Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/03/2014

Art brut à Taiwan (1): Les visions nocturnes du vieux soldat Huang Yongfu, par Remy Ricordeau

      Nous débutons ici une série de petites présentations de diverses formes de création autodidacte brute repérées à Taiwan par Remy Ricordeau qui, en dehors d'être un cinéaste documentariste dont j'ai déjà parlé à plusieurs reprises sur ce blog, est également un fin connaisseur de la Chine. Le résultat de ses prospections sur l'ancienne île de Formose est proprement excitant. Je lui souhaite de pouvoir bientôt l'éditer sur papier et le remercie par la même occasion d'avoir choisi le Poignard Subtil pour faire bénéficier ses lecteurs en avant-première en quelque sorte de ses découvertes.

*

Les visions nocturnes du vieux soldat Huang Yongfu

 

    En concluant ma note du 27 août 2013 dans laquelle je vous faisais part d’une étonnante découverte en matière d’environnements spontanés à Taiwan, celui de M. Huang Yongfu¹ à Taizhong, je faisais le pari, qui relevait plus en vérité d’une intuition, que tout restait encore à découvrir dans ce pays pour qui s’intéresse aux inspirés du bord des routes.

 

carte taiwan.jpeg

Taiwan (anciennement Formose)

 

    Bien sûr, Taiwan était déjà connu pour ses naïfs qui avaient fait l’objet à Paris d’une belle exposition à la Halle Saint-Pierre il y a une quinzaine d’années. Quelques-uns de ces créateurs (relevant à dire vrai plutôt de l’art brut que de l’art naïf), Hung Tung, Lin Yuan, etc, pour les plus talentueux et originaux d’entre eux, sont ainsi aujourd’hui reconnus à leur juste valeur et sont consacrés artistes nationaux dans leur pays du fait du rayonnement international dont l’île, en mal de reconnaissance à tout point de vue, bénéficie par leur intermédiaire.

  Il faut reconnaître que sur le terrain artistique contemporain, à l’exception du domaine cinématographique et peut-être chorégraphique, Taiwan ne brille pas d’un feu très intense au-delà de ses propres frontières. Mais cette découverte du 27 août, associée à la connaissance que j’avais d’un art populaire encore persistant entre autres au sein des communautés aborigènes qui forment la population originelle de l’île (constituée, rappelons-le, de 13 groupes ethniques qui préexistaient avant les premières migrations chinoises initiées par les Hollandais à la fin du XVIe siècle) me laissait supposer que d’autres découvertes devaient être possibles. Disons-le tout de suite, la réalité a dépassé mes espérances.

    Je me suis bien sûr d’abord rendu à Taizhong pour voir de mes propres yeux ce site découvert presque par hasard sur internet. L’environnement qui l’entoure est tout d’abord assez étrange : un immense terrain fraîchement rasé duquel émerge quelques masures bariolées. Comme je l’avais appris, ce lieu était un ancien village militaire construit à la hâte au début des années 50 et prévu pour être temporaire, le temps que l’armée nationaliste de Chiang Kai Sheck se ressaisisse avant de partir à la reconquête du continent. On sait que ce n’est pas ce qu’il advint et le village abrita donc ses occupants abandonnés à eux-mêmes jusqu’à un passé très récent. L’ensemble du village aurait donc été entièrement rasé si M. Huang, mû par un désir incontrôlé de décorer son univers, ne s’était pas mis, au seuil de ses 80 ans (il en a aujourd’hui 93), à prendre le pinceau pour passer à l’acte.

 

entree-du-site.jpg

Entrée du site, photo Remy Ricordeau, 2014

M-Huang-dvt-sa-porte.jpg

M. Huang devant sa porte avec à côté de lui une grille couverte de petits papiers accrochés par ses visiteurs et contenant des vœux, ph RR, 2014

    Selon le témoignage que je recueillis auprès d’une voisine, ce passage à l’acte s’est au demeurant opéré de manière très graduelle et au début de manière quasi clandestine. M. Huang peint en effet la nuit pour répondre aux instances émises par les personnages qu’il représente (il en est ainsi toutes les nuits, ce qui fait de lui un créateur très prolixe). Il a commencé par décorer l’extérieur de sa masure par petites touches sans revendiquer dans les premiers temps en être l’auteur La supercherie ayant été mise à jour par le voisinage et le résultat ayant été jugé par celui-ci très esthétique, M. Huang fut alors invité et encouragé à laisser libre cours à son imagination qui est aussi débordante que son caractère est modeste et son expression orale mesurée. Toutes les nuits donc, vers 3 heures du matin, M. Huang (qui se couche à 8 heures du soir) s’évertue à peindre ou repeindre ses visions à la lumière des réverbères du quartier. Aux dires de ceux qui ont pu le voir en action, il serait alors dans une sorte de transe, absolument sourd et aveugle à l’environnement extérieur, comme les auteurs de dessins médiumniques. Lorsqu’on l’interroge sur l’identité des personnages qu’il représente, il affirme que la plupart lui sont inconnus et viennent d’un autre monde. Quelques uns cependant sont des humains identifiés qui peuvent être des personnages de l’actualité, télévisuels ou sportifs tel ce basketteur taiwanais jouant dans un club américain et apparemment très connu.

 

detail-d'une-fresque.jpg

Détail d'une fresque, ph RR, 2014

un-mur-a-figures,-ph-mairie.jpg

Autres détails de fresques, ph.affaires culturelles de la commune

    Après ses travaux nocturnes M. Huang qui a une vie très réglée, réintègre alors la pièce unique dans laquelle il vit seul depuis plusieurs décennies et s’accorde les bienfaits d’un petit déjeuner bien mérité. Il consacre ensuite le début de sa matinée à réaliser quotidiennement deux dessins sur papier (pas un de plus, pas un de moins) représentant des personnages ou animaux plus ou moins fantastiques d’une facture semblable à ceux représentés en extérieur.

Dessin-de-lutins-chinois-ph.jpg

M. Huang montrant avec un ami un de ses dessins (des sortes de lutins?), ph. affaires culturelles de la commune

 

    Dans la suite de la matinée, le lieu commence à lui échapper, c'est-à-dire pour être plus précis, la ruelle qu’il a décorée est alors envahie par des dizaines, voire, certains jours, des centaines de jeunes gens venant se faire prendre en photo.

ruelle-exterieure.jpg

"Des dizaines de jeunes gens viennent se faire prendre en photo...", ph. RR, 2014

   J’ai été très surpris par l’extrême jeunesse de la plupart des visiteurs mais les raisons de leur intérêt pour ce lieu l’expliquent en partie : elles sont essentiellement de nature superstitieuse dues aux couleurs, aux sentences bienveillantes exaltant l’amour, le bonheur et la paix ainsi qu’à la facture très manga japonais de certains dessins qui évoquent l’innocence naïve de l’enfance et qui concourent à transformer la ruelle en temple dédié au  Dieu du bonheur. Ces pèlerins d’un genre singulier expriment ainsi leurs vœux et leurs espoirs sous la forme de petits papiers qu’ils suspendent à des fils.

 

vue-exterieure-rochers-disp.jpg

Vue extérieure avec des rochers disposés dans le jardin pour être peints, ph. RR, 2014

 

     Une telle fréquentation ne pouvait évidemment que susciter un début d’exploitation commerciale qui pour être encore fort modeste (vente sur place de cartes postales reproduisant certains détails des murs) laisse cependant craindre un développement plus industriel. Si jusqu’à présent le décor peint par M. Huang est en effet l’objet d’une protection plutôt désintéressée, un responsable culturel de la ville que j’ai rencontré sur place lors de mon second passage ne m’a pas caché l’ambition de la municipalité d’utiliser le site comme lieu touristique pour faire connaître la ville de Taizhong au-delà des frontières de Taiwan. A cette fin ont été créés à côté du site un parking et un square dans lequel ont été disposées de grosses pierres et érigés des panneaux en ciment que M. Huang a été invité à couvrir. De même les enduits de certains des murs extérieurs du pâté de maison encore immaculés ont été refaits et seront prochainement peints en toute liberté par l’artiste ainsi honoré. Car pour être honnête, il faut reconnaître que celui-ci se félicite de toute cette attention qui lui est accordée car, en manque d’espace à peindre, il est réellement boulimique en surfaces à recouvrir, au point de peindre également et de repeindre sans cesse le sol de l’espace qui lui est imparti.

Remy Ricordeau

____

¹ Yongfu correspond à son prénom et Huang à son nom.

 

ph-du-sol-peint,-mairie.jpg

Une vue parmi des dizaines d'autres d'une zone de sol couvert des peintures et parfois des inscriptions de M. Huang, ph. affaires culturelles de la mairie

*

    A paraître bientôt sur ce blog d'autres articles rédigés par Remy Ricordeau à la suite de son voyage de prospection à Taiwan:

Le temple idéal d'un pisciculteur taoïste

La falaise sculptée du paysan Chen Ruiguang

Le jardin en folie d'un aborigène Amei

Le jardin enchanté d'un garde-barrière retraité

Le parc de l'oreille de buffle: l'œuvre sculpté du paysan Lin Yuan

Entre art rituel et art populaire acculturé, les décors aborigènes contemporains

 

 

11/03/2014

Infos-miettes (22)

    Ça faisait longtemps que je ne vous avais pas délivré de ces infos-miettes dont vous vous régalez. En voici un nouveau bouquet, le vingt-deuxième, des infos nouvelles et des plus anciennes que j'avais oubliées.

Paul Amar dans l'Aveyron

    Le Musée des Arts Buissonniers à Saint-Sever-du-Moustier près des Monts de Lacaune (région pas trés éloignée de Rodez pour que vous situiez) est très actif depuis quelque temps. En plus des fréquentes animations du village, il propose des expositions d'art singulier ou brut ici et là. Elles sont annoncées dans le bulletin de 8 pages qu'il publie régulièrement (Le Buisson), comme récemment dans leur n°56 (déjà). Leur saison commencera cette année le 4 avril.

 

invit-Amar-2013.jpg

Paul Amar au Musée des Arts Buissonniers

 

 

    A retenir, depuis septembre 2013, une galerie entièrement vouée aux assemblages rutilants de coquillages bien connus de Paul Amar (sur trente années de création) a été ouverte au sein du musée. Ils ont aussi en projet d'exposer Gérard Lattier durant l'été prochain. Pour tous renseignements, contacter http://www.arts-buissonniers.com/

*

 Christian d'Orgeix aux Yeux Fertiles

     Cela fait de nombreuses années que j'admire quand je peux en voir, c'est-à-dire rarement en vrai, et plutôt en reproduction (j'ai un petit livre autrefois paru il me semble chez Georges Fall), la peinture de Christian d'Orgeix, cet artiste proche des surréalistes qui habitait à un moment dans le même village qu'André Breton, à Saint-Cirq-Lapopie dans le Lot. Il s'agit d'une puissante peinture visionnaire, avec des échos d'un Max Ernst qui aurait fait des enfants avec des peintres du groupe Cobra. Un riche coloriste campant à la fois des paysages "abstraits", des natures mortes, des personnages grotesques, des figures fantomatiques, des animalités fantastiques, le tout en une seule image.

 

Christian-d'Orgeix,-gale-le.jpg

Christian d'Orgeix, Mascarade, 1964, huile et collage sur toile, 81x100cm

 

      Quelque œuvres de lui seront présentées du 6 mars au 5 avril à la Galerie Les Yeux Fertiles, 27 rue de Seine, dans le VIe ardt à Paris, dans le cadre d'une expo collective intitulée "Volet I" avec des oeuvres de B.Schultze, Raoul Ubac, B.Saby, Edgar Pillet, B.Réquichot et autres (on aurait pu se passer de Georges Mathieu cela dit). Une seconde expo intitulée pour le coup "Volet II" suivra du 10 avril au 10 mai avec des œuvres de Camacho, Alfred Courmes (celui-ci se faisant rare), Friedrich Schröder-Sonnenstern, Georges Malkine, André Masson, Dado, etc.  Info et contact (attention il est souvent en retard côté mises à jour): le site web de la galerie.

*

Mario Del Curto et Jean-Michel Chesné à l'intérieur d'une Chapelle

   Brigitte Van Den Bossche, qui travaille dans le Centre de Documentation du MADmusée à Liège, signe un texte qui je dois dire m'a fait bondir. Elle y parle des créations de bord des routes dont la collection de cartes postales de J-M. Chesné représentant des environnements anciens et les photographies de Mario del Curto, deux ensembles iconographiques exposés tous deux dans la Chapelle Saint-Roch, "contexte des plus appropriés" dit Mme Van Den Bossche, lui permettent une envolée digne des écrivains les plus bondieusards :

  "Derrière toutes ces manifestations marginales [il s'agit là des environnements spontanés d'autodidactes bruts ou naïfs], se profilent un idéal, une foi, un système de valeurs et de croyances, un outillage mental. Cette foi peut se traduire par la matérialisation de la croyance religieuse courante, mais aussi par la mise en œuvre d’une croyance très personnelle, un mysticisme inventé, une religion singulière, avec ses préceptes, ses prières, sa morale, sa méthodologie. L’œuvre est à la fois le reflet de cette croyance et l’intermédiaire entre le créateur et l’au-delà, elle traduit le dépassement de soi. L’acte de créer est vécu comme une aventure spirituelle, l’objet créé est conçu comme un territoire sacré et le créateur puise son énergie dans la foi.

