02/10/2013
Modification mystère, un jeu
Ce peintre belge dont j'ai déjà parlé ici s'amuse depuis quelque temps à peindre des tableaux d'après les grands maîtres de l'art (c'est à la mode en Belgique). Faisons un petit jeu (non ouvert à ceux qui l'exposent ou qui le connaissent bien, essayons de rester honnêtes...). Un DVD des films de Del Curto et Genoux sur Henriette Zéphyr et Yvonne Robert à gagner à celle ou à celui qui reconnaîtra le grand maître de la peinture qui a été réinterprété dans le tableau ci-dessous...
C'est d'après qui, hein?
C'est le DVD à gagner...
23:41 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire contemporain, Art singulier, Confrontations | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : modifications d'oeuvres d'art, arrt singulier, art immédiat, jeux de devinette, mario del curto, bastien genoux | Imprimer
29/09/2013
Caviardages, la suite
En voici un beau, évident, facile à réaliser à peu de frais... Rue des Trois Bornes dans le XIe ardt... En effaçant le haut du O...
Paris, XIe ardt, photos Bruno Montpied, 2013
N'en restons pas là. il me semble que je n'ai pas encore eu l'occasion de glisser cet autre caviardage plus poussé cette fois que m'avait indiqué Régis Gayraud dans sa bonne ville de Clermont-Ferrand:
Une autre sagesse... Rue Ballainvilliers, Clermont-Ferrand, photo BM, 2012
Bien sûr le caviardage est essentiellement à orientation sexuelle ou scatologique, comme le suivant découvert à Lunas dans l'Hérault, dans une ruelle où l'on peut intervenir furtivement et en toute tranquillité.
Au départ la rue Font Picotière, à Lunas, ph.BM, 2012
Parfois cela dérape carrément dans les noms d'oiseaux...
Ph. Joël Gayraud (merci à lui de nous l'avoir communiquée), 2013? En plus il y a de l'art naïf...
Ou bien, c'est le hasard du temps qui passe. Les horloges se révoltent malicieusement contre leur concepteur, l'aiguille fait d'un Lepaute un "Le Pute", pas très fixée sur le genre masculin ou féminin pour le plus vieux métier du monde exercé il est vrai par les deux sexes...
Ph. BM, gare de Capdenac, 2012
C'est le caviardage par élision de hasard. Le pliage malencontreux d'un tissu imprimé peut ainsi donner des résultats tout aussi désopilants.
Ph. Thierry Vohl, 2012 (merci à lui) ; que vont en penser les Bourguignons?
Et les mots à force se mettent à dériver, les caviardages ne tiennent plus trop compte de la sympathie que peuvent inspirer (en tout cas moi je les aime bien) par exemple les pompiers, on ne résiste plus à une petite transformation bénigne qui crée une surprise.
Rue du Château d'Eau, Paris Xe ardt, ph. BM
D'autres plus artistes et littéraires, un peu militants aussi, rue Louis Blanc, dans le Xe ardt, inspirés par les beaux caractères Défense d'Afficher, font penser les murs, et même donnent des coups de trompe...rie.
Ph. BM, 2012
Enfin, qu'est-ce que vous croyez, moi aussi il m'arrive de m'y exercer quelquefois, et très lâchement bien entendu, je fais ça loin des regards, dans la montagne du côté de la Bourboule (altitude 1436 m), au col joliment nommé de l'Ouïr, en dessous du Puy du même nom.
Ph. BM, 2011, Auvergne
19:51 Publié dans Inscriptions mémorables ou drôlatiques, Paris populaire ou insolite | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : caviardages, inscriptions urbaines, inscriptions cocasses dans la rue, rue des trois bornes, graffiti spéciaux, défense d'éléphant, prostituées, paris populaire et insolite, scatologie | Imprimer
27/09/2013
Le retour de l'art brut marocain
Il y a quelques années, certains s'en souviendront, la mode fut un moment à la découverte des artistes dits naïfs d'Essaouira, l'ancienne Mogador au Maroc où fut tourné l'Othello d'Orson Welles et où résidèrent à une époque beaucoup d'artistes et d'écrivains occidentaux (dans les années 70, la ville vit passer Jimmy Hendrix, Cat Stevens et le Living Theater, entre autres). Les autodidactes singuliers paraissaient littéralement y pulluler, certains d'entre eux firent connaître leur nom au delà des frontières du pays, comme Ali Maimoun, Mohamed Tabal, Abdallah Elattrach, Rachid Amarhouch ou Mostapha Assadeddine. Une grande exposition tourna en France en 1999, à Strasbourg, Barbizon, Bourges, La Rochelle, Lyon (galerie des Terreaux), Pézenas, Saint-Etienne et Paris (dans un espace Paul Ricard qui d'après moi maintenant n'existe plus, rue Royale près de la Concorde, au-dessus du café chez Maxim's). Elle présentait Boujemâa Lakhdar (1941-1989), ancien conservateur du musée des Arts Populaires d'Essaouira et en même temps peintre, comme le pionnier et le doyen des peintres de la ville. Sa peinture était naturellement inspirée des arts et traditions populaires de cette région, il s'intéressait à la magie, aux chants traditionnels, à la sculpture, à l'artisanat et à l'histoire de la ville. Certaines de ses œuvres figurèrent dans la fameuse exposition Les Magiciens de la Terre qui se tint en 1989 au Centre Beaubourg et à la Grande Halle de la Villette, expo où il fut le seul représentant du Maghreb. Il semble qu'il ait été un des grands initiateurs de la peinture autodidacte populaire moderne dans cette ville d'Essaouira, véritable pépinière de peintres singuliers, ressemblant un peu à Haïti et ses nombreux artistes autodidactes.
Ces créateurs se firent connaître à l'étranger grâce à l'activité dynamique de la galerie Frédéric Damgaard qui les exposa dès le début des années 90. Hélas aujourd'hui, cette galerie semble avoir cessé sa médiation et son entreprise de communication énergique en leur faveur (son propriétaire n'étant apparemment plus en état de la continuer). On n'entend du coup plus parler des "Naïfs" d'Essaouira, qui sont en réalité plus proches de l'art brut. Pourtant récemment, Darnish, de passage au Maroc, a retrouvé certains d'entre eux. Ali Maimoun est toujours actif, et avec d'autres, a fondé une "Association des Couleurs des Mouettes Naïves d'Essaouira" dont le nom plaide assez peu pour leur travail il est vrai (il paraît que le terme marche mieux en arabe) mais qui leur permet de retrouver un peu plus de visibilité, en dépit des lamentables critiques venues de certains intellectuels arabes arcboutés sur leurs privilèges élitistes comme ce peintre académique d'Essaouira nommé Houssein Miloudi qui, selon Darnish, les traita en 1999 dans un de ses textes de "canassons analphabètes", ce que confirma Abdelwahab Meddeb (comme c'est souligné par Darnish dans un récit que je publierai bientôt) en déclarant dans une émission à la gloire de ce Miloudi diffusée il y a peu sur France Culture: "ces malfaisants n’ont laissé aucune trace"...
Ahmed Fellah, œuvre reproduite sur le carton d'invitation de la Galerie Dettinger-Mayer
En attendant que Darnish veuille bien nous faire un reportage sur son voyage, nous pourrons ronger notre frein de façon féconde en allant voir ce que nous ont dénichés deux chercheurs de talent de première, le galeriste Alain Dettinger et sa collaboratrice Fatima-Azzahra Khoubba, qui ont ramené de Tanger quatre créateurs nouveaux, tout aussi autodidactes que ceux d'Essaouira, Ahmed Fellah, Zohra Saïdi, Mohamed Larbi Amarnis et Abdelaziz Hakmoun, vivant dans la médina. Ils vont être exposés dans la Galerie Dettinger-Mayer (4, place Gailleton, dans le 2e ardt de Lyon, tél: 04 72 41 07 80) du samedi 28 septembre au samedi 19 octobre.
Zohra Saïdi, titre non identifié (il semble qu'il s'agisse d'une scène de rue dans la vieille ville de Tanger, avec des collines montagneuses en arrière-plan, un liseré de ciel longeant le bord supérieur du tableau ; les deux têtes à gauche correspondraient aux visages d'enfants curieux de la scène se passant dans la ruelle), ph. Bruno Montpied, expo chez Dettinger 2013
Je n'ai pas pu voir l'ensemble de l'expo en avant-première, mais j'ai tout de même entraperçu quelques beaux morceaux prometteurs que je vous livre en guise d'avant-goût. Les deux plus étonnants dans cette bande des quatre, à mon humble avis, c'est surtout Zohra Saïdi (qui paraît signer quelquefois Saïda) qu'une rumeur présente comme une nouvelle Chaïbia, et Abdelaziz Hakmoun.
Zohra Saïdi, œuvre (sur papier?), ph.BM, expo chez Dettinger 2013
Abdelaziz Hakmoun, pas de titre identifié, pas de date non plus, ph. BM, expo chez Dettinger 2013
Etonnantes et fortes images, ne trouvez-vous pas?
Zohra Saïdi a une façon toute particulière et très libre, en véritable affranchie de la représentation picturale et graphique, de restituer ses observations, sans souci de la ressemblance autre que propre à son ressenti, à sa vision des choses. Ce visage est coulant? Ses pieds ressemblent à des pattes de chameau? Peu importe si cela marche dans la composition, si cela tient et doit être conservé par le peintre. Ce n'est pas une traduction immédiate de la vision, c'est plutôt un jeu avec les couleurs et les formes qui prenant prétexte d'une restitution de paysage extérieur s'affranchit des règles de ressemblance et se déploie dans un accord étroit avec le ressenti immédiat de la créatrice, analogue avec sa façon de vivre le monde au jour le jour. C'est cela que j'entrevois quand je parle d'art de l'immédiat, M. Gayraud.
Abdelaziz Hakmoun, sans titre identifié, ph.BM, expo chez Dettinger 2013
Abdelaziz Hakmoun est plus sombre, comme plus tourmenté, aimant plonger ses faces de carême (ou de ramadan en l'occurrence) dans un maelström de cercles embrumés et flasques.
Mohamed Larbi Amarnis, une pierre, ph BM, expo chez Dettinger 2013
Mohamed Larbi Amarnis procède autrement encore, en grand obsédé des formes naturelles des pierres qui le sollicitent fortement. Comme le Français Serge Paillard qui fait de la divination d'après pommes de terre, Amarnis est visionnaire dans le minéral. Il peint une pierre en tentant d'en révéler le mystère. La roche apparaît inexorablement, peinte sur verre, tel un bloc quelque peu abstrait, comme un aérolithe tombé du ciel. Les pierres magiques "lui chuchotent des histoires. La forme de ses pierres le guide dans l'interprétation de rêves prémonitoires. Il voit dans ces formes des messages qu'il dessine avec des plumes de pigeon, en gris métallisé sur des fonds noirs. Plus loin des fleurs fragiles se dressent dans des vases aux formes asymétriques et des chandeliers sans bougies éclairent un pigeon..." (Fatima-Azzahra Khoubba).
01:15 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : naïfs d'essaouira, ali maimoune, abdelwahhab meddeb, art brut marocain, galerie dettinger-mayer, fatima-azzahra khoubba, alain dettinger, abdelaziz hakmoun, darnish, frédéric damgaard, art immédiat, art singulier, serge paillard | Imprimer
17/09/2013
De la lenteur avant toute chose
L'association ABCD invite l'association Portraits pour une exposition où seront confrontées des œuvres d'art contemporain et des créations faisant partie des collections d'art brut d'ABCD. Il y a pas moins de cinq commissaires d'exposition pour cette association Portraits, tandis que Barbara Saforova reste bravement seule commissaire pour ABCD. "De la lenteur avant toute chose", titre et thème de l'expo qui commence à Montreuil-sous-Bois dans les locaux de la galerie ABCD le 29 septembre et se terminera le 16 novembre, invite à réfléchir si la lenteur des processus créatifs (terme qu'affectionne et creuse une des commissaires de l'expo, doctorante à Paris I et conservatrice au musée Picasso, Emilie Bouvard) ne pourrait être interprétée comme un comportement subversif dans un monde dominé par une consommation effrénée et étourdissante des images:
"La vitesse est révolutionnaire. Mais la vitesse peut devenir celle, mécanique et aliénante, de la machine, celle de la ville Babylone, industrieuse, faisant et défaisant les modes à un rythme rapide, effréné et superficiel. Dans un monde où l’artiste se voit imposer une productivité toujours plus soutenue, serait-il possible de penser, comme le sociologue Hartmut Rosa dans Accélération : Une critique sociale du temps (2010), que la modernité, à force d’accélérer, pourrait bien faire du surplace ? Il convient ici de s’intéresser à des processus créatifs qui, dans leur lenteur, impliquent une durée subversive par rapport aux injonctions contemporaines de consommation de l’art et des images, sans toutefois s’inscrire dans un anti-modernisme moralisateur" (extrait du dossier de presse de l'exposition).
Intéressante question qui paraît faire écho à des préoccupations plus anciennes d'un Paul Virilio, si je peux me permettre de citer ici un philosophe que je n'ai jamais lu mais seulement très effleuré, qui plus est en diagonale, aux étalages des librairies... La lenteur du processus créatif, le temps pris à confectionner minutieusement divers travaux sans se préoccuper des contingences extérieures, n'est-ce pas la même chose qui est pointée ici en creux que l'inactualité radicale d'une certaine création, le temps vécu en décalage absolu vis-à-vis du temps du travail, de la consommation, de l'obéissance aux clichés et aux modes? Un éloge de la désobéissance et du grand écart vis-à-vis de la société du spectacle?
