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26/12/2023

Pour verser au dossier du Père Noël

      Un Père Noël en version loufoque bien dans la manière de Joseph Donadello à Saiguèdes (Haute-Garonne), à verser au dossier iconographique du vieux et éternel barbu ; le visage est traité de façon très originale, il n'est plus, presque, qu'une barbe blanche, en somme une barbe qui s'est faite face... :

Père Noël (2).jpg

Joseph Donadello, Noël, ciment polychrome, (2004?), ph. Bruno Montpied, 2015.

 

      Spéciale dédicace pour mes distingués commentateurs qui font du délire d'interprétation piscicole ci-après, voici les deux personnages qui sont à l'arrière-plan du Père Noël (la mère Molitor devrait se racheter de nouvelles bésicles...), avec leurs noms plus clairs sur une autre photo prise trois ans après la précédente et sur eux plus spécifiquement centrée : "Blennius" et "Maculatom" (d'où Donadello sort ses noms, j'avoue que ça m'a toujours laissé perplexe dans plusieurs cas, d'autant que, quelquefois, il oubliait joyeusement les transcriptions normalisées), et non pas "Blennocoq" et "Inculator", qu'affectent de voir nos commentateurs hantés par leurs turpitudes... (Note du 30 décembre 2023)

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Blennius (et non pas Brennus, qui serait plus usuel en ces terres de rugby) et Maculatom, sorte de poisson-lune? ; photo B.M., 2018.

17/12/2023

A François Monthoux, jeune poète de l'immédiat, toute notre admiration!

       Merci à Darnish pour m'avoir fait découvrir ce jeune poète inspiré et quelque peu naïf qui vit en Suisse, en pays vaudois (où l'accent est si joli), tel un bienheureux avec son chien, ses parents charmants et compréhensifs (il ne gagne pas sa vie, il n'a jamais aimé l'école...): François Monthoux :

Film "Nietszche, la glaise et les fourmis" de Marie-Emilie Catier

11/11/2023

Cagnotte à faire grossir pour que se réalise un film sur Picassiette

      https://www.proarti.fr/collect/project/le-grand-reve-disi...

    Ci-dessus donc le lien et le teaser (la bande annonce, en bon français...) pour aller voir si les lecteurs de ce blog veulent ajouter leur morceau de vaisselle cassée au projet de faire un film sur Raymond Isidore, dit Picassiette. Personnellement, je me retiens, cherchant moi-même des sous pour financer mon prochain livre aux éditions du Sandre (qui sera un prolongement/variante au précédent livre, le Gazouillis des éléphants, qui fut édité à une époque où les subventions (mécènes, régions, état) existaient encore...). 

    A signaler, en regardant la bande-annonce, que l'on y rencontre une "animation" de Raymond Isidore, qui m'intrigue. Est-elle basée sur des photographies, a-t-on engagé un sosie? On le fait parler aussi... tout cela rend perplexe.

26/07/2023

Rétrospective Martine Doytier en vue en décembre à Nice...

      Martine Doytier, j'en ai quelquefois parlé sur ce blog. Cela a contribué à me mettre en contact avec ses anciens fils, ami et amant. J'ai signalé ainsi le voyage qu'elle avait accompli en 1977 avec Marc Sanchez qui prenait les photos, du côté des Inspirés du bord des routes qui commençaient d'intéresser divers amateurs de poésie de grand chemin buissonnier, tout ceci en lien avec le goût des cultures alternatives.

Affcihe Carnaval de Nice 81 (puis 84).JPG

     Voici que s'annonce une rétrospective pour décembre à Nice, montée par Alain Amiel et Marc Sanchez. Dans cette perspective, ils recueillent grâce à un questionnaire en cinq points des témoignages de gens qui ont connu Martine Doytier de près ou de très loin (comme mézigue, qui ne l'ai jamais rencontré, mais qui ai été frappé en 1984, l'année de son suicide, par la reproduction de son affiche pour le centième anniversaire du Carnaval ; cela m'a conduit à reparler d'elle sur ce blog, en demandant, de loin, à ce que l'on daigne nous en apprendre davantage). Si vous voulez en savoir plus sur ces témoignages, c'est ici: https://martinedoytier.com/ecrits/cinq-questions-a/

      Où situer Martine Doytier, m'y est-il demandé? Pas dans l'Ecole de Nice, où elle n'était visiblement pas à sa place, ni dans l'art naïf auquel une partie de ses tableaux se rattacha pourtant à un moment, mais plutôt peut-être – mais elle était en avance là-dessus – dans l'art singulier, comme un Chaissac ou un Macréau qui furent eux aussi des précurseurs, avec d'autres (Fred Bédarride, par exemple ; Armand Goupil...).

Altmann, Oscari Nives (ptetr), MD, Jakovsky, Vers 82.JPG

Frédéric Altmann à l'extrême gauche, Martine Doytier au centre tenant son chien, Anatole Jakovsky à l'extrême droite ; photo X vers 1982.

 

Vous retrouverez par ailleurs à côté de ce questionnaire le site de l'Association des Amis de Martine Doytier, avec diverses rubriques, informations, galerie d'œuvres, etc...

liste des témoignages au 26 juillet 23 suite au questionnaiee de M Sanchez.jpg

La liste des auteurs de réponses au questionnaire sur Martine Doytier, telle qu'elle était constituée à la date du 26 juillet 2023.

 

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Martine Doytier, Les autres,130 x 97 cm. collection privée, 1977; photo X.?

16/07/2023

Conserver (on non) les environnements populaires spontanés: 4e et 5e volets du Vidéoguide de la Nouvelle-Aquitaine sur les Inspirés du bord des routes

      Viennent d'être mis en ligne le 4e et le 5e volet de la série éditée par l'Inventaire de la Nouvelle-Aquitaine et pilotée par les conseils scientifiques de Yann Ourry à propos des inspirés du bord des routes en Nouvelle-Aquitaine. Ces petits courts-métrages sont toujours réalisés par Juliette Chalard-Deschamps, avec des prises de vue par Arnaud Deplagne.

    Dans le 4e "opus", on me retrouve comme dans le premier volet, toujours avec mon superbe pull (!), répondant en quelque sorte à l'interview d'Hélène Ferbos qui, pourtant, eut lieu plusieurs semaines après le mien, et qui figure ici en tête de gondole. Il s'est agi d'évoquer quelque peu le sujet compliqué des mesures conservatoires – ou non – qui peuvent être mises en place pour prolonger autant que faire se peut ces créations de plein vent, réalisées par des auteurs qui ne se souciaient guère de la pérennité de leurs travaux exécutés dans l'immédiat de leur vie. Est-ce humilité de leur part? Sans doute pour certains, mais ce n'est pas assuré dans tous les cas. Plusieurs créaient dans l'immédiat de leurs temps de loisirs, hors vision artistique, hors système des Beaux-Arts, sans se préoccuper de la postérité, qui est un paramètre spécifique aux artistes professionnels plutôt.

       Et, donc, vouloir – ce qui est naturel, on aime à conserver ce que l'on aime – prolonger et conserver ces sites et réalisations naïfs, plus rarement bruts, pose divers problèmes que nos interviews croisées, à Hélène et à moi, effleurent seulement. Problèmes qui ont trouvé des solutions ici et là, assez variées, qu'il m'est arrivé de décrire sur ce blog à l'occasion, et surtout dans mon inventaire (désormais épuisé, trouvable en bibliothèque ?), Le Gazouillis des éléphants, paru en 2017 aux éditions du Sandre.

     Hélène Ferbos indique cependant qu'en tant que conservatrice et directrice du Musée de la Création Franche à Bègles (réouverture prévue en 2025), elle reste favorable à la sauvegarde de parties et d'éléments extraits de divers environnements. Par exemple, le Musée a très récemment acquis  le vélo couvert d'une toile d'araignée de colifichets d'André Pailloux que j'avais révélé et éclairé dans Eloge des Jardins anarchiques en 2011. L'affaire fut réalisée grâce à la médiation d'un autre admirateur de ce vélo, Philippe Lespinasse. Je suis très favorable à ce genre d'extraction, quand il n'y a pas d'autres possibilités de sauvegarder l'intégralité d'un site sur place. Bien sûr, les pièces extraites se doivent d'être alors accompagnées de contextualisations photographiques ou filmées, voire de témoignages écrits ou enregistrés dus aux auteurs et à leurs médiateurs, etc.

 

4e volet du Vidéoguide Nouvelle Aquitaine consacré aux Inspirés du bord des routes et diffusé sur YouTube.

 

     Dans  le film que j'avais co-écrit avec son réalisateur, Bricoleurs de paradis, dans la séquence consacrée à André Pailloux et son vélo, je lâche un peu vite le mot de "patrimonialisation" appliqué à ces créations environnementales éphémères. Il me parut dès l'achèvement du film un peu trop sacralisant, et si j'avais pu assister au montage, ou du moins, voir une première épreuve du montage final, j'aurais plaidé pour qu'on l'enlève. Car utilisé comme cela, isolé, il donne l'impression que je défends cette intégration au patrimoine de façon généralisée pour tous les sites (il y a en effet un effet pervers de la patrimonialisation à tout va ; je me souviens d'un village du Queyras, Saint-Véran, où l'on exhibait deux paysans en train de manger leur soupe au fond d'une masure "à la manière d"autrefois"...). En l'occurrence, j'essayais avant tout de convaincre André Pailloux de songer un jour à léguer son vélo à une musée d'art populaire contemporain.

     Il a fini par se laisser convaincre, plusieurs visiteurs ayant sans doute poussé à la roue (c'est le cas de le dire) entretemps dans ce sens. Et tant mieux, après tout, Mais bonjour le travail des restaurateurs futurs dudit vélo... Tant ses matériaux, du plastique entre autres, pourront se révéler difficiles à maintenir en bon état... Sans compter le changement de statut de cette œuvre, issue de la vie quotidienne au départ, comme le pointe Hélène dans son interview, qui interviendra dans son élection au rang d'œuvre d'art, trônant peut-être sur un futur piédestal mobile, à l'entrée des collections de la Création Franche?

 

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Jardin et ses vire-vent d'André Pailloux à Brem-sur-Mer (Vendée) : le portail défendait l'allée hérissée d'une haie de vire-vent, menant au garage où se cachait le vélo extraordinaire de Pailloux ; photo Bruno Montpied, 2008.

 

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André Pailloux ayant sorti son vélo, devant le portail de son jardin ; ph. B.M., 2010 (durant le tournage de Bricoleurs de paradis)

 

     Le 5e volet du Vidéoguide de Nouvelle-Aquitaine concerne exclusivement le jardin de Gabriel Albert, cas unique d'environnement constitué de statues multiples conservé et restauré grâce aux efforts de la Région à laquelle il appartient désormais, après le legs primitif de l'auteur à sa commune de Nantillé (Charente). On y suit Yann Ourry décrivant d'un ton le plus neutre et avec un aspect le plus inexpressif possibles (par volonté sans doute de s'effacer au maximum derrière le créateur qui est pour Yann le vrai héros du film) le pourquoi et le comment du site qui recelait au départ 420 statues, dont certaines ont disparu à la suite de vols (ce qui n'est pas dit dans le film). Ce 5e volet contient à la fin un tout petit fragment de mon film Super 8 montrant le jardin dans l'état où il se trouvait en 1988, date de ma visite en compagnie de Christine et Jean-Louis Cerisier, ce qui nous avait permis de parler un peu avec Gabriel Albert, qui devait décéder douze ans plus tard.

14/07/2023

Les aventures de Napoléon dans le Tour de France

         Je dois confesser mon amour des retransmissions du Tour de France cycliste, n'en déplaise aux mauvais esprits qui ne voient que le cirque médiatico-commercial qui l'accompagne, il est vrai de manière passablement parasite. La popularité du Tour, qui existe depuis plus de cent ans, est cause de cette exploitation éhontée par les marchands de saucisson et autres journalistes de télévision vendant les temps de cervelle des fans de vélo aux publicitaires en tous genres (cf. les flashs de pub ne cessant d'émailler les retransmissions). Tous les chimistes (on ne parle plus de dopage, mais qu'en est-il au juste? Il es toujours là, plus puissant que les contrôles anti-dopage ; il est instructif de suivre le site web d'Antoine Vayer: cyclisme-dopage.com) et journalistes s'en mêlent, et notamment les cultureux de service de France Télévision, les Franck Ferrand et autres Florent Dabadie qui profitent eux aussi de la fascination pour les forçats de la route (pas trop mal payés, cela dit, lesdits forçats ; c'est pas les salaires mirobolants des footballeurs, mais c'est tout de même conséquent, voir les montants sur le site Top Vélo) pour nous bassiner avec leurs églises et leurs châteaux de grands aristos et autres capitaines d'industrie dont visiblement ils adorent lécher les derrières, quand ce n'est pas l'occasion de nous tartiner les oreilles et les yeux avec leurs clichés relevant d'un insolite de pacotille, et des spécialités régionales incontournables (encore le saucisson).

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Caricature d'Espé, site cyclisme-dopage.com

 

      Il y a les "à côté du Tour", comme ils disent, et quand on parle de culture, il n'y en a que pour les superstitions et les architectures religieuses, l'art ne pouvant sans doute être que d'essence divine. Ferrand, causant avec sa cuillère d'argent dans la bouche, son style "Marie-Chantal" en extase perpétuelle devant les absidioles et autres arcs-boutants, donne une idée de la culture qui est ultra ringarde et scandaleusement unilatérale. Les "à côté du Tour" ne sont jamais pour l'art populaire, les créations véritablement singulières et inventives que le parcours du Tour pourtant relie bien souvent les unes aux autres. A tel point que je me prends à rêver devant mon poste de TV à d'autres chroniqueurs qui nous rafraîchiraient en nous présentant à chaque étape l'auteur d'art brut ou naïf situé dans un des endroits fréquentés par les coureurs durant l'étape.

 

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Le Palais Idéal du Facteur Cheval,à Hauterives (Drôme), carte postale moderne (années 1980).

 

      Cela viendra peut-être un jour, par le retour d'un nouveau Pierre Bonte (qui l'autre jour fut cité du reste parce que le Tour passait par chez lui), qui régala les auditeurs pendant longtemps de ses émissions sur la France dite "profonde", intitulées "Bonjour Monsieur le Maire", qui sait? Il y a deux ou trois ans, on vit ainsi le Palais Idéal du Facteur Cheval surgir vu d'une caméra embarquée sur un drone (Ô, cet œil dronesque qui court au-dessus de la France et de ses magnifiques paysages – là encore, on retrouve une exploitation, à des fins touristiques cette fois –, personnellement, c'est ce qui me retient le plus durant ces retransmissions, surtout lorsque la compétition se révèle morne). Et l'année dernière, je crois, ce fut au tour du LaM de Villeneuve-d'Ascq d'apparaître à l'écran un bref instant, le Ferrand prout-prout s'écorchant la bouche à prononcer le mot d'"art brut" que visiblement il rencontrait pour la première fois. Cette année, à Brantôme, on vit, l'espace d'un bref instant, le splendide bas-relief du Triomphe de la Mort – œuvre insolite et naïve d'un moine semble-t-il – au fond de la grotte qui se situe en marge de l'abbaye, abbaye qui fut bien entendu la seule à bénéficier de l'extase du Ferrand entré quasi en lévitation à ce moment-là. Tout à côté de cette grotte, en outre, se niche également un musée consacré au dessinateur médiumnique Fernand Desmoulin. Le Ferrand rance ignore bien entendu de telles références qui le dépassent.

 

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Napoléon Ier par Jean Molette fils, "sabottier" (1819-1889), au Col des Echarmeaux, photo Bruno Montpied, 1995.

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Pierre Martelanche, un exemple de ses sculptures naïves sauvées de la destruction: "L'exploitation par l'Eglise et les patrons", Musée Déchelette à Roanne.