     Dans le contexte des plus appropriés de la Chapelle Saint-Roch, à Liège, le MADmusée présente un florilège d’images attestant de cette foi. Images pieuses et teintées de prosélytisme, images de dévotions personnelles, images d’intimes exploits, images d’une authentique "subculture" populaire aussi,… Sont dévoilés d’une part un ensemble de cartes postales anciennes, glanées et rassemblées par le peintre et sculpteur français Jean-Michel Chesné (collection entamée en 1993 après sa visite du Palais Idéal du Facteur Cheval et riche aujourd’hui de plusieurs milliers de clichés rares) ; d’autre part une série de reproductions du photographe suisse Mario del Curto (dont l’intérêt prononcé pour les Clandestins de l’art brut, avec lesquels il entretient une relation personnelle, se traduit depuis 1983 par une approche subtile et délicate). Toutes ces images célèbrent des univers déployés avec une force et une sensibilité exacerbées. Elles exaltent aussi la beauté du geste, la mystique de la tâche."

      Et hop! Emballés, pesés, les inspirés, ils sont désormais embringués dans une nouvelle armée du salut. Mystiques, cherchant à causer avec l'au-delà, porteurs de "foi", mot sur lequel l'auteur joue de façon ambivalente, nos inspirés produisent maintenant des "images pieuses". Merde! Comment peut-on encore nous ramener la curetaille dans ces jardins où, c'est vrai, parfois on tente de créer des petits paradis, mais des paradis bien terrestres? Ne serait-ce pas une idée venue d'un des ces anciens numéros de Gazogène où son animateur, paix à ses cendres, publiant des cartes postales de la collection Chesné, avait cru démasquer une influence occultée de la religion dans l'inspiration de nos chers créateurs d'environnements ? Chaque fois que j'ai eu affaire à de ces inspirés du bord des routes, on n'a jamais beaucoup eu l'occasion de parler de Dieu, parfois davantage du Diable...

Expo "Oh My God" (titre explicite, non?), Liège, à la Chapelle Saint-Roch du 15.03.2014 au 25.05.2014. Dossier de presse.

0078-Belzebuth-.jpg

Chez André Gourlet à Riec-sur-Belon, un Belzébuth le braquemart servant de support à jardinière, 2010, ph. Bruno Montpied

*

Joël Lorand, œil singulier à la Galerie Grand-Rue à Poitiers (15 mars au 26 avril)  joel lorand, Fier d'être un artiste dégénéré, 2002, site F.Lux.JPG

    Il semble qu'avec cette exposition les Poitevins aient l'occasion de découvrir un éventail conséquent et varié des créations de Joël Lorand, authentique chercheur de formes nouvelles, créateur certes tourmenté mais en même temps raffiné, esthète au sens roboratif du terme, et aussi, ce qui ne gâte rien dans le milieu parfois bien trop sérieux de l'art dit singulier, pourvu d'un sens de l'humour réjouissant. Si l'on se fie au site web de la galerie, qui propose une sélection de visuels relevant de différentes périodes de Lorand (j'aime bien les premiers dessins, empreints d'une esthétique rageuse proche du graffito, voir par exemple ci-contre "Fier d'être un artiste dégénéré", 2002, coll. Frédéric Lux), on a peut-être affaire là à un lieu qui fait le pari de ne pas montrer uniquement qu'une série de peintures actuelles, mais propose plutôt différentes métamorphoses d'un même geste inspiré sous différents aspects, productions des époques antécédentes.

 

A3invit2014.jpg

 *

Vodou, du visible à l'invisible au Musée Africain de Lyon

      Je suis intrigué depuis quelques années, grâce à diverses expositions et catalogues, par l'art vodou, africain, brésilien, ou haïtien (la collection d'art vodou haïtien de Marianne Lehmann surtout a été un choc, perçue seulement  à travers le livre magnifique qui lui a été consacré). Une expo débute le 20 mars prochain à Lyon. Ces objets, souvent sièges de carambolages visuels, et de triturations incroyables, sont terriblement chargés de poésie et de force d'ordre tellurique qui bouleversent en profondeur et hantent tous ceux qui s'y confrontent.

 

paul mar,musée des arts buissonniers,gérard lattier,christian d'orgeix,surréalisme d'après-guerre,galerie les yeux fertiles,paysagisme abstrait,mario del curto,jean-michel chesné,bondieuseries,environnements spontanés,madmusée,brigitte van den bossche,oh my god,joël lorand,galerie grand-rue à poitiers,artiste dégénéré

paul mar,musée des arts buissonniers,gérard lattier,christian d'orgeix,surréalisme d'après-guerre,galerie les yeux fertiles,paysagisme abstrait,mario del curto,jean-michel chesné,bondieuseries,environnements spontanés,madmusée,brigitte van den bossche,oh my god,joël lorand,galerie grand-rue à poitiers,artiste dégénéré

*

Des mouchoirs pour s'évader à la Galerie Berst

paul mar,musée des arts buissonniers,gérard lattier,christian d'orgeix,surréalisme d'après-guerre,galerie les yeux fertiles,paysagisme abstrait,mario del curto,jean-michel chesné,bondieuseries,environnements spontanés,madmusée,brigitte van den bossche,oh my god,joël lorand,galerie grand-rue à poitiers,artiste dégénéré,vodou,musée africain de lyon

    Paños, prison break, tel est le titre de l'expo commencée le 11 mars dans la galerie de Christian Berst, interrogeant paraît-il, lui aussi, les marges de l'art brut pour mieux redéfinir les contours de ce dernier. Les mouchoirs tatoués des prisonniers américains d'origine mexicaine sont en effet la preuve qu'il existe de nombreuses preuves d'art populaire produit en milieu carcéral, contrairement à ce que pouvait affirmer Michel Thévoz dans un de ses anciens textes. L'expo est montée avec le concours de la pop galerie de Pascal Saumade, collaborateur connu du musée international des arts modestes à Sète, qui signe du reste le catalogue de l'exposition.

 

paul mar,musée des arts buissonniers,gérard lattier,christian d'orgeix,surréalisme d'après-guerre,galerie les yeux fertiles,paysagisme abstrait,mario del curto,jean-michel chesné,bondieuseries,environnements spontanés,madmusée,brigitte van den bossche,oh my god,joël lorand,galerie grand-rue à poitiers,artiste dégénéré,vodou,musée africain de lyon

Expo du 11 mars au 19 avril 2014, Galerie Berst, 3-5, passage des Gravilliers, paris 3e ardt.

 

08/03/2014

Disparition de Jean-François Maurice, fondateur et animateur de "Gazogène"

     J'ai appris le décès de Jean-François Maurice, l'animateur et fondateur de la revue Gazogène, et par ailleurs chercheur d'art populaire sous toutes ses coutures. Il est mort jeudi 6 mars, emporté par le sale crabe qui n'a pas de pinces d'or.

     Je n'avais plus de relations avec lui depuis 2002. Mais, je m'en souviens encore, nous avions auparavant collaboré (je lui avais donné quelques articles pour son Gazogène primitif, certains que nous avons co-édités, à l'égide de Gazogène et de l'Art Immédiat : un "Tour de France de quelques bricoles en plein air" et une "Promenade dans l'Art Populaire du Rouergue") et souvent échangé, entre 1988, année où il m'avait écrit suite à mes articles dans Artension, et donc 2002. Je me rappelle entre autres lui avoir fourni sur sa demande un exemplaire du célèbre bouquin de Verroust et Lacarrière, Les Inspirés du bord des routes, célèbre s'entend uniquement dans le micro-milieu des mordus de l'art brut et consorts. Nous nous intéressions tous deux fortement au sujet.

 

pportrait-JF-Maurice-a-cuza.jpg

Jean-François Maurice dans la merveilleuse machine à découvrir de l'art brut de l'Eco-musée de Cuzals, dans le Lot, photo Bruno Montpied (je crois bien inédite), 1991

 

 

    Malgré mes divergences de goût et d'accord avec lui (il était dubuffetolâtre alors que je me prosternais devant André Breton), je dois avant tout reconnaître et saluer, alors que ses traces pourraient risquer de s'évanouir –on oublie si vite les médiateurs– sa passion qui resta entière des années durant pour les créateurs de l'ombre, les vagabonds sans culture au pays de l'inspiration. Il a apporté sa pierre à l'édifice mémoriel où l'on conservera encore longtemps j'espère le souvenir de la poésie des sans-grade (car cette poésie est faite pour annoncer le triomphe de la créativité de tous dans nos sociétés, ne l'oublions pas, c'était le rêve auquel Jean-François Maurice, tout comme moi, nous croyions).

    S'il consacrait trop de temps à mon goût à divers plasticiens d'arrière-province, suiveurs sans grande originalité de la région du Lot, il restait fidèle à l'art populaire, à l'art brut et surtout aux environnements spontanés à la recherche desquels nous partîmes une fois en dérive de Limoges à l'Yonne dans l'espoir de voir si on pourrait en trouver par hasard (le butin fut maigre, et il profita plutôt du voyage pour m'emmener avec lui chez Jean-Joseph Sanfourche et  André Escard, l'ancien colonial reconverti en chasseur d'inspirés, personnages qui m'intéressaient personnellement beaucoup moins –tous sont décédés à présent, et moi-même comme dirait l'autre je ne me sens du coup plus très bien...).

 

BM,-JF-Maurice-et-Jean-Jose.jpg

De gauche à droite, BM, Jean-Joseph Sanfourche et Jean-François Maurice, lors d'une visite à St-Léonard-de-Noblat, 1991, ph. (inédite là aussi), BM

 

 

     Je pense que son principal mérite avec Gazogène fut en vérité lorsqu'il l'axa en direction des collections de cartes postales anciennes, notamment celle de Jean-Michel Chesné, montrant des environnements peu connus du passé. Cette idée, je l'avais appliquée en illustrations de certains de mes articles sur des sites du passé (la Villa des Fleurs à Montbard, le Père Eternel à Trégastel par exemple).

     Les numéros spéciaux de Gazogène parus au cours de ces dernières années comptent certainement parmi les plus fertiles en découvertes de ce point de vue.

 

Gazogène n°32 couv.jpg

 

      Cependant, que ses proches me pardonnent une dernière remarque : j'apprends qu'une "cérémonie religieuse" sera observée en l'église de son village de Belaye. Or, Jean-François Maurice ne se proclamait-il pas libertaire? Qu'est-ce que cette cérémonie vient faire là dans ce cas?

02/03/2014

Gabriel Papel (Frère Théodose Lucien) et sa "Blanche Nef"

     Il y a quelque temps (faut pas que j'écrive "des lustres" parce que la mère Corvisart va encore me tomber sur le râble, d'autant que c'était seulement l'année dernière), j'ai évoqué du bout du clavier les pages d'un manuscrit aux splendides illustrations naïves qui passait en vente à Marseille en provenance de la collection Marc Billioud.

 

Image 9.png

Gabriel Papel, La Blanche Nef, Recueil d'Histoires, de Contes, de Vues, de Voyages imaginaires dans les plaines éthérées, prix 880 000 francs...

 

    Cela m'a valu une correspondance avec le bienheureux acheteur de ce manuscrit (qui préfère rester anonyme), dans laquelle, outre quelques-unes de ses illustrations, il me donne quelques précisions sur le récit empreint d'un joyeuse imagination débridée pour ne pas dire délirante. Il semble que l'auteur soit un moine puisque l'on trouve mentionnée sur une page du manuscrit la signature imprimée "Gabriel Papel, Frère Théodose Lucien" (je ne sais dans quel ordre on doit lire ce deuxième nom). Le manuscrit date de 1912 et évoque des événements liés à cette époque qu'il remixe au sein d'un nouvel ordre personnel. On reliera ce manuscrit, œuvre peut-être unique d'un autodidacte isolé, aux autres manuscrits enluminés par des écrivains-illustrateurs naïfs déjà évoqués sur ce blog, ceux de Marguerite Bonnevay (début XXe siècle) ou de Joseph Laporte, ancien tambour de l'armée de Bonaparte (début XIXe siècle).

 

Image 19.png

    Ci-dessous je mets en regard des aquarelles rehaussées à la gouache et leurs descriptifs tels que rédigés par mon honorable correspondant.

 

Image 8.png"Michel Louis, porte-drapeau revenu de Pékin"

 

 

 

 

Image 10.png

(Ci-dessus sont évoqués...) "Une "Blanche Nef construite en Rubidix" dont les hélices "mues par l'Ethérixité" parcourent le monde : un conflit italo-turc, une sombre forêt du Congo, un "palais dans le Tibet", le Vésuve, le Canada, Marseille, le Japon ... Autant de lieux où ce vaisseau spatial s'en va sauver les corps et les âmes, une mission divine, tout un programme..."

     L'image ci-dessous "raconte l'histoire de Léonie Lacas passagère en 3ème classe du Titanic. "La nuit du terrible choc Léonie ne put trouver place dans aucune barque"... "Elle nagea longtemps dans l'eau glacée". Mais la Blanche Nef la ramènera dans sa maison."

 

Image 12.png

 

La page suivante "raconte l'histoire d'un prisonnier qui reçoit une orange de l'Eden dont "la deuxième tranche renfermait ce palais merveilleux que vous voyez"."

Image 13.png

 

"C'est le récit du petit Léon qui fabrique une maquette de bateau que la Blanche Nef va transformer en un navire extraordinaire l'Australian."(Ci-dessous)

Image 15.png

 

Ensuite "l'auteur nous parle d'une famille qui grâce à la Blanche Nef va faire "une promenade dans l'étoile Altaïr"."

