaux créateurs se revendiquant d'esprits désincarnés leur ayant intimé d'écrire ou de dessiner, voire parfois comme dans le cas de la médium Marthe Béraud de se servir d'eux comme truchement pour ectoplasmes (on l'avait déjà vu dans l'expo Le Troisième oeil. La photographie et l'occulte montée à la Maison Européenne de la Photographie à Paris en 2004-2005).
Hélène Smith, plante d'ornement martienne, [fin 1896-été 1899], aquarelle sur papier, 18,5 x 11 cm, Bibliothèque de Genève © Bibliothèque de Genève
Hélène Smith, la célèbre patiente du Dr Flournoy qui parlait le Martien et représentait à l'occasion des paysages de Mars, viendra refaire un tour également, ainsi que Madge Gill, bien connue dans l'art brut, et Fernand Desmoulin dont on a déjà vu au moins deux expositions à la galerie de Messine autrefois, puis à la galerie Christian Berst, sans compter les oeuvres plus post-impressionnistes visionnaires toujours visibles je pense au musée de Brantôme dans le Périgord où je les photographiai vers 1992 (voir ci-contre). Là, dans cette expo, plus axée sur le médiumnique, ce seront des dessins de Desmoulin plus "automatiques", venus de l'Institut de Métapsychique International ou de la collection ABCD, bien représentée une fois de plus dès que l'on parle de médiums.
Peut-être que la surprise sera à chercher plutôt du côté d'Hugo d'Alesi (semble-t-il une découverte de la collection ABCD) et d'un(e?) certain(e?) "SV" dont l'un des dessins faits de motifs floraux, qui ne sont pas sans faire songer à l'art spirite tchèque (tel qu'à Paris on avait pu également le découvrir à la Halle Saint-Pierre grâce à l'entremise d'Alena Nadvornikova), sert pour le carton d'invitation à l'expo.
On nous présente aussi un médium contemporain, Philippe Deloison, dont je ne trouve pas, si je ne me base que sur une reproduction insérée dans le dossier de presse de l'expo, que son esprit soit aussi bien inspiré que ceux de ses collègues médiums plus anciens...
Enfin, on a mêlé à ces productions d'autodidactes en matière de dessin des expériences automatiques de divers surréalistes, comme Man Ray, André Masson ou encore Robert Desnos (on sait qu'aujourd'hui encore des créateurs se revendiquant surréalistes, tel Jan Svankmajer en République tchèque, pratiquent des expériences dites médiumniques de création automatique).
Robert Desnos, Mort d'André Breton (peinture médiumnique), vers 1922-1923, huile sur toile, 46 x 55 cm, collection particulière © Gérard Leyris/Ville de Paris
01:51 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Photographie, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : victor hugo, andré breton, robert desnos, art spirite, art médiumnique, hélène smith, le comte le goarant de tromelin, augustin lesage, philippe deloison, photographie et occultisme, victorien sardou, fernand desmoulin, abcd, surréalsime, jan svankmajer, hugo d'alési | Imprimer
11/10/2012
Emilie Henry nous quitte
Je n'ai jamais su grand chose de la personne Emilie Henry. J'aimais simplement regarder certains de ses dessins bien ténébreux, où l'encre jouait de ses coulures et de ses brumes avec une délicatesse et une beauté hors du temps. J'en avais acheté deux un jour à Bègles, puisque c'est au musée de la Création Franche qu'elle se révéla. Je leur trouvais un côté hugolien et visionnaire, j'en attendais beaucoup de promesses.
Deux lavis d'Emilie Henry, vers 2009, coll. BM
Et puis voici qu'Emilie Henry, Strange Emily, a décidé de mettre la clé sous la porte dans la nuit du 3 au 4 octobre dernier. L'automne est propice aux départs en compagnie des feuilles mortes. Elle en a fini avec cette (sa?) vallée de larmes sans doute. Et ses dessins restent désormais derrière elle, prenant avec le recul d'autres interprétations. Le passeur sur la barque, ne le reconnaît-on pas ? C'est Charon faisant passer les âmes aux enfers, et le fleuve, ne serait-ce pas du coup le Styx? L'oiseau qui passe arrache-t-il cette âme pour l'emporter au pays des ombres? L'œuvre toute entière prend à présent l'aspect d'une vaste tentative de préfiguration du monde obscur où vont migrer les morts après le parcours terrestre.
Emilie Henry, extrait d'un catalogue de vente aux enchères Néret-Minet en mai 2011
08:51 Publié dans Art singulier | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : emilie henry, musée de la création franche, art singulier, art visionnaire | Imprimer
08/10/2012
Collectionneurs de merveilleux nuages
En anglais, ils intitulent l'exposition "Collectors of skies". C'est la Galerie Andrew Edlin à New-York qui monte cela avec la complicité de Barbara Safarova et de Valérie Rousseau qui ont été pour l'occasion intronisées commissaires. C'est commencé depuis le 13 septembre et ça se termine le 3 novembre. Je sais, c'est pas la porte à côté, New-York, et j'imagine que mes lecteurs ne faisant pas partie de la Jet Set de l'art brut qui quadrille le blog, euh, non, le globe... en quête d'art brut dans tous les pays, resteront légèrement dubitatifs devant une telle adresse. Mais s'ils s'intéressent un tant soit peu à la poésie, aux nuages, à l'histoire et à la préhistoire de l'art brut, ils devront tout de même tendre une oreille attentive.