Les commissaires de l'expo en question croient voir un éloge de la lenteur chez des artistes et créateurs qui travaillent avec minutie sans compter leur temps, mais apparemment assez hétéroclites si j'en juge par rapport aux quelques images semées dans le dossier de presse. On y retrouve la dessinatrice Sophie Gaucher dont j'avais proposé à la sagacité de mes lecteurs les dessins en leur demandant si cela pouvait être de l'art brut. Il paraît que c'est ma note qui aurait donné l'idée à Emilie Bouvard et ses amies de la confronter à des œuvres dites d'art brut, c'est décidément trop d'honneur. Mais je rappellerai ici que mes lecteurs dans leurs commentaires l'identifièrent sans hésiter comme une dessinatrice contemporaine...
Voici la liste des exposants: ACM, Arnaud Aimé, Anaïs Albar, Clément Bagot, Koumei Bekki, Jérémie Bennequin, Arnaud Bergeret, Gaëlle Chotard, Mamadou Cissé, Florian Cochet, Samuel Coisne, Isabelle Ferreira, Sophie Gaucher, Hodinos, Rieko Koga, Kunizo Matsumoto, Dan Miller, Mari Minato, Edmund Monsiel, Hélène Moreau, Benoît Pype, Daniel Rodriguez Caballero, Chiyuki Sakagami, Ikuyo Sakamoto, Judith Scott, Claire Tabouret, Jeanne Tripier, Najah Zarbout.
Je n'en connais pas beaucoup là-dedans, si ce n'est les créateurs d'art brut bien connus, ACM et ses maquettes de ruines rongées faites en agrégat de composants électroniques, Emile Josome Hodinos (qui personnellement me barbe avec ses litanies d'inscriptions et de médailles), Dan Miller (un as du gribouillage, une sorte de Cy Twombly spontané et plus brouillon), Judith Scott (qui avec ses cocons de fils, c'est sûr, était complètement barrée loin de nos préoccupations de grands aliénés de la survie), Edmund Monsiel (prolifération vaporeuse de visages) ou Jeanne Tripier (et ses broderies de bénédictine). Les autres noms ne me disent rien. Tout juste puis-je dire, à regarder les images du dossier de presse que je serais curieux de voir les œuvres de Benoît Pype, avec ses fonds de poche dont il fait des petites sculptures ce qui me rappelle une démarche plutôt dalinienne (de sa grande époque surréaliste, pas celle d'Avida Dollars). Ah si, Mamadou Cissé, je vois ce que c'est, on en a déjà vu à la Fondation Cartier, des villes ultra décoratives vues de haut comme des circuits imprimés filtrés par des lunettes psychédéliques, j'avais assez peu apprécié, je trouvais que cela démarquait en moins bien les maquettes de villes futuristes du congolais Bodys Isek Kingelez précédemment exposées dans la même Fondation Cartier...
00:13 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Art singulier, Confrontations, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : abcd art brut, association portraits, émilie bouvard, art brut, dessin contemporain, sophie gaucher, acm, edmund monsiel, de la lenteur avant toute chose, benoît pype, sculptures de fonds de poche, mamadou cissé, fondation cartier | Imprimer
12/09/2013
Dirk Geffers au Madmusée de Liège
Et ça y est, c'est reparti pour une nouvelle brassée d'expositions de "rentrée". Tout le monde a fourbi ses armes, on sort les trouvailles et c'est un festival de découvertes sans doute, des petits nouveaux et des grands anciens, tandis qu'à côté de cela se préparent les expositions qui aident le marché de l'art à se fournir en viande fraîche (il y aura bientôt l'Outsider art fair décentralisé à Paris à l'Hôtel le A près des Champs-Elysées, quartier modeste comme on sait, et parallèlement à l'expo des 25 ans de Gros Vison, pardon Raw Vision, à la Halle Saint-Pierre).
Le Poignard Subtil, fidèle à ses tropismes, cherche plutôt du côté de ce que l'on ne voit pas forcément tout de suite, ce qui est la vraie façon d'avoir "une longueur d'avance". Et donc, je ne sais si l'on parlera beaucoup ici des Anglo-saxons qui viennent sur notre vieux continent faire augmenter la cote des marchandises esthétiques brutes d'Outre-Manche (même si les Américains ont le chic pour être réactifs avec une remarquable efficacité, le marché a toujours une longueur de retard). Je préfère de loin mettre le projecteur sur des créations discrètes, qui ont de fortes chances de passer inaperçues, parce qu'elles n'ont pas forcément les media de leur côté (ces derniers préférant toujours s'adresser au plus spectaculaire, au sens debordien du terme, au plus couru, au plus ressassé, au plus visible, sans jamais prendre le temps de rechercher la valeur intrinsèque). Par exemple, dans cette note, je pointerai Dirk Geffers, créateur de l'atelier Geyso20 à Braunschweig (c'est entre Hanovre et Berlin au nord de l'Allemagne), qui me paraît produire de magnifiques œuvres où l'écrit se mêle harmonieusement et très librement à l'image comme on s'en convaincra ci-dessous. C'est dans un atelier allemand que cette œuvre est produite, ce qui me confirme dans l'intuition qu'il y a beaucoup de créateurs intéressants en Allemagne (comme me l'avait appris Jean-Louis Faravel qui prospecte souvent par là-bas et a déjà fait pas mal de belles découvertes ; qui saura nous monter une bonne exposition des créateurs handicapés mentaux produisant en Allemagne? Une idée que je lance en l'air...).
Dirk Geffers, Le canard Dräyhta voon Saydte se baigne dans un bassin orange et se fait chasser par le jardinier Schorse Spittel, Madmusée, Liège
Il est exposé à partir du 14 septembre, jusqu'au 23 novembre, au Madmusée (Parc d'Avroy, 4000 Liège, chez nos voisins belges), en compagnie d'un autre créateur, Fred Bervoets que personnellement j'apprécie moins (je ne me base que sur l'image du carton d'invitation, je m'empresse de le préciser). Sur l'exposition, intitulée "Chronique", voir le dossier de presse.
09:06 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : dirk geffers, madmusée, art des handicapés mentaux, ateliers pour handicapés mentaux en allemagne, atelier geyso20, jean-louis faravel | Imprimer
09/09/2013
Chemin faisant, qu'est devenu ce petit musée des années 70 entre Saint-Chinian et Assignan?
Jacques Lacarrière évoque avec émotion et sympathie, dans cette bible de la randonnée en France qu’est son livre Chemin Faisant, au détour de quelques pages, "prés du hameau de Tudéry, entre Saint-Chinian et le village d’Assignan", un petit musée voué à la poésie naturelle que lui fit visiter un vieillard d’un autre temps (ce temps des ruraux païens se suffisant presque à eux-mêmes, tels qu’ils sont décrits dans les nombreux ouvrages de Raymond Humbert, fondateur du musée rural des arts populaires de Laduz dans l’Yonne). Un petit paysan d’autrefois que la chasse aux rouges-gorges, dans son pays, révulsait et qui avait accumulé dans un local toutes sortes de vestiges de la création naturelle. Il était aussi guérisseur à l’occasion.
Voici ce qu’écrit Lacarrière, entre autres :
« Devant la maison, sous la treille, je découvre tout un amoncellement de pierres aux formes étranges, de fossiles, un petit reposoir abritant une Vierge faite de calcaires coralliens, portant les empreintes étoilées de polypiers et madrépores fossiles. A côté, une sculpture faite, elle aussi, de ces pierres ouvragées par l’eau, simplement empilées et liées par un léger mortier. Elle représente un homme en marche tenant un chien en laisse. (…) Il y a là des minéraux, (…) des racines aux formes de mandragores, des coquillages, des pierres colorées. Avec certaines, il a construit de petites figurines, dressé des personnages gnomiques ou féeriques, esquissé des scènes rudimentaires, tout un théâtre de bois, de nacre, de coraux, de paysages imaginaires. Le plus curieux, c’est que ce paysan autodidacte n’a rien lu, ne sait rien de précis sur tout ce qu’il possède. Chaque fois que quelqu’un vient, il le questionne, lui demande son avis, l’interroge sur l’origine de tel ou tel objet. Ainsi s’est formé son savoir : en parlant avec des inconnus. »
Je ne sais s’il reste aujourd’hui, trente-six ans plus tard, quelque vestige de ce musée. Avis aux chercheurs, si vous passez par ici, n'hésitez pas à laisser quelque commentaire…
Bibliographie : Jacques Lacarrière, Chemin Faisant, mille kilomètres à pied à travers la France, éd. Payot, 1992 (Edition originale 1977, éd. Arthème Fayard) ; mille mercis à Cosmo Helectra qui m’a rappelé ce passage de Lacarrière et qui me signalait ces jours-ci que je pourrais en reparler ici, dans le prolongement de ma note évoquant le musée d'art naïf de Flayosc. Dont acte.
07/09/2013
Pas envie de rire...
Ph. B.Montpied, Isère, 2013
Z'auriez envie d'aller rigoler "exceptionnellement" avec ces deux-là? Moi, j'ai résisté, et finalement, j'ai préféré aller noyer mon chagrin dans l'alcool. C'est que ces deux faces de looser avaient de quoi plomber le plus tonique d'entre nous.
12:38 Publié dans Inscriptions mémorables ou drôlatiques | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : clowns tristes, affiches provinciales, loosers | Imprimer
06/09/2013
Un souvenir du musée d'art naïf de Flayosc (Var)
Nous sommes quelques-uns (assez peu tout de même il me semble) à recueillir les cartes postales relatives aux arts populaires, surtout relatives aux environnements spontanés. Dans le flot de ce que le hasard me propose, il arrive que certaine image me tire l’œil de façon imprévue.
Musée d'art naïf de Flayosc, le Musée et ses animateurs, photo Paul Teulade, 1973
Ces trois personnes revenues de l'année 1973, il y a exactement quarante années donc, posent avec chacune un tableau d'artiste naïf entre les mains. Ce sont des œuvres intéressantes qui plus est. Je n'en reconnais qu'une, facile à identifier, un Van Der Steen, l'homme qui peignait des chats tout à fait exubérants et colorés. A droite, le tableau avec ses nonnes au bain (semble-t-il) est tout à fait insolite aussi. Et le plus petit n'a pas l'air mal non plus. Je n'ai pas connu ce musée d'art naïf de Flayosc qui ne semble pas avoir duré bien longtemps. Il était probablement abrité dans la demeure blanche que l'on voit à l'arrière-plan de la carte postale, du moins on l'imagine. Du coup, ce musée fait figure de petit musée idéal dans sa vocation de défendre un art naïf non mièvre. Dommage que cela n'ait pas duré...
L'homme aux imposantes côtelettes et bacchantes qui tient le Van Der Steen, je le reconnais. Ce doit être à l'évidence Frédéric Altmann qui animait ce musée à l'époque, et qui se fit connaître par la suite dans le milieu des amateurs d'art brut et d'habitants-paysagistes populaires en publiant le livre La vérité sur l'abbé Fouéré, "l'Ermite de Rothéneuf" aux éditions AM en 1985 à Nice, où il rétablissait que ce dernier ermite n'avait pas représenté une légende de corsaires dans ses rochers sculptés mais toute une tripotée de personnages divers, des types de son pays, des célébrités historiques, des héros de légende, etc. Frédéric Altmann à ces époques se passionnait en effet pour l'art naïf, avec la complicité parallèle d'Anatole Jakovsky, le célèbre critique et collectionneur d'art naïf. Hélas, cette complicité vola en éclats lorsque Jakovsky légua sa collection à la ville de Nice qui lui consacra un musée international sur les hauteurs des collines niçoises. Altmann qui avait rêvé d'en devenir le conservateur en fut pour ses frais et prit en grippe Anatole, ce qui le poussa à écrire son livre sur Fouré qui remettait en cause un certain nombre d'approximations de Jakovsky sur Fouré (publiées dans son livre paru chez Encre en 1979, Les mystérieux rochers de Rothéneuf). Par la suite, cette déception conduisit Altmann vers d'autres rivages intellectuels, puisqu'aux dernières nouvelles il s'est tourné vers l'art contemporain, toujours dans la région niçoise.
Le verso de la carte précise qu'en cette année 1973 le musée présentait une "exposition vente des œuvres de", entre autres, "Doytier (Martine), Ozenda, Bojnev, Van der Steen", etc., pour ne citer que les noms connus de moi. Mais on serait curieux de savoir ce que sont devenues les œuvres des autres créateurs en vente, comme du reste les œuvres qui faisaient partie de la collection permanente du musée. Boris Bojnev, j'en ai parlé à plusieurs reprises, surtout sur papier¹. Depuis l'expo de 1978 à Paris, "Les Singuliers de l'Art", son nom et ses tableaux, qu'il appelait des "auras", tableautins naïfs récupérés en brocante et illuminés par lui avec des matériaux divers placés en encadrement des tableautins, ont circulé plus d'une fois chez les amateurs d'art populaire, naïf ou brut, la galerie Chave notamment à Vence lui ayant consacré plus d'une expo et plus d'un catalogue.