 

Image 16.png

 

 Puis, "c'est l'histoire de la petite Angelou Duplan qui habitait au pied de Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille et qui parce qu'elle était très pieuse verra ses vœux exaucés par la Blanche Nef."

Image 17.png

 

"Dans ce récit un vieil homme pauvre, monsieur Laramè qui va être récompensé, sa cabane se transforme en château parce qu'il avait partagé son "frugal souper" avec 3 enfants orphelins." (Voir ci-dessous) 

Image 20.png

 

Enfin, "c'est l'histoire d'un tyran qui s'appelle Barberousse et qu'un certain Achille aidé par la magie de la Blanche Nef va punir pour tous ses méfaits."

Image 18.png

 

01/03/2014

Noix de coco liégeoise

    Aperçue à Liège, la face de noix de coco ci-dessous, histoire de rebondir une nouvelle de fois sur les noix de coco sculptées, depuis les notes que j'avais posées il y a quelques lustres (2010 et 2012, je fais dans la noix tous les deux ans faut croire), notamment à propos d'un étrange personnage moustachu qui me fait penser à une sorte de Fu Manchu rigolard et qui lui aussi est taillé dans une noix aussi volumineuse qu'une calebasse (dans ma collection perso).

 

noix de coco sculptées,art modeste,art populaire contemporain,fu manchu,jean-louis clément

Photo Bruno Montpied, 2014

 

    La noix sculptée ci-dessus gîte à Liège, et est aussi moustachue, quoique plutôt à la manière de Charlot (ou de Hitler?), et a été chinée par M. Jean-Louis Clément qui s'intéresse beaucoup à l'art populaire autodidacte à qui il donne de temps à autre un nom original, le "déchant", terme emprunté au vocabulaire musicologique. Ce déchant (et non pas ce déchet, ne pas confondre) correspond selon Clément à une forme d'improvisation dans les arts visuels analogue à l'improvisation dans le domaine de la musique médiévale et plus près de nous dans le domaine du jazz par exemple (Clément est un féru de cette forme de musique). Cependant, je ne suis pas sûr que Jean-Louis Clément n'utilise pas ce terme avant tout dans le cas de peintures trouvées en brocante, dues à des inconnus ou des anonymes, que je rapprocherai personnellement plutôt de ce que nous avons évoqué sur ce blog sous le terme d'art de dépôt-vente, d'art de croûtes, voire de bad art comme on dit aux USA (c'est-à-dire de "l'art naze".

 

26/02/2014

Un peu d'éclairage supplémentaire du côté de Martine Doytier

    Un de mes lecteurs me signale, grand bien lui fasse, du nouveau du côté de Martine Doytier dont j'ai déjà parlé ici à plusieurs reprises. Le galeriste Jean Ferrero a donné en décembre dernier à la ville de Nice plus de huit cents œuvres de l'Ecole de Nice (César, Arman, Ben, et tutti quanti) à condition que celles-ci puissent être montrées dans un local à part. Ce serait dans un bâtiment situé au cœur de la vieille ville (local auparavant lié à l'urbanisme). L'Ecole de Nice, moi personnellement, ça ne m'emballe que fort modérément (Ben par exemple à mes yeux est une véritable supercherie). Mais dans le tas, il y a des tableaux de Martine Doytier, dont un que l'on aperçoit dans une vidéo un temps diffusé sur le site de Francetvinfo et sur une photo qui paraît représenter l'artiste, les yeux comme morts, assez effrayants, au milieu des figures connues de la dite "Ecole". Ce tableau semble être celui qu'une autre correspondante m'a récemment décrit comme "le dernier" aperçu par ma correspondante dans l'atelier de Martine Doytier avant le suicide de cette dernière.

 

Jean Ferrero dvt toile de M doytier, donation à la ville en décembre 13.png

Jean Ferrero, devant une toile de Martine Doytier (dont n'est montrée qu'une partie), sur le site de FrancetvInfo

    Décidément, plus je vois d’œuvres de Martine Doytier, plus je me dis qu'elle s'est fourvoyée dans ce milieu de l'Ecole de Nice, où elle manifestait infiniment plus d'originalité que tout le reste de la bande...

 

19/02/2014

Jean-Louis Cerisier s'exporte en Silésie

jean-louis cerisier,art naïf,figuration poétique,primitivisme lavallois,jacques reumeau musée de silésie de katowice,sonia wilk

Jean-Louis Cerisier, sans titre, 2008 ; un très beau Cerisier où l'on voit à l'œuvre l'influence de l'authentique art naïf

     Comme vient de me l'écrire Jean-Louis Cerisier, notre fameux peintre primitiviste lavallois souvent évoqué sur ce blog, le Musée de Silésie à Katowice (Pologne) lui fait l'honneur d'une exposition personnelle du 20 février au 4 mai 2014. Il devrait y présenter une quarantaine de créations des années 70 à aujourd'hui.

 

jean-louis cerisier,art naïf,figuration poétique,primitivisme lavallois,jacques reumeau musée de silésie de katowice,sonia wilk,art singulier

 

 

jean-louis cerisier,art naïf,figuration poétique,primitivisme lavallois,jacques reumeau musée de silésie de katowice,sonia wilk

Jean-Louis Cerisier, Portrait de Bruno Montpied au paradis, date? (Jean-Louis est bien bon de me croire une place plutôt réservée au paradis qu'en enfer...), ou le portrait d'un Singulier par un Naïf...?

 

     Voici un extrait du texte écrit à cette occasion sur Cerisier par Sonia Wilk, la commissaire de l'exposition: "Jean-Louis Cerisier a commencé à peindre au début des années 70. Il rencontre en 1974 le peintre Jacques Reumeau, qui exerce une énorme influence sur son imagination et sur sa façon d’envisager sa propre création. Grâce à l’amitié nourrie de fréquentes discussions  partagées avec Reumeau, il comprend que dans l’art l’imitation doit être rejetée absolument, qu’il faut en revanche exprimer avant tout sa personnalité,  ses pensées, son rapport au monde. L’art devient alors une réalité parallèle, d’une part créée par l’imagination et, d’autre part, une mise au jour de ce qui est profondément caché.  La création s’avère alors pour Cerisier une façon de conduire un discours sur lui-même et avec lui-même. A l’intérieur du principe de réalité et directement à travers les œuvres,  le peintre opère une sélection  dans le monde surréaliste de ses propres rêves, sentiments et souvenirs. Dans la peinture Les chimères de Saint Lyphard, nous voyons ainsi le souvenir d’un voyage familial en voiture.jean-louis cerisier,art naïf,figuration poétique,primitivisme lavallois,jacques reumeau musée de silésie de katowice,sonia wilk et, dans Situations : carnaval de banlieue, un ciel bleu s’étendant au-dessus d’un visage dirigé vers lui. Ce sont certainement des souvenirs tangibles, ayant des racines dans des situations de la vie de l’artiste. En surface, les deux images sont claires, résolument sentimentales, mais nous sentons instinctivement que nous ne sommes pas associés à ce « quelque chose d’agréable » vers lequel l’auteur revient volontiers. La composition, les relations mutuelles entre les sujets et les objets permettent en passant au destinataire d’essayer de comprendre ce qui s’est passé, ce que propose l’auteur. Soudain, celui-là repère un élément intriguant : une échelle tournée vers le ciel, une voiture en feu sur le bord de la route. Habilement, le peintre établit une atmosphère, diffuse des émotions."

 

jean-louis cerisier,art naïf,figuration poétique,primitivisme lavallois,jacques reumeau musée de silésie de katowice,sonia wilk

Jean-Louis Cerisier, Situations: Carnaval de banlieue, 23 x 30, 1995

 

11/02/2014

Un Autre Regard au musée Singer-Polignac (2)

    Deuxième volet de mon regard d'amateur plutôt documenté (ce que je dis là non pas pour me faire mousser mais pour expliquer d'où je parle, et ce qui conditionne ma critique), je tenais à présenter ici un retour sur l'exposition concoctée entre autres par Déborah Couette et Anne-Marie Dubois dans les locaux du Musée Singer-Polignac dans l'enceinte de l'Hôpital Sainte-Anne pour les trente ans de la Fabuloserie, maintenant que je l'ai vue. L'idée de cette manifestation était de rassembler pour l'occasion des œuvres peu ou jamais montrées. Si l'on s'en tient à ce terme "d’œuvres", et non pas au terme de "créateurs", le pari est en effet réussi, dans la majorité des œuvres exposées. Dans une précédente note de ce blog (note qui n'était qu'une rêverie sur ce qui paraissait promis aux yeux d'un amateur de type documenté tel que mézigue), j'avais l'air de contester l'absolue nouveauté des pièces qui étaient annoncées, alors que je ne contestais que la nouveauté des noms. Certains créateurs en effet, sans qu'on connaisse l'ensemble de leurs œuvres, ont un style tellement reconnaissable que la présentation de telle ou telle de leurs productions inconnues ne peut être une véritable surprise. Exemples en l'occurrence: Aloïse, Thérèse Bonnelalbay, François Portrat, Nedjar, Jean Bordes, Domsic, Pépé Vignes, Scottie Wilson,  Barbiero, Michèle Burles (il est vrai rarement exposée depuis quelques temps) ou Pascal Verbena, soit onze auteurs sur les 26 présentés. Il en reste 16 qui représentent en effet un approfondissement réel de notre connaissance du vaste champ des arts d'autodidactes bruts ou singuliers ("bruts": Aloïse, Wilson ou Domsic (dont Bourbonnais apparaît dans le catalogue comme le premier découvreur), "singuliers": Nedjar, Burles ou Verbena), cela dit du point de vue d'un amateur hyper documenté, je le répète et le souligne lourdement (au cas où des lecteurs type "Nazebrock" ou "la Bestiole" s'énerveraient encore).

     Si Gaston Chaissac est connu, avec une une écriture reconnaissable entre toutes lui aussi, il fut surprenant de découvrir trois de ses œuvres dans la collection de la Fabuloserie. Je ne me souviens pas en effet au cours de mes multiples visites à Dicy en avoir jamais vu d'accrochées aux murs.     

     Pareil peut-être avec Jean Pous, connu pour ses galets gravés très archaïsants. Il y a au musée Singer-Polignac trois dessins au stylo et à la gouache sur carton très frappants et assez peu connus.

       Si Thomas Boixo, interné dans un hôpital d'Amiens, avec ses dessins aquarellés sur papier, personnellement me laisse plutôt froid (peu de contraste, des couleurs ternes et terreuses, une grande austérité), je conçois cependant qu'il puisse représenter aux yeux de certains une nouveauté. Pour moi, je comprends qu'il ait pu rester enfermé dans les réserves...

        Je l'ai dit dans ma précédente note d'avant expo, les dessins à l'encre de l'anonyme surnommé "Pierrot le fou", passablement obsédé dans les années 30 par l'univers des boucheries et des abattoirs (était-il lui-même un louchebem?), restent une intrigante découverte, bien qu'ils soient mal présentés dans l'exposition dans leurs cages de verre collées aux murs.

 

un autre regard,la fabuloserie,le centre d'étude de l'expression,musée singer-polignac,déborah couette,anne-marie dubois,guivarch,jean pous,françois portrat,anonyme dit pierrot le fou,gaston teuscher,environnements spontanés,chaissac,les singuliers de l'art

René Guivarch à l'expo "Un Autre Regard", ph. Bruno Montpied, 2014

 

      J'ai été content aussi de découvrir enfin le "cochon" de René Guivarch ci-dessus), auteur d'origine bretonne que je connaissais seulement par le catalogue des "Singuliers de l'Art" de 1978 au musée d'art moderne de la Ville de Paris. Le catalogue de l'expo, fort bien fait, simple et concis avec des illustrations parlantes, nous apprend qu'il habitait dans le Lot, "à moins de quarante kilomètres" d'Emile Ratier, autre créateur que collectionna aussi Alain Bourbonnais, et qu'il se prénommait en réalité "Stanislas". Et aussi que la collection d'art-hors-les-normes possède quatre-vingt-huit autres pièces de cet auteur. De quoi faire une autre exposition au Musée Singer-Polignac sans attendre le prochain anniversaire décennal de la Fabuloserie?     

     D'Emile Ratier, on peut admirer un "couple qui va faire de la musique dans les bals", groupe de statues en bois et matériaux divers (80x45 cm) qui nous change de ses machines et édifices plus connus (voir ci-dessous). un autre regard,la fabuloserie,le centre d'étude de l'expression,musée singer-polignac,déborah couette,anne-marie dubois,guivarch,jean pous,françois portrat,anonyme dit pierrot le fou,gaston teuscher,environnements spontanés,chaissac,les singuliers de l'art

    Quelques grands dessins de Jean Couchat (1946-1997), dont autrefois Marie Jakobowicz qui était amie avec lui m'avait dit le plus grand bien, m'ont paru datés, vieillis, le temps passé nous ayant montré tant d'autres taches interprétées, tatouées de labyrinthes de lignes et de figures par tant d'autres auteurs que je ne puis plus leur trouver la moindre fraîcheur, que je ne peux plus y rencontrer de surprise.

