03/08/2012
Age d'Or et Age de Fer
Dans une note d'août 2008, parue au moment des précédents Jeux Olympiques qui se déroulaient alors à Pékin, j'évoquais le manque de réussite de la kayakiste Emilie Fer qui avait échoué à monter sur le podium. Et voici que quatre ans plus tard, cette dame ferrugineuse, en bonne alchimiste qui sait se révéler au moment décisif, a pu transformer en or le métal qui n'avait pas rouillé entre temps. Bravo à elle. Je n'ose pas écrire qu'elle a su repasser.
A noter aussi que son nom qui pouvait être considéré comme un aptonyme, un nom prédestinant, qui pouvait influer sur la qualité de ses performances aux Jeux en 2008, est devenu désormais un contre-aptonyme puisqu'il l'a peut-être conduite à un dépassement, une transmutation.
Photo AFP
00:02 Publié dans Noms ou lieux prédestinants | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : noms prédestinants, aptonymes, contre-aptonymes, émilie fer, jeux olympiques, canoé-kayak | Imprimer
01/08/2012
Revue d'Olivier Hervy, avec un frontispice de Jean-Pierre Paraggio, une brassée d'aphorismes
Edité en hors-série dans la "collection de l'Umbo", en marge de la revuette L'Impromptu dont le n° 5 vient de sortir parallèlement (les deux publications disponibles chez Jean-Pierre Paraggio, 23, rue des Princes – y en a qui savent se dénicher des adresses pour chevilles enflées... – 31500 Toulouse, ou jeanpierreparaggio@yahoo.fr), voici une nouvelle brassée d'aphorismes d'Olivier Hervy dont j'ai déjà eu l'occasion par le passé de dire tout le bien que j'en pense, publiée sous le titre de Revue. Quelques exemples ci-dessous...
L'établi est un bureau qui n'a pas fait d'études.
L'entreprise Kodak qui est menacée de faillite risque de disparaître, comme pour parfaire son travail sur le souvenir.
Le saut de l'ange est la lettrine de la nage.
«Des ongles longs et vernis comme les siens elle doit passer des heures à les entretenir», me dit-elle admirative. Et les miens! Ils se rongent tout seuls?
Le marteau-piqueur est l'un des rares outils qui semble furieux. D'où son efficacité.
Etc...
02:22 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : olivier hervy, l'impromptu, jean-pierre paraggio, aphorismes | Imprimer
28/07/2012
Création Franche n°36
Sortie des presses au début de la grande période de transhumance des juillétistes et des aoûtiens, on peut dire que la dernière livraison de la revue Création Franche, émanant du musée éponyme, se soucie comme d'une guigne des périodes traditionnelles de publication. C'est une revue sur l'art contemporain marginal qui paraît à des périodes marginales, et c'est donc cohérent.
Au sommaire de ce numéro, j'ai avant tout retenu les interventions de la nouvelle directrice de la Collection d'Art Brut de Lausanne, Sarah Lombardi, sur Frédéric Bruly-Bouabré, ainsi que l'article de Déborah Couette sur le thème du voyage dans l'art brut à travers les errances et les fugues d'un aliéné nommé Albert Dadas, personnage qui m'avais moi-même frappé dans le livre de Ian Hacking, Les Fous voyageurs (édité en français voici dix ans chez Les Empêcheurs de Penser en Rond en 2002), et que Savine Faupin avait déjà cité en 2007 dans le texte "Le Voyageur immobile" du catalogue de l'exposition "Trait d'Union, Les Chemins de l'Art Brut (6) à St-Alban-du-Limagnole" (pp.66-67).
René Rigal, L'Africain détail de Si tous les gars du monde... (autre titre, selon Jeanne Ferrieu de la galerie La Menuiserie à Rodez: Les cinq races), bouquet de cannes sculptées représentant chacune un type humain différent (Asiatique, Africain, Européen...) et guettées à leurs pieds par une effigie de diable cornu, Musée Eclaté de Cardaillac, ph. Bruno Montpied, 2011 ; par la suite, cet ensemble de sculptures a été transporté à la galerie La Menuiserie, où on peut la voir durant cet été
Pour ma part, je livre dans ce numéro un court texte, "René Rigal, hors des rails", à propos de ce sculpteur de branches hors du commun que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer dans la colonne de ce blog.
J'aurai l'occasion dans les mois qui viennent de revenir avec plus d'informations et de photos au sujet de ce grand créateur originaire de l'Aveyron, malheureusement disparu en 2008.
17:03 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire contemporain, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : rené rigal, création franche n°36, albert dadas, déborah couette, savine faupin, art brut, chemins de l'art brut 6, sarah lombardi, bruly-bouabré, fous voyageurs, ian hacking | Imprimer
25/07/2012
Pédophilie funéraire
01:04 Publié dans Danse macabre, art et coutumes funéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art funéraire, tombes insolites, kitsch, angelots, cul nu | Imprimer
21/07/2012
Moi j'aime le Tour de France
Il y en a certains que le sport défrise. Pas moi, je dois l'avouer. Pour ces spectacles, que ce soit le rugby, le cyclisme, éventuellement le foot, et bientôt les Jeux Olympiques avec l'athlétisme et tout le fourbi, je suis le plus souvent preneur. Comme les handicapés mentaux du MADmusée, je suis. On leur a proposé les champions du Tour de cette année qui partait de Liège et cela a donné des résultats qui paraissent de loin, à en juger seulement par la mosaïque d'images envoyées en pièce jointe, plutôt variés et rigolos. Ils sont sensibles avant tout au spectacle que donne le Tour avec ses champions, leurs harnachements (ce sont des hommes-sandwich au service de toutes sortes de marchandises, et cela donne des arlequins aux tenues des plus bariolées), leurs machines, leurs acrobaties sur la route, leur aisance à franchir (presque) tous les obstacles (même si c'est parfois à l'aide de quelques substances pas très catholiques). J'aime comme d'habitude ce que fait Yves Jules, son Thomas Voeckler d'Europcar est assez réussi. Tour de France qui passait cette année non loin de la Drôme et de son Palais Idéal, ce qui a permis à Jean-Paul Olivier, l'esthète de service de France-Télévisons, de sortir le nez de ses sacro-saintes chapelles et autres abbayes (l'alibi culturel du Tour) pour proposer à nos yeux médusés un petit sujet sur le chef-d'œuvre du Facteur Cheval. Les millions de téléspectateurs qui regardaient ce jour-là n'en sont pas encore revenus. D'ici à ce que dans un avenir plus ou moins proche on voit passer des concours de Pailloux équipés de vélos tous plus ébouriffants les uns que les autres, je n'en serais guère étonné.
Exposition Tour de France / Portraits 2012 du 15 juin au 8 septembre 2012 au MADmusée
Le vélo hors catégorie d'André Pailloux en Vendée, 2010, photo Bruno Montpied
00:30 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : madmusée, tour de france, cyclisme, rugby, yves jules, facteur cheval, palais idéal du facteur cheval | Imprimer
17/07/2012
Un boucher libéré
Près de la mairie du Xe ardt à Paris, 2012, ph. B.Montpied
On tremble de faire ses emplettes en une telle échoppe, non? Vous ne voyez pas pourquoi? L'enseigne ne vous dit rien? Un boucher qui a brisé ses chaînes, pourtant, qu'est-ce que cela donne... Dès que l'on franchit le seuil de sa boutique peut-être couverte de sang du sol au plafond...
01:48 Publié dans Noms ou lieux prédestinants | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : boucherie, noms prédestinants, inscriptions drôlatiques, aptonymes, paris insolite | Imprimer
15/07/2012
Louis Soutter moins souterrain
"Il a appris à regarder en dedans. Par lui, nous pouvons regarder dedans un homme. Un homme racé, cultivé, ayant passé par tous les luxes de l'argent et une vie intelligente. Et qui aujourd'hui, remontant du réfectoire triste, couvre chaque jour, à soixante-cinq ans, un papier blanc de ces âpres, fortes et admirables compositions."
Le Corbusier, "Louis Sutter, L'inconnu de la soixantaine", dans Minotaure n°9, 1936 (Le nom de Soutter est orthographié par Le Corbusier sans le "o" à la manière du nom de l'aïeul de l'artiste, "celui qui fonda la Californie")
Louis Soutter à Ballaigues dont il fuguait à l'occasion, semant ses dessins auprès de ses amis
C'est un été Soutter à Paris et à Rodez. L'occasion d'en découvrir plus sur cet artiste qui dessina, peignit, expérimenta, après avoir été casé contre son gré dans un asile de vieillards dans le Jura suisse, à 52 ans tout de même, sous prétexte qu'il dépensait trop, et que sa famille, dont il dépendit matériellement (il ne faut jamais dépendre des familles matériellement), ne pouvait plus le souffrir (il fut une vingtaine d'années à leurs crochets cela dit, après avoir divorcé et être revenu des Etats-Unis où il avait quitté une carrière qui paraissait prometteuse). Le Corbusier qui était son cousin, "issu de germain", précise Benoît Decron le conservateur du Patrimoine au musée Soulages de Rodez, prit fait et cause pour lui, en écrivant en 1936, six ans avant sa mort, dans Minotaure un article qui eut un certain retentissement. Il ne fit pas que cela puisqu'il essaya aussi de placer ses dessins chez des collectionneurs et dans des galeries, lui permettant d'exposer aux USA à Hartford en 1935 (j'emprunte mes renseignements biographiques à la chronologie de Marion Bonnet parue dans le catalogue de l'exposition "Les primitifs sont petits - Cahiers de 1923-1930 de Louis Soutter" au Musée Fenaille de Rodez). Cela dit, l'intérêt de Le Corbusier paraît s'être singulièrement rafraîchi lorsqu'il découvrit les peintures au doigt que Soutter se mit à produire à partir de 1937 (peut-être faute à l'arthrose), production qui il faut bien le dire a beaucoup fait pour sa gloire aujourd'hui en raison de sa force et son modernisme précurseur.
Louis Soutter, Le héros, (recto d'une feuille dessinée aussi au verso), exposé à La Maison Rouge, provient de la galerie Karsten Greve
S'il eut une période de dessin plutôt académique dans sa jeunesse, pratiquant un réalisme imitant la perception rétinienne – il exerça en outre le métier de professeur de dessin ; il jouait parallèlement du violon dans des orchestres après avoir été l'émule et l'ami du compositeur Ysaye – c'est à partir de 1923, date à laquelle sa famille le relégua à l'hospice, qu'il commença véritablement à dessiner d'une façon qui retient aujourd'hui l'attention des esthètes, et notamment de ceux qui s'intéressent aux marginaux de l'histoire de l'art moderne.
Je crois que le titre de ce dessin est "Les premières primevères à Ballaigues"
Après sa période académique, on distingue trois périodes dans sa production plus originale, les dessins de 1923 à 1930 exécutés sur des cahiers à papier quadrillé, seuls supports qu'il pouvait se procurer, les dessins dits "maniéristes "de 1930 à 1937, et enfin les peintures aux doigts des années 1937-1942. Il disparut cette dernière année, et sans doute pressentait-il sa fin, et depuis longtemps, tant son œuvre paraît en être obsédée. Plusieurs photos de lui le montrent tel un squelette vivant, le visage incroyablement émacié, portant beau, toujours élégant, masquant peut-être sous un dandysme provoquant sa hantise du néant (voir photo en ouverture de cette note).
Louis Soutter, Voie latine et corps de fer, Prêtresses druides, expo La Maison Rouge, provient de la Galerie Karsten Greve
Voir l'exposition de La Maison Rouge est une épreuve à dire vrai. On n'en sort pas rasséréné, si le besoin s'en faisait sentir. Le parcours aux œuvres fort bien choisies laisse un étrange souvenir de cabrioles et d'agitation contractée exécutées en contrejour sur un fond taché d'empreintes digitales, comme une danse macabre ombreuse. L'homme y est dépouillé jusqu'à l'os, on ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec l'époque (je suppose que cela a été déjà remarqué), où la "solution finale" de sinistre mémoire commençait d'être mise en action par les Nazis dans leurs camps de la mort. Il y a peu de chances que Soutter entre 37 et 42 en ait été averti. Mais le parallélisme est troublant, comme s'il s'agissait d'une anticipation visionnaire.
