08/05/2012
Deux outre-vélos
Deux vélos autres se sont manifestés sous mon regard à quelques jours d'intervalle. D'abord celui ci-dessous, une mante qui se prend pour un vélo, ce qui est assez peu banal. Trouvé sur le site d'Etienne Cornevin, Nouvelles Hybrides.
Et puis ce deuxième, venu du bord de l'Océan Atlantique, grâce à l'oeil avisé d'André Bernard. Très "surréaliste", si l'on pense à la selle d'abeilles, visible sur une ancienne (?) photo (?) de Meret Oppenheim (?)...
Vélo d'huîtres, créé naturellement par le temps et la mer, photo André Bernard, 2012
Il me revient que l'on trouve aussi de temps à autre, parmi les cartes postales sur des sujets insolites, certaines images exhibant ce genre de concrétions sur vélocipède. Par exemple cette dernière carte extraite de ma collection personnelle.
Vélo d'huîtres, carte postale sans date (années 70?)
Le texte de la correspondante qui est au verso de cette carte non datée est d'un pathétique si poignant, en dépit de sa briéveté, que je ne résiste pas à vous le recopier (en modifiant légèrement le patronyme de son auteur):
"Bonjour, je m'appelle Pascal Erronée, j'ai 16 ans. Je ne part [sic] pas en vacances alors j'aimerais jouer à 3 mots pour une chanson. Voici mon numéro de téléphone: 4.... J'habite en Charente-Maritime, Marennes."
Le jeu mentionné dans le texte de cette jeune fille qui-ne-partait-pas-en-vacances devrait donner la date approximative de cette courte missive qui ressemblait à une bouteille à la mer. Situation, hélas, banale...
Enfin, pour complaire à RR qui grâce à sa mémoire sans faille (voir commentaire ci-après) se rappelle le vélo que nous vîmes ensemble dans le jardin de l'habitant-paysagiste naïf André Hardy à St-Quentin-des-Chardonnets (Orne), aujourd'hui en voie de démantélement et dispersion, voici le deux-roues que ce dernier avait installé sur sa pelouse. Sa mosaïque de coquillages peints en bleu et disposés assez régulièrement, à la différence des manières de la Nature, a certainement été inspirée peu ou prou par les fameux vélos couverts d'huîtres qu'on trouve exhibés ici et là sur les littoraux.
Chez André Hardy, ph. Bruno Montpied, 2010
23:42 Publié dans Art immédiat, Environnements populaires spontanés, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies, Surréalisme, Véhicules créatifs | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : poésie naturelle, objets surréalistes, vélo, cyclisme, andré bernard, mante, nouvelles hybrides, 3 mots pour une chanson, banal, pas banal, andré hardy | Imprimer
05/05/2012
Salon du livre libertaire à Paris, 11, 12 et 13 mai
Le week-end prochain s'ouvrira pour trois jours (c'est un wek-end agrandi) le Salon du Livre Libertaire où parmi d'autres (il y a beaucoup d'éditions anarchistes, tellement qu'elles tiennent désormais salon : elles sont 104, rien que ça), on retrouvera les publications des éditions de l'Insomniaque, dont le livre que je ressasse depuis l'année dernière (mais il y a toujours de nouveaux lecteurs sur ce blog, ce qui justifie cette campagne de pub sans fin...), à savoir Eloge des jardins anarchiques. Son auteur, mézigue, sera donc présent aux côtés des autres insomniaques, surtout le samedi et le dimanche, pour en causer entre quatre-z-yeux et pour apposer quelque dédicace éventuelle. Il doit y avoir aussi une table où je pourrai présenter les deux numéros de L'Or aux 13 îles, la revue de Jean-Christophe Belotti, puisqu'ils recèlent deux dossiers non sans rapport avec les jardins anarchiques et l'art brut, un sur le musée des bois sculptés de l'abbé Fouré (n°1) et un autre sur une collection d'art immédiat (n°2). Remy Ricordeau de son côté ne viendra pas présenter Bricoleurs de Paradis mais plutôt son plus récent DVD, Inventaire avant Liquidation et Putain d'Usine qui sera projeté je crois dans un local à part dans l'Espace des Blancs Manteaux. Il sera aussi sur le stand des Mutins de Pangée. Sinon, si tout cela ne vous concerne pas, n'hésitez pas à venir tout de même faire un tour pour découvrir le reste, il reste 102 éditeurs, du reste voici le programme.
A noter parmi d'autres maisons d'éditions celle des Éditions Libertaires qui proposent entre autres un livre intitulé Eloge de la passe. Je vois d'ici certains qui auront l'esprit tourné à la malice (mais peut-être que les éditeurs l'avaient aussi): de quelle passe s'agit-il? Eh bien, pour une fois il s'agit de sport, et de sport vu par des libertaires. Et pourquoi pas?
(Eloge de la passe, Jean-Marc Raynaud, Philippe Pelletier, etc. "Le sport peut-il être un outil de luttes pour les anarchistes ? La pratique de sports (collectifs) peut-elle être un apprentissage à la vie en société libertaire ? C’est la thèse défendue par une vingtaine de militant-e-s dans cet ouvrage collectif. (Éditions Libertaires).")
23:35 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Cinéma et arts (notamment populaires), Environnements populaires spontanés, Questionnements | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : salon du livre libertaire, espace des blancs manteaux, l'insomniaque, bruno montpied, éloge des jardins anarchiques, putain d'usine, mutins de pangée, l'or aux 13 îles, abbé fouré, art immédiat | Imprimer
01/05/2012
Les bâtisseurs de Babel de Gabriele Mina
Gabriele n'est pas une dame mais un anthropologue italien, donc là-bas ils ont des "e" à la fin des Gabriel, ou des Michel.
J'avais signalé il y a quelque temps l'apparition d'un site web appelé Costruttori di Babele qui était le signe avant-coureur d'une recherche en cours sur les sites et les environnements d'art populaire en Italie, où, comme on l'a découvert avec l'actuelle exposition Banditi Dell'Arte à la Halle Saint-Pierre, commencent à apparaître de plus en plus d'initiatives pour intéresser le public aux riches créations atypiques présentes dans ce pays déjà lourd d'un patrimoine artistique conséquent (vestiges gallo-romains, littérature latine, peinture de la Renaissance, mythologie chrétienne...), qui de ce fait a peut-être retardé plus qu'ailleurs la connaissance de la créativité populaire.
Gabriele Mina a une position originale qu'il a tenté de résumer dans un texte en français qu'il m'a envoyé parallèlement à l'ouvrage ci-dessus paru à la fin de l'année 2011, et qui aide les non italophones à comprendre ce qu'il a voulu dire dans son livre principal, Costruttori di Babele, sulle tracce di architetture fantastiche e universi irregolari in Italia (je fais figurer ce texte en français en lien ici même, son titre étant Insiders, les constructeurs babéliques et nous ; il reprend en grande partie l'introduction italienne de son ouvrage). Il veut avant tout attirer l'attention sur ce qu'il appelle les Insiders, par opposition avec Outsiders. Ce terme d'Insiders paraît recouvrir des créateurs populaires non coupés du reste de la société, non marginalisés, œuvrant dans l’espace public. L’art populaire contemporain, ou art modeste, pourrait relever de cette dénomination. Régis Gayraud m’a signalé récemment que chez les historiens de l’ex-Union Soviétique, on parle de « non-conformistes intégrés » au sujet d’artistes non officiels en Russie. Ce qui paraît assez voisin de ce que l'on cherche à distinguer avec les Insiders. Ce serait une appellation disponible pour des anticonformistes non marginalisés ne relevant pas des courants de l’art officiel. Cela représenterait du coup beaucoup de créateurs, populaires ou non, professionnels ou amateurs, qui pourraient rentrer dans cette catégorie, pourvu qu’ils aient en commun une certaine indépendance d’esprit… Les environnements spontanés de créateurs, populaires ou non, reléveraient ainsi des Insiders... Et c'est bien ce qui paraît se constituer sous la plume de Gabriele Mina qui évoque dans l'ouvrage collectif qu'il a dirigé aux éditions Elèuthera à Milan une soixantaine de cas d'environnements créés par des hommes du peuple ou par des artistes (cette distinction paraissant nettement moins tranchée dans les résultats esthétiques qu'en France, où l'œuvre d'un Chomo ou d'un Tatin me paraît nettement différer de celle d'un Picassiette ou d'un Pailloux, être moins émouvante en tout cas). Dans les soixante, on retrouve certains créateurs évoqués à la Halle St-Pierre en ce moment même: Luigi Lineri, Marcello Cammi, Melina Riccio, Giovanni Bosco, Florenzo Pilia, Angelo Stagnaro, Giulio Rancilio, Bonaria Manca (chapitre écrit par Roberta Trapani), Vincent Maria Brunetti, Filippo Bentivegna, Maurizio Beccherini, Orpheo Bartolucci, Mario Andreoli...
Mario Andreoli, détail de sa crèche de la Colline des Lumières (4000 m²...) qu'il illumine de début décembre à fin janvier à Manarola en Ligurie, photo extraite du site de la Galerie Rizomi à Turin (expo Ligurie brute)
L'accent est davantage mis sur la notion d'anticonformisme et d'utopie (ce qui explique "Babel" à l'arrière-plan des recherches de Gabriele Mina), sur la revitalisation de la culture populaire contemporaine longtemps refoulée à la suite de l'histoire italienne –le fascisme ayant apparemment dès les années 20 choisi d'imposer à la population une resucée de la culture classique gréco-latine– que sur une critique de l'art d'élite, cause à laquelle je me suis attaché plus particulièrement avec mon propre livre Eloge des Jardins anarchiques dont Mina pourtant se proclame proche. On distingue en effet mal en parcourant Costruttori di Babele si on a affaire à des créateurs cultivés ou à des autodidactes créant à partir d'une culture populaire. Au point que je me suis demandé en le lisant avec difficulté (le problème de la langue) si les créateurs populaires italiens au fond n'avaient pas davantage de culture que les créateurs prolétaires français... C'est une hypothèse qui serait à creuser, pas complètement hasardée si l'on pense justement à la richesse du patrimoine et de l'histoire artistique italienne que j'évoquais ci-dessus.
Bonaria Manca, Au travail, 1-11-1969, ph.Roberta Trapani
Un point qui découle de cette quête utopique babélienne, "réaffirmer une appartenance de ces expressions excentriques au paysage culturel qui les entoure" (écrit Mina dans son texte en français mis en lien ci-dessus) est la critique qu'opère l'auteur vis-à-vis de l'art brut de Jean Dubuffet, accusé au fond de stérilisation par l'enfermement "dans la vitrine d'une vague diversité qui satisfait les attentes et le voyeurisme", au lieu d'être détruit par "l'asphyxiante culture". On retrouve là une critique de la ghettoïsation dans laquelle les défenseurs orthodoxes de l'art brut version Dubuffet enfermaient les créateurs de l'art brut, en en faisant, comme me le confiait récemment Bruno Decharme, s'il me permet d'ébruiter cette confidence personnelle, de nouveaux "dieux" (ou des "saints", comme disait pour sa part Dubuffet)... Or, comme disent nos amis anarchistes, ni dieu, ni maître! On ne va pas recréer une hiérarchie à l'envers, comme le demande au fond le marché de l'art qui se précipite chaque jour un peu plus vite sur la viande fraîche de l'art brut.
Ce n'était pas ainsi qu'André Breton concevait les créateurs rangés dans l'art brut, il laissait dialoguer (un mot que Mina aime bien) les créateurs de toutes obédiences au sein de ses expositions internationales du surréalisme, il ne les mettait pas dans une réserve. Sans pour autant refuser de les documenter et d'indiquer leurs singularités. Les créateurs de l'art brut, les créateurs d'environnements n'étaient pas sans culture, la leur tenant davantage d'une culture populaire en miettes, en décadence, une culture dite de masse, un art modeste dirait Di Rosa aujourd'hui, dans laquelle ils repêchent les matériaux utiles à leur renaissance. C'est ma position dans mon Eloge. Et c'est ici effectivement que nous nous rejoignons Gabriele Mina et moi. De même que je lui suis reconnaissant d'avoir bien compris à quel point je refuse de me retrancher dans la rencontre avec les créateurs dans le film que j'ai écrit avec Remy Ricordeau, Bricoleurs de Paradis, parce que je trouve plus honnête de figurer à l'image avec les questions que l'on n'aura pas cachées.
A noter en outre que j'ai inséré à la demande de Gabriele Mina dans son ouvrage une réflexion sur la question de la conservation, ou non, des environnements d'autodidactes, intitulée La cura dell'ispirazione, Conservazione e prolugamento dei siti spontanei in Francia (en français: Entretenir l’inspiration, La conservation ou le prolongement des environnements spontanés en France), illustrée de trois photos montrant les sculptures abîmées de Gabriel Albert et de l'abbé Fouré.
Costruttori di Babele, vidéo
19:38 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire contemporain, Environnements populaires spontanés, Lexique et définitions des arts populaires | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gabriele mina, costruttori di babele, bâtisseurs de babel, culture populaire italienne, banditi dell'arte, eleuthera, environnements spontanés, art brut italien, mario andreoli, bonaria manca | Imprimer
29/04/2012
Un DVD rien que pour Jacques Brunius
Brunius a désormais un DVD à lui seul consacré. C'est Doriane films et les films de l'Equinoxe (ces derniers étant les gérants des droits relatifs à Brunius, ils s'occupent aussi du fonds Denise Bellon, la photographe belle-soeur de Brunius, avec qui ce dernier collabora à plusieurs reprises, notamment sur le Palais Idéal du Facteur Cheval) qui patronnent cette sortie toute récente.
Couverture du DVD Jacques Brunius, Un cinéaste surréaliste, éd. Doriane Films et les Films de l'Equinoxe, sorti en mars 2012
Quatre films, tous des documentaires, sont ainsi édités dans ce DVD: Autour d'une évasion (ultra rare; 65 min., 1931), Violons d'Ingres (30 min. ; 1937 ; déjà réédité dans le triple DVD Mon frère Jacques de Pierre Prévert,), Records 37 (28 min, 1937), ces trois derniers films ayant été tous restaurés par les Archives Françaises du Film et le CNC, et enfin Sources noires (38 min. ; 1937 ; docu "artistique" sur l'industrie pétrolière).
Brunius, j'en parle souvent ici, c'est un homme qui me fascine et m'enchante. Par sa rigueur, son côté impitoyable aussi, dont on se fera une idée précise en lisant son livre de 1954, En marge du cinéma français, où il se livre en de certaines pages à des exécutions d'une rage inouïe (sur Cocteau notamment où sa verve anti Cocktail -un cocteau, des cocktails- fondée par rapport à certains des films de ce poète mondain -je pense notamment au Sang des Poètes d'une mièvrerie et d'un formalisme creux insupportables- dérape dans l'injustice lorsqu'il se livre à une descente en flammes de la Belle et la Bête ; on sait cependant à quel point Cocteau était haï des surréalistes, au point de faire dire à Philippe Soupault, comme le cite Jean-Pierre Pagliano dans son Brunius à l'Age d'Homme en 1987 (note 108, p.136): "Nous nous [les surréalistes] sommes éloignés du cinéma parce qu'il était aux mains de truqueurs comme Cocteau" ; ce genre de phrase est à retenir dans une histoire du cinéma et du surréalisme il me semble...). Brunius était un de ces passionnés, –de cinéma d'abord– qu'aucune tiédeur ne retenait de lâcher les chevaux. Son livre montre par ailleurs aussi quel redoutable théoricien du cinéma il pouvait être. La réunion des quatre films de ce DVD, mis en relation avec son livre, met en évidence en particulier son goût et son désir de promouvoir un cinéma de montage, au rythme particulièrement rapide (parfois même un peu trop rapide, empêchant de savourer les raccords, les analogies... comme dans Records 37, les plans sur le thème de la roue mise en parallèle avec les cercles concentriques générés par le jet d'un caillou dans l'eau par exemple). Il était là dans le droit fil des théories surréalistes s'inspirant de la phrase célèbre de Pierre Reverdy (que cite Brunius dans son livre, p. 128 de l'édition originale des éditions Arcanes): "[L'image poétique] ne peut naître d'une comparaison mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. Plus les rapports des deux réalités rapprochées seront lointains et justes, plus l'image sera forte – plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique..." (Nord-Sud, mars 1918). Des "rapports lointains et justes", on les illustrera par exemple par ce rapprochement juste des formes des différentes roues avec des ronds dans l'eau, matières et objets pourtant éloignés les uns des autres dans la réalité.