 

un autre regard,la fabuloserie,le centre d'étude de l'expression,musée singer-polignac,déborah couette,anne-marie dubois,guivarch,jean pous,françois portrat,anonyme dit pierrot le fou,gaston teuscher,environnements spontanés,chaissac,les singuliers de l'art

Huit dessins de Jacqueline B. (Jacqueline Barthes) à l'expo "Un autre regard", ph. BM, 2014

 

    Trois dessinatrices, Gala Barbisan, Marianne Brodskis et Jacqueline Barthes (découverte autrefois par Alphonse Chave), les deux premières plus brutes avec leurs graphismes  touffus au stylo ou à l'encre, la troisième plus figurative et enfantine aussi peut-être, se laissaient regarder avec beaucoup de plaisir. Nous étions alors plus en pays de connaissance "brute" que jamais, décidément assez loin de la Fabuloserie qui nous les avait cachées. Même les trois poupées de Simone Le Carré Galimard, plus faciles à appréhender que ses habituels emboîtages fourmillant de rebuts colorés, plus directement enfantines, paraissaient venir d'une autre Fabuloserie.

 

un autre regard,la fabuloserie,le centre d'étude de l'expression,musée singer-polignac,déborah couette,anne-marie dubois,guivarch,jean pous,françois portrat,anonyme dit pierrot le fou,gaston teuscher,environnements spontanés,chaissac,les singuliers de l'art

La signature de Cammi au verso d'un de ses dessins de 1988

 

     Des dessins au vin ("col vino" et non pas "col nino" comme il est noté dans le catalogue et les cartels de l'expo) de Marcello Cammi étaient aussi exposés, avec clairvoyance car ces œuvres sont moins montrées que les photos de ses statues autrefois exposées par l'auteur en bordure d'une petite rivière à Bordighera. Mais il reste que j'aurais aimé aussi voir les statues qui ont été sauvées par la Fabuloserie (le catalogue nous apprend cependant qu'elles seraient actuellement exposées dans leurs locaux).

    Les dessins d'un architecte quelque peu utopiste, Philippe Mahaut, peut-être un peu trop proches de la bande dessinée de fantasy, et donc un peu trop illustratifs, venaient là, en dépit de leur séduction visionnaire, comme un cheveu sur la soupe. Leur aspect illustratif renvoyait en effet à un au delà narratif, un récit de fantasy qui restait manquant.

     Enfin, il était agréable de se noyer dans les encres charbonneuses de Gaston Teuscher.

      Cette expo constitue ainsi une étrange collection annexe, une collection alternative de la Fabuloserie, vue peut-être beaucoup (trop?) de son côté ombreux, obscur, par un choix privilégiant des œuvres ressemblant à celles qu'on associe aux travaux d'aliénés (influence du Centre d'Etude de l'Expression hôte de la manifestation?), alors qu'elle est par ailleurs connue pour son aspect festif, truculent, coloré, baroque qui ne néglige pas le regard de l'enfance. C'est personnellement ce que j'aime du reste dans cette collection. A la Fabuloserie il n'y a pas que de l'art brut, il y a aussi des inspirés du bord des routes (c'est le plus grand musée européen de plein air consacré à ces créateurs à part),un autre regard,la fabuloserie,le centre d'étude de l'expression,musée singer-polignac,déborah couette,anne-marie dubois,guivarch,jean pous,françois portrat,anonyme dit pierrot le fou,gaston teuscher,environnements spontanés,chaissac,les singuliers de l'art de l'art naïf (sans doute le plus souvent anonyme?), des contemporains singuliers (quid d'Andrée Moiziard par exemple?), de l'art populaire afghan, etc., toutes sortes de choses qui ont justifié l'emploi du terme "d'art-hors-les-normes" en sous-titre de la collection. On aurait aimé en apprendre plus du côté de ces réserves-là aussi. Mais il est vrai que le Musée Singer-Polignac n'a pas des locaux extensibles à volonté...

    

06/02/2014

Création Franche n°39

création franche n°39,charles clave,extra-terrestres

Couv' du dernier numéro de la revue Création Franche, novembre 2013

 

    J'ai laissé passé la date de sortie du dernier numéro de CF, je suis impardonnable. C'est peut-être parce que je n'avais pas grand-chose à y relever regardant mes propres centres d'intérêt, hormis deux textes... ma propre contribution que j'estime très immodestement capitale en ce qui concerne l'information sur un inspiré de Franche-Comté que l'on a bien oublié, à savoir Charles Clave. Il avait été révélé (à ma connaissance) par Pierre Bonte dans un de ses bouquins sur les personnalités insolites de la France profonde, Vive la vie! (Livre de poche/Stock, 1977). Depuis un autre article de Création Franche, plus ancien (n°5, 1991), dû à Bernard Chevassu, illustré de photos peu parlantes, on n'avait vraiment plus eu aucune nouvelle de lui (en tout cas dans les média spécialisés), alors qu'il était disparu entre temps en 1998.

 

création franche n°39,charles clave,extra-terrestres,pierre bonte,bernard chevassu

Charles Clave (1920-1998), son portrait par un photographe non crédité, exposé dans le local municipal où l'on conserve ses œuvres, objets, et quelques souvenirs

 

     En fouillant sur cet immense Argus qu'est Internet, où l'on peut quand la nostalgie nous prend aller voir ce que sont devenus "les copains d'avant" et les créateurs d'art brut dont tout le monde se contrefout, parce que pas si facilement "bankables", on retrouve à l'occasion des nouvelles de personnages comme ce "Charlot", alias Charles Clave, que la municipalité de son village, Frasne-le-Château, a su conserver, du moins pour ce qui concerne les œuvres qu'il lui avait léguées. J'en donne le nombre précis dans cet article, que j'ai intitulé "Charles Clave, retrouvailles avec un facteur visionnaire franc-comtois". De même que j'y cite le travail d'interface précieux de Mme Christine Péquignot qui dans sa boutique de travaux artisanaux (peut-être trop en contraste avec les extra-terrestres de Charlot qu'elle présente mêlés à eux) sert de relais entre la mémoire de Clave et les quelques indécrottables curieux qui viennent encore demander de ses nouvelles. Pour en savoir plus, il faut contacter son Association "Empreinte d'Art", 17, rue des Grands Vergers, 70 Frasne-le-Château, tél: 03 84 32 44 65. Et voici l'adresse du site web sur lequel j'avais trouvé avec surprise des infos prouvant qu'on ne l'avait pas oublié à Frasne:  http://www.empreintedart.com/pages/documentation/hommage-...

 

création franche n°39,charles clave,extra-terrestres,pierre bonte,bernard chevassu

 

     Ce numéro de Création Franche contient, second texte qui me concerne vivement, un édito fort enlevé de son directeur de publication Pascal Rigeade, ulcéré des manœuvres actuelles de l'establishment chargé de nous vendre de l'art contemporain s'incorporant la viande fraîche de l'art brut, sans état d'âme, en piétinant au passage les cadavres de ceux qui le produisent, en inventant même au besoin ceux qui le produisent, de façon à ce qu'ils soient plus aisément au gabarit du marché. Tout cet édito reçoit mon approbation sans réserve, bravo Mister Rigeade. Evoquant la récente Foire d'art "outsider" à l'Hôtel le A à Paris (voir à ce propos à titre de comparaison la note que j'ai consacré sur ce blog en octobre dernier à cette manifestation), voici le dernier paragraphe de cet édito cinglant (intitulé "Main basse sur l'art brut"):

     "Il ne saurait évidemment s'agir des auteurs rassemblés par Dubuffet dans sa collection: ils sont insolubles. Il est question des artistes intronisés par une oligarchie instituée par et pour l'argent, proclamant désormais ce qui "fait" ou non art brut, au service de ses propres intérêts, du patrimoine de sa clientèle. Après tout, on n'est jamais mieux servi que par soi-même. La réalité, c'est que cette première Foire d'Art Outsider en France consacre le triomphe des marchands. L'art brut pour prétexte, ils tiennent comptoir à l'hôtel, stimulent de nouveaux flux financiers sur lesquels, dans le même mouvement, ils font main basse. Tous recevaient en chambre, œuvres étalées sur literie XXL, oubliant ou feignant d'ignorer l'avertissement de Dubuffet, «l'art ne vient pas se coucher dans les lits qu'on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu'on prononce son nom ; ce qu'il aime c'est l'incognito». Qu'en reste-t-il?"

     Au sommaire de ce numéro, on trouve également une dessinatrice médiumnique, Yvonne Cazier présentée par Alain Bouillet, les schémas arithmétiques de Pascal J. présentés par Denis Lavaud, un article de Paul Duchein sur Verbena, un entretien de Pascal Rigeade avec les collectionneurs Max et Korine Ammann.

 

Et pour se procurer Création Franche? En dehors de la Halle Saint-Pierre rue Ronsard dans Paris 18e, il vaut mieux s'adresser directement au Musée de la Création Franche à Bègles, voir ici leurs coordonnées. A signaler une nouvelle double exposition en ce moment, Yves Jules et Pierre Albasser, du 31 janvier au 30 mars.

 

 

01/02/2014

Le Docteur P., un texte de Jacques Burtin

Le Docteur P.

 

   Nous habitions alors une petite maison de style forestier dans la banlieue Est de Paris.

   Les murs étaient en meulière ; les balcons, le pont au-dessus de la fausse rivière étaient en ciment sculpté en forme de troncs d’arbre. Le petit cours d’eau (on en commandait le débit avec un robinet) prenait sa source au pied d’un hêtre pourpre et allait mêler ses eaux à un minuscule bassin d’où l’on pouvait faire jaillir une fontaine. Un poisson rouge aux dimensions respectables et à l’âge très avancé hantait la rivière et répondait au nom de Lao Tseu.

    Nos deux enfants, nés à Paris, près de la Place d’Italie, grandirent dans cette petite ville de l’Est parisien et développèrent les mêmes symptômes que la plupart de leurs camarades de maternelle : ils souffraient d’otites à répétition. Aux premiers signes de douleur et d’insomnie, nous nous rendions chez le pédiatre qui constatait l’origine du mal et nous enjoignait de rendre visite à un spécialiste de ses amis. Ce dernier, un homme grand et sec au visage imperturbable, prenait l’enfant malade et, lui tenant la tête d’une main, de l’autre perçait son tympan avec un stylet. Le mal alors s’éloignait jusqu’à la prochaine fièvre qui nous pousserait de nouveau chez lui.

    Le nom de ce médecin était le Docteur POIGNARD.

 

    Jacques Burtin

    pour Bruno

    01.02.2014

30/01/2014

Et Roger Mercier quitta le "navire" de Bresse-et-Castille lui aussi...

      Tout passe, tout lasse, tout casse...

    Est-ce qu'une grosse page générationnelle serait en train de se tourner? Après les disparitions d'André Hardy, d'Horace Diaz et la mise en maison de retraite des frères Vanabelle, voici que je découvre aussi le départ de Roger Mercier, l'extraordinaire auteur du "Château de Bresse-et-Castille" qui se dresse à Damerey en Saône-et-Loire, construit par lui entre 1982 et 2000 pendant ses années de retraite (comme le proclame un panneau apposé bien en vue à l'entrée de sa propriété, entrée qui est cintrée comme une énorme demi-barrique).

 

Portrait-serre-de-RM.jpg

Portrait de Roger Mercier dans l'encadrement de sa porte d'entrée, en arrière-plan des statues représentant des danseurs espagnols en costume traditionnel, photo Bruno Montpied, mai 2013

 

 

Photo-d'ensemble,-JLMontpie.jpg

Roger Mercier, vue d'ensemble de son "Château de Bresse-et-Castille" avec la maison bressane au premier plan à gauche, photo Jean-Loup Montpied, mai 2013

 

   "Après avoir mûrement réfléchi" sa décision, comme l'écrit le Journal de la Saône-et-Loire où j'ai trouvé l'info, monsieur Mercier est parti dans sa famille à Epervans, sans doute trop fatigué pour vivre seul sous la grande tour de son "Château" (dans ce complexe muni de plusieurs bâtiments de diverses proportions, il possédait aussi une maison bressane sur le devant, le long de la nationale, qu'il louait et au bord de laquelle il avait installé quelques animaux en ciment: otarie, cerf, perroquets, biche et son faon, un loup (ou un chien noir?), un panda...). Installations confiantes mais périlleuses, placées ainsi si près des voitures, car il avait retrouvé une de ses statues au matin explosée sur la route par quelques jeunes vandales ayant voulu bêtement s'amuser à quelque bowling idiot...

 

roger mercier,château de bresse-et-castille,ange des inspirés,damerey,journal de saône-et-loire,maisons bressanes,jean-loup montpied

Façade maison bressane, de l'otarie au panda, ph. BM, 2013

 

    Je l'avais visité in extremis en mai de l'année dernière en compagnie de mon frère. Sans avoir prévenu au préalable, on était tout de même tombé sur lui, par chance (ou bien grâce à l'Ange des Inspirés qui m'est toujours fidèle), et il nous avait fait visiter rapidement le chef d'œuvre de sculpture et d'architecture qui éclate avec évidence autour de la cour à l'arrière... Certes il portait son âge (87), mais vibrait en lui une énergie que j'aimerais bien avoir lorsque j'atteindrai  la même limite (si tant est que j'y arrive...).

