18/08/2015
Eloge de l'art naïf, réalisme poétique
Anonyme (Chapartes, ou Chapartas...?), Un hameau de PANNES (Loiret), 31x40 cm, début XXe siècle, coll.privée Paris, photo Bruno Montpied
Voici un Naïf, un beau Naïf, un tableau "nature" comme disait un brocanteur amateur de la chose devant ce tableau qui venait d'être acheté. Un tableau qui tient avant tout, me semble-t-il, par le paysage, le génie du lieu, plus que par ce qui s'y raconte. Certes, on pourrait chercher des indices d'une narration du côté de l'inscription qui s'étale sur la façade de ce "Moulin de Sainte-Catherine" donnant sur la rivière, "mouture à façon à 2 frs les 100 kilos 2frs50 rendu domicile", inscription qui si j'étais savant en histoire de l'économie pourrait peut-être me donner la date exacte où fut peint le petit tableau. Car s'il existe semble-t-il une date d'apposée en bas à droite, quasi illisible, sous la signature elle-même à moitié effacée, on ne peut la donner exactement. Il semble qu'elle commence par 19... Un début de XXe siècle?
Une femme se promène sur la rive en face du moulin,, un bras tendu vers l'avant (comme pour une esquisse de salut?), un meunier coiffé du bonnet traditionnel dans sa profession paraît posté à la fenêtre tout exprès pour la voir passer, et l'on pourrait imaginer une idylle... C'est une belle journée, les nuages sont nombreux dans le ciel poudreux permettant de faire ressortir la maison nettement dessinée comme si la pluie avait lavé le paysage la minute d'avant. La rive où se dressent le moulin et les maisons à l'arrière-plan disparaît derrière une végétation moussante piquetée de fleurs, des arbres sveltes aux ramures tout aussi fines que les autres éléments végétaux présents partout dans le paysage se dressent vers le ciel comme de jeunes sujets fiers de leur nouvel état d'arbres adultes. L'eau bouillonne dessous la roue invisible du moulin, cachée derrière une sorte de palissade de planches, s'engouffrant en direction de la rivière principale (?) sous un quai de bois aménagé pour renforcer la rive et permettre le passage tout ensemble. C'est le seul indice d'activité et de mouvement dans ce lieu, comme une trépidation localisée au cœur de ce bâtiment placé au centre du paysage, et peint avec cœur par l'artiste inconnu. Mais ce n'est pas le récit qu'a cherché cet auteur, c'est bien plutôt l'esprit du lieu à un moment donné, capté dans ce qu'il a d'éphémère et d'éternel à la fois, un moment de pure poésie de l'immédiat, sans autres moyens que quelques subterfuges pour masquer l'inexpérimentation en matière de rendu des perspectives (pour ne pas avoir à les restituer, on noie les lignes de fuite sous des ébullitions buissonneuses et un talus immense). Puisqu'on ne sait pas rendre les jambes, on les cache de même dans des touffes d'herbe bienvenues, qui masquent aussi par la même occasion les reflets argentés à la surface de la rivière (si c'est bien une rivière). Et l'on dessine les êtres humains petits pour ne pas avoir à entrer dans les détails... Là où on est à l'aise c'est lorsqu'il s'agit de peindre des maisons. Et l'on s'en donne à cœur joie...
00:02 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art immédiat, Art naïf | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : art naïf, art de l'immédiait, poétique de l'immédiat, esprit du lieu, hameau de pannes (loiret), charpates, charpatas, anonymes de l'art, moulins, meuniers, moulin de sainte-catherine | Imprimer
06/08/2015
"Outsiders" indonésiens à Bègles
Endru Sil, encre sur papier, 19,5 x 28,4 cm, 2014
Noviadi Angkasapura, encre sur papier, 15,7 x 20,9 cm, 2014
Tri Oktafiyani, encre sur papier, 32,8 x 21,5 cm, 2014
Muhammad Nasir, encre et crayon sur papier, 17,9 x 25 cm, 2014
Shony Wijaya, stylo à bille et crayons de couleur sur papier, 14,8 x 21 cm, 2014
Erna KD, encre et stylo bille sur papier, 21 x 29,7 cm, 2014
Il reste un mois pour aller voir l'expo originale montée au Musée de la Création Franche à Bègles (26 juin - 6 septembre 2015) sur des "Outsiders d'Indonésie".
Ce n'est en effet pas banal comme manifestation. Les amateurs d'art brut ou singulier indonésien n'avaient eu que peu de créateurs à se mettre sous la dent, si j'ose dire. L'un d'entre eux étant cette créatrice génialement inspirée du nom de Ni Tanjung, révélée par les expositions et les publications de la Collection de l'Art Brut à Lausanne (notamment récemment au moment de l'exposition "L'Art Brut dans le Monde"). Si ses peintures sur pierres (des représentations d'esprits je crois) ont disparu petit à petit dans le site en plein air où elles étaient installées (à Bali), elle a continué à s'exprimer sur papier de fort poétique façon.
Ce qu'il restait des pierres peintes de Ni Tanjung en août 2008 à Bali, ph. Petra Simkova
Un autre créateur indonésien fut également montré à Vitré au sein du Centre Français du Patrimoine Culturel Immatériel. Cet auteur javanais a pour nom Dani Iswardana. Sans avoir vu son exposition à Vitré, j'avais trouvé les reproductions de certaines de ses œuvres tout à fait intrigantes. Est-ce l'effet des croisements entre différentes cultures sur ces territoires variés d'Indonésie entre échos de l'art ancien des Papous, influences culturelles musulmanes et bouddhisme, toujours est-il qu'il semble bien que dans ces contrées si éloignées de l'Europe on ait affaire à un riche creuset d'expressions artistiques. Rappelons (source Wikipédia) que cette république d'Indonésie est composée de plus de 17 000 îles, que sa population est la 4e du monde (à majorité musulmane) et qu'elle se situe géographiquement au carrefour d'influences venues à la fois du Moyen-Orient, de l'Inde, des pays asiatiques et de l'Océanie. Parmi ses îles les plus connues, on peut citer Sumatra, Java (où se trouve la capitale Djakarta), les îles Célèbes, les îles Moluques, la Papouasie, une partie de Bornéo, Bali... On a dénombré 1100 ethnies différentes, plus de 700 langues...
Une œuvre de Dani Iswardana montrée à Vitré en 2010 ; Ce plasticien accompagnait ses toiles de récits (art du wayang beber) de façon analogue aux rouleaux narratifs peints des patuas indiens ou au kamishibai japonais (images supports de contes rangées dans des petites armoires ambulantes)
A Bègles, les œuvres présentées paraissent avant tout d'ordre graphique comme on peut en avoir un échantillon en tête de cette note. Elles émanent de créateurs tous autodidactes qui ont pour point commun d'être tous plus ou moins liés au plus productif d'entre eux, le nommé Noviadi Angkasapura, qui ambitionne d'atteindre bientôt le million de dessins afin de fonder un musée à lui seul consacré, musée qui serait un moyen de rendre grâces à ses ancêtres, comme il est dit dans le dossier de presse de l'exposition béglaise (malheureusement non signé : qui est l'instigateur de cette exposition, on ne le sait pas ; cela donne l'impression que l'expo tombe du ciel...). Il paraît stimuler sans cesse autour de lui les potentialités créatives des différents individus qu'ils repèrent autour de lui comme porteurs de pratiques expressives en herbe.
Noviadi Angkasapura, sans titre, 30 x 20 cm, sans date repérée, coll. privée Paris, ph. Bruno Montpied
09:25 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art singulier, Le conte en rapport avec d'autres expressions | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : outsiders d'indonésie, art brut indonésien, noviadi angkasapura, musée de la création franche, dani iswardana, ni tanjung, petra simkova, collection de l'art brut, cfpci, récits et peinture | Imprimer
04/08/2015
Profanation, ou rafraîchissement?
François Michaud, la Marianne de Fransèches encore désirée, ph. Eubée et Isabelle Molitor (molle y tord... On tremble sur les sévices que pourraient du coup infliger ces mains... Mais le granit, ça résiste, attention à vos mimines, Isabelle), 2015
15:02 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Environnements populaires spontanés, Tel quel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marianne, statue de la république, françois michaud, fransèches, modernité éternelle de l'art populaire | Imprimer
22/07/2015
Un catalogue d'expo "La Mayenne à l'oeuvre" au Centre Kondas d'Art Naïf en Estonie
On peut désormais trouver en vente à la librairie de la Halle St-Pierre (par exemple...) le catalogue de l'expo "La Mayenne à l'œuvre: Destins croisés" organisée à Viljandi au Centre Kondas d'art naïf. J'ai déjà évoqué cette manifestation montée par l'Association CSN 53 ("Création Naïve et singulière en Mayenne"), conçue et coordonnée par Jean-Louis Cerisier, avec l'aide entre autres de Serge Paillard et Michel Leroux.
L'Estonie, c'est un peu loin... Et donc ce catalogue permet d'en voir davantage. Sur les créateurs et artistes mayennais, et aussi pour partir à la découverte de ce mystérieux inconnu qu'est Paul Kondas qui, s'il a été recensé dans l'Encyclopédie mondiale de l'Art Naïf (en 1984...), reste largement inconnu par nos contrées. Ce qui est dommage étant donné les quelques quatre peintures que nous montre le catalogue... (On aimerait fortement en voir plus).
Paul Kondas, Fleur de fougère, 80,5 x 51 cm, huile sur toile, 1980, coll. Musée de Viljandi (j'aime beaucoup le procédé de cerne blanc créant un halo luisant autour des personnages et des ronds dans l'eau, halos créés par l'éclat de la lune dans l'esprit de l'artiste, lune qui nimbe toute la scène d'une lueur de merveilleux)
Paul Kondas, Chasseur aux lapins, 140,5 x 86 cm, huile sur toile, 1977, coll. Musée de Viljandi
Dans l'esprit du concepteur de l'expo, il s'agissait donc d'esquisser une sorte d'échange entre des artistes mayennais et ce peintre naïf dont 26 œuvres furent acquises par le musée de Viljandi qui lui voua aussi son nom apparemment. Je ne sais pas à l'heure où j'écris ces lignes s'il est arrivé à convaincre Laval d'exposer des œuvres de Paul Kondas.
Henri Rousseau, La fabrique de chaises à Alfortville, prêt temporaire du Musée de l'Orangerie à Paris dans le cadre des collections permanentes du Musée d'Art Naïf et d'Art Singulier de Laval en février 2015 (pour pallier les prêts que ce dernier musée avait consenti au Palais des Doges à Venise dans le cadre d'une rétrospective Rousseau)
Certains pourront peut-être se demander pourquoi avoir adopté une perspective aussi régionaliste, par un curieux désir de se construire un destin ancré dans une zone départementale... Ce serait oublier qu'il s'est passé depuis déjà un siècle un curieux ancrage artistique à Laval et sa périphérie. Tout étant parti sans doute d'Henri Rousseau dit "le Douanier", puis de la fondation du Musée d'Art Naïf du Vieux-Château dont les collections s'enrichirent au départ d'un important socle d'œuvres provenant des collections rassemblées par Jules Lefranc, autre peintre naïf fort important, à la lisière d'une figuration poétique savante, de laquelle pourrait aussi participer l'œuvre d'un Elie Lascaux, originaire d'une autre partie de la France, le Limousin.
Jules Lefranc, Le môle noir, gouache sur papier, vers 1930, Musée d'Art Naïf et d'Art Singulier de Laval
C'est peut-être cette ouverture de Lefranc vers une figuration réaliste poétique qui amena d'autres peintres du cru, comme Henri Trouillard, à voguer de dérivation en dérivation vers des horizons carrément visionnaires, des Robert Tatin (présent par des lithographies dans l'expo Cerisier), des Alain Lacoste (lui aussi exposé à Viljandi) arrivant dans les décennies suivantes avec dans leurs bagages une liberté de ton encore plus radicalement éloignée de la représentation du réel "rétinien" (on les range dans ce qu'il est convenu d'appeler "l'art singulier", catégorie d'artistes en marge, semi-professionnels, au dessin automatique et empirique, plus ou moins inspirés par les exemples du surréalisme, de COBRA, ou de l'art brut). Jacques Reumeau pour sa part synthétisa peut-être toutes ces tendances dans le "melting-pot" d'une œuvre qui débouchait parfois dans l'hétéroclite, dérapant même jusqu'à une forme de ratage pathétique dans quelques cas. Deux œuvres reproduites dans le catalogue, provenant des collections Cerisier et Leroux, sont au contraire bien abouties, illustrant bien ce que j'appelle le "melting-pot" stylistique que paraissait rechercher Reumeau (et qui fait sa marque de fabrique, semble-t-il).
Jacques Reumeau, L'oiseau et le poisson, la rencontre, 64,5 x 49,5 cm, pastel, 1975, coll. Art Obscur Michel Leroux
Après ces glorieux aînés, vinrent toutes sortes d'autres artistes mayennais ou d'adoption (comme Joël Lorand, venu s'installer un temps en Mayenne ; je le crois aujourd'hui plutôt posé à Alençon) dont nous parle à l'occasion Jean-Louis Cerisier. Dans son expo en Estonie, on remarque les œuvres de Brigitte Maurice (figurative poétique semble-t-il), de Serge Paillard ou de Marc Girard. A suivre les indications de Cerisier dans ce catalogue, on comprend donc qu'il y a bien un creuset particulier dans cette belle région mayennaise.
Brigitte Maurice, Sans titre, 31,2 x 29 cm, huile sur bois, 2014, coll. Jean-Louis Cerisier
Et même si Jean-Louis Cerisier paraît avant tout s'intéresser à l'art dans une perspective de plasticien contemporain féru d'histoire de l'art, il n'oublie pas d'inviter des créateurs que l'on pourrait ranger dans l'art brut, comme Gustave Cahoreau, Patrick Chapelière (découvert et défendu au départ par Joël Lorand) ou "l'Ami des Bêtes" Cénéré Hubert pour lequel j'ai une certaine prédilection, créateurs "bruts" en cela qu'ils paraissent vivre (ou paraissaient vivre dans le cas de Hubert, décédé en 2001) au plus près leur création dans une proximité fusionnelle.
Cénéré Hubert, devant le portail décoré de son atelier, St-Ouen-des-Toits (Mayenne), ph. Michel Leroux
20:39 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : mayenne à l'oeuvre, jean-louis cerisier, serge paillard, centre paul kondas, viljandi, art naïf, art singulier, musée du vieux-château à laval, douanier rousseau, alain lacoste, robert tatin, henri trouillard, jacques reumeau, patrick chapelière, céneré hubert, jules lefranc | Imprimer
21/07/2015
Défense d'entrer...
Transmise par J-C. Sandré, cette hilarante plaque caviardée par le hasard qui joue parfois de ces tours...
Vu à Tours, photo Jean-Christophe Sandré, 2015
02:26 Publié dans Art immédiat, Inscriptions mémorables ou drôlatiques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : îlots, défense d'entrer, inscriptions drôlatiques, sodomie, jean-christophe sandré | Imprimer
17/07/2015
Retour sur "Brut de Pop' " à l'écomusée de Marquèze, Art populaire et art brut, ou Art populaire et art singulier?
J'ai reçu le catalogue de l'exposition qui s'est terminée le 28 juin à l'Ecomusée de Marquèze dans les Landes, réalisée en partenariat avec le Musée de la Création Franche de Bègles (je profite de cette note pour remercier les responsables de ce dernier). Ce catalogue, présentant les motivations de ses organisateurs (principalement les conservateurs de l'Ecomusée de Marquèze), appelle quelques remarques de ma part, d'autant qu'une de mes déclarations écrites y est prise à témoin, gentiment contestée (comme quoi l'art populaire au sens rural, collectif et normé aurait disparu et survivrait de façon individualiste dans une partie de l'art brut).
"Brut de Pop' " se proposait de confronter l'art populaire et "l'art brut", assimilé par la principale commissaire de cette exposition, Vanessa Doutreleau, tout uniment, dans un bel amalgame qui ne s'embarrasse que de peu de nuances, à l'ensemble de la collection du musée de la Création Franche à Bègles, qui avait prêté pour cette manifestation environ 250 œuvres. Je parle d'amalgame et d'absence de nuances dans la terminologie parce que comme le savent ceux qui fréquentent ce musée, il existe de fortes différences, à la fois en termes de sociologie de l'art qu'en termes d'inspiration et d'arrière-plans culturels, entre les différentes expressions plastiques conservées à Bègles.
On y trouve de l'art brut, mais aussi de l'art naïf, de l'art populaire contemporain, de l'art contemporain singulier, des surréalistes se revendiquant en tant que tels aujourd'hui même (en filiation avec le mouvement surréaliste historique et non pas de façon unilatéralement proclamée, comme cela paraît se produire ici et là, notamment à Bordeaux), le tout s'amalgamant dans ce que Gérard Sendrey a étiqueté "création franche" (sans parvenir véritablement au fil du temps à imposer le terme) et qui ces derniers temps se laisse aussi englober sous l'étiquette d'art marginal¹ pour ne plus dire "art singulier" qui, du fait de ses terribles succédanés - les sous-Chaissac et les producteurs de têtes à Toto en pagaille - est un terme aujourd'hui bien galvaudé.
Jean Dominique (en haut) et Gabriel Vergez (en bas), catalogue Brut de Pop'
René Guisset, danseurs aux rubans, sculpture coll. Alain Moreau
Si Vanessa Doutreleau a totalement raison quand elle met en regard les sculptures naïves et frustes (terme non péjoratif sous les touches de mon clavier) de Jean Dominique, voire aussi de René Guisset (tous deux présents dans la collection de la Création Franche) avec celles de l'autodidacte de semblable culture populaire Gabriel Vergez (qui fait partie de la collection de l'écomusée de Marquèze et qui à cette occasion s'est révélé être une véritable découverte), Dominique et Guisset exemples tous deux de sculpture populaire contemporaine², les autres comparaisons de notre commissaire d'exposition - par exemple lorsqu'elle confronte les œuvres d'artistes, plus ou moins consciemment déférents à l'égard des œuvres de l'art populaire rural (comme le font entre autres Jean-Joseph Sanfourche ou Gilles Manero), avec d'autres objets venus de la collection d'art populaire de l'Ecomusée de Marquèze, objets religieux ou bien outils - ces autres comparaisons ne renvoient plus à une confrontation art populaire rural/art brut, mais plutôt à un rapport art populaire rural/art singulier. Or l'écart entre ces deux catégories, pour le coup, se trouve être bien plus large.
Ce véhicule brinquebalant de Burland peut paraître associable à l'art brut... Mais seulement si on ignore que son auteur, suisse, a beaucoup vu d'œuvres d'art brut... qui l'ont probablement passablement marqué
Carlo M, bateau le Sozialis, art produit en hôpital psychiatrique en Suisse ; une référence pour François Burland ?