Lui qui fut admiratif de cinéastes comme Jean Renoir (avec qui il collabora comme assistant -dans La Vie est à nous- et comme acteur -dans Partie de Campagne et Le Crime de Monsieur Lange), ou encore René Clair, Alberto Cavalcanti, Walter Ruttman, ou bien Luis Bunuel (dont il fut l'assistant sur L'Age d'Or), rêvait en effet d'un cinéma qui devait permettre, dans la continuité des films des avant-gardes des années 20, d'apporter un souffle nouveau basé sur les rapports égalitaires et complémentaires entre images toutes faites, tournées par d'autres (exemples des images d'actualités), musique, bruitage, et sous-titres. Brunius, en particulier voulait réformer l'usage du commentaire dominant par rapport aux autres langages du cinéma (image, bruits...).
Dans Records 37, l'oreille du spectateur entend médusée ces mots, "Ni dieu, ni maître..." chantés en arrière-plan sonore (à moins que ce ne soit au premier plan?) sur un poème de Paul Valéry, alors que le film continue simultanément et imperturbablement de dérouler sa litanie d'émerveillement devant les améliorations apportées au monde moderne par les différentes techniques ingénieuses qu'il nous présente.
Le livre En marge du cinéma français dont maints chapitres ont été rédigés apparemment les années précédentes paraît déplorer que les recherches de montage, notamment de bandes d'actualités (comme dans Autour d'une évasion, où Brunius récupéra des images de Silvagni tournées en Guyane d'après l'enquête d'Albert Londres sur les bagnes, ainsi que les images rares, volées, filmées de derrière des persiennes entrebaillées par Gaston Chelle, opérateur de Pathé-Gaumont, montrant l'embarquement de bagnards à Saint-Martin-de-Ré dans les années 20 (ceci est révélé dans l'instructif et synthétique livret du DVD par Nathaniel Greene), images qu'il entrelaça à des séquences qu'il filma à Paris avec Eugène Dieudonné, ancien anarchiste ayant fréquenté la Bande à Bonnot et condamné injustement au bagne en Guyane), le livre de Brunius déplore que ses recherches de montage n'aient pas été reprises par d'autres. Cependant, au même moment (au début des années 50) les lettristes, tels Isou avec son Traité de Bave et d'Eternité où bande-son et bande-image se séparent à un moment du film de façon discrépante comme le qualifia Isou, ou tel Guy Debord qui fit au même moment des films sans images (Hurlements en faveur de Sade) puis par la suite dans ses films situationnistes des films de montage de bandes d'actualités et autres films tout faits, publicitaires entre autres, qu'il détournait, représentent à l'évidence des héritiers des théories cinématographiques de Brunius et autres surréalistes.
Alphonse Benquet, portrait de sa femme Marie, 1889, coll. Rassat, ph. Bruno Montpied (sculpture inédite)
Brunius qui ne s'en tint pas là, comme je ne cesse de le rappeler ici et là, devançant également Dubuffet et l'art brut par son film de 1937 Violons d'Ingres qui évoque diverses figures de l'art populaire comme le Facteur Cheval, l'abbé Fouré, Alphonse Benquet, Auguste Corsin, Alphonse Gurlhie, le Douanier Rousseau, divers artistes naïfs, associés à des figures excentriques populaires (le Diable Rouge), des inventeurs et des artisans populaires, tous représentants d'une persistance du génie de l'enfance se prolongeant à l'âge adulte. Autour d'une évasion, film d'une audace étonnante pour l'époque, puisqu'il traite dans la suite des enquêtes d'Albert Londres (voir son livre sur Dieudonné, L'Homme qui s'évada et celui sur les bataillons d'Afrique, Dante n'avait rien vu, réédités au Serpent à Plumes), des conditions faites aux bagnards, montre à un moment dans les mains de Dieudonné un rouleau de peau humaine conservé en raison des tatouages qu'il recèle, tatouages que l'on voit dans un autre passage du film, dans les images de Silvagni en train d'être apposés sur les bras et les épaules des bagnards par des compagnons d'infortune.
Dieudonné déroulant la peau tatouée dans Autour d'une évasion
L'opération de tatouage dans Autour d'une évasion
Il reste à espérer que ce DVD soit le premier d'une série qui ne pourra se limiter sans doute qu'à deux compilations, la deuxième se consacrant à ses films tournés en Angleterre après la Seconde Guerre. Car on sait que Brunius, fuyant les Nazis, alla vivre là-bas, revenant de temps à autre après guerre voir ses amis et parents sur le continent, continuant à fréquenter le cercle surréaliste notamment, jusqu'à sa mort en 1967, la veille d'une grande exposition surréaliste à Londres qu'il avait grandement contribué à organiser (on le voit témoigner sur Jacques Prévert dans le film de Pierre Prévert Mon Frère Jacques en 1966, rare moment de présence personnelle devant une caméra, en dehors de ses rôles de comédien).
D'autres films furent réalisés par lui durant sa période anglaise (j'en ai évoqué un, Somewhere to live, dans la note ici et là en lien), et notamment un film pour enfants, To the rescue (A la rescousse) en 1952, qu'il fit avec Richard Massingham que Pagliano présente comme "une sorte de pionnier, réinventant le cinéma pour son usage personnel", une sorte de "cinéaste du dimanche", bourré d'humour et d'esprit carrollien, goût qu'il partageait avec Brunius qui réalisa pour la radio française en 1966, un an avant sa mort, une émission fleuve d'environ huit heures sur Lewis Carroll (rediffusée en 1986 sur France-Culture : faudra-t-il attendre 2016 pour la réentendre? Qu'attend-on pour l'éditer en coffret?). Ce film fut apparemment la seule incursion de Brunius dans le domaine de la fiction, sorte de poursuite burlesque, nous dit toujours Jean-Pierre Pagliano, en hommage au cinéma comique des premiers temps. Il reçut le prix du meilleur film pour la jeunesse au festival de Venise 1953. On aimerait bien le voir...
A noter en bonus: le Palais Idéal d'Ado Kyrou (1958, déjà réédité en même temps que le film de Claude et Clovis Prévost sur le Facteur Cheval dans un autre DVD produit par le Palais Idéal de Hauterives), surtout une éclairante "rencontre autour de Brunius" au Lux, scène nationale de Valence (le 16/10/2010), avec Eric Le Roy (CNC, Archives Françaises du Film, Films de l'Equinoxe), Christophe Bonin, l'ancien directeur du Palais Idéal aujourd'hui nommé à d'autres responsabilités culturelles dans la Creuse, et Jean-Pierre Pagliano (rencontre que j'avais signalée en son temps sur ce blog), une "chronologie" de J-B. Brunius et un diaporama de photos de films et de dessins de Brunius.
14/04/2012
Quatre jours singuliers à Nantes avec entre autres le Gazouillis des Eléphants
Cette note contient une mise à jour
C'est marqué "Un week-end singulier", mais c'est prévu pour durer quatre jours. Ils ont de la chance ces Nantais d'avoir des week-ends de quatre jours. Cela se passe au Lieu Unique, scène nationale, aménagée dans l'ancienne usine Lefèvre-Utile (ceux qui faisaient les petits LU), quai Ferdinand Favre, pas loin de la gare. Voir pour plus de précisions, le programme présenté sur leur site web, avec quelques bandes-annonce, que l'on peut aussi imprimer à partir du fichier en PDF que je vous propose en lien.
L'affiche de l'événement, avec, je ne sais trop pourquoi, cette desperate housewife en compagnie d'une peluche kitsch, est-ce à dire que les créateurs populaires seraient dans l'esprit des concepteurs de ce week-end singulier assimilables au kitsch? En réalité, comme j'ai pu le constater en visionnant le film de Mario Del Curto et Bastien Genoux samedi 21 avril, l'image représente la médiumnique Henriette Zéphir dont on a extrait hors contexte ce portrait, cette extraction pouvant du coup légitimer ma première interprétation... J'en profite pour dire ici mon admiration pour ce film qui donne une certaine idée de la transparence et de la fluidité ; on aimerait vivre à la table à dessin pleine de lumière de ce zéphir... (ajout du 26 avril)
C'est une programmation qui louvoie, dois-je dire, entre offres de contre-culture (concerts de musique avec entre autres celui d'un disciple de Moondog, Stephen Lakatos, exposition des dessins de Daniel Johnston – que j'eusse préféré voir sur scène personnellement, le trouvant nettement meilleur musicien que dessinateur –, présentation par Laurent Danchin de la revue L'Œuf Sauvage), et programmation de documentaires consacrés à l'art brut et aux inspirés des bords de route. Et c'est là que nous intervenons, samedi 21 avril, de 15h à 17h, avec une projection du Gazouillis des Eléphants (véritable titre des Bricoleurs de Paradis, titre que nous avons proposé parce que le premier avait déplu à un certain ponte de France 3...), le film de Remy Ricordeau, coécrit en ma compagnie, et une présentation concomitante de mon livre Eloge des Jardins Anarchiques, qui, à la lumière d'une discussion avec Eva Prouteau débouchera sur une autre présentation, le n° spécial récent de la splendide revue 303 consacré à "l'art outsider, brut, modeste". A signaler qu'à propos du film, Remy a également donné une petite interview à Aude Lavigne sur France-Culture tout récemment, dans l'émission "La Vignette" que l'on peut réécouter dans les podcasts de cette chaîne, voir ici le lien pour l'écouter.
Avec notre film, on retrouvera également des films de Mario Del Curto (sur Pya Hug, Macoto Toya, et Henriette Zéphyr), de Dominique Clément (Les Jardins de l'Imaginaire, sur Eugène Santoro), toujours le samedi (de 18h à 20h). Le dimanche, on retrouvera aussi le film de Bruno Decharme, Rouge Ciel (de 15h à 16h45), suivi d'une table ronde Decharme + Barbara Safarova + Sarah Lombardi, puis des films de Philippe Lespinasse (Judith Scott, Diamants bruts du Japon, et Ataa Oko) suivies d'une discussion avec Sarah Lombardi de nouveau, la nouvelle directrice intérimaire de la Collection de l'Art Brut (le tout entre 17 et 18h30). Qu'on se le dise, amis nantais et d'ailleurs...
18:22 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Cinéma et arts (notamment populaires), Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : lieu unique, nantes singulier, gazouillis des éléphants, éloge des jardins anarchiques, rouge ciel, sarah lombardi, bruno decharme, eva prouteau, 303, barbara safarova, mario del curto, pya hug, eugène santoro, ataa oko, philippe lespinasse, cinéma et arts populaires | Imprimer
25/03/2012
Info-Miettes (16)
Jean Branciard le 5 avril
Jean Branciard expose à Lyon à partir du 5 (jour du vernissage) jusqu'au 28 avril à la galerie L'Oeil écoute, 3 quai Romain Rolland dans le 5e ardt. Il ne sera pas tout seul. Avec lui, seront aussi Nicolas Artheau et Chantal Roux. C'est ouvert du mardi au samedi de 14h30 à 19h, et le dimanche de 11h à 15h.
(Illustration ci-contre: Jean Branciard, lampe et autres, ph. Bruno Montpied, 2008)
La revue de l'OOA n°4
...est sortie. Cette revue sicilienne qui traite de sujets en rapport avec l'art brut et l'art qu'elle appelle "outsider" (les cas-limite, les annexes, les inclassables, les innommables...) n'est pas imprimée, et c'est dommage. Elle se télécharge seulement. Sa maquette est fort agréable, comme on aimerait en voir pour une revue de ce côté-ci des Alpes. Seule remarque de ma part, si certains graphismes dans cette revue paraissent fort séduisants, il commence à devenir un peu gênant de constater que certaines images – servant en particulier pour les couvertures – paraissent être des transpositions systématiques des oeuvres originales des créateurs "outsiders" auprès de qui on est sûr que l'on n'est pas allé quêter l'autorisation de pareils "transferts" (et pour cause, certains sont morts avant). Voir par exemple ci-dessous cette couverture du n° 4 de la revue, qui est une "réduction", me semble-t-il, à la ligne graphique unitaire de la revue, d'une peinture de Giovanni Bosco. En dépit de l'élégance de cette ligne graphique, je ne peux m'empêcher de songer que le design l'emporte un peu trop sur la reproduction des œuvres originales. Comme dans le cas de certaines expositions où les dispositifs muséographiques finissent par trop empièter sur la présentation objective des œuvres.
En tout cas, c'est l'occasion pour les amateurs qui voudraient en découvrir un peu plus par rapport à la créativité brute en Italie, de découvrir d'autres sons de cloches, orchestrées en l'espèce par Eva Di Stefano, et d'autres contributeurs (dont Roberta Trapani qui intervient ici pour signaler l'expo actuelle de la Halle St-Pierre à Paris, Banditi dell'arte). A noter aussi que l'on redécouvre à un certain endroit des oeuvres de Jean Branciard mises en parallèle avec des créations de Franco Bellucci (il me semble). Je ne peux qu'être ravi de cette confrontation par delà les Alpes, moi qui ai déjà évoqué la figure de Branciard ici même (voir ci-dessus, plus cette série de notes), ainsi que dans la revue Création Franche.
Evelyne Postic le 9 avril
Une dessinatrice que je trouve de première force vient faire un tour à Paris, à la Galerie de la Halle Saint-Pierre, du 9 au 26 avril (vernissage le 12 avril à 18h), parallèlement à l'expo "Banditi dell'arte". Evelyne Postic présente des dessins sur calque. "Vibrations originelles" cela s'appelle.
Evelyne Postic, Chrysalide de velours, encre sur calque parchemin, 15x50 cm, 2012
Des "paños" depuis le 16 mars
La librairie-galerie Le Monte-en-l'air, située 71, rue de Ménilmontant dans le 20e ardt à Paris (tél: 01 40 33 04 54), expose, avec l'aide de la Pop Galerie, de la revue Collection et du Dernier Cri, du 16 mars au 31 mars des paños, ces mouchoirs dessinés par les Chicanos enfermés dans les prisons du Sud-Ouest des Etats-Unis. La revue Hey! sous la plume de Pascal Saumade (qui se cache également derrière l'enseigne de la Pop Galerie) s'en était déjà enquise dans un de ses numéros passés. Ce fut la révélation d'une forme d'art populaire très contemporain à verser au dossier de l'art produit en milieu carcéral (au même titre que les tatouages, les graffiti, les dessins naïfs, les sculptures de taulards).
Cet art s'est développé, nous dit le texte de présentation que j'ai trouvé sur une carte postale annonçant l'expo, "dans les années 40 à la faveur du Pachuco movement. Griffées façon tattoo avec l'encre des stylos bille, ces étoffes enluminées véhiculent leurs propres codes, transmis d'une génération de détenus à l'autre. Ces dessinateurs autodidactes, souvent condamnés à de lourdes peines, puisent leur inspiration dans la sous-culture des gangs latinos de Los Angelés."
Et Zdenek Kosek au Palais de Tokyo le 12 avril...
Là, c'est la collection de l'association ABCD qui présente un de ses chouchous, Zdenek Kosek, du 12 avril au 5 juin (expo "Je suis le cerveau de l'univers"). Le vernissage est assez particulier, on nous l'annonce comme une fête qui durera pas moins de 28 heures (oui, vous avez bien lu, probablement jusqu'à ce que l'on soit ivre-mort), du jeudi 12 avril à 20h jusqu'au vendredi 13 à minuit (c'est aussi pour marquer la réouverture du Palais de Tokyo – j'ajoute que j'ignorais à ma grande honte qu'il fût fermé, vu que je n'y mettais jamais plus les pieds depuis que c'était devenu un espace voué à l'art contemporain dans ce qu'il a de plus barbant). Peut-être est-ce à mettre en rapport avec les supputations chiffrées, la passion des diagrammes superposés parfois à des corps de femmes dénudées que Kosek prise passablement? Il doit y avoir de la numérologie là-dessous (ou là-dessus), avec cette date fatidique du vendredi 13 en outre... Voici le carton de l'expo ci-dessous pour vous en dire plus. Cela faisait en tout cas un certain temps qu'ABCD, hormis les séminaires de Barbara Safarova au Collège International de Philosophie, n'avait pas présenté d'expo à Paris.