 

roger mercier,château de bresse-et-castille,ange des inspirés,damerey,journal de saône-et-loire,maisons bressanes,jean-loup montpied

La cour du "château" vue de l'arrière, ph.BM, 2013

 

    J'aime sa cour qui ressemble à une scène et un décor de théâtre jouant toujours la même pièce, à la trame inspirée semble-t-il par sa compagne d'origine espagnole, malheureusement disparue il y a peu d'années. Les références aux clichés touristiques de l'Espagne, le taureau, le matador, le picador, la danseuse de flamenco entourée de ses guitaristes, une Bodega aussi plutôt mexicaine avec son consommateur titubant au fond d'une unique salle, le disputaient à une référence plus maritime pour le coup, Neptune, son trident, et deux sirènes tenant un gouvernail avec une tête au centre.

 

roger mercier,château de bresse-et-castille,ange des inspirés,damerey,journal de saône-et-loire,maisons bressanes,jean-loup montpied

Neptune et ses sirènes, ph.BM, 2013

 

 

   Une Espagnole brandissant une lanterne, dans une posture faisant songer à la Statue de la Liberté de Bartholdi, se tient roide sur une colonne qui la magnifie, dominant le petit peuple des statues. Sous la plus haute tour, un paon fait la roue (il y en a un autre sur la façade de la maison bressane côté route), symbole de la fierté du créateur? D'autant que sur plusieurs faces de cette tour, on devine le moulage de la tête de Roger Mercier incrusté au milieu de masques en formes de soleils... Roi-Soleil, Roger Mercier? Qu'il ne se couche jamais, alors...

 

roger mercier,château de bresse-et-castille,ange des inspirés,damerey,journal de saône-et-loire,maisons bressanes,jean-loup montpied

Les effigies de Roger Mercier moulées dans des soleils, ph.BM, 2013

 

26/01/2014

Boussuge, une double vie?

    Oyez, oyez, qu'est-ce que j'ai récemment appris (de la bouche de Thierry Bucquoy)? Il existerait à Bourges (ou bien, "il a existé"...?) un clochard, peintre aquarelliste plutôt du genre "naïf", répondant au doux nom de... Boussuge. Plusieurs notables de la ville posséderait de ses œuvres... Un parent de notre Boussuge, à quelques-uns d'entre nous les demi-Auverpins qui fréquentons assidûment ce blog? Je suis sûr que notre Boussuge n'en reviendra pas d'en apprendre de si belles... Mais un doute me prend, j'espère que notre Cantalou ne mène pas une double vie, ou du moins, s'il la mène (et après tout ce serait bien son droit, un destin différent -à défaut d'une fille- dans chaque port...), qu'il ne nous a pas fait une cachotterie...

 

      -J._Boussuge (Maroc)_-_Belle_mauresque_2.jpg                        tatouage-nils-boussuge-.jpg

Des autres Boussuge... A gauche une photo de J.Boussuge, une "belle Mauresque" saisie au Maroc dans les années 20, à droite l'œuvre d'un tatoueur contemporain, Nils Boussuge... Il pleut des Boussuge, semble-t-il

 

18/01/2014

Darnish prolongé jusqu'à fin février à Montmartre

    Petit codicille à ma note du 11-12-13, il faut vous prévenir, Parisiens résidents ou visiteurs de passage dans notre belle capitale, la Galerie 17, sise au 17, rue de Constance dans le XVIIIe ardt (c'est à Montmartre, tout près de la rue Lepic), prolonge l'expo Darnish, dans son petit local si bien agencé et si bien adapté aux travaux de notre ami artiste breton. Il y a de tout dans cette galerie semblable à un cube rempli d'œuvres, des objets en bouteille, des collages sur planches de récupération, des personnages frêles en assemblage, une construction proliférante, des gravures, et un joli petit catalogue d'images détachées que présente un texte d'Hakim Bey. A vous de voir si vous voulez découvrir avant tout le monde un artiste original du moment, tel que présenté ici dans le cadre d'une galerie qui diffuse des créations sous l'égide du collectif Venus d'Ailleurs.

 

Couv porte-cartes Galerie 17, 2013-14.jpg

Le petit "catalogue" de l'expo comportant des images sous forme de cartes

6.jpg

Darnish, sans titre, collage sur planche, ph Samantha Richard

 

 

16/01/2014

"Une après-midi avec Bruno Montpied" à Montauban, le 25 janvier

    Sera-ce une des dernières rencontres autour de l'Eloge des Jardins anarchiques? Avant de continuer les années suivantes avec un nouveau projet? Si les petits cochons ne me mangent pas, ce pourrait être une bonne prédiction...

bandeau rencontre Montauban 2014.jpg

 

       Donc, rendez-vous samedi 25 janvier, dans dix jours, à tous ceux que cela intéresse pour une nouvelle projection dans l'auditorium de la Mémo, la médiathèque de Montauban, du film Bricoleurs de paradis (le Gazouillis des Eléphants) de Remy Ricordeau, acccompagné pour suivre d'un débat de votre serviteur avec le public qui sera présent. La rencontre prend place dans une petite série d'animations organisées autour de l'exposition des œuvres de Jacques Chaubard, dit Babar, intitulée "Babar, bricoleur de bonheurs" (3 novembre 2013 au 1er mars 2014), à la Mémo (expo montée avec le concours de Maurice Baux, libraire-bouquiniste à Montauban, et Daniel Piquemal).

 

babar_affiche.jpg

    C'est ainsi aussi que le 1er février prochain sera montée dans le même auditorium la pièce de théâtre de Suzanne Lebeau sur Petit-Pierre, l'homme du fameux Manège qui est conservé dans le parc de la Fabuloserie.

15/01/2014

Arthur Vanabelle lui aussi a été placé en maison de retraite...

     Et voici que j'apprends aussi, après les disparitions d'Horace Diaz et d'André Hardy l'année dernière, qu'Arthur Vanabelle, que l'on voit dans le film Bricoleurs de paradis en train de rigoler en dépit de problèmes de santé liés à son âge (son frère César, même âge qu'Arthur à peu de choses prés, était présent hors champ durant l'interview, lui aussi passablement douloureux), a été transféré dans une maison de retraite, probablement par aggravation de son état de santé. Du coup, certains se mettent à pétitionner, redoutant de voir disparaître à brève échéance cette "Base de la Menegatte" (son véritable nom plutôt que "la ferme aux avions"), proche de Steenwerck dans le Nord. Ils réclament des "valorisations" par le département, la région... Moi, excusez-moi, mais ça ne me sourit guère, quand je vois ce qu'on est en train de faire comme "valorisation" autour du Palais Idéal du Facteur Cheval, en train de devenir le Mont-St-Michel de l'art brut, je me dis qu'il vaut mieux à tout prendre que les choses en restent là, qu'on les abandonne à leur poésie éphémère... Peut-être faut-il aussi rappeler que le LaM de Villeneuve-d'Ascq à côté de Lille paraissait soucieux de garder la mémoire du lieu, puisqu'il semble que des personnes commanditées par ce musée (qui possède comme on sait une grande collection d'art brut, avec un sous-ensemble consacré aux "habitats poétiques" populaires) étaient venues il y a quelques années (avant notre tournage des Bricoleurs de paradis) effectuer des relevés et des plans du site.

 

1988,-Vue-générale-400DPI.jpg

Site créé par Arthur Vanabelle avec girouettes-avions, tank, canons anti-aériens, portraits de soldats, etc., photo Bruno Montpied, d'après une diapositive, 1988 (avec José Guirao planté entre deux canons)

AV-deprofil-,juin-10.jpg

Arthur Vanabelle, de rares dessins de lui en arrière-plan, pendant le tournage de Bricoleurs de Paradis, ph. BM, 2010


13/01/2014

André Hardy est doublement parti désormais

     J'avais chroniqué l'annonce du démantélement en cours en 2011 de son jardin de sculptures populaires en ciment et coquillages qui avait tenu environ 40 ans à Saint-Quentin-des Chardonnets dans l'Orne. J'avais informé que les statues étaient alors en train d'être vendues et dispersées (il y en a par exemple cinq de parties au LaM de Villeneuve-d'Ascq, un lion, un poney, et un léopard avec son petit et une proie ; la fameuse baleine bleue d'au moins deux mètres de long a été également vendue, mais je ne sais à qui, etc.). André Hardy avait vendu, était parti une première fois ne pouvant plus faire face à certaines difficultés. Et voici que j'apprends qu'il s'est absenté encore plus définitivement. Sinon le souvenir de sa personne (je n'ai jamais eu l'occasion de le rencontrer), je garderai le souvenir de son œuvre, avec la satisfaction d'avoir contribué, avec d'autres bien sûr, à la maintenir un peu connue des amateurs grâce à mon livre et ce blog. Son jardin était un des plus harmonieux et des plus merveilleux que l'on ait eu en France.

André Hardy 1921-2013

 

Andre-Hardy-en-compagnie,-R.jpg

André Hardy et son Andalouse, photo Remy Ricordeau, 2008 (peut-être une des dernières, sinon la dernière photo de lui dans son jardin?)


12/01/2014

Araignées au plafond

     Je suis sur le point de quitter ma chambre d'hôtel à Périgueux, et je ne sais pourquoi, alors que je n'ai aucune raison de le faire, et que je ne l'ai pas fait depuis que je suis entré dans cette chambre la veille au soir, je lève les yeux au plafond, peut-être pour faire le tour complet de ce que j'aurais pu oublier (d'ailleurs j'oublierai quelque chose: la clef). Et qu'est-ce que je découvre? Ces deux araignées-là, ou plutôt ces deux soleils, ces deux étoiles...

Araignees-au-plafond,-hotel.jpg

Araignees-au-plafond-2,-plu.jpg

Etoiles, araignées ou soleils créés par cloquage sur plafond, ph. Bruno Montpied, Périgueux, 2013

10/01/2014

Adieu Horace... Que ton souvenir ne s'efface pas

Horace Diaz: 1928-2013

Un-beau-portrait-d'Horace.jpg

Photo Bruno Montpied, juillet 2012


07/01/2014

Deux expos d'art brut français, André Robillard, Jean Smilowski

Jean Smilowski

   "L'association La Poterne a le plaisir de vous convier au vernissage de l'exposition "Infiniment Jean Smilowski" (du 18 janvier au 8 juin 2014) organisée par le Musée d'Ethnologie régionale de Béthune et la Ville de Béthune avec le concours de l'association La Poterne, qui se tiendra le vendredi 17 janvier, 18 heures, à la Chapelle Saint-Pry, rue Saint-Pry à Béthune." Tel est le message reçu récemment dans ma boîte à mails et dont je pense nécessaire de vous faire profiter si vous croisez dans les parages de Béthune. On ne découvre jamais mieux l'œuvre conservée de Smilowski, l'homme qui habitait un ranch souterrain près des fortifications de Vauban dans le Vieux-Lille, qu'à travers les présentations qu'en fait régulièrement l'association La Poterne, animée entre autres par Bénédicte Lefebvre, fidèle depuis des années à la mémoire de cet original Inspiré du Nord.

 

l'association la poterne,bénédicte lefebvre,jean smilowski,andré robillard,jean delaunay,tuer la misère,changer la vie


    A noter qu'au vernissage, sera servi un cocktail préparé "par les élèves du Lycée Hôtelier Marguerite Yourcenar de Beuvry" (dixit le carton d'invitation). Il faut dire que Beuvry est un nom particulièrement prédestinant pour des personnes en charge de fabriquer des cocktails… Isn't it?

André Robillard est exposé au musée des Beaux-Arts d'Orléans

    Autre exposition d'art brut français (moi qui en réclamais, je suis servi, quoique pas à la Halle Saint-Pierre et en ordre dispersé en province), dépêchez-vous de vous rendre à Orléans car il ne reste que quelques semaines de janvier pour vous rendre compte de ce qui a été montré du travail à multiples orientations d'André Robillard, qui aura 83 ans cette année, au musée des Beaux-Arts d'Orléans (du 24 octobre 2013 au 26 janvier 2014).

 

l'association la poterne,bénédicte lefebvre,jean smilowski,andré robillard,jean delaunay,tuer la misère,changer la vie

Couverture du catalogue de l'exposition du musée des Bx-Arts d'Orléans


    Un fort joli catalogue est paru à cette occasion (ne coûtant que 10€, une autre façon de tuer la misère), avec des textes de Savine Faupin, de Jean Delaunay, des propos de Robillard retranscrits par Alexis Forestier, l'homme avec qui Robillard a beaucoup tourné dans les spectacles musico-théâtraux "Tuer la Misère" et "Changer la vie". Jean Delaunay est directeur des soins au centre hospitalier Georges Daumézon, centre où fut autrefois, dans les années 60 et après, hospitalisé Robillard, dès l'âge de 9 ans, par son père qui ne pouvait pas s'en occuper en raison d'une certaine violence et d'une trop grande "nervosité" (attitudes qui disparurent avec le temps et le recours à la créativité, qui fut encouragée, dès qu'elle fut reconnue, par les soignants de l'hôpital dont les Dr Renard Gentis). Son père était un garde-chasse, ce qui n'est pas étranger à la confection obsessionnelle par son fils André de toute une série de fusils bricolés à partir de matériaux de récupération, fusils qui ont fini par faire sa gloire dans le monde des amateurs d'art brut, et pas étranger non plus à sa grande fascination pour les animaux en tous genres.