Ce musée d'art naïf de Flayosc édita-t-il beaucoup de catalogues? A part celui-ci sur "le monde étrange de Boris Bojnev" dont je n'ai qu'une pauvre photocopie, je n'en ai jamais vu d'autres... Mais je suis sûr que l'on va venir m'aider à compléter cette information déficiente.
On retrouve dans les trois noms que j'ai relevés au verso de cette carte, "Doytier" également. il s'agit à l'évidence de Martine Doytier. J'ai déjà eu l'occasion de mentionner cette artiste dans une note sur l'expo consacrée au Facteur Cheval au Musée de la Poste en juin 2007. C'était une peintre remarquable apparemment, totalement oubliée, hormis de quelques personnes dans la région niçoise semble-t-il. Elle disparut en 1984, et ce départ trop tôt survenu est sans doute cause de son occultation.
_____
¹ Voir Bruno Montpied "Boris Bojnev. L’Art pour l’Art", Artension n°4, Rouen, juin 1988 (Ce texte voisinait avec un autre, également sur Boris Bojnev, qui était dû à la plume de Régis Gayraud, qui éclairait le parcours russe de Bojnev ; les deux articles constituaient un mini dossier initié par mes soins sur Boris Bojnev, poète à l'origine, qui, retiré en Provence, avait auparavant côtoyé les avant-gardes à Paris, et s'était pris de passion, une fois devenu provençal, pour la peinture naïve qu'il qualifiait d'"archangélique").
10:16 Publié dans Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Art naïf, Environnements populaires spontanés, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : flayosc, musée d'art naïf de flayosc, musées d'art naïf, frédéric altmann, ermite de rothéneuf, abbé fouré, habitants-paysagistes naïfs, van der steen, boris bojnev, martine doytier, ozenda | Imprimer
31/08/2013
Poésie en plein ciel (les épis de faîtage de la Creuse et autres créations populaires de plein vent)
Jusqu'au 22 septembre prochain, continue de se tenir l'exposition "Entre Terre et Ciel, les Epis de Faîtage en Creuse" à La Tuilerie de Pouligny (écomusée), en Limousin.
C'est Mme Andrée Clavaud qui paraît être l'inspiratrice souterraine de ce rassemblement basé sans doute sur sa collection, ses archives photographiques et autres. Elle avait déjà eu l'occasion de présenter une partie de ses collections dans un numéro ancien (le n°8 de juin 2004) du bulletin des Maçons de la Creuse, bulletin qui par ailleurs délivre régulièrement d'autres livraisons qui parlent de la créativité populaire en Creuse et au delà (voir par exemple ma note récente dans son n°15 sur les environnements populaires avant le Facteur Cheval et sur le petit musée de René Montégudet à Lépinas, articles rédigés par mézigue)¹.
Un gendarme perché sur un faîtage
Dans la balade proposée dans cet écomusée (dirigé par Pierre Veysseix), on prendra note entre autres de la reconnaissance affichée par les concepteurs de l'exposition à un potier de Mortroux dont on a gardé le nom, Henri Renty, créateur d'épis de faîtage anthropomorphes aux faciès et aux attitudes humoristiques et naïves. Andrée Clavaud dans son article du Bulletin des Maçons de la Creuse, de son côté, désignait amusée diverses représentations masculines pourvues sans fard de leurs membres virils et plantées au sommet de quelques maisons creusoises (voir ci-contre).
Mais sans focaliser outre mesure sur ces figurations humaines, on peut aussi admirer la poésie de ces épis outrepassant largement leur fonction originelle (ils étaient "placés sur le poinçon du faîte des toitures pour en garantir l'étanchéité", nous susurre un commentaire technique) en montrant par exemple des empilements de fruits, comme dans l'image ci-contre, devenus sculptures ou architectures baroques en plein ciel, incongrues sur le toit des maisons françaises, presque arcimboldesques, ouvrant l'esprit à d'autres perspectives quant au style de décors que l'on peut souhaiter pour son habitat. Ces fabricants d'épis de faîtage étaient des anti-fonctionnalistes avant la lettre.
Edition Lieux Dits
On aura tout intérêt à prolonger la recherche de cette poésie de plein vent en allant compulser l'instructif catalogue, Compagnons Célestes, qui accompagnait une autre exposition plus ancienne, intitulée "Compagnons célestes, épis de faîtage, girouettes, ornements de toiture", organisée à l'écomusée de Rennes du 10 avril 2010 au 3 juillet 2011. Si cet ouvrage est souvent très disert sur les techniques de couverture, et autres installations d'épis de faîtage en zinc, plomb ou terre cuite, dans un langage malgré tout accessible et clair, on découvre cependant au fil de ses pages toutes sortes de surprises. Les pièces photographiées sont essentiellement localisées en Bretagne, certaines provenant de collections publiques comme celle du musée du Vieux Château à Laval qui possède de fort belles girouettes peintes, rarement montrées faute de place (quelques-unes sont visibles dans ce catalogue). Un collectionneur privé, par ailleurs ancien couvreur, Yves Bellenger-Rouault, a aussi accepté de laisser photographier certaines de ses magnifiques trouvailles récupérées avant qu'elles soient jetées aux orties, semble-t-il. Voir par exemple "l'Allégorie de la Justice" en plomb ci-dessous particulièrement étonnante, en provenance d'un château de la région de Vitré:
Ph. Norbert Lambart, Service de l'Inventaire du patrimoine culturel, Région Bretagne
Le catalogue montre beaucoup d'épis de faîtage bien sûr, dont certains tout à fait inattendus (par exemple la Tour Eiffel ci contre installée sur le faîtage d'une maison de Plerguer en Ille-et-Vilaine qui relève presque de la catégorie des décors d'environnements populaires ; photo Norbert Lambart), mais aussi d'autres décors de toiture que l'on connaît infiniment moins (si j'en excepte mon érudit ami Régis Gayraud qui avait attiré mon attention il y a peu sur ce genre de décor extrêmement original), j'ai nommé les lignolets.
Lignolet sur un toit de maison à Le Mendy (hameau des Monts-d'Arrée), voir Glad, "le portail des patrimoines de Bretagne"
Connaissiez-vous les lignolets? Personnellement, je n'en avais jamais entendu parler jusqu'à une date récente. Ce sont de petites découpures faites dans les ardoises au faîte de quelques rares maisons en Bretagne. Cela donne des frises qui doivent être très surprenantes quand on ne s'attend pas à voir à cet endroit des images en silhouettes noires se découpant sur le fond du ciel, à la limite de l'hallucination... Surtout qu'elles sont petites apparemment, et, généralement placées en hauteur, donc peut-être difficiles à détailler précisément. Les sujets ont l'air assez variés, des cortèges d'animaux, des blasons, des cavaliers, des scènes de chasse... Bref, une technique de décor narratif en plein ciel tout à fait originale, et inattendue. N'est-ce pas?
Ci-contre quelques images de lignolets tirées du catalogue "Compagnons célestes"...
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¹ Pour obtenir ces bulletins il faut écrire à: "Les Maçons de la Creuse", 2, Petite Rue du Clocher, 23500, Felletin. Tél 05 55 66 90 81 ou 05 55 66 86 37.
17:27 Publié dans Art populaire insolite, Environnements populaires spontanés, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andrée clavaud, tuilerie de pouligny, épis de faîtage, art populaire insolite, poterie populaire, lignolets, girouettes, musée du vieux château de laval, maçons de la creuse, compagnons célestes, écomusée de rennes, tour eiffel, régis gayraud | Imprimer
27/08/2013
Une découverte stupéfiante de Remy Ricordeau à Taïwan
Je viens de faire une stupéfiante découverte, qui fera efficacement écho au complément que je vous avais adressé et que vous aviez inséré dans votre note du 16 mars 2010 consacrée au peintre taïwanais Hung Tung.
Photo Steve Barringer
Au centre de Taïwan, dans la périphérie de la ville de T. et plus précisément dans un ancien quartier militaire réservé aux soldats qui avaient accompagné Chang Kai Shek lors de sa fuite sur l’île en 1949 (à l’issue de la guerre civile chinoise), on peut voir d’étranges fresques murales pour le moins bariolées représentant dans un joyeux désordre, personnages, animaux et ornements floraux du plus bel effet. Les formes représentées et plus encore les couleurs de cette production baroque font d’abord bien sûr penser à l’œuvre de Hung Tung et comme pour celui-ci, tout au moins en ce qui me concerne, à l’influence de l’art traditionnel aborigène. Pourtant à l’instar de Hung Tung, son créateur n’a aucune origine aborigène. D’autant moins peut être que H. Y-F., ainsi le nommerai-je, est un Chinois originaire du continent, contrairement à Hung Tung qui lui, était natif de l’île.
Ph. SB
Né dans un milieu fort modeste de Koolong, un des quartiers de Hong Kong à la fin des années 20, il se retrouve pris dans la tourmente de la guerre civile enrôlé dans l’armée nationaliste du Kuomingtang. Il échoue donc très jeune à Taïwan où il passera la plus grande partie de sa vie dans divers quartiers militaires réservés. Peut être faut-il préciser que de nombreux quartiers de ce type avaient été construits à la hâte pour héberger dès 45 (année de la restitution de Taïwan à la Chine) les nombreux soldats de l’armée nationaliste. Avec le temps la plupart de ces quartiers ont été détruits et ses résidents relogés. Seuls quelques-uns subsistent, dont celui de T. dans lequel réside H. Y-F.
A la fin de la première décade du siècle, ayant dépassé allègrement ses 80 ans, pour remédier à la grisaille de son environnement autant que pour passer le temps, celui-ci se mit à décorer l’extérieur de sa maison de quelques fresques représentant des personnages de la télévision (acteurs ou présentateurs), des animaux ou des végétaux stylisés. Il se mit également à agrémenter ses dessins de sentences naïves exaltant la paix, le bonheur et le remerciement aux dieux (il semble qu’il soit autant bouddhiste que taoïste, comme la plupart des Taïwanais). Encouragé par ses voisins, ceux-ci l’invitèrent à poursuivre sa création sur les murs de leurs propres maisons pour donner une cohérence à l’ensemble. Il se mit alors à peindre également le sol comme pour occuper totalement l’espace.
Ph SB
La cité était condamnée à la destruction prochaine lorsque des jeunes étudiants de l’université voisine découvrirent ce décor surprenant. L’information circulant et la superstition chinoise faisant le reste, le quartier devint rapidement une destination de prédilection, entre autres pour les jeunes mariés et autres aspirants au bonheur. Une pétition fut lancée pour sauver le lieu des appétits des promoteurs qui semble avoir été entendue puisque le maire de la ville s’est engagé à en assurer la préservation¹. Selon mes informations, à ce jour H. Y-F serait toujours vivant et, encouragé par son succès, continuerait son œuvre. Il semble qu’il se soit également mis à peindre des tableaux. Pourtant cette reconnaissance ne lui a pas apporté la fortune : à côté de sa boîte aux lettres il a pris soin d’installer une tirelire pour solliciter les dons afin de pouvoir continuer à s’acheter la peinture nécessaire.
Ph. Todd Alperovitz
Taïwan et plus généralement l’Asie sont encore en grande partie terra incognita pour ce qui concerne l’art brut. Je suis persuadé que tout reste encore à découvrir. Inutile de dire que suite à cette découverte, je compte bien m’y rendre prochainement...
Remy Ricordeau
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¹ Selon des informations datant de 2010.
00:05 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire contemporain, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : environnements spontanés taïwanais, habitants-paysagistes taïwanais, art brut taïwanais, taïwan et art populaire, art des aborigènes de taïwan, muralisme brut | Imprimer
22/08/2013
Art brut inconnu ou dessin automatique: qui était Philippe Bat?
C'est Alain Dettinger, l'excellent galeriste de la Place Gailleton de la Presqu'Île à Lyon qui m'a mis sous les yeux le dessin minutieux suivant:
Philippe Bat, dessin sans titre, 1976, coll. privée, Paris
Signé "Philippe Bat" et daté du "23-3-76", ce dessin porte une autre inscription au verso de son cadre: "CH Le Vinatier. Exposition du 16-5-76, 95, bd Pinel, Lyon". Avec le cadre, l'ensemble mesure 36,5 x 30 cm. Le dessin seul, 22,5 x 17 cm.
Apparemment, ce dessin fut donc exposé, et vendu puisqu'il s'est retrouvé récemment sur une brocante. Philippe Bat, est-ce que cela dirait quelque chose à un de mes lecteurs? A moi, et à Alain Dettinger, cela ne dit rien. Il semblerait seulement que des productions de pensionnaires du Centre Hospitalier du Vinatier soient rares dans ces années-là. Ce qui est plutôt curieux, quand on sait que les œuvres d'aliénés ont été souvent conservées soit dans les archives des hôpitaux dans les dossiers médicaux, soit dans les collections de psychiatres divers. Le Centre d'Etude de l'Expression à l'Hôpital Saint-Anne à Paris conserve ainsi une riche collection de productions d'art plastique venues d'un peu partout dans le monde suite à la grande exposition de 1950 dans cet hôpital sur ce qu'on appelait alors "l'art psychopathologique".