Louis Soutter, Quatre femmes nues, période maniériste (entre 1930 et 1937), Musée Cantonal des Beaux-Arts, Lausanne
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"Les primitifs sont petits – Les Cahiers de 1923-1930 Louis Soutter", exposition au Musée Fenaille du 16 juin au 14 octobre 2012. Un catalogue est paru à cette occasion avec des textes de Michel Thévoz, Louis Pons et Benoît Decron.
"Louis Soutter, Le tremblement de la modernité", exposition à La Maison Rouge dans le XIIe ardt de Paris, commissariat Julie Borgeaud, du 21 juin au 23 septembre.
Egalement : Fondation Le Corbusier, Paris, "Louis Soutter, dessins", du 15 juin au 15 septembre ; Fondation suisse (14e ardt de Paris) "Le Corbusier, Louis Soutter–croisements", Exposition + conférence, du 28 juin au 30 septembre 2012 ; Centre culturel suisse (Paris 4e ardt), "Météorologies mentales, œuvres et livres de la collection Andreas Züst", Exposition + conférence, jusqu'au 15 juillet 2012 (là, c'est trop tard...).
13:22 Publié dans Art moderne méconnu, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louis soutter, la maison rouge, musée fenaille, art moderne, art singulier, le corbusier, benoît decron, michel thévoz, louis pons | Imprimer
11/07/2012
Des peintures du sciapode au musée d'art naïf et d'art singulier de Laval
J'entre par le biais d'une donation de 26 œuvres dans la collection permanente du Musée d'Art Naïf et d'Art Singulier de Laval, prestigieuse collection d'art naïf de très grande qualité qui ouvrit ses portes au public en 1967, après avoir été créée à partir des collections du peintre lui-même naïf Jules Lefranc. C'est dire que je n'en suis pas peu fier. En même temps que moi, plusieurs œuvres de Jean-Louis Cerisier, régional de l'étape (pour employer une métaphore en rapport avec l'actualité cycliste), entrent également au musée du Vieux-Château.
Bruno Montpied, Une nuit en couleur, 31x24 cm, 1998, Musée d'art naïf et d'art singulier de Laval
B.M., Le Malin, 24x32 cm, 2006, MANAS de Laval
Ce n'est pas la première fois que des œuvres relevant de ce que l'on appelle "l'art singulier" (= "neuve invention" ou "création franche") entrent dans ce musée. Une importante donation d'Alain Lacoste a été ainsi réalisée il y a peu, avec une salle qui lui avait été temporairement entièrement consacrée. On trouve également, entre autres, des oeuvres de Sanfourche, Reumeau, Hernandez (cela dit rangé usuellement plutôt dans l'art brut), Van Der Steen, Jacques Trovic, Boix-Vives, Eva Lallement (dont il y a eu une donation complémentaire récemment), Martinez Albarez Rutila et Antonia Martinez, ou encore Antoine Rigal. L'action de l'attachée de conservation, liée à la municipalité de Laval, Antoinette Le Fahler, n'est pas étrangère à cet intéressant prolongement de la collection.
Alain Lacoste, A fond le champignon, 2003, MANAS de Laval
Antonia Martinez, Bombardement de tous les trônes d'Europe, terre cuite, 1989, MANAS de Laval
*
J'insère ci-après la lettre que j'ai adressée à la ville de Laval lors de ma proposition de donation, qui précise en quoi à mes yeux elle se justifiait.
"Lettre d’intention en vue d’une donation
Je souhaite faire donation de 26 de mes œuvres au musée d’art naïf et d’art singulier du Vieux-Château à Laval pour deux raisons principales.
Je suis impliqué par mes dessins et autres peintures dans le corpus de l’art dit singulier (appelé aussi « création franche » au musée du même nom, situé à Bègles, Gironde) depuis de nombreuses années (depuis 1989 par exemple au Musée de la Création Franche, époque où j’avais participé à la première exposition collective de ce musée, intitulée « Les Jardiniers de la Mémoire », en compagnie de Pépé Vignes, Sanfourche, Alain Pauzié, Claudine Goux, Alain Lacoste, Chichorro, Noël Fillaudeau, Monchâtre, Claude Massé et Marcelo Modrego entre autres). D’autre part, je suis un fervent défenseur des arts spontanés et autodidactes, ce que j’exprime à côté de ma peinture dans de nombreuses publications disséminées dans des organes de presse et d’édition variés, depuis d’aussi nombreuses années.
Dans ce cadre, j’ai été amené à citer plusieurs fois la collection du musée d’art naïf de Laval que j’estime particulièrement remarquable, de même que j’ai pu écrire des articles sur certains créateurs lavallois (Jean-Louis Cerisier, Serge Paillard). A mes yeux, l’art naïf de qualité d’une part, l’art brut d’autre part, dans leur filiation avec les arts populaires ruraux d’autrefois, sont les cousins, ou les ancêtres des artistes contemporains marginaux que l’on range dans l’art singulier. C’est pourquoi j’ai été amené à citer dans mes articles les créateurs naïfs, et par la suite singuliers, de la collection de Laval (par exemple dans « La poésie oubliée des peintres naïfs », Création Franche n°3, mai 1991, ou dans l’article « Laval » inséré dans le n°XLIX de la revue 303, 2e trim 1996, où, suite à une exposition à l’Orangerie de la Perrine de Jean-Louis Cerisier, je forge le terme « d’école lavalloise de figuration poétique » à propos des peintres Rousseau, Lefranc, Trouillard, Reumeau, Tatin, Lacoste, Blanchard, Cerisier, Paillard, etc.).
L’évolution de la collection du Vieux-Château, ces dernières années, en direction de l’art singulier, me concerne par conséquent tout particulièrement, car elle confirme mes intuitions avancées dans le cadre de mes activités de critique et de peintre. C’est pourquoi je souhaite ardemment qu’y figurent à côté de diverses figures que j’admire mes propres œuvres.
Bruno Montpied"
00:32 Publié dans Art naïf, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : bruno montpied, art singulier, création franche, neuve invention, art naïf, musée d'art naïf et d'art singulier de laval, jean-louis cerisier, jules lefranc, alain lacoste, reumeau, miguel hernandez, germain van der steen, antoinette le fahler | Imprimer
08/07/2012
Gabriel Albert et Roger Lanzac
Parmi les centaines de statues qu'a créées Gabriel Albert à Nantillé en Charente-Maritime, une d'entre elles, selon les auteurs de Gabriel Albert, l'univers poétique d'un créateur saintongeais¹, représenterait Roger Lanzac, ancien animateur de télévision, qui servit aussi de Monsieur Loyal dans la Piste aux Etoiles, émission consacrée au cirque. Je trouvais enfant que ce rôle du reste ne lui allait pas. Je ne voyais pas un Monsieur Loyal avec des valises sous les yeux aussi voyantes que les siennes. Tombant récemment sur un portrait dédicacé de Roger Lanzac, publié sur le savoureux blog de Laurent Jacquy, Les Beaux Dimanches, je me suis dit qu'il pourrait être fructueux de les confronter en images ici même.
Photo Bruno Montpied (détail), 2006
Photo empruntée au blog Les Beaux Dimanches
Il semblerait plausible de rapprocher le modèle et la statue, si l'on admet qu'Albert a accentué les traits caractéristiques du visage de Lanzac. Les sourcils de la photo sont nettement dessinés, Albert les a faits fournis. Les poches sous les yeux, qui étaient une véritable signature physique du présentateur sont bien visibles sur le visage de ciment. Les pommettes également sont rendues. Les proportions allongées de cette face lanzaquienne ont été aussi accentuées, par un souci d'expressivité ou simplement parce que Gabriel Albert voyait Lanzac ainsi, un homme à longue figure. Le dessin des lèvres assez sinueux a été de même bien relevé par le sculpteur-modeleur. Seul peut-être le menton, fort pointu chez Albert, a pu être exagéré par rapport au portrait original. Mais là aussi peut-être, on peut retrouver un désir albertien de caricature...
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1. Michel Valière, Fabrice Bonnifait, Thierry Allard, Yann Oury, Collection Inventaire du patrimoine n°266, éditions Région Poitou-Charentes et Geste Editions, 2011
12:31 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Confrontations, Environnements populaires spontanés, Photographie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gabriel albert, environnements spontanés, habitants-paysagistes, roger lanzac, piste aux étoiles, monsieur loyal, michel valière, nantillé, laurent jacquy, les beaux dimanches, sculpture naïve, caricature | Imprimer
03/07/2012
Des jardins de fantaisie populaire à Dives-sur-Mer (presque) tout l'été
Je continue à présenter Bricoleurs de paradis (cette fois avec son réalisateur Remy Ricordeau), ainsi que mon livre Eloge des Jardins Anarchiques, le 10 juillet prochain à 20h à la Médiathèque Jacques Prévert de Dives-sur-Mer, dans le Calvados, ville où comme on sait se trouve la Maison Bleue d'Euclides da Costa Ferreira.
Euclides da Costa Ferreira, détail au caméléon, dans les décors en mosaïque de "la Maison Bleue" à dives-sur-Mer, ph. Bruno Montpied, 2011 (pas dans l'expo)
Cependant, il y a un bonus en supplément pour l'occasion, je prête également une petite exposition que j'ai conçue pour cette médiathèque, "Les jardins de fantaisie populaire", exposition prévue pour durer du 11 juillet jusqu'au 1er septembre. Il y aura vingt photos de votre serviteur consacrées à divers sites d'inspirés du bord des routes (vingt sites différents: Châtelain, Litnianski, Jean Grard, Darcel, Taugourdeau, Calleja, Guitet, Gourlet, Escaffre, Pastouret, Clément, Licois, Le Breton, Bernard Aubert, Pailloux, Vanabelle, Jenthon, da Costa Ferreira, l'abbé Fouré, Bernard Roux), plus quelques objets rescapés ou en provenance de divers sites (Taugourdeau, Pailloux, Clément, Céneré Hubert, Paul Waguet, René Jenthon, Donadello) et des affiches (des photos agrandies d'après le livre EJA). On pourra également se procurer des exemplaires de mon livre en vente sur place (sous l'égide d'une librairie de Caen).
Voici le texte qui est prévu pour accompagner l'expo (ici légèrement remanié):
Le propos de cette petite exposition, montée en prolongement de la présentation le 10 juillet en cette même médiathèque de Dives du film de Remy Ricordeau, Bricoleurs de paradis (Le Gazouillis des éléphants), film inséré dans le livre Eloge des Jardins anarchiques de Bruno Montpied, est d’inviter à une balade et à une prise de conscience face aux créations de plein vent qui sont disséminées discrètement à travers le territoire de la France. Œuvres de gens du commun, le plus souvent commencées à la retraite, comme par un désir de clamer au monde que non, tout n’est pas fini, ces espaces « corrigés » sont variés. On rencontre ainsi des mosaïstes de bouts d’assiette, comme da Costa Ferreira, bien connu à Dives-sur-Mer, des jardins de statues naïves, des accumulations d’objets et de matériaux hétéroclites, des installations en maquettes de tanks, canons, ou monuments du monde entier réassemblés dans un nouvel ordre, des rochers sculptés, des branches interprétées, des arboretums semés de plaisanteries taillées dans le granit, un jardin comme un conte d’Andersen, une forêt de moulinets multicolores, le vélo extraordinaire, sculpture ambulante, de M. Pailloux en Vendée, un habitat troglodytique couvert de bas-reliefs, un autre à thématique mythologique, des jardins « zoologiques », etc.