Christiane Alanore, une ancienne de l'art singulier
Du 4 avril au 20 mai 2012 (vrnissage le 7 avril), Christiane Alanore expose à la Galerie Pigments à Lurs, entre Lubéron et Montagne de Lure, en Provence. Je ne sais que peu sur cette artiste, probablement aujourd'hui octogénaire (elle a illustré un livre de Boris Vian, Cantilènes en gelée, en 1948 –ce qui fait quand même un bail– et puis aussi du Raymond Queneau, ce qui l'associe fortement à la 'Pataphysique).
Expo Galerie Pigments, Lurs
Le site de la galerie de Jacques Jaubert la présente fort succinctement, et dit d'elle qu'elle est une "figure de l'art brut", puisqu'elle a eu une correspondance avec Jean Dubuffet et que ce dernier aurait acheté dix de ses dessins pour la Collection de l'Art Brut aujourd'hui à Lausanne... C'est un peu exagéré de dire ça, j'ai l'impression, je préfère personnellement la voir comme une figure tutélaire de l'art singulier (qui regroupe des artistes contemporains influencés depuis l'après-guerre jusqu'à aujourd'hui par l'exemple moral et esthétique de l'art brut). Mon petit doigt me sussure qu'elle a dû faire partie de la collection dite d'abord "annexe", puis ensuite "Neuve Invention" (et aujourd'hui, que devient-elle, on n'en entend plus parler à Lausanne ?). Elle est à distinguer, me semble-t-il, des créateurs de l'art brut, non professionels, non en recherche de consécration ou d'exposition. Et je ne dis pas cela en visant son esthétique, assez proche de Dubuffet (quoique moins sombre) ou de Slavko Kopac, je ne songe qu'à sa classification sociologique au sein de la collection d'art brut. Car on l'oublie par trop, cette distinction, alors qu'elle a pourtant un sens important, puisqu'elle entérine un autre usage social de l'art comme je l'ai déjà plusieurs fois dit, notamment dans mon livre Eloge des Jardins Anarchiques.
00:23 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire contemporain, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jean branciard, evelyne postic, christiane alanore, art singulier, osservatorio outsider art n°4, giovanni bosco, art brut italien, panos chicanos, pop galerie, art modeste, art populaire contemporain, zdenek kosek, abcd, palais de tokyo, galerie pigments | Imprimer
17/03/2012
Un saint en dentelle
Saint Vaast dévaasté
Eglise de St-Vaast-la-Hougue (Manche), 2011, ph. Bruno Montpied
13:20 Publié dans Art immédiat, Art populaire religieux, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : oeuvres d'art ruinées, poésie naturelle, saint vaast la hougue | Imprimer
15/03/2012
Les bandits font du cinéma
"I banditi dell'arte font leur cinéma", tel est le titre retenu par Pierre-Jean Wurtz, de l'Association Hors-Champ à Nice, et Denis Lavaud pour une programmation de courts et moyen métrages (en fait, un seul moyen métrage de 52 min) sur l'art brut, et hors-les-normes, et populaire contemporain, et environnemental spontané italien dans le cadre de l'expo Banditi dell'Arte qui s'ouvre le 23 mars à la Halle St-Pierre, programmation qu'ils ont prévue pour un week-end entier, les 24 et 25 mars (programmation conçue "à 90%" par Wurst et "à 10%" par Lavaud, selon les propres termes de ce dernier, voir cette interview glissée sur la Toile).
"Elefanti effervescenti, In the Cave" par un cinéaste vidéo anonyme proposant une balade du côté de Sciacca en Sicile dans le "Château enchanté" de Bentivegna, vidéo trouvée sur le blog en italien Lapsus (est-ce que par hasard, cela pourrait se traduire par "éléphants effervescents"? Ce qui constituerait un titre fort cousin de notre Gazouillis des éléphants à remy Ricordeau et à moi, qui est comme on sait le véritable titre de Bricoleurs de paradis ; mais peut-être fais-je une erreur, les "éléphants effervescents" en question n'étant peut-être que le nom du (des) cinéaste(s)?)
Cette programmation s'annonce d'ue richesse exceptionnelle. enfin des choses rares et précieuses comme nos deux compères savent en dénicher. On n'est plus dans le ressassement. Cela commence samedi 24 à 11h, avec Filippo dalle mille teste de Laura Schimmenti (2002), projeté entre 11h et 12h, sur Filippo Bentivegna, ce créateur sicilien qui avait semé des centaines de têtes sur un espace rocheux (réorganisées par la suite longtemps après sa disparition, me semble-t-il, peut-être pourra-ton en apprendre plus s'il y a débat?). Le film fait 30 min. et sera montré en présence de Lucienne Peiry. Pause. La programmation reprend à 14h avec I Graffiti della mente de Pier Nello et Erika Manoni (2002 ; 20 min.), sur les graffiti de Fernando Oreste Nanetti sur les murs de l'hôpital psychiatrique de Volterra. S'ensuivra un film de Stephan Burckhardt, de 1974 (5 min.) sur Podesta, en présence de Caroline Bourbonnais (qui conserve des oeuvres de Podesta à la Fabuloserie) et de Lucienne Peiry. On ne s'arrêtera pas en si bon chemin puisqu'on continuera avec Pittore Contadino (sur Pietro Ghizzardi), de Michèle Gandin (1963, 10 min.), en présence de la famille Ghizzardi, et Joseph Barbiero, de Christian Lamorelle (produit par France 3 Auvergne, 1985, 4 min.) en présence d'Alain Bouillet. L'après-midi de ce samedi pourra alors s'achever en beauté avec Le Sanctuaire de Buffo, de Glaüdio da Silva (2006, 20 min.), en présence de Martine et Pierre-Louis Boudra du musée des Amoureux d'Angélique venus tout exprés de leur Ariège chéri (et accompagnés d'une célèbre concierge de l'art brut, monsieur Maurice).
Illustration ci-dessus: un fragment de mur graffité par Nanetti dans son hôpital, moulé, et exposé l'année dernière à la Collection de l'Art Brut à Lausanne (photo Bruno Montpied)
Bonaria Manca, I Fidanzatini (Les fiancés), circa années 2000, coll BM
Dimanche 25, ça continue, à partir du début d'après-midi, le matin on fait la grasse matinée (à moins que Pierre-Jean et Denis se mettent en règle avec Dieu à la messe de onze heures?). A 14h, on commencera avec Giovanni Bosco, dottore di tutto, de Tore Bongiorno, Claudio Colomba et Carlo di Pasquale, Giovanni Navarra et Vito Ingoglia (2009, 25 min.). On enchaînera avec La Tinaïa, RGBForce/Associazione Nueva Tinaïa (2008, 14 min), en présence de Gustavo Giacosa, le commissaire de l'expo. Sans temps mort, on passera à Toy (sur Franco Bellucci ; 2006, 5 min.), de Ricardo Bargellini, Tiziano Camacci et Elena Govi (les Italiens ont apparemment la passion du collectif dans les noms des réalisateurs, même quand les films ne font que 5 minutes), en présence du premier des trois.
Marcello Cammi, un buste de personnage peu sympathique (peut-être un fasciste? Voir le calot représenté sur la tête), Bordighera, 1990, ph Bruno Montpied
Le programme se poursuivra avec I misteri dei sassi, Luigi Lineri e l'Adige, de Enrico Ranzanici (2007, 10 min.), en présence du créateur et de Paolo Mucciarelli (Luigi Lineri, collecteur de pierres qu'il ordonne dans un espace couvert d'une manière qui fait penser à une cité en maquette, est évoqué dans le livre de Gabriele Mina, Costruttori di Babele, que j'ai cité dans ma précédente note sur l'expo Banditi dell'arte). Deux films, faits par des Françaises cette fois, viendront enfin clore ce week-end d'art brut italien: Marcello Cammi, le jardin secret, de Muriel Anssens (1999, 12 min.), en présence de l'Association Hors-Champ (qui nous parlera peut-être de leurs essais de sauvegarde des oeuvres de Cammi?), et La Sérénité sans carburant (sur Bonaria Manca ; film de 52 min.; 2004), de Marie Famulicki, en sa présence et celle de Claire Margat.
ATTENTION! Si l'entrée est libre (auditorium de la Halle St-Pierre au sous-sol), il est conseillé de réserver sa place. Tél: 01 42 58 72 89.
10:56 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire contemporain, Cinéma et arts (notamment populaires) | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : association hors-champ, pierre-jean wurtz, cinéma et arts populaires, art brut italien, filippo bentivegna, podesta, lucienne peiry, nanetti, ghizzardi, joseph barbiero, amoureux d'angélique, fabuloserie, luigi buffo, marcello cammi, gabriele mina, bonaria manca, luigi lineri | Imprimer
11/03/2012
L'art hors-les-normes italien, une nouvelle exposition à la Halle Saint-Pierre
Le printemps sera italien cette année. Du moins en ce qui concerne l'actualité des événements concernant la planète des arts bruts, naïfs ou populaires. C'est fait personnellement pour me plaire, étant donné les informations que j'ai souvent mises en ligne ici même sur le sujet.
Affiche de l'expo, Les "portes" de Francesco Nardi, coll privée, © Halle St-Pierre
"Banditi dell'arte" est le titre choisi par Martine Lusardy avec Gustavo Giacosa, commissaire désigné de l'exposition (j'ai déjà mentionné son nom en divers points de ce blog). C'est joli, ça fait bien ce titre, c'est offensif, les "bandits de l'art", mais est-ce bien tout à fait juste?... Les organisateurs de l'expo se fondent sur le fait que des travaux et des objets venus de collections historiques à la fois psychiatriques et carcérales, comme le musée Cesare Lombroso, le musée d'anthropologie de Turin et l'hôpital San Lazzaro de Reggio-Emilia (musée d'histoire de la psychiatrie) ont prouvé depuis longtemps le regard criminalisant qui fut porté sur certaines figures populaires créatives. Lombroso par exemple, au XIXe siècle, cherchait à mettre en évidence, en collectant tous les documents et objets possibles produits par des "criminels", l'origine innée de cette criminalité. Il allait jusqu'à trouver des traits physiques susceptibles d'être des marqueurs de la dangerosité des individus. Il lia folie, génie et criminalité, exerçant ainsi une influence notable sur les théories réactionnaires qui apparurent après lui, critiquant les avant-gardes artistiques (théories qui débouchèrent sur l'exposition nazie "d'art dégénéré" de 1933 en Allemagne, où furent mêlés œuvres expressionnistes, surréalistes, et travaux d'internés de la collection Prinzhorn, internés dont certains, comble de l'horreur, furent mis à mort par la suite dans les hôpitaux allemands).
Francesco Toris, Le Nouveau Monde, © Musée d'Anthropologie de Turin ; A noter qu'il manquerait selon Maria Teresa Dolfin, "découvreuse" de l'œuvre en 2002-2003, une pièce sculptée importante sur cette pièce, une "Chimère", que Toris considérait comme "la pièce maîtresse de son œuvre"
L'expo est construite ainsi en deux parties. La première donc, avec des travaux venus de ces collections –dont j'attends personnellement de voir avec beaucoup d'impatience l'extraordinaire maquette architecturée, en os de bovins, de Francesco Toris, "Le Nouveau monde" (1899-1905), sorti des réserves du musée d'anthropologie de Turin, véritable Tour de Babel arachnéenne, dressée depuis l'ossement d'une existence saccagée (à l'âge de 33 ans, cet ancien carabinier fut interné en hôpital psychiatrique), qui fut présentée pour la première fois en 2002-2003 par la Collection de l'Art Brut à Lausanne–, sans oublier les travaux venus des ateliers d'art pour divers patients en souffrance, comme Blu Cammello à Livourne, La Maninca Lunga, à Crémone, la Tinaïa à Florence, etc...
Quelques numéros de la revue Arte Naive dirigée par Dino Menozzi (69 numéros publiés à Reggio-Emilia de1974 à 2002), qui s'ouvrit à partir du n°59 (1997) à l'art "outsider" ; on y parlait déjà de plusieurs créateurs qui sont présentés à l'expo Banditi dell'Arte, voir aussi la note que j'avais consacrée à la donation Menozzi à la Bibliothèque Panizzi
La seconde partie est constituée, au premier étage (traditionnellement consacré à la Halle, sous un éclairage plus naturel, à l'art "ouvert"), aux "insiders" populaires par opposition aux oeuvres du rez-de-chaussée, espace du marginal, des créateurs enfermés, à tous les sens du terme, exposées du coup dans un espace noir, sans lumière venue de l'extérieur, "des représentants de l'art populaire contemporain" (selon les mots du dossier de presse de l'expo). Ces créateurs nous sont présentés comme des indépendants vis-à-vis du système des beaux-arts traditionnels, créant une "contestation institutionnelle et culturelle" (là aussi, je trouve cela exagéré). On y retrouve des "portes détournées" par Francesco Nardi, des peintures de Pietro Ghizzardi (que l'on a vu récemment exposé chez Christian Berst), des sculptures de Luigi Buffo (sauvées par le Musée des Amoureux d'Angélique dans l'Ariège ; voir photo Bruno Montpied ci-contre), des sculptures de Joseph Barbiero (préférées aux dessins du même). Y sont également évoquées les figures, récemment mises en lumière dans le livre sur les environnements spontanés italiens de Gabriele Mina, Costruttori di Babele, (les Bâtisseurs de Babel, éd. Eleuthéra), de Luigi Lineri, Vincent Brunetti, Mario Andreoli, Maurizio Becherini ou encore Marcello Cammi, ce créateur d'un jardin empli de centaines de statues à Bordighera, que j'ai chroniqué dès 1990 dans le Bulletin des Amis d'Ozenda, puis dans Raw Vision, et sur ce blog aussi.
Le livre de Gabriele Mina récemment paru en Italie, avec la collaboration de divers auteurs (dont mézigue)
A noter que la galerie Rizomi à Turin consacre à partir du 16 mars prochain, et ce jusqu'au 22 avril une sorte de rétrospective consacrée à Cammi, dont les sculptures furent balayées par une inondation de la rivière qui passait au milieu de son terrain. Un catalogue de 80 pages paraît à cette occasion (qui reprend mon texte de 1990 sur Cammi, Hôtel angoisse et jardin bachique, entre autres documents, et cette fois traduit en italien). (Voir ci-dessous dessin de Cammi à partir d'une tache de vin, coll. BM, et un détail de son jardin disparu à Bordighera, ph. BM, 1990)
Beaucoup de noms de créateurs sont mentionnés sur le carton d'invitation à l'expo, beaucoup étant à découvrir, d'autres à retrouver comme Filippo Bentivegna (connu depuis très longtemps par la Collection de l'Art Brut et le livre de Michel Random, l'Art Visionnaire, paru en 1979), Giovanni Podesta ou Carlo Zinelli, tous deux fort connus dans l'Art Brut, d'autres encore à confirmer comme Bonaria Manca, souvent chroniquée entre autres par Roberta Trapani, ou encore Giovanni Bosco, Marco Raugei, Oreste Nanetti, etc., etc.
Francesco Borrello, Atelier La Maninca Lunga, expo Banditi dell'Arte
Il reste qu'on s'étonne que les initiateurs de l'expo aient à ce point focalisé sur la notion de "bandits de l'art" qui évoquent une attitude offensive pas forcément patente chez les réprouvés ou les solitaires dont on met en évidence la créativité. Cette dernière s'exerce la majeure partie du temps, du reste, au sein d'une attitude non-violente. Ce qui colle mal avec cette vision activiste de l'art hors-les-normes ici mise en avant. Une posture hors-la-loi de pirate ou de brigand n'est pas spécifiquement l'attitude de la majorité de ces créateurs. Leurs expressions ne sont pas des brûlots dirigés vers la caste dominante. Mais plutôt le moyen de reprendre pied dans leur vie, dans un écart absolu vis-à-vis de la société de la multitude moutonnière. Un écart qui ne s'accompagne pas d'une prise d'armes pour autant... Tant et si bien que j'arrive à me convaincre que les commissaires de cette exposition, qui s'annonce certes passionnante, se sont faits surtout plaisir en titrant ainsi leur manifestation.