 

l'association la poterne,bénédicte lefebvre,jean smilowski,andré robillard,jean delaunay,tuer la misère,changer la vie

Le monument au fusil d'André Robillard devant le centre Georges Daumézon ; André Robillard pose sans doute avec le responsable de l'entreprise qui a fabriqué le fusil (avec des tubes en acier inoxydable achetés directement en magasin, et non pas récupérés, pérennité du monument oblige, ce qui peut paraître contradictoire avec le côté très souvent éphémère de nombreuses réalisations brutes), ph. Frédéric Lux, 2013


      Cette gloire, comme on sait lui a attiré l'intérêt du monde du théâtre (la compagnie d'Alexis Forestier et Charlotte Ranson, les Endimanchés) qui lui a proposé maintes collaborations sur scène. Récemment a été créé aussi devant le centre Daumézon d'Orléans un monumental fusil fabriqué par une entreprise avec, finalement, la collaboration de Robillard qui a surligné divers éléments dont la crosse (vernie, mais combien de temps durera ce monument, même si est annoncée une maintenance sous la supervision de la DRAC locale?). Comme l'écrit Savine Faupin dans le catalogue, tout va bien tant qu'on respecte la liberté de créer de Robillard, mais est-on bien sûr qu'on l'a respectée dans le cadre de ce fusil gigantesque dressé sous le ciel, dont il ne paraît pas que l'initiative revienne totalement au départ à André Robillard (et au fait, a-t-il touché le moindre kopeck sur cette commande?).

 

l'association la poterne,bénédicte lefebvre,jean smilowski,andré robillard,jean delaunay,tuer la misère,changer la vie

Ph. Frédéric Lux, 2013


    Le catalogue présente les œuvres de Robillard telles qu'on les connaît depuis les années 80 (l'expo s'est faite avec des prêts du LaM qui possède des œuvres grâce à la donation de l'Association L'Aracine), du coup, comme la collection de l'art brut, qui possède des œuvres plus anciennes (puisque Robillard a commencé dans les années 50), n'a pas participé à cette expo, le public peut croire que Robillard a commencé dans ces années 80 (années de début de la collection de l'Aracine), ce qui est erroné. Le catalogue les présente dans leur chronologie, facile à reconstituer puisque Robillard appose scrupuleusement les dates de création sur toutes ses œuvres, qui sont loin de se limiter à des fusils en trois dimensions. On peut essayer de voir si son inspiration faiblit au fur et à mesure du temps (il avoue en aparté en avoir un peu marre de faire des fusils...!). Personnellement, je trouve d'ailleurs qu'il est bien meilleur dans ses expériences graphiques, dans ses paysages de la Lune où marchent Aldrin et Armstrong, comme on pourra s'en convaincre ci-dessous:

 

l'association la poterne,bénédicte lefebvre,jean smilowski,andré robillard,jean delaunay,tuer la misère,changer la vie

André Robillard, La Conquête de l'espace, coll. Frédéric Lux

l'association la poterne,bénédicte lefebvre,jean smilowski,andré robillard,jean delaunay,tuer la misère,changer la vie

Diverses œuvres d'André Robillard agencées par Frédéric Lux


01/01/2014

Voeux 14

Fougeres,-PdD,-petite-vierg.jpg

Photo Bruno Montpied, petite Vierge sculptée à l'avers d'une croix de chemin dans le village de Fougères, Puy-de-Dôme, 2011

30/12/2013

Cabane tatouée en Louisiane et délires de persécution en France

Cabane-brute-en-Louisiane.jpg

"Voici une photo provenant d'un vinyle de musique cajun. Il n'y a aucune explication sur la chose mais on peut supposer que cette construction se trouve (si elle a tenu le coup) en Louisiane..." (Darnish)

 

    A verser donc au dossier des architectures tatouées d'inscriptions de persécutés et autres paranos aux hantises justifiées ou non. et en particulier à rapprocher par exemple des images ci-dessous faites par moi en 2006 d'après les inscriptions d'un parano dans le Limousin qui les traçait à tous les endroits de sa propriété où il voyait les preuves d'un vandalisme orchestré par une "cabale" menée contre lui de façon systématique (merci à François L. et Isabelle D. qui m'avaient fait découvrir ce lieu). Il qualifiait dans des inscriptions enflammées ces ennemis, probablement largement fantasmés (je n'ai pas pu –ni eu envie de...!– démêler le pourquoi du comment de cette affaire), de "bandes noires de son village", "d'assassins de la Seine-et-Marne" (pourtant tout cela se passait dans les Monts d'Ambazac loin de la région parisienne...), de "pègre", de "peste brune", de "chimistes de Pol Pot", de "terroristes", toutes engeances qui cherchaient selon lui à anéantir ses constructions et à le persécuter.

 

Parano-des-Combes,-la-fenet.jpg

Inscriptions sur des feuilles de papier placées derrière des vitres, où sont soulignées en rouge les brisures faites, selon l'auteur, volontairement sur ses fenêtres,  ph. Bruno Montpied, 2006

Parano-des-Combes,-la-porte.jpg

Acide chlorhydrique"..."Banditisme pur et dur"... "Matraquage, peinture"..., "Pour ceux qui veulent voir seulement"..., ph. BM, 2006


27/12/2013

L'art pur de Christopher Simmons

     J'ai précédemment évoqué fort succinctement la figure et l’œuvre secrète d'un certain Christopher Simmons, totalement inconnue dans le monde extérieur à l'Australie où elle fut (et est encore?) produite à la fin des années 70 de l'autre siècle.


christopher simmons,alain dettinger,art brut australien,martien

Christopher Simmons, Autoportrait avec coupe en brosse (autres inscriptions: "Plus d'une larme doit couler mais cela fait partie du jeu", "un verre de vin rouge"), 22 x 22 cm environ, 1980 "A.D. or B.C." ("Après Jésus-Christ ou avant Jésus-Christ", que voulait signifier Simmons par là? L'intemporalité de ses saynètes?), ph. Bruno Montpied


      Alain Dettinger, l'excellent galeriste de la place Gailleton à Lyon dont je ne manque jamais de dire le plus grand bien tant il est un chercheur sans cesse à la recherche de nouveaux talents, était tombé sur lui et l'avait connu entre 1979 et 1982, en Australie donc, où il résidait. L'homme dessinait à l'époque (en particulier ? Ou exclusivement?) sur des serviettes en papier, fragiles supports peut-être en lien avec le sentiment de fragilité que ressentait l'auteur lui-même par rapport à son activité de dessinateur (voire plus)? Ces serviettes étant empruntées aux restaurants où il déjeunait.

 

christopher simmons,alain dettinger,art brut australien,martien

Christopher Simmons, sans titre, sans date, Galerie Dettinger-Mayer, ph.BM

christopher simmons,alain dettinger,art brut australien,martien

Christopher Simmons, sans titre, "1979 AD or BC", Galerie Dettinger-Mayer, ph. BM


    Dettinger a conservé quelques-uns de ces dessins qui étaient récemment exposés à l'Ecole Nationale Supérieure de Lyon, prêtés par ses bons soins. Tous montrent un personnage masculin principalement, entouré de divers motifs ornementaux, tracés au stylo (semble-t-il) noir mais aussi souvent avec quelque couleurs, toujours les mêmes, des bleus des rouges et des verts, parfois du rose. Ces motifs permettent de remplir le fond du dessin, suppléant la couleur qui n'a pas été employée pour l'occasion.

 

christopher simmons,alain dettinger,art brut australien,martien

Christopher Simmons, Small man with Big Head (Petit homme avec une grosse tête), "1980 AD or BC", Galerie Dettinger-Mayer, ph.BM


         Ce personnage se tient la plupart du temps les bras croisés sur sa poitrine, dans une attitude voisine de celle dans laquelle sont représentés les pharaons égyptiens, les cheveux hérissés et séparés un par un sur le crâne, "en brosse" comme le décrit un "autoportrait" avoué, autoportrait qui pourrait bien être répété dans tous les autres personnages solitaires malgré l'absence d'explicitation. C'est un style de dessin très simple en vérité, mais qui retient le regard, et ne lasse pas à la longue, ce serait plutôt le contraire même... Je m'en suis convaincu en en acquérant un, qui apparemment dans ce cas n'est plus un autoportrait, mais le portrait d'un "Martien" (ou d'un commissaire de police?).

 

christopher simmons,alain dettinger,art brut australien,martien

Christopher Simmons, Small friendly martian, or small friendly marshal (Petit Martien amical ou petit (commissaire?) amical), 1980 "AD or BC", coll. et ph. BM

     Comme on le voit ci-dessus, le dessinateur se délectait à trouver des motifs décoratifs variés, ici des sortes de roses des vents entourées de guirlandes bouclées coloriées, et des formes d'éclairs en zig-zag. Des croix, des sortes de serpentins, des étoiles, des croix dans des cercles, des points, des grilles, des points d'interrogations, des lignes sinueuses, des formes fermées non identifiables reviennent régulièrement, semblant jouer comme une partition et une danse autour des personnages se tenant assez paisibles et plutôt souriants en général.

 

christopher simmons,alain dettinger,art brut australien,martien

Christopher Simmons, The Tap (le Robinet), Karl Marx, Agamennon and The Sphinx, 1979 "AD or BC", Galerie Dettinger-Mayer, ph. BM ; ce dessin qui montre une image apparemment simple, un homme qui ouvre un robinet et fait couler de l'eau, devient très mystérieux dès que l'on lit l'inscription qui parle de Marx, d'Agamemnon et d'un Sphinx

    Il reste une photo de ce créateur mystérieux prise au début de ces mêmes années 80, dans un restaurant, où on le voit attablé et un stylo apparemment en main en train de s'apprêter à dessiner sur une feuille placée en dessous de lui. L’œil est malicieux, il est jeune, porte moustache et barbiche, et il est roux. Alain Dettinger m'a confié que son œuvre avait peut-être été signalée à l'époque à la collection de l'Art Brut du vivant encore de Dubuffet, ce dernier cherchant partout des créations qui auraient pu alimenter son corpus, y compris en Australie. La Collection de Lausanne a-t-elle conservé des dessins de Simmons, à voir... Il semblerait en tout cas que notre héros soit toujours de ce monde, et qu'il soit interné actuellement dans un hôpital à Sydney. Une galerie "d'art brut", le studio 79 Balmain, à Sydney encore, exposa longtemps ses œuvres...

 

christopher simmons,alain dettinger,art brut australien,martien

Christopher Simmons, Forever or infinity (A jamais ou l'infini) et MAN AND BOLT OF LIGHTNING (Homme avec éclair), 1980 "AD or BC", Galerie Dettinger-Mayer, ph.BM

 

christopher simmons,alain dettinger,art brut australien,martien

Photo de Christopher Simmons, auteur inconnu, fin des années 70, typique de la photo pouvant servir à mythifier, n'est-ce pas?

24/12/2013

Séminaire Processus créatifs à l'INHA à propos de la Passerelle avec Reutimann et Montpied

    "Nous avons le plaisir de vous inviter à une séance exceptionnelle du séminaire « Processus Créatifs », que nous organisons à l’Université Paris 1- Panthéon-Sorbonne pour l’année universitaire 2013-2014.

     Nous vous donnons rendez-vous samedi 11 janvier 2014, de 11 heures à 13 heures en salle Jullian de l'INHA (2, rue Vivienne, Paris), où nous avons le plaisir d'accueillir Romuald Reutimann, chargé de l'atelier de la Passerelle à Cherbourg à destination d'adultes en situation de handicap psychique, et Bruno Montpied, auteur du blog « Le poignard subtil », pour une réflexion sur « La création dans le cadre des ateliers médico-pédagogiques »." (Emilie Bouvard et Hugo Daniel).

 

Hervé.-Dictée.jpg

Hervé Blétel, Dictée, Atelier La Passerelle, Cherbourg, ph. R. Reutimann


     Ça fait un peu laconique tel que je le présente là, mais cette rencontre, initiée par deux chercheurs en art contemporain (dont l'une, Emilie Bouvard, a déjà fait parler d'elle sur ce blog avec l'organisation de l'exposition De la lenteur avant toute chose à la galerie ABCD) qui aura lieu l'année prochaine, dans une quinzaine de jours en fait, cherche à provoquer un questionnement sur les conditions de production de l'art des handicapés et à voir entre autres, si par hasard il s'agit bien d'un art qui pourrait être rangé dans l'art brut qui, a priori, au rebours de l'art d'atelier, se passe de tout médiateur/incitateur à créer, car l'art brut est un art fort intériorisé, se déployant hors "communication", ou du moins hors médiatisation (au départ, parce qu'aujourd'hui que le marché commence à vouloir s'en emparer, on en parle tant et plus). J'espère que l'on en profitera pour montrer quelques images des productions du fameux atelier de La Passerelle dont j'ai déjà plusieurs fois parlé ici.

 

Yann-Dorval.jpg

Yann Dorval, sans titre, février 2011, coll et ph. Bruno Montpied



 

23/12/2013

Le Rêve de Makar

     Tenez, voici la couverture d'une nouvelle de l'écrivain russe Vladimir Korolenko que j'ai illustrée. C'est une première pour moi, et j'en reste fort surpris. Je dois cette initiative à l'éditeur-écrivain de la Librairie la Brèche (maison d'éditions basée à Vichy dans l'Allier), Joël Cornuault, qui a trouvé un rapport entre l'univers de cette nouvelle, par moments fort visionnaire, et l'univers de mes dessins. Pourquoi pas? Et donc j'ai fourni des dessins en me basant sur de pures intuitions, une dizaine peut-être et au final c'est le petit échevelé de cette couverture, magnifiquement imprimé je dois dire, qui a été adoubé. Il provient d'un petit carnet où en de tous petits formats (8,5 x 9 cm) j'avais enserré diverses expériences graphiques en 2001. Généralement, le regard se desserre dans ce genre de production, l'inconscient n'est plus autant surveillé, car peu destiné a priori à partir s'exposer dans le monde extérieur (je n'avais pas songé en dessinant dans ce carnet à une utilisation comme illustration dans un livre). Ils n'en deviennent que plus libres, "échevelés" en somme, mais d'une autre manière... C'est tout à l'honneur de Joël Cornuault d'avoir osé demander ce genre d'image à un gars comme moi qui ne suis pas du tout illustrateur de métier à la base, mais plutôt un imagier qui œuvre avant tout pour lui-même.