Ce dessin est très finement exécuté, aux limites de la visibilité par endroits, avec beaucoup de soin et de sensibilité. Je ne sais rien du pigment utilisé, peut-être de l'encre de couleur. Il me semble que sa composition s'est réalisée de façon automatique, au hasard, en fonction des impulsions de la main et des orientations évolutives du cerveau. On peut y deviner comme une tête de profil, la partie circulaire en haut, tracée telle une ébauche de tourbillon, figurant peut-être un œil, la partie un peu étranglée du bas ressemblant à un cou. C'est comme un nez en trompette qui s'esquisse à droite, avec de fines lèvres esquissées juste en dessous. De même, il semble que l'on puisse deviner à gauche une oreille. Mais si l'on peut imaginer que l'on voit là une tête de profil, on peut aussi noter à quel point elle paraît se dégager d'une valse de points, de stries et de hachures apparentant la composition à une sorte d'efflorescence végétale ou arboricole.
A regretter que ce Philippe Bat ne nous ait pas laissé d'autres témoignages de cette inspiration hautement raffinée. Définitivement?
07:00 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : galerie dettinger-mayer, alain dettinger, philippe bat, dessin automatique, art psychopathologique, art des fous | Imprimer
19/08/2013
Elixirs et poudres de perlimpinpin bizarroïdes...
En cheminant buissonnièrement à travers le maquis d'internet, je suis tombé sur ces fioles alignées sur le rayon d'un quelconque musée de l'apothicairerie à Beaune (Côte-d'Or).
Ne dirait-on pas que quelque sorcier secret s'est blotti au fond d'une boutique d'apothicaire du temps jadis pour continuer d'y pratiquer clandestinement ses tours de passe-passe et autres confections de mixtures magiques? J'aime particulièrement "l'élixir de propriété", réalisé sans nul doute à partir d'un quelconque domaine, princier ou bourgeois n'importe, qui, après avoir été méthodiquement éradiqué de son propriétaire, a été non moins systématiquement pilé, et réduit en poudre aux fins de rendre tout SDF qui passe capable par magie de se trouver un toit salvateur...
15/08/2013
Les contes de tradition orale et les environnements (1)
Ce matin, j'ai envie d'entamer une petite série de références à la thématique contes et environnements spontanés. Comme ça, pour voir s'il y a beaucoup d'occurrences, et parce qu'aussi, étant récemment passé en Alsace, j'ai retrouvé un site qui possède plusieurs pièces en rapport avec le thème. Ce sera aussi l'occasion de mettre en évidence les passerelles qui peuvent exister entre culture populaire traditionnelle et environnements spontanés, art populaire contemporain.
"La Clairière des Contes", Yalta, Crimée (Ukraine), cartes postales coll. Bruno Montpied
Pour débuter, pour cette note, je vais revenir passablement en arrière, à l'époque de ma défunte revuette La Chambre Rouge. En particulier au dernier numéro (un double, le n°4/5, 1985). Régis Gayraud m'avait ramené d'URSS (c'était encore l'URSS à ce moment-là si je ne me trompe) un carnet de cartes postales, souvenirs de "la Clairière des Contes" à Yalta en Crimée. Ce carnet contenait dix cartes en couleurs, et dans la Chambre Rouge je décidai d'en reproduire une en noir et blanc, de plus en photocopie (en chapeau du sommaire de mon numéro).
C'es cette carte que j'avais reproduite en noir et blanc dans La Chambre Rouge ; deux personnages aux trognes burlesques devisant gaiement
La couverture du carnet de cartes postales ; les nains sur la photo paraissent vraiment trop démarqués de Walt Disney, comme s'il n'était plus possible après ce dernier d'imaginer les petits hommes qui portent secours à Blanche-Neige autrement... Du moins en Ukraine, c'était ainsi dans les années 80 de l'autre siècle...
Ces trois petits cochons, adaptés à la sauce russe, avec balalaïka et petit accordéon, eux aussi paraissent un peu trop Disneyisés...
Je ne crois pas avoir reçu d'explication à l'époque sur les légendes attachées aux sculptures que montraient ces cartes (apparemment si on regarde sur internet la "Clairière" existe toujours). Ce petit parc était apparemment organisé comme une base de loisirs à thème (si l'on se réfère à la vue des chalets ci-dessus, environnés d'un impressionnant cirque de montagnes). Etait-ce une collection de sculptures populaires? P't-être ben que oui, p't-être ben que non (en fait un peu des deux, mon général). Les styles de ces pièces paraissant variés, on pouvait inférer qu'ils n'étaient pas de la même main. Certaines statues, plus fantastiques que les autres, jouent avec les formes naturelles des bois choisis pour camper les sujets en rapport avec des contes. d'autres sont nettement plus réalistes, flirtant avec le kitsch.
Qui est ce personnage coulant des joues...?
Peut-être avons-nous affaire ici aux "musiciens de la ville de Brême"? (Eh bien, non! Voir le commentaire de Régis Gayraud au pied de cette note, il s'agit du conte "Quartette")
En farfouillant sur internet, on ne trouve pas grand-chose en français. A peine nous indique-t-on sur le site d'une agence de voyages ukrainienne, dans une notice rédigée dans un français approximatif, que ce fut un certain Pavel Pavlovitch Bezroukov qui initia ce site, ayant été rejoint ensuite par d'autres artistes (ce que j'avais subodoré). Régis Gayraud, appelé à la rescousse, m'a appris finalement qu'existait en russe un site web entièrement consacré à ce Musée de la Clairière des Contes. On y apprend - je crois Régis sur parole ici - que le nommé Bezroukov était un garde forestier fondu de contes de fée, si, si, et qu'il n'était pas un sculpteur professionnel (je parierais qu'il est l'auteur des personnages imaginés dans des formes de bois tourmentées)... Il avait bien fait appel à d'autres artistes. Les matériaux employés pour les sculptures évoluèrent au fil du temps, il n'y eut pas que du bois, mais aussi de la pierre, du verre, des matériaux recyclés, du plastique... A parcourir un peu au hasard ce site, on s'aperçoit que la Clairière a bien évolué, organisée différemment, que les Trois Petits Cochons ont été repeints et que le nombre, ainsi que le style des sculptures ont considérablement changé...
Personnages du Magicien d'Oz, sculptures contemporaines de la Clairière des Contes
Ce qui m'intéresse par ailleurs dans la thématique de ce parc, c'est le rapprochement que l'on pourrait faire avec d'autres pratiques, en l'occurrence celles de certains conteurs indiens, qui leur servent à narrer les récits traditionnels de leur pays, le Bengale occidental, lorsqu'ils dévident simultanément des rouleaux (appelés "patua") supportant des images elles-mêmes narratives, illustrant le conte raconté ou chanté. On peut en voir à Paris dans les collections du Musée du Quai Branly (qui ressemble à une contrepéterie). Ce genre de racontée existe encore aujourd'hui (on peut en profiter pour signaler la belle édition réalisée en 2009 par les éditions Rackham qui ont édité sous forme de dépliant magnifiquement illustré (voir ci-contre), un patua intitulé Tsunami, d'après une chanson de Moyna et Joydeb Chitrakar composée au moment de la catastrophe survenue dans le Golfe du Bengale en 2004 ; d'après l'éditeur, il est précisé que ce livre conçu, sérigraphié et relié à la main par l'atelier des éditions Tarai à Chennai en Inde, serait le "premier rouleau patua édité sous forme de livre").
On imagine facilement des criées aux contes organisées dans cette Clairière des Contes, les conteurs se déplaçant de saynète sculptée en saynète sculptée en fonction du conte à dire, chaque saynète jouant alors un rôle identique à celui tenu par les patuas dans les contes du Bengale.
(Suite à cette note, Henk Van Hes, sur son blog Outsider Environments Europe, rédigé en anglais, intéressé par Bezroukov, est allé quérir d'autres informations, voir ce lien)
04:49 Publié dans Art naïf, Art populaire contemporain, Environnements populaires spontanés, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés, Le conte en rapport avec d'autres expressions, Littérature jeunesse, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : clairière des contes de yalta, régis gayraud, la chambre rouge, contes de tradition orale, contes et environnements spontanés, trois petits cochons, baba yaga, comptines, rouleaux patua, éditions rackham, magicien d'oz | Imprimer
11/08/2013
Pierre Martelanche, une découverte émouvante dans la région de Roanne
En parcourant récemment le site web de la Collection de l'Art Brut de Lausanne, quelle n'a pas été ma surprise de tomber sur l'entrefilet publié dans leur rubrique 'Recherche sur l'art brut" qui évoquait un site inconnu, un petit musée créé à St-Romain-La-Motte au nord-ouest de Roanne, entre 1900 et 1920 par un certain Pierre Martelanche, vigneron de son état, ayant vécu entre 1849 et 1923.
Dans une cabane de vigne en pierre (ou torchis?), pendant des décennies, ses descendants ont conservé les statuettes en argile qu'il y avait organisées dans un but d'édification humaniste, féministe et pacifiste, désirant propager l'idée d'une éducation pour tous dont lui-même n'avait pu bénéficier. Son but était peut-être humaniste, mais le terme peut paraître un peu pâle car il semble que Martelanche allait aussi vers une critique sociale plutôt radicale, comme le montre l'illustration ci-dessous (empruntée comme les autres dans cette note aux brochures numérisées qu'ont mises en ligne sur internet l'Association des amis du Petit Musée de Pierre Martelanche ainsi que Jean-Yves Loude auteur d'un livre sur ses voyages avec des ânes dans la région roannaise, ouvrage où il relate sa découverte du petit musée ; à signaler que le premier lien ci-dessus ("brochures") mène à un fichier où l'on propose de soutenir l'Association citée).
Pierre Martelanche, Bas-relief montrant l'exploitation du travailleur courbé sous les représentants de l'Eglise et du patronat qui lui assènent leurs principes et leur raison d'être sous la forme de petits panonceaux couverts d'inscriptions (l'Eglise: "Je te berce"...)
C'est un vrai miracle que les sculptures en argile ne se soient pas détériorées au fil des années, malgré le vandalisme enfantin, l'invasion végétale, ou les écarts de température. Si l'écrivain-voyageur Jean-Yves Loude, en résidence dans la région, fut le premier à révéler le lieu et l'oeuvre, divers autres intervenants, ainsi qu'une association des Amis du Petit Musée de Pierre Martelanche, cherchent dès à présent à trouver les moyens de préserver ces petits chefs-d'œuvre de poésie populaire dans l'optique de les présenter au public. On parle déjà (voir la vidéo mise en ligne sur Daily Motion ci-dessous) de réaliser une cabane refaite à l'identique où l'on réinsérerait les statues de Martelanche en respectant son organisation initiale...
Martelanche redécouvert à St Romain la Motte par avp_diffusion ; vidéo provenant de la chaîne de télé RW TV
A moins qu'inspirés par les conseils de "l'expert international" Laurent Danchin, qu'on a automatiquement contacté (de même, on apprend que le cinéaste Philippe Lespinasse travaille déjà sur un film sur Martelanche), on décide sur place de transférer les statuettes dans un autre lieu, au sein du village entre école communale et foyer de retraités dans le but de faire servir le futur musée Martelanche à des visées sociales... Certes, on sait que des musées consacrés à un seul autodidacte, s'ils ne gardent que cette seule finalité, faire découvrir la vie et l'œuvre de l'autodidacte en question, finissent par péricliter à la longue. Mais la visée sociale très à la mode aujourd'hui, débouche aussi parfois, par la sollicitation de publics pas forcément très concernés, sur des résultats bénins voire médiocres, contrastant avec la présentation des oeuvres de grands autodidactes d'autrefois qui sont elles d'une toute autre qualité (comme c'est le cas ici avec les pièces naïves en argile de Pierre Martelanche). Ces visées sociales peuvent alors se révéler contre-productrices. Méfions-nous donc des "expertises".
Détail d'une saynète montrant des femmes en train de fondre des canons
Pourquoi ne pas songer plutôt à associer les sculptures de Martelanche à d'autres œuvres du même type que l'on rassemblera petit à petit dans la même région? En demandant des legs ou des dépôts aux collectionneurs encore inconnus de la région, ou à des créateurs populaires contemporains. Je pense par exemple à ce collectionneur qui conserve non loin, à Toulon-sur-Allier, des dessins formidables d'un autre autodidacte visionnaire, appelé Alphonse Courson, qui était un ancien soldat. Un peu plus loin, dans les Monts du Lyonnais, existait également un sabotier sculpteur naïf, Jean Molette (j'ai parlé de lui dans le récent n°15 du Bulletin des Maçons de la Creuse). Comme le note la brochure de l'Association, non loin également, à Civrieux-d'Azergues, se trouve le Jardin de Nous deux de Charles Billy (à qui j'ai consacré un chapitre entier dans mon Eloge des Jardins anarchiques, version remaniée d'un ancien article paru dans Raw Vision au début des années 90). Récemment, au sud de Roanne, Montbrison a également monté une exposition d'art brut. Cette vallée de la Loire paraît recéler beaucoup d'occurrences où il est question d'art brut ou d'art naïf de qualité. L'idée de monter un musée ou un foyer d'activités centré sur la créativité populaire d'autrefois et d'aujourd'hui aurait donc du sens et ne serait pas de l'ordre utopique. La proximité de la région Auvergne, qui jouxte cette région relevant de Rhône-Alpes, est à considérer également.