Jean Bordes relève quant à lui nettement plus nettement de ce que l'on appelle l'art brut, du genre structures amalgamées-ficelées (voir Judith Scott aussi) ; lui aussi a pu influencer certains singuliers que l'on qualifie du coup de "bruts", par confusion des genres je trouve
Voici une maquette de trolley du Néerlandais Willem Van Genk qui lui aussi a dû impressionner François Burland... ; selon moi ce dernier illustre bien un type d'artiste contemporain singulier qui connaît si bien l'art brut qu'il en est profondément marqué ; cependant il s'en distingue généralement par un aspect esthétisant qu'il ne peut que difficilement éviter (voir la première image de cette série, l'œuvre de François Burland, un tantinet plus pimpante...)
L'art singulier, autrement appelé Création Franche à Bègles ou Neuve Invention à Lausanne, regroupant toutes sortes d'artistes semi-professionnels, en marge du système traditionnel des Beaux-Arts, artistes auxquels le terme turfiste d'outsider correspond finalement assez bien (c'est le canasson pas favori au départ qui peut finir par arriver bon premier...), l'art singulier est en effet assez différent - par ses substrats culturels, et par les connaissances artistiques de ses auteurs - du jaillissement irrépressible de l'art véritablement brut. L'art singulier, produit de créateurs semi-artistes – "semi", parce qu'introduits de façon limitée dans le monde professionnel (c'est évidemment variable selon les cas) – l'art singulier est une pratique de l'art, la majeure partie du temps autodidacte, où l'on sent malgré tout une culture artistique à l'œuvre par-dessous. Culture artistique souvent forgée de manière personnelle, et influencée par l'exemple rude et direct des créateurs de l'art brut.
Les semelles peintes d'Alain Pauzié, artiste atypique de la Création franche et de l'art singulier, n'ont en commun avec les sabots décorés de l'art populaire que le fait d'appartenir au monde de la chaussure ; la confrontation des deux arts débouche ici sur une confrontation art populaire/art contemporain (marginal): pourquoi pas? Mais l'étude devrait alors être infiniment plus vaste, ouvrant sur des perspectives beaucoup plus cruciales (l'usage social de l'art) qui ne paraissent pas faire partie de ce qu'ont recherché les organisateurs de "Brut de Pop' ")
L'automatisme, même si il n'est pas revendiqué sous ce vocable, est largement pratiqué dans l'art singulier où l'on reconnaît des artistes tout à fait anticonformistes qui sont aujourd'hui diffusés par les médias, comme Gaston Chaissac par exemple, énormément imité çà et là par tant et tant d'épigones moins originaux. Cobra, Dubuffet, les surréalistes, Miro, l'art populaire, mais parfois aussi l'expressionnisme allemand, en plus généralement de tout ce qui se fait connaître à travers de grandes expositions évoquées par les médias, bouleversent et chamboulent les esprits de ces autodidactes qui se lancent dans l'art avec spontanéité. Un certain primitivisme dans l'expression, un goût des couleurs vives pour ne pas dire criardes, sont des caractéristiques récurrentes dans ces arts singuliers.
Vanessa Doutreleau, qui s'intéresse visiblement beaucoup à l'art populaire (ce en quoi elle nous est sympathique, de même que le concept de cette exposition), s'efforce donc de trouver des parallèles entre les collections de son écomusée et certaines œuvres du musée de la création franche qu'elle assimile à la louche à l'art brut. Elle veut s'attacher à prouver que l'art populaire n'est pas mort, et qu'il survit aujourd'hui dans ce qu'elle prend pour de l'art brut à Bègles. Elle aurait dû je pense, tout en triant plus judicieusement dans la collection du musée de Bègles (garder Jean Dominique et Emile Ratier...), se tourner en outre du côté de plusieurs autres collections et peut-être notamment interroger des collections d'art populaire contemporain, comme celle du petit musée des Amoureux d'Angélique au Carla-Bayle dans l'Ariège, ou puiser dans l'histoire des expositions montées dans le passé par le Musée International des Arts Modestes à Sète et ailleurs. L'art modeste est en effet un concept qui recoupe assez largement celui d'art populaire contemporain, même si son défenseur, le peintre Di Rosa l'a tellement élargi qu'il en est devenu un inénarrable fourre-tout (pin-ups sur camions, mouchoirs dessinés par des taulards, skate customisés, décors de flippers, collectionnites aiguës, jouets anciens, publicités, ex-voto contemporains, affiches peintes à la main, masques de catcheurs mexicains, etc.).
Cette confrontation entre une machine à tailler la bruyère bricolée par Jean Cazenave (collection de l'Ecomusée de Marquèze) et la maquette de bois assemblés d'Emile Ratier apparaît ici parlante, mais l'on a affaire avec Ratier à un authentique créateur populaire, intégré à l'art brut
L'art brut de son côté, s'il contient (s'il a contenu) beaucoup de cas de créateurs d'extraction populaire, coupés de la culture traditionnelle des anciens artisans ruraux, rassemble aussi des créateurs cultivés en situation de rupture, parfois fort cérébraux (des illuminés mystiques confus, des adeptes de la numérologie et des diagrammes ou schémas en tous genres, des handicapés non indemnes de culture artistique exhibée par leurs thérapeutes). Le concept d'art brut est devenu du coup de plus en plus flou.
C'est là que je me dois de souligner mon évolution personnelle face à ces transformations. Personnellement, je cherchais autrefois dans l'art brut une dimension de naïveté et d'immédiateté, proche du regard enfantin, qui provenait de la part populaire de l'art brut (je m'y intéresse cela dit toujours). J'ai cherché, dans l'article des actes I du colloque sur l'art brut monté par Barbara Saforova dans le cadre d'un séminaire qu'elle mène, à dresser des passerelles entre art brut et art populaire. Cet article est cité par Vanessa Doutreleau dans ses textes du catalogue. Mais elle me range aux côtés d'un Michel Thévoz (ce qui m'honore grandement) pour conclure que j'aurais conclu à la mort de l'art populaire. Que nenni pourtant... Même si je réitère que l'art populaire rural d'autrefois, aux normes esthétiques assumées par les communautés, aux produits utilitaires, a bien quasiment complètement disparu en France, je trouve néanmoins qu'on peut encore trouver ici et là des formes de regain anarchiques, déconnectées d'une intégration à la vie du peuple.
De plus, si je ne le trouve plus beaucoup dans l'art brut new look qu'on cherche à mettre en avant entre autres à la galerie Christian Berst, je continue de le retrouver chez les créateurs d'environnements spontanés que j'ai étudiés dans mon livre Eloge des Jardins anarchiques (que Mme Doutreleau ne paraît pas avoir lu, ce qui est dommage car elle y aurait vu que j'y défends certains inspirés qui travaillent dans un esprit collectif, comme la famille Montégudet en Creuse par exemple), et aussi ailleurs, notamment chez toutes sortes de créateurs inaperçus ou complètement anonymes que l'on rencontre la plupart du temps plutôt en brocante que dans les galeries. Les ventes aux enchères, les vide-greniers sont des endroits où réapparaissent toutes sortes de créateurs la plupart du temps oubliés, peu remarqués parce que leurs œuvres sont restées peu nombreuses, et naïves. Ce blog en a présenté régulièrement plusieurs d'entre elles.
Des bouteilles peintes de Louis Beynet, coll. privée, Paris ; j'ai présenté ce travail naïf insolite dans le n°3 de la revue L'Or aux 13 îles
Je ne crois donc pas à la disparition de l'art populaire. Il s'est fait seulement plus individualiste, plus libre partant de là, toujours aussi marqué par un regard d'enfant préservé, et n'intéressant que peu le marché de l'art (et tant mieux!). Les catégories d'art populaire contemporain ou d'art populaire insolite que j'ai insérées dans la colonne de droite sur ce blog atteste de mon intérêt pour cette permanence de l'art populaire.
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¹ Ce terme d'art marginal est revendiqué pour cet été dans un communiqué de presse rédigé par Oana Amaricai annonçant un festival du même nom à Montcuq dans le Lot (je ne sais s'il y a eu malice dans le choix de ce bourg...). La manifestation est organisée par elle (du 1er au 15 août ) en collaboration avec Jean-Luc Bourdila et Marcel Benaïs, présenté par ailleurs comme "artiste ufologue" (c'est-à-dire qui voit des soucoupes volantes partout?). Je souscris assez au texte de cette dame. Oana Amaricai et Jean-Luc Bourdila sont par ailleurs animateurs de cet autre festival d'art marginal le "Grand Baz'Art à Gisors" qui s'est tenu le récent week-end du 4-5 juillet dernier. Si j'ai le temps, j'y reviendrai bientôt, afin d'évoquer un créateur que j'y ai rencontré.
² Cette sculpture populaire contemporaine est une catégorie qui prend parfois l'allure d'un sous-ensemble de l'art brut, quoique ce dernier ait tendance à évoluer considérablement du fait de l'emprise de certains marchands, puisqu'on y intègre de plus en plus des œuvres d'esprits savants en rupture, du type Lubos Plny ; l'œuvre de ce dernier est stylistiquement à des années-lumières de la naïveté d'un Vergez ou d'un Jean Dominique. L'art brut est ainsi associable plus facilement avec les œuvres d'un certain type d'art plastique contemporain. On voit ce que vise aussi cette manœuvre, attirer d'autres collectionneurs vers cet art brut devenu plus intellectuel, partant plus présentable aux yeux d'un amateur d'art contemporain.
18:26 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Art populaire insolite, Art singulier, Confrontations, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : brut de pop', création franche, écomusée de marquèze, art populaire et art brut, art populaire et art singulier, jean dominique, vanessa doutreleau, gabriel vergez, rené guisset, françois burland, art brut, usage social de l'art, art modeste, art populaire contemporain, amoureux d'angélique, louis beynet, bruno montpied | Imprimer
05/07/2015
Guy Brunet réalisateur expose à la Collection de l'Art Brut
Ils n'ont pas pour habitude à Lausanne d'exposer quelque créateur sans avoir de ses œuvres en magasin. Il faut donc, à l'annonce de l'exposition qui se tient actuellement à la Collection de l'Art Brut (du 5 juin au 4 octobre 2015), en déduire que certaines des œuvres de l'ineffable Guy Brunet font désormais partie des collections du célèbre Château de Beaulieu, même si on peut se demander si ces œuvres relèvent absolument de l'art brut, et si le fait de les intégrer ne va pas mener à la longue la Collection vers une abolition des frontières entre collection annexe et collection d'art brut au sens strict.
Extraits d'un film de Bastien Genoux et Mario Del Curto sur Guy Brunet, inséré sur Vimeo
Rien n'est dit d'ailleurs dans le laïus de présentation de l'expo Brunet du fait qu'il a peut-être été intégré dans la section Neuve Invention plutôt que dans la collection princeps. Ce genre de précision, on ne l'avait déjà plus du temps de Lucienne Peiry, or maintenant que c'est Sarah Lombardi qui préside aux destinées de la Collection, on aurait pu croire que la précision allait être donnée. Eh bien, non... Du coup, où s'arrête l'art brut désormais? Le flou s'installe...
Dracula vu par Guy Brunet, ph. Bruno Montpied, 2005
Guy Brunet, j'en ai souvent causé sur ce blog. Il réalise des films en les bricolant à la maison dans le cadre d'une carcasse de télévision, en utilisant des silhouettes de comédiens américains ou français, de producteurs, de réalisateurs en guise d'acteurs qu'il manipule devant sa petite caméra. Cela raconte l'histoire du cinéma, notamment de l'Age d'Or du cinéma hollywoodien. Il fait des affiches depuis son adolescence (j'en possède deux qui datent de ces débuts "héroïques"), au départ présentant des films imaginaires, puis par la suite démarquant des affiches existantes, celles que ses parents recevaient dans le cinéma où il a grandi à Cagnac-les-Mines dans le Tarn entre 1949 et 1961 – et d'où, mentalement parlant, il n'est jamais ressorti...
Un emboîtage conçu par Guy Brunet vers 2005 pour le titre "L'Age d'Or du Policier"
Guy Brunet, pharaon du 7e art revisité par l'art naïf, ph. BM, 2012
Il a été passablement exposé déjà, au Musée d'Art Naïf de Nice dans le cadre des Rencontres autour du cinéma des art singuliers montées par l'Association Hors-Champ, où d'aucuns se souviennent l'avoir vu dérouler ses affiches à vendre sur l'estrade entre deux films ; au Musée International d'Art Modeste de Sète ; et plus récemment une rétrospective lui a été consacrée à Villefranche-sur-Saône, organisée par Alain Moreau. Un catalogue sort à l'occasion de cette incursion à Lausanne, dont les textes sont dus à Charles Soubeyran, Sarah Lombardi et Till Schaap. On y retrouve des photos de Mario Del Curto, le photographe désormais officiel de l'art brut...
Une exposition itinérante, coproduite par la Collection de l’Art Brut (Lausanne), ira ensuite au Lieu Unique (Nantes, du 13 avril au 29 mai 2016) et dans les musées du Grand Rodez (automne 2016).
Guy Brunet devant ses vedettes en carton peint, ph. BM, 2012
23:51 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Cinéma et arts (notamment populaires) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guy brunet, collection de l'art brut, art naïf, cinéma et art populaire, cinéma naïf, art modeste, alain moreau, sarah lombardi, neuve invention, dracula, affiches de cinéma peintes à la main, âge d'or d'hollywood | Imprimer
29/06/2015
A Rothéneuf, expo de l'association des amis de l'oeuvre de l'abbé Fouré et redécouverte d'une sculpture de "l'Ermite"
Voici la nouvelle exposition à la fois documentaire et artistique sur l'abbé Fouré et "l'art brut en Bretagne" que présente l'association des amis de l'œuvre de l'abbé pour cet été à l'Hôtel le Terminus du Val, avec à la clé, l'exhibition, au moins sur l'affiche, d'une nouvelle sculpture attribuée au fameux ermite. Je dis cela ainsi, avec une feinte réticence, parce que rien ne nous a été transmis au sujet des conditions de cette attribution, d'où la sculpture provient, comment elle est parvenue entre les mains de l'association, est-on sûr qu'il ne s'agit pas d'une copie des œuvres de l'abbé dans un style "à la manière de", etc.
La sculpture retrouvée attribuée à l'abbé Fouré, avec la même inscription que sur le rosier précédemment retrouvé en 2010
Détail d'une carte postale du vivant de l'abbé montrant à gauche le gisant de St-Budoc avec l'ange étendant ses ailes au-dessus du gisant et des trois niches
Ce qui restait en 2010 du même autel de St-Budoc... ; l'ange est complètement rongé..., ph. Bruno Montpied
A bien la détailler, avec son inscription, "Œuvres de l'Ermite de Rothéneuf A. Fouré", surmontant la représentation taillée en bas-relief d'un gisant que paraît protéger un ange, représentation visiblement démarquée de la sculpture qu'avait taillée l'abbé dans les rochers le long de la côte (toujours visitables aujourd'hui comme on sait, quoique fort dégradés) montrant le gisant de Saint-Budoc, à bien la détailler, donc, on se dit que le style ressemble apparemment bien à celui de l'abbé, et qu'il pourrait s'agir, par exemple, d'un panneau autrefois apposé à l'extérieur de l'ermitage pour indiquer aux curieux ce que le musée de l'abbé abritait derrière son mur crénelé, surmonté de têtes sculptées en pierre. Si cette hypothèse se révélait fondée, cela ouvrirait un espoir que d'autres pièces de ce petit musée incroyable aient pu être sauvées.
Autre sculpture retrouvée de l'abbé Fouré en 2010, apportée par sa propriétaire au cours d'une exposition montée à Rothéneuf par Joëlle Jouneau, ph. BM
Je veux le croire en tout cas. Sans pourtant effacer l'intuition funeste que j'ai depuis fort longtemps, selon laquelle on risque bien de ne retrouver des sculptures de l'abbé, finalement, que peu de pièces décisives, soit des cadeaux faits à des obligés (comme la sculpture d'un rosier qu'on vit réapparaître à Rothéneuf lors d'une expo des débuts de l'Association en 2010, j'en avais parlé ici même, et voir ci-dessus), soit des meubles, des objets manufacturés ayant appartenu à l'abbé, ou des sculptures sans grande valeur, ayant quitté l'ermitage en 1910 lors de la vente aux enchères qui suivit la mort de l'abbé et dont j'ai publié le récit, écrit par Eugène Herpin, alias Noguette, dans le dossier que j'ai consacré au musée disparu de l'abbé Fouré dans la revue L'Or aux 13 Îles n°1 en janvier 2010 (dossier qui contenait aussi la réédition du Guide du Musée de l'Ermite). J'ai ainsi personnellement vu passer (récemment) sous mes yeux des reproductions d'un fauteuil de l'abbé (authentique puisqu'on le reconnaît sur une carte postale de la Belle Epoque, l'abbé étant assis dessus), parti d'une collection privée parisienne en direction de Montpellier (paraît-il), de même qu'on a pu voir il y a bien plus longtemps un tabernacle de l'abbé reproduit dans le livre de Michel Ragon, Du côté de l'art brut, ou qu'on peut encore découvrir une commode que possède Bruno Decharme dans la collection d'art brut ABCD (voir ci-dessous).
Fauteuil de l'abbé de passage dans une collection privée parisienne (voir ci-dessous du temps où l'abbé s'asseyait dessus)
Le même fauteuil (qui provient d'une vente aux enchères qui se tint à St-Malo dans les années 1980, où selon le témoignage du collectionneur qui le posséda un temps se vendirent quelques rares meubles de l'abbé que fort peu de gens se disputèrent...)
Tabernacle à usage privé de l'abbé Fouré ,tel que reproduit dans le livre cité de Michel Ragon
Commode en provenance également de chez l'abbé Fouré, collection ABCD
La réapparition de cette seconde pièce de bois sculpté de l'abbé Fouré, due à l'incroyable ténacité de l'animatrice de l'association des amis de l'œuvre de l'abbé, Joëlle Jouneau, acharnée à collecter depuis environ cinq ans, à rassembler toute la documentation possible sur l'œuvre et la vie de "l'Ermite", apporte cependant une assise certaine à ces archives auxquelles on souhaite de trouver à Rothéneuf un local plus pérenne.
Simone Le Moigne, coll. Art Obscur (à noter une petite -j'ai dit "petite"...- parenté d'inspiration dans cette toile avec les images que crée en Vendée Yvonne Robert)
Détail d'un objet sculpté, du "patient de St-Avé", coll. Art Obscur
En parallèle de la présentation de cette sculpture retrouvée, l'association a choisi de présenter des œuvres provenant de divers autres points de la Bretagne, soit empruntées à la collection de l'Art Obscur de Michel Leroux (Simone Le Moigne, peintre naïve ; le "patient de St-Avé" avec une sculpture d'inspiration populaire assez énigmatique ; Yvette et Pierre Darcel, créateurs d'un environnement dans la région briochine dont j'ai abondamment parlé dans mon Eloge des Jardins Anarchiques et ici même au sein de plusieurs notes), soit provenant d'autres sources, comme des œuvres du sculpteur de Kerlaz, Pierre Jaïn (il est cher à mon cœur depuis que j'ai aidé à sa redécouverte dans l'exposition d'Art Insolite au musée rural des arts populaires de Laduz en 1991), probablement prêtées avec le concours de son petit neveu Benoît Jaïn, ou encore des œuvres de Jean Grard et d'Alexis Le Breton, tous deux créateurs d'environnements dont peu de pièces circulent en dehors des sites qu'ils créèrent en plein air (celui de Jean Grard a de plus été démantelé quelques années après sa disparition).