Aubade pour taureau (cornemuse, guitare, accordéon) par Alexis Le Breton, ph. BM, 2010 (pas dans l'expo)
Les ouvriers, les artisans, les paysans s’abandonnent à leur fantaisie, dans un espace intermédiaire entre habitat et route, entre chez eux et chez tous, dans une sollicitation de leur imaginaire qui se déploie à la fois intimement, comme dans les œuvres de l’art brut, et pour être montrée au vu et au su de tous ceux qui passent (sans qu’il soit nécessaire d’entrer). Ils font de l’art, puisqu’ils sculptent, peignent, bâtissent, assemblent, collent, sans être pour autant des artistes (au sens convenu du terme, et notamment marchand). Ils le disent, ils sont avant tout des créateurs modestes, ne voulant pas se distinguer du commun des mortels, ils créent sur place pour se donner des fêtes à eux-mêmes et aux passants, dans une geste gratuite, toute de dépense sans autre contrepartie que la reconnaissance de ceux qui les visitent. Ils ne vendent généralement pas leurs travaux qui font partie de leur vie, ils se sont peut-être assez vendus comme ça durant leur vie de labeur. Ils se donnent le luxe de ne pas se lancer dans un petit commerce sur le tard. Ils ont une galerie en plein vent où il n’y a pas de marchandise (ou alors, très marginalement).
Ils le savent, c’est le temps de la création qui est le meilleur de la vie.
Da Costa Ferreira le savait, lui qui n’eut jamais d’autre richesse. Venez voir ses frères et sœurs qui sont plus nombreux que l’on aurait cru.
Mais il ne faut pas oublier que la majorité de ces sites sont sur des terrains privés pas nécessairement ouverts aux visites. Dans ce domaine, il faudra faire preuve de tact et de respect à l’égard de créateurs atypiques montrant leur art sans inviter nécessairement à l'envahir…
23:21 Publié dans Environnements populaires spontanés, Photographie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : environnements spontanés, habitants-paysagistes, da costa ferreira, andré pailloux, emile taugourdeau, pierre darcel, rené jenthon, jean grard, céneré hubert, pierre clément, paul waguet, médiathèque jacques prévert, les jardins de fantaisie populaire, bruno montpied | Imprimer
L'inspiré menacé par les gros sabots
C'est en raison de l'attention flottante, du côté "en l'air" de beaucoup de créateurs amateurs, qui sont des néophytes absolus en matière de communication, gens en général peu avertis des effets nocifs que peut avoir une information lancée sur internet (genre Facebook et ses 15 000 invités à des apéros tout à coup surdimensionnés) que je trouve totalement irresponsable l’idée de mettre leurs coordonnées sur la place publique (et internet est une place publique qui peut se révéler monstrueuse).
Les inspirés qui créent pour leur plaisir sur le bord des routes, dans l’espace entre la route et leur habitat ne sont pas comme les artistes, toujours un peu cabotins qui ne demandent qu'à briller sous les sunlights...
Avec l'amplification incroyable qui est désormais le lot de toute information passant par les médias modernes, on ne sait pas les conséquences fastes ou néfastes que cela pourrait avoir sur les créateurs amateurs, qui ne demandent au fond, comme public, que les passants de leur environnement immédiat (dans une sorte de parfait parallèle avec leur processus de création, œuvrant avec des matériaux de leur environnement immédiat là aussi). Ils ne songent pas forcément, dans leur modestie (oui, on peut les qualifier ainsi ; même leur mégalomanie possible reste modeste) à la terre entière, aux touristes en tous genres plus ou moins intéressés, passifs, consommateurs, moutonniers (dans consommateurs, il y a aussi « mateurs »).
Dans le tas, il y aura peut-être bien des gens que cela passionnera et enchantera, mais l’information étalée devant tout le monde, que savons-nous si cela n'attirera pas aussi des vandales, des nuisibles qui aimeraient se payer par bêtise ces moulins? Internet n'a pas que des côtés positifs.
Je me demande ce que cherche au fond celui (ou celle en l’occurrence…) qui publie à grands coups de trompe l’adresse d’un créateur modeste? Est-ce bien philanthropique, altruiste ? Ou bien tout au contraire n’entre-t-il pas dans ce geste un besoin plus secret, d’ordre pervers, d’aller jeter un innocent en pâture aux fauves de la médiatisation à outrance ? On voit bien à quelles conséquences dévastatrices mènent les réseaux sociaux type fesse-bouc.
L’inspiré du bord des routes exhibe son travail en lisière de nos chemins, il est vrai. Mais c'est une exhibition pour passants immédiats, pour les voisins et les inconnus de passage à qui est tendue une main amicale. Je ne pense pas que ces créateurs s’adressent véritablement à la foule. Ils n’y songent absolument pas.
Et c’est pourquoi il faut penser à leur place en cherchant à les garantir de l’assaut toujours possible de la multitude porteuse de « la bêtise à front de taureau » (comme disait je ne sais plus quel poète).
Il est important de parler de leurs initiatives, ils nous en apprennent beaucoup sur ce que peut être une certaine créativité qui se déploie hors marché et hors système des Beaux-Arts. Il faut cependant filtrer, ne pas donner les adresses. Même donner les patronymes, cela peut être une lourde responsabilité (cela explique peut-être que pendant longtemps l'on n'ait pas connu autrement le nom de monsieur G., à Nesles-la-Gilberde). Personnellement, j’explique cela aux créateurs que je visite, en leur peignant les conséquences que pourrait leur apporter une trop grande médiatisation.
Un créateur que j'ai révélé au grand public dans les années 1990, via les journalistes qui reprirent son adresse à partir de mes articles, Charles Billy, dans le Rhône, à plus de 80 ans, vit défiler chez lui des milliers de personnes par été. Ce qui entraîna une crise cardiaque et sa disparition brutale. Il faisait la visite guidée à chaque groupe qui venait le voir... Il n'avait pas prévu le succès relayé par la voix amplifiée des média et qu'il ne pourrait plus suivre.
A partir de là, j’ai commencé à réfléchir sur ce qu’il convient de divulguer en matière de coordonnées. Tous ces créateurs, au moment où leur œuvre atteint un certain volume, sont âgés, et parfois commencent à sérieusement fatiguer. Il me paraît évident qu’il faut faire attention à ne pas leur nuire.
Les passionnés, avec les patronymes en leur possession, peuvent chercher par eux-mêmes les créateurs. Les "consommateurs", qui sont souvent paresseux, ne font pas l'effort de trouver l'adresse, et cela permet de freiner le trop grand flux de visiteurs qui pourrait être préjudiciable à nos amis du bord des routes.
J’espère en conséquence que mon appel sera entendu par tous ceux qui ont des velléités d’étaler les coordonnées des inspirés sur la place publique, comme l’a fait récemment, par exemple, Mme Lepetit sur son blog Les grigris de Sophie au sujet d’André Pailloux. Il est facile d’obtenir de ce dernier, qui est un homme plutôt gentil et cordial, des consentements, y compris sur le fait d’étaler ses coordonnées (bien qu’à moi, comme je l’interrogeai récemment là-dessus, il m’ait assuré n’avoir donné aucune autorisation de ce type). Cela ne nous dédouane pas de nos responsabilités pour autant.
Ill: Pauline et Charles Billy, ph. Bruno Montpied, 1990
00:38 Publié dans Environnements populaires spontanés, Questionnements | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : environnements spontanés, discrétion des sources, déontologie des inspirés, habitants-paysagistes, art modeste, pauline et charles billy, charles billy, les grigris de sophie, andré pailloux | Imprimer
29/06/2012
Les latrines de Chaissac monuments historiques
Il me semble que ce sont les premiers urinoirs classés monuments historiques. Il y avait bien eu le précédent de la "fontaine" de Richard Mutt, alias Marcel Duchamp en 1917 à New York, urinoir décrété objet d'art parce que signé, et refusé à la Société des Artistes Indépendants. Mais depuis... Sans doute quelques excentricités de l'art contemporain singeant ce geste dadaïste duchampien?
Fontaine, R.Mutt (Marcel Duchamp), 1917 ; ici c'est la troisème réplique datant de 1964, figure au MNAM du Centre Georges Pompidou
En tout cas, y avait-il eu classement par les Monuments Historiques de latrines champêtres comme celles que Gaston Chaissac graffita à l'époque où, habitant avec sa femme dans l'école publique de Ste-Florence de l'Oie en Vendée dans les années 50, il s'exerçait à toutes sortes d'expérimentations, avec des enfants du patelin, avec des jets de serpillière mouillée dont il observait et reportait ensuite les empreintes, des interprétations de planches aux contours irréguliers qui devinrent des totems, des collages de morceaux de papier peint, etc.? Je ne crois pas. Mais c'est chose faite désormais. Le losange des Monuments Historiques trône imparablement sur le ciment grisâtre des chiottes sacrées. Je ne sais trop pourquoi j'ai trouvé que les bonshommes dessinés par Chaissac (j'aime surtout le personnage ventripotent ci-dessous) avaient l'air, à mon passage, de vouloir s'excuser devant une telle labélisation.
Les fameux gogues divinisés... Ph. Bruno Montpied, mai 2012
Ce personnage ventripotent m'a tout l'air d'une représentation caricaturale de prêtre (voyez le chapeau), si bien qu'on peut facilement en déduire que placé ainsi sur le mur des latrines, il était destiné par Chaissac à ce que les enfants le souillent sans cesse en effigie... Manière de se venger des avanies infligées par les grenouilles de bénitier du patelin? Ph.BM
Sans compter que l'école de l'autre côté de la petite cour a été métamorphosée dans le même souffle, on y a créé un espace Gaston Chaissac où l'on a scénographié la vie et l'œuvre du grand homme que la mairie, sous l'influence d'une nouvelle génération d'hommes et de femmes plus respectueuse de Chaissac que celle des années 50-60, a reconnu in fine opportunément, oubliant les persécutions et les moqueries des bigots et des péquenauds de Ste-Florence du vivant de Chaissac et de sa femme Camille, institutrice de l'école laïque dans une région où l'on envoyait les gosses en majorité dans les écoles dites "libres". On ne pourra s'empêcher de se dire qu'il est toujours, hélas, plus facile de reconnaître les artistes quand ils sont morts que lorsqu'ils vivent parmi nous.
"L'Espace Gaston Chaissac"... Ph. BM
Si l'on veut retrouver les autres créations de Chaissac, sortant de là, on aura tout intérêt à pousser jusqu'aux Sables d'Olonne où le Musée de l'Abbaye Sainte-Croix a eu la bonne idée de nous sortir pour l'été des pastels de Gaston, technique peu repérée il me semble dans l'œuvre du "Morvandiau en blouse bocquine". Ce musée conserve par ailleurs une documentation (des correspondances) et des oeuvres de l'artiste qui sont de première importance.
Musée de l'Abbaye Sainte-Croix, exposition Gaston Chaissac - Pastels, du 29 avril au 10 novembre 2012.
23:36 Publié dans Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gaston chaissac, art singulier, art immédiat, espace gaston chaissac, sainte-florence-de-l'oie, latrines, gogues, chiottes, pissoirs, goguenots, r.mutt, marcel duchamp, écoles libres, profanation | Imprimer
22/06/2012
Bricoleurs et jardiniers anarchiques au CDLA de St-Yrieix le 1er juillet...
Je continue mes pérégrinations pour aller porter la bonne parole autour de mon livre Eloge des Jardins Anarchiques en présentant en projection le film de Remy Ricordeau que j'ai écrit avec lui Bricoleurs de Paradis.