00:05 Publié dans Art Brut, Art naïf, Art populaire insolite, Environnements populaires spontanés, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : pierre martelanche, art populaire insolite, petit musée d'autodidacte, association des amis du petit musée de pierre martelanche, jean-yves loude, environnements visionnaires, st-romain-la-motte, alphons ecourson, exploitation des travailleurs, jean molette, charles billy, collection de l'art brut | Imprimer
07/08/2013
Postérité des environnements (8): Marcel Dhièvre hier et aujourd'hui, un petit vent de vitrification
Je suis enfin passé à Saint-Dizier, hélas en coup de vent, luttant de vitesse contre le soleil qui se couchait menaçant ainsi de me priver de ses lumières (grâces soient rendues au conducteur, Régis Gayraud, qui, en dépit des limitations de vitesse qui donnent désormais à tous les conducteurs des allures de sénateurs cacochymes, a réussi à arriver in extremis devant la fameuse maison peinte et mosaïquée du naïf Marcel Dhièvre, intitulée "Au Petit Paris").
Je fis des photos à toute berzingue, gêné qui plus est par les voitures garées devant (la mairie ne pourrait pas promulguer un arrêté interdisant les quelques places de parking devant la maison, on le ferait bien pour d'autres monuments, non?). Ce qui eut pour résultat de m'empêcher de faire une photo bien en face de la devanture de cette ancienne boutique de confection reconvertie si j'ai bien compris en petit musée Marcel Dhièvre (quoique rien ne le signale sur la façade). La façade sur mon cliché apparaît de ce fait de biais. Cela ne m'empêche pas de vous la soumettre, avec le besoin de la mettre en parallèle avec l'ancienne photo, de 1977, que Jacques Verroust avait faite très peu de temps avant la disparition du créateur. Cette photo-là peut donc servir d'étalon parfait à l'aune duquel on établira des comparaisons avec la façade restaurée d'aujourd'hui. Je rappelle que la restauration est désormais achevée, du moins en ce qui concerne les murs extérieurs. Elle est due à M. Renaud Dubrigny, employé municipal ayant travaillé sous les supervisions des deux architectes, l'un des Bâtiments de France pour la Haute-Marne (département où se trouve St-Dizier) et l'autre étant architecte de la ville. Ce restaurateur a repris l'ensemble de l'oeuvre de Dhièvre, murs extérieurs et intérieurs de son ancienne maison, ainsi que certaines peintures et sculptures détachées qui sont actuellement conservées au musée municipal de St-Dizier (ville qui aura à n'en pas douter fait tout ce qui était en son pouvoir pour conserver en son sein ce patrimoine populaire, ce dont on ne saurait trop la louer).
"Au Petit Paris", photo Jacques Verroust dans Les Inspirés du Bord des routes, 1977
"Au Petit Paris", après restauration de 2011, ph. Bruno Montpied, 2013
On pourrait s'amuser à jouer au jeu des "sept erreurs" si prisé des enfants. Il semble cependant à première vue que ce soit surtout sur la question des couleurs que mon attention en premier lieu se portera. Il paraît évident que le jaune moutarde choisi par le restaurateur est assez différent du jaune qui paraissait plutôt orangé chez Dhièvre. D'autres différences dans le traitement des couleurs sont à noter en comparant les deux images, les médaillons au ras de la chaussée ne sont pas traités de la même manière par exemple. Un des trois oiseaux sculptés sur un faux arbre à l'angle de la maison (idée géniale de Marcel Dhièvre que cet envol permanent d'oiseaux à l'angle de ses fenêtres) est peint en bleu alors que chez Verroust tous trois étaient blancs. Le bleu choisi par le restaurateur apparaît aussi plus soutenu. Et plus généralement la façade actuelle paraît plus claire, plus aérée que dans la photo de Verroust où elle apparaît plus fourmillante, plus "mosaïquée" du coup aussi.
Sur ces photos, on ne voit pas la seconde façade qui s'enfonce dans la "voyotte" (ruelle de St-Dizier) à droite. Cette dernière aujourd'hui apparaît très brillante (les flash des appareils photo s'y reflètent d'ailleurs, ce que je ne suis pas sûr qu'ils auraient fait du temps de Dhièvre).
Ici l'on voit le deuxième mur peint et sculpté en relief avec des brillances satinées dues selon moi à la restauration, ph BM, 2013
Le flash se reflète sur l'étendue brillante des jolies fresques de Marcel Dhièvre, ph BM, 2013
On dira, je sais... "Que voulez-vous? C'était ça ou rien..." Oui? Est-on bien sûr qu'il n'y a pas d'autre alternative? Surtout quand on sait que les municipalités devant rendre des comptes de l'emploi de leurs deniers auprès des contribuables et des électeurs sont conduites à rendre durables les restaurations qu'elles engagent. Rendre durable une réalisation qui fut conçue de façon précaire et éphémère (c'est là une différence avec les oeuvres d'art monumentales des artistes professionnels)... Comment voulez-vous qu'on ne risque pas en conséquence de tomber dans un zeste de vitrification muséifiante...?
Bon. Ceci dit, moi qui n'avais jamais pu voir la maison du temps de Dhièvre, je reste cependant heureux d'avoir pu voir quelque chose qui me la rappelle, quelque chose qui de plus a été très honnêtement étiquetée, il faut le souligner, "restaurée" (avec les noms de ceux qui ont aidé à sauvegarder l'ensemble) et non pas présentée comme le monument original.
14:49 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marcel dhièvre, au petit paris, environnements spontanés, habitants-paysagistes, renaud dubrigny, saint-dizier, restauration de monuments, jacques verroust, inspirés des bords de routes | Imprimer
03/08/2013
Création Franche n°38
Juste avant le mois de juillet et le départ sur les routes des plus chanceux est paru le dernier numéro de la revue Création Franche émanant du musée du même nom.
Création Franche n°38, juin 2013
Au sommaire, on retrouvera un nouvel article de mézigue, consacré à un site d'art brut en plein air très peu décrit et présenté. Je crois bien avoir ici publié le premier texte à son sujet. Mon article s'intitule "Un carnaval permanent dans l'Aubrac, les "épouvantails" de Denise et Pierre-Maurice". J'étais allé le visiter, après avoir été alerté à son sujet par une page du catalogue du Musée des Amoureux d'Angélique à Le Carla-Bayle et la recommandation également de François Sarhan.
Dense et Pierre-Maurice, la colline aux mannequins dans l'Aubrac, 2012, ph. Bruno Montpied
Denise et Pierre-Maurice, dont je ne donne pas les patronymes puisqu'il m'a semblé qu'une certaine discrétion était demandée par les auteurs (mais tant d'autres ne se donneront pas ce mal, soyez-en assurés), Denise et Pierre-Maurice sont des habitants ruraux des contreforts de l'Aubrac. Denise a pris plaisir, à la suite de la confection d'épouvantails destinés classiquement à faire fuir les rapaces qui s'attaquaient à leur volaille, à les faire se multiplier hors de cette fonction, peut-être pour épouvanter d'autres types de prédateurs...
Cela leur fait en tout cas de la compagnie, et constitue un panorama à coup sûr insolite sur la colline où elle les installe l'été, bien nippés et assez ressemblants à une armée de morts-vivants chorégraphiés figés. De quoi sont-ils les emblêmes ou les symboles? Des esprits anciens de la nature? Des aïeux passés comme nous passerons à notre tour? Du dérisoire statut d'êtres provisoirement installés sur cette Terre? Un peu de tout ça certainement...
Denise et Pierre-Maurice, mannequins ayant l'air de dire "nous ne sommes que de passage"..., 2012, ph.BM
Denise les aime propres, ses mannequins (ce sont davantage désormais des mannequins que des épouvantails) ; dès qu'ils s'abîment, elle les détruit par le feu, redonnant vie par la même occasion à la tradition des feux de la Saint-Jean ou de la mort du roi Carnaval que l'on brûlait je crois après Carême. Les vêtements, les nippes dont ils sont affublés, c'est sa partie à elle, Pierre-Maurice son mari se spécialisant plutôt dans la taille des masques en bois qu'elle peint ensuite de façon assez sauvage, souvent dans les mêmes couleurs, rouge, blanc et noir, les mêmes teintes qu'elle applique ausi à certains petits sujets en bois et matériaux recyclés qu'il lui arrive de céder moyennant quelque don en échange. Un tronc est aussi placé bien en vue pour ceux qui s'aventurent à prendre des photos. On ne vient pas pour prendre seulement...
Masques taillés par Pierre-Maurice et peints par Denise, 2012, ph.BM
Denise et Pierre-Maurice ont aussi des espaces de stockage qu'ils ont organisés en salles d'expositions particulièrement populeuses, dans un ancien garage et une ancienne étable ; ces ruraux développent ainsi des pratiques créatrices qui tout en s'inspirant de pratiques anciennes traditionnelles (les épouvantails) les subvertissent savamment, allant jusqu'à reconvertir tous les anciens espaces à leur disposition, remettant en cause leur fonction (la colline, l'étable, le garage, la nature)...
Au même sommaire de ce numéro 38 de Création Franche, on trouvera des articles de Jean-Louis Cerisier (première participation, ce me semble) sur Jacques Trovic, de Paul Duchein sur Fernand Michel, de Denis Lavaud sur Mr.Imagination, d'Anic Zanzi qui réussit l'exploit de publier dans Création Franche le même texte sur Yves-Jules Fleuri, quoiqu'illustré différemment, que celui qu'elle vient d'insérer dans le dernier fascicule de la Collection de l'Art Brut (n°24), etc... Pour plus de détails, on se reportera au site web du Musée de la Création Franche auprès duquel on trouvera les moyens de se procurer le numéro (également en vente en ce moment à la librairie de la Halle Saint-Pierre à Paris).
04:04 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire contemporain, Art singulier, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : denise et pierre-maurice, musée des amoureux d'angélique, association gepetto, environnements spontanés, art singulier, revue création franche, épouvantails, carnaval, jean-louis cerisier, jacques trovic | Imprimer
30/07/2013
Tête bêche, 29 janvier 1982...
Bruno Montpied, collage sans titre du 29.1.82 ; cette petite carte, environ 8x6cm, a cette particularité de pouvoir être regardée dans les deux sens ; j'ai réitéré rarement ce genre de permutation ; sur un des deux sens (ci-dessous) on croit voir une sorte de sorcière...
00:58 Publié dans Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : collages, bruno montpied, sorcière, gif, image à double sens | Imprimer
27/07/2013
Noms prédestinants, ça continue
Pour commencer, voici une lettre intéressante de notre honorable correspondante Isabelle Molitor:
"Cher Sciapode,
C'était le cas cet automne avec la tuerie de Chevaline (dans les Alpes). Partout on lisait : "La Tuerie de Chevaline". C'était l'expression consacrée. Et personne n'a jamais osé parler de boucherie, alors que, bien sûr, chacun y pensait.
+
A priori, cette boucherie Breyton n'a rien à voir avec l'aptonymie... Mais si on y regarde de plus près, que voit-on?...
... Un chevalier amateur de viande de cheval! Quelle décadence dans la chevalerie moderne... Ph. Bruno Montpied, 2011
+
Dépêche AFP du samedi 2 oct 2010, dans le cadre d’une affaire de harcèlement par internet d’un étudiant homosexuel qui aboutit au suicide de ce dernier, ce témoignage d’un voisin au nom insolite étant donné le contexte (le hasard ne s’encombre pas avec la morale):
« Ce qui s'est passé est impardonnable. Chacun a droit à ce que sa vie privée soit respectée", estimait un étudiant de deuxième année, Luke Fess ».
+
Régis Gayraud m'a également signalé en avril 2010 : « Jean Le Bitoux, fondateur du journal homo Gai-Pied, qui est mort récemment… »
+
Hervé Brulé, à la direction Eau et Biodiversité du ministère de l’Ecologie, s’occupe de la question des restrictions d’eau… (Yahoo info, août 2010). L’eau, ça compte, quand on s’appelle Brulé (même sans accent circonflexe sur le u).
+
Le footballeur Sydney Govou, de l’équipe de Lyon, avait à un moment un avocat nommé Thierry Braillard… (avr. 10)
+
Philippe Lalane de son côté me transmet un bouquet d'aptonymes qu'il a relevés récemment, mais il me les transmet seulement oralement ce qui fait que j'ai pas forcément l'orthographe exacte des cas suivants: Mme Blé, gestionnaire de collège dans l'Eure ; Benjamin Millepied, chorégraphe (là, on peut se demander s'il ne s'agit pas d'un pseudonyme fabriqué de toutes pièces en rapport avec la discipline de cet artiste) ; M. Mangenote, accordeur de pianos...
+
Et pour finir deux images...
Ph. Jean-Pierre Willems (j'en profite pour le remercier hautement de m'avoir transmis cette très belle plaque)
Ph. Darnish (Rouillé est une entreprise de carrosserie et de transports par poids lourds), 2013
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23/07/2013
Une exposition fort intéressante à Mauriac cet été: "Pierrot Cassan aurait 100 ans"...