 

      Chaque fois, que le peloton passe dans telle ou telle ville, j'arrive à citer de mémoire dans mes conversations par sms avec un bon camarade d'exploration des lieux bruts les sites qu'on peut y trouver. Et hier, dans la 13e étape, un autre ami m'avait prévenu: le Tour, parti de Roanne (où l'on aurait pu citer les curieuses sculptures en terre cuite de Pierre Martelanche, récemment entrées dans le Musée Joseph Déchelette de la ville), passait, dans les Monts du Lyonnais, au Col des Echarmeaux, situé sur la commune joliment nommé Poule (-les Echarmeaux), fermant les confins de la vallée de l'Azergues.

 

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Installation "artistique" à base de vélos entassés, dans une composition qui fait penser aux "mâts des élus" ; à gauche dans le fond on voit le Napoléon et sa "jaunisse" ; Col des Echarmeaux, photo Jean Branciard, juillet 2023.

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Le Napoléon sous camisole jaune ; ph. J. Branciard, juillet 2023.

 

     Et voilà-t-y pas que le maire (ça doit être lui, le "coupable") avait eu la brillante idée de vêtir le Napoléon Ier, qui trône sur la place centrale du village, dû au sculpteur-sabotier Jean Molette (cf. mon Gazouillis des éléphants où j'ai parlé tant et plus de lui et de ses sculptures sur pierre ou sur bois, ainsi que sur ce blog du reste), d'un... maillot jaune! Cela lui allait aussi bien qu'une camisole. A laquelle cette vêture ressemblait passablement du reste, puisqu'on n'avait pu la lui faire enfiler par les bras, ceux-ci étant solidaires du tronc. Derrière ce travestissement, se lit aussi la désinvolture qui marque les animateurs de l'endroit. Il y a quelques années, existait encore une maison de Jean Molette, où devaient être conservés diverses œuvres et documents relatifs à cet artiste populaire autodidacte, sabotier bonapartiste naïf. Une dispersion eut lieu à une date non précisée, puisqu'il m'advint de découvrir – et d'acquérir –, à Paris, dans une foire à la brocante, un magnifique panneau sculpté en relief qui provenait probablement de cette maison et de ce village (je l'ai reproduit dans diverses publications, notamment dans mon Gazouillis des éléphants) tout à la gloire de l'empereur Napoléon III, écrasant de sa gloire (de looser de la guerre de 1870 sans doute), tous les rois de France, présents sous forme de médaillons, autour de lui en train de caracoler. Molette sculptait la pierre (il existe d'autres statues de lui sur place, notamment une Madone géante et aussi un Napoléon III, cette fois en pierre, voir ci-dessous) et le bois aussi, sans doute en premier ce dernier, logiquement puisque son métier de sabotier le lui avait rendu familier. 

 

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Jean Molette, Napoléon III, carte postale XXe siècle (merci à Julien Gonzalez (et non pas Rodriguez) qui me l'a signalée), coll. B.M.

 

Le Tour aux Echarmeaux, 13e étape, 13 juillet 23.jpg

Exploit: la capture d'écran du moment où la télévision française a montré – Ô combien subrepticement! – les coureurs échappés passant devant le carrefour au Napoléon naïf et enjaunifié (voir en arrière-plan la statue à côté des panneaux de signalisation)... ; bien entendu, il n'en fut nulle part question dans les commentaires cultureux du jour... : ph. B.M., 2023.

06/04/2023

François Michaud (Creuse) et Antoine Paucard (Corrèze), deuxième film du Vidéoguide de l'Inventaire du Patrimoine de Nouvelle-Aquitaine

        Voici que la réalisatrice de la série sur les inspirés du bord de routes produite dans le cadre du Vidéoguide du Patrimoine de Nouvelle Aquitaine, Juliette Chalard-Deschamps, me fait suivre le second volet de cette série (le premier, on s'en souvient, a été mis en lien sur ce blog le 13 mars dernier), cette fois consacré à l'évocation des sculptures de François Michaud à Masgot dans la Creuse, site qui m'est cher, d'autant que je fus des premiers à le défendre et le faire connaître (dans Plein Chant d'abord dans les années 1990, dans un texte intitulé Le Ciment des rêves, puis dans le livre qui lui fut consacré par les éditions Lucien Souny dans ces mêmes années ; le texte que je lui consacrai dans ce dernier ouvrage fut repris ensuite, en 2011, dans mon livre Eloge des Jardins Anarchiques), mais aussi aux sculptures d'Antoine Paucard, présentées dans un abri vitré derrière la mairie de son village de Saint-Salvadour en Corrèze. Les deux hommes étaient tous deux maçons, tailleurs de pierre, ayant vécu chacun dans un siècle différent.

     François Michaud (1810-1890) est présenté dans ce film par le maire de Fransèches, la commune de rattachement de Masgot (qui est un hameau de fort belle allure, aux maisons de pierres probablement taillées par Michaud lui-même, dont les deux qui lui appartinrent et qu'il décora de statues à diverses périodes de sa vie), Daniel Delprato. Antoine Paucard (1886-1980), pour sa part, est également présenté par un maire, celui du village de Saint-Salvadour, Pierre-Marie Capy. Les deux sites bénéficient de vues aériennes prises par le drone piloté par l'excellent caméraman de la série, Arnaud Deplagne. Cette façon de tourner me fait rêver d'un inventaire des environnements de France qui se déroulerait ainsi, vu du ciel, allant d'un point à l'autre de l'Hexagone, comme pendant les retransmissions des étapes des courses cyclistes, telles celles du Tour de France par exemple!

      Dans son commentaire sur les œuvres d'Antoine Paucard, Pierre-Marie Capy donne des éléments d'information nouveaux par rapport à Paucard, en particulier lorsqu'il évoque le gisant que le sculpteur alla tailler dans les bois pour évoquer la tuerie de résistants dans le lieudit de La Servantie par les Allemands pendant la Seconde Guerre. Il nous apprend également que Paucard a laissé des photos derrière lui, montrant l'intérieur du petit musée où il avait disposé de son vivant ses statues aux bustes bardés d'inscriptions (Paucard a laissé 123 carnets remplis de poèmes, et un livre de souvenirs de voyages en URSS en 1933 ; il se voulait donc écrivain aussi bien que sculpteur). Ce musée, nous dit M. Capy, présentait une certaine muséographie, les statues étant orientées les unes par rapport aux autres, et, donc, le maire avance l'idée qu'il faudra en tirer une leçon pour la valorisation future de cet ensemble dans un autre musée.

 

 

       Concernant les sculptures de François Michaud, que je n'avais pas revues depuis quelque temps, il me semble, à voir ce film, qu'elles ont dû être soigneusement nettoyées de leurs mousses et lichens qui souvent après chaque hiver avaient tendance à perturber passablement leur appréhension par les visiteurs du hameau. Mais il m'a semblé qu'elles présentent désormais un aspect quelque peu usé, presque raboté, les détails d'expression ayant tendance à avoir été gommés... J'espère qu'il n'y a pas eu trop de zèle à vouloir les remettre comme à l'état neuf...

         J'ajoute que je n'ai été pour rien dans le commentaire de ce second film.

13/03/2023

Les inspirés du bord des routes, premier film du Vidéoguide de l'Inventaire du Patrimoine de Nouvelle-Aquitaine

     Suivez le Vidéoguide de l'Inventaire du Patrimoine en Nouvelle-Aquitaine... Qui vous emmène sur les traces des environnements populaires spontanés de cette immense région sous la forme de courts-métrages disponibles en libre service sur YouTube. Le premier de cette série vient d'être mis en ligne (voir ci-dessous). Cette dernière en comprendra quatre autres : un sur la question de la conservation et de la patrimonialisation, un sur le cas d'André Degorças en Charente, sur lequel je prépare en outre un article à paraître dans le prochain Création Franche, un troisième sur les cas d'Antoine Paucard et François Michaud, bien connus des lecteurs fidèles de ce blog puisque j'en parle, surtout du dernier, depuis 1991, et dans mon inventaire du Gazouillis des éléphants, bien entendu, enfin un quatrième sur le jardin de Gabriel Albert à Nantillé (Charente). Tous ces films courts sont, et seront,  réalisés par Juliette Chalard-Deschamps avec l'aide rédactionnelle de Yann Ourry (connu pour sa défense du jardin de Gabriel Albert ). Dans le premier, on voit Stéphanie Birembaut, la directrice et conservatrice du Musée Cécile Sabourdy à Vicq-sur-Breuilh (Haute-Vienne), interviewée dans le jardin de son musée, en compagnie de votre serviteur, l'animateur de ce blog, tous deux s'évertuant à donner une première présentation du sujet à destination d'un public "non averti" :

 

 

 

25/02/2023

Après le Gazouillis des éléphants (8): Histoire d'un militaire que l'on prenait pour un gendarme

        Dans mon livre (épuisé, en attente de réédition), Le Gazouillis des éléphants (2017), entre autres sites en plein air évoqués, dus à divers autodidactes populaires, à la région Bourgogne, j'ai indiqué deux sites, tous deux relevant de la commune de Rogny-les-Sept-Écluses, dans l'Yonne. Dans l'un, en particulier, j'ai signalé une grosse statue, à l'effigie de ce qui m'apparut sur le moment comme un officier, du fait de son grand couvre-chef, semblable à un shako, qui se tenait – et se tient encore, car elle a été restaurée depuis mon passage en 2014 – sur un mur de clôture en bordure d'un jardin et d'une maison, paraissant surveiller le monde alentour, de manière débonnaire, pourrait-on dire, à l'entrée du village de Rogny, en direction de Chatillon-Coligny. 

 

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Deux photos de "l'officier de Rogny"; ph. Bruno Montpied, 2014.

officier de Rogny 2014 (2).jpg

 

 

       J'en ai appris tout récemment un peu plus sur cette curieuse effigie d'allure truculente (elle ressemble bizarrement à un portrait de Groucho Marx, mais bien sûr de façon toute fortuite). Dans la région, M. Jean-Marie Vernhes, qui prépare une publication érudite sur Rogny, m'a alerté sur une association TMOP (Tradition, Métiers, et Outils en Puisaye), sensible au patrimoine de la localité. Cette dernière a fait des recherches en effet, qu'elle a synthétisées dans un document interne que sa responsable de communication, Mme Claire Targa, m'a aimablement fait suivre. En particulier, on a retrouvé le nom de l'auteur de cette insolite statue (d'à peu près 1,50 m, rien que pour son buste et sa tête coiffée du haut képi qui me fait penser à un shako). En la restaurant récemment, Mme Lise Paquis et un collègue à elle ont mis au jour, en enlevant la saleté et les mousses, une signature : "L. Chauvat", et une date apposée à côté sur l'épaule de l'effigie: "1938". Cette restauration a été commanditée par l'actuelle propriétaire de la propriété où se trouve la statue, l'arrière-petite-nièce d'un certain Paul Guyot, anciennement marchand de peaux de lapins, puis brocanteur, puis menuisier, quand il restaurait des meubles qu'il allait vendre à Paris. C'est lui qui, après avoir acheté la maison en 1946, rapporta un jour la statue qu'il aurait trouvée en salle des ventes à Paris. Légende? Peut-être... La pièce est assez conséquente, et probablement pesante. La trimballa-t-il de la capitale à l'Yonne si facilement que cela? Dans les souvenirs de certains anciens, on pense que la statue fut installée à son emplacement actuel au début des années 1960. 

      Une hypothèse a couru sur place : la statue représenterait le général Faidherbe (1818-1889), connu dans les conquêtes coloniales en Algérie et surtout au Sénégal (de ce fait, il est aujourd'hui une figure controversée). officier ou gendarme, officier de Rogny-les-sept-écluses, association TMOP, L. Chauvat, grocho marx, le gazouillis des éléphants, général faidherbe, shako, képiOn se référera pour en savoir plus sur ce personnage à la fiche Wikipédia qui me paraît assez objectivement rédigée. Si les portraits de Faidherbe nous montrent un visage chaussé de lunettes et pourvu d'une belle moustache, comme sur la statue de l'officier de Rogny, son képi en revanche n'a pas la même taille imposante. Mais ce dernier a pu être une exagération de la part d'un sculpteur prenant visiblement beaucoup de libertés avec la figuration, certains diraient même, exerçant son art de dilettante avec une franche maladresse ? D'autre part, la date de mort de Faidherbe, 1889, reste très éloignée de celle de la confection de cette statue, 1938. Pourquoi ce monsieur L. Chauvat se serait senti dans l'obligation de commémorer ce général (à moins qu'il n'ait été un fieffé colonialiste fasciné par les militaires responsables de la conquête des pays d'Afrique de l'ouest)?

      L'enquête se poursuit donc.

Petit supplément photographique (du 28 février) à destination de Régis Gayraud, (cliché de BM, de 2014): 

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11/01/2023

Après "le Gazouillis des éléphants" (7): Destinée d'un vélo brut

        Formidable nouvelle que vient de m'apprendre l'ami Philippe Lespinasse,  à savoir l'envol du vélo métamorphosé d'André Pailloux – celui-là même dont j'ai parlé en différentes publications, ici même, mais surtout dans mes deux livres sur les environnements populaires spontanés, Eloge des Jardins Anarchiques (2011) et Le Gazouillis des éléphants (2017), ce qui permit de le faire grandement connaître des amateurs d'art populaire insolite, voire d'art brut – pour d'autres cieux que ceux de la Vendée, où il végétait, enkysté dans le garage de son créateur. Il a atterri en effet au Musée de la Création Franche, suite à une intermission de Philippe Lespinasse, et à l'hospitalité de la nouvelle directrice des lieux, Hélène Ferbos, qui, je dois dire, a eu le nez creux en validant cette transaction (car ce fut un achat, et non pas une donation).

andré pailloux

Le vélo d'André Pailloux, tel qu'il figure en double page dans Bruno Montpied, Eloge des jardins anarchiques (livre épuisé édité en 2011 par les éditions de l'Insomniaque) ; ph. B.M., 2010.

andré pailloux

André Pailloux avec son vélo sorti pour les besoins du tournage de Bricoleurs de paradis, ph. B.M., 2010.

 

     Ce vélo extraordinaire, dont j'avais dit à André Pailloux qu'il ferait très bien dans un musée consacré aux créations brutes ou naïves, populaires, où il serait protégé des aléas des successions, prêchera désormais d'exemple auprès des visiteurs grands et petits qui le visiteront (dès que le Musée de la Création Franche rouvrira ses portes, après les travaux d'agrandissement actuels). Génial, donc, que la translation se soit opérée, et du vivant d'André, avec son plein accord. Me voici devenu un prophète, du coup... (je fais allusion au passage sur Pailloux, son vélo et son site hérissé de vire-vent stroboscopiques multicolores, dans le film Bricoleurs de paradis, disponible gratuitement en intégralité sur YouTube, où je parle de "patrimonialisation", certes, un grand mot, un peu trop ronflant, à André qui me répond que je voudrais voir des gens admirer son vélo dans un musée en tournant autour ; il dit cela en arborant un haut de survêtement décoré d'une spirale...!).

     Il n'est pas indifférent – même si André Pailloux, que j'ai appelé au téléphone, s'en défend – de remarquer que ce dernier va fêter cette année 2023 son 80e anniversaire... Pour marquer le coup, il fallait bien celui-ci de coup... véritablement fumant, qui va nimber les collections de la Création Franche d'une aura brute encore plus assumée.