 

le rêve de makar,librairie la brèche,vladimir korolenko,joël cornuault,bruno montpied,illustration de livre,littérature russe

    "Comment cela s'était fait, il ne l'avait pas remarqué. Il savait que quelque chose devait sortir de lui, et il attendait que cela sortît de lui d'un instant à l'autre... Mais rien ne sortait...

     Pourtant il se rendait bien compte de son état: il était mort. Aussi, restait-il sans mouvement, calme. Il demeura longtemps couché de la sorte, si longtemps qu'il finit par s'ennuyer.

      Il faisait complètement noir quand Makar sentit tout à coup quelqu'un le heurter du pied. Il tourna la tête, souleva ses paupières..."

     (Extrait de Vladimir Korolenko, Le Rêve de Makar)


18/12/2013

Charles Daucin, l'art souterrain

   Il y a quelques années, au début des années 2000, plusieurs amis et relations avaient attiré mon attention par leurs témoignages de rencontre avec un clochard qui hantait un certain couloir de correspondance à la station Montparnasse, entre les lignes 6 (Nation-Etoile par Denfert-Rochereau) et 13 (St-Denis-Châtillon-Montrouge). Ces témoignages campaient un clochard dessinateur qui vendait à l'occasion ses petites productions aux (apparemment rares) passants intéressés. Le fanzine Zon'Art de Denis Lavaud avait publié trois pages illustrées de quatre dessins qu'accompagnait un texte d'"Eric G." dans son n°8 (automne-hiver 2002-2003). Un dessinateur mendiant dans le métro parisien, je trouvais ça extrêmement rare -et je dois dire que cela fait des années que je me demande pourquoi on n'en rencontre pas plus étant donné que cela pourrait représenter une possible source de revenus pour ces personnes en difficulté, tout aussi valable que le fait de faire de la musique, forme d'expression ultra majoritaire dans le métro au contraire.

 

Charlemagne-02-trois-avion-.jpg

Charles Daucin, alias "Charlemagne", un couple et leur fille, un avion, une barque parachutée, des soleils partout..., 2002, coll. Musée du Veinazés (dans la Châtaigneraie cantalienne) ; à noter que la photo ne montre pas le dessin complètement, à gauche il y a vraisemblablement une bande violette qui entoure les saynètes centrales, constituant le cadre par lequel le dessinateur semblait toujours commencer son dessin

Charlemagne-voiture et maison-03.jpg

Charles Daucin, alias "Charlemagne", couple de part et  d'autre d'une voiture, maison, 2001


     Charles Daucin était le nom que donnait Eric G. dans Zon'Art. Ce dernier décrivait les dessins qu'il présentait comme étant "toujours vendus par 4". Cela semblait être des sortes de séries, représentant la plupart du temps sur deux niveaux les mêmes saynètes, des membres d'une famille se tenant la main, faisant la fête ("les verres n'étant jamais vides", fantasme indépassable du clochard), des véhicules, des arbres, des maisons, des intérieurs d'appartements avec postes de télévision (voir ci-dessus et ci-dessous des exemples).


Charlemagne-04-maison-ideal.jpg

Charles Daucin dit "Charlemagne", la maison idéale avec poste de télé, les verres jamais vides, le couple faisant la fête... 2002, coll. Musée du Veinazès

 

     Je partis à la recherche de cet homme mais ne le rencontrai jamais, le divin hasard ne voulant pas me favoriser pour ce cas. Mais je ne l'oubliai pas. Le hasard me permit seulement, récemment (2013), les voies de ce dernier étant décidément impénétrables, de tomber sur Bernard Coste et son camarade Jean-Pierre, qui animent dans le Cantal le musée du Veinazès (Emmanuel Boussuge nous en a déjà entretenu si vous vous en souvenez) et passent aussi souvent par Paris. Ils avaient eux aussi dans ces mêmes années 2001-2002 rencontré le fameux Charles Daucin qui signait "malicieusement", écrit Bernard Coste, ses dessins "Charlemagne" (c'est le genre de blague en faveur chez les gueux qui se fabriquent aisément des titres bouffons en rapport avec des royautés imaginaires, inversées..., cela va parfois jusqu'à la sculpture de trônes). D'après les souvenirs de Bernard Coste, ce M.Daucin vendait ses dessins cette fois par  6 et plus par 4 comme à Eric G. Peut-être voulait-il plus rapidement s'en débarrasser. Il lui arrivait apparemment aussi de travailler d'après des commandes et des modèles (des reproductions de tableaux, Munch, une Madone...). Il semble qu'au-delà de 2002, on ne trouve plus de témoignage de la présence de Charles Daucin dans les couloirs du métro à Montparnasse. Sa présence paraît attestée seulement entre 1999 (Eric G.) et juin 2002 (Bernard Coste). Les dessins que je reproduis ci-dessus et ci-dessous (un dessin au sujet plus rare) appartiennent tous à la série de douze dessins acquis par Bernard Coste pour le musée du Veinazès (qu'il en soit donc chaudement remercié ici). Si des lecteurs avaient des informations complémentaires à apporter sur notre héros, qu'ils n'hésitent pas à nous faire part de leurs témoignages.

 

charlemagne-personnage-seul.jpg

Charles Daucin, dit "Charlemagne", personnage seul (un fumeur), 2002, coll. Musée du Veinazès

 

Musée du Veinazès, Lacaze, 15120, Lacapelle del Fraisse (entre Aurillac et Montsalvy), tél. : 04 71 62 56 93 - 04 71 49 25 81. Le musée se visite en été tous les après-midis. Ajoutons que ces dessins de Charles Daucin ne sont pas actuellement accrochés dans les collections visibles du public.


14/12/2013

Rafiot dans le raffut, Albarracin pensait sans le savoir à Jean Branciard

 

JB,-oeuvre-d'avr-09.jpg

Jean Branciard, la Grande Limule (crabe des Moluques), 2009, ph. Bruno Montpied


    "Regardez comme le papillon roule et tangue sur les très réels et enivrants flots du néant, il a l'air d'un rafiot dans le silencieux raffut."

(Laurent Albarracin, Le Ruisseau, l’éclair, Rougerie, 2013).

11/12/2013

Darnish débarque à Paris

    J'ai eu l'occasion de vous parler de l'ami Darnish, un artiste rennais qui me paraît inventif. Il est attentif qui plus est à la créativité autour de lui, même si elle se trouve dans des recoins peu observés, que ce soit dans les parenthèses oubliées d'Essaouira ou au fond des bois de Bretagne.

 

Troisoeuvres-dont-le-projet.jpg

Quatre oeuvres diverses du sieur Darnish, ph. Samantha Richard, 2013


    Le voici qui s'en vient pour une exposition à Paris à la Galerie 17, tenue et animée par les animateurs du foyer d'édition Venus d'Ailleurs de Yohan-Armand Gil et autres, loin de Nîmes leur port d'attache, à Montmartre cette fois, tout près de la rue Lepic (et située entre l'ancien appartement de Ghérasim Luca d'une part et celui de Jacques Prévert d'autre part). Il présentera dans cette petite galerie des collages et des assemblages. Le vernissage c'est ce vendredi 13, à partir de 17h. Ça va sûrement lui porter bonheur.

Exposition Darnish, du 13 décembre au 10 janvier 2013. Galerie 17, 17 rue Constance, Paris 18e. M°Blanche, ouv. le vendredi du vernissage de 17h à 21h. Puis sam. et dim. de 10h à 12h et 14h à 19h. Dans la semaine et autres jours, sur rendez-vous: 06 11 49 38 21. galerie.17@free.fr et http://galerie17.over-blog.fr

09/12/2013

La Fabuloserie a trente ans, exposition au musée Singer Polignac

     Pour les trente ans de la Fabuloserie, Déborah Couette, une des trois commissaires de l'exposition "Un Autre Regard, l'Art-Hors-les-Normes d'Alain Bourbonnais dans les murs de la collection Sainte-Anne" qui durera du 13 décembre 2013 au 16 février 2014, Déborah Couette, ainsi qu'Antoine Gentil, m'avaient récemment confié qu'on allait sortir des réserves de la fabuleuse collection de Dicy (c'est dans l'Yonne, pas loin de Joigny) un certain nombre de trésors cachés et donc peu connus. On allait voir ce qu'on allait voir... Voici en définitive la liste des créateurs qui seront exposés au musée Singer Polignac (qui se trouve dans l'enceinte de l'Hôpital Sainte-Anne dans le XIVe ardt à Paris) par nos trois commissaires (le troisième est Anne-Marie Dubois):

Liste des créateurs exposés.jpg


     Les amateurs d'art brut fraîchement débarqués sur le sujet y trouveront sans doute leur miel, puisqu'on a semble-t-il songé à eux en ménageant quelques grands noms au sommaire, Aloïse, Scottie Wilson, Thérèse Bonnelalbay, Gaston Chaissac, Simone Le Carré Galimard, François Portrat, Pascal Verbena, Emile Ratier, Michel Nedjar, "Pépé" Vignes, Joseph Barbiero... tous ayant été exposés aux cimaises de la maison-musée, ou dans le parc unique en son genre consacré à des fragments d'environnements créés par des habitants-paysagistes imaginatifs, au fil des trente ans (et n'en ayant été que rarement décrochés). Mais peut-être que les commissaires  auront sélectionné quelques œuvres moins connues, gardées au secret ? Nous verrons bien.

 

Therese-Bonnelalbay,-ss-tit.jpg

Thérèse Bonnelalbay, sans titre, encre sur papier, 24x32 cm, 1979, coll. BM


Salle du haut de la Fabuloserie.jpg

A la Fabuloserie, la salle sous les combles, Albert Sallé, Pierre Petit, Emile Ratier, Pascal Verbena, etc., visuel dossier de presse "Un Autre Regard"

        J'attendais personnellement cependant un peu plus de folie dans cet accrochage d'"Un Autre Regard"... On a voulu au musée du Centre d'Etude de l'Expression du Musée Singer-Polignac ménager la chèvre et le chou, en choisissant d'organiser à la fois une expo anniversaire de la Fabuloserie et une expo de ses collections les moins souvent présentées. Ce qui a pour effet de décevoir un peu les connaisseurs de la Fabuloserie qui trouvaient justement qu'on n'avait que trop tendance à Dicy à ne pas suffisamment faire bouger les accrochages... Raconter l'histoire de la Fabuloserie et de son concepteur Alain Bourbonnais, architecte ayant mis son inventivité au service de la présentation la plus adéquate de ses collections d'art hors système des beaux-arts, cela n'a-t-il pas déjà été fait (Michel Ragon, Laurent Danchin)? Je pose la question, tout en reconnaissant par ailleurs qu'il n'y avait pas eu d'exposition des collections de la Fabuloserie à Paris depuis bien longtemps ce me semble. Et reconnaissons en plus que le Musée Singer Polignac lui au moins fait un réel effort pour défricher le champ de l'art brut en France, domaine que, dans une note précédente, je signalais délaissé par exemple dans les expos montées à la Halle Saint-Pierre depuis quelques années.

 

fabuloserie,déborah couette,musée singer polignac,centre d'étude de l'expression,anonyme dit pierrot le fou,françois portrat,janko domsic,alain bourbonnais,art hors les normes,jean bordes,marcello cammi,thérèse bonnelalbay,art immédiat,art brut

Ce Janko Domsic est fort inhabituel, avec son dessin plaqué et surgissant de la photo, il justifierait à lui seul le projet annoncé de montrer des œuvres peu exposées à la Fabuloserie, visuel dossier de presse "Un Autre Regard"


       Par contre, extirper quelques pépites enfouies dans les réserves, voilà qui promettait davantage. Dans la liste citée ci-dessus, qu'est-ce qui serait donc vraiment original et inédit ? L'"anonyme" cité en premier, nous n'avons pas de précisions dans le dossier de presse à son sujet, ma curiosité s'aiguise. René Guivarch? Un créateur populaire breton que les catalogues montrent sans plus de développement il est vrai (il y avait une notice sur lui dans "les Singuliers de l'Art" en 78 à Paris, expo montée grâce aux nombreux prêts de l'Atelier Jacob, galerie qui a précédé la Fabuloserie, créée elle en 1983 ; la notice était en fait composée de fragments d'entretien avec lui qui confiait qu'"il n'aimait pas être commandé, qu'il n'aimait pas les patrons, qu'il se débrouillait seul...", un tel homme ne pouvait pas être foncièrement mauvais, donc bravo si on en apprend plus). Marianne Brodskis me paraît bien inconnue au bataillon, à découvrir... Gala Barbisan, une reproduction assez maigre, en noir et blanc, figurait dans le premier catalogue de la Fabuloserie (paru l'année même de l'ouverture au public de cette collection), donc on est heureux de s'instruire davantage, et de visu. Jacqueline Barthes, dit Jacqueline B., a été montrée via le premier catalogue, et n'est donc pas très connue non plus (car il y eut par la suite un deuxième catalogue, publié en 2001, qui ne reprenait pas forcément les mêmes créateurs, Jacqueline B. ne fut pas de ce deuxième catalogue par exemple). Le graveur de galets Jean Pous est lui plus notoire auprès de ceux qui suivaient les manifestations de l'Aracine dans les années 80-90. Il est aujourd'hui du reste représenté au LaM dans le département des habitats poétiques (voir ci-dessous). Mais il mérite certes qu'on lui consacre au moins un dossier.