Pierre et Yvette Darcel, la table du petit déjeuner avec cafetière et moulin à café, ces deux accessoires ayant donc fait (voir témoignage de Michel l'égaré ci-dessous en commentaires) l'objet de répliques séparables de l'environnement proprement dit, certaines étant montrées dans l'expo à Rothéneuf, ph. Bruno Montpied, 2009
10:53 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art singulier, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : joëlle jouneau, association des amis de l'oeuvre de l'abbé fouré, abbé fouré, ermite de rothéneuf, environnements spontanés, terminus du val, rothéneuf, sculptures retrouvées de l'abbé fouré, pierre darcel, art obscur, alexis le breton, art brut en bretagne, pierre jaïn, per jaïn, jean grard, l'or aux 13 îles n°1, noguette, eugène herpin | Imprimer
22/06/2015
Le Limousin, son François Michaud, et (plus éphémère dans la région) son Bruno Montpied...
Si vous captez France 3 Limousin, je vous signale que vendredi 26 juin prochain, en soirée, à partir de 23h10, dans la série "Enquêtes de régions", sera diffusé un sujet d'une douzaine de minutes (paraît-il, car on s'attend à tout avec la télévision) sur le sculpteur naïvo-brut, populaire, François Michaud du hameau de Masgot dans la Creuse. "François Michaud... De l'oubli à la consécration", ça doit s'appeler. Pour capter France 3 Limousin, il faut avoir soit Canalsat (canal 364), soit France Sat (canal 309), soit TNT Sat (canal 315), soit Numéricable le Box (canal 924), soit BouyguesBBox (canal 384), soit Orange ou SFR ou Free (canal 315). C'est merveilleux et simple la télé désormais, n'est-ce pas? Un vrai maquis, qui a des inconvénients, mais aussi des avantages : on peut s'y perdre, et comme par les chemins buissonniers, on peut tout de même y faire des trouvailles. Je vous souhaite que ce soit le cas vendredi soir. Sans compter qu'à un détour de l'émission, vous pourrez peut-être même me rencontrer en train de causer de l'ami Michaud, le "faiseur de marmots"...
Ancienne disposition (que personnellement je regrette) des statues de François Michaud sur le mur de son potager face à la première maison, aujourd'hui transformée en "petit musée", avec le "berger et son chien tenant un serpent entre ses pattes", les aigles napoléoniennes, une sirène au fond... Ph Bruno Montpied, 1991
François Michaud, la sirène, ph. BM, 1991
J'aime cette région du Limousin. On y est fier, on y est combatif, on ne s'en laisse pas compter, à la différence des habitants d'autres régions. Le 10 juillet – c'est un autre vendredi – aura lieu le vernissage d'une exposition de quarante de mes dessins et peintures à la Maison du Tailleu, structure créée par l'artiste Jean Estaque (dont j'ai eu maintes fois l'occasion de parler sur ce blog) pour présenter le travail d'amis artistes qui l'intrigue. Cette fois, à côté de mes dessins seront aussi montrés des éléments d'art populaire ou brut qui viennent de la collection personnelle de Jean Estaque, il y aura ainsi quelques Pépé Vignes... Et des cibles foraines, des figurines dues à des anonymes, des surprises, autant de pièces naïves que j'aime moi aussi, et qui devraient donner, je l'espère, une confrontation fructueuse avec mon univers graphique.
B.Montpied, Un nuage d'images le suivait, encres, mine de plomb et marqueurs sur papier, 29,7x21 cm, 2009 (exposé à la Maison du Tailleu)
Voici le texte de présentation de l'exposition, rédigé par Jean Estaque:
"Jean Estaque invite Bruno Montpied à La Maison du Tailleu du 10 juillet au 30 août 2015
Bruno Montpied n’est pas qu’un historien de l’art spécialiste des artistes hors-normes. Outre son travail personnel, je ne peux m’empêcher pour le présenter, de parler de son amour pour les créateurs creusois : François Michaud et Ludovic Montégudet dont il a, avant tout le monde, reconnu l’intérêt artistique. Dans son livre Éloge des jardins Anarchiques, deux chapitres leur sont consacrés. Il est aussi un créateur dont les œuvres peintes et dessinées s’imposent à nous avec une forte personnalité comme je vous invite à le découvrir.
Bruno sera présent le vendredi 10 juillet dès 15h. Vous pourrez le rencontrer et partager avec lui le verre de l’amitié.
B.Montpied, Un pistolero chez les créatures, encres, mine de plomb, crayons, marqueurs divers sur carton gris piqueté, 40x30 cm, 2014 (exposé à la Maison du Tailleu)
______
Jean et Michelle Estaque seront heureux de vous recevoir pendant la durée de cette exposition : tous les week-ends et jours fériés de 15h à 19h et sur rendez-vous au 05 55 80 00 59.
(Si vous désirez être informés des activités programmées, envoyez vos coordonnées postales ou électroniques à La Maison du Tailleu — 2009 place de l’église 23 000 Savennes — Tel : 05 55 80 00 59 contact@lamaisondutailleu.fr — www.lamaisondutailleu.fr)"
Auteur anonyme, sculpture dans du bois fruitier, coll. Jean Estaque
Figures de jeu de massacre, art forain, coll. J.Estaque
23:21 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art singulier, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : françois michaud, france 3 limousin, enquêtes de régions, masgot, village sculpté, environnement spontanés du xixe siècle, bruno montpied, maison du tailleu, jean estaque, pépé vignes, art populaire anonyme, art forain, jeu de massacre | Imprimer
15/06/2015
Un démuni, un hirsute
Retournons du côté de la grande plage où viennent échouer tous les laissés pour compte, tous les délaissés, tous les...démunis aussi. Mais si démunis que cela?
Anonyme (ou du moins d'un auteur à la signature difficilement déchiffrable, en bas à gauche: Eudami? Endaoui? Patronyme à consonance arabe?), en provenance d'un "Centre Hospitalier appelé "Les Démunis", feutres, aquarelle, pastel sur papier, 40x30 cm
J'ai repêché chez le brocanteur Samuel Collin à la dernière Foire de la Bastille le dessin ci-dessus où comme on le voit on peut déchiffrer une inscription placée dans une bulle, pensée en provenance d'un personnage debout le long du bord gauche de la composition (avec à ses pieds un bout de botte à l'allure passablement phallique), inscription qui semble vouloir donner la provenance du dessin. Un Centre Hospitalier intitulé "Les Démunis"..., indication placée au-dessus d'une sorte de pub (?) pour la marque "Peter Stuyvesant extra mild"... Ce dernier détail paraissant en accord avec un second personnage à la coiffure passablement hirsute qui se tient en dessous, tenant la majeure partie de la place dans la composition, une cigarette vissée au coin des lèvres. Curieux individu dont le corps semble enfoncé dans un vase, dirait-on, ne laissant émerger que la tête... Sur l"'épaule" de ce vase, ou de ce torse en forme de vase, se laisse apercevoir un chat en en contenant un second plus petit en son centre. Un couple se tenant par la main – rêve, nostalgie de l'auteur ? –est peint sur le torse également, comme une image discrète, en apparence secondaire. Une sorte de carrelage se laisse voir dans le fond, rappel peut-être tout aussi discret du décor du "Centre Hospitalier" où vivait le personnage hirsute représenté, peut-être une image de l'auteur du dessin?
Je n'ai trouvé sur internet aucun centre hospitalier appelé "Les démunis". Si cela dit quelque chose à quelqu'un, qu'il ne se gêne pas pour nous le dire.
10:00 Publié dans Art Brut, Art immédiat | Lien permanent | Commentaires (1) | Imprimer
08/06/2015
Les poupées de Nagoro pour repeupler ou pour témoigner de ce qui fut et ne reviendra plus?
Voici un lien vers un petit film de Fritz Schumann diffusé sur le site du National Geographic relatif à une dame qui vit dans un village déserté (37 habitants aujourd'hui, et comme elle le dit dans le film, il y a plus de poupées désormais, 350 environ - simulacres des anciens habitants - que de personnes vivantes).
Capture d'écran d'après le film de Fritz Schumann
Cela se passe au fond d'une vallée perdue du Japon. Je dois cette information à une spectatrice qui nous en a parlé lors de mon intervention récente à la Bibliothèque Robert Desnos de Montreuil. C'est l'évocation que je fis à un moment des créateurs d'épouvantails, Denise Chalvet et Pierre-Maurice Gladine dans l'Aubrac, qui eux aussi peuplent leur coin perdu de mannequins que l'on peut interpréter comme autant de simulacres de mortels disparus, qui fit penser à cette dame de rapprocher leur démarche de celle de la créatrice japonaise. Pour voir la vidéo, cliquez sur le lien...
Dans l'ancien garage de Denise Chalvet et Maurice Gladine, ph . B. Montpied, 2012
Capture d'écran d'après le film de Fritz Schumann, "J'ai commencé de faire des poupées il y a dix ans" (Ayano Tsukimi)
Capture d'écran d'après le film de Fritz Schumann, "Je pensais que nous avions besoin d'épouvantails..."
Capture d'écran d'après le film de F. Schumann, "Donc je fis une poupée semblable à mon père..." (aveu qui peut prêter à sourire: le père épouvantail, qui fait peur, mais qui peut aussi vouloir dire autre chose: le père qui protège et fait fuir les mauvais esprits...)
La dame faiseuse de poupées se nomme Ayano Tsukimi. On trouvera peut-être ses créatures assez peu naïves au demeurant ; il semble que cela tienne au fait que la créatrice soit une femme cultivée : elle tient avec aise un discours qui montre une conscience nette de son travail et une réflexion poussée à propos de l'existence.
Capture d'écran d'après le film de F.S. ; "Je suis très bonne pour confectionner des grand-mères..."
Elle vit dans un petit village (Nagoro) de Shikoku, une des quatre grandes îles du Japon. Elle crée une poupée chaque fois qu'un habitant décède ou quitte le village, ce qui constitue de fait un témoignage mémoriel (éphémère ; comme elle le dit, les poupées durent encore moins que les humains, puisqu'elles se désagrègent en moins de trois ans généralement). Elle dresse ainsi sous le ciel, à la merci des aléas climatiques, le simulacre du patrimoine humain de son village (chacune des poupées campant un habitant dans une activité caractéristique, que cela soit pendant un travail ou un loisir ; elle a ainsi reconstitué l'école avec son personnel et ses élèves disparus, des paysans dans les champs, des pêcheurs et des chasseurs, etc.).
Capture d'écran d'après le film de F.S. ; la classe d'école (alors que la vraie école d'origine a disparu à présent)
Cela apparente son travail aux sculptures de Stan Ion Patras et ses émules qui dans le village de Sapinta dans le Maramures en Roumanie ont conservé au fil des années, dans un style infiniment plus naïf pour le coup, la mémoire des habitants du village dont les proches souhaitaient voir les faits marquants de leurs vies représentés en sculpture et peints sur leurs stèles funéraires. Le cimetière "joyeux" de Sapinta a constitué ainsi au fil des ans la saga colorée des habitants transitoires du village (voir ci-dessous une photo empruntée au site Archi Libre).
Les mannequins-épouvantails de Denise et Maurice dans l'Aubrac proviennent probablement d'une semblable quoiqu'inconsciente volonté de ressusciter les fantômes du passé, d'où l'allure de zombies qu'ils peuvent prendre parfois à mes yeux... De même un habitant de l'Hérault, Henry de la Costète (pseudonyme choisi par lui), que nous a révélé Dom sur son blog Hérault insolite, a reconstitué un village occitan typique (appelé Camarière) sur une colline en terrasses en plantant dessus des mannequins et des cabanes censées figurer les différentes activités de ce village conçu comme un archétype de son village d'enfance.
Henry de la Costète, village occitan simulacre de Camariere avec mannequins et boutiques d'artisans, commerces, à Lunas (Hérault); ph. BM, 2012
On constate donc que de Nagoro à l'Hérault et l'Aubrac de semblables nostalgies sont au travail, trouvant de semblables solutions dans des styles divers.
Capture d'écran film F.S., "Peu de gens aiment mes poupées, je présume...": Mais si, Mme Tsukimi, détrompez-vous... Par ici, en France, elles nous parlent!
10:44 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Confrontations, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : ayano tsukimi, nagoro, village des poupées, valley of dolls, fritz schumannn denise chalvet, maurice gladine, épouvantails, mannequins en plein air, henry de la costète, lunas, camariere village occitan, sapinta, maramures, stan ion patras, cimetière joyeux | Imprimer
01/06/2015
Cinéma documentaire autour des arts singuliers: le Festival Hors-Champ à Nice
Comme tous les ans à pareille époque revient le festival du Film d'Art Singulier organisé par l'association Hors-Champ en plusieurs points de la ville de Nice, dans l'auditorium de la bibliothèque Louis Nucéra, dans celui du MAMAC et apparemment aussi, et cela c'est une première, à l'Hôtel Impérial, le charmant hôtel d'un autre temps où se retrouvent d'année en année tel ou tel invité de l'association. Je me souviens en particulier d'y avoir pris le petit déjeuner en compagnie à la fois de Claude Massé, de Caroline Bourbonnais et de Francis David, réunion improbable, sous les dorures, les grands miroirs aux cadres richement ornés, les tentures, le plafond peint de la salle à manger des baies de laquelle l'œil se laissait caresser par le spectacle des palmiers défendant l'entrée de l'hôtel. Quel magnifique endroit si bien à l'écart...
Vidéo ultra-courte prise dans la salle d'attente due l'Hôtel Impérial, à Nice,
Un dessin de Friedrich Schröder-Sonnenstern représentant semble-t-il Napoléon, récupéré via internet sur le blog True Outsider
Comme on le voit sur le programme inséré ci-avant, hommage sera de nouveau rendu au cours de ce festival à Caroline Bourbonnais par l'association qui l'invita à plusieurs reprises pour les films faits par Alain Bourbonnais par exemple. Le 6 juin, personnellement j'aurais bien vu le film sur Schröder-Sonnenstern (25 min.) ainsi que celui de Bruno Decharme, probablement un des derniers que ce réalisateur par ailleurs collectionneur de l'association ABCD a dû réaliser, sur Hans-Jorg Georgi (12 min), ce créateur d'une escadrille de coucous déglingués qui avait beaucoup impressionné les visiteurs lors de l'exposition de la collection à La Maison Rouge récemment (en tout cas bien plus que les œuvres en diagrammes et autres numérologies prétendument "art brut" de la section "Hétérotopies").
Hans-Jorg Georgi, l'escadrille de la Maison Rouge, expo ABCD, ph (sur mobile pas terrible) Bruno Montpied, 2014 ; la scénographie était pour beaucoup dans le choc ressenti à la vue de ces maquettes faites de bric et de broc ; elle avait été réalisée paraît-il avec l'assentiment de l'auteur
00:11 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire contemporain, Art singulier, Cinéma et arts (notamment populaires), Confrontations, Napoléon et l'art populaire | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : caroline bourbonnais, festival du film d'art singulier, association hors-champ, abcd art brut, bruno decharme, hans-georg georgi, hôtel impérial nice, friedrich schröder-sonnenstern | Imprimer
30/05/2015
Interprétations autour de "La Déchirure", tableau de Jean-Louis Cerisier
En dessous de ma récente note sur la Mayenne à l'œuvre, expo au musée d'art naïf Paul Kondas en Estonie, en réaction à la mise en ligne de la reproduction ci-dessous d'un tableau de Jean-Louis Cerisier, intitulée La Déchirure, nous avions pu lire un échange interprétatif entre "Isabelle Molitor" et mézigue, le sciapode. Je remets la reproduction, sa légende et l'échange tout à la suite.
Jean-Louis Cerisier, La Déchirure ; un billet de 1000 zlotys déchiré, allégorie d'un refus de la vénalité proposé par l'artiste?
Commentaires:
"La fille qui est censée déchirer le billet de banque - ô naïf Sciapode! - dans le tableau de J-L. Cerisier, s'y prend d'une drôle de manière. On croirait qu'on contraire, elle essaie de le recoller. Ce serait bien dans le genre de l'ami Jean-Louis...
En fait d'allégorie de la non-vénalité, regardez comment elle tient le fameux billet. Elle le prend par en bas, franchement, vous avez déjà essayé de déchirer un bout de papier en le tenant de cette manière? Ce n'est vraiment pas la manière la plus simple, ni la plus efficace...
Non, le Monsieur lui a tendu un billet déjà déchiré, et avec une tristesse bien compréhensible, elle se demande qu'est-ce qui, dans sa prestation, a pu lui déplaire pour qu'il la traite ainsi. Et elle essaie de recoller les morceaux, dans un geste certes un peu puéril (quand c'est déchiré, c'est déchiré), mais assez naturel."
Écrit par : Isabelle Molitor | 19/05/2015
Réponse:
"Ô Mame Molitordue, le mieux ne serait-il pas de demander à l'artiste ce qu'il a voulu dire par là (s'il a voulu dire quelque chose)?"
Écrit par : Le sciapode | 19/05/2015
Eh bien, un petit échange a suivi avec Jean-Louis Cerisier que je reproduis ci-dessous:
J-L. Cerisier :
“Pour La Déchirure comme pour nombreuses de mes peintures, la composition s'est faite de manière empirique : j'ai utilisé un vieux billet déchiré conservé dans mes archives, que j'ai collé en l'état, juste en accentuant la déchirure. Le tableau s'est construit à partir de cette induction, le personnage féminin, aux allures de pionnière (comme il en existait beaucoup à l'époque communiste) puis la table, puis les mains d'un personnage masculin, et le ciel pour finir. Ce mouvement de composition à rebours permet de laisser libre le champ de l'interprétation.
Parfois l'interprétation qui m'est donnée d'une de mes peintures agit comme une révélation. Ainsi le tableau Le rêve avait été composé de la même manière. Un ami me dit un jour qu'il y voyait un accouchement, ce qui ne m'avait pas traversé l'esprit.
Jean-Louis Cerisier, Imaginaires, le Rêve, huile sur panneau de bois, 39 x 49, 1983, donation ville de Laval (Musée d'Art Naïf et d'Art singulier), 2011
Un autre exemple, la peinture, Le déménagement a été créé à partir d'une peinture initiale représentant des billes d'agate. J'ai opéré une sorte de mise en situation, de mise en scène progressive qui a abouti au thème du déménagement, pas du tout prévu au départ.”