Ne vous y trompez pas, il ne s'agit nullement d'une expo "d'artistes" comme le dit l'affiche de l'expo, des "artistes" cantaliens qui seraient issus du terroir (on pourrait l'inférer à voir cette image d'homme au béret en filigrane, en réalité un portrait de Pierrot Cassan), avec des expressions traditionnelles propres à l'art folklorique ; non, il s'agit plutôt d'une sélection – autour de la figure centrale de ce créateur autodidacte génial qu'était Pierrot Cassan, dont les peintures satiriques et truculentes ont été heureusement conservées par la commune – de quelques figures moins connues de la création populaire autodidacte régionale, se situant toutes aux limites de l'art modeste et de l'art brut
Pierrot Cassan, Pour l'amour d'une poule combat de coq à Mauriac ("Assassin...", "Porc...", "Mon chéri..."), peinture sur carton, expo centenaire de Pierrot Cassan au musée de Mauriac, ph. Ghislaine Staelens
Pierrot Cassan, Vive les rois et vive les reines (galette des rois), dimanche le 8 janvier 1978, expo du musée de Mauriac en 2013, ph. GS
P. Cassan, Notre ami Paulin avec son ACCORDEON et ses grelots aux pieds au Café Martin en 1927..., expo du musée de Mauriac 2013, ph. GS
Vue de l'accrochage des œuvres de Pierrot Cassan au musée de Mauriac, photo GS
Girouette d'Antoine Rouchés, coll Emmanuel Boussuge, exposée au musée de Mauriac, 2013 (derrière on devine des dessins de René Delrieu), ph. GS
François Aubert, un de ses animaux en ciment (un chien?) transporté hors de son lieu d'origine, expo Musée de Mauriac 2013, ph GS
La maison et les sculptures de François Aubert à Antignac, leur lieu d'origine, avant qu'elle soit vendue et les statues dispersées, ph. Bruno Montpied, 2003
François Aubert, une sculpture sur bois peu connue de lui qui prouve que le monsieur ne se débrouillait pas mal avec une gouge, expo musée de Mauriac 2013, ph. GS
François Aubert, Shadok et gibi, excentricité de l'expression... expo musée de Mauriac 2013, ph GS
René Delrieu, silhouettes découpées et peintes sur métal, et dessin représentant une "bourrée auvergnate", coll. Musée du Veinazés, expo du musée de Mauriac, 2013, ph. GS ; toujours la fête, grand thème d'inspiration pour René Delrieu
Ginette Aubert (rien à voir avec le François du même nom), La recherche de la source de vie... bla-bla... Ph GS
15200 MAURIAC
00:20 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Art populaire insolite, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : pierrot cassan, antoine rouchés, girouettes, jean delprat, rené delrieu, musée du veinazés, sylvain et ghislaine staelens, emmanuel boussuge, musée de mauriac, laurence bodin, recoins, françois aubert | Imprimer
20/07/2013
Régis Gayraud, ce poète inconnu
Voici un poème qui mérite d'être porté à votre attention, avec en prime à la fin, une lecture par son auteur (mais j'espère que vous parviendrez à l'entendre correctement, car il me semble que la qualité sonore est moyenne):
Les sinuosités des lacets de ses bottes
Me font signe de les suivre
Dans l’arsenal de stupidités sensuelles
Où j’aspire à une place d’essayeur.
Je sue ma semence d’assoiffé
Au son des sirènes,
J’expulse mille pulsions de supplices,
Je délaie la laideur des plaids
Dans des chambres d’hôtels où les gerflex flapis
Exigent leur offrande de javel.
Chaque matin face au miroir
Je décolle du bord de mes yeux
Les plumes poisseuses de l’ange de la mort
Qui s’est cogné la nuit aux murs de ma chambre.
Chacun sa coquille
Son bloc de glace son ruisseau de lave.
Et sous le crépitement de l’eau
Qui invite le feu
Dans leurs grandes noces aux habits de vapeur
Nul ne perçoit rien de nos balbutiements.
Régis Gayraud
20-29 juin 2011
04:02 Publié dans Poèmes choisis du sciapode | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : poèmes choisis du sciapode, régis gayraud, sinuosités, lacets, stupidités sensuelles, gerflex, supplices, balbutiements, poésie contemporaine | Imprimer
17/07/2013
Une lettre de Paul Duchein à la ministre de la Culture Aurélie Filipetti sur l'occultation des ATP
A Madame Aurélie Filipetti,
Ministre de la Culture et de la Communication
3, rue de Valois, 75033 Paris
Montauban, le 7/7/2013
Madame La Ministre,
Vous m'avez fait le grand honneur de m'accorder le titre d'officier dans l'ordre des Arts et Lettres ; cette décoration m'a été remise par Monsieur Henri Michel Comet, Préfet de la région Midi-Pyrénées. Je vous remercie infiniment pour cette haute distinction.
Depuis près de cinquante ans l'association dont je suis président présente au musée Ingres un exposition au cours de laquelle je m'efforce de faire cohabiter, souvent, des créations contemporaines avec des oeuvres d'Art Premier ou d'Art Populaire tout cela à titre bénévole.
J'ai d'ailleurs écrit un ouvrage La France des Arts Populaires paru aux éditions Privat et préfacé par Pierre Bonte.
Il se trouve que j'ai été assez proche des principaux acteurs qui ont conçu le musée des Arts et Traditions Populaires qui resta ouvert au public (notamment aux jeunes) jusqu'à sa fermeture il y a quelques années sous le prétexte qu'il serait transféré au MUCEM de Marseille ; or il n'en est rien.
Nous sommes nombreux à nous poser la question de savoir ce qu'il est advenu de ces collections. Or il est difficilement acceptable, dans un temps où nous devons plus que jamais retrouver nos racines pour resserrer le lien social, que ce musée soit rayé de la liste des établissements publics français.
N'attendons pas que d'autres (avec des arrière-pensées populistes) viennent nous donner des leçons pour nous apprendre à savoir d'où nous venons.
Nous sommes nombreux à déplorer cette fermeture, certains petits musées privés tentent, avec très peu de moyens, de faire revivre ces objets porteurs de poésie, quelquefois de mystère, mais derniers témoins d'un mode de vie qui a totalement changé.
Vous voudrez bien excuser cette démarche, mais je vous sais attentive aux choses simples qui ont un sens et qui témoignent de notre passé.
Sans doute le qualificatif de "populaire" associé aux objets les dévalorise aux yeux d'une partie du public qui les méconnaît. Cependant au cours de conférences avec projections, j'ai été ravi de constater que les spectateurs étaient enthousiasmés par la qualité des pièces présentées. A côté des objets utilitaires, des créateurs anonymes nous ont laissé des œuvres surprenantes et dignes d'admiration par le pouvoir créatif et imaginatif qui les anime.
Cet objet incroyable de 67,5 x 54 cm, probablement créé à la fin du XIXe siècle, décrit par Philippe Audouin dans L'Archibras n°1 en 1967, a été republié dans le livre La France des arts Populaires de Paul Duchein ; ne pourrait-il s'agir d'une œuvre créée en milieu psychiatrique? En tout cas, c'est une pièce d'une incontestable originalité, en tous points égale en qualité au "Nouveau monde" de Francesco Toris, cette magnifique sculpture d'assemblage en os, montrée récemment à la Halle Saint-Pierre dans le cadre de l'exposition "Banditi dell'Arte"
D'ailleurs je prépare une exposition "Le regard ébloui" dans laquelle des artistes plasticiens loin de toute culture vont dialoguer avec d'insolites objets "d'art populaire". J'ai eu le grand privilège de déménager la maison d'André Breton à St-Cirq-Lapopie et certains objets viendront de là.
Veuillez agréer, Madame la Ministre, l'assurance de mes respectueuses salutations.
Paul Duchein
05:42 Publié dans Art Brut, Art forain, Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Art populaire insolite, Confrontations, Questionnements, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : pau duchein, aurélie filipetti, mucem, atp, philippe audouin, l'archibras n°1 | Imprimer
13/07/2013
"Un Albasser pour tous!", crie la foule nantaise en délire...
Mardi 9 juillet: "Bonjour, amis et voyageurs,
L’exposition de Pierre Albasser à la Galerie Antireflets, 2, place Aristide Briand, à Nantes, est prolongée jusqu’au 7 septembre 2013. Mais la galerie sera fermée pour vacances du 27 juillet au 19 août (et les lundis). Passez un bel été ! Cordialement, G.+ P. Albasser".
Vendredi 12 juillet : "Félicitations... Un succès sans doute au delà de vos rêves les plus fous...Des files d'attente interminables avec des fans en délire: "Albasser, c'est chic, on en veut, laissez nous passer"... Devant ce raz-de-marée la direction ne reculant devant rien a décidé la prolongation de la fête...Amitiés, Bruno"
Pierre Albasser, sans titre, dessin de 2008 monté sur pieds métalliques
Samedi 13 juillet : "Cher Bruno, ta perspicacité nous réjouit ! La place Aristide Briand est grande, mais la foule devant Antireflets gêne quand-même la circulation. On nous rapporte qu’il y a des fanas tellement emballés qu’ils essaient de passer une deuxième fois pour voir les œuvres. Et le voisinage semble excédé par les cris « un Albasser pour tous ! ». Finalement, le galeriste hésite de partir en vacances pour ne pas frustrer le public. Qui l’aurait cru chez Lustucru – que nous ne consommons que des pâtes Barilla (pour leurs cartons) ? Amitiés, Gudrun, Pierre.
PS: Si tu te rends à Nantes, demande-nous à temps un laisser-passer pour éviter la file d’attente."
11:50 Publié dans Art singulier, Correspondance | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : galerie anti-reflets, pierre albasser, gudrun albasser, correspondance, art singulier | Imprimer
12/07/2013
Hommage au Tour de France, pour Armand Goupil le spectacle était surtout sur le bord de la route...
Cela fait longtemps que je n'avais pas parlé d'Armand Goupil, l'instituteur peintre et dessinateur à ses heures perdues du côté du Mans dans les années 50/60 (voir ici l'ensemble de mes notes du Poignard Subtil).
L'actualité avec le Tour de France me donne l'occasion de mettre en ligne une autre reproduction de ses peintures, participant de sa veine gentiment érotique voyeuriste. Armand ne regardait pas les coureurs (lui-même en étant peut-être un, de coureur, quoique seulement dans ses rêves?)... C'est aussi ça être un inspiré des bords de routes.
Armand Goupil, Tour de France, 27-IV-59
12:34 Publié dans Art immédiat, Art inclassable, Art naïf | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : armand goupil, tour de france, voyeurisme, dessous féminins, art insolite, art immédiat, art naïf, figuration insolite | Imprimer
11/07/2013
Adieu Verchuren, aurait dit Jean Grard
Jean Grard, André Verchuren, bois et matériaux recyclés, vers 2001
21:31 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (11) | Imprimer
10/07/2013
Quand on vous dit que les curetons ont la tête dure...
En compulsant le catalogue de l'exposition Compagnons célestes, épis de faîtage, girouettes, ornements de toiture (présentée par l'Ecomusée de rennes du 10 avril 2010 au 3 juillet 201), je suis tombé sur une girouette peu banale qui m'a rappelé quelque chose.
Photo extraite du catalogue de l'exposition Compagnons célestes ; à noter que le saint est seulement sur le point de recevoir le coup de hache, ce qui pourrait aussi induire comme interprétation que les gens d'église ne sauraient recevoir meilleur traitement!
Elle provient d'une église à Bieuzy dans le Morbihan. Et elle représente le martyr d'un certain saint Bieuzy. "Alors qu'il célébrait la messe devant l'autel, Saint Bieuzy fut frappé d'un coup de hache sur la tête par le seigneur dont il avait refusé de guérir le chien atteint de la rage...", est-il expliqué en légende de cette image. Or, cette image, certes assez atypique sur une girouette, m'en rappelle irrésistiblement une autre, un tableau cette fois aperçue il ya fort longtemps dans la Galerie d'art religieux populaire de Sainte-Anne-d'Auray en 1991. Un petit catalogue rédigé par Joseph Danico montre le tableau en question, qui est en fait un ex-voto. A la différence de la scène de la girouette, le prêtre sur l'image a cette fois la hache dans le crâne ce qui ne l'empêche pas, ô miracle, de continuer à se balader...
Ex-voto, H. 80 cm, L. 87 cm ; La scène évoque un recteur, Pierre Guillemet (un nom prédestinant pour les citations!), "griévement blessé en 1720"... mais miraculeusement guérie pa rl'entremise de Ste-Anne qu'on le voit prier.
Il paraît, nous dit la petite brochure en question, que le Trésor de Ste-Anne-d'Auray, parmi d'autres ex-voto et sculptures pieux conserve "l'os du crâne où se voit la cicatrice de la blessure"...
Les deux occurrences de coups de hache sur la personne d'ecclésiastiques sont à mettre en parallèle, je trouve. Cela constitue peut-être une tradition iconographique dans l'imagerie religieuse axée sur les martyrs en tous genres?
00:54 Publié dans Art populaire insolite, Art populaire religieux, Noms ou lieux prédestinants | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : trésor d'art populaire religieux, sainte-anne d'auray, girouettes, compagnons célestes, écomusée de rennes, ex-voto, anticléricalisme, coups de hache, saint-bieuzy, pierre guillemet, art populaire insolite | Imprimer
05/07/2013
Art brut polonais au Musée de la Création Franche avec un titre ambigu
Commence le 6 juillet, demain, à Bègles, prévue pour durer jusqu'au 8 septembre, une exposition collective intitulée "Les saints de l'art polonais". Le vieil anticlérical invétéré que je suis, je l'avoue, a fait un saut dans son fauteuil en découvrant un pareil titre...