30/11/2022

Evocation et hommage à Jean-Marie Massou à la Halle Saint-Pierre le 4 décembre

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      Un livre sort sur Jean-Marie Massou (1950-2020), homme des bois, creuseur de galeries souterraines, chanteur de mélopées au fond de ses souterrains, prophète accessoirement (mais qui ne l'était pas dans les années 1970, 1980?) de la fin du monde et de l'urgence de ne plus faire d'enfants, interpelleur des media sur cette question (et particulièrment Mireille Mathieu, du moins à l'époque où je l'ai rencontré en 1987 ; on me dit que par la suite, il pensa plutôt à Brigitte Bardot et ses bébés phoques comme porte-paroles...), archéologue sauvage (ses trous, c'était parce qu'il était persuadé qu'il trouverait un nouveau Lascaux sous son bois), graveur de pictogrammes sur pierres parce qu'il ne trouvait pas de Lascaux justement, et qu'il avait entendu parler des signes gravés sur les rochers de la Vallée des Merveilles dans les Alpes du Sud... Et depuis quelque temps, depuis que des nouveaux amateurs du personnage se sont intéressés à lui, l'ont aidé, l'ont enregistré, ont reccueilli ses expérimentations graphiques diverses, Massou et devenu aussi un "artiste", selon cette terminologie que personnellement je continue à trouver confusionnelle (s'il était "artiste", tout le monde le serait, et à la fin des fins, le mot n'aurait plus le sens qu'il a aujourd'hui et deviendrait synonyme d'homme ; artiste, ce n'est pas qu'une pratique expressive, c'est aussi une raison sociale, une profession considérée comme un peu à part, de l'ordre d'une caste élitiste, ou maudite, selon les points de  vue, dans tous les cas, à part...).

 

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Des productions (collage, photos, pierre gravée, dessins) de Jen-Marie Massou exposées au cours d'une manifestation temporaire au LaM de Villeneuve-d'Ascq, ph. Bruno Montpied, 2018.

 

     Or, je trouve que les œuvres qui nous sont présentées, en particulier dans le livre de la Belle Brute and co, des gravures, des croquis sur ses enveloppes de cassettes audio, des dessins assez sommaires, des collages sans grande originalité, ses chants eux-mêmes (peut-être le meilleur de sa production), ressemblant à des cantiques détournés, ces artefacts déplacent le sens à tirer de l'existence de Massou. Ce ne sont pas ces pauvres schémas aux limites de l'informe qui font l'intérêt de ce personnage, c'est plutôt la conduite de sa vie, l'amour de sa mère, au point d'être allé chercher son cadavre au cimetière après sa mort, parce qu'il ne pouvait accepter sa chute dans le néant, c'est sa croyance aux extra-terrestres chargés après l'apocalypse qui ne pouvait manquer d'arriver selon lui (avait-il tort sur ce point?) de créer un monde radieux pour les survivants, son amour pour les minéraux, ses fouilles à la poursuite d'un rêve de civilisation préhistorique inconnue...

 

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Jean-Marie Massou et Gaston Mouly, filmés par Bruno Montpied, lors de notre rencontre à trois en 1987 ;  on aperçoit la poulie et la corde qui permettaient à Massou de remonter divers objets ou masses du fonds du puits qu'il avait creusé à mains nues, situé à côté de lui, caché par l'angle de prise de vue ; photogramme extrait de Jean-Marie Massou, un archéolo,gue sauvage, film Super 8 inclus dans B. Montpied,  Les Jardins de l'art immédiat, ensemble de seize petits films  tournés entre 1982 et 1992, disponibles à la bibliothèque Dominique Bozo du LaM à Villeneuve-d'Ascq, ou dans la Documentation de la Collection de l'Art Brut à Lausanne.

 

      Le livre sur Massou est édité par Knock outsider, la Belle Brute, et Art et Marges, et cela accompagne une expo toujours sur Massou dans ce même centre Art et Marges, à Bruxelles (elle se tient du 23 novembre 2022 jusqu'au 19 mars 2023).

          Bon, à Paris, à l'auditorium de la Halle Saint-Pierre, il y a de plus un petit événement pour marquer cette expo et ce livre, avec une conférence de la directrice d'un atelier pour handicapés mentaux (la S grand atelier), Anne-Françoise Rouche, qui aime plaider pour une mixité (encore la confusion...) ou un "décloisonnement" entre l'art brut et l'art contemporain (si l'art brut fut jamais enfermé dans des cloisons, ce fut lorsque Dubuffet tenta de le révéler et qu'on le regarda faire du bout des lèvres, en s'en moquant ; c'est l'establishment qui érigea des cloisons, pas ceux qui défendirent l'art brut avec les pauvres moyens dont il disposait - j'en fais toujours partie). Ce "décloisonnement" colle bien avec les menées des marchands et des galeristes, désireux d'élargir leurs clientèles...

 

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       Ce dimanche 4 décembre, il y aura de surcroît, dit le programme, et c'est le plus intéressant, la projection du très bon documentaire d'Antoine Boutet, le Plein Pays (2015). Voir l'annonce plus haut dans cette note. C'est à partir de 15h30 jusqu'à 17h.

26/11/2022

Dédales, une collection singulière en Limousin au musée Cécile Sabourdy

      Nouvelle exposition au Musée-jardins Cécile Sabourdy à Vicq-sur-Breuilh, au sud de Limoges, la collection de Thierry Coudert, dont un choix est présenté au public à partir du 1er décembre, provient plus précisément de la Corrèze. Brocanteur fureteur, dénicheur de pièces d'art singulier ou populaire, voire brut (Ô le beau dessin en provenance, paraît-il, d'un HP de la région de Metz qui est exposé à Vicq...), souvent énigmatiques, puisque le découvreur n'a pu en recueillir les traces d'origine la plupart du temps, Thierry Coudert a décidé d'offrir aux yeux des curieux l'occasion de développer leur perplexité quant à ces dizaines d'objets orphelins (en apparence).

 

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Anonyme, dessin au crayon, peut-être créé par le pensionnaire d'un hôpital psychiatrique de la  région de Metz, semble-t-il, vers 1940 (on aperçoit parmi d'autres inscriptions une croix gammée), coll. Thierry Coudert, ph. Bruno Montpied, 2018.

 

      Têtes gauloises, souvent d'origine incertaine – qui sont là, avant tout parce que leur style a frappé l'œil de Coudert par leur esthétique immédiate, en amont de toute attribution certifiée –, diable en laiton, plombs de Seine du XVIe siècle (vantés par les surréalistes en leur temps), mascaron perdu de chapiteau d'église, bois sculptés divers, objets dont la conception paraît voisine avec celle d'un Chaissac ou d'un Noël Fillaudeau, peintures de singuliers provinciaux, œuvres retrouvées d'artistes connus comme Roland Roure, silex rehaussé de pigments, faisant beaucoup penser aux silex interprétés du sieur Juva à la Collection de l'Art Brut à Lausanne, mais aussi parfois, tout de même, quelques œuvres d'autodidactes exhumés connus: Emile Taugourdeau, Jean Rosset, ou moins connus: Raymond Picard, quelques chefs-d'oeuvre d'art populaire comme cette "tête de déesse de la vigne" ciselé dans une pièce de bois (voir ci-dessous) ou ces deux petits bonshommes (deux soldats coiffés avec des pots de yaourt détournés) d'allure fragile aux mines dépitées (je trouve), tout cela déboule dans le Musée Cécile Sabourdy, comme réchappés d'un anéantissement mystérieux de leurs corpus d'origine. On dirait les enfants perdus d'auteurs anonymes, censurés, ou simplement relégués, revenant sans leur pedigree et leurs papiers d'identité, par le reflux des marées brocanteuses sur trottoirs et bitumes accueillant à la misère de leurs origines sous X.

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Anonyme, "Déesse de la vigne", selon les mots de Thierry Coudert, bois sculpté, 39x35x18cm, coll. Thierry Coudert, ph. B.M., 2018.

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Anonyme, deux soldats (?) et un chien, bois et pot de yaourt peint, 36,5,17x5 cm, sd, coll. Thierry Coudert, ph. B.M., 2018.

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Anonyme, silex peint et interprété en visage, coll. Thierry Coudert, ph. B.M., 2018 ; ce silex peint s'apparente aux silex métamorphosés par Juva, conservés dans les collections d'art brut, mais il est orienté nettement de façon à figurer un visage, ce qui est peu fréquent, me semble-t-il, dans les pierres de Juva ; cela n'en fait pas moins un très joli travail d'interprétation d'une forme naturelle

 

"Dédales, une collection singulière en Limousin", Musée-Jardins Cécile Sabourdy, Vic-sur-Breuilh, du 1er décembre 2022 jusqu'au 30 juin 2023. A signaler une vingtaine d'oeuvres prêtées pour cette exposition par le Musée de la Création Franche de Bègles, actuellement en travaux.

02/11/2022

Quatre personnages de pierre volcanique (enfin... trois seulement)

      Ça y est, se dit le lecteur de ce blog, le sciapode commence à voir des Barbus Müller/Rabany partout? Non, non, rassurez-vous, les quatre personnages ci-dessous, dont un correspondant clermontois (tiens, tiens, en Auvergne, là aussi, comme Antoine Rabany, autrefois (au début du XXe siècle) à Chambon sur Lac), m'a envoyé récemment la photo, n'ont absolument rien à voir avec les fameux Barbus rabanesques. Qu'on s'en avise plutôt:

 

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Quatre sculptures trouvées à Clermont-Ferrand par un antiquaire ; la plus claire ne paraît pas de la même roche que les autres, à l'évidence.

 

      Comment résister aux interprétations qui  se pressent en l'imagination, suscitées par nos mémoires saturées de références, devant de telles œuvres anonymes (aucune marque, sur ou sous ces pierres, à ce qu'il paraît)? On est bien souvent tenté de les croire venues d'un autre âge, l'âge de pierre, l'âge de l'archaïsme, peut-être même de régions de la Terre bien loin de nos contrées, et pourquoi pas l'Extrême-Orient? Ils tirent en tout cas vers un certain réalisme, ils ont des corps quasi complets, des vêtements (jusqu'à des cravates?), des attributs pileux marqués, un air de venir, au final, non loin de chez nous tout de même, et d'époques pas si lointaines.

    Car les collectionneurs n'admettent pas toujours qu'ils puissent avoir affaire à un autodidacte qui habite près de chez eux, un Primitif que nous préférons ignorer, passer sous silence, parce que ce qualificatif se doit de rester applicable à un être exotique, ravalé à un être primaire, pas aussi développé intellectuellement et culturellement parlant que l'individu occidental. Et pourtant, des oeuvres stylisées de ce genre, avec l'art brut et l'art populaire, nous savons qu'il en existe, qu'il en a existé en nombre, les sculptures d'Antoine Rabany, de François Michaud dans la Creuse – de Joseph Barbiero (1901-1992) lui-même qui vivait il n'y a pas si longtemps, durant le dernier siècle, en banlieue de Clermont, et que l'on a classé dans l'art brut – étant là pour nous en fournir des exemples.

 

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Sculptures de Joseph Barbiero prises dans l'escalier de sa maison à Beaumont (Puy-de-Dôme), ph. Bruno Montpied, 1990 ; le style était plus détaché de la perception rétinienne, on dérivait avec lui vers une figuration de plus en plus réinventée, donc bien éloignée de celle à l'œuvre chez l'auteur des quatre personnages en photo au début de cette note.

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François Michaud, mascaron au-dessus d'une fenêtre de sa 1ère maison à Masgot (Creuse), ph. B.M., 2013.

 

     Cela posé, je n'empêche personne de nous adresser des remarques si les quatre sculptures de la première image mise en ligne ci-dessus éveillent quelque écho pouvant faire progresser la connaissance de ces personnages. L'antiquaire qui les possède et moi-même en serions ravis.

18/10/2022

Après le Gazouillis (6): Louis (et non pas "Pierre") Hodcent, par Darnish

       De passage cet été dans le Perche avec Vanessa, on a fait un petit tour du côté de Beaumont-les-Autels pour jeter un œil au site décoré par Louis Hodcent¹. Sans connaître l’adresse exacte, en traversant ce joli village, c’est finalement sans difficulté qu’on est tombé dessus, puisqu’un ensemble de deux sculptures se montre bien visible depuis la route.

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Jardin de feu Louis Hodcent, vu de la route, ph. Darnish, 14 juillet 2022.

 

    Sur place, une femme était en train d’arroser le jardin, alors que le soleil déclinait en cette fin d’après-midi de juillet. Très accueillante, elle nous a spontanément invités à pénétrer dans le jardin, afin de pouvoir regarder l’ensemble de plus près. C’était la petite-fille de Louis Hodcent, rejointe sans tarder par sa mère, la fille de Louis Hodcent, donc. Dans le jardin, ne subsiste aujourd’hui qu’un groupe de trois personnages, tournés vers la rue, qu’on aperçoit depuis le trottoir, et une femme en robe rouge située au fond du jardin devant un cabanon. Les sculptures, en ciment, sont grandeur nature et repeintes de temps en temps, si bien qu’elles ne paraissent pas si anciennes.

 

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Louis Hodcent, statues entretenues et repeintes (avec sensibilité, je trouve, car pas trop "ripolinées" comme ailleurs), ph. Darnish, 14 juillet 2022.

 

      Autour d’un verre aimablement offert et partagé, nous avons appris que Louis Hodcent est né en 1906, « l’année où Blériot a traversé la Manche », comme il aimait à le rappeler, et mort en 1986. 

    C’était un paysan. On voit son ancienne ferme, aujourd’hui reconvertie en habitation, depuis l’actuel jardin et la maison qu’il a intégrée avec sa famille, à sa retraite. Il y faisait un peu d’élevage, y vendait de la crème, des œufs, du lait... Une vie modeste en somme. D’après sa fille, il aurait fait les deux guerres, le Chemin des Dames, très jeune, et la ligne Maginot ensuite, et, comme c’est souvent le cas, il était avare de commentaires sur ces deux expériences.

    C’est à la retraite, vers 1974/1975, qu’il s’est mis à investir le jardin. Sur quelques photographies argentiques d’époque, que sa fille nous a gentiment montrées, on constate que le jardin était beaucoup plus travaillé, louchant nettement plus du côté de l'"environnement".

 

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Louis Hodcent, son jardin dans les années 1970, archives familiales.

 

   Une profusion de fleurs, mais aussi de petits champignons en ciment multicolores, bordant les allées, donnaient même à l’ensemble un côté psychédélique ! Les petits champignons, se brisant avec le temps, trop difficiles à entretenir, ont aujourd’hui disparu. Le jardin est toujours fleuri, toujours très joli mais plus simple. Les sculptures par contre sont toujours bien présentes et, comme je l’ai déjà dit, entretenues avec soin.

    Elles se composent d’un ensemble de trois personnages de facture naïve : deux paysans attablés tranquillement dans le jardin portant, l’un une casquette et l’autre un chapeau, « comme dans le temps », nous a précisé sa fille, semblent faire une pause, en partageant un verre de vin, du pain et du saucisson. Ils sont tournés vers la rue, comme pour regarder les gens qui passent, et les saluer éventuellement, me rappelant l’attitude qu’on peut avoir, profitant d’un repos bien mérité, à la terrasse d'un bistrot, certains soirs... Ils ont l’air heureux. A leurs côtés, se tient une femme debout, en tenue de paysanne elle aussi, un panier sous le bras. A l’époque, il y avait un canard dans le panier, mais il s’est cassé et a disparu. L’ensemble est fait en ciment, le pain et le saucisson compris. Seuls la bouteille de vin et le verre que les deux personnages tiennent dans leurs mains sont de vrais objets qui, quand ils cassent à cause du gel, sont remplacés. Un petit fil de fer dissimulé dans chaque main favorise leur stabilité.

    Plus au fond du jardin, se trouve un personnage bien différent mais de même facture, sorte de femme fatale aux airs d’Ava Gardner. Elle aussi en ciment, portant une robe rouge voyante, elle se tient debout. A l’époque elle tenait une ombrelle dans sa main, une véritable ombrelle, dont le manche venait se nicher dans un trou aujourd’hui vide. En la regardant de près, on constate que Louis Hodcent a apporté un soin tout particulier à sa poitrine dont le décolleté, vu du dessus est particulièrement plongeant ! De l’aveu de sa fille, Louis Hodcent aurait bien voulu peupler son jardin d’autres femmes de ce style, désirant même en façonner quelques-unes nues... mais ça n’était pas au goût de sa femme, et il s’est abstenu...