Enfin, une autre remarque. Il est loisible de déplorer que la Halle Saint-Pierre n'ait apparemment pas demandé de collaboration à Eva Di Stefano qui effectue depuis déjà un certain temps un travail remarquable de défrichage et d'étude sur l'art brut et outsider italien à l'ombre de l'Université de Palerme en Sicile. On se convaincra aisément de la qualité de son travail en allant télécharger les numéros de sa revue virtuelle Osservatorio Outsider Art qui a mis en ligne jusqu'ici trois numéros.
Et rappelons, au titre des manifestations ayant précédemment attiré l'attention sur l'art brut et hors-les-normes italien, l'exposition internationale d'art irrégulier, Beautés insensées, de 2007, qui, sous la direction de Bianca Tosatti, s'était tenue à la Salle d'Expositions du Quai Antoine Ier à Monaco. On y découvrait déjà, entre autres, les peintures de Tarcisio Merati, créateur que l'on retrouve annoncé dans Banditi dell'Arte.
Tarcisio Merati, Petite machine, sans date, Bergame, Association Merati ; photo extraite du catalogue Beautés insensées
"Banditi dell'arte", exposition ouverte du 23 mars 2012 au 6 janvier 2013, vernissage le jeudi 22 mars. Halle Saint-Pierre, 2, rue Ronsard, 18e ardt Paris. T: 01 42 58 72 89.
"Marcello Cammi", exposition à la galerie Rizomi, Turin du 16 mars au 22 avril, corso Vittorio Emmanuele II, 28, 10123 Turin. T: 01 15 78 88 08.
18:21 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire contemporain, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : art brut italien, art hors-les-normes, banditi dell'arte, cesare lombroso, francesco toris, le nouveau monde, art dégénéré, francesco nardi, pietro ghizzardi, luigi buffo, boudra, gabriele mina, costruttori di babele, galerie rizomi, marcello cammi, eva di stefano, tarcisio merati, bonaria manca | Imprimer
03/03/2012
Du CrAB et des environnements spontanés
(Cette note a reçu deux mises à jour)
Deux membres du CrAB (Centre de recherche autour de l'Art Brut), Roberta Trapani et Déborah Couette, paraissent s'intéresser aux environnements des autodidactes, populaires (Fouré, Cheval, Picassiette, Litnianski, Taugourdeau, Chatelain, etc.), ou non, sans opérer de distinction avec les créateurs de sites plus "artistes" (ce qui n'est pas ma tasse de thé, comme je l'ai déjà plusieurs fois exprimé). A l'occasion en effet elles paraissent mettre l'accent aussi sur des sites d'artistes alternatifs (tels Jean Linard, ou Robert Tatin, ou Warminski, ou Chomo, etc.), ce qui pourrait avoir un sens si ces artistes alternatifs étaient présentés nettement à part (sans délirer non plus outre mesure sur leurs talents respectifs).
Que veulent-elles faire exactement, c'est peut-être – avant de les juger trop vite (faut dire, commencer par la défense du site de Jean Linard, ce ne serait pas le plus fascinant des choix, ça a un petit goût contre-culture résurgente qui peut donner l'impression qu'on veut ressusciter ces vieux babas-cools des années 70 qui furent aussi en même temps des récupérateurs du vrai art inspiré des bord des routes, créé lui par des gens infiniment plus modestes et infiniment moins m'as-tu-vu)– c'est le moment d'aller les écouter quand elles vont se présenter, en compagnie de Vincent Capt qui s'intéresse surtout par ailleurs aux écrits bruts et autres, dans le cadre de l'expo Marcel Storr, au Pavillon Carré de Baudouin, le jeudi 8 mars prochain, à 15h (oui, c'est pas un horaire pour ceusses qui ont des obligations salariées, ça, on n'a visiblement pas songé à eux...). Voici ci-dessous quelques précisions ultimes transmises par le service communication de la Mairie du XXe ardt:
"Murs, (an)architectures et villes utopiques
Carte blanche au CrAB pour une série d'interventions sur l’art brut et l'architecture fantastique animée par Laurent Danchin:
-Vincent Capt (Université de Lausanne/Université Paris VIII) analysera différents types de murs transfigurés par l’utilisation de diverses écritures.
-Déborah Couette (Université Paris I) abordera des œuvres picturales d’art brut qui figurent des architectures et des utopies urbanistiques.
-Roberta Trapani (Université de Palerme/Université Paris X) évoquera des œuvres monumentales - installations ou architectures insolites réalisées par des autodidactes excentriques - en présentant un projet italien inédit sur l'art spontané in situ, Bâtisseurs de Babel de l’anthropologue Gabriele Mina.
Pour finir, le collectif présentera L'invention rustique, documentaire réalisé en décembre 2011 par Jean-Michel Chesné, collectionneur de cartes postales d’anciens environnements insolites."
Pavillon Carré de Baudouin, 121 rue de Ménilmontant, 75020, Paris.
Tél. 01 58 53 55 40. Accès : M° Gambetta (Lignes 3 et 3 Bis) ou bus 26 et 96 (Arrêt Pyrénées/Ménilmontant). Horaires d’ouverture au public : du mardi au samedi de 11h à 18h (sauf jours fériés).
(ENTRÉE LIBRE dans la limite des places disponibles)
12:10 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Art singulier, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : crab, environnements spontanés, roberta trapani, vincent capt, déborah couette, pavillon carré de baudouin, architectures et écritures folles | Imprimer
29/02/2012
L'homme aux bonbons
Marie Paccou est cinéaste à Billom où elle organise un Festival du Film Bricolé. Elle a aussi consacré un court-métrage de 8 min 10 exactement, L'Homme aux bonbons (sous-titre: "l'histoire vraie d'un homme qui cherchait l'amour") à un certain Hubert Germain, qui était jusqu'à une époque récente une figure populaire de cette ville du Puy-de-Dôme (il est décédé en ), où on le surnommait "le Père Noël ambulant". Doux, plutôt innocent, sans doute muni d'une pension d'invalidité, il était connu pour deux comportements que le film souligne, il offrait sans cesse des bonbons (des Magnificat, sortes de caramels au lait crémeux), parfois en cachette, et surtout aux femmes, à qui il décernait des étoiles de gentillesse (en tout bien tout honneur comme on dit). Ces douceurs étaient des petits cailloux blancs qui reliaient les gens les uns aux autres. Le deuxième comportement était sa participation, avec le groupe de rock auvergnat les Flying tractors, à des concerts, où il effectuait des sortes de performances, se roulant par terre, et chantant des scies de Joe Dassin (j'irai cueilir sur la colline un bouquet d'églantines...) ou de Pierre Perret (Tonton Cristobal est revenu...). Le film est court et faute de plus d'archives ne montre pas beaucoup cet aspect du talent très spécial d'Hubert Germain. Il semble du reste que dans la région, on n'ait pas pu garder beaucoup d'enregistrements de ces performances qui pourtant tenaient, a priori, du chant d'outre-normes tel que nous le cherchons et tel que nous le trouvons rarement. Le film de Marie Paccou est réalisé de façon atypique pour un documentaire, c'est presque un film d'animation avec son montage rapide, ses pixillations, ses témoignages hachés. Ce qui émerge à la toute fin, c'est la solitude de cet homme privé d'amour en raison de son handicap. Le cri final jeté en concert apparaît déchirant à cette lumière.
DVD : HUBERT l'homme aux bonbons (extrait) par heeza
Je crois savoir que le film sera diffusé le samedi 2 juin prochain dans le cadre du Festival Hors-Champ de cinéma autour des Arts singuliers à Nice (auditorium du MAMAC le samedi et bibliothèque Louis Nucéra le vendredi 1er). On peut demander le film en écrivant aux Films de l'Arlequin, 23, rue de Meslay, 75003 Paris (00 331 42 77 20 55), et arlequin@wanadoo.fr ou www.filmsdelarlequin.com
Les arcs-en-ciel du noir, invitation à Annie Le Brun
Cette exposition, conséquence de l'invitation lancée à Annie Le Brun par le musée Victor Hugo de la Place des Vosges à Paris, s'articule, nous dit le dossier de presse, autour de "7 sections thématiques et chronologiques": Noir comme la jeunesse, l'entrée dans l'obscurité (conçue comme le fil rouge de la visée hugolienne) à travers les premiers romans, noir comme le théâtre des passions, le théâtre hugolien interrogeant le cœur et l'amour, noir comme les voyages, ceux des années 1840 où les paysages sont les supports de la rêverie (Hugo écrivait: "C'est au dedans de soi qu'il faut regarder le dehors"...), noir comme la liberté, car Hugo se sentait attiré par les marges sociales et littéraires (il abrita des Communards en fuite dans sa maison étonnante de Guernesey), le choix du noir dans l'aménagement de Hauteville House qu'il avait conçu comme un théâtre mental, noir comme l'infini, car Hugo interrogeait les forces obscures du monde comme dans Les Travailleurs de la Mer et peut-être aussi, mais cette expo paraît ne pas en parler (ce sera l'affaire d'une autre expo à venir), comme dans les séances de spiritisme où Hugo et ses proches partaient en quête de l'au-delà et de ses possibles habitants, et enfin noir comme l'éblouissement, l'éclatement lyrique des poèmes hugoliens.
On se doute bien que l'exposition repose aussi sur la présentation de dessins et d'encres rarement montrées, en provenance des réserves du musée. C'est alors très concrètement que l'on peut voir surgir de ces encres, et de ces sépias, la lumière venue des ténèbres que dépeint et interroge l'exposition. De même que dans la photographie, alors uniquement en noir et blanc, et technique nouvelle que Hugo expérimente avec audace. L'invitation à Annie Le Brun est lancée au moment où paraît simultanément chez Gallimard (le 15 mars) son nouvel essai "Les Arcs-en-ciel du noir: Victor Hugo" dans la collection Art et artistes, en même temps que reparaît dans la collection L'Imaginaire Promontoire du songe du même Hugo, préfacée par Annie Le Brun, promontoire qu'illustre parfaitement l'image du Phare des Casquets qui a été choisie pour le carton d'invitation à l'exposition.
Les Arcs-en-ciel du noir. Invitation à Annie Le Brun, Musée Victor Hugo, 6, place des Vosges, Paris, du 15 mars au 19 août 2012
16:53 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Littérature, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
Rumours au MADmusée plutôt que Josef Hofer à la Collection de l'Art Brut à Lausanne
Si on devait m'obliger à choisir, dans une espèce de victoire à un improbable, très improbable jeu télévisé qui consisterait à envoyer ses participants visiter obligatoirement une exposition d'art brut, entre l'expo "Josef Hofer et le miroir" qui se tiendra à la collection de l'Art brut à Lausanne du 9 mars au 13 mai 2012 et l'expo "Rumours, Morton Bartlett/Lee Godie/Loulou/Miroslav Tichy" qui se tiendra au MADmusée de Liège du 10 mars au 6 mai, je sais que c'est la seconde qui recueillerait tous mes suffrages. Hofer, je n'arrive pas à m'y intéresser. Graphiquement surtout, car je trouve cela d'un insupportable misérabilisme ethétique. Peut-être que c'est le discours autour de ce personnage qui en fait tout l'attrait pour certains, mais la barrière du graphisme maigrichon me tient en deçà. Tandis que du côté de Liège, oui, c'est plutôt excitant avec ces deux grands voyeurs poétiques que furent Bartlett, avec ses poupées de plâtre qu'il photographiait dans un théâtre mental qui lui était propre (et qu'on connaît mal de ce côté de l'océan Pacifique), et Tichy, le bricoleur d'appareils photo qui saisissait au vol les jolies femmes désirables qu'il regardait à la dérobée. Lee Godie, dont on nous dit dans le dossier de presse qu'elle vivait dans la rue, faisait des portraits et des autoportraits photographiques tout en se proclamant "impressionniste française". Loulou, alias Louise Tournay, décédée en janvier 2010, est plus connue depuis que l'Aracine l'a présentée dans ses expositions et sa collecion.
(Illustration: La fille en robe jaune, galerie Julie Saul, New York)
10:49 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Photographie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, josef hofer, collection de l'art brut, morton bartlett, lee godie, miroslav tichy, louise tournay, madmusée, photographie | Imprimer
Disparition de Lino Sartori
C'est l'ami Alain Garret qui m'apprend cette triste nouvelle. Lino Sartori nous a quittés le 21 décembre 2011. C'était un peintre sur souches de toute première force que je n'ai pu rencontrer qu'une seule fois en juin de l'année dernière, si éphémèrement, une après-midi fugace, tout en me laissant un grand souvenir cependant.
Lino Sartori face à sa créature, photo Bruno Montpied, juin 2011
Epoux d'une autre grande créatrice singulière, au parcours différent de Sartori, Andrée Acézat (ce fut au départ une peintre académique de la région bordelaise qui avait rompu à 180° avec ses anciennes habitudes de représentation, creusant la geste enfantine en la revisitant à travers un regard adulte), il avait d'abord été une grande partie de sa vie chef de chantier dans le bâtiment. C'est le compagnonnage avec cette femme artiste atypique, et peut-être aussi la mue opéré par cette dernière dans sa propre production, débouchant sur une expression infiniment plus directe, qui provoquèrent le désir chez Lino Sartori de créer à son tour.
Bois peint de Lino Sartori, coll. BM
Durant notre rencontre, avant tout centrée sur l'évocation de sa femme qu'il faut aussi faire reconnaître, je ne pouvais m'empêcher d'être gagné du coin de l'œil, séduit par les œuvres de Sartori qui se trouvaient semées dans sa maison, mêlées à celles d'Acézat. L'enchantement continua quand j'allai dans la suite de l'après-midi chez un collectionneur qui a conservé de nombreuses pièces des deux créateurs.
Le problème de cette œuvre, qui comprend aussi des peintures en deux dimensions à côté des souches peintes, c'est sa proximité ave le travail d'un Gaston Chaissac. La façon qu'a Sartori de cerner ses couleurs de manière compartimentée, sa liberté de traçage sur des surfaces aussi bosselées et imprévisibles que peuvent l'être des morceaux de bois brut, cela l'apparente fortement à Chaissac et peut nuire à une approche immédiate de son travail. Il faut en particulier ne pas s'arrêter à l'image en deux dimensions de ses souches peintes qui bien entendu aplatissent ces dernières, et le rapprochent encore plus de Chaissac. Quand on fréquente assez longtemps les oeuvres de Sartori, cette référence peu à peu s'estompe et surnage l'opinion que l'on a affaire ici à un amoureux des formes naturelles qu'il sublima par la caresse de ses couleurs, et le dessin de ses figures tendres et naïves, parfois humoristiques.
Lino Sartori, sans titre (un dialogue entre marionnettes?), 2007, coll. privée, Bordeaux
Il faut absolument se pencher sur cette oeuvre, en dresser le catalogue avant que l'oubli et ses mâchoires de néant ne se referment sur le personnage qui fut discret, réservé, s'effaçant derrière une épouse déjà elle-même fort secrète, véritable ombre derrière une autre ombre...
Acézat et Sartori, Hymne à l'unanimité, il faut de tout pour faire un monde, 1994 ; peinture commune aux deux époux (l'église étant plutôt du fait de Lino apparemment), émaillée d'inscriptions variées et datée de la période charnière dans la production d'Acézat
08:54 Publié dans Art immédiat, Art populaire contemporain, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : lino sartori, andrée acézat, alain garret, art singulier, art immédiat, souches peintes, chaissac | Imprimer
26/02/2012
2e édition des 24 heures du blog
Allez, je remets ça. Mercredi 29 février (on va me dire que désormais cela me permettra en promulguant cette journée de travail sur le blog non-stop à chaque 29 février de faire cela seulement les années bissextiles, mais non, c'est l'occasion qui fait le larron, un jour de plus cette année, c'est comme si on avait un bonus dans notre existence, et c'est donc une manière de le fêter...). De 3 heures du matin le 29 février à 3 heures du matin le 1er mars.