Cette fois-ci, ce sera à St-Yrieix-la-Perche, dans le Limousin (Corrèze...? Non... en Haute-Vienne, voir le pan sur le bec reçu en commentaire ci-après...), le dimanche 1er juillet à 11h au Centre culturel Jean-Pierre Fabrègues (6, ave du Maréchal De Lattre de Tassigny), dans le cadre des rencontres "Des jardins, de la botanique" organisées par Didier Mathieu et Astrid Verspieren et le Centre du Livre d'Artiste dont on consultera le programme complet ici. Il y aura une projection du film suivie d'un débat. Les créateurs populaires de décors dans les jardins vont entrer ainsi dans un haut lieu de l'art contemporain. Quelles réactions vont-ils rencontrer? Wait and see... A noter que ces rencontres donneront lieu à la publication d'Actes par la suite.
09:17 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Art naïf, Confrontations, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : eloge des jardins anarchiques, bricoleurs de paradis, environnements spontanés, st-yrieix-la-perche, cdla, astrid verspieren, paul-armand gette | Imprimer
Est-ce de l'art brut? Ben non... C'est de Sophie Gaucher
J'ai été long à la détente, il est vrai, que me le pardonne David... J'avais même carrément oublié ma note ancienne, "Est-ce de l'art brut?", où je vous avais proposé des dessins sans référence (comme celui ci-dessous). C'est sans doute qu'étonné devant la sagacité des commentateurs, qui avaient pressenti une dessinatrice contemporaine peu ou prou, j'avais eu envie de passer à autre chose. Il n'en reste pas moins que je vous devais le nom de l'artiste, à vous et à elle aussi: Sophie Gaucher, dont j'avais trouvé les dessins dans la revue Papier Gâché, une revue graphique d'images sans paroles (Cosmo, avec sa revue Collection, n'était pas loin). Une jeune artiste graphique donc, avec une écriture originale qui de ce fait méritait d'être confrontée à l'hypothèse de l'art brut. Mais mes commentateurs aux yeux de lynx ne se sont pas laissés entraîner vers de fausses pistes. Félicitations à eux. Quant à l'hypothèse, David, d'une illustratrice japonaise... Pourquoi pas? Mais Sophie ignore sûrement encore qu'elle est un peu nippone. Ne pas connaître le processus de production n'a pas gêné en tout cas l'identification, à ce que j'ai constaté.
Sophie Gaucher, dessin
00:14 Publié dans Art moderne ou contemporain acceptable | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : dessin contemporain, sophie gaucher, papier gâché | Imprimer
20/06/2012
Exposition George Schmits à la bibliothèque Ulysse Capitaine (de Liège)
J'aimerais bien m'appeler Ulysse Capitaine, moi, quel beau nom de héros qu'on imagine ayant conquis ses lettres de gloire au cours d'explorations aux confins de la terre et des mers. Heureux qui comme Ulysse Capitaine a fait de beaux voyages...
Mais je ne chercherai pas à savoir qui était en réalité cet illustre Capitaine, je l'ai abandonné à ma rêverie et me suis plutôt contenté de focaliser sur l'exposition que consacre la bibliothèque ainsi nommé à Georges Schmits, romaniste, historien d'art, critique et éditeur liégeois à Verviers (commune de Wallonie célèbre à mes yeux pour avoir hébergé longtemps André Blavier, l'anthologiste des fous littéraires et écrivain fort estimable), et qui, à côté de diverses marottes littéraires – c'est là où je veux en venir – s'est aussi occupé d'art naïf belge. Oui, "naïf belge"... L'adjonction de ces deux épithètes doit nous incliner à dresser davantage l'oreille et aiguiser nos yeux. Le Naïf belge, c'est souvent du super-naïf, du bon naïf, rien à voir avec l'art naïf "cu-cul" que stigmatise le peintre, collectionneur et très bon connaisseur de l'art naïf, Yankel.
Armand Funcken, Le départ du soldat, huile sur toile, 1915, anc.coll. André Blavier, ph. J. Keil
; Funcken avec son père était peintre populaire d'enseignes et de baraques foraines, lui-même peignant des charrettes de marchands de glaces italiens ; ce "départ du soldat", sujet patriotard colporté par l'imagerie populaire est à comparer avec le retour du soldat, intitulé "Victoire-Défaite" que j'avais mis en ligne le 10 juin 2011, à propos d'un peintre appelé Galeani...
Georges Schmits paraît s'être surtout occupé des Naïfs wallons et d'un groupe de peintres nommés "les intimistes verviétois" (ça m'a amusé de tomber sur cet "isme"-là, étant donné que j'emploie le même terme en ce moment dans un projet d'expo), se caractérisant, écrit Monique Smal, par les mêmes "thèmes de prédilection : neige, paysages campagnards, objets du quotidien". C'est de l'intimisme très figuratif et très rétinien comme on voit.
Couverture de L'art naïf en Wallonie et à Bruxelles, Ed.Labor, 1981 ; le tableau reproduit sur la couverture est de Karl William (Souvenir de la guerre 14-18, huile sur papier, 100 x 100 cm, coll. G.Schmits-Daube).
Mais si l'on veut en apprendre plus sur le personnage, il faut acquérir ses ouvrages. Je ne sais pas ce qu'il en est de leur disponibilité aujourd'hui. Je conserve de lui seulement un ouvrage de 1981 paru chez Labor à Bruxelles intitulé L'art naïf en Wallonie et à Bruxelles. Très clair, précis, il recense environ une cinquantaine de peintres naïfs (il n'y est pas question des "intimistes verviétois"), choisis pour leur sincérité autodidacte, éloignée de tout maniérisme (maniérisme naïf qui est le fait de peintres plus savants, imitant la manière naïve par admiration ou par souci de petit commerce, maniérisme qui est une des raisons pour lesquelles l'art naïf masqua, et finit par disqualifier, le vrai naïf de qualité). Il rend hommage dans cet ouvrage à d'autres exégètes de la peinture naïve dans son pays comme Marcel G. Lefrancq ou Albert Dasnoy. Il témoigne surtout de son admiration pour Georges-Henri Luquet qui avait créé au début du XXe siècle le terme et la notion de "réalisme intellectuel" (à propos des dessins d'enfant et aussi je crois de l'art populaire en prison, des graffiti). Ce réalisme intellectuel, Schmits le voit à l'oeuvre dans l'art naïf qui l'interpelle tant.
Voici un extrait de ce livre qui explique ce qu'il entendait à la suite de Luquet par ce terme un peu oublié aujourd'hui (à tort selon moi):
"...dans le réalisme visuel, la surface à peindre apparaît en quelque sorte comme une fenêtre à ouvrir sur la trompeuse profondeur du réel, avec tout ce que cela suppose d'obéissance aux illusions de la perspective, [tandis que] le réalisme intellectuel considère le tableau comme une surface abstraite sur laquelle les objets se poseront comme autant de signes régis dans leur nombre, dans leur tracé, dans leur taille, par une volonté de lisibilité suffisante aux yeux du créateur ; celle-ci sera par conséquent variable au gré de son exigence comme au fil des progrès de sa main et de sa faculté d'observation.
Ce type de conception entraîne un certain nombre de changements dans nos habitudes de vision, de traitement de l'espace et du temps, dont le moindre n'est pas le non-emploi (par ignorance ou par rejet) de la perspective et des procédés qui visent à simuler la profondeur. Maladresse, dira-t-on, recul par rapport à la Renaissance! Pourtant, c'est là aussi la grande découverte du cubisme comme du fauvisme: rejeter la profondeur et la perspective pour restituer le tableau, dans un espace à deux dimensions qui est son caractère premier, à l'intégralité de son essence. C'est là aussi ce qui contribue à l'unité et à la tension des images populaires et des œuvres des primitifs où tout se passe sur le plan du tableau, sans que ne s'établisse par la fuite vers des lointains fallacieux, une perte de la tension plastique." Un peu plus loin, Schmits écrit ces autres phrases éclairant la découverte cardinale présente dans la peinture naïve: "Telle table ronde, qui deviendrait ellipse si la perspective entreprenait de la situer dans l'espace, sera maintenue dans sa forme réelle ; telle forme carrée refusera de devenir trapèze. Les choses ont aux yeux du naïf les formes dans lesquelles il vit sa relation avec elles [C'est moi qui souligne]. Le tabouret, expérimenté dans sa rondeur, sera maintenu tel ; le buffet, par contre, se dressera comme un rectangle. Mais vient-on à les reproduire ainsi, côte à côte, sur la toile : le tabouret suppose une vue plongeante et le buffet, une vue frontale. C'est ce que Luquet a nommé les perspectives multiples. Elles se contredisent mutuellement et font s'effondrer la profondeur". Art naïf et réalisme intellectuel sont ainsi synonymes.
Bonne idée donc pour cette bibliothèque de Liège de permettre à cette figure importante de la critique d'art belge de refaire surface.
Hommage à Georges Schmits, exposition du 11 mai au 10 juillet 2012, Bibliothèque Ulysse Capitaine, En Féronstrée 118 4000 Liège.
00:19 Publié dans Art naïf | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art naïf, bibliothèque ulysse capitain, george schmits, art naïf belge, yankel, réalisme intellectuel, guillaume thurion, armand funcken, karl william, andré blavier, g-h.luquet | Imprimer
18/06/2012
Le Jardin de Gabriel se visitera de nouveau bientôt
Nouveauté de la visite cette année, outre une guide-conférencière qui fait ses débuts sur place, Catherine d'Arzac, stagiaire à l'Atelier du Patrimoine de Saintonge, on fournira grâcieusement aux enfants des écoles qui viendront découvrir cette forêt de statues enchantées un livret qui devrait leur permettre d'interpréter les personnages proposés à leur curiosité par Gabriel Albert.
Jardin de Gabriel Albert, allée de statues jusqu'au moulin et à la route, ph. Bruno Montpied, 2006
14/06/2012
Dictionnaire du Poignard Subtil
ENFANTIN:
"Les grandes pensées ont quelque chose d'enfantin, qui fait que les beaux esprits passeront toujours à côté sans les voir."
(Alain, Propos I, 20 mai 1922)
22:05 Publié dans DICTIONNAIRE DE CITATIONS DU POIGNARD SUBTIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : enfantin, grandes pensées, intuition, alain, propos i, beaux esprits, dictionnaire du poignard subtil | Imprimer
09/06/2012
"Unfinished Italy", un film de Benoît Felici
J'ai trouvé la référence de ce film documentaire de 32 min. (ça pourrait passer pour Hors-Champ, n'est-ce pas, Pierre-Jean?) par une annonce de Cinéréseaux dans la région de Bordeaux, qui l'a inscrit à son programme pour bientôt. Cela m'a tout l'air d'un très bon film (il date de 2010). En Sicile, ça se passe, où il y a paraît-il environ 600 bâtiments laissés en plan, pour diverses raisons. L'une d'entre elles paraissant fortement liée à de la corruption et à des malversations. "Italie inachevée" (ou "Italie infinie"?), dit le titre, et en même temps, c'est l'occasion pour le réalisateur de montrer comment le peuple se saisit de ces "ruines modernes" pour y exprimer sa créativité.
Cinéréseaux, au cinéma Jean Eustache de Pessac (Gironde), mercredi 20 juin à 21h.
14:58 Publié dans Cinéma et arts (notamment populaires) | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : unfinished italy, architecture détournée, détournements architecturaux, benoît felici, cinéréseaux, ruines modernes | Imprimer
Verbena à la collection de l'art brut: on brouille les pistes mais aussi le message
J'ai reçu récemment en lien une note de la galerie d'Alain Paire se félicitant de l'exposition prévue pour l'an prochain d'œuvres de Pascal Verbena, un ancien de l'art singulier (il était à l'expo des Singuliers de l'Art en 1978 au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, présenté dans ce cadre via l'Atelier Jacob d'Alain et Caroline Bourbonnais). Ce qui me chiffonne un peu, ce n'est pas l'annonce de cette expo – il y en a régulièrement, notamment à la galerie Alphonse Chave de Vence – mais c'est que cela se passera à la Collection de l'Art Brut, dont on sait que la direction a récemment changé de tête (Lucienne Peiry remplacée par Sarah Lombardi). Lorsqu'on s'avise que dans le même temps, on n'y parle plus depuis longtemps de la Neuve Invention, l'ex-"Collection Annexe", réservée aux marginaux coincés entre art brut et art contemporain, et que l'on paraît désormais y mélanger tout allégrement (Chaissac, qui se disait "rustique moderne" et non pas "brut"', est exposé à côté d'Aloïse sans plus de manières), on peut légitimement se demander si on n'est pas en train du côté de Lausanne de nous préparer une grande liquidation de la notion même d'art brut, ce qui serait une belle revanche –aux allures d'OPA?– des tenants de l'art plastique contemporain sur l'art brut.