 

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Louis Hodcent, le décolleté invitant l'œil à une "plongée", détail de la photo ci-dessus de Darnish, 14 juillet 22.

 

     Voici donc les quelques informations supplémentaires glanées durant cet été caniculaire sur ce site répertorié dans le Gazouillis des Éléphants qui, d'ailleurs, nous a ici servi de guide.

   J’ajoute que la fille et la petite-fille de Louis Hodcent se sont montrées favorables à la rédaction de cette note.

 

       Darnish, septembre 2022.

____

¹ Dans mon Gazouillis, j'avais répercuté ce prénom de "Pierre", accolé à Hodcent, par erreur, abusé par la propre erreur de l'animateur d'un "site-web-qui-ne-voulait-pas-être-cité" où j'avais découvert ce petit environnement populaire. Je rends grâce à Darnish et Vanessa d'être allé vérifier ce qui restait sur place. On a ainsi rendu à César – ou à Louis, en l'occurrence – ce qui lui appartient. (Bruno Montpied)

19/09/2022

Une idée pour un autre Salon...

       Je ne suis qu'un écrivain et un artiste, et j'en ai marre de cette Outsider Art Fair qui nous revient depuis dix ans, avec son prix d'entrée pour élite friquée, et sa conception étriquée, parce que strictement mercantile, de la communication autour des arts spontanés et alternatifs.

    En fait, cette Foire disparaîtrait corps et biens, que je n'en souffrirai pas le moins du monde.

  Un Forum basé sur des principes différents, organisé et monté par des Français qui plus est, à un coût moins élevé, pas seulement axé sur le marché de l'art, mais où on inviterait, dans une conception infiniment plus large, des musées, des associations, des ateliers collectifs pour handicapés, des photographes, des architectes alternatifs, des libraires, etc. serait beaucoup plus intéressant à monter.

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Halle Saint-Pierre, 2e étage, exposition "Sous le Vent de l'Art Brut 2", 2014 ; à gauche des oeuvres à moi... ; photo Bruno Montpied.

 

   Quel local faudrait-il proposer pour un tel Forum? Eh bien, la Halle Saint-Pierre serait toute indiquée. Qu'elle soit installée au pied de Montmartre, aux lisières de quartiers populaires (la Goutte d'Or notamment), et de quartiers plus chics (la Butte Montmartre), me paraît tout à fait adapté aux substrats culturels des différentes formes d'expression que ce Forum réunirait et présenterait. Disposant d'un auditorium et d'un cafétaria permettant les échanges informels, elle autoriserait dans une seule unité de lieu toutes sortes d'animations, conférences, débats, présentations de films. Le forum pourrait durer une grosse semaine (dix jours), plutôt que les quatre malheureux jours de la Foire d'Art Ousider actuelle. Les prix de location pour les galeries et autres musées et associations concernés (qui tourneraient au fil des éditions) ne seraient pas trop élevés, ce qui éviterait que les prix des oeuvres en vente soient trop élevés, les participants craignant de ne pas rentrer dans leurs frais à la fin du Forum (ce qui est le cas actuellement pour les galeristes qui participent à l'OAF). Les musées, librairies, associations de défense des arts indigènes (entre autres), ateliers pour handicapés, collectionneurs, organisation pour l'auto-construction, etc., qui participeraient pour faire connaître  leurs passions et leurs activités, vendant au passage des catalogues d'expositions, procédant à des échanges divers et variés.

    On aurait davantage affaire en l'occurrence à une réunion ayant pour but la communication et l'échange autour de passions communes ou à découvrir qu'à une vulgaire foire de mercantis, qualification dans laquelle l'OAF est en train de se couler (à tous les sens du terme "couler")...

06/07/2022

Sur les pas de Jean Dubuffet en Auvergne... et les traces des Barbus Müller/Rabany

        Une nouvelle exposition au Musée d'Art Roger Quilliot (MARQ) de Clermont-Ferrand cet été, "Sur les pas de Jean Dubuffet en Auvergne", montée par la directrice adjointe du Musée, Pauline Goutain (une ancienne membre du CRAB), invite les spectateurs à explorer les liens qui ont uni le peintre à cette belle région.

     Ce dernier était ami avec l'écrivain Henri Pourrat, que l'on sait avoir été un collecteur et un adaptateur littéraire des contes auvergnats, de même qu'un passionné du folklore. Autre écrivain avec qui il eut des relations fréquentes, Alexandre Vialatte (leurs relations ont du reste donné lieu à une exposition plus ancienne à Clermont-Ferrand, "Sur la route du Grand Magma (1953-1962)" au FRAC-Auvergne du 1er juin au 30 septembre 1991). Dubuffet vint aussi assister sa femme Lili lorsqu'elle se fit soigner au sanatorium de Durtol, ce qui l'amena durant son séjour de juillet 1954 à janvier 1955 à se passionner pour différents matériaux qu'il incorpora à ses œuvres (dont des scories, laves et pierres volcaniques, ce qui, personnellement, m'intrigue si l'on pense aux Barbus Müller, dont j'ai prouvé que leurs  pierres, taillées dans de la roche volcanique ou du granit, avaient été créées à Chambon-sur-Lac, village situé dans la chaîne des puys ; or, Dubuffet a toujours dit qu'il ne savait pas d'où ces Barbus Müller provenaient... Curieux, non? Sans doute une coïncidence...). Ses périodes picturales des "Herbes" et des "Vaches" proviennent aussi de ce séjour en Auvergne, où il se balada en auto dans la campagne, armé d'un appareil photo.

 

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       L'expo se décompose en quatre sections, selon les renseignements que m'a fait parvenir Pauline Goutain que je reprends en majorité ci-après : 

     "La première partie est consacrée aux liens qui unissent Dubuffet et le milieu littéraire et artistique auvergnat ; liens qui se cristallisent lors de son séjour au château de Saint-Genés-la-Tourette durant l’été 1945, puis lors de sa rencontre avec Alexandre Vialatte en 1947.
    La seconde mettra en avant le rôle, jusque-là passé sous silence, que Emilie Cornu-Dubuffet dite Lili a joué dans la vie et la carrière de Dubuffet. Elle mettra à jour la biographie de cette femme et la relation singulière qu’elle eut avec Dubuffet. Cette section abordera en particulier le séjour de Lili Dubuffet à Durtol et les œuvres que ce séjour inspira à Dubuffet : série des "Vaches", des "Herbes", des paysages, des "Petites statues de la vie précaire" (en particulier celles en pierre de Volvic). 
     La troisième partie se concentrera sur l’appréciation de l’oeuvre de Dubuffet par Alexandre Vialatte, à travers la notion de « grand magma », ses chroniques dans La Montagne et sa correspondance. Cette section exposera les "Hautes Pâtes" de Dubuffet, les oeuvres de sa période vençoise et de "l’Hourloupe"."
      La quatrième section portera sur les « Barbus Müller », œuvres-clés de l’Art Brut. Elle présentera leur histoire : leur collection par Josef Müller (
entre autres), l’intégration par Dubuffet à la collection d’Art Brut, leur attribution au cultivateur Antoine Rabany (1844-1919) par moi, Bruno Montpied (ma recherche, commencée en 2017, n'est pas achevée à ce jour)¹. Elle présentera également "les recherches menées par le village de Chambon-sur-Lac en collaboration avec l’Université de Rennes II depuis 2020". De nombreuses sculptures desdits "Barbus Müller" d'Antoine Rabany seront exposés, en provenance du Musée Barbier-Mueller de Genève (où elles ont déjà été exposés en 2020 avec un catalogue à la clé, où j'ai publié un essai sur mon enquête avec, pour la première fois, la photo du Barbu de Rabany encore incrusté aujourd'hui dans le mur de son ancienne maison dans le village de Chambon). Il semble aussi que cinq Barbus Müller inédits, retrouvés dans les parages de Chambon, seront exposés au musée clermontois, mais je dois dire que cette information reste pour le moment bien secrète, du moins pour quatre d'entre eux, car je suppose que l'un des cinq doit être l'essai inachevé que j'ai photographié l'année dernière dans les locaux de la mairie ( voir ci-dessous).

 

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Sculpture d'Antoine Rabany (très vraisemblablement), retrouvée par les services de la mairie de Chambon-sur-Lac dans un dépôt de matériel où elle était à l'abandon ; il est fort possible que le sculpteur ait cassé la tête et donc abandonné la pièce, pour la refaire avec une autre pierre (voir ci-dessous cette pierre, conservée par le Museum of Everything à Londres, qui, à mon avis, est le second essai que Rabany sculpta après la première version ratée...).

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Barbu Müller/Rabany, tel qu'il apparaissait avant d'aller au museum of everything, reproduit par Dubuffet dans le fascicule n°I de 1947 consacré aux Barbus Müller ; elle possède un petit "chapeau" triangulaire qui a disparu au fil du temps.

 

     Il semble que je doive avoir des successeurs suite à ma découverte de l'identité de l'auteur des Barbus Müller (que j'avais commencé d'exposer sur ce blog même), des successeurs qui, pour le moment, ne se montrent guère diserts à mon égard, en ne me faisant pas part de leurs propres recherches, qu'ils exposent cependant au cours de conférences sur place à Chambon ou de projets universitaires (comme celui de Barbara Delamarre dans le cadre de l'INHA), recherches qui découlent pourtant directement de mes propres découvertes...

     En tout cas, si vous voulez voir plusieurs de ces "Barbus Müller" sculptés par Antoine Rabany (j'ai l'intuition que les plus belles pièces rangées sous ce sobriquet proviennent en effet toutes du paysan Rabany, surnommé le Zouave dans son pays), courez à Clermont-Ferrand les voir. Ce n'est pas souvent qu'on peut en trouver d'aussi nombreux rassemblés en France (la dernière fois, c'était au LaM de Villeneuve-d'Ascq).

 

Exposition 8 juillet – 30 octobre 2022. Musée d’art Roger-Quilliot, Clermont Auvergne Métropole, Place Louis Deteix, 63 100 Clermont-Ferrand. Commissaire scientifique et général : Pauline Goutain, directrice adjointe MARQ et docteur en histoire de l’art. Un catalogue, édité par les éditions In Fine paraît à cette occasion, avec notamment un  mien article, nouveau, sur les Barbus Müller et Rabany, que je mets en rapport avec d'autres sculpteurs autodidactes de la même époque, eux aussi dans le Massif Central.

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¹ Bruno Montpied viendra le samedi 9 juillet à l'Université d'été de la bibliothèque Kandinsky au 4e niveau du Centre Georges Pompidou (salle de l'Ecole Pro ou dans la Bibliothèque Kandinsky même) raconter les moments-clés de son élucidation de l'auteur des Barbus Müller, le paysan Antoine Rabany, avec sa localisation à Chambon sur Lac au début du XXe siècle. C'est sur inscription, mais des auditeurs libres peuvent venir suivre les débats. Voir ICI pour le programme général.

03/03/2022

"Las Pinturitas" exposée à la Galerie du Moineau Ecarlate

      Son nom complet est Maria Angeles Fernandez Cuesta, dite "Las Pinturitas", que l'on a tendance à présent à corriger en "La" Pinturitas" (ce qui est commettre une faute d'accord en nombre, d'après ce que je connais de la langue espagnole). Maria "Les Petites Peintures", connue pour le bâtiment désaffecté qu'elle repeignait sans cesse à Arguedas, non loin du pays Basque, durant les récents confinements, n'a pu se rendre sur son chantier favori, temporairement, et a orienté en conséquence sa peinture vers des supports transportables, des panneaux de bois, qu'elle a recouverts recto-verso, et du papier sur lequel elle s'est prise de passion pour le dessin, à l'aide de crayons de couleur.

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      On retrouve apparemment dans ses peintures sur bois le même côté "Street art" brut qui a fait sa notoriété. En France, c'est le photographe Hervé Couton, basé à Montauban, qui l'a fait connaître en publiant un bel album de photographies sur ses peintures murales: La Pinturitas, Hervé Couton, éditions Alpas (les Amis de La Pinturitas d'Arguedas), en février 2018. J'en ai parlé en son temps, et à diverses reprises.

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Photo Hervé Couton.

 

       La Galerie du Moineau Ecarlate, sise au 82 de la jolie et pittoresque rue des Cascades, à Belleville (Paris XXe ardt), organise du 5 mars au 14 mai une expo, intitulée "Todo borra con blanco, peintures et dessins", avec une sélection de ses travaux récents, en même temps que seront exposées des photos d'Hervé Couton pour permettre au visiteur de comprendre le contexte de cette production insolite. Qu'on se le dise...

 

Bande-annonce contextualisante de l'expo de la Galerie du Moineau Ecarlate...

14/01/2022

La cabane d'Antoine Rabany retrouve son charme d'antan...

       Sur ce blog, je donne régulièrement des nouvelles de mes recherches et de leurs résultats à propos du jardin de sculptures d'Antoine Rabany à Chambon-sur-Lac (Puy-de-Dôme) que j'avais initiés en avril 2018 sur ce blog (et aussi, au préalable, dans mon livre Le Gazouillis des éléphants, à l'automne 2017). Pour cela, il faut me suivre aussi du côté des éditions sur papier. J'ai publié en effet divers résumés et éléments nouveaux dans Viridis Candela (la revue du Collège de 'Pataphysique), OOA (revue sicilienne), Raw Vision, et enfin dans le catalogue de l'exposition sur les Barbus Müller en 2020 au Musée Barbier-Mueller qui faisait état de nouveaux éléments concernant ce travail d'élucidation consacré aux origines des sculptures en lave appelées en 1946 par Dubuffet "Barbus Müller".

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Vue du jardin d'Antoine Rabany, tirage papier d'après un cliché-verre, années 1900, provenance archives du photographe Goldner ; coll. Bruno Montpied ; le chaume qui couvrait la cabane carrée fut remplacé par la suite par des ardoises.

 

      Après avoir découvert, en particulier, qu'il restait une sculpture incrustée dans les murs de l'ancienne maison d'Antoine Rabany dans le bourg, j'étais allé rencontrer le propriétaire de la maison pour lui apprendre l'origine de cette sculpture. C'était risqué... Il aurait pu s'affoler du prix atteint par les Barbus Müller sur le marché de l'art brut. Au lieu de cela, il eut la réaction d'un homme qui comprenait qu'il y avait là une trace précieuse d'un patrimoine oublié de Chambon, par sa rareté sur place, les autres sculptures de Rabany étant parties depuis le début du XXe siècle dans toutes les directions grâce, ou à cause, des différents antiquaires et marchands à qui Rabany avait vendu, en bon Auvergnat qu'il était, sa production (ce qui le distingue des créateurs d'environnements spontanés français qui vendent rarement leurs oeuvres en plein air, contrairement aux patenteux québécois qui s'installaient des échoppes en lisière de leurs environnements, dans les années 1970). Justement, une nouvelle équipe municipale, arrivée au pouvoir  l'année suivante, se montrait favorable à une revitalisation de la communication autour de ces questions de patrimoine à Chambon-sur-Lac. Quelques vedettes de l'histoire de l'art avaient fréquenté Chambon-sur-Lac, comme par exemple Marc Chagall dans les années 1920 (il a loupé les statues de Rabany de peu, ce dernier étant mort en 1919, et son jardin étant probablement déjà vidé à cette date (à voir?))... Pourquoi ne pas faire valoir ces visiteurs historiques auprès des amateurs de tourisme culturel, se dirent les nouveaux édiles. Du coup, l'histoire d'Antoine Rabany, sculpteur des "Barbus Müller" à l'origine de l'art brut en 1945, les intéressa immédiatement. Au point de vouloir valoriser l'ancien site de stockage des sculptures (et peut-être aussi de production: le jardin servait peut-être d'atelier d'été à Rabany?).

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Nouvel état de la cabane d'Antoine Rabany, en 2021 ; il y a eu aussi un déblaiement de la terre autour de l'édifice, afin de restituer sa véritable hauteur du temps de Rabany ; il y  a eu aussi fouille dans les amas de pierres situés aux alentour de la cabane pour retrouver des fragments de sculpture abandonnés là par le sculpteur.

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Vestige avec des cannelures ou stries, peut-être un fragment de sculpture, que j'avais photographié en mars 2018, lors de ma première visite du site en compagnie de mon camarade Régis Gayraud ; j'avais eu donc la même idée que  l'équipe municipale (à venir à cette époque), retrouver des vestiges, des traces sur place, dans l'espoir de restituer au maximum ce qui pouvait rester sur place du passage du sculpteur des "Barbus Müller" ; ph B.M.

 

       J'ai rencontré à l'automne dernier, dans le cadre d'un projet en cours, dont je parlerai plus tard dans l'année, cette dynamique équipe municipale réunie autour de son maire, Emmanuel Labasse. Et j'ai découvert les travaux qu'ils avaient choisi d'entreprendre, comme la remise en chaume du toit de la cabane de l'ex-jardin d'Antoine Rabany, que la municipalité a racheté dans l'idée d'en faire un lieu de mémoire lié à ce sculpteur longtemps oublié de ses concitoyens. On voit ci-dessus le résultat dont le maire vient de m'envoyer la photo. C'est évidemment très neuf, et donc un peu trop raide, mais avec le temps, tout cela s'assouplira et prendra une inévitable patine.

09/11/2021

Pierre Darcel nous a quittés

     Sa grande Statue de la Liberté est désormais orpheline, ainsi que toutes ses statues sœurs, noires, blanches et roses. Pierre Darcel (1934-2021), qui a créé, avec l'aide de sa femme Yvette, un jardin rempli de magnifiques statues naïves ou brutes dans la région de Saint-Brieuc (il m'avait demandé de garder la localisation imprécise), est parti en septembre dernier (merci à Lydie Bonnec pour l'information). Mon inventaire, le Gazouillis des éléphants (2017), où je parlais de lui, à la région Bretagne (après lui avoir consacré un chapitre dans Eloge des jardins anarchiques en 2011), commence décidément à ressembler de plus en plus à un cimetière (des éléphants). A peine découvre-t-on un environnement populaire spontané nouveau que son auteur s'en va sur la pointe des pieds avant qu'on ait eu le temps d'applaudir (façon de parler). Ces créateurs modestes sont en effet tellement discrets...

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Pierre Darcel, près de sa trayeuse de vache en train d'être façonnée par lui, avec Patou au premier plan qui tentait de lui voler la vedette, ph. Bruno Montpied, 2009.

 

        Ses statues à l'ordonnancement harmonieux, si singulières au milieu de ce pays de bocage, vont devoir affronter seules (?) les morsures du temps, jamais en retard d'appétit...

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En 2017, lors de ma seconde visite, en compagnie du camarade Régis, un œil avait perdu de son superbe bleu... , ph. B.M.

07/10/2021

Le petit musée de monsieur Costecalde

Cette note contient une mise à jour du 9 octobre 

 

   Cela fait déjà quelque temps (quatre ans environ) que j'ai dans mes collections de cartes postales une image qui montre l'intérieur d'une habitation à Lapanouse de Sévérac (Aveyron), à l'est de Rodez, organisé en forme de petit musée privé (on en a déjà rencontré sur ce blog de ces petits musées ultra personnels). Parmi un capharnaüm d'objets et d'œuvres sculptées, on y aperçoit l'auteur – ou le "conservateur", un certain François Costecalde – d'une étonnante collection d'allure hétéroclite.

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Lapanouse de Sévérac, le musée ; c.p. A.P., Millau, coll. Bruno Montpied.

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Agrandissement où l'on s'aperçoit que le visage de ce monsieur Costecalde, en train de manipuler une canne (semble-t-il) de sa collection, paraît avoir été traité surexposé (à dessein ?).

 

      Cette carte m'avait été signalée par un autre amateur de créations populaires, dijonnais, Julien Gonzalez, par ailleurs grand dénicheur d'autodidactes inconnus présents sur des cartes postales anciennes, ou décrits dans des journaux ou magazines peu repérés. Je reprends dans les renseignements ci-après des citations d'après les mails que m'avait adressés ce chercheur distingué en 2017 puis en 2020, et tout récemment encore en 2021 (tracées en vert)...

     Ce monsieur Costecalde, ancien menuisier (ce qui doit aider pour tailler du bois), né à Saint-Grégoire, commune de Lavernhe en 1835, est décédé en 1916. "Les enfants de celui-ci prenaient leur père pour [un "foulatras" ( ça sonne comme fou la trace), comme on dit en Aveyron¹]. Ils ont brûlé toutes ses créations peu après sa mort. Ne reste plus que la carte postale que nous avons pu trouver sur internet. Le lieu était très visité au début du XXe siècle, il y avait un restaurant juste à côté et les clients de celui-ci allaient visiter le musée après leur repas. Il avait été baptisé le musée de la sorcellerie."

   "...il reste encore une réalisation sauvegardée de cet autodidacte : une armoire avec des scènes et des visages humains sculptés qui a été rachetée par un habitant du village après son décès..."

     Après ces informations, Julien m'adressa une reproduction de la même carte que ci-dessus, augmentée de précieuses annotations d'un visiteur anonyme du musée – musée que cet anonyme qualifie de "ridicule" (on ne sait lequel des deux, du visiteur ou du "conservateur" l'était le plus, ridicule, d'autant que ses autres commentaires, comme on le voit ci-après, sont d'une tonalité descriptive assez précise, même si légèrement condescendants par endroits ; on retrouve ici une ambivalence analogue à celle de l'archéologue Léon Coutil lorsqu'il tomba sur les sculptures d'Antoine Rabany à Chambon-sur-Lac, cf. mon enquête sur l'auteur des Barbus Müller).

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Voir les annotations du visiteur anonyme (du 20 août 1912) en bas de la carte, et à gauche, celle qui invite à lire "l'explication" au dos de la carte (voir ci-dessous). C.p.collection Julien Gonzalez.

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"Ce que l'on voit dans ce ridicule musée...", verso de la c.p. de la coll. Julien Gonzalez ; transcription ci-dessous.

 

Transcription de la description du musée par le visiteur ci-dessus :

"- Quantité de bonshommes : un évêque, dit de la Martinique ; des guerriers avec pipe ou cigare à la bouche ; bonnes femmes avec seins proéminents - tous avec figures antiques et grotesques sculptées sur bois massif - divers animaux réels ou légendaires assez bien représentés: lions, serpents, hiboux, petits oiseaux, etc, etc.

- Têtes de sangliers ou de cochons - Un mort avec tous ses accessoires - Une superbe canne entourée de reptiles, etc. - Un diable à 6 cornes, etc. 

- Divers menus objets, tel un livre de messe creux renfermant un chapelet sans apparence extérieure d'ajustage offrant un travail patient et intelligent.

- Plus sérieux : Trois lits ; deux buffets et divers tables admirablement sculptés, sans placage - A droite de la carte on voit l'Artiste, né en 183(9? ou 5?), vrai phénomène - De caractère très doux et très enthousiasmé de son talent..."

    Qui était ce visiteur, écrivant sans faute d'orthographe, passablement outrecuidant (cf. ces soulignements sur ce qui lui paraissait plus sérieux dans la production de Costecalde, à savoir des meubles, donc des objets utilitaires, les objets plus artistiques ne trouvant que mépris aux yeux de ce visiteur instruit, mépris à peine tempéré par la reconnaissance de l'habileté et de "l'intelligence" du sculpteur improvisé...)? On ne peut que deviner un personnage quelque peu dérouté en creux (voire scandalisé...) par l'audace de ce créateur ne s'étant autorisé de personne, hors lui-même, pour confectionner et ouvrir son musée  personnel.

     Plus récemment, Julien Gonzalez, m'a également envoyé une autre description du "Musée" - datée de novembre 2017 - par une habitante de Lapanouse (tracée ici en violet), propriétaire de l'armoire rescapée de l'imbécile autodafé des héritiers de Costecalde (voir photo ci-après), intéressante parce qu'on peut la recouper avec la description de l'annotation ci-dessus:

       "Monsieur, je vous envoie un peu de la vie d'un Musée de mon village Lapanouse où se trouvait ce Musée.

       Je ne peux vous faire la photocopie du journal dont je vous avais parlé, elle est trop fripée et n'a rien donné. C'était [dans] le journal L'Union catholique (février 1905 ou 1906) : "Ce menuisier ébéniste n'a eu d'autre guide que son imagination, sur la carte postale on aperçoit le général Pélissier avec son sabre, l'évêque de la Martinique, Saint-Roch et son chien, Robespierre à cheval sur une chèvre, etc. (illisible), au second plan : un sanglier, un ânon, un crocodile, une tête de bœuf, un écureuil grignotant une noix, des lapins, des poules, (etc...) Nous ne saurions trop recommander aux touristes sillonnant notre pays, et ils sont nombreux, et à tous les amis du beau qu'une visite dans les ateliers de cet artiste, (etc...), ils trouveront toujours quelque objet digne de leur convoitise".

     L'auteur de cet article serait un Dominique de Saint-Léon, écrivain de la région.

    A savoir dans une pièce obscure il y avait une chambre mortuaire, 2 cierges, un Christ, un bénitier, un lit, et sur ce lit, un mort en bois bien sûr, les visiteurs qui voulaient bien sûr, devaient faire le signe de la croix et bénir le mort, il paraît que c'était très lugubre, et juste que la lueur des chandelles, ce lit aussi avait une tête de mort à chaque pied de lit, un corbillard, un fossoyeur, mon grand-père l'avait acheté mais ni mon oncle, ni mon père ne voulait y dormir, ils l'ont vendu à un antiquaire de Béziers contre une chambre à coucher (armoire à glace)... Ma grand-mère était fière, car ils avaient fait une affaire.

    Des quatre enfants Costecalde, aucun n’est resté au pays et, à son décès, ils vendirent quelques meubles et tout le reste [est parti] au feu... Ils avaient honte que leur père soit un "foudralas" [foulatras, plutôt, non ?], mot patois qui veut dire "dérangé".

     Que reste-t-il aujourd'hui ici : deux ou trois armoires et une pierre sculptée mais que l'usure du temps a détériorée".

     "Cette dame m'a envoyé joint à son courrier une photo de l'armoire sculptée qu'elle possède encore aujourd'hui." (Julien Gonzalez). Voir ci-après la carte du musée que j'ai enrichie de légendes apposées près des effigies évoquées dans les descriptions, plus la photo de l'armoire évoquée mon correspondant Julien.

 

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Carte avec légendes incrustées sur la photo par B.M.

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Magnifique armoire actuellement conservée chez une habitante de Lapanouse, ph. transmise par Julien Gonzalez.

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¹ Ce  mot de "foulatras", je ne sais trop d'où il vient. En fouillant sommairement sur Internet, j'ai trouvé, sans être sûr de moi, que le mot était courant dans le parler Gaga de  la région de Saint-Etienne, désignant quelqu'un de dérangé, d'anormal, de pas comme tout le monde, etc. Régis Gayraud me propose une dérivation occitane de "folâtre"... Ô, comme nous manquent les conseils avisés de ce distingué occitaniste qu'était Michel Valière...

04/10/2021

Info-Miettes (38)

Bientôt un livre consacré à Pierre Albasser

Les emballements de PA, Le TqF.jpeg      Quelle chance a Pierre Albasser. Un éditeur de talent a décidé de consacrer une monographie à sa ludique production artistique, toute d'expérimentations diverses – j'ai nommé les Editions Le Temps qu'il Fait, de Georges Monti, déjà connues pour avoir publié divers livres en rapport avec la création spontanée de divers autodidactes (les livres de Charles Soubeyran – Les Révoltés du Merveilleux –, de Patrick Cloux, de Denis Montebello, la correspondance de Gaston Chaissac avec l'abbé Coutant...). C'est prévu pour novembre prochain, avec des contributions, de votre serviteur, mais aussi de GEHA (son "archiviste et impresaria" comme dit l'éditeur), de Pascal Rigeade, Dino Menozzi, Denis Montebello, etc - voir le lien que j'ai mis ci-dessus renvoyant au site du Temps Qu'il Fait. Le livre est actuellement en souscription (jusqu'au 19 novembre, notamment pour le tirage de tête – 50 ex. numérotés, accompagnés d'un dessin original sur carton d’emballage, signé par l’artiste). Ah... Je suis jaloux!

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Six peintures de Pierre Albasser.

 

"Dans un pli du temps", une exposition chez Art et marges, à Bruxelles, avec, entre autres, Serge Paillard

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Serge Paillard

      Du 7 octobre 2021 au 13 mars 2022, "Profitez d’une expérience contemplative hors du temps ! La brèche ouverte par l’exposition "Dans un pli du temps" invite à une réappropriation de la lenteur. Découvrez des œuvres réalisées dans une infinie patience, qui évoluent au fil de l’exposition ou convoquent d’autres temporalités." Parmi les artistes ou créateurs exposés, je relève notamment les noms de Serge Paillard, souvent évoqué et défendu sur ce blog, mais aussi de Augustin Lesage, Fanny Viollet, Joseph Crépin, Juliette Zanon, Kunizo Matsumoto,  Lionel Vinche, Raphaël Lonné, ou encore des travaux anonymes venus d'un HP belge... Cet éloge de la lenteur, ceci dit, j'ai l'impression d'en avoir déjà entendu parler ailleurs (ne serait-ce pas à la galerie d'ABCD à Montreuil, à côté de Paris, il y a quelques années? Mais oui, cela eut lieu en 2013, et cela s'appelait "De la lenteur avant toute chose", et le commissariat en avait été confié à Marion Alluchon, Emilie Bouvard, Camille Paulhan, Sonia Recasens et Septembre Tiberghien... ; on trouvait déjà dans cette dernière exposition au moins un exposant en commun - Kunizo Matsumoto). Pour lire le dossier de presse, c'est par ici.

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Une peinture sans titre de Juliette Zanon, 30 x 40 cm, vers 2016 (?), photo et collection Bruno Montpied.

 

Une autre exposition de Pape Diop

     On se souviendra  peut-être que j'ai déjà signalé ce créateur, actif dans un quartier déshérité de Dakar, nommé Pape Diop. Je l'avais découvert dans une première expo qui avait été montée par Sophie Bourbonnais dans sa galerie parisienne de la Fabuloserie. Voici qu'il est à nouveau présenté, cette fois à la Galerie du Moineau Ecarlate d'Eric Gauthier, au 82 rue des Cascades dans le 20e ardt. La galerie du moineau écarlate et Yaatal Art présentent:
Pape « Médina » Diop
Du 7 octobre au 20 novembre 2021.

Un petit film tourné par Modboye, la personne qui suit Pape Diop, dans un montage d'Eric Gauthier, est disponible sur Viméo (il y en a un autre après):

Musique (à signaler, pour Darnish, entre autres): Lee Scratch Perry, qui vient de nous quitter, un vrai créateur musical proche de l'art brut, et initiateur de la musique reggae)

 

J'aime beaucoup l'oeuvre de Frank Lundangi

     Nouvelle exposition de Lundangi dans la galerie qui l'expose régulièrement à Paris, la Galerie Anne de Villepoix. Là c'est déjà commencé depuis le 30 septembre, et c'est prévu pour durer jusqu'au 30 octobre. Titre de l'expo "Eclosion". C'est aussi le titre d'une des oeuvres délicates de l'artiste (qui vit en France, sur les bords de Loire).

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Franck Lundangi, Eclosions, Aquarelle et encre sur papier, 102 x 67 cm, 2020, ph. Galerie Anne de Villepoix. 

Galerie Anne de Villepoix, 18 rue du Moulin Joly 75011 Paris. Tél: +33 1 42 78 32 24 et +33 9 80 53 23 47 info@annedevillepoix.com . Ouverture Du Mardi au Samedi, de 9h30  à 18h30.
 
 
 
"Bruts et Raffinés II" à la galerie d'Hervé Courtaigne, rue de Seine (Paris 6e)
 

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      "A cette occasion, vous pourrez découvrir l'œuvre majeure de l'artiste spirite Victor Simon (1903-1976), à savoir le panneau droit, récemment retrouvé, du triptyque "Cosmogonie" de 1955. Le pendant gauche de cette oeuvre est conservé au  LaM en tant que dépôt de l'Union spiritualiste Phocéenne. Quant à son panneau central, il a été présenté lors de l'exposition "Reviendra-t-il ?" à la galerie Hervé Courtaigne en automne 2020."
 
L'expo dure jusqu'au 16 octobre, notez-le... Et soulignons aussi qu'à cette occasion, la galerie expose des œuvres de notre vieil ami Gaston Mouly (1922-1997). Peu fréquent depuis sa disparition...  
 
 
 
Lucienne Peiry sort un livre sur Armand Schulthess chez Allia
 
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A noter: Lucienne Peiry sera à la Halle Saint Pierre, à Paris, le samedi 20 novembre de 15h à 17h pour une présentation de ses dernières publications sur l’Art Brut (Nanetti, Ecrits Bruts...).
 
 
 

30/09/2021

Les Journandises, manifestation artistique sur le campus de Bourg-en-Bresse et ma venue le 12 octobre

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      Je dois dire, qu'avec l'âge, je m'y perds de plus en plus dans les annonces que je reçois. Les "Journandises", par exemple, dans le cadre desquelles je suis invité le 12 octobre prochain à venir débattre avec qui veut (des étudiants a priori) d'art brut, d'art naïf, d'art populaire, et, accessoirement, à partir de la maison peinte d'Eric Le Blanche dont je montrerai l'intérieur, via le film que j'ai écrit et coréalisé en 2019 en autoproduction (y a marqué "Zoom back productions" dedans, mais c'est un mot bidon)... C'est une manifestation qui se tient apparemment de manière régulière (du moins quand il n'y a pas de pandémie par-ci, par-là), dans une bourgade appelée Journans (c'est la première fois, n'étant pas de la région, que j'en entends parler ; mais comme il y a internet, maintenant, tout le monde fait dans l'implicite et comme si tout le monde savait ; donc, je regarde sur internet moi aussi et je vois que Journans, c'est dans l'Ain (hein? c'est au sud-est de Bourg-en-Bresse (prononcer Bourk-en-Bresse), et donc au nord-est de Lyon aussi). Mais je ne sais trop pourquoi, il se trouve que dans le cadre de ces Journandises, (la manifestation qui se tient à Journans s'appelle comme ça, donc), qui, elles-mêmes cette année, se tiennent dans le cadre de la Biennale Hors-les-Normes de Lyon (plus communément appelé BHN : un acronyme, ça fait toujours bien dans le décor) - ce qui accentue la complexité de la chose, tout de même, non? -, la manifestation (une expo de trois personnes, Jean Branciard, Hanna Chroboczek et Marcel Vinsard (1930-2016 ; un créateur sur qui j'ai abondamment renseigné par un livre et par des notes sur ce blog) dont c'est le vernissage pas plus tard qu'aujourd'hui, une rencontre avec mézigue autour d'un film donc (le  12 octobre à 18h30), et le 14 octobre, un atelier avec Jean Branciard qui incitera les étudiants de Bourg à fabriquer des bateaux à partir de matériaux recyclés) se tient non pas à Journans, ni à Lyon, mais sur le campus de l'université de Bourg-en-Bresse (je ne savais pas qu'il y avait une université là-bas, ne pensant personnellement qu'aux poulets quand j'entends le mot Bresse, qu'on me le pardonne, SVP...). Avouez qu'il y a de quoi s'y paumer, non, quand on n'est pas familier des secrets des dieux (c'est-à-dire des animateurs de la BHN), non?

     Donc... A bientôt?

13/08/2021

Aube Breton-Elléouët expose ses collages avec les tableaux de coquillages de Youen Durand

     L'association des Amis de Youen Durand,  ce Breton qui dirigeait la Criée de Lesconil, auteur d'une trentaine de petits chefs-d'oeuvre en mosaïque de coquillages, continue son travail méritant de passeuse de mémoire au service de l'art d'un autodidacte de grand talent. Pour cet été, du 17 août au 5 septembre 2021, elle a eu l'idée de lancer une invitation à Aube Breton-Elléouët, qui a des attaches en Bretagne (son mari était le poète et peintre breton Yves Elléouët, disparu trop tôt), afin qu'elle prête des collages. Le goût du merveilleux est le point commun qui rassemble les deux créateurs, pourtant de cultures différentes. Aube, fille d'André Breton comme on sait, si elle est aussi la fondatrice de la collection de DVD, Phares, consacrée à 24 figures du surréalisme, "éditée à fonds perdus", montre régulièrement sa sensibilité à l'égard des autodidactes qui vont dans le sens du merveilleux (elle était présente ainsi à la première, à la SCAM, du film "Bricoleurs de paradis" que j'ai co-écrit avec son réalisateur Remy Ricordeau en 2011).

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      Parmi les collagistes actuels, Aube Elléouët représente une figure éprise de la quête d'une image la plus unitaire possible, allant dans le sens du poème visuel merveilleux. Le n° 150 de la petite revue Regard, de l'artiste Marie Morel, vient de lui avoir été justement consacré, en avril dernier, avec une minuscule interview illustrée de plusieurs belles reproductions de ces collages. Je ne suis peut-être pas très bien informé à ce sujet, mais il me semble que les interviews d'Aube Elléouët ne sont pas fréquents.

*

      Ici, cependant, je dois faire une parenthèse au sujet de ce numéro de Regard. Il contient une petite brochure encartée, qui reproduit des petits textes d'un M. Francis Pellerin qui à un moment se met à parler d'Eric Le Blanche... Dont les lecteurs de ce blog – ou de la revue Création Franche, ou encore de la revue Artension, auxquels j'ai donné des articles pour faire connaître ce peintre et dessinateur introverti et secret, qui avait peint l'intérieur de sa maison en Vendée dans le plus grand secret – se souviendront que j'ai déjà abondamment parlé (en lui consacrant de plus, en mars 2019, un film en auto production, L'Homme qui s'enferma dans sa peinture qui fut programmé à la Halle Saint-Pierre au mois de juin suivant).

Flyer film sur ELB par BM à la Halle SP.JPG

Le flyer que j'auto-éditai en juin 2019 pour présenter mon film sur Le Blanche à l'auditorium de la Halle Saint-Pierre et en débattre avec le public ; la réalisation du film est signée dans le générique de mon nom et de celui de Burtin, mais ce dernier est surtout participant de ce film en tant que conseiller technique, car bien qu'autodidacte, il maîtrise fort bien cet aspect dans la création d'un film ; c'était entre autres raisons (il fut un ami aussi autrefois, avant, hélas, de devenir une grenouille de bénitier) pour cela que j'avais recouru à lui, pressé que j'étais par le risque d'effacement de l'intérieur de la maison de Le Blanche, dont m'avaient alerté les cousins d'Eric.

 

      Ce M. Pellerin, hélas, est fort mal informé. S'il l'avait été, je veux croire qu'il n'aurait pas écrit ces mots dans ce petit livret de Regard: "...Le peintre et cinéaste Jacques Burtin s'investit totalement depuis quelques années afin de faire connaître cette œuvre hors normes, exceptionnelle. il a réalisé des films (que j'ai vus), a créé une association, organisé des expositions (une, d'importance, devrait avoir lieu cet automne à la Vendéthèque de la Châtaigneraie) et construit un site internet que je vous conseille vivement de visiter..." Quelle prétention, et quel tour de passe-passe...

    Il faut rétablir quelque peu la vérité et mettre certains points sur les i. D'abord il est tout à fait exagéré de présenter "l'œuvre" d'Eric Le Blanche comme "hors-normes" (au départ Le Blanche s'inspirait de la peinture gréco-latine...) et "exceptionnelle" (ce n'est pas par la qualité de ses peintures et dessins que Le Blanche est intéressant – comme je le dis dans mon film de mars 2019, film qui a précédé ceux de Burtin qui s'est empressé de faire les siens pour supplanter la communication que j'avais initiée autour de Le Blanche (à la suite de la demande de sa famille) – c'est par son comportement de peintre introverti projetant son imaginaire et ses admirations artistiques tout seul à l'intérieur de sa maison entre deux séjours à l'hôpital.

      M. Burtin ne s'investit pas depuis "quelques années" (cette façon de s'exprimer donne l'impression que Burtin s'occupe de Le Blanche depuis toujours et surtout seul, ce qui est faux (en réalité c'est moi qui lui ai fait découvrir l'existence de la maison de Le Blanche en août 2018, en l'engageant à tourner des images pour le film que je désirais faire ; j'étais venu un mois auparavant, en juillet 2018, faire tout un reportage photo à la demande de la famille, Soizic et Jean-Louis Sapey-Triomphe, que j'avais rencontrée à la Halle Saint-Pierre en juin 18). Quand M. Pellerin parle ainsi de Burtin, il valide, peut-être sans le savoir, une imposture qui me paraît en train de se mettre en place à l'instigation de ce même Burtin (ce dernier cherche en effet à monopoliser la communication autour de Le Blanche afin de propager sa vision idéaliste et réactionnaire du personnage).

     Ce serait oublier, non seulement ma propre action, mais aussi celle de l'Association Arts Métiss', en Vendée, à La Chemillardière, qui fut la première, avec ses animateurs, Laurent Pacheteau et Jean-Pierre Rouillon (ce dernier ayant acheté beaucoup de dessins qui traînaient par terre dans la maison lors d'une vente aux enchères, où ni moi, ni les parents de Le Blanche, et encore moins le sieur Burtin, n'étaient présents), à monter la plus complète des expositions¹ sur Le Blanche, les 4 et 5 juillet 2019, à partir des éléments du décor de la maison Le Blanche qu'ils avaient contribué à faire sauver (j'ai gardé moi-même quelques dessins), entre autres par les affaires culturelles du département de la Vendée (via M. Julien Bourreau) qui acheta au nouveau propriétaire de la maison les volets et les portes intérieures de la maison Le Blanche (située dans le village vendéen de Vouvant). "L'association" de M. Burtin, le site internet qu'il a créé, représente surtout avant tout lui-même, et sa femme. Son action tend à imposer, par une sorte de confiscation de l'interprétation du phénomène de cette maison peinte intérieurement, une seule façon d'envisager le phénomène, à base d'idéalisme et de religiosité des plus ringards. Le bouffon "Institut Eric Le Blanche" qu'il a inventé, au titre ridiculement trop grand pour son sujet et trop pompeux pour être honnête, est de l'ordre de l'auto proclamation, servant avant tout à faire la promotion dudit Burtin, se prenant pour un génie (chose que personne n'a vraiment envie de vérifier) et projetant cette illusion sur le pauvre Le Blanche, qui, effectivement, était un peu mégalomane lui aussi... C'est là sans doute la seule justification de l'hystérique activité de l'ineffable M. Burtin...

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¹ Ils en ont monté une autre, plus récemment, cet été même, aux Sables d'Olonne, les 2 et 3 juin à l'Abbaye d'Orbestier.

25/06/2021

Des photos d'environnements populaires spontanés revenus de l'année 1977, par Marc Sanchez

      Quelle n'a pas été ma surprise de découvrir très récemment, dans une "galerie" du site web des Amis et Amies de Martine Doytier, des numérisations de diapositives 24 x 36 mm prises en 1977 par M. Marc Sanchez au cours d’une balade à travers la France en compagnie de la peintre et sculptrice Martine Doytier, représentant un certain nombre d'environnements populaires spontanés encore debout à l'époque. Ces photographies étaient absolument inconnues, jusque-là, des amateurs d’inspirés du bord des routes (ou « habitants-paysagistes naïfs », ou "bâtisseurs de l’imaginaire"…)¹. Ces clichés de plus sont d’une très bonne qualité et d’une grande fraîcheur, comme prises hier. C’est à la suite de cette exploration des créateurs insolites d’environnements naïfs ou bruts que Martine Doytier conçut et réalisa son projet de tableau en hommage au Facteur Cheval.

Martine-Doytier Hommage au Facteur Cheval 1977, huile 146x97 Coll Jean Ferrero, Nice.jpg

Martine Doytier, Hommage au Facteur Cheval, 1977, huile, 146 x 97 cm, coll. Jean Ferrero, Nice.

 

     C'est au total 14 sites qui figurent dans cette "galerie" virtuelle bâtie par Marc Sanchez. Dans l'ordre, Mme Leroch (une accumulatrice d'objets tout faits, comme quoi cela ne date pas d'aujourd'hui), François Portrat (photographié sur place à Brannay, dans l'Yonne, et donc avant que le site soit démantelé et partagé entre la Fabuloserie et la Collection de l'Art  Brut), "Giuseppe" Enrico (pourtant ailleurs appelé "Séraphin" Enrico, notamment par Olivier Thiébaut et Francis David) à Saint-Calais dans la Sarthe (site aussi démantelé par la suite), Jules Damloup (sur son site originel à Boësses dans le Loiret, avant le transfert et  la sauvegarde de ses statues dans le parc de la Fabuloserie), Marcel Dhièvre (état d'origine, où l'on voit qu'il y a eu quelques écarts dans le traitement et l'intensité des couleurs à la suite de la restauration), Fernand Chatelain (sans accent circonflexe sur le "a", M. Sanchez... ; site photographié du vivant de celui-ci, ce qui permet d'avoir un point de comparaison avec l'état actuel après restauration ou, plutôt, comme je préfère dire, après prolongement), Charles Pecqueur (avec un beau portrait de l'auteur, à Ruitz, Pas-de-Calais), Eugène Juif (maison couverte de fresques florales, photographiée là aussi avant son effacement, je n'en connaissais jusqu'ici que des photos de Francis David, dont une me fut prêtée par ce photographe pour mon Gazouillis des éléphants), l'abbé Fouré (orthographe qu'utilisait l'abbé pour signer ses cartes postales, et non pas "Fouéré"), Pierre Avezard, dit "Petit-Pierre" (photographié là aussi sur son site d'origine à La Coinche dans le Loiret ; cela ajoute, en termes de documentation, au film d'Emmanuel Clot, et aux photographies de François-Xavier Bouchart publiées en 1982 dans le livre "Jardins fantastiques", aux éditions du Moniteur qui toutes montraient le site à son emplacement de départ (on sait que la majorité de ses pièces furent transférées dans le parc de la Fabuloserie à Dicy dans l'Yonne); à noter une première apparition de Martine Doytier parmi les visiteurs), Marcel Landreau, Raymond Isidore, dit "Picassiette" (avec une seconde photo de Martine Doytier posée sur le fauteuil en mosaïque de Picassiette ; on pourrait faire une anthologie des femmes posant sur ce célèbre fauteuil...), Robert Pichot (un site et un créateur dont personnellement je ne connaissais que le patronyme, orthographié "Picho" dans le livre de Jacques Verroust et Jacques Lacarrière, Les Inspirés du bord des routes, en 1978) et enfin le célèbre Facteur Cheval et son Palais Idéal (où l'on retrouve Martine Doytier une troisième fois, avec en plus son danois Urane - qui a le don de m'inquiéter chaque fois que je le vois dressé auprès de sa maîtresse, l'air pas commode...). Martine Doytier y apparaît en pleine forme, et l'on comprend mal ce qui a pu la mener sept ans plus tard à sa fin tragique.

 

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Jardin de Séraphin Enrico, à St-Calais (Sarthe), © photo Marc Sanchez, 1977 ; le grand intérêt de cette photo, c'est son aspect documentaire didactique : on comprend mieux comment se présentait de la rue le site d'Enrico ; les photos parues ailleurs ne contextualisent en effet que très peu l'emplacement des diverses statues, dont certaines ont désormais atterri au Jardin de la Luna Rossa à Caen.

 

      Marc Sanchez dans son texte de présentation ne veut pas entrer dans le détail des sources où lui et Martine Doytier ont trouvé les références des sites qu'ils sont allé visiter d'un bout à l'autre de la France (les trajets qu'il cite, sur un axe Nice-Lens, puis une perpendiculaire en direction de l'Ouest, font tout de même une sacrée distance qui nécessite quelques semaines de pérégrination, sans trop se presser...). Il rappelle qu'hormis le livre de Gilles Ehrmann, Les Inspirés et leurs demeures, paru en 1962, il n'y avait selon lui guère de livres à avoir mentionné ces environnements créatifs. Le livre de Bernard Lassus, Jardins imaginaires, sortit à la fin de cette même année 1977, soit après leur balade donc.

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Le site de Fernand Chatelain, © photo Marc Sanchez, 1977 ; Chatelain est alors en vie, cela permet de voir comment se présentait son site, extrêmement tourné vers la route qui le longeait, destiné à interpeller les automobilistes, d'autant qu'il n'y avait alors aucun arbre – à la différence d'aujourd'hui – qui puisse entraver l'appréhension par les regards... ; autre fait notable, les statues étaient installées apparemment devant la clôture (au reste, assez peu dissuasive), sans crainte de vols possibles.

 

      Sanchez expédie un peu cette question de sources, je trouve: "ces interventions « sauvages » font alors seulement l’objet de petits articles dans les journaux locaux ou dans des revues attirées par les curiosités et les bizarreries..." Eh bien, personnellement, j'aimerais qu'on nous donne la référence de ces "petits articles", de ces "journaux locaux", de ces "revues attirées par les curiosités et les bizarreries" (comme la revue Bizarre, par exemple?... avec ses deux articles, l'un de 1955 sur Camille Renault par le pataphysicien "Jean-Hugues Sainmont", l'autre de 1956 sur Picassiette par Robert Giraud, illustré par des photos de Robert Doisneau).

 

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Martine Doytier rayonnante dans le fauteuil à l'air libre de Picassiette (Chartres, rue du Repos, quartier St-Chéron),  © photo Marc Sanchez, 1977.

 

    Dans ces années 1970, beaucoup d'intérêt pour les autodidactes de bord des routes se manifeste en effet chez les amateurs de contre-cultures, dans le vent des nouvelles orientations véhiculées par Mai 1968. Après le livre d'Ehrmann, un livre du poète Alain Borne est sorti en 1969 sur le Facteur Cheval chez l'éditeur Robert Morel. Un autre sur le même sujet, de Michel Friedman, chez Jean-Claude Simoën, suit en 1977 justement. Des ethnologues, comme Jean-Pierre Martinon (un "disciple" de Bernard Lassus, me semble-t-il), dans un numéro de la revue Traverses datant de 1976, éditée par le Centre Pompidou (qui ouvrit l'année suivante en 1977), tracent des parallèles entre les jardins savants de la Renaissance italienne et les environnements populaires, ce qui est en termes d'histoire de l'art est en avance sur le temps. Nombre de journaux, des quotidiens régionaux, consacrent à l'époque, de temps à autre, des articles à ces environnementalistes inspirés. Le phénomène d'ailleurs ne date pas des années 1970, comme c'est prouvé par la bibliographie assez ample que j'ai insérée à la fin de mon inventaire du Gazouillis des éléphants. Dès la fin du XIXe siècle, les magazines s'intéressaient déjà aux artistes improvisés qui font en outre, parfois, parler d'eux via l'édition de cartes postales. Les concours Lépine exposent certaines réalisations curieuses, bouchons ou marrons sculptés, inventions brindezingues, tours de force divers (tableaux ou plantes en mosaïque de timbres)... L'étude, le recensement de tous ces articles ou mentions d'artistes autodidactes, restent à faire, quitte à l'amplifier, et non pas à l'étouffer, ou le tenir, à tout le moins, secret. C'est pourquoi je regrette que Marc Sanchez n'ait pas cru bon de nous donner ces références de 1977... Mais il est homme à écouter les conseils...! Donc, ne désespérons pas trop, cela viendra peut-être...

 

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Robert Pichot, à la Suze-sur-Sarthe, © photo Marc Sanchez, 1977 ; à noter que cette localisation corrige celle qui est fautive (Marc Sanchez me l'a confirmé en privé) dans le livre de Jacques Verroust... Ce dernier donne en effet la localité de Berfay, qui est assez distante de La Suze-sur-Sarthe ; notons au passage le grand nombre de cas de créateurs populaires en plein air ou non dans ces régions de l'ouest français...

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¹ Ces photos furent cependant présentées devant quelques privilégiés dans une conférence donnée par leur auteur à Nice, quelques mois après le retour des deux compères, mais elles ne paraissent pas avoir été publiées dans une quelconque édition papier depuis 1977.

31/05/2021

Festival Hors-Champ des arts singuliers au cinéma (documentaire seulement, hélas...): le retour!

     L'année dernière, ce sympathique festival organisé par l'Association Hors-Champ sur un jour et demi avait été annulé pour cause de virus.

Programme 24e festival On n'est pas des gueux,final, 2021.JPG

A souligner dans ce programme qui sera diffusé les 4 et 5 juin dans la salle L'Artistique, 27 boulevard Dubouchage à Nice, les films consacrés à Lee Godie, à Italo Farinelli (nouvel environnement populaire spontané que je ne connaissais pas), ou les films de Lespinasse sur La Pommeraie et Pépé Vignes.. Pour le reste, je botte en touche, soit parce que je ne connais pas, soit parce que je trouve les films assez quelconques.

 

     Il ne s'en est pas complètement remis, puisque cette année, il revient quand même, mais en petite forme, avec un programme allégé (au point de vue variété et originalité), et dans un nouveau lieu d'hébergement, la salle de l'Artistique – l'auditorium du MAMAC à Nice n'étant pas disponible, cause Covid, et l'Hôtel Impérial, le délicieux Hôtel Impérial ayant, trois fois hélas!, fermé ses portes, apparemment définitivement... condamné par le Covid et ses répercussions économiques.Clé de la chambre 25 à Nice.jpg

     On se souviendra avec une nostalgie désormais poignante des rencontres que les invités à ce festival (dont j'ai été) eurent à maintes occasions le bonheur de vivre, dans la salle de séjour très cinématographique de ce vieil Hôtel Impérial, avec ses vases, ses bouquets de fleurs, ses tableaux, ses murs couverts de tapisseries, ses tentures, ses meubles baroques, ses poutres peintes, ses fauteuils en cuir – où parfois étaient projetés certains films, comme ceux de Guy Brunet, un peu longs, mais diffusés comme en avant-premières, dans une sorte de projection familiale – ou dans la salle de réception du petit déjeuner, avec son lustre de cristal, sa fresque de putti au plafond, ses baies donnant sur un jardin abrité à l'ombre de quelques palmiers, où dormait, marginalisée, une table ronde en rocaille attendant ses chevaliers, devenus  définitivement fantômes....hôtel impérial à nice,association hors-champ,cinéma documentaire et arts singuliers,lee godie,italo farinelli,philippe lespinasse,caroline bourbonnais,francis david,claude massé,guy brunet,pierre-jean wurst,on n'est pas des gueux

Hôtel Impérial façade (2).jpg

La façade de l'Hôtel Impérial (et la clé de la chambre 25, recto et verso ci-dessus, avec son message original en cas d'oubli), photos Bruno Montpied, juin 2018.

Salle à manger le plafond aux vénus et angelots (2).jpg

Les Vénus et les amours au plafond de la salle à manger, ph. B.M., 2018.

 

    Dans ma mémoire, j'aime à faire défiler les personnages d'un certain matin au petit déjeuner, Caroline Bourbonnais, avec qui je n'avais jamais eu l'occasion de me retrouver en tête à tête, Francis David, ce photographe mystérieux et réservé, comme venu d'un autre espace-temps, eût-on dit, Claude Massé que l'on m'avait dépeint bourru, difficile, mais qui me parut au contraire aimable et charmant (était-ce l'atmosphère de ce lieu magique qui métamorphosait tous ceux qui y passaient?), Vincent Monod le rire jamais loin des lèvres, Philippe Lespinasse, à la fois semblable à un passager tombé l'instant d'avant de la Lune et l'œil bientôt narquois, et Pierre-Jean, l'ineffable Pierre-Jean Wurst, l'hôte généreux et incapable de ne pas blaguer, venant faire la revue de ses invités, Guy Brunet... Marc Décimo... Alain Bouillet... Charles Soubeyran, un peu pontife en dépit de ses sandales sans chichis... Anic Zanzi, de la Collection de l'Art Brut de Lausanne, comme sur la défensive...

24e festival On'est pas des gueux, affiche, 2021.JPG

Affiche de ce 24e festival... Avec son titre choc habituel, tel qu'aime à en choisir, à chaque festival, l'équipe de l'association Hors-Champ...

20/05/2021

Info-Miettes (37)

Musées, galeries rouverts

     Citons quelques musées qui rouvrent depuis le 19 mai: à Laval: celui de l'Art Naïf et des Arts Singuliers (qui vient de finir de construire un site web) ; à Paris :  la Galerie Claire Corcia (qui prolonge son exposition consacrée à Hélène Duclos qui s'était retrouvée victime du confinement), la Galerie Pol Lemétais (avec des outsiders américains du 19 mai au 6 juin) et la Galerie Polysémie qui reviennent faire un tour pour un mois dans les locaux de l'ancienne galerie de Béatrice Soulié rue Guénégaud (6e ardt), la Galerie Les Yeux Fertiles (avec une exposition intitulée "Boîtes à mystères"), également dans le 6e, le Musée d'Art et d'Histoire de l'Hôpital Sainte-Anne, dans le 14e (qui prolonge jusqu'au 13 juin prochain son intéressante expo, "Follement drôle", pas vue du public, consacrée à l'humour des artistes pensionnaires d'hôpitaux psychiatriques, les oeuvres présentées provenant du MAHHSA et, fait bien plus inédit, de la Collection Prinzhorn à Heidelberg, voir l'article que j'ai consacré à l'expo dans le n°166 d'Artension en mars-avril dernier) ; A Villeneuve-d'Ascq, à côté de Lille, le LaM (dont mon petit doigt m'indique qu'ils préparent là-bas une exposition prévue pour l'année prochaine sur un sujet qui me tient tout particulièrement à cœur, car je l'ai, dans un de mes anciens textes, appelée de mes vœux : Art brut et surréalisme ; on sait que contrairement à la collection de l'Art Brut à Lausanne, les conservateurs du LaM en charge de l'art brut ont une sensibilité particulière envers André Breton et les surréalistes, l'idée de l'expo est donc logique) ; à Marseille : la Galerie Béatrice Soulié, désormais seulement installée dans la cité phocéenne, monte une "Rétrospective Louis Pons (1927-12 janvier 2021)" du 11 juin au 7 août 2021, voir  ici le dossier de presse ; en Belgique: le Musée de la Création Franche de Bègles est, on le sait, fermé pour travaux (environ deux années), cela ne l'empêche pas de faire des expo hors-les-murs comme celle qui s'ouvrira du 21 mai au 12 décembre  2021 à la Fondation Paul Duhem, à Quevaucamps.

 

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Vue de l'expo Outsider Roads organisée par Pol Lemétais dans l'ancienne galerie Soulié, ph. Galerie Lemétais. ; au mur divers outsiders américains  comme Kenneth Brown ou Henry Speller, voire John Henry Tooner...

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PIF, quésaco?

     Cet acronyme signifie Patrimoines Irréguliers de France. Il s'agit d'une association animée par trois Italiens, Roberta Trapani, Chiara Scordato, Danilo Proietti et un Français, Olivier Vilain. ils viennent de finaliser leur site web où l'on apprend plus sur leur action et leurs projets, qui flirtent avec les cultures alternatives. Ils s'intéressent comme moi aux environnements atypiques, mêlant dans un même sac environnements et artistes marginaux plus ou moins inventifs (Jean-Luc Johannet, Danielle Jacqui, Jean Linard...) et créations environnementales spontanées plus strictement populaires.

 

Maquette de ville utopique (2).jpg

Jean-Luc Johannet, une maquette de ville imaginaire exposée dans le hall de la Halle Saint-Pierre dans le cadre d'une exposition montée par le PIF en 2018, ph.  Bruno Montpied.

 

      Je les soupçonne parfois d'être attirés avant tout par les artistes marginaux, et un peu moins par les créateurs autodidactes amateurs (malgré les textes de Roberta Trapani qui est plus sensible à ces derniers que ses complices). Un autre point qui me chiffonne est le relatif sous traitement, sur leur site web, des références aux autres acteurs défendant le domaine (mon blog qualifié "d'historique" - merci pour le coup de vieux que je me prends au passage!) - n'étant pas oublié cependant, merci pour lui). L'action de ce collectif de quatre personnes, on s'en convaincra aisément en parcourant leurs professions de foi, se veut clairement politique, mettant en avant les mots utopie, libertaire, indiscipline, surréaliste-révolutionnaire, ZAD, clandestinité, illégalité, excusez du peu... Ils ont édité une revue, intéressante, mais au format et à la mise en pages un peu difficiles à aborder, Hors-les-normes, qu'elle s'appelle, empruntant son titre à l'art défendu à la Fabuloserie... Je signale aussi pour finir qu'ils font actuellement un petit reportage filmique sur la restauration de la tour Eiffel de Petit-Pierre dans le parc de la Fabuloserie (voir l'appel de ces derniers que j'avais répercuté, et qui a été couronné de succès, dégageant les fonds nécessaires à la restauration). A suivre, donc...

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Joseph "Pépé" Vignes, une expo à la Fabuloserie et un film

     A la Fabuloserie, à Dicy (Yonne), est montée pour cette saison (tout l'été) une expo bâtie à partir des œuvres de Pépé Vignes dans le fonds permanent de la Fabuloserie. Deux photos que m'a prêtées la Fabulose Sophie Bourbonnais donnent envie d'aller musarder dans cette belle région :

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Photo Archives Fabuloserie.

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Vue des différentes œuvres de Pépé Vignes à la Fabuloserie-Dicy, archives Fab.

 

    J'aime particulièrement les graphismes aux crayons de couleur (plus stables dans le temps que les feutres d'école que Vignes utilisait) de cet ancien tonnelier, qui en dépit d'une vue déficiente (il dessinait l'œil collé au support) mettait toute son énergie à concentrer dans ses bus, trains, voitures, bateaux, tonneaux, instruments de musique, bouquets de fleurs, poissons, avions,  l'amour qu'il portait à leurs aspects. Plus immédiate poésie visuelle que cela, tu meurs... Tous ceux qui se moquèrent de lui, le brocardant à l'envi quand il jouait de son accordéon dans les bals populaires à Elne et sa région (pays catalan), doivent rire jaune aujourd'hui quand ils découvrent par hasard qu'il est désormais considéré comme un grand créateur (en particulier lorsque l'on découvre la rue qui a été octroyée à sa mémoire à Elne).

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Photo Illibérien, prise à Elne.

 

      La Fabuloserie et Philippe Lespinasse se sont alliés pour que ce dernier réalise un film à partir d'extraits de la "capture" filmique  qu'Alain Bourbonnais avait tournée dans les années 1970. Le réalisateur a gardé quelques passages du film où l'on aperçoit Vignes dans son petit logement, et il a fait alterner ces extraits avec des fragments d'entretien avec divers témoins qui ont connu Pépé Vignes, comme Jean Estaque, cet artiste qui m'est cher, comme j'ai eu l'occasion de le dire dans plusieurs notes précédentes. On trouve le DVD du film dans la librairie de la Fabuloserie-Paris, rue Jacob (6e ardt).

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Joseph "Pépé" Vignes, avec ses lunettes à double foyer, ph. JDLL, transmise par "Illibérien".

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Jaquette du DVD de Philippe Lespinasse "Pépé Vignes: c'est du bau travail!", co-production Fabuloserie et Locomotiv films.

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Escale Nomad aussi dégaine ses trouvailles de printemps profitant du déconfinement... 

     Cette fois, la galerie nomade de Philippe Saada fait son nid, du 26 mai au 6 juin rue Notre-Dame de Nazareth (3e ardt) dans une galerie appelée "L'Œil bleu", voir ci-dessous...

Expo mai 21.jpeg

     On notera de prestigieux et classiques nouveaux venus dans le stock de Saada, quand on y découvre Emile Ratier par exemple, ou encore Carlo Zinelli et Fernando Nanetti, qui avait graffité les murs de la cour dans son hôpital psychiatrique à Volterra en Italie. Comment il s'y est pris, le Saada? il a fauché un morceau de mur de l'hosto, ou quoi?

07/05/2021

"Le Ciment des rêves, l'univers sculpté de Gabriel Albert", ou comment un inspiré du bord des routes peut être exposable au musée

     L'exposition montée au Musée-Jardins Cécile Sabourdy, à Vic-sur-Breuilh, au sud de Limoges, mise en place à ce qu'il semble durant ces mois-ci, sans que le public puisse la voir, consacrée à une quarantaine de sculptures de l'autodidacte naïf Gabriel Albert (1904-2000), ouvrira ses portes, on l'espère tout bientôt (le 19 mai?).

L'envers du décor, petit sujet sur les étapes du transfert des oeuvres de Gabriel Albert de Nantillé à Vic-sur-Breuilh, une entreprise, à mes yeux, exemplaire...

 

    J'ai déjà eu l'occasion sur ce blog de mentionner les différentes étapes de restauration des statues de son jardin, aujourd'hui propriété de la Région Nouvelle-Aquitaine (après avoir fait l'objet d'un legs de son auteur à sa commune de Nantillé, en Charente, en 1999, juste avant sa disparition). C'est bien sûr un site que j'ai mentionné honorablement dans mon inventaire des environnements populaires spontanés, Le Gazouillis des éléphants (livre épuisé aujourd'hui, après son édition en 2017 ; l'éditeur se propose de le rééditer dans environ deux ans). J'avais dès 1989 commencé d'en parler dans un article paru dans l'excellente revue littéraire, Plein Chant, où j'ai contribué à introduire l'art populaire brut ou naïf. L'article s'intitulait "Le Ciment des rêves". Edmond Thomas, l'émérite éditeur de Plein Chant, avait repris mon titre comme intitulé de tout le numéro (44) de sa revue. Et voici donc que ce titre connaît, grâce à Stéphanie Birembaut, la directrice du musée Cécile Sabourdy, une seconde jeunesse pour accompagner la présentation hors-les-murs, hors site, des sculptures de Gabriel Albert à l'intérieur du musée de Vicq-sur-Breuilh.

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Vue aérienne du Jardin de Gabriel, telle que mise en ligne sur le site web de l'Inventaire Poitou-Charentes.

 

      J'adhère personnellement en plein à ce genre de projet, que certains esprits chagrins pourraient discuter. Doit-on muséifier un jardin de sculptures prévues initialement pour être présentées dans un espace en plein air, pourront-ils rétorquer? Il faut savoir que Gabriel Albert avait eu des velléités de devenir un artiste avant de se convertir, pour gagner sa vie, au métier de menuisier. Ses statues (il en a créé environ 420, actuellement en cours de restauration grâce à l'investissement de la Région) sont des œuvres artistiques, au même titre que les œuvres des artistes savants, issus des écoles d'art ou non. Pourquoi n'auraient-elles pas droit à être présentées aussi dans des espaces muséaux? En en barrant l'accès aux autodidactes environnementalistes, cela ne révèle-t-il pas un désir de les censurer, de les rabaisser? Pourquoi ces œuvres n'auraient-elles pas droit à des explorations menées par des chercheurs, également, qu'ils soient indépendants (comme moi) ou universitaires? Il convient seulement, en les exposant (les dispositifs muséaux sont passionnants à étudier), de tenir compte de leur contexte de présentation à l'origine, en rappelant entre autres comment leurs auteurs les avaient installées au sein de leur vie quotidienne, les insérant au cœur de la vie immédiate.

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Tableau portrait de Gabriel Albert et tête d'une de ses statues dans l'exposition "Le Ciment des rêves", au musée Cécile Sabourdy.

 

Le jardin de Gabriel sera ouvert les mardis et jeudis du 06 juillet au 16 septembre 2021 : de 10h à 12h et de 14h à 17h30 / contact : 05 49 36 30 05. Selon le site de l'Inventaire Poitou-Charentes, 15 statues en pied, 19 bustes et 9 statues de chats composent l'exposition, qui présente également le portrait de Gabriel Albert, tableau du peintre Marius Levisse (voir ci-dessus), et plusieurs dizaines d’objets provenant de l’atelier du sculpteur-modeleur.

30/03/2021

La tour Eiffel de Petit Pierre est en danger, la Fabuloserie a besoin d'aide

     Tous les amateurs d'art brut et d'environnements en plein air connaissent "le Manège" de Pierre Avezard qui a été sauvegardé par Alain et Caroline Bourbonnais dans leur parc-musée de la Fabuloserie à Dicy, dans l'Yonne. Or, aujourd'hui, suite aux injures du temps, leurs filles Sophie et Agnès, qui ont repris les rênes du musée, tentent avec les moyens du bord de préserver ce patrimoine populaire fragile et précieux. Elles constatent que certaines parties du Manège s'abîment dangereusement, et notamment la tour Eiffel en bois, que Petit Pierre avait bâtie au fur et à mesure en y grimpant sans la moindre grue ou aide quelconque. Voici l'appel qu'elles lancent ces jours-ci à tous les défenseurs de ce joyau de l'art brut. Chacun peut faire un effort pour apporter sa pierre à la restauration de ce chef-d'œuvre en péril, d'autant que les pouvoirs publics et leur armée de bureaucrates ne lèvent bien entendu pas le petit doigt :

"Bonjour,

Vous, dont nous connaissons tout l'intérêt que vous portez à l'art brut et apparentés et qui nous suivez depuis de longues années, vous n’êtes pas sans savoir que La Fabuloserie a la chance de présenter dans son « jardin habité » un des environnements majeurs de l’art brut : le Manège de Petit Pierre !


Ce joyau emblématique nous a été confié par Léon Avezard, le frère de Petit Pierre, sur l’instigation de Laurent Danchin, il y a 34 ans ; depuis, conscients de l’immense responsabilité qui nous échoit, nous le chouchoutons. Or, malgré nos soins, il n’échappe pas aux outrages du temps et des intempéries.

Las, la tour Eiffel (23 m de haut), bien qu’haubanée, se prend pour une danseuse, certes élégante, mais qui risque de faire son dernier tour de piste si nous n’agissons pas.
 
 
Or, non seulement les subventions de la Région et du Département diminuent d’année en année, mais elles ne sont pas destinées à entretenir le patrimoine. Le Manège de Petit Pierre n’est pas admis non plus dans la section des « projets de spectacle vivant », alors même que le spectacle qu'il nous donne est précisément des plus vivants !
 

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Alors que les confinements successifs ont privé et vont encore priver le musée d’une grande partie de ses visiteurs, notre première démarche a été de nous tourner vers la Région et la DRAC mais, malgré l’urgence de la situation, les réponses négatives se sont succédées. Aussi, nous n’avons d’autre recours que de lancer une campagne de financement participatif pour réaliser, ce printemps même, la sauvegarde de la tour Eiffel et de la Cabine depuis laquelle Petit Pierre actionnait son Manège.

Vous êtes nos meilleurs ambassadeurs c’est pourquoi je vous préviens, en avant-première, pour attirer votre attention et solliciter de votre part un relais de cette campagne parmi vos connaissances. 

Le lien : http://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/sauvetage-de-...
[En suivant le lien ci-dessus on accède à toutes sortes de documents, l'histoire du Manège, de sa sauvegarde, de ceux qui ont contribué à son sauvetage et puis de sa maintenance ; on y indique aussi qu'il faut 25 000€ pour financer la restauration de la tour et il est clairement expliqué les travaux qui seront payés par cette somme ; si chacun donne un peu et que nous sommes nombreux, l'objectif est atteignable].

Un grand merci d’avance,
 
L'équipe d'animation de la Fabuloserie"
 

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      Qu'attend notre Ministre de la Culture bling-bling, ou, à défaut, ses secrétaires – puisque la voilà hospitalisée – pour se préoccuper de cette huitième Merveille du monde, chef d'oeuvre d'art populaire dans un autre genre bien différent du Palais Idéal du Facteur Cheval? Il est aussi merveilleux dans le genre fragile et poétique que le chef d'oeuvre de rocaille solide et monumental de la Drôme. Ce serait une bien meilleure action que de décorer ce bouffon de Michel Sardou. Le patrimoine populaire a droit à autant d'égards que les églises ou les palais. Et ce serait une preuve que l'on s'intéresse en haut lieu, du côté des soi-disant "premiers de corvée", enfin, au peuple.
 
*
 
     Ci-dessous un des tout premiers films consacré au Manège de Petit Pierre, tourné dans son emplacement d'origine à la Faye-aux-Loges (Loiret) par Emmanuel Clot, en présence de Petit Pierre. Ce court-métrage, qui reçut un prix (César je crois du meilleur court-métrage dans les années 1970), était devenu difficile à voir. Voici qu'on peut désormais le visionner sur You Tube:
 

26/03/2021

Rêve de Darnish, le 20 mars 2021

 
 
Rêve raconté dans un mail à Bruno Montpied
 
 
     J'étais en Bretagne, au bord de la mer quelque part du côté de la pointe finistérienne. La mer était forte malgré un temps radieux. L'océan étincelait sous le soleil et on apercevait des vagues qui déferlaient un peu partout, de vraies vagues pour le surf. Justement il y avait des surfeurs, pas mal de surfeurs, regroupés sur les différents "spots". 
      En explorant un peu – j'étais alors en haut d'une falaise –, je devinais un autre "spot", plus caché, dans une crique. Il y avait là aussi quelques surfeurs dont un qui glissait sur une vague juste au moment où j'arrivais. L'eau était limpide, on voyait le fond rocheux et je me disais qu'en cas de chute, le surfeur heurterait à coup sûr le fond. J'apprenais que ce "spot" fonctionnait très rarement, que la mer ne se retirait presque jamais suffisamment pour permettre à quiconque d'y accéder.
     Le surfeur qui glissait à l'instant nageait maintenant sous l'eau, à peine sous l'eau, car il n'y avait pas plus d'un mètre de fond. En nageant, il attrapait un objet qui traînait là. Je m'étonnais de deviner une forme de corps dans cet objet et mon impression se confirmait. Il s'agissait d'une espèce de Pinocchio en plastique sans bras, un peu comme ceux qu'on voit sur les manèges des années 70. 
    Je reconnaissais alors une sculpture d'un environnement dont tu m'avais montré une photo. Sur cette photo, on voyait un environnement dans une grotte, je savais que tu ne connaissais pas sa localisation, ni s'il était encore en place. Un environnement mystérieux.
    Alors, je balayais du regard le paysage en contrebas de la falaise sur laquelle je me trouvais et découvrais, stupéfait, la quasi totalité des sculptures de la photo, échouées sur les rochers de la crique. Je m'empressais de descendre les récupérer. Il y avait un éléphant, un peu du genre "manège" aussi, un personnage moustachu fait en balais (comme celui qui faisait "tournicoti, tournicota"), une petite girafe bariolée en carton, et d'autres dont je ne me souviens pas. Je les chargeais dans le coffre de ma voiture, aidé par mon beau-frère et quelques enfants. Je me disais que c'était une façon de les sauver, qu'elles avaient dérivé depuis leur grotte et que, si je les laissais là, elles allaient être perdues à jamais. C'était déjà un miracle de les trouver regroupées dans cette crique.
 

Illustration pour un rêve de mars 21.JPG

Dessin de Darnish illustrant son rêve, mars 2021.

 
    En remontant, Vanessa t'envoyait une photo de nos trouvailles. Le tout était, malgré la mer, en parfait état... Tu nous répondais immédiatement en disant que tu arrivais de suite. Une fois sur place, tu semblais à la fois peu intéressé et complètement emballé...

24/03/2021

Les statues belges

Rêve du 16 mai 2019, entre 5 et 8 h du matin

 

          Je voyageais, avec des amis il me semble, en pays étranger, mais frontalier avec la France (Belgique ? En tout cas, on y parlait français), plutôt dans le Nord. Nous étions dans une grande ville qu’aucun de nous ne connaissait. En cherchant à nous repérer, j’aperçus tout à coup une maison ancienne au toit pointu à deux pans, d’époque médiévale sans doute, ou s'en inspirant, dont le pignon était transparent (verrière ?) et contenait des statues (de pierre ou plus vraisemblablement en ciment) disposées sur plusieurs niveaux.

         Cette maison était bizarrement plantée contre un immeuble moins vieux (XIXe siècle ?), comme de biais, et comme si la ville moderne l’avait rattrapée et enkystée n’importe comment dans le nouveau tissu urbain. Il y avait une sorte d’allée piétonnière ou une placette plantée d’arbres, à gauche.

         En voyant ces statues, mon sang ne fit qu’un tour : il s’agissait à n’en pas douter des statues perdues de… (dans le rêve, j’étais sûr de l’identité du créateur, au réveil, bien entendu, elle avait disparu), "cet" auteur d’un environnement célèbre (du moins, à mes yeux…) d’autodidacte populaire dont on avait perdu la trace depuis fort longtemps (genre les statues de Camille Renault qui étaient à Attigny en France, mais qui, elles, ont été détruites après la mort du sculpteur, hormis quelques rares fragments conservés dans diverses collections). Je demandais à mes amis de me laisser descendre à la seconde de la voiture pour que je me dépêche de prendre des photos de cette maison, de ces statues, de relever le nom de la rue, d’interroger des témoins, éventuellement. Je sortais mon portable, mais je ne me rappelle pas si j’arrivais à prendre les photos, c’est comme si l’intention avait suffi. Je regardais ces statues que mon rêve me représentait floues, y avait-il un cheval cabré parmi elles ? Elles étaient grises, légèrement bleutées, s’enfonçant dans l’ombre des rayonnages où on les avait installées de façon à être visibles de la rue.

         Il y avait un café à droite, en dessous. Je ne savais où donner de la tête, que devais-je prendre en photo en premier ? La plaque de rue, me dis-je alors, c’était la première chose à faire, si je ne devais plus retrouver l’endroit… Celle-ci, je la revois encore dans mon viseur. Son libellé était terriblement long du genre « rue du Maître Truc dans la commune de… bla-bla-bla, à… bla-bla-bla, sous…bla-bla-bla… », et je me lassais progressivement (et bizarrement) devant cette kyrielle de mots. Curieusement, car si c’était le nom de la rue, il fallait pourtant la prendre telle quelle, ne pas tergiverser. Mais pris-je finalement la photo ? Je me revois ensuite, en train de demander ‒ à un passant ? A un consommateur du café ? ‒ s’il s’agissait bien des statues de X, installées à l’origine en France plutôt, mais disparues ensuite. Le type paraissait me le confirmer, quoique sans être tout  à fait catégorique, même plutôt hésitant, instillant le doute en moi….

          Je commençais simultanément à me demander si je pourrais retrouver mes compagnons avec la voiture, car ni eux ni moi n’avions convenu d’un moyen de nous retrouver.

          Je me réveillai alors, brutalement, à cause de la lumière du soleil qui filtrait à travers mes rideaux. Consternation : il n’y aurait aucune photo conservée, puisque tout ceci n’était qu’un rêve et qu’on ne rapporte aucune photo des pays de ses rêves (hélas…). Sentiment de dépit, voire de dégoût… C’était encore un de ces rêves où l’on fait une découverte exaltante, mais qui se vaporise dès la première minute du réveil…

 

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Bruno Montpied, onze personnages en silhouettes, détail d'un dessin terminé ces jours-ci, intitulé Onze nés des strates, 30 x 30 cm, 2021.