J-L Cerisier, Le Déménagement, huile sur toile, 41,5x27, 1999, collection privée
Bruno Montpied :
« Tu ne nous dis pas si, pour toi, la fille, dans le tableau La Déchirure, achève de détruire le billet ou tout au contraire tente de le recoller (comme l’interprétation de Dame Molitor le propose, en traitant finalement de vénale cette fille…)? »
J-L. Cerisier :
« Pour répondre à ta question : je prends une part dans l'interprétation par le titre que je donne au tableau, quand celui-ci est achevé. Pour celui-ci, la Déchirure, il est clair que ma lecture penche nettement du côté de la séparation du billet en deux. Pour tout dire, je trouve l'interprétation de Molitor tirée par les cheveux ! »
Comme quoi aussi, on peut déchirer les billets par le bas, Miss Molitor qui voyez de la vénalité un peu trop partout...
11:54 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : jean-louis cerisier, le sciapode, isabelle molitor, interprétations d'images, musée d'art naïf et d'art singulier de laval | Imprimer
25/05/2015
Hommage à Caroline Bourbonnais, une exposition et un catalogue
Caroline Bourbonnais lisant une monographie sur Dubuffet de Max Loreau, visuel Fabuloserie © Philippe Couette
Couverture du catalogue de l'exposition d'hommage à Caroline Bourbonnais (1924-2014), visuel Fabuloserie
Du 18 avril au 2 novembre 2015, les héritières de Caroline Bourbonnais, Agnès et Sophie Bourbonnais, ont décidé de rendre un hommage appuyé à cette fondatrice, avec son mari Alain, disparu en 1988, de la collection de la Fabuloserie, un ensemble d'œuvres hors-normes conservé dans un bâtiment-labyrinthe, ainsi qu'autour d'une pièce d'eau, au sein du petit village de Dicy dans l'Yonne. Elles ont y été aidées par Déborah Couette, qui avait déjà réalisé, en compagnie d'Antoine Gentil et d'Anne-Marie Dubois en 2013-2014, juste avant la disparition de Caroline Bourbonnais donc, au musée Singer-Polignac, dans l'Hôpital Sainte-Anne à Paris une expo consacrée aux œuvres moins connues conservées dans les réserves de la Fabuloserie, "Un Autre Regard".
Le parc de la Fabuloserie autour de l'étang, avec à l'arrière-plan le manège de Petit-Pierre et sur la rive à droite des statues de Camille Vidal rescapées du démantèlement du site de ce dernier situé originellement à Agde dans l'Hérault, ph. Bruno Montpied, 2011
"Des Jardins imaginaires aux jardins habités, des créateurs au fil des saisons" est le titre d'une première exposition réalisée dans le cadre de cet hommage, et présentée dans le parc de la Fabuloserie ainsi que dans l'ancien atelier d'Alain Bourbonnais se situant à l'orée de ce parc (voir ci-dessous).
© Jean-François Hamon
Sa thématique est centrée sur les réalisations exécutées en plein air par un certain nombre de créateurs d'environnements spontanés, créateurs dont plusieurs fragments de leurs environnements se sont trouvés déplacés et sauvegardés dans le parc de la Fabuloserie, espace d'exposition caractéristique et original au sein de cette collection, la seule à posséder ainsi en Europe un musée de plein air consacré aux environnements d'art spontané (comme je l'avais déjà signalé dans mon ouvrage Eloge des Jardins Anarchiques en 2011). Voici la liste des créateurs exposés dans le cadre de cette première expo, avec pour ce qui concerne les autodidactes de culture populaire: Pierre Avezard, dit Petit Pierre, Giuseppe Barbiero (Joseph Barbiero), Jean Bertholle, Marcello Cammi, Jules Damloup, Marie Espalieu, Marcel Landreau, Gaston Mouly, Charles Pecqueur, François Portrat, Abdel-Kader Rifi, Robert Vassalo, dit Vlo, le Finlandais Alpo Koivumäki et Camille Vidal. En ce qui concerne les créateurs en plein air plus "artistes", on trouvera aussi des œuvres d'Alain Bourbonnais, de l'Indien Nek Chand, de Roger Chomeaux, dit Chomo, de l'ineffable Danielle Jacqui, du baba new age Jean Linard, de Vincent Prieur, de Raymond Reynaud, du Belge Jean-Pierre Schetz et de Tô Bich Haï.
Joseph Barbiero, sans titre, sans date, pierre volcanique 45 x 33 x 21 cm, coll. La Fabuloserie, © Jean-François Hamon (visuel Fabuloserie)
Des sculptures de Camille Vidal et sur le mur rouge, structure portante conçue par Alain Bourbonnais, des médaillons en mosaïque et ciment de François Portrat, dans le parc d'environnements de la Fabuloserie, ph. BM, 2011
Robert Vassalo, Tu vas l'exposer à Marseille les 29-30 aout 94, Robert - Oui à la "Galerie Ola" 16.500.000 FRS Bld d'HAIFA - Tu es ignoble, v.1994, gouache et encre sur papier, 20,5 x 31 cm, coll. La Fabuloserie, © Jean-François Hamon ; Vassalo n'était pas seulement l'auteur de sculptures installées à l'air libre mais il était aussi peintre (à noter que dans le catalogue on en apprendra plus sur lui grâce à une présentation de Roberta Trapani)
Vue de l'exposition actuelle d'hommage à Caroline Bourbonnais ; on reconnaît des pierres sculptées de Barbiero sur la table blanche et (peut-être...) des personnages créés par Bich Haï dans le fond derrière une vitrine
Les nouvelles animatrices de la Fabuloserie ne se sont pas arrêtées là. Elles proposent en effet une seconde exposition, la première d'un cycle d'expos à venir (centrées sur des créateurs emblématiques de la Collection), consacrée à l'un des "piliers" parmi les artistes singuliers de la collection, à savoir Francis Marshall, connu pour ses grandes poupées boursouflées et bourrées dont l'une, Mauricette, occupe avec beaucoup de présence une salle entière à la Fabuloserie, avec en vedette la nommée Mauricette. A noter qu'à la faveur de cette exposition, première d'un cycle intitulé "Parcours turbulents", une nouvelle collection, dirigée par Déborah Couette, voit paraître son premier titre consacré à Francis Marshall, accompagné d'un DVD d'un film évoquant le parcours de cet artiste. D'autres devraient suivre, à chaque fois consacré à un des créateurs connus ou inconnus, dont l'œuvre est conservée à la Fabuloserie. C'est en quelque sorte une revitalisation de l'ancienne collection d'ouvrages que l'Atelier Jacob, première aventure d'Alain et Caroline Bourbonnais menée dans le quartier de St-Germain-des-Prés à Paris, éditait avant que leur collection migre en Bourgogne à Dicy.
Francis Marshall, la nommée Mauricette
Plaquette sur François Monchâtre, de la collection Fabuloserie n°2, 1980 (on y annonçait l'existence de la Fabuloserie à Dicy)
Enfin, une troisième exposition est également mise en place, intitulée "Le temps des collections, Hommage à Caroline Bourbonnais", qui se décline tout au long du parcours de la visite dans les collections, les œuvres sorties des réserves et constitutives de cet hommage faisant l'objet d'une signalétique particulière. Les créateurs exposés dans ce parcours sont : un Anonyme, dit Pierrot le fou (qui était déjà exposé à "Un Autre Regard"), Renaud d’Ampel (Sic, ce dernier que j'orthographierais personnellement plutôt "Renaud-Dampel" - car cela paraît être son nom et Jacques son prénom - me semble être le même que celui dont on peut voir de magnifiques pierres peintes au Musée de l'Art en Marche de Luis Marcel à Lapalisse, voir ci-dessous), Guy Brunet, Gustave Cahoreau, Thérèse Contestin, Michel Dalmaso, Paul Duhem, Ted Gordon, Roger Hardy, Gérard Haas, Jeantimir Kchaoudoff, Aranka Liban, André Labelle, André Lécurie, Edmond Morel, Marilena Pelosi, André Robillard, Jean Tourlonias, Jacques Trovic et Jephan de Villiers.
Jacques Renaud-Dampel, pierre peinte exposée au Musée de l'Art en Marche en 2014, ph. BM
Une vue de l'intérieur de la Fabuloserie, avec quelques pièces de la collection, des Guivarch (les animaux en bas à droite), une enseigne de coiffeur en provenance d'Afrique de l'Ouest, à côté d'un tableau d'assemblage, semble-t-il, de Fernand Michel, de sculptures exécutées à la tronçonneuse de Jean Rosset(dans le fond), d'un bateau d'Emile Ratier(à gauche) et peut-être des pierres peintes du même Renaud-Dampel que dans l'illustration précédente, ph. BM, vers 2012
Et puis il y a aussi un catalogue à l'occasion de ces expos, avec réuni autour de l'évocation des multiples aspects du travail de prospection et d'enrichissement de la Fabuloserie un bel aréopage de personnes connues depuis longtemps ou bien depuis plus récemment pour leur engagement envers l'art brut, l'art populaire, l'art naïf, les environnements, l'art singulier et tutti quanti. Personnellement je me retrouve installé, pour évoquer mon vieux camarade Gaston Mouly (arrivé à la Fabuloserie en 89 parmi les premières nouvelles acquisitions de l'ère Bourbonnais avec Caroline en solo), entre Martine Lusardy (qui traite de Raymond Reynaud) et Céline Delavaux (sur Barbiero). Mais foin de beaux discours, autant vous donner le sommaire qui apparaît assez copieux:
Avant-propos, Agnès et Sophie Bourbonnais
Avant-propos, Roger Cardinal
Des jardins imaginaires au jardin habité, présentation de l’exposition, Déborah Couette
Territoires imaginaires dans la collection art hors-les-normes, Déborah Couette
Bâtisseurs et autres inspirés à La Fabuloserie :
Charles Pecqueur ou la féerie d’un mineur, Sophie Bourbonnais
La cathédrale de Marcel Landreau, Claude et Clovis Prévost
Le jardin extraordinaire de François Portrat, Anic Zanzi
Avec Chomo dans la tranchée des rêves, Jean-Louis Lanoux
L’Arche de Noé de Camille Vidal, Déborah Couette
Le Paradis Barbare d’Abdel-Kader Rifi, Déborah Couette et Antoine Gentil
P.Avezard, vacher à la Coinche, « un aire de musique avant la sortie », Pierre Della
Giustina
Raymond Reynaud ou le fantassin du mouvement perpétuel de la création, Martine
Lusardy
Gaston Mouly, un artiste rustique moderne, Bruno Montpied
Barbiero au pays des volcans, Céline Delavaux
Marie Espalieu à la croisée des chemins, Jean-Michel Chesné
La Petite Afrique de Jules Damloup, Michel Ragon et Sophie Bourbonnais
La Galleria dell’Arte de Marcello Cammi, Salade Niçoise ou Antipasti Bourguignon,
Sophie Bourbonnais et Pierre-Jean Wurtz
La maison de celle qui peint, Danielle Jacqui. A la démesure d’un rêve éblouissant,
Marielle Magliozzi
Le harem fantastique de Robert Vassalo, Roberta Trapani
Vincent Prieur le pinseyeur, Marie-Rose Lortet
Les girouettes polychromes de Jean Bertholle, Agnès Bourbonnais
Un élan venu de la forêt finlandaise d’Alpo Koivumäki, Raija Kallioinen
D’un jardin extraordinaire à un autre. De Chandigarh à Dicy, Lucienne Peiry
Le Coin au soleil de Jean-Pierre Schetz, Brigitte Van den Bossche
Les âmes errantes de Tô Bich Haï. Peintures, poupées et pieux, Tô Bich Hai et Sophie
Bourbonnais
Fabuleuse Caroline Bourbonnais
Fabuleuse Caroline, Laurent Danchin
Tu vois, Michèle Burles
La Fabuloserie, Musée des diables et des anges, Sepp Picard
Nos musées, souvenirs, Jacqueline Humbert
La grande Caroline de La Fabuloserie, Suzanne Lebeau
Lettre de réclamation d’affection, Francis Marshall
Merci Caroline, Pascale Massicot et Stéphane Jean-Baptiste
Caroline, Philippe Lespinasse
Caroline a rejoint Alain, Michel Nedjar
Le ciel peut bien attendre, Claude Roffat
La Fabuloserie comme spectacle, Jean-Pascal Viault
Dans le miroir des flaques du temps, Jano Pesset
Caroline chérie ou l’assurance modeste, Léna Vandrey
Un discours peu conventionnel pour une femme non conventionnelle, Rose-Marie
Vuillermoz
Hommage d’un chérubin charbonnier, Pascal Verbena
Annexes
Liste des créateurs exposés : Des jardins imaginaires au jardin habité
Listes des créateurs exposés : Le Temps des collections
Gaston Mouly dans son atelier en 1988, ph. BM ; au-dessus à gauche, on voit accrochée en bonne place son plus grand tableau (la vie au village de jour et de nuit) exécuté bien avant qu'il n'expose au Musée de la Création Franche et prouvant qu'il n'avait pas attendu Gérard Sendrey pour dessiner et peindre
12:24 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Art singulier, Environnements populaires spontanés, Hommages | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : caroline bourbonnais, des jardins imaginaires aux jardins habités, fabuloserie, habitants-paysagistes, inspirés du bord des routes, environnements spontanés, déborah couette, camille vidal, françois portrat, bich haï, gaston mouly, robert vassalo, francis marshall, jacques renaud-dampel | Imprimer
17/05/2015
Des "Bricoleurs de paradis" à Montreuil
Est-ce un signe de la fin provisoire des rebonds de projection dans différents lieux de France du film de Remy Ricordeau, que j'ai co-écrit avec lui, Bricoleurs de Paradis, voici qu'il sera projeté à la Médiathèque Robert Desnos de Montreuil (rue Rouget de l'Isle entre Croix de Chavaux et la mairie), dans cette même ville où siègent les bureaux de l'éditeur d'Eloge des Jardins Anarchiques, l'Insomniaque, mon livre, où est inséré primitivement le DVD de Bricoleurs de Paradis... On finirait la campagne de promotion du film et du livre par là où on a commencé?
Le livre est épuisé, et ne sera pas réédité pour le moment, afin de laisser la place à deux autres projets en cours, menés avec le même éditeur pour l'un, et avec un second éditeur pour l'autre (les Editions du Sandre). Le film de Remy Ricordeau, qui sera donc projeté à la Médiathèque le jeudi 21 mai en ma présence à 19h30, dans le cadre d'une "garden party" (jeu de mots, puisque c'est pour parler des jardins spéciaux, en l'occurrence de l'art brut), est désormais quant à lui disponible en téléchargement payant ou en location sur le site de la coopérative audiovisuelle Les Mutins de Pangée.
Alors, on se retrouve jeudi soir prochain à Treuilmont?
Emile Taugourdeau, une statue représentant vraisemblablement une Mami Wata, les bras chargés de serpent (autre façon de représenter en Afrique de l'Ouest les déesses des eaux), photo Bruno Montpied, 1991 (soit vingt ans avant la sortie du film Bricoleurs de Paradis où Remy et moi sommes allés tourner des images sur l'état actuel du jardin, désormais bien abîmé ; en 91, le jardin était à son apogée, son auteur n'étant décédé que depuis deux ans)
12:05 Publié dans Art immédiat, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bricoleurs de paradis (le gazouillis des éléphants), eloge des jardins anarchiques, remy ricordeau, bruno montpied, médiathèque robert desnos de montreuil, les mutins de pangée, émile taugourdeau, mami wata | Imprimer
12/05/2015
Les Mayennais toujours à l'œuvre et à la manœuvre en Estonie
"Chers amis et contacts,
J'ai le plaisir de vous annoncer une nouvelle exposition de La Mayenne à l'oeuvre, organisée au musée Paul Kondas d'art naïf et outsider de Viljandi en Estonie, du 15 mai au 15 juillet 2015.
Article de Pauline Launay dans Le Courrier de la Mayenne du 6-5-2015
Un dessin de Robert Tatin, La Vierge aux Oiseaux, 1982, coll. Art Obscur
Jean-Louis Cerisier, un billet de 1000 zlotys déchiré, allégorie d'un refus de la vénalité proposé par l'artiste?
Gustave Cahoreau tenant une de ses sculptures, un "protégé" de Michel Leroux... Archives Art Obscur
Céneré Hubert, créateur multi-formes et notamment créateur d'environnement à St-Ouen-des-Toits (toujours en Mayenne), Archives Art Obscur
Un très beau dessin (pastel?) de Patrick Chapelière ; à noter que les trois créateurs ci-dessus s'apparentent davantage à l'art brut qu'à l'art dit singulier, tant leur travail s'accomplit dans l'écart vis-à-vis des démarches traditionnelles artistiques ; coll. Art Obscur
Alain Lacoste, autre Singulier mayennais bien connu et prolifique ; coll. Art Obscur
Marc Girard ; j'aime assez cette œuvre qui me fait penser à ... moi, mais aussi à Chaissac, à Lacoste...; coll. Art Obscur
Et un Joël Lorand, un... Peut-être relativement ancien, non? ; coll. Art Obscur
00:04 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Art naïf, Art singulier, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : mayenne à l'oeuvre, jean-louis cerisier, viljandi, musée paul kondas, art naïf, art singulier, alain lacoste, marc girard, jacque reumeau, musée du vieux-château à laval, csn 53, jules lefranc, robert tatin, école de figuration poétique lavalloise, céneré hubert, environnements spontanés, patrick chapelière, art brut, joël lorand | Imprimer
08/05/2015
Monleme Gladys (c'est pas une jeune fille)
De passage à Lyon, le week-end du 1er mai dernier, j'ai fait un petit bonjour à mon galeriste préféré, l'ineffable Alain Dettinger qui, en dépit du black out des lieux fermés pour cause de pont du 1er mai, était resté ouvert, parce que pour lui il ne s'agit pas d'un travail mais d'une passion, de l'air qu'il respire chaque jour, quelle que soit l'actualité. Il y avait toujours autant de tableaux et d'objets, de photographies accrochés aux murs et surtout entassés au sol, bouchant toute l'arrière-boutique. En voilà un à qui on devrait donner un peu plus d'espace, tant son travail de découvreur et de défricheur de talents ressemble à une entreprise de salubrité publique. Car nos esprits ont autant besoin de remèdes que nos corps.
Il exposait les savants travaux d'équilibrisme en noir et blanc de Danielle Stéphane, je l'ai déjà signalé. Et comme toujours, en marge de son expo du moment, il y avait pour moi une autre découverte à faire. Alain Dettinger est un passionné d'Afrique comme on sait, c'est l'autre registre de sa galerie, parallèle à l'art plastique et graphique de singuliers contemporains. Il avait rencontré en compagnie d'une amie galeriste, située un peu plus loin de son échoppe (il est place Gailleton dans la Presqu'île à Lyon), à savoir la Galerie du Triangle, 33, rue Auguste Comte, un artiste béninois autodidacte (comme semblent l'être beaucoup de créateurs contemporains en Afrique noire), se présentant sous l'étrange prénom féminin de "Gladys". La Galerie du Triangle lui organise une exposition qui dure jusqu'au 16 mai.