Difficile de trouver des images grand format de Verbena sur la Toile, celle-ci provient d'un numéro des débuts de Raw Vision
Certes Verbena, on prend soin de nous l'indiquer soigneusement dans la note d'Alain Paire, "totalement autodidacte, (...) ne fréquenta jamais les cours des Ecoles de Beaux-Arts et sut se créer lui-même ses repères esthétiques". Certes, mais comme il est dit aussi ailleurs dans cette note, il donne des titres fort cultivés à ses dessins ou sculptures: ""Tatou", "Kachina", "Malebouche", "Phalène", "Allobroge", "Pachamama", "Cryptogame" ou bien "Boustrophédon", le très fascinant système d'écriture qui change ligne après ligne les sens dont on fait lecture". Ce sont là titres recherchés, ce que je ne dispute pas ici, car tout artiste a le droit d'aller chercher son miel où il veut, et de la manière compliquée qu'il veut. Ce que je discute, c'est qu'en l'occurrence cette recherche dans les titres accompagne une recherche plastique que je trouve elle-même personnellement fort lourde, pesante à l'excès, avec ces espèces de reliquaires d'assemblages aux teintes sombres qu'affectionne l'artiste, écrasant d'ennui le spectateur que je suis. Oui, Verbena s'est "créé lui-mêmes ses repères esthétiques", mais ce sont là repères cérébraux et sans émotion à la clé, un esthétisme massif et dépourvu de la moindre grâce, à la rigueur décoratif comme dans ses dessins aux arabesques élégantes mais sans âme. Toute grâce est absente, ainsi que toute innocence, au rebours des œuvres de l'art brut justement (du moins celles que je préfère, car même dans l'art dit brut tout n'est pas toujours fondé sur "la pierre angulaire de l'ingénuité" (Breton)). Ce qui justifiait entre autres qu'il ait pu être rangé à un moment dans la collection annexe de Lausanne. Oublier de le rappeler demain, en 2013, serait rendre un très mauvais service à ce qui se défend derrière la notion d'art brut, dans laquelle, par ailleurs, j'entends davantage la notion de "brut" que la notion "d'art".
Ce qui se défend derrière cette notion, et qui, jusqu'à l'invention de "l'art brut", selon moi, n'avait été représenté jusque là que par l'art populaire rustique et l'art naïf, c'est le secret de fixer dans une expression immédiate la poésie ressentie dans son instantanéité. L'art contemporain dans ce qu'il a de meilleur est parfois loin de nous le proposer, et c'est pourquoi il faut rendre grâce à la collection d'art brut d'exister, en évitant d'en brouiller le message avec ces propositions verbénesques, insuffisamment inspirées qui plus est (opinion qui n'engage bien entendu que moi).
00:46 Publié dans Art Brut, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : collection de l'art brut, art brut, lucienne peiry, singuliers de l'art, collection neuve invention, collection annexe, pascal verbena, alain paire, sarah lombardi, art singulier | Imprimer
04/06/2012
Télescopage
Un nouveau mot-clé s'installe à partir d'aujourd'hui, suite à cette image assez cruelle fournie par Monch. Télescopage... Après le caviardage récemment mentionné, voici une nouvelle quête à mener.
A la station Bonne Nouvelle, métro parisien, photo Monch, 2012
00:01 Publié dans Inscriptions mémorables ou drôlatiques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : station bonne nouvelle, monch, télescopage, cruauté | Imprimer
27/05/2012
Info-Miettes (18)
Arts buissonniers dans les rues de Capdenac
Le 29 mai à 20h, c'est mardi prochain, dans le cadre de "L'Autre Festival" à Capdenac (Aveyron), avec l'association "Derrière le Hublot", aura lieu une projection de films autour de l'Art Brut et des Bâtisseurs de l'Imaginaire, avec un débat, le tout proposé par le Musée des Arts Buissonniers. L'événement se déroulera à la Médiathèque de Capdenac. Seront projetés Bricoleurs de Paradis (le Gazouillis des Eléphants) et un film sur Bohdan Litnianski.
Bohdan Litnianski, Viry-Noureuil (Aisne), ph. Bruno Montpied, octobre 2008
Par ailleurs, toujours dans le cadre de ce festival, les Arts Buissonniers sont invités à présenter ensuite une exposition, du 30 mai au 3 juin, basée sur la collection permanente qu'ils présentent habituellement dans leurs locaux de Saint-Sever-du-Moustier. On pourra notamment découvrir, sous le signe de l'assemblage, des pièces de Paul Amar qui sera tout cet été présenté aussi au Musée à Saint-Sever (expo La Folie des Coquillages du 16 juin au 10 novembre), et des pièces d'André Robillard, ainsi que des Staelens. Par ailleurs, prêtées par une association lotoise (voir le commentaire ci-dessous de JMC), des œuvres de Marie Espalieu seront également montrées.
On reconnaît ici un "fusil" d'André Robillard
Il y aura aussi une présentation du travail réalisé par 5 écoles primaires de l'Aveyron lors d'ateliers de création mis en place à l'occasion du spectacle "Petit Pierre". Ainsi qu'un atelier de création collective, ouvert à tous (les 2 et 3 juin prochains), atelier dont les éléments iront, semble-t-il, rejoindre par la suite la "Construction collective" qui se bâtit progressivement sur les hauteurs de Saint-Sever, bâtiment hétéroclite dont j'ai déjà parlé ici et qui se bâtit par assemblage. Ce dernier mot est du reste le terme générique de cette carte blanche aux Arts Buissonniers.
Paul Amar sera bientôt exposé aussi à Chartres, patrie de Picassiette
Je dois cette information au musée des Arts Buissonniers qui m'a signalé qu'outre l'expo qu'ils consacreront aux maquettes de coquillages rutilants de Paul Amar, ce dernier fera également partie d'une expo à Chartres, intitulée TOO MUCH ! FANTAISIES ET COQUILLAGES, du 23 juin 2012 au 26 août 2012.
Prieuré Saint-Vincent, 12, rue Porte-Cendreuse, Chartres. Informations : 02 37 23 41 43. www.chartres.fr
Une œuvre de Paul Amar à la Collection de l'Art Brut à Lausanne, ph. Bruno Montpied, 2011
Jean-Louis Cerisier à la Lucarne des Ecrivains
Du 2 au 16 juin prochains, notre ami primitiviste lavallois, dont une donation d'œuvres vient d'entrer au musée d'art naïf et d'art singulier de Laval, J-L. Cerisier, va exposer une quarantaine de peintures et dessins récents dans la sympathique librairie la Lucarne des Ecrivains, située dans le quartier populaire de la rue de l'Ourcq dans le XIXe ardt de Paris.
"Jean-Louis CERISIER, dans un travail subtil d’exploration, se déclare avide de « découvertes intimes à révéler ». Cette exposition généreuse raconte des histoires. Elle fait sa place au milieu des romans et s’y trouve bien. Le créateur de fiction plastique sublime la représentation de la vie et « va au- delà » d’elle, dans le plaisir affiché de peindre et le « bonheur immédiat à le partager »." (Françoise Limouzy, mai 2012)
Horaires : du mardi au samedi, de 10h30 à 19h ; dimanche et lundi : de 14h à 19h. Vernissage le mardi 5 juin à partir de 17h30. http://lucarnedesecrivains.free.fr et Mail : lalucarnedesecrivains@gmail.com
Illustration: Triomphe et sacrifice, technique mixte, 24x32, 2012
Jean Estaque s'exhibe quant à lui à Montauban
C'est une façon de parler bien sûr, Jean Estaque n' a pas encore jeté son tablier par dessus les moulins. Ses œuvres viennent investir A la Soupe aux Livres (là aussi, une librairie?) du 11 mai au 18 juillet. Cela se situe au 28, fbg Lacapelle. Il y aura des peintures, des sculptures et de la littérature. Tout pour être heureux en somme. Pour plus de renseignements, on prend sa loupe et on examine l'affichette ci-dessous.
Solange Knopf fait plus fort et débarque à New-York
Cette dessinatrice belge, dont j'aime assez le travail (parce que ça ressemble à ce que je fais!...), m'annonce l'invitation que lui a lancée récemment la galerie Cavin-Morris à New-York. Félicitations à elle. Si on veut en voir plus, on peut aussi aller sur son site personnel. C'est un travail virtuose et inspiré qui paraît tout imprégné d'un frou-frou de palmes, de bruyère, de protoplasmes, avec grand tralala d'influences du côté d'Unica Zürn, d'Ursula aussi (voir ci-dessous l'expo parisienne qui débute le 31 mai), de l'art brut bien sûr aussi avec mention spéciale pour les médiumniques.
Solange Knopf
Lionel, l'enfant bleu d'Henry Bauchau au LaM
C'est jusqu'au 21 juillet, au LaM de Villeneuve d'Ascq, près de Lille, et aussi à l'Université Catholique de Lille. Je ne sais pas grand chose de ce Lionel, adolescent suivi thérapeuthiquement par l'écrivain et psychanalyste Henry Bauchau qui écrivit un roman à son sujet. Savine Faupin, chargée du département art brut au LaM, en dit un peu plus sur la vidéo ci-dessous. Il paraît qu'il y a de nombreux labyrinthes, monstres, pays imaginaires et autres constellations dans son œuvre graphique. Un ensemble de dessins, gravures et sculptures, réalisés entre 1980 et 1998, est entré récemment au musée, don d'Henry Bauchau.
Coco Fronsac et Jim au cabinet de curiosité
"C'est une expo sur les cabinets de curiosités, oeuvres d'art contemporain et quelques pièces anciennes... J'y expose un de mes "Chamans", et François 3 crânes...", m'écrit l'exposante. "François", c'est l'artiste autrement appelé Jim Skull (ce qui veut dire "crâne" en anglais), spécialisé dans les reliquaires aux crânes surmodelés, dont certaines pièces ont été récemment publiées dans un beau livre sur les cabinets de curiosité, ce qui explique sans doute cette inclusion dans cette expo consacrée aux cabinets susdits.
Cabinet DA-END, 17 rue Guénégaud, 75006 PARIS. Tel +33 (0)1 43 29 48 64
Du mardi au samedi de 12h à 19h. JUSQU'AU 25 JUILLET.
L'Art Graphique de Nouvelle-Zélande au Madmusée
Quatre créateurs néo-zélandais sont présentés à Liège du 12 mai dernier au 8 septembre prochain au Madmusée. L'expo prend par respect pour la Nouvelle-Zélande sans doute un titre anglais "Local Knowledge", ("connaissance locale"...?). Des quatre, une retient plus particulièrement l'attention sur l'écran, Susan King. Voir l'image ci-dessous...
Bernhard Schultze et Ursula à la galerie Les Yeux Fertiles
C'est comme pour ce couple de créateurs allemands (Schulze: 1918-2005, "art informel abstrait", Ursula (Bluhm): 1921-1999, "aux confins de l'art brut" –elle fut rangée en fait au sein de la Neuve Invention à Lausanne, à un moment, un peu comme Unica Zürn dont elle est proche graphiquement et avec qui elle partage la même nationalité allemande). Leurs œuvres seront exposées du 1er au 30 juin à la galerie Les Yeux Fertiles (vernissage le 31 mai dans le cadre "d'Art Saint-Germain-des-Prés"), et l'on a plus envie de s'arrêter devant Ursula que devant Bernhard, enfin si on se base sur l'image du carton d'invitation, et sans se référer forcément à l'étiquette "aux confins de l'art brut".