A découvrir cet intitulé, on se dit que le musée de Bègles paye désormais son écot au denier du culte... On se dit, comme ça de prime abord, que l'exposition doit être une revue d'effectifs consacrée aux représentations religieuses dans l'art polonais, car dieu (justement) sait que cela a existé et existe sûrement encore, même si on nous dit qu'actuellement la jeunesse de ce pays aurait envie de jeter tous ces frocs par-dessus les moulins... Le genre d'exposition que l'on a vue dix mille fois dans les centres culturels polonais, comme par exemple dès qu'arrive la période de Noël, lorsqu'on nous expose les fameuses crèches faites de verroteries et paillettes, architectures miniatures non dénuées d'un certain sens du merveilleux (j'aime bien ces crèches, cela dit à cause de leur merveilleux justement!). Un genre d'exposition pas très original en somme, se dit-on toujours, se basant seulement sur le titre. Or, à Bègles, je n'arrive pas à croire que l'on veuille avant tout nous intéresser à une exposition de bigoterie, a priori. C'est d'abord une expo proposant une sélection de créateurs bruts venus de Pologne, peu connus (première expo d'art brut polonais en France?), expo de deuxième mouture puisqu'une autre sélection, avec certains des mêmes créateurs, certains différents, ou certains qui n'ont pas été repris, avait été montrée en Belgique à Bruxelles dans le cadre du musée Art et Marges (du 22 février au 26 mai 2013).
Tadeusz Glowala (exposé à Bègles)
Aloys Wey, 46x48 cm, 1976, Coll. de l'Art Brut, Lausanne
A Bruxelles, on avait ainsi déjà, que l'on retrouve à Bègles, Adam Dembinski, Tadeusz Glowala (ce dernier dont les dessins sont très en rapport avec les fameuses crèches justement et aussi avec les travaux d'un autre auteur d'art brut, suisse pour le coup, Aloys Wey, voir ci-dessus), Wladyslaw Grygny, Przemyslaw Kiebzak, Ryszard Kosek, Konrad Kwasek, Mikolaj Lawniczak, Justyna Matysiak, Iwona Mysera, Henryk Zarski (des noms bien entendu que l'oreille française a du mal à retenir). Par contre ont disparu à Bègles, qui étaient à Bruxelles: Barbara Checka, Kasimierz Cycon, Halina Dylewska, Marian Henel, Edmund Monsiel, Julian Strek, Edward Sutor, Maria Wnek, Stanislaw Zagajewski et Ksawery Zarebski, soit dix participants, sans qu'on nous dise le pourquoi du comment de cette éviction (problème de place peut-être?). A Bègles toujours, on note l'apparition de deux nouveaux venus tous deux en provenance du même foyer d'accueil spécialisé (pour handicapés sans doute) de Brwilno à Plock (j'adorerais vivre dans un patelin répondant au doux nom de Plock...), Wladylaw Roslon et Roman Rutkowski, dont les œuvres, pour ce que l'on en voit dans le petit catalogue que m'a gentiment envoyé le musée de la Création Franche, paraissent fort intéressantes.
L'exposition de Bruxelles, du point de vue du titre, avait elle aussi une consonance qui flirtait avec la bigoterie, puisqu'elle s'intitulait, s'inspirant d'une inscription relevée sur un tableau de la croyante Maria Wnek, "Une hostie dans la bouteille, artistes polonais" (quand on sait que dans les bouteilles gisent parfois les messages, on voit où veut en venir l'inventeur du titre de l'expo, Mme Malgorzata Szaefer...). Celle-ci était en effet une des deux commissaires d'exposition à Bruxelles et se retrouve aujourd'hui à Bègles. Elle a tendance à signer des textes de plus, dans les deux cas, assez vagues, passablement sibyllins et, comme on dit familièrement, plutôt "bateau".
Edmund Monsiel, coll. ABCD
Certains créateurs non repris à Bègles étaient pourtant de ceux qui m'intriguent, comme Edmond Monsiel qui, même si il est une des vedettes de l'art brut depuis longtemps, n'a pas fait l'objet de beaucoup d'expositions en France (on aura l'occasion d'en découvrir à la rentrée, du 29 septembre au 16 novembre à la galerie ABCD à Montreuil dans l'expo "De la lenteur avant toute chose") ou comme Julian Strek, dont un "tombeau" en bois sculpté, très coloré, venu de la collection Leszek Macak à Cracovie, reproduit sur le dépliant de l'expo Art et Marges, était tout à fait remarquable et original (à mettre en rapport, cela dit, peut-être avec l'art traditionnel de certains calvaires en Europe de l'Est, voire dans les pays baltes où se rencontrent des forêts de crucifix tout à fait étranges ; voir repro de Strek ci-contre sous le titre "Une hostie dans une bouteille"). Maria Wnek également manque dans l'expo de Bègles. Par contre, on pourra continuer d'y découvrir des œuvres de Henryk Zarski, que les lecteurs des fascicules de la collection de l'Art Brut à Lausanne ont déjà pu remarquer, grâce à leur force d'expression (voir la notice de Michel Thévoz dans le fascicule n°21 de 2001). Avec ce dernier créateur, on a souvent l'impression que ses figures, de la même taille que les maisons en arrière-plan, pourraient bien finir par se confondre avec elles et avec tout l'univers environnant par contamination dans un carambolage graphico-pictural tourbillonnant. C'est du moins ce que je suppute du fait de leur traçage à gros traits, de leur équivalence dans les formes, de leur manque de contraste...
Extrait du catalogue de l'expo du Musée de la Création Franche
Je reviens au titre de cette exposition qu'explicite Pascal Rigeade dans le préambule qu'il a publié dans le catalogue de l'exposition. Il l'a choisi en réalité par référence à une phrase connue de Jean Dubuffet qui vantait les créateurs de l'art brut qu'il voyait comme les "héros, les saints de l'art" (je reprends la citation qu'en fait Pascal Rigeade). Donnons ici la référence du texte d'origine, c'est dans la préface de Dubuffet à l'exposition "L'art brut" à la galerie d'Alphonse Chave en 1959: "Le parti de l'art brut c'est celui qui s'oppose à celui du savoir, de ce que l'Occident nomme (un peu bruyamment) sa "culture". C'est le parti de la table rase. Ses troupes ne sont porteuses d'aucun uniforme, elles ne se vêtent pas de toges et d'hermines ni ne se parent de glorieux titres, elles ne se recrutent pas au sortir des écoles mais dans le rang du commun, elles sont la voix de l'homme du commun qui s'oppose à celle des savants spécialistes. Vagabonds, voyants entêtés soliloques, brandisseurs non de diplômes mais de bâtons et de houlettes, ils sont les héros de l'art, les saints de l'art" (J.D. p 513 de Prospectus et tous écrits suivants, Tome I). Personnellement, je n'ai jamais trouvé cette envolée lyrique de Dubuffet bien appropriée. Mais il reste qu'on peut la comprendre avant tout comme une métaphore qui envisageait les créateurs d'art brut comme des sortes de personnages purs, plus proches du héros que du saint en fait.
Lier aujourd'hui les créateurs d'art brut, en l'occurrence polonais, à cette notion de sainteté, nettement assimilée à la religiosité par les concepteurs de l'expo, qui la voient dans cet "ailleurs européen" (texte du catalogue), sans insister sur les dépassements qu'opèrent les créateurs à partir de cette imprégnation culturelle, peut être jugé de fait tout à fait critiquable, de mon point de vue. N'est-ce pas risquer de retomber dans ce cliché discutable qui tend toujours à lier la foi avec l'art, alors que ce dernier est aussi hymne à la liberté tandis que la foi a souvent été tout le contraire (guerres de religions, intolérance vis-à-vis des cultures autres, fanatisme, puritanisme, et j'en passe)? Mais peut-être que Pascal Rigeade n'avait pas une intention si directe, et qu'il a voulu seulement trouver un titre à cette exposition qui fasse écho à Dubuffet qui est largement admiré à Bègles depuis les débuts du Site de la Création Franche. Malheureusement le titre a pris un tour parfaitement ambigu, surtout lorsqu'on ne sait pas à quelle citation il se rapporte originellement. Peut-être aussi, en hôte respectueux d'un projet venu de Pologne, a-t-il voulu se mettre trop en empathie avec la commissaire d'exposition?
19:39 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire religieux | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : création franche, pascal rigeade, art brut polonais, les saints de l'art polonais, henryk zarski, edmond monsiel, abcd, tadeusz glowala, malgorzata szaefer, maria wnek, crèches de cracovie, aloys wey, art et marges, dubuffet, saints de l'art brut | Imprimer
29/06/2013
En passant par la Lorraine... Mais où était cette folle maison?
Cette note comporte une mise à jour du dimanche 30 juin
En 1980, on publia chez Chêne/Hachette un gros livre de photographies de Michaël Schuyt et Joost Elffers, avec des notices de George R.Collins, Les Bâtisseurs du Rêve.
Un certain nombre d'environnements spontanés populaires français y étaient mentionnés dans un contexte plus généralement consacré à l'architecture fantastique de l'époque. Au détour de ses pages que je re-feuilletais récemment je suis retombé sur une image d'un site, une façade de "maison en Lorraine" – il n'y avait pas d'autre indication – que j'avais oubliée.
Photo extraite des Bâtisseurs du Rêve
A n'en pas douter, il s'agit d'une réalisation exécutée par un rocailleur, et une réalisation étonnamment poussée, avec ses troncs d'arbres très bien imités, dégagés des murs, ses fausses mousses, ses stalactites au dernier étage, les pierres jointes à la diable dans sa maçonnerie.
Mais à quel endroit cette maison pouvait-elle bien se dresser? Dans quelle ville de Lorraine? Nancy? Eh bien non, ce n'étais pas dans cette capitale de l'art nouveau. Le Poignard Subtil a mené l'enquête et dans son omniscience n'hésite pas à compléter le bouquin du Chêne trente-trois ans plus tard. C'était à Gondrexange en Moselle qu'elle se dressait, cette maison étonnante. On va aller vérifier cet été si elle s'y dresse toujours.
Post-Scriptum:
Je dois à Jean-Michel Chesné, émérite animateur de blog, artiste et chercheur de cartes postales, braqué un peu comme moi sur les environnements et autres sites insolites, l'information complémentaire capitale suivante: il exista des cartes postales anciennes montrant cette maison, tout spécialement sous un angle qui permet de constater qu'il y avait une autre façade perpendiculaire à celle ci-dessus, et tout aussi spectaculaire. Jean-Michel Chesné a eu l'amabilité de m'envoyer une de ces cartes:
"Gunderchingen" signifie en allemand "Gondrexange" (la Lorraine étant allemande entre 1871 et 1918); cette maison ainsi ornée donne furieusement l'impression d'être enserrée dans une racine prédatrice géante sur le point de l'étouffer ; à signaler que Michel Racine, au nom prédestinant, auteur de livres sur les rocailleurs, ne paraît pas avoir eu vent de ce site tout à fait remarquable pourtant (probablement parce que le site a disparu?)
Comme on le voit, la maison est nommée "Villa Ch. Masson". Probablement le nom de Charles Masson, un entrepreneur spécialisé peut-être dans l'art de la rocaille¹? Tant et si bien que cette maison lui servait peut-être de gigantesque enseigne chargée de montrer au public et aux commanditaires éventuels, de la façon la plus évidente et massive possible, toute l'étendue de ses talents...
A noter aussi que des tableaux paraissent accrochés ou incrustés sur les murs de la maison. Enfin, dernière réflexion, si cette maison date du début du siècle (comme semble l'indiquer l'âge de la carte postale), il apparaît qu'il y a de fortes chances qu'un siècle plus tard on ne trouve plus grand vestige d'icelle à Gondrexange... Wait and see, gardons espoir...
_____
¹Voir cependant le commentaire de Jean-Michel Chesné ci-dessous...
12:41 Publié dans Art immédiat, Art populaire contemporain, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : rocailleurs, bâtisseurs du rêve, environnements spontanés, gondrexange, bâtisseur sdu rêve, architecture fantastique, cartes postales anciennes, jean-michel chesné | Imprimer
22/06/2013
Kevin R., jungle, mariage et catch (les distractions à la Passerelle)
A Cherbourg, je l'ai dit et redit, il ya un atelier d'art plastiques animé par Romuald Reutimann chargé de laisser toutes sortes d'individus dits handicapés tracer diverses sortes de rêveries graphiques sur Canson avec des crayons spéciaux, des marqueurs et autres outils laissant comme l'escargot un sillage derrière soi... Voici un exemple de ce que je leur ai récemment acheté auprès d'un de leurs "artistes", Kevin R., que j'ai tendance à priser un brin.