Alain Dettinger pour sa part s'est contenté d'acquérir deux peintures de cet artiste, toutes deux signées plus complètement "Monleme Gladys". Il paraît vivre à Abomey, au Bénin, et créerait quelque peu dans l'orbite d'un autre artiste de là-bas, déjà pas mal "lancé", le dénommé Dominique Zinkpe, créateur d'un centre culturel, qui lui-même a parmi ses influences admises le peintre d'origine haïtienne Jean-Michel Basquiat. Et ce dernier, pour le côté peut-être un peu déstructuré de ses compositions paraissant souvent sur le point de se dissoudre, est sans doute une référence aussi pour notre Gladys.
Monleme Gladys, sans titre (un homme tient à bout de bras sa tête coupée, tandis qu'un autre homme le menace de sa lance), 83 x 87 cm, technique mixte (sur papier marouflé sur panneau de bois?), 2010, Galerie Dettinger-Mayer, Lyon, ph. Bruno Montpied
Monleme Gladys, sans titre (accouchement d'un serpent par le bas et accouchement d'un être humain par le haut...), 83 x 87 cm, technique mixte (sur papier marouflé sur panneau de bois?), probablement de la même année 2010 que le précédent, coll. privée, Paris ; ph. B M
Les deux compositions m'ont fait penser que l'homme doit en outre être inspiré par les mythologies propres à son pays, car en dépit du fait qu'elles sont assez sobres, tracées sur un fond uni quoique plein d'une matière graineuse, elles restent assez difficiles à interpréter pour un Européen peu au fait de ces mythes, ce qui est mon cas.
Détail d'un portrait de Gladys devant ses peintures, archives Alain Dettinger, 2015
Le problème, c'est qu'à côté de ces deux compositions-là, l'artiste en question paraît travailler parfois un peu plus vite, et peut-être de façon moins inspirée (afin de satisfaire à une commande qui le bouleverse ?). L'exposition de la Galerie du Triangle de mon point de vue révèle cet aspect préoccupant (car le fait de se montrer inégal peut desservir grandement un artiste, par la réputation qu'elle risque de lui tailler), même si dans l'ensemble on peut découvrir de fort belles choses en ce lieu courageux. Si un grand tableau sans titre au centre de l'expo reste de très belle facture (voir ci-dessous), ainsi que deux ou trois autres compositions sur panneaux, plusieurs dessins sur papier paraissent cependant moins frappants.
Gladys, sans titre, sans date (?), environ 1 m x 1 m (?), peinture sur panneau ou toile, exposition Galerie du Triangle, 2015 ; ph. BM ; c'est l'une des plus intéressantes œuvres de l'expo
Gladys, une autre de ses grandes peintures exposées Galerie du Triangle, elle aussi fort belle... ; ph. BM
Gladys, une de ses peintures sur papier datée de 2014; l'inspiration n'est-elle pas moins forte ici (personnages moins narratifs, posés platement côte à côte, seule la couleur paraissant avoir été traitée avec attention) ? Exposition Galerie du Triangle, 2015 ; Ph BM
Alors? Qu'est-ce qui explique cette différence d'inspiration et de graphisme entre les peintures de 2010 et les quelques œuvres de 2014 montrées en ce moment à Lyon? Mais il faudra sans doute attendre d'en voir davantage... Ce qui n'est pas sûr d'arriver quand on connaît le grand nombre d'artistes qui créent en Afrique, notamment de l'Ouest.
20:02 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art Brut, Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Art populaire contemporain, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : monleme gladys, gladys, art contemporain africain, art d'autodidactes africains, art immédiat africain, galerie dettinger-mayer, galerie du triangle, dominique zinkpe, jean-michel basquiat, mythologie individuelle | Imprimer
01/05/2015
La Mayenne à l'oeuvre
Me parviennent depuis quelques jours diverses annonces émanant des différents acteurs (liés à l'association CSN 53, "Créations Naïves et Singulières en Mayenne") d'une exposition à deux visages, "La Mayenne à l'œuvre", qui va être montée d'un côté au Centre Kondas d'Art Naïf et Outsider à Viljandi en Estonie (du 15 mai au 15 juillet ; l'expo est initiée plus particulièrement par Jean-Louis Cerisier qui entretient depuis des années des liens étroits avec certains de ses pays à l'est et au nord de l'Europe), et de l'autre en Mayenne, dans un joli village répondant au doux nom de Saint-Céneri-Le-Gérei.
Dans ce dernier patelin, l'expo durera trois jours, du 23 au 25 mai (c'est le week-end de la Pentecôte). Elle est constituée d'une petite partie de la collection de Michel Leroux, dite par lui "d'art obscur" (pas si obscur que cela tout de même ; à signaler que Michel Leroux a recyclé ainsi un terme qui avait été envisagé au début de l'aventure de l'art brut, vers 1945 donc, par Dubuffet lui-même qui l'avait finalement rejeté comme insuffisamment adapté à ce qu'il cherchait).
Patrick Chapelière, coll Michel Leroux
Noël Fillaudeau, sans titre, série des "Métamorphoses", vers 1993, coll. privée, Paris, ph. Bruno Montpied
Robert Tatin œuvre actuellement exposée (jusqu'en juin prochain) au musée Robert Tatin de Cossé-Le-Vivien (Mayenne)
Au programme: Gustave Cahoreau (un protégé de Michel Leroux), Patrick Chapelière (mis en avant par Joël Lorand), Alain Lacoste (un grand ancien de l'art singulier), Robert Tatin (qui en dehors de son musée sculpté de Cossé-Le-Vivien était aussi peintre), Joël Lorand (Mayennais d'adoption, et maintenant Sarthois (non... en fait habitant de l'Orne, voir commentaires ci-dessous...) à ce que j'ai cru comprendre, puisqu'il est basé à Alençon), François Monchâtre (un autre ancien de la Singularité, connu pour ses machines imaginaires et ses personnages de "crétins"), Noël Fillaudeau (l'ancien ami de Gaston Chaissac), enfin Jean-Louis Cerisier.
Jean-Louis Cerisier, Collection L'Art Obscur de Michel Leroux
Cette expo, en dehors de la collection de Michel Leroux, comprendra aussi des œuvres venues des ateliers de Serge Paillard et de Jean-Louis Cerisier, amis lavallois dont j'ai souvent eu l'occasion de parler sur ce blog. Des œuvres provenant de la collection Michel Basset, et de la collection Jean-François Maurice (récemment disparu), seront également adjointes à ces ensembles.
Serge Paillard, Pomme de Terre en Patatonie (la cartographie rêvée du Professeur Caldnitz), 2015?, collection de l'artiste
08:08 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : csn 53, centre kondas de viljandi, art naïf, art singulier, patrick chapelière, la mayenne à l'oeuvre, art obscur, michel leroux, jean-louis cerisier, serge paillard, noël fillaudeau, alain lacoste, joël lorand, viljandi, estonie | Imprimer
23/04/2015
Le créateur anarchiste Jean Galéani, quelques éléments nouveaux...
Un lecteur, par ailleurs animateur de deux blogs consacrés à l'histoire et à la généalogie concernant une commune en Vendée, appelée curieusement Le Tablier (située entre La Roche-sur-Yon et Luçon grosso modo), Jean-Pierre Logeais, m'a signalé récemment être tombé sur une autre œuvre du peintre (et sculpteur) anarchiste Jean Galéani, dont ce blog remonte le fil de l'œuvre et de la vie désormais, au gré des trouvailles de ci de là... Il me demandait si cela pourrait être du même auteur.
Portrait de Fernand Planche, par Jean Galeani. Bas-relief en plâtre teinté, 1949, ph J-P. Logeais
Au verso du bas-relief, l'inscription avec la signature "J.Galéani, Paris - 1949", ph. J-P. Logeais
A la lecture de la signature, identique à celle qu'on trouve sur le tableau "Victoire - Défaite" de 1919 (voir ma note sur le sujet), il n'est pas permis d'en douter. De plus, Galéani était aussi sculpteur, comme on le voit dans l'interview filmée de Pierre Dumayet qu'on peut voir sur ce blog dans ma note du 23-12-2014 ou sur le site de l'INA. M. Logeais me l'a d'ailleurs fait remarquer, dans ce film on aperçoit des bas-reliefs du genre de ce portrait de Fernand Planche (dont M. Logeais donne les dates bornant sa vie: 1900-1974).
Ce dernier était un anarchiste lui aussi, probablement admiré par Galeani, artisan de la tendance "La synthèse anarchiste" (qui cherchait à unir les différents courants du mouvement libertaire français.) Originaire de la région de Thiers, il a fait l'objet d'une biographie de Georges Therre qu'évoque sur un autre blog (auquel renvoie J-P. Logeais), "Escout'moi voir, webzine du Livradois-Forez", un certain Jean-Luc Gironde. Georges Therre s'appuie sur une documentation fournie par Pierre-Valentin Berthier du Monde Libertaire (Berthier qui connut Planche). Fernand Planche fut (entre autres, car il fit trente-six métiers) coutelier, ce qui n'est pas étonnant à Thiers, patrie du couteau, et ce qui n'est pas pour nous déplaire sur ce Poignard Subtil... Il a écrit une biographie de Louise Michel, ce qui nous alerte si l'on se souvient que Galeani disait avoir été "parrainé" par cette dernière dans sa jeunesse (Louise Michel fit une conférence à Thiers en 1904, un an avant sa mort)... Il a fréquenté de nombreux penseurs anarchistes des années 30 comme entre autres Lacaze-Duthiers que j'ai déjà eu l'occasion de citer ici, ou Voline, l'auteur de la Révolution inconnue consacrée à Nestor Makhno adversaire anarchiste des bolcheviks pendant la Révolution russe.
Il était affecté d'un strabisme divergent aux deux yeux, perdant la vue sur un œil très rapidement. On le décrit cordial et terriblement désordonné (il tenait une boutique, qui était un véritable capharnaüm, à Billancourt). Après la guerre, il vécut dans le Marais (quartier où habitait aussi Jean Galéani). Il écrivit, et publia notamment un roman sur sa jeunesse à Thiers, Durolle, où il évoque les difficultés de la vie des ouvriers couteliers (un groupe anarchiste à Clermont-Ferrand s'en souviendra en prenant le nom de groupe Fernand Planche). Il finira à 50 ans par aller s'installer en Nouvelle-Calédonie où il s'établira vendeur de coquillages de collection avant d'y mourir d'une crise cardiaque.
Sur son blog "Varia - Histoire et généalogie", Jean-Pierre Logeais en outre a retrouvé des éléments d'ordre généalogique sur Jean Galeani. J'invite les amateurs à s'y reporter. On y apprend entre autres qu'il était né de père inconnu, seulement reconnu par une mère qui était blanchisseuse, accompagnée de soldats du 87e de ligne de Montpellier le jour de sa déclaration de naissance. La même mère qui épousa six ans plus tard un Galéani, lui aussi soldat (tambour) dans ce même 87e de ligne, qui alors reconnut l'enfant en même temps qu'un second, peut-être un demi-frère de notre Jean. Etait-il le père biologique? Vu la fréquentation de nombreux soldats de ce 87e de ligne, il est permis d'en douter... Que le père de notre peintre anarchiste fut constitué d'une notable partie de l'armée française a pu jouer un rôle non négligeable dans sa détestation ultérieure du militarisme (qu'il dut partager très certainement avec Fernand Planche, lui aussi pacifiste).
A suivre? (Fernand Planche avait-il des tableaux de Jean Galeani?)
13:06 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art immédiat, Art naïf | Lien permanent | Commentaires (6) | Imprimer
19/04/2015
Infos-miettes (26)
Solange à Bruxelles
Solange Knopf s'en vient à Bruxelles exposer à nouveau, cette fois hébergée par deux passionnés de son travail, Clem et Claude Jadot. L'exposition a une durée météorique, deux jours seulement, les samedi 9 et dimanche 10 mai (de 14 à 19h), le vernissage se passant le vendredi 8 mai de 18 à 22h. Voici l'adresse pour ceusses qui aimeraient y faire un tour: 77, Drève des Renards, Uccle, Bruxelles.
Solange Knopf, sans titre, 109 x 79 cm, crayons de couleur sur papier en fibre de bambou, 2015 ; Ph Luc Shrobilgten
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Galerie Isola de Francfort, de l'art brut en Allemagne: Ernst Kolb
La galerie Isola à Francfort, dirigée par Patrick Lofredi, un Français installé en Allemagne, galerie qui était présente au récent salon outsider art fair de Paris à l'Hôtel le A, présente actuellement une exposition sur un nouveau venu dans le champ de l'art brut, Ernst Kolb, à l'occasion de la sortie d'un livre de Rolf Bergmann consacré à ce créateur. Cela dure du 3 avril au 24 mai. Adresse: Falkstraße 40, 60487 Francfort. Tel 01 57 34 92 23 72. Ils ont un site web bien sûr: http://www.galerie-isola.de/. L'art brut en Allemagne est un terrain très peu connu en France, n'est-il pas?
Ernst Kolb, portrait et dessins, photo extraite de www.outsider-art-brut.ch
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Et toujours le musée d'art brut et naïf de Suisse orientale, le "museum im Lagerhaus" (l'Entrepôt) à Saint-Gall qui présente cette fois une collection privée...
Alfred Leuzinger (1899-1977), Homme avec coléoptères (autoportrait), crayons de couleur sur papier, © Museum im Lagerhaus, Collection Mina und Josef John
Du 21 avril au 18 Octobre 2015 (ouverture le 20 avril), se tiendra une exposition consacrée à la collection de Mina et Joseph John avec environ 650 œuvres d'art brut ou populaire suisse. Il semble que cette collection soit ouverte au public en dehors de cette manifestation. Parallèlement à l'expo, le musée Im Lagerhaus présente dans sa documentation un aperçu de la collection complète (de même sur son site web, on peut découvrir des reproductions de l'ensemble de cette collection mise en ligne!). J'avoue avoir toujours eu un petit faible pour ce musée caché dans l'Appenzell qui nous montre si souvent du nouveau et du plus délectable en matière d'art brut, naïf ou populaire. Dommage que ce ne soit pas ma banlieue...
Ernst Kummer (1918-2003), maquette d'avion avec personnage, matériaux variés, sans date © Museum im Lagerhaus, Collection Mina und Josef John
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La galerie Les Yeux Fertiles a des obsessions
Là, l'exposition intitulée "Obsessions", n'en a plus que pour quelques jours, puisqu'il est prévu qu'elle se termine le 16 mai. Parmi plusieurs noms relevant de l'art moderne (Bellmer, Saby, Fred Deux, Molinier...) ou de l'art singulier (inévitable Ody Saban...) dont les œuvres sont exposées, on signalera trois magnifiques peintures d'Eugen Gabritschevsky, qui devrait être bientôt exposé en plus grand à la Maison Rouge (vers la fin de l'année), d'après ce que nous en a dit Benoît Morand l'un des animateurs de la galerie. Ainsi que la peinture de Lubos Plny, moins chargée qu'à l'habitude et formidablement équilibrée, qui a été choisie pour le carton d'invitation. Et un très beau André Masson également (à quand une rétrospective de cet artiste qui paraît moins chéri des commissaires d'exposition que d'autres du mouvement surréaliste?)... Liste complète des exposants: H. Bellmer, J. Benoît, F. Deux, J. Domsic, J. Ferrer, J. Fischer, E. Gabritschevsky, G. Harloff, E. J. Hodinos, V. Jakic, I. Jarousse, J. Kolar, R. Léonardini, S.Lepri, R. Lonné, M. Macréau, A. Masson, P. Molinier, M. Pelosi, L. Plny, O. Saban, B. Saby, Scottie-Wilson.
Lubos Plny, sans titre, 83 x 59,5 cm, encre de Chine et acrylique sur papier, 2008
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"Ligabue et les visionnaires candides" au Centre Miche Berra de Costigliole Saluzzo (région de Coni, Piémont)
Ça doit être bien joli ce patelin de Costigliole Saluzzo, situé au sud de Turin, au pied des Alpes (du côté français, il y a le Queyras), où est montée une exposition (du 28 mars au 5 juillet) que j'aurais bien aimé voir... Hélas, elle se terminera juste au moment de la grande transhumance des vacances. Ligabue, ce peintre naïf connu pour ses tigres aux gueules féroces, n'est pourtant pas bien connu hors d'Italie et pas souvent exposé.
Antonio Ligabue, un de ses tigres féroces
Cette année, c'est le cinquantième anniversaire de sa disparition. Avec lui, on a joint des œuvres de Ghizzardi, lui qui fut exposé à Nice et à Paris il n'y a pas si longtemps, et de Bruno Rovesti. A côté sont aussi présentés quelques artistes naïfs yougoslaves Generalic, Rabuzin, Vecenaj, Lackovic et Kovacic qui m'attirent moins (hormis Rabuzin).
Un document tourné par Raffaele Andreassi en 1962, assez étonnant je trouve, Ligabue, il vero naïve, de 1977 pour la RAI semble-t-il, où l'on voit Ligabue en action, cherchant à imiter des bruits d'animaux (je crois...) et trouver l'amour auprès d'une dame qui paraît charitable à son égard, sans plus...
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Louis Soutter confronté à Victor Hugo dans le musée de la Place des Vosges
"Dessins parallèles" est le sous-titre de l'expo (prévue pour durer du 30 avril au 30 août) des dessins des deux grands artistes amants du noir et du charbonneux. On connaît les encres de Hugo, ses paysages visionnaires, ses personnages grotesques, ses pochoirs, ses taches interprétées, mais un peu moins les peintures tracées aux poings et aux doigts par le Suisse Soutter.
Louis Soutter, Parvis, encre noire, 1937, © galerie Karsten Greve, Cologne, Paris, St-Moritz
Je ne sais pas encore si ce sont ces dernières du reste qui seront au musée Victor Hugo, je me contente de l'espérer car le carton d'invitation que j'ai reçu en montre une, ce qui paraît inférer qu'il y en aura d'autres place des Vosges. C'est ce que je préfère dans l'œuvre de Soutter, ses dessins au trait me lassant davantage. Ses peintures aux poings, parfois d'une sobriété étonnante et sans perdre pour autant de leur force, ont marqué d'après moi certains artistes singuliers suisses comme par exemple Christine Sefolosha (à ses débuts) ou François Burland.
Un Soutter (le Héros)exposé il y a peu (2012) à la Maison Rouge, provenance galerie Karsten Greve là aussi...
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Guy Girard, Jean-François Affre, Christian Martinache
Vous ne trouverez pas beaucoup de renseignements sur le Net sur ces trois compères-là qui se sont alliés pour exposer à la galerie Artcomplice (11, rue Petit dans le 19e ardt, Paris ; tél: 01 40 41 97 77 et 06 70 06 31 88) du 15 au 27 avril (plus que quelques jours donc). Personnellement, je me suis souvent intéressé aux peintures du premier qui a exposé autrefois au musée de la Création Franche à Bègles et que j'ai souvent évoqué sur ce blog.