Evelyne Postic revient chez Alain Dettinger: "la métamorphose du mille pattes"
Là, c'est à Lyon que cela se passe. Place Gailleton, chez l'excellent galeriste Dettinger (aïe, on va encore me reprocher de manquer de ri-gueur-intel-lec-tu-elle parce qu'on me prouvera facilement que je donne ce genre de jugement de valeur parce qu'il m'a exposé un jour, mais non, il était déjà excellent avant cela...). Evelyne Postic s'en vient avec de nouvelles grandes compositions grises et roses avec des squelettes qui hésitent furieusement entre se prendre pour des montagnes ou pour des buissons d'épines.
Pétra Werlé chez Béatrice Soulié
Enfin, pour clore provisoirement cette litanie d'expos et manifestations en tous genres (l'actualité créatrice étant décidément au beau fixe ce printemps), je signale le retour de Pétra Werlé et de ses sculptures en mie de pain à la galerie Béatrice Soulié. On peut visiter sa galerie le même jour où l'on ira voir le cabinet de curiosité DA-END pour Coco Fronsac et Jim Skull, c'est commode. Cela s'appelle "Aime-moi mon amour!". L'expo durera du 31 mai au 13 juillet.
15:40 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art singulier, Confrontations, Danse macabre, art et coutumes funéraires, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : ursula, pétra werlé, neuve invention, lionel, henry bauchau, évelyne postic alain dettinger, solange knopf, lam, jim skull, coco fronsac, jean-louis cerisier, arts buissonniers, jean estaque, madmusée, susan king | Imprimer
25/05/2012
15e Rencontres du cinéma documentaire et des art singuliers à Nice
Oyez, oyez, c'est reparti à Nice pour les XVe Rencontres organisées annuellement à Nice autour des arts spontanés ou singuliers (bruts, naïfs et extra dry), pour cette fois en deux jours, le vendredi après-midi à l'Auditorium de la bibliothèque Louis Nucéra et le samedi toute la journée à l'auditorium du MAMAC. Demandez le programme, voir la liste ci-dessous (c'est pour le week-end prochain début juin):
L’ASSOCIATION « HORS-CHAMP »
présente le 15ème Festival du Film d’Art Singulier
VENDREDI 1er JUIN 2012
Auditorium de la Bibliothèque Municipale à Vocation Régionale Louis Nucera de Nice
Après-midi de 14h30 à 17h :
Bricoleurs de paradis (le gazouillis des éléphants) de Rémy Ricordeau (52’), en présence de son co-auteur Bruno Montpied
Présentation du Gazouillis à l'auditorium de la Halle Saint-Pierre en avril 2011, photographe non noté (qu'il m'en excuse)
Il pleut jamais dans l’Nord! de Jean-Michel Zazzi (12’), en présence du réalisateur
Roland Roure, constructeur de machines ludiques de Deidi Von Schaewen (26’; 1983... Un travail de jeunesse de cet auteur passée plus tard aux environnements spontanés du monde entier, voir son livre Mondes Imaginaires chez Taschen), en présence de Charles Soubeyran
SAMEDI 2 JUIN 2012
Auditorium du Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Nice
Samedi matin de 10h30 à 12H :
Hubert, l’homme aux bonbons de Marie Paccou (8’)
DVD de l'Homme aux bonbons
Guo Fengyi et les rouleaux magiques de Philippe Lespinasse, Andress Alvarez (19’), en présence de Philippe Lespinasse
DVD Gregory Blackstock, l'Encyclopédiste et Guo Fengyi et les rouleaux magiques de Lespinasse et Alvarez
Tante chinoise et les autres de David Perlov (17’), en présence de Nathalie Jungerman
DVD inséré dans l'album de Marguerite Bonnevay (1882-1903), présenté par Nathalie Jungerman, Tante Chinoise et les autres, édité à la Table Ronde en 2009
Samedi après-midi de 14h30 à 17h30 :
Objectif : réussir ? de Michel Etter (20’), en présence du réalisateur
Petites actualités « Hors-Champ » de Grégoire Dumas (15’), en présence du « journaliste »
Grégory Blackstock, l’encyclopédiste de Philippe Lespinasse, Andress Alvarez (22’)
La valise de Lobanov de Erika Manoni (12’), en présence de Vincent Monod
Alexandre Lobanov, un de ses dessins, coll privée, Paris
Les grandes Vacances de Pépé Vignes de Victor Simal (20’ ; où l'on voit ce que peut être une "musique brute"...)
Le monde magique des frères Lumière (extraits) de Guy Brunet (20’), en présence du réalisateur
Contact : 04 93 80 06 39 - http://hors-champ.hautetfort.com
23:17 Publié dans Art Brut, Art de l'enfance, Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Art singulier, Cinéma et arts (notamment populaires), Environnements populaires spontanés, Musiques d'outre-normes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : association hors-champ, 15e rencontres autour des arts singuliers, bruno montpied, gazouillis des éléphants, philippe lespinasse, pépé vignes, guo fengyi, gregory blackstock, marguerite bonnevay | Imprimer
22/05/2012
Dictionnaire du Poignard Subtil
23:50 Publié dans DICTIONNAIRE DE CITATIONS DU POIGNARD SUBTIL | Lien permanent | Commentaires (4) | Imprimer
19/05/2012
Du caviardage en grand
Je crois que le camarade Régis Gayraud, qui nous a fait savoir naguère dans un de ses commentaires qu'il se souvenait avec délice des caviardages aperçus dans le métro pendant sa jeunesse, les "mutilés de cu", etc, obtenus par grattage sur les inscriptions collées sur les vitres par la RATP, eh bien ce camarade devrait être aux anges devant le caviardage ci-dessous, exécuté en grand. Les auteurs se sont offerts une affiche entière à qui, en la déchirant, ils ont fait dire quelque joyeuse trivialité qui a fait tout mon bonheur quand je suis passé devant. Les badauds comme d'habitude ne voyaient rien. J'insiste donc ici...
"Cul... Laissez-vous tenter...", Paris 19e ardt, mai 2012, ph. Bruno Montpied
00:20 Publié dans Art immédiat, Inscriptions mémorables ou drôlatiques | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : caviardages, inscriptions drôlatiques, affiches déchirées, métro, mutilés de cu | Imprimer
17/05/2012
Outsiders hybrides rue Jacques Coeur
Thierry Bobulesco, Xavier Jouannet, Ariane Khalfa Diallo, Philippe Lefresne, Fathi Oulad, Hélène Ritmixay, ces noms ne vous disent probablement pas grand chose.
Pourtant, au moins deux d'entre eux ont déjà été remarqués par le Poignard, ici et là, à l'occasion des expos "Exil" au Réfectoire des Cordeliers et "Essentiel" au Pavillon Carré de Baudouin, expo qui se paraît indûment, à mon avis, du label d'art brut.
Fathi Oulad, Popeye, 43x26x16cm, raku, 2011
Il s'agit de Fathi Oulad et de Philippe Lefresne qui reviennent donc avec d'autres petits camarades à la Galerie Beckel-Odille-Boïcos, près de la Bastille, pour une expo appelée "Outsiders!". A noter le point d'exclamation, semblant vouloir indiquer que les organisateurs se sentent informés de la relativité des étiquettes concernant les productions des pratiquants des ateliers de l'ESAT de Ménilmontant et de Personimages (associations requises pour cette expo), "artistes" qui, comme le dit le dossier de presse, avec les mots de Charles Myara, le commissaire de cette exposition (avec la collaboration de Christophe Boïcos), ont eu des "parcours de vie abîmés par un incident psychiatrique ou psychique", bref des personnes handicapées mentales ou psychiques (il semble qu'il faille mettre à part dans l'expo de la galerie B.O.B. le cas d'Arianne Khalfa-Diallo).
Fathi Oulad, Dieu de la Mort, 35x35 cm, raku, 2011
Fathi Ouled, Nicolas Sarkozy, 12x20 cm, raku
Fathi Oulad travaille dans un atelier où il pratique le Raku, une technique d'émaillage sur terre modelée dans le détail de laquelle je n'entrerai pas, n'y comprenant goutte. Il suffit de savoir pour le moment qu'il y a un encadrement technique pour ce monsieur. On aimerait bien sûr en savoir plus sur leur travail en commun (c'est comme pour les graveurs, on parle jamais de ceux qui font les tirages, ou en photo, idem, les tireurs jouent un rôle dans le résultat final). Qui a opéré le choix du Raku aussi, Fathi Oulad ou le personnel encadrant de l'atelier qu'il fréquente? En dépit de ces questions, on sent cependant une personnalité à l'oeuvre pourvue d'une inspiration singulière, qui nous fait regretter de ne pas voir ce qu'elle aurait produit dans un état de solitude complète, sans encadrement. Peut-être rien de plus, comme les enfants, qui, non sollicités, n'ont pas idée de dessiner ou de peindre. Mais peut-être aussi, il y aurait pu y avoir autre chose...
Philippe Lefresne, La Vache HLM, céramique, 2008, 48x54cm (la partie "HLM" qui est posée sur le dos de la vache est démontable)
Philippe Lefresne, c'est pareil, il fait de la céramique, dans le cadre d'un atelier, et ses réalisations sont très étonnantes, très élaborées comme dans le cas de deux "vaches" présentées tout au bout de l'exposition, au sous-sol, la "vache HLM" et la "vache de Claude François". Il y a de l'arlequin dans cet homme-là et dans ses compositions. La vache de Claude François a d'ailleurs deux pattes habillées de pantalon à carreaux (un souvenir des ânes culotte ?). Plusieurs niveaux de lecture opèrent en même temps sur ces pièces que l'on ne peut par ailleurs envisager sous un seul angle. Il faut impérativement tourner autour d'elles pour tenter de les saisir dans toutes leurs dimensions. Et même ainsi, on ne parvient que difficilement à les lire. Couleurs compartimentées, dessins de personnages se glissant entre les galbes, inscriptions disposées sans souci net de lisibilité, formes en puzzle, imagination générale passablement fantasque.
Philippe Lefresne, Vache de Claude François, 27x15x32 cm, céramique, 2012
La "vache de Claude François" a une queue de lion sortant d'un prose proéminent. A la différence avec sa consœur, la vache HLM, qui porte un chapeau entre ses cornes, sa tête est ici flanquée d'un crucifix plutôt qui montre à l'avers un homme jouant de la guitare et au revers un crucifié. Ses oreilles ont en guise de boucles d'autres croix du reste. Il y a des inscriptions, des personnages placés un peu partout, n'importe comment dirait-on comme s'ils escaladaient ou rampaient sur cette vache prise par eux pour une montagne. Ces sculptures en céramique me donnent l'impression d'avoir –par ses pièces de puzzle figurant globalement une vache semblable à un dragon chinois, avec malgré tout, simultanément, un fort sentiment d'éclatement des formes– réussi le pari de fixer le processus d'association qui est à l'œuvre, par exemple, dans les créations automatiques des surréalistes.
Philippe Lefresne, Le cheval porte-bonheur, 100x81 cm, acrylique sur toile, 2011
Philippe Lefresne a fini de me convaincre cette fois-ci, c'est un créateur affirmé, à suivre (né en 1962, il a commencé à créer en entrant à l'ESAT en 1982, il n'est donc plus un débutant...), comme Fathi Oulad (né en 1983, il a commencé à l'ESAT en 2002.
Exposition du 10 mai au 2 juin 2012. Ouvert du mardi au samedi de 14h à 19h et sur rendez-vous. Galerie Beckel-Odille-Boïcos, 1, rue Jacques Cœur 75004 Paris. Métro Bastille (sortie boulevard Henri IV). Tél. 01 40 27 89 30. bob@gmail.com et www.galbob.fr
00:17 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : outsiders, esat de ménilmontant, personimages, galerie beckel-odille-boïcos, fathi oulad, philippe lefresne | Imprimer
10/05/2012
Poésie en marche
Un poème dans l'espace, ça vous revitalise la poésie.