Kevin R., Tarzan et Jane, 50x70 cm, produit à l'atelier La Passerelle, 2013, coll BM
On pourrait croire étant donné le titre que Tarzan est à gauche et Jane à droite. Si c'est correct pour cette dernière (qui fait très dessin d'enfant), ça ne l'est pas pour le personnage de gauche qui n'est autre qu'un gorille. Tarzan est plutôt au centre de la composition, au-dessus de la bande bleue dans laquelle Jane et le gorille se baignent les pieds (ils ne paraissent pas le voir, mais un crocodile nage sournoisement entre deux eaux juste en dessous de l'emplacement de Tarzan qui, les bras écartés, cherche à les ameuter justement, ayant peut-être perçu le danger). Tarzan, qui se fond dans le décor de jungle qu'a voulu planter Kevin R. en arrière-plan, les lignes qui le dessinent se mélangeant avec la toile quasi arachnéenne des lianes tombant ou sinuant depuis les frondaisons qu'on devine plus qu'on ne les perçoit exactement. C'est d'ailleurs cet enchevêtrement de jungle qui fait tout le charme de cette composition colorée, dessinant un assemblage de formes géométriques quasi abstraites et dégringolantes tout en étant chargées simultanément de figurer une réelle sylve tropicale. Le regard hésite et balance entre les deux registres, résolvant son problème finalement dans une sorte de douce hébétude...
Ce Kevin-là est décidément un sacré bon dessinateur, qu'on en juge avec cet autre dessin que je lui avais également acheté au moment de l'expo de La Passerelle dans le "vestibule" de la Maison Rouge.
Kevin R., Les 40 ans de mariage, 70x50 cm, produit à l'atelier La Passerelle, 2011, coll. BM
Et encore celui-ci, un dernier pour la route, lui aussi fort séduisant...
Kevin R., Catch, 45x65 cm, produit à l'atelier La Passerelle, 2013, coll.BM
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16/06/2013
Un coup de sang de Pat Atarte concernant le MUCEM (à rebaptiser MUCM...)
Je relis avec un tendre sourire en coin cette note déjà ancienne où vous exprimiez votre espoir de pouvoir un jour contempler de nouveau les merveilleuses collections du musée des ATP au fameux MUCEM qui tardait alors à sortir de terre. Eh bien nous y sommes. Le MUCEM est né, il est inauguré, et le tendre sourire se transforme en rictus.
Ce MUCEM n'est qu'un fantasme de conservateur bilieux rendu fou par sa haine du public. Les collections des ATP sont invisibles. Elles y sont, paraît-il, mais enfouies, cachées au fond des réserves, inaccessibles hormis à quelques chercheurs qui devront montrer patte blanche. Dans ATP, il y a tradition et il y a populaire, deux mots absolument détestables sans doute pour les politiciens invertébrés qui font la culture, et qu'il faut surtout arracher à la conscience du public - et que l'on continue d'offrir, au passage, par la même occasion, à l'extrême droite comme on lui a offert sur un plateau, il y a quelques années, celui de laïcité.
Surtout, oublions le rapport sensuel à l'objet, à la fois creuset et produit de l'imaginaire! Surtout, que le peuple, s'il existe encore, ne voie pas les beaux meubles paysans qu'on fabriquait avec dix bouts de bois et deux outils ruraux, sans aide de la force électrique, il y a deux cents ans, et qui tiennent encore debout aujourd'hui! Que le simple fait de se fabriquer un coffre où mettre ses pauvres vêtements continue de paraitre à tous tellement compliqué, et IKEA sera bien gardé! Qu'on enfouisse au plus profond de l'oubli l'idée même de décoration, qui ennoblissait tous ces objets du quotidien et élevait l'âme de leurs utilisateurs, car son rappel risquerait d'anéantir l'esthétique carcérale du design imposée aux masses comme solution aliénante! Qu'on oublie vite tous ces outils qui libéraient au lieu d'asservir! Et qu'on oublie vite le pauvre Georges-Henri Rivière et toute son ingénieuse muséographie, au besoin en le canonisant au passage, pour définitivement anéantir son ouvrage!
Pat Atarte
Note du rédacteur du blog:
J'éviterais de me prononcer trop catégoriquement contre le MUCEM en question, ne l'ayant pas encore visité (attendons que les foules téléguidées par média interposés se soient évanouies, déjà on nous dit qu'elles se contentent des promenades et des panoramas offerts par les passerelles et les points de vue du nouveau site), et restant curieux de la richesse des cultures populaires méditerranéennes (une très belle charette sicilienne entièrement sculptée et peinte est ainsi montrée semble-t-il dans la collection permanente, transfuge peut-être de l'ancien Musée de l'Homme parisien où l'on pouvait en voir une, très belle, dans le département Ethnologie européenne). Je suis d'accord avec Atarte cependant, quant à sa dénonciation de la bureaucratie ethnologiste qui se détourne des objets façonnés poétiquement par le peuple préférant se concentrer sur le discours plutôt que sur l'objet. Et surtout, je soulignerai pour le moment le fait que la dénomination Musée des Civilisations d'Europe et de Méditerranée impliquerait a priori qu'on puisse y découvrir, à côté de la culture populaire méditerranéenne, les arts et traditions populaires d'Europe de l'ouest, du nord et de l'est, sous peine de devoir plutôt se limiter à l'appeler le MUCM. Cela me confirme dans ce que je subodorais dans ma note sur l'expo de 2011 de "Morceaux exquis" à savoir que le projet du MUCEM était peut-être trop grandiose. A vouloir trop embrasser, trop mal étreint...?
Charette sicilienne amenée au Canada par son propriétaire Joseph Pillitteri en 1962, ph. Musée canadien des Civilisations
10:35 Publié dans Art forain, Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Art populaire insolite, Art populaire religieux, Questionnements | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : pat atarte, mucem, atp, arts et traditions populaires, méditerranée, europe, extrême droite, charettes siciliennes, joseph pilliterri, musée canadien des civilisations | Imprimer
15/06/2013
René Delrieu (1930-2008), passage d'un inspiré du Cantal
C’est personnellement par une notule due à Nicolas Galaud, autre émérite (et discret) chercheur d’inspirés du bord des routes, dans l'Auvergne Insolite¹, que je suis tombé sur l’existence du site de sculptures naïves en métal peint de René Delrieu à Ally, à l'ouest du Cantal (non loin de Mauriac au nord et de la Corrèze à l'ouest). M. Galaud dépeignait ce dernier comme « maréchal-ferrant, réparateur de machines agricoles et fabricant de cuves à lisier ». Je ne fus pas long à signaler cette notule à notre correspondant cantalien, Emmanuel Boussuge (voir l'écho mis en ligne juste avant cette note) qui fit le nécessaire comme moi (prendre vite des clichés avant toute disparition).
Ancien atelier de René Delrieu à Ally, sur la clôture, une scène de chasse par des Peaux-Rouges, ph. Bruno Montpied, 2007
Comme beaucoup d’autres, il avait commencé ses sculptures en tôle galvanisée à la retraite apparemment (soit vers 1994, il avait alors 64 ans), les sortant entre son atelier et la route en été, les rentrant en hiver (la saison est rude dans ces coins-là). M. Galaud ajoute dans sa petite description qu’il s’était « représenté en maréchal-ferrant sur la façade de sa maison et [s’était] inventé un bonheur conjugal autour du cantou, sur la porte de son atelier ».
Le maréchal-ferrant au boulot, ph.BM, 2007
Comme me l’a appris Bernard Coste qui s’occupe avec son père du musée du Veinazès à Lacaze (le Cantal toujours, mais plus vers le sud, en dessous d'Aurillac, pas loin de l'Aubrac), qui se voue à préserver la mémoire des outils et des machines agricoles d’autrefois, ainsi que des créations populaires de divers autodidactes de la région, il existait aussi des dessins dans l'œuvre de René Delrieu qui paraît s’en être servi comme croquis en vue de futures sculptures. Le style naïvo-brut de ces œuvres est tout à fait remarquable et me fait personnellement beaucoup penser aux dessins de Gaston Mouly, autre autodidacte bien connu dans le monde des amateurs d'art brut ou singulier, originaire quant à lui du Quercy voisin. Les dessins de Delrieu mériteraient amplement d’être exposés. En voici un ci-dessous, reproduit grâce à l’amabilité de Bernard Coste.
René Delrieu, (distractions le soir au coin du feu), dessin aux crayons de couleur, coll Musée du Veinazés, Lacaze, photo Emmanuel Boussuge
Delrieu aimait à présenter ses assemblages et sculptures sur des fonds peints où l’on discerne divers détails (pots de sucre, café, farine, etc.) comme dans la scène conjugale autour du feu ci-dessus. Je parle d’assemblages parce que plusieurs de ses œuvres sont réalisées par juxtaposition de plaques de métal peint et assemblage de formes en deux et trois dimensions ce qui est assez osé (voir son joueur de pétanque, par exemple, composé de divers morceaux rivetés permettant sans doute l’animation du personnage, des changements d’attitude comme pour certains pantins articulés).
René Delrieu, trois silhouettes en tôle peinte exposées au Musée du Veinazès sur un fond de planches peintes en blanc, documentation du musée, ph. JPB, 2013
Le musée du Veinazès a du reste réalisé à l’exemple de Delrieu une présentation de certaines de ses silhouettes en métal sur un fond de planches peintes en blanc.
Vue d'une partie de l'espace consacré aux silhouettes de René Delrieu au Musée du Veinazès à Lacaze ; on reconnaît (?) à droite Johnny Halliday, à côté d'un accordéonniste et en dessous de ce dernier d'un joueur de pétanque, ph. JPB, documentation du Musée du Veinazès 2009 ; ces personnages se trouvaient à l'origine à la belle saison installés à l'extérieur de l'atelier d'Ally
Une autre audace de Delrieu consista à installer en plein air, dans une région où le climat est souvent peu propice à ce genre de démonstration, des objets en métal susceptibles de s’abîmer assez vite, même si la galvanisation (un bain de zinc dans lequel sont trempées les pièces en fer) a pour but de retarder les phénomènes de corrosion (ce qui prouve, je le dis au passage, que Delrieu n’était pas totalement insensible aux problèmes de longévité de ses œuvres qu’il exposait à l’air libre).
Delrieu ne s’arrêtait pas à ce genre d’audace, il animait au moyen de mécanismes assez simples (des contrepoids) certaines autres de ses saynètes comme les pêcheurs ci-dessous.
Les pêcheurs de René Delrieu encore en place sur son terrain en 2007, ph. BM
Il est important d’établir pour ce genre de créateur l’inventaire de ses réalisations. Bernard Coste s'y emploie depuis quelque temps :
« A ma connaissance, on trouve trois sortes de travaux pour René Delrieu :
- Les sculptures animalières et ornithologiques. Il s'inspirait de revues pour les réaliser. Ce travail est très réaliste.
- Les sculptures singulières qu'il imaginait. Elles s'attachent à ses centres d'intérêt et ses coups de cœur : Johnny Halliday (le guitariste), l'accordéoniste, le joueur de pétanque.
- Les sujets animés du "bricoleur" : le Tour de France, le tiercé, la bourrée (qui était à l'origine sur un élément de mobile-girouette (1999) puis a été actionnée par un moteur et une courroie avant de se retrouver sur son établi en vue d'une future modification). »
Autre espace consacré à des scènes de course hippique, de trot attelé, des scènes de chasse... Musée du Veinazès, ph JPB ; ce sont ces pièces-là qui me paraissent lee plus réussies personnellement
Tout en se tenant facilement en retrait lorsqu’on le visitait (il était rare de le voir apparaître, et personnellement je ne le vis pas lorsque nous passâmes près de son terrain d'exposition en bordure de route, Régis Gayraud et moi-même en 2007, peut-être nous observait-il caché derrière les murs de son garage ; ce désir de rester caché m'en rappelle un autre, André M. dans le Morbihan, l'homme qui assemble des souches et des branches au Bar du Mont Salut), tout en restant donc en apparence réservé, René Delrieu ne semblait pas détester la musique traditionnelle, les bourrées, puisque ses dessins et sculptures campent des musettes, des guitares et des accordéons, et ne paraissent pas dédaigner les ambiances festives.
Note sur le devenir du site:
Le site est démantelé désormais, la propriété ayant été revendue deux fois depuis le décès du créateur. Seules deux saynètes sculptées en métal peint de l’ancien atelier de M. Delrieu trônent encore sur la clôture de la propriété (en 2013). Une dizaine de pièces en trois dimensions, plus diverses œuvres en deux dimensions (dont des dessins) ont été cependant sauvegardées au Musée du Veinazès dans le village de Lacaze par la famille Coste. Des oiseaux de Delrieu ont également été conservés par la Ligue de Protection des Oiseaux de la région Auvergne. Quelques autres personnes, anciens voisins du créateur ou membres de sa famille en ont également mis de côté. On a sauvé ces œuvres entre autres grâce à la clairvoyance de la sœur de René Delrieu, Mme Justeau-Delrieu.
Portrait photographique de Delrieu mis en regard d'une de ses tôles peintes, ph JPB, documentation du Musée du Veinazès, 2009
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¹ L’Auvergne insolite, petit guide pataphysique, sous la direction de Pascal Sigoda, Au Signe de la Licorne, Tusson, 2002.
² Le musée du Veinazès en a conservé une dizaine ; d’après Bernard Coste, ils décoraient la cuisine-séjour des Delrieu. On peut voir un de ces dessins, en dehors de celui que je reproduis ici, dans la précédente note d'Emmanuel Boussuge "Un chouette musée à la campagne". On retrouvera dans cette même note les renseignements relatifs à la visite du musée.
Merci à Emmanuel Boussuge pour sa médiation vers les Coste du Musée du Veinazès.
18:10 Publié dans Art Brut, Art naïf, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : rené delrieu, bernard coste, musée du veinazès, emmanuel boussuge, nicolas galaud, pascal sigoda, l'auvergne insolite, johnny halliday | Imprimer