Guy Girard, anagraphomorphose sur le paraphe de Flora Tristan, huile sur toile, musée de la Création Franche, ph Bruno Montpied (2009)
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Du côté de la Galerie Dettinger, Danielle Stéphane
Nouvelle exposition à Lyon, place Gailleton, d'une artiste qui paraît sûre de ses moyens quant à la représentation de personnages, dans des compositions apparentant ses scènes de cirque à des constellations de formes blanches sur des fonds sombres, le tout dans un trait poudreux.
Danielle Stephane, Lola au cirque, 110 x 72 cm, encre sur papier, 2014, ph Claire Defosse
Cela s'appelle "Variations Lola, encre sur papier" et c'est du 11 avril au 9 mai, en partenariat avec la galerie Jean-Louis Mandon, (3, rue Vaubecour dans le 2e ardt) où une autre exposition intitulée "Nymphes et vanités, encre sur volume" est montée en parallèle (du 7 avril au 25 avril, plus que très peu de temps...).
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"Wild Garden" (Jardin sauvage), art naïf et brut venu d'Iran à la Galerie Hamer, Amsterdam
J'ai déjà mentionné quelques créateurs bruts venus d'Iran, tous aussi originaux et talentueux les uns que les autres. On retrouve dans cette expo Davood Koochaki qui fut exposé déjà à la galerie Hamer ainsi que récemment à Paris dans le cadre de "Sous le vent de l'art brut II" (sur la collection néerlandaise du De Stadshof), mais cette fois associé à trois autres artistes moins connus, Mohammad Ariyaei, Salim Karimi et Gorgali Lorestani.
Mohammad Ariyaei, sans titre, 70 x 50 cm, Galerie Hamer, Amsterdam, Pays-Bas
Il semble que le point commun unissant les travaux de ces quatre créateurs est de n'avoir point totalement coupé par leurs sujets avec leur culture autochtone, un peu comme dans le cas de certains créateurs aborigènes australiens, ou des peintres de diverses ethnies en Inde. Ils font davantage preuve d'originalité par le style de leurs dessins ou peintures.
Deux pages du dépliant annonçant l'exposition à la galerie Hamer avec deux œuvres de Gorgali Lorestani, où l'on voit la présence très importante des textes mêlés aux graphismes
L'exposition durera du 22 avril au 23 mai. Voir www.galeriehamer.nl
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05/04/2015
"Brut de pop'" dans les Landes
J'ai appris un peu à la dernière minute, et avec très peu d'informations sur le contenu de l'exposition (ainsi que sur la totalité des auteurs présentés)... qu'une manifestation commençait le 1er avril à l'Ecomusée de Marquèze (fin prévue le 28 juin) près de Sabres dans les Landes (entre Bordeaux et Mont-de-Marsan ; le titre est un calembour bien entendu, on veut nous faire songer à "brut de pomme"... Et l'on joue aussi en sous-titre sur les rapports de l'art brut avec l'art populaire en posant la question de "l'impopularité" hypothétique de ces formes d'art).
Le musée de la Création Franche de Bègles est associé à l'exposition par le prêt de pas moins de deux cents œuvres. Ils sont généreux à Bègles, faut pas le nier. Mais qui est exposé, c'est la question à mille francs ? Il semble qu'il n'y ait pour l'instant aucun dossier de presse de disponible, et l'on en est donc réduit aux supputations. Un catalogue, sous la forme d'un numéro spécial de Création Franche, devrait cependant, en principe, sortir la semaine prochaine. Les amis Albasser m'ont informé de plus qu'il y a deux douzaines d'œuvres de Pierre Albasser d'accrochées dans une section consacrée à la "récupération" (on les apercevait, à un moment d'internet, en illustration d'un communiqué de l'Ecomusée, présentées sous des cadres vitrés suspendus). Il semblerait aussi qu'on puisse aussi y trouver des pièces de Simone Le Carré Galimard, si le masque sur l'affiche est bien d'elle... A côté de l'affichette ci-dessus, on aperçoit aussi une de ces charmantes sculptures ultra brutes de décoffrage de Jean Dominique (sur lequel, je profite de l'occasion, est paru il n'y a pas si longtemps un ouvrage entièrement consacré à sa vie et son œuvre – avec une centaine de sculptures reproduites – livre écrit et autoédité par Jean-Luc Thuillier, Jean Dominique, une figure de l'art brut en Périgord, 2012). Le musée de la Création Franche possède en effet une cinquantaine de pièces de cet auteur.
Deux petites sculptures de Jean Dominique, musée de la Création Franche, ph. Bruno Montpied
Mais pour le reste? On ne peut que faire des suppositions en attendant qu'on trouve le temps de nous en dire plus ou que je rencontre quelque motorisé qui voudrait bien m'emmener là-bas... Le laïus du communiqué déjà évoqué indique: "Objets du quotidien détournés, art du bricolage et de la récupération, cette exposition propose de découvrir des objets aussi insolites qu’esthétiques, mais aussi de s’interroger sur les principes de la création artistique, qu’elle soit populaire, brute ou franche.
Anonymes, artisans, artistes, les créateurs rassemblés ici offrent une vision esthétique du monde loin des « beaux-arts » et des cercles académiques. Pour vous en faciliter la découverte, nous avons regroupé ces objets et œuvres autour de sept thématiques : l’artiste-artisan, le monde rural, le foyer, le religieux, l’enfance, les fêtes et les loisirs, la récupération."
Il semble donc que l'on veuille – dans un écomusée, c'est dans la logique des choses – associer l'art brut, et la création singulière d'artistes en porte-à-faux avec l'art des "Beaux-Arts" d'un côté (ce qui fait le fonds du musée de la Création Franche), avec, d'autre part, l'art populaire au sens rural du terme (tel qu'il a été conservé en tout cas dans ce musée consacré à la culture populaire landaise¹). Pour illustrer ce dernier aspect, il semble que l'Ecomusée ait décidé de mettre des éléments de sa collection (statues, œuvres de patience, meubles, gourdes en calebasse gravée, jouets...) en regard des œuvres venues de la Création Franche. Il faut préciser du reste que c'est une responsable de l'Ecomusée, Mme Vanessa Doutreleau, chargée des expositions au Pavillon de Marquèze, qui a choisi les 450 œuvres (au total) de "Brut de Pop'". J'applaudis en principe à ce genre d'initiative qui permet de réassocier art d'autodidactes bruts ou naïfs et art populaire, loin de l'art moderne ou contemporain (le rapprochement avec ces derniers, comme je l'ai déjà dit, se fait en effet par trop depuis quelque temps dans les cercles plus mondains de la capitale). Plutôt que de conserver une collection d'art brut dans un musée d'art contemporain et d'art moderne, on aurait pu tout aussi bien imaginer la voir entrer dans le prolongement d'un musée d'art populaire, comme c'est presque le cas lorsqu'on découvre en Bourgogne dans un même triangle géographique (j'avais appelé celui-ci autrefois, en 1989..., le "triangle d'or") le musée d'art naïf de Noyers-sur-serein, le musée d'art populaire de Laduz et la Fabuloserie de Dicy...
Une vue fort partielle de l'expo
Il faut souligner ce que ce projet a de tout à fait plausible et stimulant, à l'heure où certaine galerie parisienne et certain grand collectionneur voués à l'art brut aiment à mettre en avant ce qui relève à l'intérieur du champ de l'art brut plutôt du document ou de hautes élaborations intellectuelles pondues par des êtres cultivés en rupture, élaborations débouchant sur des chinoiseries cérébrales proches en terme d'ennui de tant d'œuvres de l'art contemporain le plus emmerdant (je pense au secteur dit "des hétérétopies scientifiques" de la dernière exposition ABCD à la Maison Rouge).
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¹ On pourrait renvoyer au fait les responsables de ce musée à l'information que j'ai délivrée il y a déjà quelque temps sur ce blog à propos d'Alphonse Benquet, ce peintre et sculpteur landais qui vivait dans les décennies du début XXe siècle à Tartas, non loin de Mont-de-Marsan dont est proche Sabres.
12:37 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire insolite, Art singulier, Confrontations, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : écomusée de marquèze, musée de la création franche, art populaire des landes, art brut, art singulier, brut de pop', albasser, jean dominique, édition jean-luc thuillier, enfance, art sans artistes, création franche | Imprimer
18/03/2015
De l'art naïf anonyme en remontant le temps
C'est beau les Puces de Vanves, on y rencontre toutes sortes d'épaves, d'objets venus y faire un petit tour au gré des marées perpétuelles du souvenir et des occasions, sous le prétexte d'être objets de commerce. L'autre jour, mêlées à des peintures du genre plutôt moderne (XXe siècle), je suis tombé sur deux peintures sur papier, un peu abîmées certes (de l'humidité y avait laissé des taches, des crevasses serpentaient dans les coins, peut-être certaines taches de couleur étaient plus la résultante de frottages intempestifs essuyés au fil des âges, au gré des déplacements, plutôt que de la volonté du peintre), mais encore pimpantes, joliment colorées, et dessinées avec une certaine naïveté. Par exemple, pour preuve de ce que j'appelle "naïveté" et qui est plutôt signe d'une grâce qui ne s'encombre pas d'une volonté de réalisme autre qu'intellectuel (comme aurait dit peut-être Georges-Henri Luquet), voyez dans le dessin ci-dessous la position des joueurs de trompettes aux chapeaux munis de plumets. Leurs pieds reposent sur une colline située à l'évidence bien plus loin que celle sur laquelle reposent les cinq autres personnages qui pourtant sont de même taille à côté d'eux, groupés autour d'une femme et de son enfant, personnages accompagnés d'une sorte de biche (aux oreilles de lièvre?), peut-être un symbole de cette famille aristocratique, qui fait un peu penser aux représentations d'animaux sur les tapisseries de l'époque. Un cheval aussi est de même taille que les personnages...
Anonyme ; on notera la chaise à porteurs à droite, en train d'arriver peut-être pour charger la dame à la robe rose et l'emmener ensuite au château que l'on aperçoit au lointain ; ce pourrait être un facteur de datation, de même que le style des vêtements (XVIe siècle? Ou XVIIIe siècle, époque où aurait peint l'auteur, se référant à un événement historique ancien?) ; il est possible que la scène se passe ailleurs qu'en France (?) ; ph. Bruno Montpied
Le collectionneur qui les acquit me laissa avec bienveillance les prendre en photo, grâces lui soient rendues (il préfère rester discret quant à son identité).
Voici le deuxième dessin, lui aussi une gouache sur papier, et lui aussi de la même main visiblement, même si on ne trouve aucune signature, aucune date, aucune inscription de quelque sorte que ce soit apposées dessus. Cette fois, le sujet est plus rude. Il s'agit à l'évidence d'une scène d'écartèlement. Le condamné est livide, en contraste avec les visages colorés de ses bourreaux. Les bœufs chargés de le démembrer sont gros afin que le spectateur du tableau ne puisse douter de leur efficacité. L'espèce de belvédère qui est placé en arrière-plan est curieux. Est-ce un poste d'observation pour cette zone de torture? Est-il seulement là pour remplir la composition qui serait sans cela un peu trop vide? Le dessin fait en tout cas un curieux pendant au précédent, même si rien ne permet de penser qu'ils étaient ensemble pour être exposés en vis-à-vis. Comme si le supplice du gueux était l'autre face d'une pièce dont le recto représenterait le faste des seigneurs. Ces derniers ne pouvant briller sans l'exécution de quelques révoltés ici ou là...
Anonyme, XVIIIe siècle ?, 31x40 cm, scène d'écartèlement, ph. BM
00:26 Publié dans Art immédiat, Art naïf | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : anonymes de l'art naïf, art naïf du xviiie siècle, écartèlement, supplice, chaise à porteurs, g-h luquet, réalisme intellectuel, peinture naïve à thématique historique | Imprimer
15/03/2015
Quatre de mes anciens films en projection, à l'époque où j'étais cinéaste amateur
Vendredi 20 mars, je participe avec quatre de mes anciens films tournés en super 8 au Festival 8-9,5-16 de cinéma amateur des Pavillons-sous-Bois (Seine-St-Denis). Ces derniers chiffres représentent les formats de cinéma acceptés par le festival en question, organisé conjointement par le CECAS de la ville des Pavillons-sous-Bois et la revue Cinéscopie animée entre autres par Michel Gasqui, un amoureux du cinéma amateur en format argentique, et notamment du cinéma Super 8. Je ne connais pas les autres participants à la programmation de cette édition, et ne peux donc rien en dire (mais je le ferai dès que je les aurai vus, si émotion il y aura...). Il semble tout de même qu'on ait affaire à des œuvres de création, fiction ou documentaire, et non pas à du cinéma de famille (l'anniversaire du petit dernier, les noces d'or de Papy et Mamie, etc., cinéma contre lequel a priori je n'ai rien, je m'empresse de le dire), et peut-être même des œuvres naïves comme il y a de l'art naïf.
L'auteur au bord de la Manche, au cours d'un autre tournage, celui d'un film précédent appelé "Conversation aigre sur les malheurs du temps", 1977 ; ph. Jacques Burtin
En ce qui me concerne, je prête quatre petits films tournés quasiment sans montage ultérieur, il y a trente ans, soit donc dans les années 1980. Ils se voulaient pour trois d'entre eux, Sur les trottoirs de nos villes, Œillères, et Ecrin de Sable, comme des documentaires poétiques. Le quatrième, Un Paysage Changeant, est un minuscule film d'animation réalisé image par image avec les moyens du bord dans le petit studio que j'occupais à l'époque. Ils sont tous en Super 8 et sonorisés. Voici leurs "fiches techniques":
"Sur les trottoirs de nos villes (sonore, stéréo, 1981-1983, env. 4 min.)
“Sur les trottoirs de nos villes” est un poème visuel accompagné de deux textes, un de moi, et un tiré de Henri Michaux qui est une promenade effectuée au ras des trottoirs de Paris (dans le XIème) afin de tenter de révéler la beauté méditative des lignes et matières présentes sur le sol d’une ville, aussi suggestives et esthétiques pour l’esprit que des œuvres d’art abstrait telles qu’on peut les admirer dans les musées. L’art abstrait, seulement, dans ce cas, on marche dessus tous les jours…
Œillères (sonore en mono, 1985-1986, env 12 min.)
“Œillères” est une promenade à la surface de visages scrutés avec une certaine effronterie, de façon parfois fort insolente sous le nez des intéressés, au cours de deux tournages effectués à deux moments différents de l’année dans l’hippodrome d’Auteuil, du côté de la pelouse au milieu des turfistes aux allures fiévreuses de drogués du jeu. La musique lancinante de Mal Waldron et Marion Brown (un morceau nommé adéquatement “Contemplation"…) accompagne cet essai de portraits d’hommes en addiction au jeu, distillant une atmosphère de drame et de dépression. A signaler, pour ceux qui le connaissent, l'apparition à de certains moments, mêlé à la foule des turfistes, d'un certain Régis Gayraud, habitué de ce blog, et aussi d'un Roland Chelle, auteur du recueil "Vers luisants" à l'enseigne de la Petite Chambre Rouge.
Ecrin de sable (sonore, mono, 1988, env.11 min.)
“Ecrin de sable”, pareillement, est un poème visuel cherchant à mettre en lumière le merveilleux brut d’une plage où le sable est comme un écrin à des dizaines et des dizaines d’objets laissés là par la mer, coquillages, cailloux luisant comme des bijoux, épaves, etc. C’est une tentative d’hommage à la poésie brute d’une plage, avec sa lumière et ses cimaises horizontales.
Un paysage changeant (sonore en stéréo, 1983, env. 2min.)
“Un paysage changeant”, sur une musique extrêmement rythmée de Spike Jones, est un film d’animation réalisé avec de la peinture et divers petits accessoires. C’est comme un tableau essayant de se faire en direct devant la caméra, le tout en manifestant un rythme non prévu au départ et en réalité improvisé au tournage image par image, puis davantage révélé au visionnage par adjonction de la musique burlesque de Spike Jones."
Avis aux curieux donc...
00:05 Publié dans Art immédiat, Cinéma et arts (notamment populaires) | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : cinéma amateur, festival 8-9, 5-16, pavillons-sous-bois, cinéscopie, michel gasqui, bruno montpied, cinéma super 8, cinéma naïf, régis gayraud, roland chelle | Imprimer
10/03/2015
Quand le rideau ne tombe jamais, expo à l'American Folk Art Museum (New-York)
Etrange titre, se dit-on d'abord, mais on sait aussi que c'est le meilleur moyen d'intriguer et d'amorcer la curiosité des amateurs d'expositions hors du commun. Si "le rideau ne tombe jamais" (je traduis du titre en américain de l'expo "When the curtain never comes down), c'est sur les "performances" de créateurs hors-les-normes qui les vivent au quotidien (mais est-ce le spectacle qu'implique ce "rideau"...?).
"Performances" n'est pas un terme que j'apprécie beaucoup, cela dit. Cela correspond à la volonté de la commissaire d'exposition, par ailleurs conservatrice en charge du département art brut et art autodidacte dans ce même American Folk Art Museum de New-York, Valérie Rousseau (dont j'ai déjà eu par le passé l'occasion de parler, du temps où elle animait la Société des Arts Indisciplinés au Québec), de rapporter les rituels quotidiens, les comportements, les actes, les inventions de machines et de mobiles, les créations de situation, les pratiques créatives au jour le jour de 28 "artistes" (en réalité plutôt des créateurs non professionnels, voir la liste sur le site du musée ci-dessus par le lien), de rapporter donc tout cela à l'Art sacro-saint, alors qu'en fait il faudrait à mon sens plutôt montrer comment ces pratiques se détachent de l'art au sens traditionnel du mot (ce n'est pas que de la création plastique, c'est aussi un rôle social) pour investir l'espace-temps du quotidien, et donc en bref qu'il ne s'agit pas d'une "artification", d'une annexion de la vie par l'art, mais d'une "quotidiennisation" et d'une vitalisation de l'art à tel point que celui-ci finit par se dissoudre dans cette même vie... Mais bon, d'un autre côté, il faut aussi reconnaître que Valérie Rousseau a tenté pour le coup un rassemblement d'actes créatifs que l'on n'avait pas eu jusque-là l'idée de tenter, il faut donc lui rendre cette justice. Ce projet novateur a à n'en pas douter quelques cousinages avec l'expo "L'autre de l'art" qui s'est tenue en France au LaM et que j'avais aussi évoquée sur ce blog il n'y a pas si longtemps.