Poésie/poesia, photo Dimitri Wazemsky (voir son blog Nuit myrtide)
22:22 Publié dans Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : nuit myrtide, poésie, poesia, dimitri wazemsky, poème spatial, land art | Imprimer
08/05/2012
Deux outre-vélos
Deux vélos autres se sont manifestés sous mon regard à quelques jours d'intervalle. D'abord celui ci-dessous, une mante qui se prend pour un vélo, ce qui est assez peu banal. Trouvé sur le site d'Etienne Cornevin, Nouvelles Hybrides.
Et puis ce deuxième, venu du bord de l'Océan Atlantique, grâce à l'oeil avisé d'André Bernard. Très "surréaliste", si l'on pense à la selle d'abeilles, visible sur une ancienne (?) photo (?) de Meret Oppenheim (?)...
Vélo d'huîtres, créé naturellement par le temps et la mer, photo André Bernard, 2012
Il me revient que l'on trouve aussi de temps à autre, parmi les cartes postales sur des sujets insolites, certaines images exhibant ce genre de concrétions sur vélocipède. Par exemple cette dernière carte extraite de ma collection personnelle.
Vélo d'huîtres, carte postale sans date (années 70?)
Le texte de la correspondante qui est au verso de cette carte non datée est d'un pathétique si poignant, en dépit de sa briéveté, que je ne résiste pas à vous le recopier (en modifiant légèrement le patronyme de son auteur):
"Bonjour, je m'appelle Pascal Erronée, j'ai 16 ans. Je ne part [sic] pas en vacances alors j'aimerais jouer à 3 mots pour une chanson. Voici mon numéro de téléphone: 4.... J'habite en Charente-Maritime, Marennes."
Le jeu mentionné dans le texte de cette jeune fille qui-ne-partait-pas-en-vacances devrait donner la date approximative de cette courte missive qui ressemblait à une bouteille à la mer. Situation, hélas, banale...
Enfin, pour complaire à RR qui grâce à sa mémoire sans faille (voir commentaire ci-après) se rappelle le vélo que nous vîmes ensemble dans le jardin de l'habitant-paysagiste naïf André Hardy à St-Quentin-des-Chardonnets (Orne), aujourd'hui en voie de démantélement et dispersion, voici le deux-roues que ce dernier avait installé sur sa pelouse. Sa mosaïque de coquillages peints en bleu et disposés assez régulièrement, à la différence des manières de la Nature, a certainement été inspirée peu ou prou par les fameux vélos couverts d'huîtres qu'on trouve exhibés ici et là sur les littoraux.
Chez André Hardy, ph. Bruno Montpied, 2010
23:42 Publié dans Art immédiat, Environnements populaires spontanés, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies, Surréalisme, Véhicules créatifs | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : poésie naturelle, objets surréalistes, vélo, cyclisme, andré bernard, mante, nouvelles hybrides, 3 mots pour une chanson, banal, pas banal, andré hardy | Imprimer
05/05/2012
Salon du livre libertaire à Paris, 11, 12 et 13 mai
Le week-end prochain s'ouvrira pour trois jours (c'est un wek-end agrandi) le Salon du Livre Libertaire où parmi d'autres (il y a beaucoup d'éditions anarchistes, tellement qu'elles tiennent désormais salon : elles sont 104, rien que ça), on retrouvera les publications des éditions de l'Insomniaque, dont le livre que je ressasse depuis l'année dernière (mais il y a toujours de nouveaux lecteurs sur ce blog, ce qui justifie cette campagne de pub sans fin...), à savoir Eloge des jardins anarchiques. Son auteur, mézigue, sera donc présent aux côtés des autres insomniaques, surtout le samedi et le dimanche, pour en causer entre quatre-z-yeux et pour apposer quelque dédicace éventuelle. Il doit y avoir aussi une table où je pourrai présenter les deux numéros de L'Or aux 13 îles, la revue de Jean-Christophe Belotti, puisqu'ils recèlent deux dossiers non sans rapport avec les jardins anarchiques et l'art brut, un sur le musée des bois sculptés de l'abbé Fouré (n°1) et un autre sur une collection d'art immédiat (n°2). Remy Ricordeau de son côté ne viendra pas présenter Bricoleurs de Paradis mais plutôt son plus récent DVD, Inventaire avant Liquidation et Putain d'Usine qui sera projeté je crois dans un local à part dans l'Espace des Blancs Manteaux. Il sera aussi sur le stand des Mutins de Pangée. Sinon, si tout cela ne vous concerne pas, n'hésitez pas à venir tout de même faire un tour pour découvrir le reste, il reste 102 éditeurs, du reste voici le programme.
A noter parmi d'autres maisons d'éditions celle des Éditions Libertaires qui proposent entre autres un livre intitulé Eloge de la passe. Je vois d'ici certains qui auront l'esprit tourné à la malice (mais peut-être que les éditeurs l'avaient aussi): de quelle passe s'agit-il? Eh bien, pour une fois il s'agit de sport, et de sport vu par des libertaires. Et pourquoi pas?
(Eloge de la passe, Jean-Marc Raynaud, Philippe Pelletier, etc. "Le sport peut-il être un outil de luttes pour les anarchistes ? La pratique de sports (collectifs) peut-elle être un apprentissage à la vie en société libertaire ? C’est la thèse défendue par une vingtaine de militant-e-s dans cet ouvrage collectif. (Éditions Libertaires).")
23:35 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Cinéma et arts (notamment populaires), Environnements populaires spontanés, Questionnements | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : salon du livre libertaire, espace des blancs manteaux, l'insomniaque, bruno montpied, éloge des jardins anarchiques, putain d'usine, mutins de pangée, l'or aux 13 îles, abbé fouré, art immédiat | Imprimer
01/05/2012
Les bâtisseurs de Babel de Gabriele Mina
Gabriele n'est pas une dame mais un anthropologue italien, donc là-bas ils ont des "e" à la fin des Gabriel, ou des Michel.
J'avais signalé il y a quelque temps l'apparition d'un site web appelé Costruttori di Babele qui était le signe avant-coureur d'une recherche en cours sur les sites et les environnements d'art populaire en Italie, où, comme on l'a découvert avec l'actuelle exposition Banditi Dell'Arte à la Halle Saint-Pierre, commencent à apparaître de plus en plus d'initiatives pour intéresser le public aux riches créations atypiques présentes dans ce pays déjà lourd d'un patrimoine artistique conséquent (vestiges gallo-romains, littérature latine, peinture de la Renaissance, mythologie chrétienne...), qui de ce fait a peut-être retardé plus qu'ailleurs la connaissance de la créativité populaire.
Gabriele Mina a une position originale qu'il a tenté de résumer dans un texte en français qu'il m'a envoyé parallèlement à l'ouvrage ci-dessus paru à la fin de l'année 2011, et qui aide les non italophones à comprendre ce qu'il a voulu dire dans son livre principal, Costruttori di Babele, sulle tracce di architetture fantastiche e universi irregolari in Italia (je fais figurer ce texte en français en lien ici même, son titre étant Insiders, les constructeurs babéliques et nous ; il reprend en grande partie l'introduction italienne de son ouvrage). Il veut avant tout attirer l'attention sur ce qu'il appelle les Insiders, par opposition avec Outsiders. Ce terme d'Insiders paraît recouvrir des créateurs populaires non coupés du reste de la société, non marginalisés, œuvrant dans l’espace public. L’art populaire contemporain, ou art modeste, pourrait relever de cette dénomination. Régis Gayraud m’a signalé récemment que chez les historiens de l’ex-Union Soviétique, on parle de « non-conformistes intégrés » au sujet d’artistes non officiels en Russie. Ce qui paraît assez voisin de ce que l'on cherche à distinguer avec les Insiders. Ce serait une appellation disponible pour des anticonformistes non marginalisés ne relevant pas des courants de l’art officiel. Cela représenterait du coup beaucoup de créateurs, populaires ou non, professionnels ou amateurs, qui pourraient rentrer dans cette catégorie, pourvu qu’ils aient en commun une certaine indépendance d’esprit… Les environnements spontanés de créateurs, populaires ou non, reléveraient ainsi des Insiders... Et c'est bien ce qui paraît se constituer sous la plume de Gabriele Mina qui évoque dans l'ouvrage collectif qu'il a dirigé aux éditions Elèuthera à Milan une soixantaine de cas d'environnements créés par des hommes du peuple ou par des artistes (cette distinction paraissant nettement moins tranchée dans les résultats esthétiques qu'en France, où l'œuvre d'un Chomo ou d'un Tatin me paraît nettement différer de celle d'un Picassiette ou d'un Pailloux, être moins émouvante en tout cas). Dans les soixante, on retrouve certains créateurs évoqués à la Halle St-Pierre en ce moment même: Luigi Lineri, Marcello Cammi, Melina Riccio, Giovanni Bosco, Florenzo Pilia, Angelo Stagnaro, Giulio Rancilio, Bonaria Manca (chapitre écrit par Roberta Trapani), Vincent Maria Brunetti, Filippo Bentivegna, Maurizio Beccherini, Orpheo Bartolucci, Mario Andreoli...
Mario Andreoli, détail de sa crèche de la Colline des Lumières (4000 m²...) qu'il illumine de début décembre à fin janvier à Manarola en Ligurie, photo extraite du site de la Galerie Rizomi à Turin (expo Ligurie brute)
L'accent est davantage mis sur la notion d'anticonformisme et d'utopie (ce qui explique "Babel" à l'arrière-plan des recherches de Gabriele Mina), sur la revitalisation de la culture populaire contemporaine longtemps refoulée à la suite de l'histoire italienne –le fascisme ayant apparemment dès les années 20 choisi d'imposer à la population une resucée de la culture classique gréco-latine– que sur une critique de l'art d'élite, cause à laquelle je me suis attaché plus particulièrement avec mon propre livre Eloge des Jardins anarchiques dont Mina pourtant se proclame proche. On distingue en effet mal en parcourant Costruttori di Babele si on a affaire à des créateurs cultivés ou à des autodidactes créant à partir d'une culture populaire. Au point que je me suis demandé en le lisant avec difficulté (le problème de la langue) si les créateurs populaires italiens au fond n'avaient pas davantage de culture que les créateurs prolétaires français... C'est une hypothèse qui serait à creuser, pas complètement hasardée si l'on pense justement à la richesse du patrimoine et de l'histoire artistique italienne que j'évoquais ci-dessus.
Bonaria Manca, Au travail, 1-11-1969, ph.Roberta Trapani
Un point qui découle de cette quête utopique babélienne, "réaffirmer une appartenance de ces expressions excentriques au paysage culturel qui les entoure" (écrit Mina dans son texte en français mis en lien ci-dessus) est la critique qu'opère l'auteur vis-à-vis de l'art brut de Jean Dubuffet, accusé au fond de stérilisation par l'enfermement "dans la vitrine d'une vague diversité qui satisfait les attentes et le voyeurisme", au lieu d'être détruit par "l'asphyxiante culture". On retrouve là une critique de la ghettoïsation dans laquelle les défenseurs orthodoxes de l'art brut version Dubuffet enfermaient les créateurs de l'art brut, en en faisant, comme me le confiait récemment Bruno Decharme, s'il me permet d'ébruiter cette confidence personnelle, de nouveaux "dieux" (ou des "saints", comme disait pour sa part Dubuffet)... Or, comme disent nos amis anarchistes, ni dieu, ni maître! On ne va pas recréer une hiérarchie à l'envers, comme le demande au fond le marché de l'art qui se précipite chaque jour un peu plus vite sur la viande fraîche de l'art brut.