Je rappelle le principe, pour ceux qui ne se souviendraient pas de ma première édition (à ma connaissance, je suis l'inventeur de cette manifestation), elle-même ayant pris place aussi en février, voici trois ans (donc cela prend l'allure involontaire d'une triennale, encore un effort et je fais cela toutes les années bissextiles). Il s'agit avant tout de travailler à mettre des notes en ligne sans discontinuer, c'est-à-dire de rédiger, faire des recherches, éditer des images de façon à les insérer au format adapté au blog, mettre en pages les notes, répondre aux commentaires possibles durant ces 24 heures, etc. Cela ne veut donc pas dire que les notes vont se succéder sans intervalles de temps! Elles viendront naturellement, au gré de l'inspiration et des associations d'idées, durant vingt-quatre heures.
Rendez-vous donc mercredi, 3 heures du mat', à tous ceux qui voudront bien suivre mon panache blanc.
14:32 Publié dans Art immédiat | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : 24 heures du blog, associations d'idées, défi | Imprimer
17/02/2012
Nouveau jeu... qu'est-ce que c'est?
Il faut que je l'admette, le jeu des 7 différences n'a rien donné... Alors j'en lance un autre, plus dans le style Schmilblic...A gagner la même chose que dans le jeu précédent, puisque les livres sont toujours là à poireauter:
Soit le livre (en italien), abondamment illustré de Gustavo Giacosa, Noi, quessi dessa parola che sempre cammina, sur les inscriptions graffitées de Babylone, Giovanni Bosco, Helga Goetze, Oreste Nannetti, Melina Riccio et Carlo Torrighelli (2010)...
Soit cet autre ouvrage, Art brut fribourgeois, catalogue d'une exposition de la Collection de l'Art Brut en 2008...
Que faut-il trouver cette fois? Eh bien, que signifient les objets ci-dessous, à quoi servaient-ils? Le premier qui trouve la solution gagne un des deux livres.
Photo La Patience, 2012
23:43 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art involontaire, Art populaire insolite, Graffiti, Jeux, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : la patience, art populaire insolite, art brut, gustavo giacosa, art brut fribourgeois, art involontaire, schmilblic | Imprimer
12/02/2012
"303" n°119
C'est bien énigmatique comme titre, n'est-ce pas?
303, arts, recherches et créations est en réalité le titre complet de cette belle revue qui existe depuis au moins trente ans, financée par la région des Pays de la Loire, dans un premier temps consacrée en grande partie au patrimoine de cette région, puis depuis quelques années plus spécialement à la recherche en art. Le n°119, daté de janvier dernier, est un numéro spécial "art brut, outsider, modeste", concocté par Eva Prouteau qui collabore régulièrement à la revue.
Au sommaire, on n'a pas joué forcément la carte du foisonnement comme ce fut le cas lors du numéro spécial de la revue Area sur le même sujet l'année dernière. Les textes sont plus longs que dans ce dernier magazine qui privilégie les entretiens synthétiques plutôt que les textes de fond. Eva Prouteau a préféré placer l'éclairage sur certains points permettant de souligner l'éclectisme des productions classées avec plus ou moins de rigueur dans l'art soi-disant "brut", toutes relevant cependant d'une forme de poésie singulière. Derrière son entreprise de "décloisonnement" des catégories et des appellations –ce qui ne signifie pas pour elle confusion des genres et des catégories, mais plutôt besoin d'établir des passerelles dans le respect de la valeur des uns et des autres– on sent chez elle un goût marqué pour les petites collections secrètes, notamment d'art populaire insolite, comme celle du musée des traditions de la Guérinière à Noirmoutier, ou celle des cibles de tir du Cercle de Chemazé (sud de la Mayenne ; déjà évoquées par Pascale Mitonneau dans le n°78 de la même revue 303 en 2003 avec des illustrations différentes), passionnantes œuvres d'art forain destinées à être criblées de balles, goût également apparent lorsqu'elle évoque avec sagacité l'existence de la Folk Archive, ce collectage par la photographie de "formes esthétiques non valorisées" (graffiti, sculptures de sable, motos et voitures customisées, épouvantails... Que des sujets que sur ce blog nous prisons particulièrement comme nos lecteurs l'ont sûrement remarqué) établi par deux artistes anglais, Jeremy Deller et Allan Kane. Il est aussi question ici et là dans la revue de l'art des douilles d'obus ciselées par les Poilus (article de Laurent Tixador et Eva Prouteau), et aussi d'un environnement belge, celui de Jean-Pierre Schetz, à Jupille, prés de Liège (dont Brigitte Van Den Bossche, collaboratrice du MADmusée dans cette dernière ville, auteur de l'article dans 303 a contribué à sauver des vestiges à la Fabuloserie, comme je l'avais constaté en juillet dernier –voir également la note que j'avais consacrée à ce site sur ce blog ; les quelques sculptures conservées par Caroline Bourbonnais ont été installées sur une sorte de ponton)
Le cochon, 1963, contreplaqué, collection des cibles de l'Union de Chemazé, photo extraite du n°78 de la revue 303 (article de Pascale Mitonneau) en septembre 2003
Cible peinte, collection Jean Estaque, ph. Bruno Montpied, 2009 (collection donc distincte de la collection des cibles de Chemazé)
Fragments préservés de Jean-Pierre Schetz à la Fabuloserie dans le parc d'environnements, et au loin les statues de Camille Vidal, ph. BM, 2011 (ceci n'est pas dans le n° spécial de 303)
A propos d'environnements, j'ai participé à ce numéro avec deux textes, l'un sur les sites d'habitants-paysagistes dans les Pays de la Loire (Aux jardins des délices populaires, texte où sont évoqués Louis Licois, Marcel Baudouin, Camille Jamain, Emile Taugourdeau, André Pailloux, Michel Chauvé, Henri Travert, Bernard Roux, et les maisons de Rossetti et Pennier dans la périphérie du Mans), plus un autre sur Armand Goupil, ce peintre amateur étonnant, ancien instituteur, originaire de la Sarthe, dont j'ai déjà eu l'occasion de donner sur ce blog maints autres aperçus.
Armand Goupil, Barbe blanche, 11-X-61, huile sur carton, rassemblement Jean-Philippe Reverdy (image inédite, non publiée dans le numéro de 303)
Laurent Danchin publie une contribution à propos de la distinction à faire selon lui dans l'art des médiumniques entre les créateurs savants et les créateurs plus populaires. Oubliant peut-être de préciser que l'art brut n'a pas insisté sur cette distinction parce que ses thuriféraires cherchant à mettre en évidence l'existence d'un art intime, surgi des profondeurs de l'inconscient, n'avaient que faire d'opérer de telles distinctions (de même qu'entre art des fous et art des non-fous). En fait, l'intervention de Danchin participe d'une remise en cause de la validité conceptuelle de l'art brut, ce qui peut paraître surprenant de la part de quelqu'un qui fait désormais partie du comité consultatif de la collection d'Art Brut à Lausanne. Personnellement, dans l'art des médiumniques, à qui je trouve généralement de l'unité, (s'il fallait opérer des distinctions, ce serait plutôt au niveau formel, les architectures, les symétrisations d'Augustin Lesage, Fleury-Joseph Crépin, Victor Simon d'un côté, face aux sinuosités botaniques des spirites tchèques par exemple), dans l'art des médiumniques donc, je trouve un raffinement qui n'est lui pas plus le fait des autodidactes populaires que des savants en rupture de ban (comme Victorien Sardou ou Marguerite Burnat-Provins), provenant en fait plutôt du recours à l'automatisme graphique, ce qui avait fasciné André Breton en 1933 (dans Le Message automatique), mais n'avait pas empêché un peintre comme André Masson de pratiquer le dit automatisme dans son dessin et sa peinture dès les années 20.
Cecilie Markova, sans titre, daté 22-5-1960, coll. BM (illustration non insérée dans le numéro de 303)
Ce numéro se focalise sur certains autres points, les écrits de Chaissac, l'art d'Hélène Reimann, le point de vue de Savine Faupin sur la réouverture du LaM avec son extension vouée à l'art brut, et surtout avec son opinion sur l'art brut aujourd'hui, cohérente avec la position d'une conservatrice de musée. Ce qu'elle dit de la façon dont André Breton envisageait l'art brut, et de son clivage avec Dubuffet me paraît discutable mais ce serait trop long d'en parler ici.
Hélène Reimann, sans titre, avant 1987, donation L'Aracine, LaM de Villeneuve-d'Ascq ; reproduit dans 303
La coordonnatrice de ce numéro a également donné l'occasion à Jean-Louis Lanoux alias Animula Vagula (le pseudo a été révélé publiquement sur internet) de se lancer dans un grand numéro impérialiste de "mère des blogs" qu'il espère sans doute, comme à son habitude, masquer sous l'humour (jamais exempt de coups de pied de l'âne). Le chapeau de cette intervention intitulée "les Dérives d'Animula Vagula" définit comment, avec sa femme Catherine Edelman, il a orienté leur projet de blog fin 2005, en élaborant une autofiction campant une "jeune blogueuse affairée" imaginaire, "qui adore jouer avec les codes identitaires de la blogosphère"... [Ce chapeau, rédigé par l'éditeur du dossier sans que cela soit indiqué par un artifice typographique distinctif – voir commentaire de J2L ci-après – reflète assez bien le concept du blog animulesque selon moi, à tel point qu'y sentant à ce point l'influence des auteurs de ce blog, je suis fondé à considérer ce chapeau comme étant écrit par eux...]. Lanoux cherchant ainsi comme souvent à paraître rester "djeune", non déconnecté de la réalité, toujours "in", comme on disait autrefois. Cette explication permet aussi, bénéfice secondaire, de noyer le fait que ce genre de "cybercarnet" n'est en réalité qu'un support d'expression nouveau pour des intellectuels marginaux qui faisaient auparavant, par exemple, des fanzines tapés à la machine, et qui, désolé Jean-Louis, pour le coup, l'avaient du reste cette fois précédé, en particulier dans l'intérêt pour les formes d'art populaire les plus hétéroclites ("Animula" ne cesse de le répéter, elle se veut la prem's, belle imposture). "Mère des blogs", tu parles! Sa dérive dérape vite dans le gonflage de chevilles (comme il s'en aperçoit d'ailleurs, car il est lucide le bougre, trop peut-être), et dans un narcissisme échevelé dont le lecteur n'a que faire. Laissons-le se caresser avec ces qualifications de "référence dans le monde de l'art brut" et passons à autre chose.
On regrettera dans ce numéro spécial, au chapitre des absents, qu'on n'ait pas plutôt interrogé ou demandé des contributions à la Collection ABCD qui s'interroge sur l'art brut aujourd'hui, ou bien qu'on ne se soit pas intéressé à l'évolution, en direction de l'art singulier, du musée d'art naïf de Laval, musée de la région des pays de la Loire pourtant. Etait-ce par manque de place? Le numéro en l'état actuel suscitera déjà, rien que dans les régions ouest, de bien fécondes questions sur les nouvelles façons d'envisager et de pratiquer l'art aujourd'hui.
A signaler le samedi 21 avril, au Lieu Unique à Nantes, la présentation de la revue, dans le cadre d'un "week-end singulier" organisé par Patrick Gyger (auteur également dans la revue d'un article sur Daniel Johnston), où sera également projeté le film Bricoleurs de Paradis, Le Gazouillis des éléphants de Remy Ricordeau, avec un débat pour suivre, animé par Eva Prouteau. Durant la période du 7 mars au 20 mai, se tiendra au Lieu unique une expo consacrée à Daniel Johnston, Welcome to my world! D'autres intervenants sont également annoncés durant ce week-end comme Bruno Decharme, Barbara Safarova, Mario Del Curto, etc. Voir le site web du Lieu unique.
12:47 Publié dans Art Brut, Art forain, Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Art populaire insolite, Art singulier, Cinéma et arts (notamment populaires), Environnements populaires spontanés, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés, Marine populaire et singulière | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : 303, eva prouteau, cibles de chemazé, art brut, art immédiat, art singulier, bruno montpied, laurent danchin, armand goupil, animula vagula, jean-louis lanoux, cecilie markova, art médiumnique, brigitte van den bossche, environnements spontanés, lam de villeneuve-d'ascq, hélène reimann, lieu unique | Imprimer
11/02/2012
Art de rue
Montmartre, sept 2011, ph. Bruno Montpied
23:48 Publié dans Art immédiat, Art populaire contemporain, Paris populaire ou insolite, Photographie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art de rue, street art | Imprimer
15/01/2012
Info-Miettes (14)
Pascal Tassini au Madmusée de Liège
Pascal Tassini quand on voit ça, le truc emberlificoté ci-dessous, on se dit, ah, on tient une Judith Scott made in Europe. Car, objet textile non identifié (OTNI qui mal y pense bien sûr), le parallèle paraît s'imposer, du moins si l'on s'en tient à cette boule bleue effilochée. Or, ce créateur ne s'en tient pas là. il semble que son œuvre majeure soit plutôt une sorte de construction, une "cabane", toujours textile, qualifiée par les rédacteurs du dossier de presse de l'expo de "phénoménale installation à l'aspect organique et tentaculaire", installation qui se développe dans les locaux du Créahm, également installé à Liège (le Madmusée, "émanation" du Créahm, est quant à lui hébergé provisoirement au musée du Grand Curtius en attendant un espace plus adapté à ses collections présentées comme importantes –je n'ai pas encore eu l'occasion d'aller vérifier, cependant l'expo montée il y a peu à Paris à la Maison des Métallos invitait à le penser). Pascal Tassini réalise aussi des coiffes et des tenues de noces plutôt inventives. Une expo se tient actuellement pour en apprendre davantage.
Expo Pascal Tassini au Madmusée jusqu'au 25 février, un catalogue monographique étant édité à cette occasion. Egalement l'exposition parallèle "Indifférence", qui concerne la collection du Madmusée présentée au Grand Curtius, et qui durera jusqu'au 6 mai.
La cabane de Pascal Tassini
Gérard Sendrey à Langon (Aquitaine)
De son côté Gérard ne chôme pas. Après une expo à Bayonne (que j'ai annoncée il n'y a pas si longtemps) le voici qui remonte près de son cher Bordeaux qu'il n'aimerait guère quitter à ce que sussure la rumeur. Cela se passe à Langon, dont monsieur le maire s'appelle Vérité. Un politicien appelé à ne jamais mentir, ça ne doit pas être facile tous les jours.
Expo du 12 janvier au 25 février, Salle George Sand au Centre Culturel des Carmes, 8, place des Carmes, 05 56 63 14 45. (Ci-contre "Profil" de 1994 par Gérard Sendrey)
André Robillard à Lyon, toujours par monts et par vaux
On m'annonce une nouvelle exposition d'André Robillard avec des fusils et des dessins à la MAPRA à Lyon, dans le cadre de la Biennale "Musiques en scène" du 2 au 17 mars (où dans le programme parmi des dizaines de compositeurs type Boulez ou Steve Reich on retrouve le nom de notre amateur d'accordéon et de poésie sonore bruts).
Expo du 28 février au 17 mars à la MAPRA de Lyon. Petit-déjeuner André Robillard et Alain Moreau (directeur du théâtre de Villefranche-sur-Saône) le samedi 3 mars à 10h30 au Théâtre Les Ateliers à Lyon.
André Robillard, DAFRIQUE UN ELEPhant, coll.Bruno Montpied
Et Guy Brunet dans tout ça?
Eh bien, ce dernier exposera à Villefranche-sur-Saône dans le cadre du "festival de cinéma francophone en Beaujolais", à la fin de l'année. On me signale qu'il y aura des silhouettes (de producteurs, vedettes d'Hollywood comme les affectionne Guy Brunet comme on sait), des affiches de films (la plupart américains comme de juste ; "copies" modifiées involontairement par l'auteur) et ses films bricolés à la maison, comme ceux où il se rêve en speaker de documentaires cinéphiliques. C'est le même Alain Moreau qui sera le conseiller artistique de cette manifestation prévue pour novembre 2012 seulement.