Marie Lieb, bandes de tissu disposées sur le sol d'un hôpital en Allemagne où elle vivait, vers 1894, photographie collection Prinzhorn à Heidelberg
Ce qui est visé ici, à travers ces productions hétéroclites ne faisant pas œuvre au sens où l'on entend généralement le mot (à savoir des icônes destinées à s'extraire de notre temporalité pour accéder à l'absolu), ce serait en effet plutôt des actes, des pratiques créatives, vécus au quotidien, mêlés inextricablement à la vie de tous les jours. Marie Lieb dans son asile en Allemagne vers 1894 arrangeait sur le sol de façon parfaitement éphémère des bandes de tissu harmonieusement disposées, telle une nuit étoilée rabattue sur le sol le temps d'une respiration. Heinrich Anton Müller inventait dans un autre hôpital des machines dont le sens a été perdu et qui furent vandalisées (voir ci-contre, Müller dans l'hôpital de Münsingen en Suisse, 1914-1922, photo coll. Prinzhorn, Heidelberg). Par chance, le souvenir nous en a été gardé grâce à des photographes bien inspirés... Fernando Oreste Nanetti en Italie grava les murs extérieurs de l'asile de longues bandes de graffiti grattés dans l'enduit des parois. Vahan Poladian ou Eijiro Miyama (voir ci-dessous, image reprise du site web de la Collection de l'Art Brut de Lausanne) se couvrirent de parures extravagantes mais rigoureusement illustratrices de leurs caprices vestimentaires ultra personnels. Arthur Bispo de Rosario au Brésil aussi concevait des sortes de cape grandioses richement brodées et dessinées (on eut l'occasion de les découvrir à la Galerie Nationale du Jeu de Paume dans l'expo "La Clé des Champs" en 2003). Melina Riccio sème des proclamations inscrites, parfois au sein de cœurs, tracées un peu partout dans les rues en Italie, sur des bannières et des vêtements aussi. Gustav Mesmer avait réinventé les ailes d'Icare sur des collines suisses. L'expo de New-York propose aussi de découvrir les amulettes de Jean Loubressanes, venues de la collection du Dr Pailhas à Albi, qui avaient été déjà montrées à Villeneuve-d'Ascq récemment dans l'expo "L'Autre de l'Art". Etc., etc.... Les créations de nombre de personnages présentées dans les expos d'art brut ont ainsi à voir avec la magie, avec des actes destinés à attirer la protection des esprits, ou de saints, dans une attitude analogue à celles des anciens peintres d'ex-voto. Bien sûr, on peut toujours, dans un cadre muséal, comme c'est le cas à l'AFAM de New-York, associer toutes ces manifestations à des "performances", mais on fait là une sorte de contresens à mon humble avis. Il n'y a pas volonté de la part de ces créateurs possédés par leurs expressions en actes, souvent éphémères, de faire œuvre entrant dans un corpus de l'histoire de l'art, il n'y a pas de leur part discours sur leurs pratiques, et donc ils n'ont rien en commun avec les "artistes" au sens où l'on entend généralement ce mot. Leur catégorie de création se situe ailleurs, dans la trame de la vie quotidienne, et à la limite, pourrait très bien se passer de toute médiatisation, tant elle est intensément vécue sans nul besoin de parade sur de quelconques tréteaux.
Arthur Bispo do Rosario portant son "vêtement de présentation", photo reprise du blog (brésilien sans doute et en portugais) d'Anna Anjos
Exposition du 26 mars au 5 juillet 2015
21:48 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés, Graffiti | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : when the curtain never comes down, american folk art museum, valérie rousseau, créateurs ou artistes, bispo do rosario, anton müller, eijiro miyama, nanetti, melina riccio, poladian, vêtements bruts, magie, collection prinzhorn à heidelberg, création dans la vie quotidienne, vie quotidienne | Imprimer
03/03/2015
Des posters peints au Libéria aussi, une expo prochaine
M. François Beaurain m'annonce une expo à venir d'affiches peintes (dans la plupart des cas sur toile), affiches en provenance du Libéria où elles ont été retrouvées juste avant leur destruction totale (et ce en dépit que sont connues maintenant d'autres affiches elles aussi peintes à un exemplaire pour les vidéos-club du Ghana, affiches que l'on a aussi arrêtées de produire là-bas).
George S.Josiah, Sakobi la fille serpent, 1998, poster peint du Libéria, site web de François Beaurain
HK Wiah Arts, La Momie, poster peint du Libéria, site web de François Beaurain
Ces affiches, on peut les examiner sur le site web suivant, mises en ligne par François Beaurain. Et si on veut les voir en vrai, il faudra se rendre au Cinéma des Cinéastes (7 Avenue de Clichy, 75017 Paris), à partir du mercredi 4 Mars, le vernissage étant de 18h à 20h (l'entrée sera libre le temps du vernissage puis réservée uniquement aux clients du cinéma munis de billet par la suite). L'exposition est programmée jusqu'au 10 Avril.
Mansa, Watchers 3, poster peint du Libéria, site web de François Beaurain
Al Boone, Warlock 3, 1999, poster peint du Liberia, site web de François Beaurain
Il semblerait, à suivre François Beaurain, que les posters présentés à cette occasion (au nombre de 38) seraient les seuls survivants du grand nettoyage consécutif à la montée en puissance du cinéma nigérian qui en diffusant des DVD accompagnés d'affiches sur papier à travers le pays aurait rendu obsolètes ces affiches peintes artisanalement. Bon... Jusqu'à ce qu'un autre collectionneur nous sorte d'autres séries de son chapeau, peut-être?
Anonyme, Fair Game, poster peint du Libéria, site web de François Beaurain ; ce poster est plus dans le style des posters peints du Ghana, je trouve
D.Wolobah, Maman j'ai (encore) raté l'avion (Home alone 2), poster peint du Libéria, site web de François Beaurain ; à noter que cette affiche est clairement démarquée de l'affiche américaine originale que je reproduis ci-dessous, ce qui apparente ces peintres du Libéria à notre Guy Brunet national, qui adore refaire des affiches à son goût en démarquant les originales
A contempler les exemplaires présentés sur le web, tous réalisés avant les années 2000 (à signaler qu'au Ghana une semblable efflorescence d'affiches peintes eut lieu entre les années 1980 et les années 1990, il paraît difficile d'imaginer qu'il n'y ait aucun rapport), si certains ressemblent par leur naïveté graphique à ceux du Ghana (c'est ce que je préfère personnellement), d'autres, la plupart semble-t-il, visent à un réalisme quasi photographique, l'accent original se retrouvant plutôt dans la mise en page souvent spectaculaire.
Anonyme, Le corrupteur, poster peint du Libéria, site web de François Beaurain
24/02/2015
Stimulantes parenthèses au Musée National d'Art Moderne
La balade que je relaterai ici commence à dater un peu. Elle fut faite en mars 2014 dans les collections permanentes du Musée National d'Art Moderne suite à une indication que m'avait donnée une membre du CrAB (Collectif de recherche autour de l'Art Brut). On sait que la collection permanente de ce musée, malheureusement toujours prisonnière de l'affreuse raffinerie beaubourgeoise et pompidolienne de la rue Rambuteau à Paris (que ne l'exile-t-on pas, celle-ci et sans le MNAM, à Marseille pour qu'on nous rapatrie en échange les collections du MUCEM?) est de temps à autre remodelée, ré-accrochée, bouleversée, etc. C'était le cas au début de l'année dernière. Je ne sais si elle a encore changé depuis, ne passant guère mon temps dans ces parages. En mars 14, il y avait du nouveau. Si le groupe CoBrA paraissait glorieusement absent des cimaises, ou du moins passablement sous-représenté, quelques insolites œuvres avaient été tout à coup sorties des réserves, en majorité liées au fonds d'œuvres naïves que recèle le MNAM, grâce semble-t-il aux acquisitions de l'ancien directeur du musée Jean Cassou.
Tableau de Colette Beleys (1911-1998), La Maison Potagère (1950), intégré aux collections du MNAM du temps de Jean Cassou ; Colette Beleys était une artiste qui se disait "peintre instinctive", non pas participant d'une "naïveté" mais se revendiquant plutôt d'une "innocence poétique" ; ses compositions fort élaborées, pour moi essentiellement des années 1930 à 1950, sont d'une poésie délicate (merci à Jean-Louis Cerisier qui attira autrefois mon attention sur elle) qui me font songer à certains autres figuratifs cousins par le style et l'esprit de sa manière, comme Elie Lascaux par exemple ; une exposition consacrée à elle tourna en 95-96 entre diverses villes, comme Montauban, Aix-en-Provence, Besançon, etc. et un catalogue fut publié à cette occasion
Il s'agissait, semble-t-il, dans les espaces que les conservateurs leur avaient consentis (des couloirs aux murs vitrés comme autant d'espaces interstitiels entre les différentes salles, parenthèses, intervalles où on logeait ainsi des marginaux, des œuvres posant question?), il s'agissait de proposer des rapprochements entre figuratifs savants et figuratifs autodidactes dits ailleurs naïfs qu'un même sens de la stylisation "primitiviste", ou un refus du réalisme – attitudes que l'on pourrait résumer en un seul mot, "réalisme intellectuel" – unissaient. Du reste avant que le visiteur ne tombe sur ces couloirs-intervalles, une première salle du parcours des collections, consacrée à une évocation de l'exposition expressionniste du Blaue Reiter (de 1911-1912), proposait déjà, éparses parmi des œuvres des artistes contemporains de l'époque réunis autour de Kandinsky, quelques pièces liées à l'art populaire de l'époque et revendiquées par le groupe avant-gardiste du Blaue Reiter. Histoire de murmurer à l'œil et l'oreille des visiteurs que ces confrontations art populaire/art moderne ne dataient pas d'aujourd'hui (et avaient peut-être aussi une autre allure que les confusions actuelles entre art contemporain et art brut).
Un des murs de la salle consacrée au Blaue Reiter, MNAM Centre Georges Pompidou, mars 2014
Une sirène, art populaire (entre 1850 et 1890), legs Nina Kandinsky, MNAM Centre Georges Pompidou
André Bauchant, Louis XI faisant planter des mûriers près de Tours, 1943, don de l'artiste (1950), MNAM Centre Georges Pompidou
Des œuvres d'artistes consacrés depuis longtemps comme Naïfs, tels Aristide Caillaud, André Bauchant, Séraphine ou Germain Van Der Steen, se rencontraient au hasard des couloirs, non loin de pièces de Henri Gaudier-Brzeska, d'André Derain ou encore, exposée plus loin dans une salle, d'une œuvre de Feininger, digne d'être mêlée à du brut des plus contemporains.
Henri Gaudier-Brzeska (1891-1915), Samson et Dalila (1913), don Ezra Pound, MNAM Centre Georges Pompidou (là, cependant, il paraît difficile de rapprocher cette œuvre de celles de l'art naïf ou de l'art brut ; plutôt de l'art ethnique éventuellement, par exemple l'art inuit...)
Œuvre de l'expressionniste Feininger, d'une modernité étonnante, préfigurant l'essor du primitivisme contemporain d'un bon siècle et se référant visiblement, et respectueusement, à l'art des enfants, MNAM Centre Georges Pompidou
On trouvait aussi dans un recoin une peinture de la jeune Algérienne Baya qu'André Breton aida à se faire révéler, ainsi qu'une scène de bataille avec des cavaliers, fort naïve et attachante, d'une certaine Janice Biala (1903-2000), une encre sur toile de Géra, primitiviste éthiopien, dont l'œuvre fort colorée était prêtée par le Musée du Quai Branly (on est là en présence d'art africain singulier dérivé de l'art traditionnel éthiopien notamment à base iconographique chrétienne ; l'œuvre se voulant thérapeutique, soignant l'âme et le corps à la manière d'un talisman).
Janice Biala, scène de bataille équestre, 1934-1936, MNAM Centre Georges Pompidou
Géra, encre sur toile, provenance Musée du quai Branly, MNAM Centre Georges Pompidou
Plus loin, on trouvait diverses autres allusions à la créativité populaire ou singulière, hors champ de l'art "mainstream", comme cette photo de Gisèle Freund (voir ci-contre, photo de 1951) s'attardant sur le mur d'ex-voto fauchés par Diego Rivera dans les églises de son Mexique chéri (comme quoi André Breton, qui faisait la même chose, au grand dam de Trotsky paraît-il, si l'on suit l'auteur d'une récente biographie de Jacqueline Lamba, avait des exemples autour de lui au cours de son voyage des années 30 au Mexique). Ou bien encore les statues africaines d'Aniedi Okon Akpan telles qu'elles aussi avaient été empruntées au Musée du quai Branly, dans une salle qui évoquait les anciennes expos du Centre Beaubourg, Les Magiciens de la Terre ou Africa Remix.
Statues d'Aniedi Okon Akpan, MNAM Centre Georges Pompidou (cet Akpan est connu aussi pour de célèbres statues funéraires, à la fois réalistes et naïves, qu'il installait au Nigeria sur les tombes des personnes représentées)
Mais ce qui me scotcha véritablement fut la découverte, toujours dans un de ces couloirs interstitiels si pleins de surprises, de deux œuvres de grand format d'un "anonyme", dont les œuvres étaient entrées selon les cartels du musée en 1953 par don dans la collection permanente. Avait-on jamais vu ces œuvres-là au MNAM, très colorées, plus que naïves, presque brutes pour le coup étant donné leurs audaces s'émancipant grandement des références à la réalité visuelle, et faites à coup de collages et de juxtapositions, surlignés à la gouache? Je parie bien que non. Les cartels, concernant de telles œuvres de format et retentissement si importants, auraient pu nous donner des pistes plus conséquentes, mais on n'avait pas cru bon de le faire... Le visiteur n'avait qu'à se dépatouiller avec ces deux surprenantes compositions qu'on avait daigné leur sortir des réserves, faut pas exagérer non plus...
Anonyme, Le cheval de Troie, (1930-1945), gouache sur papiers découpés et collés, MNAM Centre Georges Pompidou ; on excusera le flou du cliché pris avec un portable pas terrible et placé qui plus est entre des mains tremblant de surprise...
Anonyme (le même que ci-dessus à l'évidence), Le Roi et la Reine, (1930-1945), gouache sur papiers découpés et posés sur une toile collée sur contreplaqué, don à l'état 1953, MNAM Centre Georges Pompidou ; à bien les contempler, on peut se demander s'il ne s'agit pas là de grands travaux d'un enfant ou plutôt d'un adolescent ; il reste que ces deux compositions énigmatiques sont fort étranges et que l'on aimerait en savoir plus...
Note Subsidiaire: Eh bien, voici qu'un commentateur me donne des précisions disant avoir vu un cartel précisant qu'il s'agit de dessins d'enfants. Je n'ai personnellement pas vu les mêmes cartels que lui, peut-être ont-ils été modifiés depuis ma visite qui date de l'année dernière. Mais je veux bien le croire même si cette précision n'apparaît pas sur la fiche de la RMN qu'il nous met en lien (ce serait signé Escolier, et cela signifierait écolier donc?). De toute façon, ces travaux paraissent bien des dessins d'enfant, mais qui les a assemblés, si ce n'est un adulte, un éducateur sans doute....? En cherchant mieux sur la base du MNAM on trouve enfin la référence complète: "Elèves de la Ville de Paris, sous la direction du peintre M. Jean Lombard et de Mme Vige Langevin". Donc il y a bien eu médiation d'enseignants, et la relation des uns avec les autres a donné au moins deux bien belles œuvres. Ce qui me confirme personnellement dans la qualité qui peut se rencontrer dans un travail accompli en commun entre enfant(s) et adulte(s), genre d'action artistique aujourd'hui pas très en vogue, et même plutôt combattu dans les ateliers pour enfants, voire dans les écoles, au nom de l'autonomisation de l'enfant.
On me dira que les écoles en ont beaucoup de ces travaux. Sans doute, je le sais bien, moi qui vois disparaître régulièrement des tombereaux de chefs-d'œuvre dans les poubelles des écoles. D'aussi fouillés, d'aussi bien composés (la guerre de Troie avec le cheval, les Troyens derrière leurs murailles, les Grecs sur le point d'envahir la cité), par contre, je pense que c'est plus rare. Peut-être travaillait-on avec plus d'application dans les années 40. Cela doit nous faire regretter qu'on n'ait pas eu plus envie jusqu'à présent de créer des musées d'art enfantin. Et qu'on ait commis tant de vandalisme aux dépens des œuvres des moutards. Le MNAM a tout de même recueilli ces deux chefs-d'œuvre, constituant par là même l'ébauche d'une section d'art enfantin dans ses réserves. Y en a-t-il d'autres?
12:01 Publié dans Art Brut, Art de l'enfance, Art immédiat, Art moderne méconnu, Art naïf, Confrontations, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : mnam centre georges pompidou, art brut, art naïf, blaue reiter, feininger, kandinsky, art populaire, diego rivera, ex-voto, gera, akpan, anonymes de l'art, colette beleys, janice biala, baya, andré breton | Imprimer
29/01/2015
"Les Cahiers Dessinés", une expo de dessin tous azimuts à la Halle Saint-Pierre
Cela fait du bien une exposition fourre-tout de temps à autre (j'avais personnellement pas détesté l'expo du "Mur", consacrée à La Maison Rouge, espace qu'il dirige lui-même, par Antoine de Galbert à une bonne partie de sa collection extrêmement éclectique dont il avait laissé le soin de l'accrochage à un programme d'ordinateur qui le conçut de façon aléatoire en fonction des dimensions des œuvres). La Halle St-Pierre, ayant à peine décroché Sous le Vent de l'Art Brut 2 nous en propose une (du genre fourre-tout) entièrement consacrée (du 21 janvier au 14 août), sous l'égide de la revue et de la maison d'édition de Frédéric Pajak Les Cahiers Dessinés, au dessin sous de multiples formes. Je ne ferais pas ici le tour de ce foyer de créativité sympathique, que je regarde à la marge de mes marottes préférées, tout en admirant de loin. Je me contenterai de conseiller celui qui veut en apprendre davantage de se connecter au site de la revue (qui s'intitule pour ce qui la concerne, seulement elle, au singulier, Le Cahier Dessiné), ou de venir voir l'expo et la librairie de la Halle St-Pierre qui propose en ce moment un grand choix de publications consacrées aux divers dessinateurs défendus par les Cahiers Dessinés.
Couverture du catalogue de l'exposition
Non, ce que je me propose de faire là c'est une sorte de tour résolument subjectif, comme à l'ordinaire, mais sous une forme peu utilisée jusqu'à présent, en suivant ma dérive dans l'expo le portable à la main, faisant des photos qui par leur très médiocre qualité ne pourront en aucun cas concurrencer la qualité des éditions des Cahiers Dessinés (il y a un très beau catalogue de l'exposition). Le premier dessin sur lequel je m'arrêtai comme un chien de chasse la patte en l'air fut une œuvre de Wols, le peintre, dessinateur et photographe. Sensible, fin, raffiné, fragile, délicat sont les mots qui viennent à l'esprit quand on tombe sur des œuvres de Wols (voir ci-contre). J'ai oublié de dire que j'ai commencé comme de juste par la salle noire du rez-de-chaussée, et c'est d'ailleurs là que j'ai pris la majorité de mes photos. La salle noire... L'éternelle salle noire de la Halle Saint-Pierre réservée semble-t-il aux œuvres secrètes, les plus marquées par le recours à l'inconscient, non? Tandis que le premier étage, plus éclairé par le jour, serait davantage voué aux œuvres de communication?