Ce n'était pas ainsi qu'André Breton concevait les créateurs rangés dans l'art brut, il laissait dialoguer (un mot que Mina aime bien) les créateurs de toutes obédiences au sein de ses expositions internationales du surréalisme, il ne les mettait pas dans une réserve. Sans pour autant refuser de les documenter et d'indiquer leurs singularités. Les créateurs de l'art brut, les créateurs d'environnements n'étaient pas sans culture, la leur tenant davantage d'une culture populaire en miettes, en décadence, une culture dite de masse, un art modeste dirait Di Rosa aujourd'hui, dans laquelle ils repêchent les matériaux utiles à leur renaissance. C'est ma position dans mon Eloge. Et c'est ici effectivement que nous nous rejoignons Gabriele Mina et moi. De même que je lui suis reconnaissant d'avoir bien compris à quel point je refuse de me retrancher dans la rencontre avec les créateurs dans le film que j'ai écrit avec Remy Ricordeau, Bricoleurs de Paradis, parce que je trouve plus honnête de figurer à l'image avec les questions que l'on n'aura pas cachées.
A noter en outre que j'ai inséré à la demande de Gabriele Mina dans son ouvrage une réflexion sur la question de la conservation, ou non, des environnements d'autodidactes, intitulée La cura dell'ispirazione, Conservazione e prolugamento dei siti spontanei in Francia (en français: Entretenir l’inspiration, La conservation ou le prolongement des environnements spontanés en France), illustrée de trois photos montrant les sculptures abîmées de Gabriel Albert et de l'abbé Fouré.
Costruttori di Babele, vidéo
19:38 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire contemporain, Environnements populaires spontanés, Lexique et définitions des arts populaires | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gabriele mina, costruttori di babele, bâtisseurs de babel, culture populaire italienne, banditi dell'arte, eleuthera, environnements spontanés, art brut italien, mario andreoli, bonaria manca | Imprimer
29/04/2012
Un DVD rien que pour Jacques Brunius
Brunius a désormais un DVD à lui seul consacré. C'est Doriane films et les films de l'Equinoxe (ces derniers étant les gérants des droits relatifs à Brunius, ils s'occupent aussi du fonds Denise Bellon, la photographe belle-soeur de Brunius, avec qui ce dernier collabora à plusieurs reprises, notamment sur le Palais Idéal du Facteur Cheval) qui patronnent cette sortie toute récente.
Couverture du DVD Jacques Brunius, Un cinéaste surréaliste, éd. Doriane Films et les Films de l'Equinoxe, sorti en mars 2012
Quatre films, tous des documentaires, sont ainsi édités dans ce DVD: Autour d'une évasion (ultra rare; 65 min., 1931), Violons d'Ingres (30 min. ; 1937 ; déjà réédité dans le triple DVD Mon frère Jacques de Pierre Prévert,), Records 37 (28 min, 1937), ces trois derniers films ayant été tous restaurés par les Archives Françaises du Film et le CNC, et enfin Sources noires (38 min. ; 1937 ; docu "artistique" sur l'industrie pétrolière).
Brunius, j'en parle souvent ici, c'est un homme qui me fascine et m'enchante. Par sa rigueur, son côté impitoyable aussi, dont on se fera une idée précise en lisant son livre de 1954, En marge du cinéma français, où il se livre en de certaines pages à des exécutions d'une rage inouïe (sur Cocteau notamment où sa verve anti Cocktail -un cocteau, des cocktails- fondée par rapport à certains des films de ce poète mondain -je pense notamment au Sang des Poètes d'une mièvrerie et d'un formalisme creux insupportables- dérape dans l'injustice lorsqu'il se livre à une descente en flammes de la Belle et la Bête ; on sait cependant à quel point Cocteau était haï des surréalistes, au point de faire dire à Philippe Soupault, comme le cite Jean-Pierre Pagliano dans son Brunius à l'Age d'Homme en 1987 (note 108, p.136): "Nous nous [les surréalistes] sommes éloignés du cinéma parce qu'il était aux mains de truqueurs comme Cocteau" ; ce genre de phrase est à retenir dans une histoire du cinéma et du surréalisme il me semble...). Brunius était un de ces passionnés, –de cinéma d'abord– qu'aucune tiédeur ne retenait de lâcher les chevaux. Son livre montre par ailleurs aussi quel redoutable théoricien du cinéma il pouvait être. La réunion des quatre films de ce DVD, mis en relation avec son livre, met en évidence en particulier son goût et son désir de promouvoir un cinéma de montage, au rythme particulièrement rapide (parfois même un peu trop rapide, empêchant de savourer les raccords, les analogies... comme dans Records 37, les plans sur le thème de la roue mise en parallèle avec les cercles concentriques générés par le jet d'un caillou dans l'eau par exemple). Il était là dans le droit fil des théories surréalistes s'inspirant de la phrase célèbre de Pierre Reverdy (que cite Brunius dans son livre, p. 128 de l'édition originale des éditions Arcanes): "[L'image poétique] ne peut naître d'une comparaison mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. Plus les rapports des deux réalités rapprochées seront lointains et justes, plus l'image sera forte – plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique..." (Nord-Sud, mars 1918). Des "rapports lointains et justes", on les illustrera par exemple par ce rapprochement juste des formes des différentes roues avec des ronds dans l'eau, matières et objets pourtant éloignés les uns des autres dans la réalité.
Lui qui fut admiratif de cinéastes comme Jean Renoir (avec qui il collabora comme assistant -dans La Vie est à nous- et comme acteur -dans Partie de Campagne et Le Crime de Monsieur Lange), ou encore René Clair, Alberto Cavalcanti, Walter Ruttman, ou bien Luis Bunuel (dont il fut l'assistant sur L'Age d'Or), rêvait en effet d'un cinéma qui devait permettre, dans la continuité des films des avant-gardes des années 20, d'apporter un souffle nouveau basé sur les rapports égalitaires et complémentaires entre images toutes faites, tournées par d'autres (exemples des images d'actualités), musique, bruitage, et sous-titres. Brunius, en particulier voulait réformer l'usage du commentaire dominant par rapport aux autres langages du cinéma (image, bruits...).
Dans Records 37, l'oreille du spectateur entend médusée ces mots, "Ni dieu, ni maître..." chantés en arrière-plan sonore (à moins que ce ne soit au premier plan?) sur un poème de Paul Valéry, alors que le film continue simultanément et imperturbablement de dérouler sa litanie d'émerveillement devant les améliorations apportées au monde moderne par les différentes techniques ingénieuses qu'il nous présente.
Le livre En marge du cinéma français dont maints chapitres ont été rédigés apparemment les années précédentes paraît déplorer que les recherches de montage, notamment de bandes d'actualités (comme dans Autour d'une évasion, où Brunius récupéra des images de Silvagni tournées en Guyane d'après l'enquête d'Albert Londres sur les bagnes, ainsi que les images rares, volées, filmées de derrière des persiennes entrebaillées par Gaston Chelle, opérateur de Pathé-Gaumont, montrant l'embarquement de bagnards à Saint-Martin-de-Ré dans les années 20 (ceci est révélé dans l'instructif et synthétique livret du DVD par Nathaniel Greene), images qu'il entrelaça à des séquences qu'il filma à Paris avec Eugène Dieudonné, ancien anarchiste ayant fréquenté la Bande à Bonnot et condamné injustement au bagne en Guyane), le livre de Brunius déplore que ses recherches de montage n'aient pas été reprises par d'autres. Cependant, au même moment (au début des années 50) les lettristes, tels Isou avec son Traité de Bave et d'Eternité où bande-son et bande-image se séparent à un moment du film de façon discrépante comme le qualifia Isou, ou tel Guy Debord qui fit au même moment des films sans images (Hurlements en faveur de Sade) puis par la suite dans ses films situationnistes des films de montage de bandes d'actualités et autres films tout faits, publicitaires entre autres, qu'il détournait, représentent à l'évidence des héritiers des théories cinématographiques de Brunius et autres surréalistes.
Alphonse Benquet, portrait de sa femme Marie, 1889, coll. Rassat, ph. Bruno Montpied (sculpture inédite)
Brunius qui ne s'en tint pas là, comme je ne cesse de le rappeler ici et là, devançant également Dubuffet et l'art brut par son film de 1937 Violons d'Ingres qui évoque diverses figures de l'art populaire comme le Facteur Cheval, l'abbé Fouré, Alphonse Benquet, Auguste Corsin, Alphonse Gurlhie, le Douanier Rousseau, divers artistes naïfs, associés à des figures excentriques populaires (le Diable Rouge), des inventeurs et des artisans populaires, tous représentants d'une persistance du génie de l'enfance se prolongeant à l'âge adulte. Autour d'une évasion, film d'une audace étonnante pour l'époque, puisqu'il traite dans la suite des enquêtes d'Albert Londres (voir son livre sur Dieudonné, L'Homme qui s'évada et celui sur les bataillons d'Afrique, Dante n'avait rien vu, réédités au Serpent à Plumes), des conditions faites aux bagnards, montre à un moment dans les mains de Dieudonné un rouleau de peau humaine conservé en raison des tatouages qu'il recèle, tatouages que l'on voit dans un autre passage du film, dans les images de Silvagni en train d'être apposés sur les bras et les épaules des bagnards par des compagnons d'infortune.
Dieudonné déroulant la peau tatouée dans Autour d'une évasion
L'opération de tatouage dans Autour d'une évasion
Il reste à espérer que ce DVD soit le premier d'une série qui ne pourra se limiter sans doute qu'à deux compilations, la deuxième se consacrant à ses films tournés en Angleterre après la Seconde Guerre. Car on sait que Brunius, fuyant les Nazis, alla vivre là-bas, revenant de temps à autre après guerre voir ses amis et parents sur le continent, continuant à fréquenter le cercle surréaliste notamment, jusqu'à sa mort en 1967, la veille d'une grande exposition surréaliste à Londres qu'il avait grandement contribué à organiser (on le voit témoigner sur Jacques Prévert dans le film de Pierre Prévert Mon Frère Jacques en 1966, rare moment de présence personnelle devant une caméra, en dehors de ses rôles de comédien).
D'autres films furent réalisés par lui durant sa période anglaise (j'en ai évoqué un, Somewhere to live, dans la note ici et là en lien), et notamment un film pour enfants, To the rescue (A la rescousse) en 1952, qu'il fit avec Richard Massingham que Pagliano présente comme "une sorte de pionnier, réinventant le cinéma pour son usage personnel", une sorte de "cinéaste du dimanche", bourré d'humour et d'esprit carrollien, goût qu'il partageait avec Brunius qui réalisa pour la radio française en 1966, un an avant sa mort, une émission fleuve d'environ huit heures sur Lewis Carroll (rediffusée en 1986 sur France-Culture : faudra-t-il attendre 2016 pour la réentendre? Qu'attend-on pour l'éditer en coffret?). Ce film fut apparemment la seule incursion de Brunius dans le domaine de la fiction, sorte de poursuite burlesque, nous dit toujours Jean-Pierre Pagliano, en hommage au cinéma comique des premiers temps. Il reçut le prix du meilleur film pour la jeunesse au festival de Venise 1953. On aimerait bien le voir...
A noter en bonus: le Palais Idéal d'Ado Kyrou (1958, déjà réédité en même temps que le film de Claude et Clovis Prévost sur le Facteur Cheval dans un autre DVD produit par le Palais Idéal de Hauterives), surtout une éclairante "rencontre autour de Brunius" au Lux, scène nationale de Valence (le 16/10/2010), avec Eric Le Roy (CNC, Archives Françaises du Film, Films de l'Equinoxe), Christophe Bonin, l'ancien directeur du Palais Idéal aujourd'hui nommé à d'autres responsabilités culturelles dans la Creuse, et Jean-Pierre Pagliano (rencontre que j'avais signalée en son temps sur ce blog), une "chronologie" de J-B. Brunius et un diaporama de photos de films et de dessins de Brunius.