Actualité du Musée de la Création Franche
A Bègles, va bientôt s'achever une exposition Emilie Henry que je n'ai pas eu le temps de signaler ici, bien que j'en apprécie les oeuvres, très proches, dans la technique des encres, des pratiques tachistes, rorschachiennes, voire hugoliennes qui sont autant de pratiques divinatoires ou simplement génératrices d'imaginaires latents (cela dit, Emilie Henry réalise aussi désormais des collages au milieu de ses encres). Cette expo est prévue pour se terminer le 22 janvier, dans une semaine donc, pressez-vous les retardataires (175 dessins vous y attendent).
Par ailleurs, à signaler la parution à la fin de l'année dernière du n°35 de la persévérante revue Création Franche dont Gérard Sendrey vient d'annoncer qu'il se retirait du poste de rédacteur en chef, pour se limiter de façon intermittente à des collaborations ponctuelles. J'ai été invité à participer à ce numéro où je propose un article pour découvrir le foyer d'arts plastiques de La Passerelle à Cherbourg (La Passerelle: comme un vol d'étourneaux dans le paysage créatif), foyer par ailleurs déjà évoqué sur ce blog. Le sommaire est à lire ici (à noter qu'on trouve dedans un article de présentation de Pascal Tassini par Teresa Maranzano, et un texte de Deborah Couette, du CRAB, sur Alexis Lippstreu où elle analyse la démarche imitatrice-recréante d'Alexis Lippstreu, analyse qui ne peut que me ravir puisque je l'ai déjà précédée sur la question dans le texte de mon allocution sur les rapports entre arts populaires et art brut dans le cadre du séminaire de Barbara Safarova au Collège International de Philosophie).
Yann, sans titre, (créé dans l'atelier de La Passerelle), 50x70 cm, février2011, coll BM
A Lausanne, Sarah Lombardi aux commandes et Lucienne Peiry appelée à de plus hautes responsabilités
A la Collection de l'Art Brut, il y a du mouvement, et je n'y comprends pas grand-chose... Bon, OK, que Sarah Lombardi devienne directrice par intérim pendant un an, ça je vois de quoi il s'agit (ou à peu prés...). Mais Lucienne Peiry qui devient dans le même temps "attachée culturelle-directrice de la recherche et des relations internationales" en poste auprés de la municipalité de Lausanne, ça, je patauge quelque peu sur le sens de cette fonction, en franc béotien que je suis. (ci-contre portrait de Sarah Lombardi, photo Magali Konig, Coll. de l'Art Brut)
Guo Fengyi et Gregory Blackstock à Lausanne
Pendant ce temps dans les locaux de la Collection de l'Art Brut se poursuivent deux expos également intéressantes, Guo Fengyi d'une part (18 nov 2011-29 avril 2012) et Gregory Blackstock (30 septembre 2011-19 février 2012). Les deux sont également au sommaire du dernier fascicule de la Collection, le n°23, paru tout récemment, Guo Fengyi décrite et analysée par Lucienne Peiry et Gregory Blackstock par Philippe Lespinasse, le même Lespinasse qui a réalisé avec Andress Alvarez un duo de courts-métrages sur ces créateurs, réuni en un seul DVD. Philippe Lespinasse a le chic d'évoquer des créateurs d'art brut de façon sensible, condensée, dans une durée de film adaptée à une première prise de contact, telle qu'on l'expérimente dans les auditoriums de musée.
Si Gregory Blackstock se présente a priori plutôt comme une sorte de naïf encyclopédiste amateur de planches sérielles aux thématiques variées (gratte-ciels, accordéons, corbeaux aux plumages pas toujours réalistes, scarabées, fouets, chaussures, bombardiers...), Guo Fengyi (1942-2010) paraît de son côté avoir commencé son œuvre (qui n'en était pas une au début) dans le but de se soigner avant toute chose. "Elle cherche à soulager ses souffrances dues à des crises d'arthrite aiguë", nous dit le dossier de presse de l'expo. Par la suite, c'est par un esprit d'aventure et d'exploration d'une forme de savoir inconnu qu'elle systémisa sa production. Elle se mit à dessiner à un moment sur des rouleaux de papier fin fabriqué à partir de fibres végétales. Dessinant de façon tout à fait automatique –elle le dit très clairement dans le film de Lespinasse– dans les deux sens du rouleau, elle assimile le surgissement graphique qui s'opère sous ses doigts à la germination des arbres, sans repentir possible.
Ces rouleaux de dessin à visée thérapeutique peuvent faire songer par analogie aux rouleaux magiques éthiopiens tels qu'ils avaient été présentés par exemple dans l'ex-Musée des Arts Africains et Océaniens à Paris en 1992-1993. Ces rouleaux, portés à la ceinture par ceux qu'ils étaient destinés à protéger, de la taille d'un homme, étaient des talismans. Guo Fengyi ne se fabriquait-elle pas pour elle seule ses propres talismans? Un peu comme la Madame C. dont nous visitons la maison décorée de dentelles de plâtre dans notre film Bricoleurs de paradis, à Remy Ricordeau et à moi, et qui luttait durant ses nuits blanches de souffrance en sculptant contre son cancer.
Illustrations: Ci-dessus, Guo Gengyi, Le Mont Putuo, 1993, encre sur papier, 153,5x52 cm, ph: Caroline Smyrliadis, Coll. de l'Art Brut, Lausanne. Et en dessous, "Ange gardien", rouleau protecteur en parchemin, XIXe siècle, H: 44 cm, L:23,5, ancienne coll; du MAAO.
18:36 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire contemporain, Art singulier, Confrontations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pascal tassini, madmusée, handicapés mentaux, créahm, gérard sendrey, émilie henry, andré robillard, guy brunet, alain moreau, théâtre de villefranche, création franche, art singulier, la passerelle, lucienne peiry, sarah lombardi, guo fengyi, gregory blackstock, philippe lespinasse, rouleaux magiques éthiopiens | Imprimer
06/01/2012
Tante Chinoise et les autres: "Elle aurait pu s'appeler Fragile, Cocasse, Maladive ou Malice"
Sont curieux les chemins qui mènent aux révélations. Je venais d'entrer au vernissage Marcel Storr en décembre dernier, et voilà que pour fuir l'affluence de la première salle j'avise dans la seconde un éventaire de livres sur l'art brut et consorts organisé par la librairie Le Monte-en-l'air. Au moment où je me dis que je ne vais sans doute rien trouver de nouveau, pan, voilà que mes yeux sont attirés magnétiquement par une couverture qui m'appelle.
Tante chinoise et les autres, c'est le titre de ce reprint à la Table Ronde (2009), d'après un album de croquis légendés d'une plume calligraphique, en 1894, par une enfant apparemment prodige, Marguerite Bonnevay (1882-1903). Un fac-similé qui a tout de même nécessité plus de cent ans pour que cette œuvre passe enfin quelque peu à la postérité! Soixante années s'étaient écoulées avant que l'on en fasse un film, dû à David Perlov, en 1956, qui fut la première occasion de sortir cet étonnant opus de son oubliette familiale (on lira l'éclairante présentation de l'objet par Nathalie Jungerman qui a établi l'édition du livre à la Table Ronde)
Prodige? Elle avait 12 ans certes, et ne vécut pas longtemps hélas (elle disparut à l'âge de 21 ans des suites d'une tuberculose). Etait élevée à l'époque chez les sœurs que l'on disait "bonnes" et chez qui apparemment elle devait s'ennuyer ferme, de même que pendant ses vacances à Gonfaron dans le Midi, d'après ce qu'en dit sa lointaine parente Nathalie Jungerman. Etait-on prodige lorsqu'on passait ses loisirs à dessiner à une époque où les distractions pour les enfants n'avaient rien de commun avec celles d'aujourd'hui? On devait s'appliquer infiniment plus dans ses travaux de croquis, de même lorsqu'on laissait son imagination gambader dans des récits d'aventures qui avaient un souffle autrement plus épique que ce qu'un enfant d'aujourd'hui peut produire, accaparé qu'il est par d'autres dadas plus électroniques.
"Catastrophe de Thomas et d'Apollonie au retour de leur voyage de noce. Grand effroi du révérend." Page 7 dans le livre Tante Chinoise et les autres
Ce qui n'empêche pas que ces dessins coloriés à l'aquarelle ou avec des gouaches d'écolière hésitent entre l'art enfantin et ce que l'on n'appelait pas encore, ni art naïf, ni art brut en 1894. Ils entretiennent un rapport de cousinage troublant avec diverses autres expressions populaires naïves, comme ce dessin de la catastrophe du retour de noce des nouveaux épousés "Thomas et Apollonie", qui paraît construit comme un de ces ex-voto que l'on trouvait en abondance à l'époque dans les églises du Midi et que peut-être, très certainement même, Marguerite avait vus.
"Noce de Thomas et d'Apollonie", extrait de la page 5 du livre de Marguerite Bonnevay
La "noce de Thomas et d'Apollonie" de même ne va pas sans me rappeler un tableau que j'ai dans ma collection, dû au peintre naïf Louis Roy, déjà évoqué sur ce blog le 12 août 2008, où les personnages sont traités de profil, rapetissés, comme un cortège d'homuncules, tandis que chez Marguerite, la réduction de taille sert plutôt un besoin de traduire la perspective du cortège des mariés.
"La vaillante armée du Salut, N°1: La Tante Chinoise, N°2: Coeur d'artichaut, N°3: la mère Tripotatibus, N°4 la mère au tabac, N°5: Perruche Grise, N°6: Grippe-sous, N°7: Chonchon, N°8: Reniflette, N°9: Toupinette, N°10: Guignolette, N°11: Piperette leur adressant un gracieux bonjour, N°indéfinissable: le général de l'armée du Salut protégeant ses combattants." Page 1 de Tante Chinoise et les autres
Les croquis de Marguerite, qui ne sont pas loin de la bande dessinée alors tout juste naissante en France, comme le rappelle Nathalie Jungerman, paraissent aller du côté de la chronique villageoise moquant les aspects des adultes souvent perçus comme grotesques, prétentieux, hypocrites, tels qu'une jeune fille de douze ans, particulièrement lucide (et tendre cependant), était à même de les mettre en évidence, à la distance où elle se trouvait, entre deux âges, avant que les vicissitudes liées à la vie sociale l'aient amenée à plus de concessions (la tuberculose l'en préserva, seul bénéfice de sa sale besogne).
Tous les dessins de l'album de Marguerite Bonnevay font l'objet d'un récapitulatif en fin de première partie avec les légendes transcrites en caractères typographiques pour plus d'intelligibilité comme ci-dessus p.54 du livre
Cet ouvrage en fac-similé est déjà en soi un remarquable plaisir visuel, mais la surprise ne s'arrête pas là. Car, avant que l'album ne soit sorti de l'oubli, un fim de dix-sept minutes fut tourné par David Perlov, jeune cinéaste alors, qui s'était enthousiasmé à la découverte de l'album de Marguerite que lui avait montré la nièce de cette dernière, mère de Nathalie Jungerman. Il put être financé grâce à l'aide d'une nuée d'artistes, de comédiens et de littérateurs, parmi lesquels Prévert (qui signe dans le film un remarquable prologue poétique en prose), Vieira Da Silva et Arpad Szenés, Abrasza Zemsz (ethnologue), Czeslaw Milosz, Jeanne Moreau, Calder, Magnelli, Gabrielle Buffet-Picabia, le docteur Claude Olivenstein, André Heinrich (qui est crédité de "conseiller technique" dans le film), etc... La musique, importante contribution, est composée par Germaine Tailleferre. La production et la réalisation furent chaotiques et ne purent être terminées qu'avec l'aide du British Film Institute, ce qui explique que sa première fut donnée d'abord à Londres en 1956 dans une version anglaise. Cependant, une version en français put être ensuite réalisée pour une projection à la Cinémathèque Française en 1957. Et devinez qui prêta sa voix au commentaire en off? L'inévitable et mythique Jacques-Bernard Brunius, le même homme qui avait réalisé le non moins mythique premier film d'art sur les autodidactes comme le facteur Cheval, l'abbé Fouré, et divers Naïfs, Violons d'Ingres en 1939... (Voir ici les notes que je ne cesse de lui consacrer sur ce blog). Ce film, excellente initiative, est donc joint au livre sous la forme d'un DVD fixé à la troisième page de couverture.
Le film de David Perlov, Tante Chinoise et les autres sera projeté au festival de cinéma organisé par l'Association Hors-Champ autour des Arts Singuliers qui se tiendra à la Bibliothèque Louis Nucéra et au MAMAC de Nice les vendredi 1er, et samedi 2 juin 2012. Mais j'aurai l'occasion d'y revenir.
"Le maire Pompée assisté de Tambour, son premier adjoint, unit les deux novices: Crépin Pistolet Mea et Rigolette Eucalyptus...", page 21 de l'album Tante Chinoise et les autres
*
"Au début du siècle, dans un village de Provence, il y avait une pauvre petite fée.
Elle aurait pu s'appeler Fragile, Cocasse, Maladive ou Malice. Mais elle s'appelait tout bonnement Marguerite et n'avait pour toute baguette magique qu'un crayon à changer les gens..."
(Jacques Prévert, extrait de son Prologue dans le film de David Perlov )
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25/12/2011
Marcel Storr, les tours de Babel du pauvre
(Cette note contient une mise à jour)
Quel magnifique créateur que ce Marcel Storr dont l'oeuvre rare et précieuse fut sauvée par les époux Kempf, Liliane et Bertrand, exhibée petit à petit, vingt-deux ans après la disparition de l'auteur, la première fois à la Halle Saint-Pierre en 2001-2002 (expo Aux Frontières de l'Art Brut II), avec le soutien incontournable du spécialiste français en chef des arts populaires spontanés, Laurent Danchin (qui le présenta au même moment dans Raw Vision n°36), puis par la suite dans son intégralité à la mairie du IXe ardt en 2005, plus partiellement à la Triennale d'art insitic à Bratislava en 2007, etc, sans oublier l'éclairage précieux apporté récemment par l'écrivain, peintre et psychanalyste François Cloarec (un livre chez Phébus à conseiller: Storr, architecte de l'ailleurs, qui a apporté d'utiles aperçus biographiques repêchés avec patience par l'auteur dans diverses archives). Voici donc l'œuvre du cantonnier Storr à nouveau exposée dans son ensemble, cette fois au Pavillon Carré de Baudouin.
Des églises sages de ses débuts, on passe par degrés à des architectures plus exaltées, les flèches se multipliant, s'élevant toujours plus haut, telles des orgues prises de fiévre, comme démarquées de la Sagrada Familia de Gaudi, ou de palais d'Extrême-Orient comme ceux d'Angkor (Storr feuilletait l'Illustration paraît-il, féru de ses images, cela a pu l'inspirer). Le dessinateur se prend au jeu progressivement, ne se contentant plus au fil des années de ces représentations fidèles de lieux de culte. Il se concentre sur la couleur (quel prodigieux coloriste, inventant ses techniques, son vernis particulier) et sur l'envol de ses bâtiments atteints de gigantisme, construisant au besoin des sortes de diptyques ou triptyques, par feuilles rajoutées. On nous parle de 72 dessins tout au plus, réalisés avec une méticulosité de bénédictin sur une durée de quarante années (les premiers dessins conservés date de 1932, et Marcel Storr s'éteint à l'Hôpital Tenon en 1976).
Marcel Storr, sans titre, 1964, 37x30cm, crayon et encres de couleur, vernis, © Liliane et Bertrand Kempf
Les cathédrales de cet homme sourd, le plus souvent enfermé en lui-même, torturé par l'abandon par ses parents à l'âge de trois ans (il fut un pupille de l'Assistance Publique, atteint de surdité des suites de mauvais traitements dans des familles de mauvais accueil, et sur le tard victime d'une tendance au délire de persécution bien excusable étant donné sa vie saccagée), à un moment, qui paraît concomitant de l'érection des tours de la Défense qui dans les années 60 se mirent à émerger derrières les cîmes des arbres dont Storr balayait les feuilles dans le Bois de Boulogne, à un moment les cathédrales se métamorphosent magiquement en constructions végétales fourmillantes, se mettent à proliférer, s'affranchissant de leurs modèles initiaux. Leurs flèches paraissent aussi prêtes à s'envoler telles les fusées de Werner Von Braun que la NASA dans ces années 60 lance vers la Lune (premier homme sur la Lune, 1969).
Des villes futuristes, des mégalopoles aux tours sans fin, parfois reliées par des passerelles, naissent ainsi dans ses dessins aux dimensions imposantes. Dessins auxquels il donnait toute son énergie, toute son âme, s'y concentrant dans l'écart le plus absolu vis-à-vis du reste du monde, au point qu'on peut se demander –avec Françoise Cloarec dans son livre– si la reconnaissance dont il commença à sentir les effets au début des années 70, après que les époux Kempf eurent montré certains blocs de dessin à divers critiques d'art, n'eut pas inconsciemment un effet négatif sur lui (il mourut cinq ans plus tard, d'usure physique et psychique apparemment ; cependant l'exhibition de cette oeuvre resta fort limitée, les Kempf la mettant au secret dans un coffre de 1971 à 1981, ayant peut-être senti la nécessité de la laisser ainsi reposer par égard à son créateur hyper-sensible, un écorché littéralement). Mais comment imaginer qu'on n'ait pas voulu faire connaître de tous une telle œuvre une fois mis en sa présence? D'autant que Marcel Storr accepta de laisser les Kempf montrer son travail, et leur confia même sa production. La véritable cause de cette vie gâchée étant plutôt à rechercher dans le faisceau d'irresponsabilités et de stupidités qui se liguèrent dans la jeunesse de Marcel Storr pour lui ruiner son existence. Il y répondit, en reconstruisant à partir de ces ruines justement, des palais fantastiques, un monde architectural destiné à remplacer l'actuel, se mesurant ainsi d'égal à égal avec tant d'autres créateurs de l'art brut, Achilles Rizzoli, le Facteur Cheval, Bodys Isek Kingelez et ses maquettes utopistes, Simon Rodia et ses Tours de Watts, le petit peintre naïf polonais Nikifor aux ambitions architecturales plus modestes mais dont on peut rapprocher du style graphique les dessins de Storr je trouve, ou encore ce peintre américain étonnant Erasmus Salisbury Field, auteur d'un extraordinaire collage de monuments, comme si du néant d'une vie piétinée on ne pouvait que faire surgir, dans une révolte salvatrice, une surenchère germinative de bâtiments tous plus géants les uns que les autres, proportionnés à la taille du préjudice existentiel.
Erasmus Salisbury Field, Le Monument Historique de la République Américaine, vers 1875 (des passerelles reliant les tours à leurs sommets transportent des trains!), extrait du livre d'Oto Bihalji-Merin, Les Maîtres de l'Art Naïf, La Connaissance, Bruxelles, 1972
Exposition Marcel Storr, bâtisseur visionnaire, du 16 décembre 2011 au 31 mars 2012. Renseignements plus précis ici (dossier de presse, informations pratiques, diaporama, événements (dont une mini programmation "bâtisseurs sauvages" par Pierre-Jean Würtz de l'Association Hors-Champ dans l'auditorium du pavillon Carré de Baudouin le samedi 28 janvier à 15h).
A lire sur Storr les deux ouvrages suivants, une monographie où disons-le, les reproductions sont complètement ratées côté restitution des couleurs originales, et le roman biographique de Françoise Cloarec, tous deux publiés par le même éditeur, Phébus:
Les illustrations de cette note (le portrait de Marcel Storr, le diptyque en deux parties de 105x80 cm chacune, et le dessin ci-dessus non daté de 61x50cm) sont tous sous le © de Liliane et Bertrand Kempf
16:54 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : marcel storr, bertrand et liliane kempf, pavillon carré de baudouin, art brut, architecture fantastique, gaudi, laurent danchin, françois cloarec | Imprimer
20/12/2011
La Passerelle et les Bricoleurs à la Maison Rouge
Voici donc que s'annonce une exposition des créatifs du foyer d'art plastique de la Passerelle à Cherbourg (Nicolas, Pascal, Christine, Patrice, etc.) dont j'ai maintes fois eu l'occasion de parler dans cette colonne sans fin (ou presque). Et pas n'importe où puisqu'il s'agit cette fois des locaux de la Maison Rouge-Fondation Antoine de Galbert, et plus exactement de son "Vestibule", qui est en fait la dernière salle du parcours d'exposition...
Plusieurs productions de l'atelier seront présentées, et en parallèle, ceux qui ne le connaîtraient pas auront aussi l'occasion de voir le documentaire, désormais "célèbre" sur ce blog, de Remy Ricordeau, coécrit par votre serviteur, Bricoleurs de paradis, consacré à des créateurs populaires d'environnements, et diffusé dans le cinéma de poche du bout de ce "vestibule". Le tout devant se tenir du 21 décembre 2011 jusqu'au 15 janvier 2012 (vernissage le jeudi 22 à partir de 17h). A noter que cette manifestation est à l'initiative d'un membre du personnel, Sophie Gaucher, selon une politique de l'établissement qui souhaite donner aux différents membres de son équipe le droit de proposer telle ou telle exposition de leur choix.
Kévin, Dinosaures, 50x70cm, 2010, ph La Passerelle ; et au-dessus, successivement, Nicolas, Les Romains, 2006, puis Pascal, chaise décorée, ph. Bruno Montpied
Comme on le constatera, ce petit événement ne cloisonne pas les créateurs autodidactes entre eux, et surtout pas ceux qui proviennent des ateliers d'art pour handicapés, n'est-ce pas, Mme Dubarry, de la Mairie de Paris? (Voir note précédente du 11 décembre)
18:39 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Cinéma et arts (notamment populaires), Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : la passerelle à cherbourg, romuald reutimann, art des handicapés mentaux, art différencié, handicap, maison rouge-fondation antoine de galbert, bricoleurs de paradis | Imprimer
16/12/2011
Des bricoleurs de paradis au pays de Lourdes, un miracle à coup sûr
Cela faisait longtemps que je ne vous avais pas parlé des tribulations de notre film à Remy Ricordeau et à moi. Cette fois, trois rencontres sont au programme pour les amis pyrénéens, le film Bricoleurs de Paradis (le Gazouillis des Eléphants) est projeté le 17 décembre, aujourd'hui même (vite, lâchez votre ordinateur et filez-y!) à la Médiathèque du Pays de Lourdes à 19h, puis à la Maison de la Vallée de Luz le lundi 19 décembre à 21h, enfin à L'Hospitalet à Barèges le jeudi 22 décembre à 21h. Le livre Eloge des Jardins Anarchiques,qui contient le DVD du film faut-il le rappeler, sera évidemment présenté par la même occasion. Toutes ces projections se feront en présence du seul réalisateur du film Remy Ricordeau, son coauteur étant appelé vers d'autres cieux...
Hommage aux créateurs des bas-côtés qui transforment leurs maisons et jardins en royaumes fantastiques... (Phrase liminaire tout en haut de cette affiche, imprimée en rouge)
Par ailleurs, signalons l'épuisement du premier tirage d'Eloge, et félicitons tous ceux qui auront acquis cette première édition en passe de devenir collector. Un deuxième tirage est prévu pour aujourd'hui, on a pensé à vous, les retardataires.
23:55 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Cinéma et arts (notamment populaires), Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bricoleurs de paradis, eloge des jardins anarchiques, environnements spontanés, médiathèque du pays de lourdes, remy ricordeau | Imprimer
06/12/2011
Que rien ne délie plus nos amours
Nouvelle coutume aperçue sans nul doute par beaucoup de flâneurs parisiens ces temps-ci, le Poignard se doit de l'évoquer, car cela l'a touché, on accroche par centaines des cadenas aux grilles des rambardes de certains ponts de Paname ces temps-ci.
Ph. BM, novembre 2011, pont de l'Archevéché, derrière Notre-Dame, 5e ardt, Paris
Qui ça "on"? Des couples d'amoureux probablement qui usent de cadenas de formes, couleurs et aspects variés, sur lesquels ils tracent parfois leurs deux prénoms, plus parfois un petit mot, en les fermant à clé, attachés pour toujours aux brins de fer. Je les imagine fiers de leur acte, ayant ainsi symboliquement scellé le nœud de leur amour, et jetant dans les flots sombres de la Seine la petite clé qui risquerait de dénouer ce lien qu'ils veulent voir naïvement éternel. On s'aimera toujours, dit le cadenas rivé au pont, malgré le fleuve du temps qui coule par dessous. La barque de l'amour ne s'échouera pas, Maïakovsky.
Ph. BM, 2011
D'où vint ce rituel? Quand a-t-il commencé? Je parierai que ce n'est pas très vieux (même si cela a pris, notamment au pont de l'Archevéché, un tour assez massif ; j'ai vu la même pratique sur la passerelle du Pont des Arts). Et que cela procède de coutumes importées par des touristes étrangers. Paris étant vue comme une ville romantique. C'est un peu semblable aux piècettes propitiatoires que l'on jette au fond des fontaines. La monnaie a été ici remplacée par une clé. C'est plus joli.
26/11/2011
Jaber au Louvre?
Jaber Al Mahjoub, ça vous dit quelque chose? L'Aracine autrefois dans les années 80 l'exposait, surtout des pièces en trois dimensions, des sortes de totems malingres faits avec des gros cernes et de la bande plâtrée, des bouts de miroir...
Jaber au Musée de la Création Franche, Bègles, photo Bruno Montpied, octobre 2010
Et puis, le temps a passé. Je croisais quelquefois ses traces semées sous forme de peintures dans le centre de Paris, pas mal rue Quincampoix, ou chez les soldeurs de livres, Le Carnaval des Affaires près de l'Hôtel de Ville ou chez Mona Lisait. Toutes les échoppes lui étaient bonnes à cet enfant des rues un peu malicieux. On en arrivait presque à croire qu'il allait squatter par un entregent terrible toutes les épiceries autour de Beaubourg qu'il encerclait méthodiquement.
Jaber, Delanoë, 30x40 cm, exposé quai du Louvre
Ses œuvres me parurent à la longue faites un peu trop vite, comme s'il se pressait, ou était pris d'une frénésie de peindre boulimique. Un jour dans un café, je rencontrai même un individu qui en distribuait à la volée. Le temps continuait de s'écouler. Et voilà-t-y pas qu'il change son fusil d'épaule. Il pointe le Louvre à présent. Il a une galerie en plein vent, un bouquiniste l'expose le long de la Seine, juste à côté du Louvre. Et ce que l'on y voit est plutôt agréable à regarder. C'est toujours la même joie de vivre, les couleurs en goguette et les inscriptions jetées pêle-mêle sans s'arrêter outre mesure à leur sens. Les mots ne comptent pas, on dirait, seuls le jeu et la joie de vivre restent en partage. Il paraît que Jaber vit à nouveau des jours difficiles (problèmes d'argent, problèmes d'hébergement). On peut contacter le site du monsieur bouquiniste-galeriste en plein vent (après le Pont-Neuf, 20, quai du Louvre), il y a des peintures à vendre et une adresse pour les contacts. Si vous avez une piaule à louer...
23:26 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art singulier, Fantastique social | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : jaber, figures de la rue, bouquiniste | Imprimer
25/11/2011
Le vert et son envers
Bruno Montpied, La Forêt Lumineuse, 24x25 cm, encre, marqueurs et laque pulvérisée sur papier pur chiffon, 2006
Je n'aime pas le vert, je ne le porte pas dans mon coeur, je ne sais pourquoi, j'ai du mal à l'utiliser. Ici, c'est une sorte de vert plutôt flashy, presque fluo. A la limite du vert qui me repousse généralement, utilisé ici en repoussoir justement, en réserve, par dessus lequel j'ai bombé au noir, pulvérisant... Quoi au juste? Je ne sais pas. En fait, tout se passe comme si, conscient du fait qu'il se passe plus de "drame" dans une peinture qu'on crée quand on se bat contre ce que l'on n'aime pas (les peintures achevées les plus "décevantes" se révèlent à la longue aussi les plus réussies), je recourais de temps à autre à ce moyen, une couleur qui me donne des boutons, pour me faire réagir, surmonter l'obstacle et à la faveur du combat capter quelque chose d'un drame, d'une intensité. Une forêt sombre par contraste ave ses arbres et ses revenants, êtres étranges luminescents, est ainsi née ici, gagnée sur une couleur servant d'appât.
00:18 Publié dans Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : bruno montpied, faire-valoir, couleur verte, peinture automatique, repoussoirs | Imprimer
22/11/2011
Jeu de familles au Père-Lachaise
Il faut de temps à autre aller visiter le blog du Tampographe Sardon, toujours acide et réjouissant. Il dit habiter rue du Repos, et c'est le long du Père-Lachaise. Des photos de caveaux de famille aux noms choisis, qu'il a mises en ligne au mois d'août, m'ont bien fait rigoler, comme celle ci-dessous (trop belle pour être vraie?):
Photo Sardon
N'hésitez donc pas à aller chez lui, et à passer aussi dans les bonnes librairies qui vendent son livre récemment édité de "bons points" à distribuer à tous vos amis ou ennemis.
Extrait des "bons points" du Tampographe Sardon
15/11/2011
Pierre Dange, un Naïf dans un habitat brut
Cela fait quelques années que je collectionne, ou plutôt que j'amasse, en dilettante, des cartes postales anciennes représentant des sites façonnés par des excentriques oubliés, édifices babéliens à la signification perdue, musées de racines sculptées, ou de préhistoire populaire, falaises interprétées, églises psychédéliques avant l'heure, Luna-parks bricolés dans des coins perdus. Sur ce blog j'ai récemment évoqué par exemple l'Auberge des Soeurs Moisy, le Cabaret des Décapités dans l'île de Bréhat, et il y a déjà plus longtemps, le monument aux morts de l'Abbé Cognet, ou le "Tour du Monde Globe de la Paix"...
Camille Jamain "Peintre", l'Aquarium de sa "base de loisirs" bricolée, "Robinson 1000 Mottes" anciennement située à La Croix (Indre-et-Loire) ; site disparu dans les années 30 malgré le legs à la commune en 1912...
Ces bouts de papier vieillots sont parfois tout ce qui reste de ces constructions insolites, et aussi, dans d'autres cas, sont les premiers indices d'un site encore à découvrir (sont-ils toujours debout?, se demande l'imagination aiguillonnée par le démon de la curiosité).
Pierre Dange, son "Château" comme il est dit en légende, coll.BM
Parmi ces cas, se dresse le "château", parfois aussi appelé, de façon toujours aussi grandiloquente ou pompeuse, le "palais artistique" du dénommé Pierre Dange (Ô, le joli nom!) qui était situé "sur la route d'Ouzouër-sur-Trézée", dans une zone proche de Rogny-les-Sept-Écluses, dans l'Yonne. Dans le temps, Feu André Escard, je ne sais plus trop où (peut-être le Bulletin des Amis de François Ozenda?), avait tenté des recherches assez infructueuses sur ce personnage. La revue Gazogène en a aussi parlé dans ses numéros 24 et hors-série "N'oubliez pas l'artiste...", où l'on peut voir d'un numéro à l'autre quatre images rares. Le collectionneur et artiste Jean-Michel Chesné a également très récemment sur son blog apporté quelques renseignements supplémentaires sur le personnage dont on sait que la maison visible sur la carte ci-dessus a disparu. En particulier il a recueilli un intéressant témoignage d'un témoin oculaire qui avait rencontré le sieur Dange (actif au début du XXe siècle) dans les années 1930.
Autre carte montrant ce qui est cette fois appelé le "palais artistique" de Pierre Dange, vers 1910
Pierre Dange, qui apparaît comme un pauvre hère sur les cartes postales représentant son "palais" sans autre toit semble-t-il qu'une charpente d'arceaux métalliques laissée à l'état d'ébauche, Pierre Dange, à ce qui est clairement signifié d'une carte à l'autre était avant tout un peintre. Il pose sur ces cartes à côté de divers tableaux de grand format, qu'il veut à l'évidence faire connaître grâce à ce support de communication populaire qu'était la carte postale en ces années du début de l'autre siècle. Et c'était à mes yeux un grand peintre populaire et naïf. Bien entendu, on aimerait fort voir en vrai ces oeuvres que l'on ne fait que deviner sur les cartes. Avait-il, comme l'écrit Gazogène de son côté, un talent "mystique, inspiré, médiumnique"? C'est peut-être vite dit. Je vais ajouter personnellement ici même une pièce au dossier qui montrera qu'il pouvait aussi traiter des sujets tout à fait profanes, comme ce portrait de vigneron, nommé "Olivier Alfroid", qui est signé de "Pierre Dange" et daté de "mars 1910" (format 75x78 cm), reproduit par mes bons offices ci-dessous.
Pierre Dange, Olivier Alfroid, mars 1910, exposition "Tableaux étranges et naïfs" (1984) ; on notera que le tableau comporte deux signatures, l'une tracée au pinceau et l'autre ciselée dans le bois du cadre ("Par Pierre Dange en mars 1910")
D'où sort ce tableau, me direz-vous? Je l'ai extrait d'un catalogue édité à l'occasion d'une exposition intitulée "Tableaux étranges et naïfs, 1820-1920", sous-titrée "Portraits d'enfants, d'adultes et de maisons", qui s'était tenue à la Galerie Geneviève Rolde à Paris en juin 1984. C'était le marchand de poupées anciennes (et merveilleuses), Alain Renard, qui avait organisé le catalogue, probablement à partir de sa propre collection de tableaux (dans le livre, il ne le dit pas). Ce portrait d'un vigneron, deux fois cerné de grappes de raisin, peintes autour du portrait en médaillon et sculptées sur le cadre, paraît de même style que les peintures que l'on voit sur certaines des cartes postales (surtout celle ci-contre qui représente l'artiste posant à côté d'un tableau représentant un roi ou une reine, elle-même inscrite dans un médaillon surmonté de trois autres personnages ; ce procédé du médaillon paraît récurrent dans le travail de Dange). La date de 1910 correspond à l'époque où furent éditées les cartes postales. Enfin, il paraît peu probable qu'il ait pu exister deux Pierre Dange, tous deux peintres naïfs et populaires.
Je suis donc à peu près sûr que nous sommes là en présence d'un tableau non perdu (tout du moins en 1984!) du peintre naïf Pierre Dange, habitant par ailleurs cette très étrange maison de Rogny-les-Sept-Ecluses, au confort plus que sommaire, sans fenêtres apparentes, comme favorisant le repli de son propriétaire concentré sur lui-même...
Qu'est devenu ce tableau? Depuis cette exposition datant de trente ans, c'est difficile à dire. Je n'ai pas d'information là-dessus. Juste cette image à reproduire en ligne. Mais c'est déjà beaucoup.
*
Petit ajout du 17 nov. (que j'espère comme le début d'une longue liste...?):
J'ai suivi le commentaire de Jean-Christophe Belotti apposé après cette note (publiée le 15 novembre), et je reproduis donc ci-dessous une image, à dire vrai assez floue (mais ne soyons pas difficile, car cela cadre bien aussi avec ce genre de sujet) d'un autre tableau signé de Pierre Dange, intitulé "La Denisière à (Rogny?)", un paysage, lui aussi encadré d'un bois sculpté où l'on retrouve des raisins, dont une photo a été mise en ligne par le blog Vasavoir-Afga, qui s'intéresse à l'histoire de la ville de Rogny-les-Sept-Ecluses.
Ph. extraite du site Vasavoir-Afga.
Et puis, ce blog, qui a retrouvé la trace d'une famille Baudrier qui a conservé quelques souvenirs de Pierre Dange, par suite du rachat de sa maison en mauvais état et "quasi en ruines" (à une date non précisée sur le blog, qui reste quand même passablement en survol sur la question malheureusement), ce blog publie aussi un autre document émouvant, la plaque avec le nom DANGE qui se trouvait sur la porte de cette maison étrange (étredange, devrait-on écrire...).
Ph extraite du site Vasavoir-Afga.
23:43 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : pierre dange, cartes postales d'environnements, olivier alfroid, art naïf, art populaire, environnements spontanés, habitants-paysagistes, rogny-les-sept-écluses, camille jamain, alain renard | Imprimer
13/11/2011
Maria Angelés, dite "Les Petites Peintures" (2)
Hervé Couton retourne régulièrement sur les lieux, non pas de ses crimes, mais de ses découvertes, surtout lorsque celles-ci demandent à être suivies (voir notre note du 29 juin 2010). Comme c'est le cas avec les peintures à même les murs d'un bâtiment désaffecté situé en Espagne, à Arguedas, peintures mêlées d'inscriptions qui évoluent sans cesse, dans un processus qui fait toute la passion de son auteur, Maria Angelés Fernandez, surnommée par ses voisins, "Las Pinturitas" ("Les Petites Peintures"). Je ne m'attribuerai pas le commentaire sur ce travail. Seulement doit-on souligner ici à quel point ce travail en constant renouvellement illustre la spécificité de ce que l'on nomme ailleurs l'art brut, ou de mon côté, l'art immédiat. Un art sans artiste, qui est avant tout action créative, bien avant toute médiation, tout morcélement à des fins commerciales (même si quelque beurre dans les épinards reste souhaitable, cela reste un but secondaire). Il emprunte à ce que l'on appelle ailleurs le street art, mais d'une façon qui me paraît, même si je n'ai jamais vu le lieu originel, très personnelle. Je laisse à présent la parole à Hervé Couton lui-même, qui m'a envoyé le nouveau texte suivant :
La « Pinturitas » d'Arguedas, une artiste hors du commun
Depuis ma découverte du travail pictural de la « Pinturitas » en 2009, je reviens chaque année à Arguedas, en Espagne, pour voir et photographier l'évolution de son œuvre peinte extraordinaire.
Ph. Hervé Couton, 2011
Maria Angeles Fernandez Cuesta dite « Las Pinturitas » (les petites peintures), créatrice instinctive à classer parmi les artistes d'art brut fascinants, poursuit opiniâtrement l'élaboration d'une œuvre colorée originale vouée à l'éphémère car peinte sur un unique support que constituent les murs d'un restaurant désaffecté destiné à la destruction.
Ph. Hervé Couton, 2010
En 2010 j'avais été surpris de constater que les peintures et dessins photographiés en 2009 avaient pratiquement tous disparu dans leur forme originale, parce que modifiés, enrichis de nouveaux apports, ou encore complètement effacés, faute de place, pour permettre l'ajout de nouvelles formes. Le phénomène s'est renouvelé en 2011 si bien que chaque année, on peut assister in situ à une « nouvelle exposition » de son travail qu'elle prend soin, tel le guide de son propre musée, de décrire et d'expliquer en détail avec une réelle passion.
Ph. Hervé Couton, 2010
Dans cet acte de mort et de renaissance de l'œuvre, comme savent souvent le faire les artistes instinctifs, on se trouve confronté à la création artistique absolue, qui semble être la seule préoccupation de Maria Angeles. L'emplacement du bâtiment désaffecté sur lequel elle peint, situé dans un endroit un peu désolé à la sortie d'Arguedas sur la route nationale Pampelune - Zaragosse, lui offre une position stratégique idéale pour échanger régulièrement avec les automobilistes curieux qui s'arrêtent, attirés par cette fresque colorée unique d'environ cinquante mètres de long. Le contact avec ce public de passage procède assurément à un encouragement à poursuivre l'acte de création.
Ph. Hervé Couton, 2011
Depuis 2010, après [qu’on l’eut] encouragée à peindre sur d'autres supports en petit format, des panneaux de bois peints commencent à sortir de sa production, cependant les itérations picturales qu'elle pratique sur la fresque manquent à ces nouvelles œuvres qui sont sans doute à renforcer ; car c'est bien l'apport permanent, en continu qui donne à cet immense tableau mural son caractère extraordinaire et puissant. En marge de la fresque, mais intégrés à l'une des façades peintes, les barreaux de protection de certaines fenêtres du bâtiment continuent d'être des « vitrines » pour présenter de façon dynamique d'autres éléments créatifs que sont des panneaux en carton qu'elle décore, ou tout autres effets personnels lui appartenant.
Ph. H.C. 2011
Sur la fresque actuelle, toujours dominée par la représentation d'animaux et de personnages hallucinants, de nombreux textes aux lettres stylisées en forme de corps d'animaux, se multiplient. Ils illustrent les noms de joueurs de football, des évènements qui l'ont touchée personnellement ou signifient son état civil comme le récurrent « soy de Toledo, 61 anos». Depuis 2010 on peut constater que Maria Angeles vit et crée avec son temps car les noms d'« Internet », « Facebook » ou « Youtube », media qui véhiculent depuis peu son image et son œuvre, peuplent de manière répétitive sa fresque. En effet, un compte au nom de la « Pinturitas » est consultable sur Facebook, des vidéos prises par les automobilistes de passage commencent à être déposées sur Youtube et des articles publiés dans la presse navarraise se font l'écho de cette création atypique.
Photo H.C. 2011
Les blogs les Friches de l'Art et le Poignard Subtil, animés[respectivement] par les spécialistes de l'art brut que sont Joe Ryczko et Bruno Montpied¹, présentent depuis 2010 les informations que je leur ai fournies sur la « Pinturitas ». Grâce au concours de Laurent Danchin, correspondant français de la revue trimestrielle anglo-saxonne d'art brut « Raw Vision », un article sur la « Pinturitas » accompagné des photographies prises en 2009 a pu être publié dans son numéro de l'été 2010 – cet événement rapporté auprès de Maria Angeles en 2010 sous la forme d'un exemplaire de la prestigieuse revue a immédiatement fait l'objet d'une inscription dans un coin de la fresque. A l'issue de cette publication, la Collection de l'Art Brut, musée suisse spécialisé dans cette forme de création et situé à Lausanne m'a contacté et a souhaité obtenir pour son fonds des informations et une vingtaine de mes photographies sur la fresque de Maria Angeles.
Photo H.C. 2010
Sur place, les relations de Maria Angeles « la marginale » avec la population locale semblent s'être apaisées, peut être aussi du fait d'une certaine résonance médiatique de son travail. Les habitants manifestent leur sympathie en l'apostrophant amicalement dans les rues d'Arguedas ou par un coup de klaxon en passant près de l'artiste au travail.
Pour Maria Angeles le travail créateur se poursuit sans relâche, cet être attachant et généreux que la vie n'a pas ménagé et qui produit inlassablement une œuvre forte, originale et très personnelle, mérite bien que son engagement pictural soit de plus en plus connu et reconnu comme celui d'une artiste à part entière².
Hervé Couton – septembre 2011
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(1). Je ne me présente pas de moi-même comme un "spécialiste", je m'empresse de le préciser. En argot, un spécialiste, c'est un tueur.
(2). Je laisse la responsabilité de cette opinion à son auteur. Que Maria Angelés Fernandez soit ou non reconnu comme artiste (avec tout ce que cela implique de professionalisation, de séparation avec le reste de la population) n'est pas du tout ma tasse de thé. C'est même à mes yeux complètement contre-productif, et constitue un contresens.
30/10/2011
Une collection d'art immédiat dans "L'Or aux 13 îles" n°2, et un vernissage le 6 novembre prochain
L'Or aux 13 îles, je vous en ai déjà parlé lorsqu'était sorti en janvier 2010 son n°1 qui concernait grandement les passionnés d'art populaire brut et des environnements spontanés parce qu'y était inséré un dossier volumineux sur le musée disparu de l'abbé Fouré consacré à ses bois sculptés à Rothéneuf (ce fut l'occasion surtout de republier un document rare, le Guide de ce petit Musée étonnant, guide paru en 1919 ; par la même occasion, nous commémorâmes ainsi -les premiers!- le centième anniversaire de la disparition de l'abbé, mort en 1910).
Voici que paraît son n°2 (cliquez sur ce lien et vous obtiendrez le formulaire de commande du numéro, voire des deux numéros), cette fois dominé par un thème "L'homme hanté par l'animal". Jean-Christophe Belotti est toujours aux commandes du navire, Vincent Lefèvre est toujours le maquettiste, élément important qui assure à la revue sa belle et élégante livrée. Le sommaire est varié, après une introduction de Belotti sur le pourquoi du comment du thème choisi, qu'il a illustrée de fort charmantes cibles foraines tchécoslovaques, on découvre les magnifiques photographies d'oiseaux naturalisés de Pierre Bérenger qu'il fit à la fin des années 1960 dans les locaux alors désaffectés du Museum d'Histoire Naturelle, avant que ce dernier lieu ne soit restauré et transformé en Grande Galerie de l'Evolution (comme le rappelle François-René Simon dans son texte de présentation). Suivent divers textes de Vincent Bounoure, Anne Fourreau et Jean-Yves Bériou. Je m'arrête plus particulièrement sur les dessins d'une certaine Mélanie Delattre-Vogt.
Puis suit un grand dossier sur Pierre Peuchmaurd, poète estimable disparu tout récemment (comme dans le n°1 était inséré un dossier sur Jean Terrossian). Les poèmes nombreux sélectionnés par Belotti dans l'œuvre de Peuchmaurd ont tous un lien avec l'animal.
Des poèmes inédits de Guy Cabanel sont flanqués d'aquarelles d'Aloys Zötl, extraites du livre de Victor Francés récemment paru aux éditions Langlaude (Contrées d'Aloys Zötl, à un prix défiant toute concurrence grâce à des Chinois sous-payés), cet obscur teinturier autrichien qui se passionna de 1831 à 1887 pour des animaux qu'il dessinait plus réels qu'en vérité, les plaçant dans des décors naturels peu réalistes mais somptueusement veloutés et d'une puissance de suggestion sur l'imagination à nulle autre pareille.
Ce numéro 2 est aussi pour moi l'occasion d'entrouvrir une porte sur une collection "d'art immédiat" dans le texte de 40 pages que j'ai intitulé Le Royaume parallèle. Dérivant derrière cette porte, j'invite le lecteur à découvrir des créateurs aussi variés que Guy Girard, Marilena Pelosi, Gérald Stehr, Armand Goupil, le sergent Louis Mathieu, le peintre naïf Louis Roy, le "patenteux" québécois Charles Lacombe, Christine Séfolosha, divers pratiquants de l'atelier pour handicapés mentaux de la Passerelle (l'atelier animé par Romuald Reutimann à Cherbourg), des objets d'art populaire anonyme, des collages d'un "anonyme américain" (que j'ai identifié depuis peu grâce à l'amabilité de Frédéric Lux comme étant de l'autodidacte américain Javier Mayoral, voir le blog de Laurent Jacquy Les Beaux Dimanches qui y parle d'un blog tenu par ce créateur, appelé Locus Solus 1 où Mayoral parle de ses créations très diverses, ex-voto décalés, catcheurs, phénomènes à la Barnum ; le monsieur en question paraît beaucoup jouer de la distanciation tout en restant friand d'ingénuité: curieux!), un jeu de massacre forain, une poupée rescapée de tribulations dans des greniers oubliés, Jean Estaque, Serge Paillard, l'inévitable et mirifique Joël Lorand, Jean-Louis Cerisier, soit autant de figures ou de sujets que les lecteurs fidèles et attentifs du Poignard reconnaîtront sans coup férir comme rôdeurs dans ces parages...
A noter que je viendrai à l'auditorium de la Halle Saint-Pierre à 15h le dimanche 6 novembre (dans une semaine donc) en compagnie de Jean-Christophe Belotti qui dédicacera ce numéro tandis que je proposerai aux personnes présentes une dérive en une centaine d'images sur cette collection d'art immédiat (cela ne se limitera pas, étant donné le nombre, aux images présentes dans la revue). A bientôt donc.
Les illustrations qui accompagnent cette note sont, pour ce qui concerne les dernières des pages extraites de la revue.
20:29 Publié dans Art Brut, Art de l'enfance, Art forain, Art immédiat, Art inclassable, Art moderne ou contemporain acceptable, Art naïf, Art populaire insolite, Art singulier, Confrontations, Environnements populaires spontanés, Littérature, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : l'or aux 13 îles n°2, jean-christophe belotti, art immédiat, bruno montpied, armand goupil, marilena pelosi, joël lorand, gérald stehr, hérold jeune, la passerelle, maugri, jean-lous cerisier, charles lacombe, sefolosha, émilie henry, louis roy, art naïf, lobanov, donadello, sirènes, manero, ruzena, bernard javoy, serge paillard, monique le chapelain, pépé vignes, paul duhem, javier mayoral, guy girard | Imprimer