Yersin
Unica Zürn
Le Comte de Tromelin
Dans la zone près de Wols on trouvait quelques chefs-d'œuvre et l'on tournait la tête ébloui, Yersin, Unica Zürn (des œuvres en noir et blanc et des œuvres en couleur, toutes exceptionnelles ; je me demande si je ne préfère pas celles en couleur du reste, comme nous l'avait enseigné la très belle expo qu'avait consacrée la Halle Saint-Pierre à cette maîtresse és-hallucinations où l'on avait pu voir de très belles et très rares huiles), le comte de Tromelin (venu de l'Art Brut celui-ci, et pas souvent exposé et sorti des réserves en l'occurrence de la Collection de l'Art Brut de Lausanne), un dessin de Fred Deux plus vivant que les autres (parce que Fred Deux, ça finit par me lasser toute cette maîtrise un peu trop léchée...), des dessins de James Castle (encore l'Art Brut, cette fois américain), des paysages dessinés par des mouches mais en fait dus à la plume de Raphaël Lonné, au loin des magnifiques arabesques touffues de Laure Pigeon (toujours l'Art Brut)...
Laure Pigeon (A signaler à son sujet la sortie du 25e fascicule de la Collection de l'Art Brut qui lui est entièrement consacré, avec une étude de Lise Maurer)
Josefa Tolrá
Après ces cimaises fort alléchantes, on tombe sur, à mes yeux, LA révélation de l'expo. Une créatrice espagnole, ou plus précisément catalane je crois, Josefa Tolrá. Cette dernière, décédée en 1959, n'est pas encore très connue me semble-t-il dans le monde des amateurs d'art brut (dont elle est un des plus beaux fleurons sans conteste), en dépit du fait que la collection de l'Aracine (désormais installée au LaM de Villeneuve-d'Ascq dans le Nord) paraît en posséder au moins une œuvre (une "fantaisie taurine", dessinée recto-verso, comme on peut s'en convaincre en consultant la base Joconde) acquise à on ne sait quelle date (sur la base Joconde il est indiqué "1999", mais c'est la date d'entrée de la collection l'Aracine dans le musée du LaM, je pense). Ils étaient forts à l'Aracine, rien n'échappait à l'œil de Madeleine Lommel. Il paraît qu'ABCD de Bruno Decharme en possède aussi. Sans compter que sur internet on trouve bien entendu divers renseignements à son sujet. Il existe notamment un site à elle seule consacré et des films dont le diaporama amélioré que j'insère ci-dessous.
A la Halle, plusieurs dessins sont accrochés, tous aussi éblouissants et séduisants les uns que les autres, et variés qui plus est. La dame, qui avait le pouvoir de discerner les "auras" des personnes qui l'entouraient, à ce qui se colporte à son sujet, avait à l'évidence une assurance dans son dessin et la composition de ses œuvres qui se rencontre rarement. Cette œuvre en tout cas enfonce de loin, en terme d'émotion ingénue brute, tous les autres créateurs qu'on (la galerie Berst entre autres) cherche à nous faire passer pour bruts valables en ce moment (comme Eric Derkenne, Horst Ademeit, Košek, Medvedev, Katsuhiro, Giga, Anibal Brizuela, Harald Stoffers, et j'en passe...).
Josefa Tolrá
Non loin d'elle, autre surprise, les dessins et le portrait de Marcel Bascoulard, sur lequel je reviendrai probablement, car un très beau livre vient de lui être consacré par Patrick Martinat aux Cahiers Dessinés justement, à l'occasion de l'exposition. Ce marginal de Bourges qui eut une vie tragique s'habillait en femme, se faisait tirer le portrait à multiples reprises dans les tenues féminines qu'il se confectionnait, et dessinait des paysages de sa région avec une minutie incroyable. Pas un être vivant n'y apparaît, tandis que le but de l'opération paraît se concentrer sur le rendu du mystère des lieux, l'être brut du lieu qui est détectable chez une âme ultra sensible, la menant parfois jusqu'à une déstabilisation profonde.
Li Wei Hsuan
Dans un recoin, on découvre également la Taïwanaise Li Wei Hsuan qui paraît dessiner comme enfermée dans la bulle de sa surdité, un graphisme rageur et rythmé. Plus loin, on n'oubliera pas de mentionner quelques dessins de l'écrivain Bruno Schulz, dont les vertiges masochistes de son univers graphique sont bien connus de certains de nos lecteurs...
Bruno Schulz
De même Félix Vallotton et ses gravures très noires ne sont pas inconnues mais font plaisir à être revisitées en confrontation avec les autres œuvres. J'ai particulièrement remarqué la gravure ci-dessous où des enfants, qualifiés par antiphrase d'"anges", harcèlent de leurs quolibets (du moins on l'imagine) en se pressant autour de lui, comme pour un lynchage, un marginal qu'un pandore accompagne en prison.
Félix Vallotton, "Petits anges"...
A l'étage de l'expo, je dois avouer ne m'être arrêté que devant les œuvres de certains artistes COBRA qui résistent plus qu'honorablement au temps qui passe. On a en effet l'occasion de voir, chose pas courante à Paris, des logogrammes de Christian Dotremont, ces tracés à l'encre que ce poète exécutait automatiquement en même temps que lui venait un poème sous son pinceau japonisant. Il libérait ainsi sa graphie de la nécessité de créer un signe d'écriture conventionnelle pour la tendre vers l'idéogramme, et les signes d'écriture orientale ou extrême-orientale, où l'image reste très présente. Au bas des logogrammes, il notait dans une écriture intelligible traditionnelle le poème qui était tracé d'une gestualité libre au-dessus en pleine feuille.
Logogramme de Christian Dotremont...
... et sa transcription
D'autres Cobra sont également présents comme Jean Raine ou Pierre Alechinsky.
Deux dessins de Jean Raine
A cet étage toujours, et enfin, je citerai pour mémoire ce qui s'apparente à du dessin en relief, à savoir les silhouettes montées sur fil de fer de Corinne Véret-Collin.
Corinne Véret-Collin
09:00 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Confrontations | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : les cahiers dessinés, frédéric pajak, art brut, josefa tolra, bruno schulz, marcel bascoulard, wols, yersin, unica zürn, félix vallotton, christian dotremont, logogrammes, jean raine, cobra, james castle, laure pigeon, art immédiat | Imprimer
24/01/2015
Appel de la famille de Gaston Mouly
Travail de mémoire sur l’œuvre de Gaston Mouly
Gaston Mouly, notre père ou grand-père, a produit des œuvres pendant plus de 15 ans en grand nombre et de toutes sortes (sculptures, dessins, pyrogravures…) et de toutes tailles (de la galette à la sculpture monumentale). Et chacun sait qu’il fut reconnu pour sa créativité et son travail. C’est en 1997 qu’il nous a quittés en nous laissant cette œuvre considérable, mais en grande partie dispersée.
Nous jugeons aujourd’hui nécessaire d’engager un travail pour la recenser et la sauvegarder.
Celui-ci débute par la recherche de lieux ou de personnes ayant en leur possession ses œuvres et acceptant de nous en transmettre les références (titre, date, matériaux, description) accompagnées de visuels.
Aussi, nous sollicitons les potentiels détenteurs d’œuvres de bien vouloir se manifester auprès de sa petite-fille Doriane Mouly pour permettre la réalisation de ce catalogue raisonné.
Votre aide nous est précieuse, et nous vous en remercions très sincèrement par avance.
Doriane Mouly
PS: Pour contacter Doriane Mouly, prière de passer par l'adresse de ce blog, en privé donc. Deux moyens de trouver l'adresse: 1 Vous cliquez à droite en haut de la colonne de droite sur "Me contacter". Par ce moyen vous ne pouvez envoyer que du texte dans vos messages. 2. Autre solution, vous cliquez sur "A propos". S'ouvre alors une page qui contient "l'éditorial" de ce blog. A la fin de ce texte d'intention, vous trouvez une adresse e-mail du blog. Vous pourrez alors joindre à vos messages des visuels en pièces jointes. L'animateur du blog répercutera vers la famille Mouly.
Gaston Mouly, Soldats écossais s'exerçant à l'escrime à la baïonnette 1917/ Observoitoire (sic) anglais dans un moulin 1917, Crayons de couleur sur papier Arches, 46x61 cm, vers 1989 (photographié à Lherm en 89), coll. Bruno Montpied
Gaston Mouly, Sans titre (le Chabrot), crayons de couleur sur papier Arches, 46x61 cm, vers 1989, coll. BM
13:05 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gaston mouly, doriane mouly, recensement de l'oeuvre de gaston mouly, art rustique moderne, art singulier, guerre de 14-18, chabrot | Imprimer
18/01/2015
Miguel Hernandez, retour sur un peintre entre art brut et anarchisme
On a parlé sur ce blog il y a peu de Jean Galéani qui avait mis son art (naïf) au service de ses convictions politiques dans les années du début XXe siècle. Il y en a peu de ces cas de créateurs autodidactes qui auraient été en même temps des activistes révolutionnaires. Au début de la collection de l'art brut dans les années 40-50 de l'autre siècle, il y eut Miguel Hernandez (1893-1957), un peu oublié aujourd'hui, il me semble, dans les musées et collections qui possèdent de ses œuvres.
Fascicule édité par les éditions René Drouin en 1948, texte de présentation de "MT" (Michel Tapié) ; coll. Bruno Montpied.
4e de couverture de la plaquette Miguel H., 1948.
Miguel Hernandez, Souvenir inca, 1947, anc. coll. André Breton, en ligne sur le site de l'Atelier André Breton.
Un Miguel Hernandez à l'imagerie moins connue... Photo extraite du site de la galerie Ricco Maresca, New-York.
Diverses circonstances m'ont récemment remis sur les traces de cet ancien militant anarchiste espagnol qui aurait commandé une troupe de 5000 hommes pendant la Guerre d'Espagne, du moins si l'on suit les renseignements biographiques émanant de diverses sources (Michel Tapié en 1948, dans un fascicule des tout débuts de la collection d'art brut de Dubuffet, à l'époque où elle était abritée au sous-sol de la galerie Drouin place Vendôme ; puis dans le premier fascicule de la Collection de l'Art Brut en 1964, avec deux textes, dont un qui datait de 1948 de Dubuffet prévu au départ pour le fameux Almanach de l'Art Brut qui ne vit jamais le jour ; le texte de Dubuffet augmenté de trois paragraphes en 1964 donnait des renseignements biographiques assez fournis ; enfin il y eut aussi un fascicule fait avec les moyens du bord par l'Association l'Aracine à l'occasion de l'expo qu'elle organisa sur Hernandez en 86-87 à Neuilly-sur-Marne à partir de la collection d'un monsieur Noël Rovers d'Hont, dont à ma connaissance on n'a plus entendu parler par la suite...).
Il semble que les chercheurs spécialisés dans l'anarchisme, notamment espagnol, n'aient retrouvé dans les archives que quelques traces partielles de l'activité militante d'Hernandez. En particulier, commander (il avait grade de "commandant", paraît-il) une troupe de 5000 hommes n'aurait pas dû passer inaperçue dans l'histoire de la guerre civile. Mais ce que l'on trouve sur internet, par exemple sur le site du Dictionnaire des militants anarchistes, c'est seulement les responsabilités qu'il occupa dans des revues espagnoles. La notice qui lui est consacrée ne cite ses possibles activités de "milicien" qu'au conditionnel.
Miguel Hernandez photographié par Doisneau en 1951 à Belleville ; ce cliché fut publié dans la plaquette de l'Aracine citée plus haut.
Hernandez est au début de l'histoire de la collection d'art brut. Mais quelques zones floues restent autour de lui. Il vivait après la Seconde Guerre, nous dit-on, dans un petit appartement à Belleville, où il ne se consacrait qu'à la peinture après être passé par divers métiers et tribulations, en Amérique du Sud tout d'abord puis en Espagne où il conspira à Madrid contre Primo de Rivera, de retour d'un service militaire au Maroc dont il garda une détestation de l'armée et de ses soi-disant prestiges. Il collabora à une publication anarchiste à Lisbonne, ce qui lui valut une arrestation. Il publia aussi "des brochures de propagande contre la dictature et contre le communisme" (voir le site du Dictionnaire des militants anarchistes cité plus haut). On date le début de sa production de 1947, soit juste un an avant qu'il n'expose au Foyer de l'Art Brut de la galerie René Drouin (ce qui paraît fort rapide comme passage à la lumière). Les peintures reproduites dans le premier fascicule de l'Art Brut aux éditions Drouin montrent des œuvres de grande force et déjà bien assurées. Sont-elles donc nées, ainsi affirmées, dès les premiers coups de pinceaux? Dubuffet explique qu'Hernandez travailla avec acharnement dès le départ, consacrant tout son temps à la peinture, retouchant sans cesse ses peintures, les "gâtant" parfois par là même...
Une des peintures d'Hernandez reproduites dans le fascicule édité par la galerie René Drouin en 1948 ; à gauche vraisemblablement la femme après laquelle soupirait Hernandez.
Une figure féminine paraît dominer dans ces compositions, celle de sa femme perdue pendant la Guerre Civile et dont Hernandez rêva tout le reste de sa vie (Dubuffet dans son texte du fascicule n°1 de la Compagnie d'Art Brut précise, presque cruellement, à la fin de son dernier paragraphe "qu'un messager chargé par lui de rechercher son adresse à Madrid n'eut pas le courage de l'informer qu'elle vivait en paix depuis fort longtemps avec un autre compagnon et qu'elle ne se souciait plus de lui" ; il décrit l'obsession d'Hernandez pour cette femme perdue de vue comme "insensée").
Cette photo-ci était également reproduite dans le fascicule des éditions René Drouin.
On ne sait pas très bien dans l'histoire de la collection d'art brut, à ma connaissance, qui est tombé le premier sur Hernandez, et son groupe d'amis espagnols, dont certains étaient peintres autodidactes comme lui, tel José Garcia Tella (1906-1983), dont l'œuvre, pourtant, paraît-il, présentée au Foyer de l'Art Brut - à l'époque des balbutiements de la collection de Dubuffet en 1948 -, et défendue par le critique d'art et collectionneur Henri-Pierre Roché, ne connut pas le même succès dans le monde de l'art brut que celle d'Hernandez (à noter qu'il existe un site web qui a été consacré par son neveu et filleul, Charles Tella, à l'œuvre et à la biographie de son oncle ; Garcia Tella était lui aussi anarchiste).
José Garcia Tella, Massacre, 100x81 cm, 1951, anc. coll. Henri-Pierre Roché
Cela se situe peut-être entre Michel Tapié – premier à écrire sur Hernandez (sous les initiales de "MT" dans le fascicule de 1948 qui fut édité dans le cadre des activités du foyer d'art brut au sous-sol de la galerie René Drouin (place Vendôme), sous le titre Miguel H. (Hernandez), et avant que Dubuffet ne lui consacre à son tour une plaquette en 1949 lors d'une autre expo dans le second local prêté par les éditions Gallimard rue de l'Université à Paris –, cela se situe donc entre Michel Tapié et Robert Giraud qui servait de secrétaire à Dubuffet dans ces années pionnières (Aline Gagnaire aussi fut secrétaire dans ces années-là, peut-être responsable, pour sa part, de la découverte de l'aubergiste Henri Salingardes). On sait qu'il y eut en 48 une période où Dubuffet, ayant décidé de séjourner en Afrique du Nord durant six mois, laissa les rênes de sa jeune collection à Michel Tapié. Celui-ci concevait les expositions comme une activité pouvant s'accommoder de ventes d'œuvres. Et il semble que ses critères de sélection aient été bien plus éclectiques que ceux de Dubuffet, qui le lui reprocha à son retour, se brouillant avec lui et décidant de se passer de ses services (mais pas de ceux de Robert Giraud qui se maintint secrétaire au moins jusqu'en 1951, date à laquelle furent faites des photos de Miguel Hernandez par le grand complice de Giraud, Robert Doisneau ; par la suite les choses se gâtèrent entre Giraud et Dubuffet, le premier finissant par surnommer le second "le cave"...).
Robert Giraud, ph Georges Dudognon, extrait du blog Le Copain de Doisneau.
Autre fascicule édité par René Drouin en 48 consacré ici à Pierre Giraud, frère de Robert ; dessinateur parfois présenté comme "naïf", il fut exposé dans les débuts de la collection d'art brut, puis largement oublié par la suite ; coll. BM
C'est probablement pendant cette période où Michel Tapié régnait en maître sur la collection que se produisit la rencontre avec Miguel Hernandez. On peut imaginer que c'est par Giraud – grand connaisseur des milieux populaires de la capitale (il fut une sorte de spécialiste du "fantastique social" comme disait Mac Orlan, expert en argot, en clochards, et autres figures insolites de la rue ; par ailleurs auteur de plusieurs livres dont le célèbre Vin des rues qui donna son titre à un bistrot connu sur la Rive Gauche) – que les animateurs du foyer d'art brut de la galerie Drouin firent la connaissance de l'œuvre d'Hernandez.
Il semble qu'en 1948, plusieurs passionnés des créateurs de l'ombre allèrent visiter le peintre espagnol dans son petit logement. La vente d'une grande partie de la collection d'André Breton à Drouot en 2003 a fait resurgir ainsi un portrait du poète surréaliste exécuté par Hernandez (en 1952, voir ci-contre), ce qui suppose peut-être qu'il y eut rencontre entre eux. Epistolairement parlant, on sait qu'elle eut lieu en tout cas puisque le site web de l'Atelier André Breton a mis en ligne une lettre avec un poème autographe de Miguel Hernandez, ainsi du reste que trois peintures dont le fameux portrait, et une, le Rêve de la Vierge (titre apposé au dos du tableau de la main de Breton, précise le site web) datant de 1947. Breton, à l'époque, était complice avec Dubuffet, on n'en était pas encore à la rupture qui intervint trois ans plus tard en 1951.
Qui aurait l'audace de réunir tout ce qui est disponible en matière d'œuvres de Miguel Hernandez ?
Enveloppe d'une lettre de Miguel Hernandez à "Andres Breton" en 1949; elle contenait un poème manuscrit de Miguel Hernandez ; extrait du site de l'Atelier André Breton.
11:17 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : miguel hernandez, josé garcia tella, anarchisme espagnol, guerre d'espagne, art brut, art immédiat, michel tapié, jean dubuffet, andré breton, atelier andré breton, robert giraud, aline gagnaire, l'aracine, galerie rené drouin | Imprimer
01/01/2015
Voeu!
Bon Athée en 2015!
00:05 Publié dans Art immédiat, Curiosités, modifications et divertissements langa, Questionnements, Voeux de bonne année | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : athéisme, anticléricalisme, irréligieux, blasphème, profanation, apostasie, voeux de nouvel an | Imprimer