Le dessin de ce carton est d'Achilles G. Rizzoli (1936)
L'affiche du carton d'invitation électronique égrène des noms connus et beaucoup d'autres moins connus. Ne sommes-nous qu'en pays de bruts? Ce n'est pas sûr. Il semble que la galerie Andrew Edlin ait pris pour habitude d'engendrer des confrontations entre artistes contemporains inspirés (par exemple ici une "harpe de nuages" de Nicolas Reeves qui nous dit le carton d'invitation convertit "en temps réel la structure des nuages en séquences musicales", wow!) et créateurs de l'art brut. Guo Fengyi (voir ci-contre une reproduction venue d'une œuvre exposée à la galerie Christian Berst en son temps), Charles Dellschau, Henry Darger, Janko Domsic, Zdenek Kosek et Victor Hugo ne sont pas complètement inconnus des amateurs d'art brut. C'est qu'ils ont eu affaire avec les esprits et le hasard objectif des nuages et autres intersignes climatologiques (je pense à Kosek notamment, dont les théories liées aux réseaux de coïncidences si elles sont captivantes ne me font pas oublier que les documents et les diagrammes qu'ils nous livrent à l'appui ne sont pas bien folichons). Palmerino Sorgente est une trouvaille de la Société des Arts Indisciplinés (inactive désormais?) de la Québécoise Valérie Rousseau, devenue une familière de la grosse pomme entre-temps. Les autres noms ne me disent personnellement rien. A part, à part... Clémentine Ripoche bien sûr.
Sur cette dernière, on ne dispose vraiment que de très peu d'informations. Et pourtant... Dans l'histoire de l'art brut, elle représente le premier cas de création plastique venue d'ailleurs que rencontra Dubuffet bien avant l'art brut (des nuages en l'occurrence que l'intéressée interprétait, apparemment de façon visionnaire, dans un cahier de dessins, d'après ce que l'on en sait par les historiens de Dubuffet, et par l'autobiographie de ce dernier, rédigée "au pas de course", peu de temps avant qu'il décide d'abréger ses jours). La grande information nouvelle est qu'une correspondance entre Clémentine Ripoche et Dubuffet restée inédite à la Collection de l'Art Brut à Lausanne a été confiée pour l'occasion aux commissaires de l'exposition new-yorkaise. C'est un élément à verser au dossier Ripoche, en attendant que réapparaisse un jour (fort hypothétique hélas!) le fameux cahier dont Michel Thévoz a signalé (dans le catalogue de l'exposition à Lausanne du Nouveau Monde) qu'il n'avait pas été conservé par Dubuffet (sans doute parce qu'il le rendit à son auteur comme les lettres en témoignent – j'ai en effet pu par une faveur spéciale d'une des deux commissaires les consulter ; Clémentine tenait à ses dessins avec un acharnement compréhensible, mais cela fut peut-être cause simultanément de leur disparition ultérieure). Cela se passait en 1923, et montre bien que l'intérêt de Dubuffet pour ce qu'il allait appeler l'art brut à partir de 1945 avait commencé de germer dans ces années d'apprentissage de l'entre deux guerres.
Voici le passage où Dubuffet évoque la découverte de la visionnaire: "Je dus faire à vingt-deux ans (de fort mauvais gré) mon service militaire. Dans une forme privilégiée car après quelques mois d'exercice dans un fort je me vis affecté à Paris même, à l'Office météorologique (...). Ma prestation de soldat – fort peu militaire – comporta un moment de faire des relevés d'appareils enregistreurs fixés à tous les niveaux de la tour Eiffel et pour cela monter quotidiennement et par mauvais temps l'hiver des escaliers à claire-voie extrêmement hauts. J'eus aussi à répertorier des photographies de nuages parmi lesquelles je trouvai une pièce qui excita très vivement mon intérêt. C'était un cahier émanant d'une personne habitant un faubourg de Paris et relatant, illustrée de dessins, des observations du ciel. Celles-ci ne présentaient pas des nuages mais des défilés de chars et toutes sortes de cortèges et scènes dramatiques. Je fis plusieurs visites à cette visionnaire dont l'égarement tourna vite en totale démence." (Biographie au pas de course, pp 468-469, 1985 dans Prospectus et tous écrits suivants, T.IV).
Charles Méryon, Le Ministère de la Marine, eau-forte, 1865, 168 x 148 mm
Ces dessins de "défilés de chars et de toutes sortes de cortèges" m'évoquent irrésistiblement les cieux chargés eux aussi de chars fantastiques qu'on peut voir dans les gravures de Charles Méryon, qui fut l'illustrateur de Baudelaire.
On regrette vraiment intensément que ces visions de Mme Ripoche n'aient pas réapparu, et l'on se prend à rêver à ce que disait un jour Maugri, à savoir que les dessins s'ils sont forts peuvent se défendre seuls au delà de la mort de leur auteur, et se conserver par charme et ensorcèlement. Reviendront-ils donc un jour ces chars et ces cortèges pris dans les nuées de 1920, c'est la grâce que nous attendons...?
22:05 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Confrontations | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer