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19/10/2022

"Des Pays Habitables", six numéros, et "Alcheringa", trois numéros, des revues amies à la Halle Saint-Pierre

      Cette rencontre (au sommet) de deux revues – auxquelles je participe (pour le n° 5 de Des Pays Habitables, et pour les numéros 2 et 3 d'Alcheringa) – aura lieu samedi 22 octobre prochain, à 15h dans l'auditorium de la Halle Saint-Pierre. Il y aura présentation de sa revue par l'animateur de Des Pays Habitables, Joël Cornuault, avec lecture de quelques textes de James Ensor par Nicolas Eprendre, et présentation de la leur – Alcheringa (Le temps du rêve, en langage aborigène d'Australie) – par trois membres du groupe surréaliste de Paris, Guy Girard, Sylwia Chrostowska et Joël Gayraud. Pour clore la réunion, qui devrait durer environ une heure (et plus si affinités), je serai également présent pour ajouter aux traits d'union entre ces revues cousines, en passant quelques images en rapport avec mes contributions dans les deux publications, contributions ayant bien sûr à voir, me connaissant – et connaissant ce blog –, avec les arts spontanés (bruts, naïfs, populaires). En l'occurrence, il s'agira d'oeuvres réalisées par divers autodidactes, certaines (celles d'Emile Posteaux, sculpteur de bouchons de champagne), datant des années 1930, d'autres plus récentes, plus ou moins en rapport avec des tentations infernales...

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Gabriel Jenny, sans titre (crèche "païenne"), terre cuite vernissée, 43 x 35 cm, années 2000 (?) ; photo et collection Bruno Montpied ; cette photo sera projetée samedi parmi 13 autres ayant un un rapport avec deux de mes articles dans les revues.

 

     Ce sera aussi l'occasion pour les deux revues de proposer à l'achat les derniers numéros parus, le 6 pour Des Pays Habitables et le 3 pour Alcheringa. Les anciens numéros seront églement disponibles bien sûr.

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Des Pays Habitables n°5, couverture et 4e de couv'.

 

     On en saura plus en consultant la newsletter des "événements" à la Halle Saint-Pierre: https://www.hallesaintpierre.org/2022/09/05/lectures/

     Pour se procurer la revue Des Pays Habitables, on peut en savoir plus en allant sur le site web des éditions La Brèche. Ce sera aussi l'occasion de consulter les autres livres toujours séduisants que cette maison édite. A signaler en particulier la réédition par La Brèche du merveilleux Journal de neiges du poète Jean-Pierre Goff (un journal tenu uniquement les jours de neige à Paris) qui n'avait pas été republié depuis 1983 (voir ci-dessous la couverture de l'édition originale de 83 – qui a malheureusement pris un "coup de soleil"–, ainsi que le dessin (fait à la carte à gratter, il me semble) que Jean Benoît avait offert à Le Goff en guise de frontispice).

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La réédition du Journal de neiges de Jean-Pierre Le Goff par La Brèche éditions, 2022.

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L'édition originale aux éditions le Hasard d'être, 1983.

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Dessin en frontispice de l'édition originale de Jean Benoît ; le petit homme moustachu sur le chemin, c'est Le Goff bien sûr.

 

18/10/2022

Après le Gazouillis (6): Louis (et non pas "Pierre") Hodcent, par Darnish

       De passage cet été dans le Perche avec Vanessa, on a fait un petit tour du côté de Beaumont-les-Autels pour jeter un œil au site décoré par Louis Hodcent¹. Sans connaître l’adresse exacte, en traversant ce joli village, c’est finalement sans difficulté qu’on est tombé dessus, puisqu’un ensemble de deux sculptures se montre bien visible depuis la route.

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Jardin de feu Louis Hodcent, vu de la route, ph. Darnish, 14 juillet 2022.

 

    Sur place, une femme était en train d’arroser le jardin, alors que le soleil déclinait en cette fin d’après-midi de juillet. Très accueillante, elle nous a spontanément invités à pénétrer dans le jardin, afin de pouvoir regarder l’ensemble de plus près. C’était la petite-fille de Louis Hodcent, rejointe sans tarder par sa mère, la fille de Louis Hodcent, donc. Dans le jardin, ne subsiste aujourd’hui qu’un groupe de trois personnages, tournés vers la rue, qu’on aperçoit depuis le trottoir, et une femme en robe rouge située au fond du jardin devant un cabanon. Les sculptures, en ciment, sont grandeur nature et repeintes de temps en temps, si bien qu’elles ne paraissent pas si anciennes.

 

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Louis Hodcent, statues entretenues et repeintes (avec sensibilité, je trouve, car pas trop "ripolinées" comme ailleurs), ph. Darnish, 14 juillet 2022.

 

      Autour d’un verre aimablement offert et partagé, nous avons appris que Louis Hodcent est né en 1906, « l’année où Blériot a traversé la Manche », comme il aimait à le rappeler, et mort en 1986. 

    C’était un paysan. On voit son ancienne ferme, aujourd’hui reconvertie en habitation, depuis l’actuel jardin et la maison qu’il a intégrée avec sa famille, à sa retraite. Il y faisait un peu d’élevage, y vendait de la crème, des œufs, du lait... Une vie modeste en somme. D’après sa fille, il aurait fait les deux guerres, le Chemin des Dames, très jeune, et la ligne Maginot ensuite, et, comme c’est souvent le cas, il était avare de commentaires sur ces deux expériences.

    C’est à la retraite, vers 1974/1975, qu’il s’est mis à investir le jardin. Sur quelques photographies argentiques d’époque, que sa fille nous a gentiment montrées, on constate que le jardin était beaucoup plus travaillé, louchant nettement plus du côté de l'"environnement".

 

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Louis Hodcent, son jardin dans les années 1970, archives familiales.

 

   Une profusion de fleurs, mais aussi de petits champignons en ciment multicolores, bordant les allées, donnaient même à l’ensemble un côté psychédélique ! Les petits champignons, se brisant avec le temps, trop difficiles à entretenir, ont aujourd’hui disparu. Le jardin est toujours fleuri, toujours très joli mais plus simple. Les sculptures par contre sont toujours bien présentes et, comme je l’ai déjà dit, entretenues avec soin.

    Elles se composent d’un ensemble de trois personnages de facture naïve : deux paysans attablés tranquillement dans le jardin portant, l’un une casquette et l’autre un chapeau, « comme dans le temps », nous a précisé sa fille, semblent faire une pause, en partageant un verre de vin, du pain et du saucisson. Ils sont tournés vers la rue, comme pour regarder les gens qui passent, et les saluer éventuellement, me rappelant l’attitude qu’on peut avoir, profitant d’un repos bien mérité, à la terrasse d'un bistrot, certains soirs... Ils ont l’air heureux. A leurs côtés, se tient une femme debout, en tenue de paysanne elle aussi, un panier sous le bras. A l’époque, il y avait un canard dans le panier, mais il s’est cassé et a disparu. L’ensemble est fait en ciment, le pain et le saucisson compris. Seuls la bouteille de vin et le verre que les deux personnages tiennent dans leurs mains sont de vrais objets qui, quand ils cassent à cause du gel, sont remplacés. Un petit fil de fer dissimulé dans chaque main favorise leur stabilité.

    Plus au fond du jardin, se trouve un personnage bien différent mais de même facture, sorte de femme fatale aux airs d’Ava Gardner. Elle aussi en ciment, portant une robe rouge voyante, elle se tient debout. A l’époque elle tenait une ombrelle dans sa main, une véritable ombrelle, dont le manche venait se nicher dans un trou aujourd’hui vide. En la regardant de près, on constate que Louis Hodcent a apporté un soin tout particulier à sa poitrine dont le décolleté, vu du dessus est particulièrement plongeant ! De l’aveu de sa fille, Louis Hodcent aurait bien voulu peupler son jardin d’autres femmes de ce style, désirant même en façonner quelques-unes nues... mais ça n’était pas au goût de sa femme, et il s’est abstenu...

 

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Louis Hodcent, le décolleté invitant l'œil à une "plongée", détail de la photo ci-dessus de Darnish, 14 juillet 22.

 

     Voici donc les quelques informations supplémentaires glanées durant cet été caniculaire sur ce site répertorié dans le Gazouillis des Éléphants qui, d'ailleurs, nous a ici servi de guide.

   J’ajoute que la fille et la petite-fille de Louis Hodcent se sont montrées favorables à la rédaction de cette note.

 

       Darnish, septembre 2022.

____

¹ Dans mon Gazouillis, j'avais répercuté ce prénom de "Pierre", accolé à Hodcent, par erreur, abusé par la propre erreur de l'animateur d'un "site-web-qui-ne-voulait-pas-être-cité" où j'avais découvert ce petit environnement populaire. Je rends grâce à Darnish et Vanessa d'être allé vérifier ce qui restait sur place. On a ainsi rendu à César – ou à Louis, en l'occurrence – ce qui lui appartient. (Bruno Montpied)

10/10/2022

Les Barbus Müller (d'Antoine Rabany ou non) continuent de "sortir du bois"...

     Le 14 octobre, à Drouot, das le cadre de la vente de la collection Canavy par la maison de ventes Ferri (sous le contrôle de l'experte Martine Houzé, spécialiste de l'art populaire, notamment de curiosité), intitulée "Curieux, étranges et exotiques, les objets de Monsieur Canavy", sera présenté au feu des enchères un nouveau Barbu Müller peu connu que ce M. Canavy abritait depuis bien longtemps dans sa collection parmi divers objets, plus classiquement populaires (magnifiques cannes, casse-noisette, battoirs à linge, gobelets, tabatières, affiquets, sifflets sculptés, cuillères sculptées, quenouilles, des éléments étonnants de charrettes siciliennes, etc.).

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Barbu Müller d'Antoine Rabany en vente chez Ferri le 14 octobre ; photos Bruno Montpied, 2022.

 

       Les lecteurs fidèles et attentifs de ce blog savent que j'ai identifié avec sûreté, avec l'aide de divers amis et connaissances (dont Régis Gayraud et les enquêtes que je lui avais demandé de mener dans les Archives Départementales du Puy-de-Dôme, où il résidait), l'auteur d'une bonne partie de ces sculptures surnommées par Dubuffet, au début de sa collection d'art brut en 1946-1947, des "Barbus Müller" (Müller, collectionneur suisse qui en possédait un certain nombre, et "barbus" parce que Dubuffet, qui prisait cet attribut pileux – voir son poème "As-tu cueilli la Fleur de Barbe?" –, en avait vu quelques-unes sur les effigies des sculptures). C'est un paysan, ancien soldat (on le surnommait le "Zouave"), Antoine Rabany, né en 1844 et mort en 1919, ayant vécu, et sculpté à partir du début des années 1900 apparemment, dans le village de Chambon-sur-Lac (Puy-de-Dôme). Pour identifier avec certitude les sculptures dues à ce Rabany, je me suis appuyé sur les photos prises par un photographe anonyme sur place, vraisemblablement dans les années 1910, montrant le jardin utilisé par Rabany pour présenter en rangs d'oignon – comme dans un garden-center! – ses oeuvres en pierre volcanique ou en granit. J'ai publié deux couples de clichés stéréoscopiques en verre, prises à la belle, puis à la morte saison, ainsi que des photos montrant six pièces dues à l'archéologue Albert Lejay vers 1912. Cela a servi de documents fort utiles pour comparer avec les photos de divers Barbus entrés dans diverses collections, publiques ou privées.

     Actuellement, je suis ainsi arrivé à reconnaître d'après les photos anciennes onze Barbus Rabany-Müller, et non plus huit ou neuf comme je l'ai écrit dans le catalogue de l'exposition des Barbus Müller du Musée Barbier-Mueller de Genève en 2020. Et parmi ces onze, il y a le Barbu reproduit ci-dessus de la collection Canavy. C'est Martine Houzé qui l'a reconnu parmi d'autres qui figuraient sur le cliché verre pris à la morte saison dont je viens de parler (cf. le catalogue de l'expo 2020 du Musée Barbier Mueller). Je n'ai pas eu de mal, invité par elle à le découvrir dans ses bureaux, à le lui confirmer. Voir ci-après :

Deux barbus reconnus en juin 22 (avec flèches).jpg

Détail du cliché-verre pris à la morte saison à Chambon-sur-Lac par un anonyme vers les années 1910 ; la flèche de droite indique le Barbu de la collection de Monsieur Canavy qui passe en vente chez Ferri le 14 octobre. ; et la flèche de gauche montre une tête à côté,que, en la regardant de plus près, j'ai reconnu comme étant un Barbu Müller conservé au Museum of Everything, après avoir transité par une autre collection, celle du docteur Léon Fouks ; archive numérique B.M.

 

     Je ne me suis cependant pas arrêté là. En regardant le détail ci-dessus, j'ai été stupéfait de découvrir que je n'avais pas assez regardé la voisine de ce Barbu Canavy moustachu. Or, il m'est apparu que la sculpture est la même que celle qui provint de la collection du psychiatre Léon Fouks (qui eut, entre parenthèses, une correspondance avec Antonin Artaud), Barbu Müller qui passa en vente à Drouot en 2009, et fila, via un galeriste très bien informé, au Museum of Everything... Qu'on en juge plutôt en regardant les images en vis-à-vis ci-dessous (ne pas s'attacher aux différences de netteté, d'éclairage, d'angle de vue qui pourraient faire croire à deux sculptures distinctes) :

                11 Barbu Rabany au long cou reconnu en juin 22, coll M of Ev.jpg      11. BM Rabany, Passé chez R-F 4., vente drouot 2009, puis m of ev.png

Regardez la lèvre supérieure avec cet aspect bizarrement plat, la forme en olive allongée des deux têtes, les pommettes identiques., et le cou allongé similaire aussi...

 

     Ces onze Barbus attribuables de manière sûre à Antoine Rabany sont à distinguer de tous ceux appartenant à des collections diverses, rangées dans le corpus des "Barbus Müller" en raison de leurs caractéristiques stylistiques communes et de leur matériau similaire (des roches volcaniques). Même si j'ai tendance à penser que les Barbus les plus "ronds" proviennent tous du même auteur, ce Zouave Rabany, il n'en reste pas moins que la preuve par la photo n'en a pas encore été administrée.

        Signalons enfin une nouvelle qui m'est venue il y a peu des USA par la conservatrice du département d'art brut du Musée d'Art Folk Américain de New-York, Valérie Rousseau. Elle a repéré deux statues aux poitrines bien pleines dans les collections de la Fondation Barnes de Philadelphie, qu'elle  reconnaît comme des Barbus Müller. Je n'en ai que des reproductions médiocres, voir ci-dessous :

 

49 Barbu à la Fondation Barnes, vu par V Rousseau.jpeg           50 Barbu Fond Barnes (Phlladelphie), vu par V Rousseau.jpeg

 

   Si celui de gauche (sur fond gris) a une allure qui le rapproche en effet du corpus des Barbus Müller/Rabany, celui de droite me paraît plus "africain", plus fétiche (les trois traits blancs au sommet de sa tête, vers l'arrière ressemblent à des nattes ou des scarifications). Mais il faudrait que Valérie Rousseau nous en dise plus, notamment pour nous dire comment ces sculptures sont arrivées à Philadelphie, par quel collectionneur...

 

Vente Canavy chez Ferri, Drouot-Richelieu, 14 octobre, salle 4. Pour voir le catalogue de la vente et les renseignements supplémentaires (les expositions au préalable de la vente) voir ICI.

 

19/09/2022

Une idée pour un autre Salon...

       Je ne suis qu'un écrivain et un artiste, et j'en ai marre de cette Outsider Art Fair qui nous revient depuis dix ans, avec son prix d'entrée pour élite friquée, et sa conception étriquée, parce que strictement mercantile, de la communication autour des arts spontanés et alternatifs.

    En fait, cette Foire disparaîtrait corps et biens, que je n'en souffrirai pas le moins du monde.

  Un Forum basé sur des principes différents, organisé et monté par des Français qui plus est, à un coût moins élevé, pas seulement axé sur le marché de l'art, mais où on inviterait, dans une conception infiniment plus large, des musées, des associations, des ateliers collectifs pour handicapés, des photographes, des architectes alternatifs, des libraires, etc. serait beaucoup plus intéressant à monter.

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Halle Saint-Pierre, 2e étage, exposition "Sous le Vent de l'Art Brut 2", 2014 ; à gauche des oeuvres à moi... ; photo Bruno Montpied.

 

   Quel local faudrait-il proposer pour un tel Forum? Eh bien, la Halle Saint-Pierre serait toute indiquée. Qu'elle soit installée au pied de Montmartre, aux lisières de quartiers populaires (la Goutte d'Or notamment), et de quartiers plus chics (la Butte Montmartre), me paraît tout à fait adapté aux substrats culturels des différentes formes d'expression que ce Forum réunirait et présenterait. Disposant d'un auditorium et d'un cafétaria permettant les échanges informels, elle autoriserait dans une seule unité de lieu toutes sortes d'animations, conférences, débats, présentations de films. Le forum pourrait durer une grosse semaine (dix jours), plutôt que les quatre malheureux jours de la Foire d'Art Ousider actuelle. Les prix de location pour les galeries et autres musées et associations concernés (qui tourneraient au fil des éditions) ne seraient pas trop élevés, ce qui éviterait que les prix des oeuvres en vente soient trop élevés, les participants craignant de ne pas rentrer dans leurs frais à la fin du Forum (ce qui est le cas actuellement pour les galeristes qui participent à l'OAF). Les musées, librairies, associations de défense des arts indigènes (entre autres), ateliers pour handicapés, collectionneurs, organisation pour l'auto-construction, etc., qui participeraient pour faire connaître  leurs passions et leurs activités, vendant au passage des catalogues d'expositions, procédant à des échanges divers et variés.

    On aurait davantage affaire en l'occurrence à une réunion ayant pour but la communication et l'échange autour de passions communes ou à découvrir qu'à une vulgaire foire de mercantis, qualification dans laquelle l'OAF est en train de se couler (à tous les sens du terme "couler")...

16/09/2022

Outsider Art Fair 2022, la reprise...

       Il y a donc une nouvelle édition de l'Outsider Art Fair à Paris, au même endroit que les autres années, l'Atelier Richelieu (60 rue de Richelieu) tout près de la Bibliothèque Nationale (site Vivienne, dont la grande salle de consultation ovale réouvre elle aussi, avec un musée nouveau, etc.). Pour ce 10e anniversire du Salon, la date est différente des autres années, c'est à partir d'aujourd'hui vendredi jusqu'à dimanche, en septembre donc, et plus en octobre au même moment que la FIAC (dont elle se voulait une sorte de foire en off).

 

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Deuxième salle de l'OAF 2022, le stand d'Escale Nomad avec, à droite, une découverte intéressante de son animateur Philippe Saada : un dessinateur congolais de Kinshasa, répondant au doux nom de Bouddha Mabudi. Ph. Bruno Montpied.

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Bouddha Mabudi, Construction Alphabétique Kinshasa RDC, env. 30 x 40 cm, c. 2021, Galerie Escale Nomad.

 

     Je l'ai visitée hier en avant-première, en quelque sorte, privilégié, car gratuitement (pour le visiteur lambda il faut souligner – et condamner ! – le prix excessivement élevé de l'entrée à cette Foire, 20€, paradoxal, étant donné l'origine populaire de la plupart des œuvres exposées). La Foire se divise en deux parties beaucoup plus distinctes qu'aux éditions précédentes, le rez-de-chaussée avec quelques galeries emblématiques (des fidèles: Ritsch-Fisch, Escale Nomad, Pol Lemétais, la Pop Galerie de Sète (voir ci-contre photo de José Guirao),Pop Galerie préparation .jpg la Galerie du Marché de Lausanne, Andrew Edlin – propriétaire new-yorkais de la Foire –, et des nouveaux comme la Gallery of Everything de Londres, ou Yataal Art de Dakar, proposant des œuvres de Pape Diop, ce créateur qui vit dans la rue dans le quartier miséreux de la Médina) et le premier étage où, à l'exception de quelques galeries (comme la Galerie d'art véritablement brut du Moineau écarlate, perdue une peu en marge d'une salle envahie par la galerie d'art contemporain singulier et imaginiste de Frédéric Moisan – où j'ai tout de même remarqué les captivants dessins de Sandra Martagex), on rencontre surtout de l'art underground, contre-culturel – style Hey! – qui se situe aux antipodes de l'art brut véritable. Autant ce dernier cultive (involontairement bien sûr) l'incognito, la modestie, l'effacement, tout en étant profondément inspiré et original (ce qui lui garantit d'être envié par les undergrounds de tout acabit cherchant à se confondre du coup avec lui), autant l'art de la contre-culture est tapageur, provoc', m'as-tu-vu, cultivant l'outrance. C'en est spectaculairement caricatural, tant c'est évident.

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Une mosaïque de petites effigies diverses de Pape Diop, proposée par Yataal Art de Dakar ; si le fait de rassembler plusieurs petits dessins sur ces supports de fortune contribue indéniablement à renforcer l'impact esthétique de ces productions, cela conduit simultanément à afficher pour cet ensemble un prix conséquent : 20 000€. Et donc, si un collectionneur se présente, on imagine le panneau réalisé d'après ce pauvre Pape Diop finir par décorer quelque appartement soigné de bourgeois occidental, ce qui est tout de même d'un contraste qui fait songer... (l'argent, par contre, lui reviendra peut-être en partie car Yataal Art je crois milite pour aider le créateur). Ph. B.M.

 

       Ce jeudi, j'ai traversé un peu las cette 10e foire, non sans m'arrêter sur quelques œuvres qui me frappaient, et au premier rang desquelles je citerai les "totems" de l'Italien Pietro Moschini, exposés par la Gallery of Everything au rez-de-chaussée, donc. J'avais de vagues lueurs à son propos grâce à un livre écrit sur lui par Roberta Trapani et édité par le collectionneur et découvreur tchèque Pavel Konecny (livre que l'on trouvait présenté au pied des totems). Mais voir certaines de ses sculptures en vrai, ainsi exposées, en cortège de personnages tous plus truculents les uns que les autres, représentés selon des solutions plastiques très variées et sans cesse nouvelles, cela ne pouvait que frapper le visiteur qui se convainquait rapidement d'avoir affaire là au clou de la Foire, et donc, je fus moi aussi frappé...

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Pietro Moschini, exposition de "totems" proposée par la Gallery of Everything, ph. B.M.

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Pietro Moschini, ph. José Guirao.

 

       Cette même Gallery of Everything présentait également, un peu cachée derrière un mur, une "panoplie" d'œuvres inhabituelles de l'Américain Eugène von Bruhencheinhein, des sortes d'étranges natures mortes qui encerclaient une photo en noir et blanc de sa femme – pour une fois érotique!  Comme si toutes les fois où l'on a présenté les photos, assez fades, que faisait cet autodidacte de sa petite femme qu'il paraît de bijoux sans songer à lui trouver une culotte un peu plus affriolante, on n'avait sélectionné que les clichés les plus "sages", ce qui serait bien habituel chez nos cousins américains toujours un peu puritains et désormais adeptes, aussi, de la culture politiquement correcte du "Cancel"...

 

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Exposition d'Eugene von Bruhencheinhein par la Gallery of Everything ; plus loin dans la foire, au rez-de-chaussée, on retrouve, des peintures cette fois, du même von Bruheincheinhein, choisies par le "commissaire" Maurizio Cattelan, connu aussi comme artiste contemporain assez ennuyeux, et c'est ma foi un choix plutôt insignifiant et peu pertinent... ; ph.B.M.

 

      On me demandera peut-être pourqoi j'ai traversé "un peu las" cette Foire? Parce que, personnellement, c'est l'art brut, c'est-à-dire, l'art inspiré inopiné, secret, discret, empreint d'innocence sans le moindre soupçon de vénalité que je recherche, et cette fleur est rare, bien rare, à l'OAF, comme ailleurs, alors que l'on aurait pu espérer en rencontrer ici justement plus qu'ailleurs. Un exemple de cet art brut que je recherche peut cependant se trouver ici et là dans la foire, en ouvrant bien les yeux. Ce sont les dessins au crayon noir de l'Américaine Pearl Blauvelt. Deux galeries en montraient, perdus parmi d'autres œuvres moins touchantes, la Galerie de Pol Lemétais et la Galerie d'Andrew Edlin.

 

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La bien prénommée Pearl Blauvelt, galerie Andrew Edlin, ph. B.M.

 

      Pour ces dessins-là¹, on aimerait faire des folies, hélas, il faut pourtant serrer précautionneusment les cordons de sa bourse (en prévision de l'hiver, entre autres) : chez Edlin, ils chiffraient à 5500€ ces petits crobards...

      Alors, j'ai tout de même fini par trouver mon miel, mais dans une marge de ce salon de la marge, au premier étage, tout au fond, quasiment dans un placard où l'on avait confiné la Galerie Muy, venue du Mexique. Il y avait là des petites peintures d'une certaine Maruch Mendez, Indienne maya et tsotsil, que cette galerie défend parmi d'autres artistes indigènes du Chiapas, à la manière de plusieurs autres centres culturels ou dirigeants de foyers artistiques de par le monde (Haïti, Afrique de l'Ouest, Inde...). C'était populaire, naïf, modeste, extrêmement poétique, et le prix était à l'avenant (dans les 200€)...

 

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Maruch Mendez, Naissance, acrylique sur papier, 35 x 25 cm, 2021 ; Maruch Mendez utilise l'image pour raconter des anecdotes vécues, des souvenirs, c'est donc toujours narratif (comme souvent dans la peinture populaire) ; ici, l'accouchement a failli mal se passer, des sages-femmes quelque peu rebouteuses ont aidé la parturiente qui n'arrivait pas à accoucher en lui confectionnant une mixture à base de queue de tatou et d'herbes secrètes, visibles sur l'image (au contraire des sages-femmes invisibles) ; ph. et coll. B.M. 

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¹ Pearl Blauvelt, c'est aussi émouvant que les délicats dessins de James Edward Deeds dont plusieurs œuvres aux crayons noir et de couleur sont exposées en ce moment passage des Gravilliers, dans le Marais à Paris, à la Galerie Berst, galerie qui ne participe pas à l'OAF comme d'habitude (je crois que son responsable considère la Foire comme créant un ghetto pour l'art brut, ce qui est, bien entendu, une idée parfaitement fausse).

 

      

11/09/2022

Une Maison Jaune hospitalière: Catherine Garrigue y fait résidence trois jours, pressez-vous...

       J'avais remarqué un dessin particulièrment inpiré de Catherine Garrigue sur un carton d'invitiation à une exposition de la Galerie d'Alain Dettinger, à Lyon. C'était en 2014 ou 2017 (une des deux dates lorsqu'elle exposa chez Dettinger, place Gailleton). A la même époque, Jean-Louis Faravel l'avait exposée à sa biennale de l'Art partagé. Ces deux adresses étant un point commun avec moi, puisque j'y ai été également exposé (en 2017, d'ailleurs, chez Dettinger, le mois précédant l'expo de Miss Garrigue). Elle vit actuellement en Dordogne après avoir été active et résidente à Paris (où elle paraît avoir animé un atelier dans le XVIIIe arrondissement, mon quartier favori...).

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Catherine Garrigue, dessin qui figurait sur un carton d'invitation à une de ses expositions Galerie Dettinger.

 

      L'univers du dessin automatique ou simili médiumnique est convenablement encombré, ça bouchonne au pays des mandalas et autres sinuosités plus ou moins arachnéennes, et il n'est pas toujours facile, quand on pratique de ce côté-là, comme paraît vouloir le faire Catherine Garrigue, de se faire une place bien délimitée.

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     Elle vient de me signaler un lieu situé à Revel, près du Lauragais, dans le Sud-Ouest, où elle va exposer trois jours, les 23, 24 et 25 septembre prochains : la Maison Jaune (31 avenue de la Gare, Revel), tenue par un couple d'amoureux des arts, Alix et Joël Bardeau, qui propose là-bas des résidences d'artiste. Elle y sera présente personnellement le 23 septembre. Voici ce qu'elle m'écrit, enthousiaste, à propos de cette résidence: "Les conditions d'exposition sont exceptionnelles  : cadres à disposition, socles pour les sculptures, hébergement. Leur équipe prenant en charge la conception de l'affiche ainsi que sa diffusion et de même que pour les annonces sur les réseaux sociaux. Je n'évoquerai pas le vernissage offert qui sera, très certainement, à la hauteur de la qualité de l'accueil..." Dont acte. A conseiller à tous ceux qui cherchent des endroits où montrer leurs œuvres, bien que je ne sache pas si Mme et M. Bardeau ont une ligne bien précise quant à ce qu'ils souhaitent montrer, et, si ils en ont une, quelle est-elle. Pour joindre ces derniers je n'ai trouvé qu'une adresse Facebook (je vous mets le lien, mais moi, j'ai horreur de Fesse-bouc) : https://www.facebook.com/lamaisonjauneresidencedartistes/

      On ne trouve pas grand-chose sur internet au sujet de ses dessins (qu'elle a commencés en 2011), les reproductions sont mises en ligne, en particulier sur un site de la Dordogne et du Périgord, comme à distance. Voir ci-dessous:

catherine garrigue,la maison jaune de revel,dessin automatique,art singulier,résidence d''artiste,artistes de la galerie dettinger-mayer

Sans titre, sans dimensions, sans date indiquées... Idem pour les suivants:

catherine garrigue,la maison jaune de revel,dessin automatique,art singulier,résidence d''artiste,artistes de la galerie dettinger-mayer

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Un titre à l'intérieur de ce dernier dessin, cependant : "Tourbillon"....

 

08/09/2022

"Alcheringa" n°3 : le surréalisme contre l'aliénation

      Il existe un groupe de Paris du mouvement surréaliste qui continue l'action contre vents et marées de la condescendance, du mépris, de l'oubli organisé, ou, tout au contraire, de la récupération passéiste. Il mène cette action en coordination avec différents autres groupes surréalistes internationaux. Moi, j'ai toujours trouvé que l'activité en question pouvait s'exercer sans s'abriter à l'ombre géante, un peu trop grandiose, du mot de surréalisme, parfois taillé trop grand pour les épaules de ceux qui s'en revendiquent.  Mais voilà, ils s'entêtent, les Joël Gayraud, les Sylwia Chrostowska, les Michaël Löwy, les Guy Girard, voire même les Régis Gayraud¹. Ils brandissent toujours, avec les moyens dont ils disposent, le flambeau de la révolte, du déni jeté au monde capitaliste qui nous entraîne progressivement vers la fin du monde. Et moi, de culture surréaliste, mais principalement attiré depuis des décennies par la création artistique des imaginatifs sans voix, des sans grade, des sans diplômes, des sans lettres de recommandation, qu'ils se rangent dans l'art brut, l'art naïf (de qualité), l'art singulier, ou parmi les inspirés du bord des routes, je me suis toujours dit qu'il fallait accrocher mon petit wagon à leur train, en digne compagnon de route...

 

Alcheringa n°3, couv, 2022.jpg

Couverture d'Alcheringa n°3, avec une composition de Yoan-Armand Gil dessus, été 2022.

 

      Ces fidèles au surréalisme éditent une revue, nommée Alcheringa, qui signifie le Temps du Rêve dans la langue des Aborigènes d'Australie. Des récits de rêve, on en retrouve à foison dans cette tribune bien maquettée (par l'un des animateurs des éditions Venus d'Ailleurs, Yoan-Armand Gil), à côté de poèmes (pas tous à mon goût, ces derniers), d'enquêtes (dans ce numéro, proposé par Guy Girard, il y en a une intitulé "l'acte surréaliste le moins simple") ou de jeux, ce qui est une délectable tradition surréaliste. Peintures, collages, photographies oniriques sont également au rendez-vous, sans transition ni hiérarchie vis-à-vis des textes des divers intervenants. Un manifeste signé par seize  personnes, "Au pied ailé de la lettre. Quand le surréalisme aura cent ans", (re-)proclame la nécessité de mettre "la Poésie au-dessus de tout", et fait l'éloge de la désertion ("pratique et intellectuelle, psychique et sociale, individuelle et collective"). On y précise aussi, ce qui me paraît personnellement salutaire, que les productions surréalistes de tous ordres n'ont que "l'apparence d'œuvres d'art", car elles sont plutôt "les résultats cristallisés d'une subversion permanente de la sensibilité, les témoins sensibles d'un nouvel usage du monde". A l'heure où tant d'artistes grenouillent  pour grimper sur les tréteaux de la gloire afin d'y exhiber leurs nombrils, le rappel est nécessaire en effet.

Alcheringa 3, sommaire.jpg

Ce sommaire contient tout en bas le moyen de contacter les animateurs de la revue: alcheringa.revue@gmail.com

 

      Une critique du recours aux technologies numériques et aux réseaux sociaux me laisse plus en retrait, personnellement. Comment souscrire, en effet,  à cette affirmation, posée à un détour de ce manifeste, que "le logiciel prend le pas sur le créateur"? On retrouve là la vieille méfiance des surréalistes historiques (Péret ou Breton) vis à vis de la science, des machines, et aussi des voyages dans la Lune... Certes, je m'accorde volontiers, comme les signataires de ce manifeste, avec les "réseaux "anti-sociaux", ceux qui se nouent spontanément dans la rue, au coin d'un bois (...), au comptoir d'un café, dans une tempête de neige", mais je n'oublie pas les révélations que peuvent véhiculer, à l'occasion (sans s'hypnotiser pour autant sur leurs prestiges) les Instagram, ou les blogs, aidant à abattre de temps à autre les barrières érigées par les media dominants pour nous séparer d'une partie de la véritable inspiration du moment... Les réseaux sociaux peuvent aussi contenir de l'information alternative. Les deux démarches peuvent être parallèles. Il incombe seulement de ne jamais être dupe.

 

Sylwia Chrostowska, Le don des langues (2).jpg

Sylwia Chrostowska, Le don des langues, pierre noire, 65 x 50 cm, 2021.

 

      De ce n°3, j'ai pour le moment retenu, en outre, lues de prime abord, les contributions suivantes: le poème "Corbeau" de Sylwia Chrostowska, un dessin de la même (très frappant) : "Le don des langues" ; un texte de Bertrand Schmitt, "Toyen  et l'enfer des imbéciles" ; de Régis Gayraud : "André Breton, une fiche de police de l'Union des écrivains soviétiques en 1938" ; "La photographie surréaliste en 2020", présentée par Guy Girard (je m'étais fait l'écho de l'exposition qui avait eu lieu à la Galerie Amarrage, où j'avais moi-même exposé trois photos) avec quelques exemples empruntés à Sylwia Chrostowska, José Guirao, Kenneth Cox, Lurdes Martinez, Steven Cline ; de Joël Gayraud : "Transformer le monde pour le rendre digne d'être parcouru" (critique du voyage) ; Sylwia Chrostowska et son "Rapport sur un état hypnagogique" (état de conscience particulier entre veille et sommeil, au moment de l'endormissement), etc...

     De mon côté, j'ai donné à la revue un texte intitulé "Peintures domestiques et tentations infernales, Louis Carmeil, Dominique Dalozo, Louis Delorme, Armand Goupil, Gabriel Jenny" sur divers artistes à l'oeuvre intriguante, échoués aux Puces, et ayant en commun d'avoir représenté ici et là dans leurs productions des fantasmes diaboliques, des images de la tentation et de l'enfer. C'est par ce texte, outre le petit wagon dont je parlais ci-dessus, la continuation de ma tentative de dévoilement d'œuvres interloquantes restées dans l'ombre, et entrées dans ma collection.

 

Les Hussards de la Paix, 38,2x30cm, 20-I-57, n°450 (2).jpg

Armand Goupil, Les Hussards de la paix, huile sur bois,  38,2 x 30 cm, 20-I-57, n°450 ; ph. et coll. Bruno Montpied.

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Alcheringa n°3 est disponible (à 20€) dans les librairies suivantes :

Librairie Centre Pompidou, Le Dilettante (7, pl de l’Odéon – 75006 Paris. 01 43 37 99 41), La Petite Égypte (35, rue des Petits Carreaux – 75002 Paris. 01 47 03 34 30), Tschann (125, bd du Montparnasse – 75006 Paris. 01 45 83 39 81), Halle Saint-Pierre (2, rue Ronsard – 75018 Paris. 01 42 58 72 89), Librairie Michèle Ignazi (15-17, rue de Jouy – 75004 Paris. 01 42 71 17 00), EXC Librairie (Passage Molière – 157, rue Saint-Martin – 75003 Paris.  01 87 04 44 02),  Vendredi (67, rue des Martyrs – 75009 Paris. 01 48 78 90 47), Galerie Les Yeux Fertiles 27, rue de Seine – 75006 Paris. 01 43 26 27 91), Galerie Amarrage  (88, rue des Rosiers – 93400 Saint-Ouen jusqu’au 25 septembre 2022, samedi et dimanche de 14h à 19h), Le Carré des Mots (30 Rue Henri Seillon – 83000 Toulon. 04 94 41 46 16), LA MAB // MAISON ANDRÉ BRETON (Place du Carol – 46330 Saint-Cirq-Lapopie. 06 30 87 70 58)

Également en vente chez l’éditeur, Venus d’ailleurspaiement par carte cliquer ici .Par Paypal, virement, ou chèque contacter venusdailleurs@free.fr

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¹ On exceptera du surréalisme, dont, finalement, ils n'ont aucun droit à se revendiquer, selon moi, les nommés Ody Saban et Thomas Mordant, imposteurs qui, pour la première, mange à tous les râteliers, un matin artiste brut, un autre "surréaliste", un autre encore artiste féministe et trotzkyste (vernis "radical" indispensable pour briller en société), au gré de son opportunisme et d'un arrivisme qui fait feu de tout bois et de toute appellation un tant soit peu ronflante, tandis que le second joue les petits poseurs boursouflés de suffisance, se drapant sous une risible défroque de fausse modestie. Ce monsieur donne des "conférences", paraît-il, d'où, m'a-t-on dit encore, le poète Michel Zimbacca sortait, écumant de colère d'avoir entendu si mal traiter du "surréalisme", prétexte à débiter les plus grosses bêtises.

17/08/2022

L'Objet X (une découverte dans l'histoire de l'Art Brut)

L’OBJET X

(une découverte dans l’histoire de l’Art Brut)

 

 

       Je suis en train de revisiter les débuts de la constitution de la collection d’Art Brut en partant des œuvres d’art naïf que Dubuffet, le fondateur de la notion d’art brut, commença par interroger comme pouvant faire partie de ce qu’il commençait d’envisager ‒ dans les années 1940 ‒ comme la découverte d’un corpus d’œuvres d’art oubliées, non reconnues, exprimant pourtant avec la force la plus intense la vérité humaine la plus crue en matière d’expression.  Défilent devant mes yeux des tableaux surtout, jusqu’à ce que je m’arrête sur ce fameux objet indéterminé, si difficile à décrire, car composite et extrêmement indistinct, rétif à être appréhendé, on dirait…

      J’écris ce « fameux » objet, car il est en effet connu dans l’histoire des origines de l’Art Brut, il fait partie de ces objets orphelins, impossibles à situer, que des collectionneurs épris de curiosité ont su abriter chez eux¹.

      Il est monté sur une sorte de coque noirâtre (brune peut-être, mais comme il est plongé dans la pénombre, il apparaît sombre), un morceau de bois d’une forme approximativement proche du parallélogramme, qui est destiné à faire flotter l’assemblage entier, ou bien à se déplacer, car on a pu le flanquer de roulettes. Ces dernières ne sont plus visibles aujourd’hui… Sur ce bloc, se dressent deux ou trois autres parties de l’assemblage : une sorte de morceau de branche élancée en forme de long doigt dressé vers le ciel, des formes plus ramassées, comme des coquillages blanchâtres agrippés à un bouchot. L’ensemble n’est pas un objet naturel de hasard, comme ceux que l’on trouve le long des grèves. Il résulte d’une volonté humaine qui a présidé à l’assemblage de ses parties. Il émane un mystère de cet objet, renforcé par son statut d’objet mythifié dans l’histoire de la recherche autour des débuts de l’art brut.

      Son propriétaire, un collectionneur ‒ qu’au réveil je me reprocherai de n’avoir pas interviewé afin d’en apprendre plus sur l’auteur de cet assemblage mythique des débuts de la collection d’Art Brut ‒ est présent, mais en retrait. Il possède encore l’objet qui n’a jamais été incorporé à la collection d’Art Brut de Dubuffet, en raison du rejet de ce dernier, considérant l’objet comme par trop insituable, par trop indéterminé. On sait que le peintre construisit sa collection par intégration et rejets successifs de divers artefacts qu’il regardait de manière évolutive au fur et à mesure que s’affirmait sa vision de ce qu’il poursuivait avec son « art brut » : un art du « jamais vu », hors champ de la culture artistique.

     L’art naïf des débuts, l’art des enfants, les arts lointains, l’art populaire rural se virent ainsi successivement rejetés, à mesure que s’affermissait sa conception. L’objet X, ici retrouvé par moi, avait été ainsi repoussé dans les poubelles des prémisses de l’Art Brut, où ses thuriféraires avaient méthodiquement organisé son enterrement…

    Je suis pour sa réévaluation, me dis-je, au fond de ce rêve. Ce n’est pas parce qu’on n’arrive pas à le décrire ‒ déjà, parce qu’on n’arrive pas à le voir correctement! ‒, à le situer, à en déterminer l’auteur, qu’on ne peut prendre en charge sa force brute, essentiellement tissée d’énigme…

     [Hélas, je me réveille sans avoir pu en apprendre davantage…]

 

      Vers 23h30, après m’être assoupi, fiévreux et enrhumé, le 13 février 2018…

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¹ Il va de soi que cet objet ne correspond à aucun objet historique précis. Le rêve fait seulement écho à la question des œuvres collectionnées au début par Jean Dubuffet comme pouvant être de l’art brut, mais qu’il finit par rejeter au fil du temps dans sa collection « annexe », rebaptisée ensuite par lui et Michel Thévoz (le premier conservateur suisse de la Collection à Lausanne à partir de 1976), « collection Neuve Invention ». Cette collection, longtemps restée marginale par rapport à l’Art Brut proprement dit, se révèle très souvent tout aussi passionnante que la collection qui s’est développée par la suite jusqu’à aujourd’hui.

31/07/2022

Une histoire de racines en l'air (Chaissac/Jesuys Christiano)

      Gaston Chaissac, certains le savent, a écrit en 1946 dans la revue Centres pour René Rougerie qui, alors âgé de 20 ans, y collaborait, chargé de repérer de nouveaux talents, un merveilleux texte, intitulé Surréalisme!!!. Je recopie ci-après deux extraits qui m'ont toujours plu :

   "Nous avons des littérateurs, des peintres surréalistes, et ils ont fait des trouvailles indéniablement intéressantes, utiles.

     Demain ce sera des artisans, des ouvriers, des paysans surréalistes que nous aurons aussi ; d'eux nous avons un besoin urgent, et leurs trouvailles également intéressantes et utiles changeront la face du monde.

     Le bon travail est devenu chose rarissime et pour le réapprendre il nous faut des novateurs.

      Quand nous verrons des artisans construire de chariots avec des roues carrées et des paysans planter des choux les racines en l'air ce sera de bon augure ; car ces hommes, enfin plus esclaves des exigences d'autrui, feront à leur idée en hommes libres, en surréalistes, et retrouveront les secrets qui permettent de faire du bon travail honnête. Cela dans la joie, car le travail libre c'est la joie, celle qu'on ne saurait trouver à courir après la fortune ou simplement gagner beaucoup d'argent (en étant l'esclave d'autrui) pour satisfaire des vices. (...)

    "Sœur Jeanne de là-haut ne vois-tu rien venir? - Je vois à l'horizon des surréalistes accourir avec des pelles, des rabots, des fourches ,des enclumes et bien d'autres outils".  (...)"

         Revue Centres n°3, 1946.

 

        Cette histoire de planter des choux les racines en l'air m'a toujours marqué.... Quelle ne fut pas ma surprise en lisant l'autre extrait de texte ci-dessous, publié récemment dans le catalogue de l'excellente récente exposition (terminée le 17 juillet dernier) de cette extraordinaire découverte brute qu'est l'œuvre du Brésilien nommé – probablement un surnom – Jesuys Christiano (Jésus-Christ, en somme), à la galerie Christian Berst (passage des Gravilliers, à Paris, le catalogue doit y être toujours disponible, du moins à partir de la rentrée de septembre) Jesuys Chirstiano,couv catalogue Berst.jpg :

    "(...) Son objectif était d'ériger un nouveau monde, l'ancien devait donc être inversé – c'est ainsi qu'il arrachait des fleurs et des plantes pour les enterrer afin que les racines pointent vers le ciel. Pour que les voix qu'il entendait chaque jour se taisent, que les vers qui lui rongeaient le crâne se calment, que la peur de la persécution et du châtiment s'éloigne de lui. (...)"

       Thilo Scheuermann (hôtelier allemand installé au Brésil ayant découvert en 2011 les dessins tracés par Jesuys Christiano sur les murs du quartier miséreux de Malhado à Ilhéus ; il s'occupa alors de lui jusqu'à la mort de ce dernier survenue en 2015).

Jesuys Christiano, ss titre, graphite s pap, 42x59, 2013galerie Berst,.jpg

Jesuys Christiano, sans titre, graphite sur papier, 42x59 cm, 2013. Extrait du catalogue d'exposition à la galerie Christian Berst "Jesuys Christiano, A contrario".

 

    Etonnant  parallèle, n'est-ce pas? Entre le cordonnier de Vendée et le pauvre hère brésilien qui bien entendu n'a jamais entendu parler du premier... A signaler que Jesuys Christiano est allé plus loin que Chaissac, en plantant réellement ses végétaux les racines en l'air... Mais bon, chez le cordonnier, il est plutôt question d'une métaphore, d'un appel au monde à l'envers, un thème cher à la culture populaire.

06/07/2022

Sur les pas de Jean Dubuffet en Auvergne... et les traces des Barbus Müller/Rabany

        Une nouvelle exposition au Musée d'Art Roger Quilliot (MARQ) de Clermont-Ferrand cet été, "Sur les pas de Jean Dubuffet en Auvergne", montée par la directrice adjointe du Musée, Pauline Goutain (une ancienne membre du CRAB), invite les spectateurs à explorer les liens qui ont uni le peintre à cette belle région.

     Ce dernier était ami avec l'écrivain Henri Pourrat, que l'on sait avoir été un collecteur et un adaptateur littéraire des contes auvergnats, de même qu'un passionné du folklore. Autre écrivain avec qui il eut des relations fréquentes, Alexandre Vialatte (leurs relations ont du reste donné lieu à une exposition plus ancienne à Clermont-Ferrand, "Sur la route du Grand Magma (1953-1962)" au FRAC-Auvergne du 1er juin au 30 septembre 1991). Dubuffet vint aussi assister sa femme Lili lorsqu'elle se fit soigner au sanatorium de Durtol, ce qui l'amena durant son séjour de juillet 1954 à janvier 1955 à se passionner pour différents matériaux qu'il incorpora à ses œuvres (dont des scories, laves et pierres volcaniques, ce qui, personnellement, m'intrigue si l'on pense aux Barbus Müller, dont j'ai prouvé que leurs  pierres, taillées dans de la roche volcanique ou du granit, avaient été créées à Chambon-sur-Lac, village situé dans la chaîne des puys ; or, Dubuffet a toujours dit qu'il ne savait pas d'où ces Barbus Müller provenaient... Curieux, non? Sans doute une coïncidence...). Ses périodes picturales des "Herbes" et des "Vaches" proviennent aussi de ce séjour en Auvergne, où il se balada en auto dans la campagne, armé d'un appareil photo.

 

Exposition DUBUFFET affichette.jpg

       L'expo se décompose en quatre sections, selon les renseignements que m'a fait parvenir Pauline Goutain que je reprends en majorité ci-après : 

     "La première partie est consacrée aux liens qui unissent Dubuffet et le milieu littéraire et artistique auvergnat ; liens qui se cristallisent lors de son séjour au château de Saint-Genés-la-Tourette durant l’été 1945, puis lors de sa rencontre avec Alexandre Vialatte en 1947.
    La seconde mettra en avant le rôle, jusque-là passé sous silence, que Emilie Cornu-Dubuffet dite Lili a joué dans la vie et la carrière de Dubuffet. Elle mettra à jour la biographie de cette femme et la relation singulière qu’elle eut avec Dubuffet. Cette section abordera en particulier le séjour de Lili Dubuffet à Durtol et les œuvres que ce séjour inspira à Dubuffet : série des "Vaches", des "Herbes", des paysages, des "Petites statues de la vie précaire" (en particulier celles en pierre de Volvic). 
     La troisième partie se concentrera sur l’appréciation de l’oeuvre de Dubuffet par Alexandre Vialatte, à travers la notion de « grand magma », ses chroniques dans La Montagne et sa correspondance. Cette section exposera les "Hautes Pâtes" de Dubuffet, les oeuvres de sa période vençoise et de "l’Hourloupe"."
      La quatrième section portera sur les « Barbus Müller », œuvres-clés de l’Art Brut. Elle présentera leur histoire : leur collection par Josef Müller (
entre autres), l’intégration par Dubuffet à la collection d’Art Brut, leur attribution au cultivateur Antoine Rabany (1844-1919) par moi, Bruno Montpied (ma recherche, commencée en 2017, n'est pas achevée à ce jour)¹. Elle présentera également "les recherches menées par le village de Chambon-sur-Lac en collaboration avec l’Université de Rennes II depuis 2020". De nombreuses sculptures desdits "Barbus Müller" d'Antoine Rabany seront exposés, en provenance du Musée Barbier-Mueller de Genève (où elles ont déjà été exposés en 2020 avec un catalogue à la clé, où j'ai publié un essai sur mon enquête avec, pour la première fois, la photo du Barbu de Rabany encore incrusté aujourd'hui dans le mur de son ancienne maison dans le village de Chambon). Il semble aussi que cinq Barbus Müller inédits, retrouvés dans les parages de Chambon, seront exposés au musée clermontois, mais je dois dire que cette information reste pour le moment bien secrète, du moins pour quatre d'entre eux, car je suppose que l'un des cinq doit être l'essai inachevé que j'ai photographié l'année dernière dans les locaux de la mairie ( voir ci-dessous).

 

Buste vraisemblablement cassé (2).jpg

Sculpture d'Antoine Rabany (très vraisemblablement), retrouvée par les services de la mairie de Chambon-sur-Lac dans un dépôt de matériel où elle était à l'abandon ; il est fort possible que le sculpteur ait cassé la tête et donc abandonné la pièce, pour la refaire avec une autre pierre (voir ci-dessous cette pierre, conservée par le Museum of Everything à Londres, qui, à mon avis, est le second essai que Rabany sculpta après la première version ratée...).

11 Barbu, coll Ratton 4 (puis m of everything act)(2).jpg

Barbu Müller/Rabany, tel qu'il apparaissait avant d'aller au museum of everything, reproduit par Dubuffet dans le fascicule n°I de 1947 consacré aux Barbus Müller ; elle possède un petit "chapeau" triangulaire qui a disparu au fil du temps.

 

     Il semble que je doive avoir des successeurs suite à ma découverte de l'identité de l'auteur des Barbus Müller (que j'avais commencé d'exposer sur ce blog même), des successeurs qui, pour le moment, ne se montrent guère diserts à mon égard, en ne me faisant pas part de leurs propres recherches, qu'ils exposent cependant au cours de conférences sur place à Chambon ou de projets universitaires (comme celui de Barbara Delamarre dans le cadre de l'INHA), recherches qui découlent pourtant directement de mes propres découvertes...

     En tout cas, si vous voulez voir plusieurs de ces "Barbus Müller" sculptés par Antoine Rabany (j'ai l'intuition que les plus belles pièces rangées sous ce sobriquet proviennent en effet toutes du paysan Rabany, surnommé le Zouave dans son pays), courez à Clermont-Ferrand les voir. Ce n'est pas souvent qu'on peut en trouver d'aussi nombreux rassemblés en France (la dernière fois, c'était au LaM de Villeneuve-d'Ascq).

 

Exposition 8 juillet – 30 octobre 2022. Musée d’art Roger-Quilliot, Clermont Auvergne Métropole, Place Louis Deteix, 63 100 Clermont-Ferrand. Commissaire scientifique et général : Pauline Goutain, directrice adjointe MARQ et docteur en histoire de l’art. Un catalogue, édité par les éditions In Fine paraît à cette occasion, avec notamment un  mien article, nouveau, sur les Barbus Müller et Rabany, que je mets en rapport avec d'autres sculpteurs autodidactes de la même époque, eux aussi dans le Massif Central.

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¹ Bruno Montpied viendra le samedi 9 juillet à l'Université d'été de la bibliothèque Kandinsky au 4e niveau du Centre Georges Pompidou (salle de l'Ecole Pro ou dans la Bibliothèque Kandinsky même) raconter les moments-clés de son élucidation de l'auteur des Barbus Müller, le paysan Antoine Rabany, avec sa localisation à Chambon sur Lac au début du XXe siècle. C'est sur inscription, mais des auditeurs libres peuvent venir suivre les débats. Voir ICI pour le programme général.

27/06/2022

Alain Lacoste, roi des modifications et autres détournements de mots

       Alain Lacoste a disparu au début de cette année, mais ses oeuvres n'ont jamais été autant vues, ici et là, en ce moment. Je me bornerai à signaler celle qui a commencé le 18 juin à la galerie parisienne de la Fabuloserie (après l'expo Livio Sapotille), prévue pour durer jusqu'au 13 juillet prochain. Au rez-de-chaussée, on trouve des ardoises peintes, Ardoise peinte (2).jpg et des images "détournées" comme disait Lacoste, mais qu'un Asger Jorn, qui fut un grand adepte de ce genre de métamorphose (pour employer un terme qu'employa de son côté également Noël Fillaudeau, qui repeignait lui essentiellement sur des photos imprimées de magazine), préférait qualifier, en accord avec les situationnistes, de "modifications", pour laisser au détournement une portée plus politiquement révolutionnaire.

Mosaïque de détournements d'images (2).jpg

Sur le mur de droite dans la galerie parisienne de la Fabuloserie, on trouve cette grande mosaïque d'images "détournées" d'Alain Lacoste ; j'y ai fait mon marché personnellement ; ph. Bruno Montpied, juin 2022.

achat BM 2 (2).jpg

D'Alain Lacoste (1996), ce que j'ai choisi de garder dans la mosaïque ci-dessus ; ph. B.M., 2022.

 

     Des objets en trois dimensions sont aussi présentés par Sophie Bourbonnais à l'étage, souches d'arbre peintes aux formes cloisonnées, assemblages de matériaux divers, bois naturel ou chutes de bois industrielles et modifiées, figurant des scènes prétextes à jeux de mots et calembours si prisés d'Alain Lacoste.

 

Animal fantastique, souche peinte (2).jpg

Animal fantastique d'Alain Lacoste ; ph. B.M., 2022.

Le calle vert, 1995 (2).jpg

Alain Lacoste, Le calle vert, 1995 ; ph. B.M., 2022.

 

    A noter qu'un vernissage alternatif est organisé dans très peu de jours, le jeudi 30 juin, pour rattraper celui du 18 qui fut reporté à cause des fortes chaleurs.

 

LA FABULOSERIE Paris, du mercredi au samedi 14h -19h.
52, rue Jacob 75006 Paris -     01 42 60 84 23 - fabuloserie.paris@gmail.com

19/06/2022

La revue "Des pays habitables" accueille l'art populaire insolite d'Emile Posteaux

       Emile Posteaux (1866-1936), vous ne vous rappelez pas? Il vous faut, en ce cas, retourner en 2011, où subsiste sur ce blog la seule note, ultra courte, que j'ai consacrée au dada de cet ancien représentant en brasserie (et ancien charcutier), à savoir la sculpture sur bouchons de Champagne usagés, représentant des dizaines de têtes de différents types populaires de sa ville (dandy local, pompier notoire, clown, ou femme typique de Lille), voire de célébrités de l'époque (Maurice Chevalier par exemple). Depuis les quatre petites têtes que je présentais dans cette brève évocation, j'ai grandement étoffé, grâce à un antiquaire de l'Yonne, ma collection. Et j'ai recueilli par la suite un certain nombre d'informations qui m'ont servi à bâtir un article où sont, en particulier, reproduites en couleur mes nouvelles acquisitions (je suis désormais à la tête d'une quarantaine de petites figures sculptées par M. Posteaux). Internet bien sûr m'y a grandement aidé, cette vaste Toile où attendent patiemment telles et telles révélations quant aux créateurs autodidactes, connus régionalement durant un temps, puis progressivement oubliés. Nationalement, n'en parlons pas...

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"Etudes humoristiques sur l'originalité et la diversité du masque humain sur VIEUX BOUCHONS de Champagne  par E. Posteaux, peintre sculpteur", légende de ce qui semble être une carte postale sans indication de localisation, communiquée par. J-P. Delhemme ; on dénombre sur ce tableau 77 têtes, certaines ayant été dispersées ailleurs, comme par exemple la tête de singe figurant tout en bas à l'extrême droite, que j'ai retrouvée pêle-mêle avec huit autres, séparées du cadre où les disposait usuellement Posteaux; voir ci-dessous...

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Neuf bouchons sculptés par Emile Posteaux retrouvés par moi chez un antiquaire qui ne les avait pas identifiés ; Cf. le singe au rang du bas, à droite, le même que sur le tableau des 77 ci-dessus ; ph. et coll. Bruno Montpied.

 

     Personne ne s'était manifesté à l'échelle nationale, suite à ma première note où je demandais aux internautes si par hasard ils auraient des infos. Ce ne fut qu'au niveau régional que deux membres de la famille, des descendants de cet ancien sculpteur autodidacte, réagirent – l'un pour me dire en 2012 que "l'on se souvenait toujours, à Orchies, dans le Nord, de cet as de la sculpture sur bouchons de Champagne", mais sans prolonger outre mesure l'information dont il disposait ; l'autre, J-P. Delhemme, beaucoup plus récemment, en février 2022, cette fois, put me donner des éléments plus concrets par voie privée (voir ci-dessus en particulier un document qu'il m'a communiqué, semblant être une carte postale). Ce monsieur s'est avéré être le petit-neveu d'Emile Posteaux, gardant en sa possession lui aussi des bouchons sculptés hérités de son père, Léon Delhemme, qui les avait lui-même reçus en héritage de son oncle, le fameux Emile. Un article, vraisemblablement, de La Voix du Nord, de 1964, revenait sur cet héritage (voir ci-contre). émile posteaux,bouchons sculptés,vieux bouchons,champenoises,bouteilles de champagne,revue des pays habitables,joël cornuault

   Ce qui est aussi intéressant pour moi dans cette communication, c'est la reproduction de deux peintures (j'en reproduis une ci-dessous) d'Emile Posteaux en possession de M. Delhemme. Je m'interrogeais, en effet, au sein de mon enquête sur les peintures que Posteaux exécutait parallèlement à ces petites sculptures, vantées par un journaliste localier des années 1930, comme étant de véritables chefs-d'œuvre. Je n'avais pas trouvé jusqu'ici de photos de ces tableaux. Force est de constater cependant qu'à mon humble avis, les bouchons sculptés en forme de mini-trognes restent la partie la plus originale des travaux d'Emile Posteaux...

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Tableau d'Emile Posteaux représentant des roses, certes troussées avec réalisme, mais sans grande originalité, je trouve ; coll. J-P.  Delhemme.

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Trois boîtes de quatre bouchons de la collection de J-P. Delhemme, conservés par héritage de Léon Delhemme ; le cartel présent sur les boîtes du haut provient probablement du musée originel d'Emile Posteaux à Orchies ; l'homme au canotier en bas est probablement une caricature de Maurice Chevalier ; ph J-P. Delhemme.

 

      Les nouveaux éléments communiqués par J-P. Delhemme me parvinrent alors qu'un mien article pour la revue (excellente) de Joël Cornuault, Des Pays habitables, numéro 5, était déjà à l'imprimerie, toute proche de la parution. Le timing n'était pas au rendez-vous...

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4e et 1ère de ouverture de la revue Des Pays habitables, où l'on peut détailler son sommaire à droite, avec l'annonce de mon article sur Posteaux.

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Pages finales de mon article dans la revue : "Emile Posteaux, chantre et rédempteur des vieux bouchons".

 

     Il faut donc que mes lecteurs fidèles du Poignard, si le sujet les intéresse, se procurent la revue – une des meilleures revues poétiques et littéraires du moment, soit dit en passant, en dépit de sa mise modeste, qui me rappelle la revue Plein Chant d'Edmond Thomas à laquelle moi, comme Cornuault du reste, avons collaboré par le passé – pour compléter leur information, à côté des quelques nouvelles illustrations que je donne ici, grâce à l'obligeance de M. J-P. Delhemme. Sur la revue Des Pays habitables, on pourra consulter la présentation rédigée par son auteur sous ce lien. Et pour se la procurer, voici comment faire... suivez les indications ci-dessous données à l'intérieur de la revue... On peut aussi aller faire un tour sur le site web de l'éditeur (La Brèche éditions).

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      Emile Posteaux, à ses heures de loisirs, dans les années 1930, se prit de passion pour les bouchons de Champagne dont il déplorait l'abandon funeste dans lequel on les rejetait, une fois qu'on les avait fait sauter du col des champenoises. Sans doute trouvait-il une analogie entre leur sort et celles des gens modestes comme lui. Au point de se mettre à les tailler, les ciseler, les ouvrager en faisant naître toute une galerie de tronches variées, campant des personnages de sa ville d'Orchies, la plupart du temps fort rubiconds...

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Quatre têtes, dont celle d'un pompier ; ph. et coll. J-P. Delhemme

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Photo de la famille Delhemme montrant Emile Posteaux en compagnie de sa femme, années 1930 ; archives J-P. Delhemme.

 

 

18/05/2022

Livio Sapotille à la Fabuloserie parisienne, un nouvel auteur d'art brut

     Je suis tombé personnellement sur les dessins de Livio Sapotille chez une responsable de l'Association EgArt, cette agence-interface qui gère les rapports entre les artistes "différents" et le monde des amateurs d'art. Tout de suite intrigué par la recherche qui se donnait immédiatement à voir sous mes yeux – une faune fantastique, hésitant entre réalité et merveilleux conjectural ou chimérique –, je me suis enquis de rencontrer l'auteur, qui se surnomme "Timale Gwada Connection" ("Le gars qui est en connexion avec la Guadeloupe"), et vit quelque part dans l'Yonne dans un Centre où il fréquente un atelier, et où il dessine surtout la nuit au secret de sa chambre, des insectes qui ont des têtes humaines, ou sont en passe de se métamorphoser, parfois en monstres aux allures lovecraftiennes.

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Livio Sapotille, titre non relevé par moi, crayon sur papier, 50 x 70 cm, 2020, © Patrice Bouvier. Exposé à la Fabuloserie-Paris.

 

       En amont, Sophie Bourbonnais, qui s'occupe, on le sait, outre de sa galerie parisienne, aussi de la Fabuloserie, formidable cabinet de curiosités singulières, à Dicy dans l'Yonne, non loin du Centre où vit Livio, avait été elle aussi captivée par les productions graphiques curieuses de Sapotille. Voici ce qu'elle a écrit à ce sujet :

       "J'ai eu la chance qu'une certaine Virginie me présente les œuvres d'un certain Livio, œuvres que j'ai tout de suite appréciées et souhaité exposer !

        Mais étant donné la situation de ce créateur, j'ai préféré solliciter l'association EgArt, qui protège les artistes différents quant à leur intégration au monde de l'art, et par là-même protège le galeriste !!!
      Je suis donc heureuse de vous présenter le bestiaire fabuleux de Livio Sapotille, en partenariat avec EgArt."
(Exposition du 14 mai au 11 juin 2022 à la galerie de la Fabuloserie-Paris, 52 rue Jacob, Paris VIe ardt).
 

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Le genre de livre qui inspire Livio sur sa table de travail ; ph. Bruno Montpied, 2021.

 

     Ce dernier se sert de livres bon marché d'entomologie où il va pêcher ses modèles ("pêcher" est le terme idoine, car il fait écho à ses souvenirs, quand il attrapait des crustacés d'eau douce dans les rivières près de Lamentin en Guadeloupe, ""L'île aux belles eaux").

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Livio Sapotille,  La Guadeloupe, l'île aux belles eaux, crayon graphite et crayons de couleur sur papier, collection de l'auteur, ph.B.M.

 

     Il dit que ce qu'il représente se trouve dans les images naturelles, et donc, si je comprends bien, qu'il n'invente rien. Il traduit seulement les illustrations des livres en couleur en des dessins noirs et blancs avec un crayon graphite (son outil de prédilection ; il a essayé la peinture, mais les résultats ne sont pas pour l'instant aussi concluants que ses dessins, parfois exécutés sur tissu...). Les visages, les déformations que l'on pourrait y voir, ils sont d'après lui inscrits dans les carapaces de ces bestioles. D'ailleurs, voyez les sphinx à tête de mort... Moi, je me dis alors que son regard est celui d'un voyant, qu'il voit plus loin que tout un chacun, même s'il est sur la voie d'une révélation à venir encore plus grande.

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Livio Sapotille, Lubellules demoiselles, 29,5 x 22 cm, crayon graphite sur papier, collection Fonds Art sans Exclusion.

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Livio Sapotille, La Casside tachée de rouille, crayon graphite sur papier, env. 50 x 30 cm, vers 2020. Exposé à la Fabuloserie- Paris

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Livio Sapotille, une autre version de la Casside tachée de rouille, avec en dessous un mufle de babiroussa et la gueule ouverte d'un hippoppotame., crayon sur papier, env 50 x 30 cm, 2019 ; ph. B.M. (dans l'atelier de Livio), 2021.

 

     C'est cela qui est fascinant avec ce créateur, le va-et-vient entre réel et perception intérieure. Il ne dessine pas que des animaux, il lui arrive aussi de réprésenter des humains, et l'on mesure peut-être plus encore dans ce genre de sujet l'écart qu'il opère entre réalisme et approche surréelle. Que l'on songe à son autoportrait, que l'on comparera aux portraits photographiques que j'ai réalisés de lui, dont je donne ci-dessous une version (une seconde photo ayant été insérée dans l'article que j'ai donné à Artension dans le n°173 de mai-juin actuel)...

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Livio Sapotille, Autoportrait, crayon sur papier, 32 x 38 cm, 2020 ; coll. Fonds Art sans Exclusion.

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Livio Sapotille, ph. B.M., 2021.

 

      S'aventurant plus loin dans cette voie de l'autoportrait, comment ne pas rester interdit et perplexe devant cette autre version, intitulée "Ma moitié", où l'on découvre un personnage scindé en deux : d'un côté, mi-homme aux chairs transparentes, laissant voir son squelette, tenant un long bâton d'insigne de la Franc-maçonnerie (pourquoi?), et mi-monstre poilu, muni de griffes, son sourire découvrant des crocs de carnassier... ?

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Livio Sapotille, Ma Moitié, 42 x 32 cm, crayon sur papier, 2020 ; coll. Fonds Art sans Exclusion.

 

      En parallèle, cependant, Livio Sapotille peut aussi s'attaquer à des œuvres aux formats et au contenu encore plus ambitieux, comme le prouve la composition ci-dessous, où l'on voit apparaître sirène et ondin de bonne proportion, à l'heure où fut prise la photo, pas encore achevée... Ici, on aborde le versant plus merveilleux de l'inspiration sapotillesque...

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Livio et Virginie (l'éducatrice animant l'atelier collectif fréquenté par Sapotille) tenant à bout de bras une œuvre en chantier, ph. B.M., 2021.

03/05/2022

"Trouvé sur le bord", la collection de Pavel Konečný vient faire un tour à Paris

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Couverture du dépliant édité à l'occasion de l'exposition, avec un texte de présentation de Terezie Zemánková (pas très bien traduit) et une mini bio de Pavel  Konečný.  

 

      Jusqu'au 5 juin, les amateurs d'art brut et d'art naïf tchèques (version populaire), passant par Paris et sa rive gauche, ou y résidant, pourront aller au Centre culturel tchèque qui se trouve rue Bonaparte, à deux pas de l'Ecole des Beaux-Arts, dans le VIe arrondissement, admirer de fort belles pièces prêtées par le collectionneur et ancien directeur du théâtre musical d'Olomouc, Pavel Konečný. C'est une petite sélection bien entendu, mais fort alléchante, que l'on peut voir actuellement au premier étage de ce Centre (le rez-de-chaussée étant occupé par une petite exposition de la galerie Arthur Borgnis, plus centrée sur des œuvres d'art brut tchèque, en deux dimensions, plus particulièrement dominée par des créateurs médiumniques, tels que Pecka ou Havlicek).

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Vue de la moitié de la salle consacrée à la sélection d'œuvres de la collection Konečný, ph. Bruno Montpied, 2022 ; dans le fond à gauche on aperçoit La Reine des eaux.

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Václáv Beránek, La Reine des eaux, 1972, ph. B.M., 2022 ; c'est la représentation d'un naufrage et de l'accueil rendu par les sirènes aux noyés, tandis que les survivants s'éloignent en barque en haut à droite...

 

     La totalité de la collection de Konečný comprenant 700 pièces, il n'était évidemment pas possible d'envisager autre chose à Paris, dans le petit espace disponible au centre culturel tchèque, qu'en extraire une petite sélection. Cette dernière est illuminée par la présentation en majesté de la très grande toile de Václav Beránek, La Reine des eaux (1972). Celui-ci est un artiste que  mes lecteurs ont pu déjà rencontrer sur ce blog, grâce à la note en deux parties, due à Emmanuel Boussuge, qui s'évertuait à nous présenter au mieux l'artiste en question, peu connu de ce côté de l'Europe (comme tant d'autres artistes des pays d'Europe centrale ou de l'Est appartenant pourtant autant à ce continent que ceux de l'Ouest), alors qu'il est très attachant, illustrant à merveille un art naïf de type onirique et visionnaire.

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Tableau de Václáv Beránek, de 1981, un qui n'était pas dans la note du blog citée plus haut... Ph. B.M., 2022.

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Autre partie de la salle d'exposition, avec une table au premier plan supportant diverses sculptures d'auteurs multiples: Andrej Hankovský, Ján Hadnagy, Vincenc Jahn, etc.

 

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Jan Labuda, un couple, avec une femme l'épaule couronnée d'une chouette, ph. B.M., 2022.

 

       C'est en effet tout le mérite de M. Konečný que de n'opérer aucune hiérarchisation – au rebours d'un Jean Dubuffet avec son art brut, selon lui plus mirifique que tout le reste de la créativité autodidacte – entre art brut, art naïf (de qualité onirique), et art populaire, n'hésitant pas non plus à y inclure des créations de plein air dues à des inspirés du bord des routes tchèques ou slovaques. De la figuration liée à la perception rétinienne, où entre pour beaucoup une distorsion due à l'interprétation subjective propre à chaque artiste, jusqu'au détachement presque complet, quasi "abstrait", d'un graphisme inventé, tel qu'Anna Zemankova, présente sur un mur de l'exposition, l'illustre parfaitement avec sa "botanique" parallèle, la collection de Pavel Konečný, commencée dès 1972, nous offre un bel éventail non orthodoxe de la créativité autodidacte.

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Martin Sabaka, "habitant-paysagiste" slovaque à Východná, photo Alan Hyža, 2014.

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Pavel Konečný édite toute une série de petits livres d'art consacrés à certains auteurs qui sont dans sa collection, ou pas ; il est également l'auteur d'un Atlas de l'art spontané que je n'ai hélas pas pu consulter (on trouve cependant sur le net le sommaire, et l'on peut ainsi constater qu'on y parle de Vaclav Levy que mon blog a déjà évoqué, en 2007, soit dès la première année de création de ce blog...)

 

      A signaler qu'il est également l'organisateur depuis quelques années (depuis 2012 exactement) d'un festival de films autour de l'art brut basé à Olomouc (une sorte de festival analogue à celui qu'organise l'association Hors-Champ à Nice à la fin du mois de mai – voir ici pour le programme de cette année), où il vit, où fut projeté il y a quelque temps le film Bricoleurs de paradis que j'ai écrit avec Remy Ricordeau. Autre information du reste, puisque l'occasion se présente de parler de ce dernier, notre film est à présent disponible en entier, gratuitement sur Youtube: https://youtu.be/8nNcORjRUZA ; à noter que le film commence aléatoirement – en tout cas pas au début réel du film –, mais il est possible de déplacer le curseur en remontant à son véritable départ heureusement).

 

09/04/2022

D'où ça sort, ça encore?

       Voici une petite sculpture, 22 cm de haut environ, taillée dans du bois, du bouleau peut-être, rencontrée récemment. D'après vous, chers amis internautes, quelle peut être sa provenance? Son auteur? La culture d'origine? Je m'interroge...

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De face...

 

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De profil (un vague souvenir de l'île de Pâques?).

28/03/2022

"Les Solèls de Jacques Trovic", un film en préparation

      Cela fait un bout de temps que la réalisatrice Francine Auger-Rey m'a parlé de son projet de film sur Jacques Trovic, ce brodeur et "tapissier" autodidacte dont j'ai déjà parlé ici (en particulier pour annoncer sa disparition en 2018), que j'avais rencontré une seule fois personnellement, à Anzin, sa ville natale, en compagnie de Juliette et Jean-Louis Cerisier en 2009. Ce film, intitulé les Solèls de Jacques Trovic, long de 70 minutes, devrait bientôt sortir. Les "solèls", mot de patois du Nord, la région à laquelle Trovic était profondément attaché, renvoie aux soleils par lesquels il commençait toujours ses oeuvres en patchworks multicolores, sans doute – comme on le devine – parce que l'astre en question espaçait par trop ses apparitions dans ce pays de mines...

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Jacques Trovic, Combat de coqs, 1994, vue prise à l'exposition "Sur le Fil", à la Folie Wazemmes, à Lille, en 2009, ph. Bruno Montpied.

 

     Francine Auger-Rey a confectioné un site internet où l'internaute intéressé trouvera toutes sortes d'informations, et pourra également particper financièrement à la production du film: https:

//docu-solels-de-trovic.org/

       Pour ceux qui ne voudront pas prendre le temps de suivre ce lien, voici le résumé du projet filmique que m'avait transmis la réalisatrice il y a quelque temps:

Résumé du documentaire de création :  ″Les Solèls“ de Jacques Trovic

Ce documentaire raconte l’histoire d’un homme né en 1948 dans une ville du Nord : Anzin, cité de la fin des mines et de la sidérurgie moribonde. Dès l’adolescence, sur la table de la cuisine obscure de sa maison de coron,  il fait jaillir, malgré ses entraves et son milieu rude et modeste, une œuvre lumineuse et colorée. Ses mosaïques, ses tapisseries composées de patchworks et de broderies montrent un univers joyeux dont Trovic pressent qu’il est en train de s’éteindre. Son handicap, son épilepsie ont-ils été la circonstance fondatrice de son œuvre mais aussi ce qui brisa douloureusement son aspiration à rejoindre la communauté humaine ordinaire ? Cette tension sera, avec son indéfectible attachement à l’histoire, la culture, de son Nord natal, au cœur de la problématique de ce documentaire.

 

25/03/2022

Une représentation de la Vierge par un artiste de la Côte d'Ivoire en 1931

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       Lorsque je cherche des cartes postales qui pourraient me révéler un site ou un environnement créatif ancien, il m'arrive de tomber, à la faveur de recherches par mots-clés notamment, sur des cartes aux images insolites, même si n'appartenant pas à mon cœur de cible... 

       Tel fut le cas avec la carte ci-dessus, montrant très lumineusement, avec la clarté de l'évidence, une représentation de la Sainte-Vierge par un "artisan" de la Côte d'Ivoire. Elle fait partie peut-être d'une série de cartes éditées à l'occasion de l'exposition coloniale de 1931 à Lyon, comme il est dit dans l'en-tête de la carte.

          Elle me frappe cette petite (?) effigie, par l'innocence de son expression et la stylisation de sa forme. La cape double qui la couvre totalement l'enserre, au point que l'artiste qui l'a façonnée, ayant besoin de lui mettre des bras, a projetés ces derniers vers l'avant, comme si elle s'apprêtait à une imposition magique des mains. Toute son allure me fait penser à celle d'une enfant, ce qui ne participait pas de l'intention consciente de l'artiste bien sûr. Où cette statuette se retrouve-t-elle à présent? A-t-elle été conservée par le musée des Confluences à Lyon?

          Et peut-on la ranger dans ce que l'on appelle "l'art colon", cet ensemble de représentations sculptées montrant des personnages faisant écho aux costumes de l'époque coloniale, longtemps méprisés par les marchands et les collectionneurs d'art dit primitif ou premier, qui ne les jugeaient pas assez "authentiques"? Alain Weill, dans son récent livre intitulé "L'Art dit Colon" (chez Albin Michel, en 2021, il est sous-titré "Un aspect méconnu de l'art africain"), reprend une définition de Denise et Michel Meymet, de Lyon, qui dans leur livre sur leur collection (Art  colon, Musée des Confluences/Fage Éditions, Lyon, 2013), écrivent ceci: "L'art colon n'est ni un art de rupture, ni un art qui a dégénéré à force de contamination. Il représente la part de l'art africain qui s'est adaptée pour assurer la survie du monde traditionnel." Alain Weill souligne, dans son propre ouvrage, que cet art, pendant longtemps, ne fut pas recherché par les collectionneurs occidentaux, et qu'il faut le distinguer de l'art pour touristes, dit "art d'aéroport". C'est un ensemble d'objets faits par des artistes africains pour d'autres Africains, des oeuvres d'art tout court, reprenant des thèmes et des styles traditionnels présents dans l'art des fétiches des temps plus anciens. Personnellement, cette mutation artistique me paraît assez analogue aux mutations qui sont intervenues de l'art populaire occidental aux formes artistiques plus individualisées du XXe siècle rangées tantôt dans l'art naïf, tantôt dans l'art brut (dans une partie de l'art brut, d'inspiration populaire, celle qui me retient personnellement davantage).

      Ici, cette représentation, liée à la religion chrétienne exportée par les Occidentaux, me paraît rattachable à l'art dit colon, dans une acception plus religieuse, ce qui ne m'a pas paru jusqu'à présent bien évoquée dans les différents ouvrages consacrés à ce corpus (de même dans les livres consacrés, par Nicolas Menut, parfois avec la collaboration d'Alain Weill, aux représentations de l'homme blanc dans les arts non occidentaux, dont l'art africain).

03/03/2022

"Las Pinturitas" exposée à la Galerie du Moineau Ecarlate

      Son nom complet est Maria Angeles Fernandez Cuesta, dite "Las Pinturitas", que l'on a tendance à présent à corriger en "La" Pinturitas" (ce qui est commettre une faute d'accord en nombre, d'après ce que je connais de la langue espagnole). Maria "Les Petites Peintures", connue pour le bâtiment désaffecté qu'elle repeignait sans cesse à Arguedas, non loin du pays Basque, durant les récents confinements, n'a pu se rendre sur son chantier favori, temporairement, et a orienté en conséquence sa peinture vers des supports transportables, des panneaux de bois, qu'elle a recouverts recto-verso, et du papier sur lequel elle s'est prise de passion pour le dessin, à l'aide de crayons de couleur.

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      On retrouve apparemment dans ses peintures sur bois le même côté "Street art" brut qui a fait sa notoriété. En France, c'est le photographe Hervé Couton, basé à Montauban, qui l'a fait connaître en publiant un bel album de photographies sur ses peintures murales: La Pinturitas, Hervé Couton, éditions Alpas (les Amis de La Pinturitas d'Arguedas), en février 2018. J'en ai parlé en son temps, et à diverses reprises.

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Photo Hervé Couton.

 

       La Galerie du Moineau Ecarlate, sise au 82 de la jolie et pittoresque rue des Cascades, à Belleville (Paris XXe ardt), organise du 5 mars au 14 mai une expo, intitulée "Todo borra con blanco, peintures et dessins", avec une sélection de ses travaux récents, en même temps que seront exposées des photos d'Hervé Couton pour permettre au visiteur de comprendre le contexte de cette production insolite. Qu'on se le dise...

 

Bande-annonce contextualisante de l'expo de la Galerie du Moineau Ecarlate...

21/02/2022

Epouvantail plus que girouette, c'est-à-dire "pignols"

     J'aime infiniment les épouvantails, leurs silhouettes sur le ciel d'orage, loques au vent, l'air désolé, pour ne pas dire piteux, regrettant leur condition, eux que l'on a placés par tous les temps dans les champs, et qui n'effraient pas les oiseaux, les corbeaux venant jusqu'à prendre la pose sur leurs épaules, les gratifiant à l'occasion d'un trait de fiente sur leurs pardessus déchiquetés.

    Parmi eux, on peut distinguer une sous-catégorie, les épouvantails à pales, sièges d'un mouvement censé épouvanter les moinillons, un mouvement et peut-être aussi quelques éclairs de lumière réverbérée suite aux rayons du soleil. Une ancienne carte postale m'a récemment fait découvrir qu'on les appelait du côté de la Bretagne, à un moment, des "pignols". Je ne sais d'où vient le mot qui ne sonne pas bien breton, a priori.

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D'après l'éditeur de la carte, les pignols seraient des "sortes de girouettes pour effrayer les oiseaux"... Cela s'appelle en bon français des épouvantails, monsieur l'éditeur (sans doute l'Hamonic signalé dans le coin supérieur droit de la carte) ; coll. Bruno Montpied.

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Le sculpteur réjoui, un de ses "enfants", un marin apparemment, entre ses mains, et sa femme, prenant le frais parmi d'autres réalisations, Plouigneau (Finistère).

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Un évêque et un autre marin.

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Deux autres personnages que j'identifie moins bien (peut-être un meunier à droite)...

 

      C'est assez rare de pouvoir voir à quoi ressemblaient les fabricants d'épouvantail, à quelle classe sociale ils appartenaient (du moins en ce qui concerne les véritables épouvantails destinés à faire fuir la gent ailée, et non pas les épouvantails artistiques, participant à des concours de néo-ruraux¹). C'est pourquoi j'ai également récemment acquis une autre carte, plus moderne, en couleur, affichant un de ces artefacts en compagnie de son "Gepetto", un certain Yves Guérin, capté en Eure-et-Loir en 1989.

Fabricant d'épouvantail en Bretagne.jpg

Coll. B.M.

 

     Mais, pour ne pas quitter les épouvantails à pales, il m'est revenu que je possédais aussi depuis très longtemps une autre carte, éditée autrefois par le Musée Rural des Arts Populaires de Laduz (dans l'Yonne), présentant là aussi un de ces mêmes épouvantails aux "bras" tournoyant.

Epouvantail a pales, musee de Laduz (2).jpg

Un autre épouvantail à pales, peut-être plus élaboré que ceux de Plouigneau, appartenant à la collection Humbert, Musée Rural des Arts Populaires, Laduz ; carte postale coll. B.M.

 

     Il fait partie des collections extraordinaires de ce musée, hélas fermé depuis deux ans, Jacqueline Humbert, qui le tenait à bout de bras quasiment seule (pendant les 32 années qui ont suivi la disparition de son mari, Raymond Humbert), ne pouvant plus s'en occuper. L'avenir de cette collection, qui enchanta nombre de générations d'amateurs de poésie rurale et insolite, paraît désormais très incertain. On aimerait en recevoir de meilleures nouvelles.

_____

¹ Je ne range bien sûr pas dans les épouvantails proprets des néo-ruraux ceux qu'élabore Denise Chalvet sur les pentes de l'Aubrac, à Rimeizenc exactement. Là, ses centaines de créatures plantées sur une colline ou stockées densément dans une grange et une étable, relèvent plutôt  de l'art rustique moderne, dont se prévalait Gaston Chaissac, qui inventa le terme pour qualifier sa propre production, et pour se distinguer de l'art brut de son ami Dubuffet.

02/02/2022

Dictionnaire du Poignard Subtil

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Professionnel (de l'art):

      "Il n'y a rien de pire que de vivre comme un professionnel. Imaginez un poète qui écrit des poèmes en se demandant s'il peut faire appel à un éditeur pour obtenir des droits d'auteur et combien. C'est une destinée terrible qu'en tant que peintre, j'ai toujours essayé d'éviter. Il n'y a rien de pire que de tenir mon pinceau et de penser à celui qui achètera ma peinture. Qu'est-ce que j'éprouve alors? De l'inquiétude et non de la joie. C'est là que la peinture s'arrête et que commence le commerce. En peignant, en m'amusant, en étant heureux, je donne une fête pour moi-même. Tout le reste est une affaire de corruption, de liquidation, de prostitution. Il n'y a pas de différences lorsqu'une femme se maquille pour sortir dans la rue ou en boîte de nuit et trouver un client. C'est la même chose que fait le "professionnel" qui pense à vendre et être séduisant."

     ( Slavko Kopac, extrait d'un entretien avec Mirko Galić, publié dans Fabrice Flahutez, Pauline Goutain, Roberta Trapani, Slavko Kopac, éd. Gallimard, janvier 2022).

14/01/2022

La cabane d'Antoine Rabany retrouve son charme d'antan...

       Sur ce blog, je donne régulièrement des nouvelles de mes recherches et de leurs résultats à propos du jardin de sculptures d'Antoine Rabany à Chambon-sur-Lac (Puy-de-Dôme) que j'avais initiés en avril 2018 sur ce blog (et aussi, au préalable, dans mon livre Le Gazouillis des éléphants, à l'automne 2017). Pour cela, il faut me suivre aussi du côté des éditions sur papier. J'ai publié en effet divers résumés et éléments nouveaux dans Viridis Candela (la revue du Collège de 'Pataphysique), OOA (revue sicilienne), Raw Vision, et enfin dans le catalogue de l'exposition sur les Barbus Müller en 2020 au Musée Barbier-Mueller qui faisait état de nouveaux éléments concernant ce travail d'élucidation consacré aux origines des sculptures en lave appelées en 1946 par Dubuffet "Barbus Müller".

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Vue du jardin d'Antoine Rabany, tirage papier d'après un cliché-verre, années 1900, provenance archives du photographe Goldner ; coll. Bruno Montpied ; le chaume qui couvrait la cabane carrée fut remplacé par la suite par des ardoises.

 

      Après avoir découvert, en particulier, qu'il restait une sculpture incrustée dans les murs de l'ancienne maison d'Antoine Rabany dans le bourg, j'étais allé rencontrer le propriétaire de la maison pour lui apprendre l'origine de cette sculpture. C'était risqué... Il aurait pu s'affoler du prix atteint par les Barbus Müller sur le marché de l'art brut. Au lieu de cela, il eut la réaction d'un homme qui comprenait qu'il y avait là une trace précieuse d'un patrimoine oublié de Chambon, par sa rareté sur place, les autres sculptures de Rabany étant parties depuis le début du XXe siècle dans toutes les directions grâce, ou à cause, des différents antiquaires et marchands à qui Rabany avait vendu, en bon Auvergnat qu'il était, sa production (ce qui le distingue des créateurs d'environnements spontanés français qui vendent rarement leurs oeuvres en plein air, contrairement aux patenteux québécois qui s'installaient des échoppes en lisière de leurs environnements, dans les années 1970). Justement, une nouvelle équipe municipale, arrivée au pouvoir  l'année suivante, se montrait favorable à une revitalisation de la communication autour de ces questions de patrimoine à Chambon-sur-Lac. Quelques vedettes de l'histoire de l'art avaient fréquenté Chambon-sur-Lac, comme par exemple Marc Chagall dans les années 1920 (il a loupé les statues de Rabany de peu, ce dernier étant mort en 1919, et son jardin étant probablement déjà vidé à cette date (à voir?))... Pourquoi ne pas faire valoir ces visiteurs historiques auprès des amateurs de tourisme culturel, se dirent les nouveaux édiles. Du coup, l'histoire d'Antoine Rabany, sculpteur des "Barbus Müller" à l'origine de l'art brut en 1945, les intéressa immédiatement. Au point de vouloir valoriser l'ancien site de stockage des sculptures (et peut-être aussi de production: le jardin servait peut-être d'atelier d'été à Rabany?).

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Nouvel état de la cabane d'Antoine Rabany, en 2021 ; il y a eu aussi un déblaiement de la terre autour de l'édifice, afin de restituer sa véritable hauteur du temps de Rabany ; il y  a eu aussi fouille dans les amas de pierres situés aux alentour de la cabane pour retrouver des fragments de sculpture abandonnés là par le sculpteur.

Vestige d'une pile ou socle de Barbu ptêt (2).jpg

Vestige avec des cannelures ou stries, peut-être un fragment de sculpture, que j'avais photographié en mars 2018, lors de ma première visite du site en compagnie de mon camarade Régis Gayraud ; j'avais eu donc la même idée que  l'équipe municipale (à venir à cette époque), retrouver des vestiges, des traces sur place, dans l'espoir de restituer au maximum ce qui pouvait rester sur place du passage du sculpteur des "Barbus Müller" ; ph B.M.

 

       J'ai rencontré à l'automne dernier, dans le cadre d'un projet en cours, dont je parlerai plus tard dans l'année, cette dynamique équipe municipale réunie autour de son maire, Emmanuel Labasse. Et j'ai découvert les travaux qu'ils avaient choisi d'entreprendre, comme la remise en chaume du toit de la cabane de l'ex-jardin d'Antoine Rabany, que la municipalité a racheté dans l'idée d'en faire un lieu de mémoire lié à ce sculpteur longtemps oublié de ses concitoyens. On voit ci-dessus le résultat dont le maire vient de m'envoyer la photo. C'est évidemment très neuf, et donc un peu trop raide, mais avec le temps, tout cela s'assouplira et prendra une inévitable patine.

16/11/2021

Un livre magnifique sur Pierre Albasser, le "retraité qui dessine"

Cette note a fait l'objet d'une mise à jour et d'un remaniement le 2 décembre 2021.

 

       Les Emballements de Pierre Albasser, ça s'intitule. Que voilà une très belle réussite des éditions Le Temps Qu'il Fait, qui nous a habitués à sortir de très beaux ouvrages, rien qu'au niveau formel déjà. Et aussi du point de vue du contenu, par exemple ce Sentiment des rues de cet écrivain secret et délectable qui a pour nom Joël Cornuault, paru en 2017.

    Il s'agit ici d'une monographie consacrée à un de nos Singuliers, lointain surgeon de Gaston Chaissac dont il se distingue bien entendu, ne serait-ce déjà que par le choix exclusif et particulier de ses supports et de ses outils (supports: cartons d'emballage de toutes sortes, loin d'être seulement d'origine alimentaire, puisque "TOUT emballage en carton compact du ménage est exploité, avec des cartons de mouchoirs, de pâte dentifrice, de collyres, de chaussettes, de ruban adhésif" (GEHA), cartons qui sont déployés soigneusement à plat ; outils: feutres, marqueurs usagés, encre d'imprimante, fournitures d'occasion diverses...), mais aussi dont il participe par un graphisme ultra stylisé, par son goût des traits cerneurs et des formes emboîtées, et aussi par son goût d'expérimenter et de son refus de se répéter.

       C'est pourquoi j'ai choisi de donner un texte à ce beau projet de monographie, Pierre Albasser, un enfant caché de Chaissac, un texte qui en recombine deux autres, parus respectivement, en 1999 dans la revue Création Franche (un des tout premiers textes, si ce n'est le premier, qui parut sur Albasser, suite à sa participation à l'expo automnale du Musée de la Création franche), et en 2021, dans le magazine Artension, textes que j'ai remaniés pour l'occasion.

 

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Pierre Albasser emballé par ses Emballements, photo GEHA, octobre 2021.

 

       Alors, bien sûr, on va me dire "vous en dites du bien du livre sur Albasser, parce que vous avez écrit dedans..." Mais n'est-ce  pas naturel? Si j 'y ai participé c'est que j'y croyais... De plus, je ne me sens pas toujours obligé de parler de tout ce à quoi je participe (quelquefois même, je serais tenté de critiquer certains "contenants" si la courtoisie de ne me retenait pas). Si j'écris sur tel ou tel sujet c'est par passion et engouement. Il est normal d'en répercuter partout la manifestation, surtout lorsque la publication ne bénéficiera à l'évidence pas de "publicité". A force d'y penser, du reste, je crois que je mettrai bientôt en ligne ma bibliographie de textes récents, pour embêter tous ceux qui pourront me traiter de narcissique.

      Je ne suis pas seul dans cet ouvrage à donner des textes, il en est d'autres : en premier, GEHA, l'épouse impresario-archiviste-artiste postal, mais aussi Denis Montebello, Pascal Rigeade, Anna Rozen (très bien son texte, très-très bien), Isabelle Lollivier (responsable de la revue Santé mentale, où Albasser a donné plusieurs illustrations, une vingtaine par numéro ; comme il a participé à huit de leurs numéros, calculez combien ça fait d'illustrations...), Bernard Ruhaud, Dino Menozzi, Peter Bolliger... Et Georges Monti, l'éditeur, qui nous livre un bel entretien avec Pierre et Gudrun Albasser, à la fin, qui m'a bien amusé, en constatant l'assurance de Pierre pour répondre à Monti (et à Gudrun qui cherche "traîtreusement" à l'entraîner sur cette pente de l'AAAArt) que décidément, non, ce n'est pas une coquetterie s'il ne se présente pas comme "artiste", mais simplement comme un "retraité qui dessine".

      Pierre Albasser est souvent en vente sur e-bay ou dans les ventes aux enchères d'art contemporain (que je trouve personnellement calamiteuses) organisées régulièrement à Drouot, et je trouve depuis longtemps que cela nuit à la correcte appréciation de ses expérimentations et autres travaux, car les œuvrettes qu'il y dépose sont loin d'être ses meilleures. J'ai même parfois l'impression qu'il y distille un peu ses "fonds de tiroir". Et cela donne à la longue une image un peu pâle, réductrice, et finalement mensongère de sa production (j'en connais même qui, ne connaissant que ces images visibles sur tous les écrans du Net, mésestiment grandement Albasser). Or, la magnifique monographie des éditions Le temps qu'il fait constitue un éclatant démenti face à ce genre de fausse impression. On y trouvera des reproductions (de très belle qualité d'impression : décidément, bravo à l'éditeur) de ses travaux les plus aboutis, d'une grande variété, et, en même temps, d'une grande unité de signature. Je donne deux exemples ci-dessous de double-page.

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Pp 72-73 et pp108-109 des Emballements de Pierre Albasser au Temps Qu'il Fait.

 

      A parcourir ce bel album d'images, j'en retire la conviction que l'impresario (impresaria?) de Pierre, la nommée Gudrun, avait mis  de côté depuis longtemps les meilleurs crus de son cher et tendre "elfe" (moi, je disais lutin, mais d'autres le qualifient d'elfe ; va falloir qu'il se fasse tailler les oreilles en pointe pour être à la hauteur du qualificatif), comme lorsqu'on garde des millésimes pour les grandes occasions.

Le livre (144 p., 100 illustrations couleur) sera disponible dans toutes les bonnes librairies à partir du 22 novembre prochain. Voir le site de l'éditeur.

24/10/2021

Hamid Aït Dadda et Jaber Al Mahjoub, si ce dernier s'en va, le premier est toujours là

        Jaber était très connu des Parisiens qui croisaient autour de Beaubourg, du moins à une époque, quand il y faisait de la musique sur les trottoirs. Il était aussi connu du petit milieu des amateurs d'art singulier ou brut (difficile de le classer dans l'une ou l'autre catégorie). Il était amusant de noter aussi tous les endroits improbables (j'avais fait une note à ce sujet) où il avait réussi à se faire exposer, jouant probablement de sa faconde, séduisant par son épate. Il avait un côté camelot déjanté en effet, le Jaber.

     Après avoir vécu ces dernières années, d'après ce qu'il s'en disait, dans des conditions matérielles difficiles tout en étant âgé (il avait 83 ans, puisqu'il était né en 1938), il est parti ce 21 octobre, juste après que la Fabuloserie-Paris lui a consacré une petite exposition au vernissage de laquelle, paraît-il, il n'avait pu se rendre ; elle est prolongée au 1er étage de la galerie jusqu'à une date indéterminée pour le moment, en parallèle de celle qui débutait ce samedi 23 octobre, consacrée au créateur brut marocain Hamid Aït Dadda, prévue pour se terminer, elle, le 27 novembre. On trouvera sur Jaber nombre de renseignements, par exemple sur le site de la Collection Cérès Franco, installée à Montolieu (cette dernière l'ayant exposé dans les tout premiers, et ayant de ce fait acquis des œuvres de très bonne qualité, comme on pourra s'en convaincre aisément ici ; en effet, ce n'est pas faire injure à sa mémoire que d'avancer que les productions de Jaber avaient un peu perdu en inspiration dès les années 2000, je trouve, sauf exceptions). On trouvera également des pistes dans les deux livres qui lui avaient été récemment consacrés (disponibles à la librairie de la Halle Saint-Pierre).

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Jaber, sans titre, plâtre peint à la gouache et plexiglas, 46 x 43 cm, Collection Cérès Franco 162.

 

      Toujours vivant, lui, est présenté à la Fabuloserie-Paris donc – en collaboration avec la galerie Escale Nomad de Philippe Saada, qui le défend depuis plusieurs années (en compagnie d'autres artistes d'Essaouira au Maroc, comme Mohamed Babahoum, Asmah ou encore Ahmed Gnidila) –, Hamid Aït Dadda, âgé de 92 ans...

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Etrange portrait d'Hamid Aït Dadda, photo Escale Nomad/Fabuloserie.

 

      Voici quelques mots de présentation tels qu'ils se présentent sur le site de la Fabuloserie:

       "Agé de 92 ans. Né dans la région d’Essaouira, de la tribu des Haha, Hamid vient d’une famille assez aisée. Très affecté par la mort de sa mère, il souffre du remariage de son père et ne se sent pas de vivre avec sa nouvelle famille.

       Très jeune, il quitte donc le foyer pour aller à Essaouira, puis voyager dans les grandes villes du Maroc. Il vit de petits boulots : marchand, vendeur de rue…

         Grâce à ses voyages et à son retour à Essaouira, où vivent de nombreux étrangers, il apprend le français, l’espagnol, l’anglais et le portugais, ce qui lui permet de devenir guide touristique.

       Tous les visages, qui reviennent de façon obsessionnelle, sont les gens qu’il croise dans les rues et qui se moquent de lui. "

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Œuvres reproduites sur le site de la Fabuloserie

 

       Cette remarque sur les moqueries des passants à son égard, très touchantes je trouve, et ne grandissant pas ceux qui les profèrent, a tout l'air d'un leitmotiv:

    "Aït Dada est un homme intelligent, discret, qui s’est fait lui-même et qui a toujours été la risée des habitants d’Essaouira, ce dont il souffre. Il traîne sa douleur de vivre..."

     Les différents peintres d'Essaouira – j'en ai souvent causé ici – sont toujours aussi passionnants à prospecter. J'ai acquis personnellement, il y a quelques années, deux œuvres d'Aït Dadda. Je les mets en ligne ci-dessous.

 

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Hamid Aït Dadda, sans titre, 26x23 cm, peinture sur carton, ph. et coll. Bruno Montpied.

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Hamid Aït Dadda (à noter que dans sa signature, Hamid ne met pas toujours deux D à son patronyme, son orthographe en caractères romains n'étant pas nécessairement fixée), ss titre, 28 x 20 cm, sd (années 2010), ph. et coll. B.M.

 

LA FABULOSERIE-PARIS. 52 rue Jacob 75006 - 01 42 60 84 23. Du mercredi au samedi 14h - 19h. fabuloserie.paris@gmail.com

13/10/2021

Info-miettes (39)

       Encore des Info-miettes, va-t-on me dire... Mais c'est qu'ils se passe des choses, des expos, des salons, des publications... Alors, j'ai préféré diviser les sous-notes en plusieurs notes. Deuxième brassée ci-dessous:

 

Yves Elléouët, à la Galerie Plein-Jour, Douarnenez

      Le vernissage de cette exposition du poète et peintre Elléouët (1932-1975), que l'on associe au surréalisme, aura lieu le 16 octobre, en présence d'Aube Breton-Elléouët et Oona Elléouët. L'expo est  prévue pour durer du 16 octobre au 28 novembre 2021. On trouvera plus d'information (le dossier de presse en particulier) à cette adresse: www.galeriepleinjour.fr/yves-elleouet

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Yves Elléouët, une peinture de 1958.

 

Galerie Plein-Jour, 4 rue Eugène Kérivel, 29100 Douarnenez. Tél: 07 81 73 41 85.

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Janet Sobel à la Galerie de Toutes Choses (Gallery of Everything)

      Montrée en France à l'occasion du premier salon d'art outsider tenu à l'Hôtel le A (voir ma note de l'époque ici) en 2013, Janet Sobel (1893-1968), précurseuse de l'expressionnisme abstrait et du dripping de Jackson Pollock, revient en Europe, à Londres plus précisément, du 10 octobre au 14 novembre, à la galerie de James Brett et affidés, avec d'autres femmes créatrices (dont Unica Zürn, Hilma af Klint, Emma Kunz,Anna Zemánková, ou bien Judith Scott), ainsi que dans le salon Frieze Masters qui se tient dans Regent's Park (mais dans ce lieu un peu moins longtemps, des peintures de Sobel seront exposées du 13 au 17 octobre). On aura plus de renseignements sur le site de la Gallery of Everything.

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Janet Sobel, sans titre, huile sur cannage sur panneau, 76,5 x 56,3 cm, visuel Gallery of Everything.

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Escale Nomad, nouvelle exposition entre République et Strasbourg-Saint-Denis

     Pas d'Outsider Art fair cet automne, suite sans doute aux incertitudes qui pesaient en début d'année sur les mois d'automne quant à la possibilité de monter cette foire avec de nombreuses galeries à contacter (de plus, n'y aurait-il pas quelque vent de fronde chez certains galeristes trouvant la place bien chère...?). Certaines galeries d'art brut (Berst, Ritsch-Fisch) se tournent vers la FIAC qui elle se tient aux dates prévues. Cependant, il se murmure que l'Outsider Art Fair ne serait pas remise non plus aux calendes grecques, ce serait pour le printemps prochain, après tout, une saison plus en rapport avec l'éternelle jeunesse des pulsions brutes...

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Vue de certaines oeuvres proposées par Escale Nomad.

     D'autres, en attendant cette foire printanière, font cavalier seul durant l'automne, comme Escale Nomad de Philippe Saada qui revient présenter ses découvertes d'art brut d'un peu partout à côté des poulains auxquels il reste fidèle (Babahoum). Ce sera du 14 (demain) au 24 octobre, à la Galerie L'Œil Bleu.

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Galerie l’OEIL BLEU, 32 rue Notre-Dame de Nazareth, 75003 (Métro République ou Arts et Métiers). Apparemment, c'est tous les jours...

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Et la Galerie Pol Lemétais revient chez Soulié d'un bon pas

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      Pour sa part Pol Lemétais proposera aussi un large éventail de créateurs et artistes (Noviadi Angkasapura, Anselm Boix-Vives, Kenneth Brown, Jean Crié, Darédo, Olivier Daunat, Paul Duhem, Anaïs Eychenne, Madge Gill, Daniel Gonçalves, Johann Hauser, Alain Kieffer, Dwight Mackintosh, Mina Mond, Friedrich Schröder-Sonnenstern, Lewis Smith, Henry Speller, Carter Todd, August Walla, Scottie Wilson, Zefrino, Carlo Zinelli...), du lundi 18 au dimanche 24 octobre 2021 dans le local de la Galerie Béatrice Soulié (21 rue Guénégaud 75006 Paris), de 13h à 20h, et sur rendez-vous.

Pol Lemétais, tél : 06 72 95 60 18. http://www.lemetais.com

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Alcheringa n°2
 
       Quésaco "Alcheringa"? C'est le "temps du rêve" en langue des Aborigènes en Australie. Alors, bien sûr, ça sonnait mieux, pour ces passionnés d'alchimie, de jeux en secret, que sont les Surréalistes du Groupe de Paris, d'utiliser ce terme inconnu du grand public que, tout simplement, "Le temps du rêve". Moi j'aurais trouvé ces derniers termes plus directs pourtant, parlant à tout un chacun  par ici, davantage que le mot emprunté aux Aborigènes. Mais le groupe est particulièrement lié avec d'autres groupes à l'étranger (tchèque, anglais, canadien...) et garde une perspective internationaliste. Ceci explique cela entre autres  dans le choix du titre, probablement.
 

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Alcheringa n°2, sous titré 'Le surréalisme aujourd'hui", été 2021.

 
        Le numéro 2 est sorti, après un n°1 sorti aussi confidentiellement en janvier 2019. C'est peut-être une revue qui revient comme une biennale, alors? Ce numéro est plus copieux que le précédent, puis qu'il fait 119 pages quand l'autre en faisait 48. Au sommaire, plusieurs témoignages d'une très grande sensibilité en hommage à Michel Zimbacca (1924-2021), poète, cinéaste, artiste, qui vient de nous quitter après sept décennies de surréalisme, aux œuvres révélées tardivement, qui aimait inventer des mots nouveaux pour des sens existant mais oubliés dans le vocabulaire, et qui aimait jouer, créer en expérimentant de nouvelles voies. Il était, comme me l'avait décrit d'un seul mot un jour Marie-Dominique Massoni, d'un grand raffinement. Aussi au sommaire des poèmes, des textes de soutien aux Gilets jaunes (Guy Girard), une enquête sur le rêve dont les réponses non publiées sont résumées par Joël Gayraud. Personnellement, j'ai donné un entretien avec un artiste en marge, Gilles Manero, entretien qui vient en contrepoint avec l'article que je lui avais également consacré dans le magazine Artension (« Gilles Manero, un monde hanté d’oiseaux », Artension n°158, novembre-décembre 2019). Et puis un court article où je qualifie la nébuleuse d'expositions et de publications du groupe Hey! (aujourd'hui mené apparemment par une seule personne) d'imposture quant à la défense du merveilleux en poésie et art. Pour donner une idée de ce sommaire, autant donner ci-dessous son scan.
 

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     Pour se procurer la revue (tirée à 300 exemplaires, mieux vaut s'adresser directement à l'éditeur, les éditions du Retrait, basées à Orange (on trouve le bulletin de commande ici, sur leur site web).

Signalons aussi une exposition actuelle, "Le Tarot de cocagne", du peintre-théoricien-poète du groupe surréaliste Guy Girard à la Maison Rignault (librairie de la Maison André Breton), à Saint-Cirq-Lapopie, consistant en une réinterprétation sous forme de toiles des différentes lames du tarot. L'expo est prévue pour aller jusqu'au 29 octobre.

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Guy Girard, une des peintures de l'expo actuelle.

 

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Et chez Dettinger, qu'est-ce qu'on y voit? Jean Veyret, puis Fatima-Azzahra Khoubba, bientôt...

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Celle qui scrute les étoiles, une boîte de Jean Veyret, Galerie Dettinger-Mayer.

 

     Après une expo consacrée au grand peintre surréaliste lyonnais Max Schoendorff, qui s'est terminée le 9 octobre, Alain Dettinger continue dans sa galerie de la place Gailleton (Lyon 2e ardt) de proposer de réjouissants menus, puisqu'à partir du 30 octobre, on retrouvera de nouvelles boîtes pleines d'onirisme de Jean Veyret, visibles jusqu'au 20 novembre, date après laquelle l'intrigante Fatima-Azzahra Khoubba (on fait un prénom mot-valise à partir de son prénom composé quand on lui écrit ou lui parle: Fatimazara, sinon on s'épuise...), qui exposait naguère  des tableaux semblant illustrer la théorie des fractales (voici déjà huit ans que je n'en avais pas revus, mais elle a peut-être été réexposée depuis), prendra la suite du samedi 27 novembre 2021 au 1er janvier 2022 (elle a mis des yeux à ses bras de terre et cela change tout dans ces fjörds bleus). C'est elle qui sera donc le cadeau de fin d'année à la galerie. Il se murmure qu'elle devrait également au vernissage de son expo signer un livre de ses poèmes, Nuit intranquille, que l'on attend avec curiosité. Y retrouvera-t-on sa gentillesse et son humour légers?

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07/10/2021

Le petit musée de monsieur Costecalde

Cette note contient une mise à jour du 9 octobre 

 

   Cela fait déjà quelque temps (quatre ans environ) que j'ai dans mes collections de cartes postales une image qui montre l'intérieur d'une habitation à Lapanouse de Sévérac (Aveyron), à l'est de Rodez, organisé en forme de petit musée privé (on en a déjà rencontré sur ce blog de ces petits musées ultra personnels). Parmi un capharnaüm d'objets et d'œuvres sculptées, on y aperçoit l'auteur – ou le "conservateur", un certain François Costecalde – d'une étonnante collection d'allure hétéroclite.

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Lapanouse de Sévérac, le musée ; c.p. A.P., Millau, coll. Bruno Montpied.

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Agrandissement où l'on s'aperçoit que le visage de ce monsieur Costecalde, en train de manipuler une canne (semble-t-il) de sa collection, paraît avoir été traité surexposé (à dessein ?).

 

      Cette carte m'avait été signalée par un autre amateur de créations populaires, dijonnais, Julien Gonzalez, par ailleurs grand dénicheur d'autodidactes inconnus présents sur des cartes postales anciennes, ou décrits dans des journaux ou magazines peu repérés. Je reprends dans les renseignements ci-après des citations d'après les mails que m'avait adressés ce chercheur distingué en 2017 puis en 2020, et tout récemment encore en 2021 (tracées en vert)...

     Ce monsieur Costecalde, ancien menuisier (ce qui doit aider pour tailler du bois), né à Saint-Grégoire, commune de Lavernhe en 1835, est décédé en 1916. "Les enfants de celui-ci prenaient leur père pour [un "foulatras" ( ça sonne comme fou la trace), comme on dit en Aveyron¹]. Ils ont brûlé toutes ses créations peu après sa mort. Ne reste plus que la carte postale que nous avons pu trouver sur internet. Le lieu était très visité au début du XXe siècle, il y avait un restaurant juste à côté et les clients de celui-ci allaient visiter le musée après leur repas. Il avait été baptisé le musée de la sorcellerie."

   "...il reste encore une réalisation sauvegardée de cet autodidacte : une armoire avec des scènes et des visages humains sculptés qui a été rachetée par un habitant du village après son décès..."

     Après ces informations, Julien m'adressa une reproduction de la même carte que ci-dessus, augmentée de précieuses annotations d'un visiteur anonyme du musée – musée que cet anonyme qualifie de "ridicule" (on ne sait lequel des deux, du visiteur ou du "conservateur" l'était le plus, ridicule, d'autant que ses autres commentaires, comme on le voit ci-après, sont d'une tonalité descriptive assez précise, même si légèrement condescendants par endroits ; on retrouve ici une ambivalence analogue à celle de l'archéologue Léon Coutil lorsqu'il tomba sur les sculptures d'Antoine Rabany à Chambon-sur-Lac, cf. mon enquête sur l'auteur des Barbus Müller).

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Voir les annotations du visiteur anonyme (du 20 août 1912) en bas de la carte, et à gauche, celle qui invite à lire "l'explication" au dos de la carte (voir ci-dessous). C.p.collection Julien Gonzalez.

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"Ce que l'on voit dans ce ridicule musée...", verso de la c.p. de la coll. Julien Gonzalez ; transcription ci-dessous.