 

fabuloserie,déborah couette,musée singer polignac,centre d'étude de l'expression,anonyme dit pierrot le fou,françois portrat,janko domsic,alain bourbonnais,art hors les normes,jean bordes,marcello cammi,thérèse bonnelalbay,art immédiat,art brut

Deux galets gravés de Jean Pous au LaM, département de l'art brut, photo Bruno Montpied, 2010


      Michèle Burles et Jean Couchat font plus partie de ce que l'on appelle l'art singulier, des artistes marginaux qui ont pris exemple sur l'indépendance morale et esthétique des créateurs de l'art brut, et ce très tôt dans les années 70 (comme d'autres, fort nombreux à la Fabuloserie, Nedjar, Verbena, Marshall, Eckenberger, Monchâtre, Jano Pesset, Bourbonnais lui-même qui aimait s'entourer de ceux qu'il se reconnaissait pour des alter ego...). On parle bien moins de Burles et Couchat depuis plusieurs années. Il me semble que Michèle Burles avait fait une expo il y a quelques années chez Béatrice Soulié (me trompé-je?). On aurait pu joindre à ces deux-là un créateur qui mériterait une exposition à lui seul et qui a été grandement défendu par la Fabuloserie, à savoir Alain Genty, mais il n'a pas été retenu. Philippe Mahaut et Thomas Boixo sont eux inconnus, du moins de moi, mais je ne sais si pour le second cela vaut le coup de le faire connaître davantage ! C'est encore un de ces obsédés des architectures, et des véhicules, thèmes qui commencent depuis quelque temps à devenir des poncifs chez les nouveaux créateurs d'art brut qu'on nous présente venus d'un peu partout dans le monde (comme ces autres poncifs que sont certains gribouillages proposés en tant que tels comme des échos de l'art contemporain, afin de brouiller les cartes avec ce dernier...). Les visuels de ce Boixo proposés par le dossier de presse, un peu bouillasseux, ne sont à dire vrai pas très engageants...

fabuloserie,déborah couette,musée singer polignac,centre d'étude de l'expression,anonyme dit pierrot le fou,françois portrat,janko domsic,alain bourbonnais,art hors les normes,jean bordes,marcello cammi,thérèse bonnelalbay,art immédiat,art brut

Jean Bordes, visuel du dossier de presse "Un Autre Regard"


     Jean Bordes (aussi appelé Jean de Ritoù) est un peu plus connu, du reste le dernier numéro de l'Œuf sauvage (n°11, 2012) a consacré un article (dû à Jano Pesset qui l'a découvert il y a déjà quelque temps) à ce créateur véritablement sauvage. Il sera cependant curieux de voir ce que l'on pourra nous en montrer. On annonce aussi Marcello Cammi. Ce créateur d'environnement étourdissant à Bordighera sur la Riviera italienne dans les années 80-90 (j'en ai déjà parlé sur ce blog), également peintre singulier et naïf, on le sait peu, avait, je crois, offert quelques sculptures à la Fabuloserie, sans doute par l'intermédiaire de l'épouse d'Alain Bourbonnais, Caroline, de passage dans son jardin en bordure du Rio Sasso (hypothèse...). On sait que cet environnement a été rasé après avoir été abîmé par une crue du fameux Rio. Très peu de statues semblent avoir été sauvées. Les quelques pièces qui sont à la Fabuloserie, nous en sommes donc fort curieux.

 

fabuloserie,déborah couette,musée singer polignac,centre d'étude de l'expression,anonyme dit pierrot le fou,françois portrat,janko domsic,alain bourbonnais,art hors les normes,jean bordes,marcello cammi,thérèse bonnelalbay,art immédiat,art brut

Marcello Cammi et ses chiens en bordure du Rio Sasso, certaines de ses sculptures installées en berges autour de lui, dans les années 90, photographe inconnu (peut-être Raymond Dreux), archives BM


     Enfin, à la fin de cette liste, se trouve un créateur inconnu de moi, et je gage de beaucoup d'autres amateurs, désigné sous le vocable d'"Anonyme, dit Pierrot le Fou". Un dessin, apparemment exécuté dans les années 1930, sorte de planche de zoologie annotée comme un journal, fort naïvo-brut, est reproduit dans le dossier de presse, particulièrement intrigant. Rendez-vous donc le 12 décembre, au vernissage de cet "Autre Regard".

 

fabuloserie,déborah couette,musée singer polignac,centre d'étude de l'expression,anonyme dit pierrot le fou,françois portrat,janko domsic,alain bourbonnais,art hors les normes,jean bordes,marcello cammi,thérèse bonnelalbay,art immédiat,art brut

Anonyme, dit Pierrot le fou, visuel fourni dans le dossier de presse d'"un Autre Regard"


07/12/2013

"Opposants poétiques" le 9 décembre au Centre Culturel Tchèque, Paris

     "Vous êtes très cordialement invités le lundi 9 décembre à 19h au Centre Culturel Tchèque (18 rue Bonaparte, VIe ardt, métro Saint-Germain des Prés) pour la projection du film documentaire Opposants poétiques consacré aux poètes tchèques et dissidents Jan Vladislav et Prokop Voskovec, film réalisé par Pierre André Sauvageot et Bertrand Schmitt. (Entrée libre).

     La projection se fera en présence des réalisateurs..."

     A signaler que les auteurs de ce documentaire font partie (ou ont fait? Le temps de conjugaison dépend du fait de savoir si le groupe existe encore officiellement...) du Groupe de Paris du Mouvement Surréaliste. Bertrand Schmitt, en plus de ses travaux cinématographiques, est aussi poète, traducteur, et historien de l'art. Il a récemment signé un énorme ouvrage d'art sur le réalisateur surréaliste tchèque Jan Svankmajer publié en République Tchèque. Il avait aussi réalisé il y a quelques années (2001) un documentaire sur Jan Svankmajer et sa femme Eva Svankmajerova, intitulé Les Chimères des Svankmajer (voir fragment ci-dessous paru sur YouTube).


Les chimères des Svankmajer par chaletpointu

01/12/2013

Naïfs et Singuliers de Mayenne à Minsk, nul ne serait prophète en son pays?

   Jean-Louis Cerisier, auto-bombardé ces temps-ci président d'une nouvelle association des Créateurs Naïfs et Singuliers de la Mayenne (CNS 53), me transmet l'information d'une exposition fort intéressante qui va se monter en Biélorussie à Minsk. Génial, les populations de là-bas pourront découvrir ce qu'ici en France on ne paraît pas capable de découvrir, à savoir qu'a existé, qu'existent encore, à Laval et dans sa région, une pléiade de créateurs et d'artistes talentueux et originaux, à la figuration tantôt poétique tantôt singulière (j'en ai déjà plusieurs fois parlé sur ce blog, voir plus loin). Nul ne serait décidément prophète en son pays, l'adage ne cesse de se vérifier dans notre beau pays qui paraît condamné à s'exporter pour se faire reconnaître. Comme me le disait récemment Jean-Louis, il y a de la frilosité dans ce pays. En témoignent, entre autres, toutes ces expositions d'art brut japonais, britannique, américain, italien, serbe, etc., qui se succèdent à Paris, tandis que pas une ne se consacre à nous montrer l'art brut français. Quoi? Qu'ai-je dit? On dirait presque un gros mot. Vous avez bien écrit: l'art brut français? Mais il ne faut pas y songer, nom d'une pipe. Cela ne peut être envisagé, ou bien alors il faut le faire à l'étranger, mis à distance, on acceptera peut-être de considérer la question. Je me demande aussi quelquefois si ces expos d'art brut de plus en plus exotiques ne se font pas surtout pour permettre aux commissaires et "curateurs" (ouh, le vilain mot à la mode) des collections d'art brut de se payer des voyages aux frais de la princesse... Parler de ce qui se produit en France serait-il forcément une attitude nationaliste? Ne serait-ce pas plutôt lié à notre volonté de parler de nos voisins créatifs, de ceux qui vivent sur un territoire quotidien que nous connaissons bien, dans un pays qui est le nôtre, autour de nous où nous pouvons facilement voyager, les distances étant courtes...? Ne serait-ce pas parler d'une création démocratique se manifestant dans l'immédiat et de façon directement poétique?

 

lettre jean louis5.jpg

    Voici la lettre qui annonce l'événement. Avec le bon de souscription pour commander le catalogue qui aura 56 pages et 31 illustrations (si l'on veut imprimer le bon de commande plus nettement on clique ici). L'exposition qui va être montée à Minsk prendra place au Musée National des Beaux-Arts de Biélorussie du 2 décembre 2013 (demain) au 6 janvier 2014. Elle devrait présenter en tentant d'en expliciter les rapports et les filiations les œuvres du Douanier Rousseau (le grand ancêtre d'où tout découle... Et ceux qui exposeront à ses côtés en sont grandement honorés), Henri Trouillard (un Naïf visionnaire trop méconnu dont on peut admirer au musée de Laval les chefs-d’œuvre), Jules Lefranc (fondateur en 1967 du musée d'art naïf de Laval grâce au don de ses propres œuvres et d'une partie de ses collections d'art naïf d'autres créateurs), Jacques Reumeau, Robert Tatin, Alain Lacoste, Brigitte Maurice, Serge Paillard, Jean-Louis Cerisier, Céneré Hubert (un habitant-paysagiste populaire, une fois n'est pas coutume), Patrick Chapelière (pour le coup pas originaire de Laval je crois).

 

art naïf,art singulier,jean-louis cerisier,cns53,mayenne à l'oeuvre,musée national des beaux-arts de minsk,douanier rousseau,henri trouillard,jules lefranc

Jean-Louis Cerisier, sans titre, février 1976, coll privée, version avant retouche restauratrice (avec traces de maculation), Laval, ph. Bruno Montpied

art naïf,art singulier,jean-louis cerisier,cns53,mayenne à l'oeuvre,musée national des beaux-arts de minsk,douanier rousseau,henri trouillard,jules lefranc

La même peinture sans titre, stylo bille et gouache, 29,7x21 cm, 1976, retouchée et rénovée, coll. privée, Laval, ph. J-L.Cerisier

      Il faut espérer, et faire une petite prière pour que le musée de Laval, entre autres, par la suite accepte d'héberger cette exposition pour laquelle il prête  des Reumeau, des Trouillard, et des Lefranc. Après tout ce musée qui s'ouvre depuis quelque temps déjà à l'art singulier, sautant depuis l'art naïf dans la chronologie des arts d'autodidactes à pieds joints par-dessus l'art brut, poursuivrait sa mise en valeur des artistes régionaux qui ont peut-être été à l'origine de sa mue actuelle. Car plusieurs d'entre eux sont déjà accrochés aux cimaises du musée (en plus des trois déjà cités et prêtés, on notera que Cerisier, Lacoste et Tatin sont présentés en parmanence au musée).

 

art naïf,art singulier,jean-louis cerisier,cns53,mayenne à l'oeuvre,musée national des beaux-arts de minsk,douanier rousseau,henri trouillard,jules lefranc

Henri Trouillard, Le Yéti, 1962, Musée d'Art Naïf et d'Art Singulier du Vieux-château, Laval, ph. BM


      Il serait urgent de mettre en lumière ce que j'ai appelé dans le n°49 de la revue 303, Arts, recherches et Créations, en 1996, il y a déjà quatorze ans, "l'Ecole de figuration poétique lavalloise" qui, du fait de ses artistes consacrés de l'Art Naïf, Rousseau, Trouillard et Lefranc, naquit petit à petit, se développant en direction de formes d'art figuratif poétique ou singulier avec les Tatin, Reumeau, Lacoste, puis les Cerisier, Paillard et tutti quanti, et s'ancrant dans la région mayennaise sans se couper pour autant d'autres régions (Lefranc entretenait des rapports avec la Vendée par exemple, où il prit contact avec Elie-Séraphin Mangaud et Gaston Chaissac, encore deux créateurs dont les liens avec Lefranc n'ont pas fait l'objet de beaucoup de recherches parmi ceux qui s'intéressent aux arts singuliers).

art naïf,art singulier,jean-louis cerisier,cns53,mayenne à l'oeuvre,musée national des beaux-arts de minsk,douanier rousseau,henri trouillard,jules lefranc

Serge Paillard, Pomme de terre dite de la petite lampe, 2007

     Enfin, voici en prime un petit documentaire de la télévision biélorusse diffusé ces jours-ci je pense, que je ne peux vous traduire (M. Gayraud nous éclairera peut-être en commentaire) mais qui présente en arrière-plan quelques-unes des œuvres de l'expo, des Trouillard, des Paillard, des Reumeau, des Cerisier, etc., ainsi que des vues du Vieux Château à Laval. Merci à Jean-Louis Cerisier qui nous a communiqué le lien et l'info. Le tapis rouge est décidément déroulé à Minsk pour nos chers Lavallois!