 

Transcription de la description du musée par le visiteur ci-dessus :

"- Quantité de bonshommes : un évêque, dit de la Martinique ; des guerriers avec pipe ou cigare à la bouche ; bonnes femmes avec seins proéminents - tous avec figures antiques et grotesques sculptées sur bois massif - divers animaux réels ou légendaires assez bien représentés: lions, serpents, hiboux, petits oiseaux, etc, etc.

- Têtes de sangliers ou de cochons - Un mort avec tous ses accessoires - Une superbe canne entourée de reptiles, etc. - Un diable à 6 cornes, etc. 

- Divers menus objets, tel un livre de messe creux renfermant un chapelet sans apparence extérieure d'ajustage offrant un travail patient et intelligent.

- Plus sérieux : Trois lits ; deux buffets et divers tables admirablement sculptés, sans placage - A droite de la carte on voit l'Artiste, né en 183(9? ou 5?), vrai phénomène - De caractère très doux et très enthousiasmé de son talent..."

    Qui était ce visiteur, écrivant sans faute d'orthographe, passablement outrecuidant (cf. ces soulignements sur ce qui lui paraissait plus sérieux dans la production de Costecalde, à savoir des meubles, donc des objets utilitaires, les objets plus artistiques ne trouvant que mépris aux yeux de ce visiteur instruit, mépris à peine tempéré par la reconnaissance de l'habileté et de "l'intelligence" du sculpteur improvisé...)? On ne peut que deviner un personnage quelque peu dérouté en creux (voire scandalisé...) par l'audace de ce créateur ne s'étant autorisé de personne, hors lui-même, pour confectionner et ouvrir son musée  personnel.

     Plus récemment, Julien Gonzalez, m'a également envoyé une autre description du "Musée" - datée de novembre 2017 - par une habitante de Lapanouse (tracée ici en violet), propriétaire de l'armoire rescapée de l'imbécile autodafé des héritiers de Costecalde (voir photo ci-après), intéressante parce qu'on peut la recouper avec la description de l'annotation ci-dessus:

       "Monsieur, je vous envoie un peu de la vie d'un Musée de mon village Lapanouse où se trouvait ce Musée.

       Je ne peux vous faire la photocopie du journal dont je vous avais parlé, elle est trop fripée et n'a rien donné. C'était [dans] le journal L'Union catholique (février 1905 ou 1906) : "Ce menuisier ébéniste n'a eu d'autre guide que son imagination, sur la carte postale on aperçoit le général Pélissier avec son sabre, l'évêque de la Martinique, Saint-Roch et son chien, Robespierre à cheval sur une chèvre, etc. (illisible), au second plan : un sanglier, un ânon, un crocodile, une tête de bœuf, un écureuil grignotant une noix, des lapins, des poules, (etc...) Nous ne saurions trop recommander aux touristes sillonnant notre pays, et ils sont nombreux, et à tous les amis du beau qu'une visite dans les ateliers de cet artiste, (etc...), ils trouveront toujours quelque objet digne de leur convoitise".

     L'auteur de cet article serait un Dominique de Saint-Léon, écrivain de la région.

    A savoir dans une pièce obscure il y avait une chambre mortuaire, 2 cierges, un Christ, un bénitier, un lit, et sur ce lit, un mort en bois bien sûr, les visiteurs qui voulaient bien sûr, devaient faire le signe de la croix et bénir le mort, il paraît que c'était très lugubre, et juste que la lueur des chandelles, ce lit aussi avait une tête de mort à chaque pied de lit, un corbillard, un fossoyeur, mon grand-père l'avait acheté mais ni mon oncle, ni mon père ne voulait y dormir, ils l'ont vendu à un antiquaire de Béziers contre une chambre à coucher (armoire à glace)... Ma grand-mère était fière, car ils avaient fait une affaire.

    Des quatre enfants Costecalde, aucun n’est resté au pays et, à son décès, ils vendirent quelques meubles et tout le reste [est parti] au feu... Ils avaient honte que leur père soit un "foudralas" [foulatras, plutôt, non ?], mot patois qui veut dire "dérangé".

     Que reste-t-il aujourd'hui ici : deux ou trois armoires et une pierre sculptée mais que l'usure du temps a détériorée".

     "Cette dame m'a envoyé joint à son courrier une photo de l'armoire sculptée qu'elle possède encore aujourd'hui." (Julien Gonzalez). Voir ci-après la carte du musée que j'ai enrichie de légendes apposées près des effigies évoquées dans les descriptions, plus la photo de l'armoire évoquée mon correspondant Julien.

 

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Carte avec légendes incrustées sur la photo par B.M.

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Magnifique armoire actuellement conservée chez une habitante de Lapanouse, ph. transmise par Julien Gonzalez.

______

¹ Ce  mot de "foulatras", je ne sais trop d'où il vient. En fouillant sommairement sur Internet, j'ai trouvé, sans être sûr de moi, que le mot était courant dans le parler Gaga de  la région de Saint-Etienne, désignant quelqu'un de dérangé, d'anormal, de pas comme tout le monde, etc. Régis Gayraud me propose une dérivation occitane de "folâtre"... Ô, comme nous manquent les conseils avisés de ce distingué occitaniste qu'était Michel Valière...

04/10/2021

Info-Miettes (38)

Bientôt un livre consacré à Pierre Albasser

Les emballements de PA, Le TqF.jpeg      Quelle chance a Pierre Albasser. Un éditeur de talent a décidé de consacrer une monographie à sa ludique production artistique, toute d'expérimentations diverses – j'ai nommé les Editions Le Temps qu'il Fait, de Georges Monti, déjà connues pour avoir publié divers livres en rapport avec la création spontanée de divers autodidactes (les livres de Charles Soubeyran – Les Révoltés du Merveilleux –, de Patrick Cloux, de Denis Montebello, la correspondance de Gaston Chaissac avec l'abbé Coutant...). C'est prévu pour novembre prochain, avec des contributions, de votre serviteur, mais aussi de GEHA (son "archiviste et impresaria" comme dit l'éditeur), de Pascal Rigeade, Dino Menozzi, Denis Montebello, etc - voir le lien que j'ai mis ci-dessus renvoyant au site du Temps Qu'il Fait. Le livre est actuellement en souscription (jusqu'au 19 novembre, notamment pour le tirage de tête – 50 ex. numérotés, accompagnés d'un dessin original sur carton d’emballage, signé par l’artiste). Ah... Je suis jaloux!

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Six peintures de Pierre Albasser.

 

"Dans un pli du temps", une exposition chez Art et marges, à Bruxelles, avec, entre autres, Serge Paillard

dessin pour Ds le pli du temps AetM, 2021.JPG

Serge Paillard

      Du 7 octobre 2021 au 13 mars 2022, "Profitez d’une expérience contemplative hors du temps ! La brèche ouverte par l’exposition "Dans un pli du temps" invite à une réappropriation de la lenteur. Découvrez des œuvres réalisées dans une infinie patience, qui évoluent au fil de l’exposition ou convoquent d’autres temporalités." Parmi les artistes ou créateurs exposés, je relève notamment les noms de Serge Paillard, souvent évoqué et défendu sur ce blog, mais aussi de Augustin Lesage, Fanny Viollet, Joseph Crépin, Juliette Zanon, Kunizo Matsumoto,  Lionel Vinche, Raphaël Lonné, ou encore des travaux anonymes venus d'un HP belge... Cet éloge de la lenteur, ceci dit, j'ai l'impression d'en avoir déjà entendu parler ailleurs (ne serait-ce pas à la galerie d'ABCD à Montreuil, à côté de Paris, il y a quelques années? Mais oui, cela eut lieu en 2013, et cela s'appelait "De la lenteur avant toute chose", et le commissariat en avait été confié à Marion Alluchon, Emilie Bouvard, Camille Paulhan, Sonia Recasens et Septembre Tiberghien... ; on trouvait déjà dans cette dernière exposition au moins un exposant en commun - Kunizo Matsumoto). Pour lire le dossier de presse, c'est par ici.

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Une peinture sans titre de Juliette Zanon, 30 x 40 cm, vers 2016 (?), photo et collection Bruno Montpied.

 

Une autre exposition de Pape Diop

     On se souviendra  peut-être que j'ai déjà signalé ce créateur, actif dans un quartier déshérité de Dakar, nommé Pape Diop. Je l'avais découvert dans une première expo qui avait été montée par Sophie Bourbonnais dans sa galerie parisienne de la Fabuloserie. Voici qu'il est à nouveau présenté, cette fois à la Galerie du Moineau Ecarlate d'Eric Gauthier, au 82 rue des Cascades dans le 20e ardt. La galerie du moineau écarlate et Yaatal Art présentent:
Pape « Médina » Diop
Du 7 octobre au 20 novembre 2021.

Un petit film tourné par Modboye, la personne qui suit Pape Diop, dans un montage d'Eric Gauthier, est disponible sur Viméo (il y en a un autre après):

Musique (à signaler, pour Darnish, entre autres): Lee Scratch Perry, qui vient de nous quitter, un vrai créateur musical proche de l'art brut, et initiateur de la musique reggae)

 

J'aime beaucoup l'oeuvre de Frank Lundangi

     Nouvelle exposition de Lundangi dans la galerie qui l'expose régulièrement à Paris, la Galerie Anne de Villepoix. Là c'est déjà commencé depuis le 30 septembre, et c'est prévu pour durer jusqu'au 30 octobre. Titre de l'expo "Eclosion". C'est aussi le titre d'une des oeuvres délicates de l'artiste (qui vit en France, sur les bords de Loire).

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Franck Lundangi, Eclosions, Aquarelle et encre sur papier, 102 x 67 cm, 2020, ph. Galerie Anne de Villepoix. 

Galerie Anne de Villepoix, 18 rue du Moulin Joly 75011 Paris. Tél: +33 1 42 78 32 24 et +33 9 80 53 23 47 info@annedevillepoix.com . Ouverture Du Mardi au Samedi, de 9h30  à 18h30.
 
 
 
"Bruts et Raffinés II" à la galerie d'Hervé Courtaigne, rue de Seine (Paris 6e)
 

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      "A cette occasion, vous pourrez découvrir l'œuvre majeure de l'artiste spirite Victor Simon (1903-1976), à savoir le panneau droit, récemment retrouvé, du triptyque "Cosmogonie" de 1955. Le pendant gauche de cette oeuvre est conservé au  LaM en tant que dépôt de l'Union spiritualiste Phocéenne. Quant à son panneau central, il a été présenté lors de l'exposition "Reviendra-t-il ?" à la galerie Hervé Courtaigne en automne 2020."
 
L'expo dure jusqu'au 16 octobre, notez-le... Et soulignons aussi qu'à cette occasion, la galerie expose des œuvres de notre vieil ami Gaston Mouly (1922-1997). Peu fréquent depuis sa disparition...  
 
 
 
Lucienne Peiry sort un livre sur Armand Schulthess chez Allia
 
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A noter: Lucienne Peiry sera à la Halle Saint Pierre, à Paris, le samedi 20 novembre de 15h à 17h pour une présentation de ses dernières publications sur l’Art Brut (Nanetti, Ecrits Bruts...).
 
 
 

30/09/2021

Les Journandises, manifestation artistique sur le campus de Bourg-en-Bresse et ma venue le 12 octobre

journandises 2021.jpg

      Je dois dire, qu'avec l'âge, je m'y perds de plus en plus dans les annonces que je reçois. Les "Journandises", par exemple, dans le cadre desquelles je suis invité le 12 octobre prochain à venir débattre avec qui veut (des étudiants a priori) d'art brut, d'art naïf, d'art populaire, et, accessoirement, à partir de la maison peinte d'Eric Le Blanche dont je montrerai l'intérieur, via le film que j'ai écrit et coréalisé en 2019 en autoproduction (y a marqué "Zoom back productions" dedans, mais c'est un mot bidon)... C'est une manifestation qui se tient apparemment de manière régulière (du moins quand il n'y a pas de pandémie par-ci, par-là), dans une bourgade appelée Journans (c'est la première fois, n'étant pas de la région, que j'en entends parler ; mais comme il y a internet, maintenant, tout le monde fait dans l'implicite et comme si tout le monde savait ; donc, je regarde sur internet moi aussi et je vois que Journans, c'est dans l'Ain (hein? c'est au sud-est de Bourg-en-Bresse (prononcer Bourk-en-Bresse), et donc au nord-est de Lyon aussi). Mais je ne sais trop pourquoi, il se trouve que dans le cadre de ces Journandises, (la manifestation qui se tient à Journans s'appelle comme ça, donc), qui, elles-mêmes cette année, se tiennent dans le cadre de la Biennale Hors-les-Normes de Lyon (plus communément appelé BHN : un acronyme, ça fait toujours bien dans le décor) - ce qui accentue la complexité de la chose, tout de même, non? -, la manifestation (une expo de trois personnes, Jean Branciard, Hanna Chroboczek et Marcel Vinsard (1930-2016 ; un créateur sur qui j'ai abondamment renseigné par un livre et par des notes sur ce blog) dont c'est le vernissage pas plus tard qu'aujourd'hui, une rencontre avec mézigue autour d'un film donc (le  12 octobre à 18h30), et le 14 octobre, un atelier avec Jean Branciard qui incitera les étudiants de Bourg à fabriquer des bateaux à partir de matériaux recyclés) se tient non pas à Journans, ni à Lyon, mais sur le campus de l'université de Bourg-en-Bresse (je ne savais pas qu'il y avait une université là-bas, ne pensant personnellement qu'aux poulets quand j'entends le mot Bresse, qu'on me le pardonne, SVP...). Avouez qu'il y a de quoi s'y paumer, non, quand on n'est pas familier des secrets des dieux (c'est-à-dire des animateurs de la BHN), non?

     Donc... A bientôt?

24/09/2021

Dernière acquisition

F. Trompette, ss titr (l'enfant de choeur assoiffé), sd (2).jpg

F. Trompette, sans titre, huile sur toile, 35 x 26,5 cm, sd ; photo et collection Bruno Montpied.

 

      "Oh, my god...", semble se récrier ce cureton qui en dresse, quelque peu estomaqué, les bras vers le ciel, en surprenant son enfant de chœur en train de siffler sans vergogne le vin de messe. Je n'ai pas trouvé le tableau très habilement peint, et pas non plus très naïf, ce qui aurait pu racheter cette faiblesse, mais l'anecdote était drolatique, à verser, si je puis dire, dans une thématique vouée à la moquerie contre les prêtres. Et puis, le nom du peintre, en soi, est drôle aussi. Les trompettes de la renommée? Tout de même pas, cela dit...

25/08/2021

La maison de la rue Bénard, XIVe arrondissement, à Paris

     En complément de ma note précédente sur des maisons simples décorées de motifs mythologiques ou grotesques, situées à Cholet, Douarnenez, et au Blanc, voici une petite mention d'une façade curieuse du XIVe arrondissement parisien, relative à la maison du 43 rue Bénard.

Façade ornée, rue Bénard 14e (2).jpg

Maison ornée de mascarons et autres figures composites ou grotesques, rue Bénard, ph. Bruno Montpied, 2021.

 

   Elle date visiblement d'une époque plus ancienne que les bâtiments qui la jouxtent, tentant même d'empiéter sur elle comme si elle gênait (l'immeuble situé à sa droite mord sur elle en effet – à tous les sens du terme, presque –, de façon incroyable (comment a-t-on pu le permettre?), à tel point qu'on en a mal pour elle...). Si les immeubles pouvaient parler, on entendrait perpétuellement cette objurgation: "Ôte-toi de là que j'm'y mette...".

La voisine qui mord sur la maison ornée (2).jpg

C'est tout juste si l'avancée de la maison d'à côté n'est pas venue obstruer la porte du 43.... ;  à signaler un dragon ailé au sommet de l'épi de faîtage (en zinc sans doute), en haut sur le toit, à droite, à la fin du cortège des fleurs de lys surplombant la gouttière ; ph. B.M.

 

    Si on passe un peu trop vite, on ne remarque pas l'aspect peu fréquent des motifs qui animent assez joyeusement cette façade plutôt rare à Paris aujourd'hui. Il y a des têtes, certes, une chouette aussi, mais en outre des figures plus composites, un chat à tête d'homme avec un corps serpentin au-dessus de la porte d'entrée, un monstre ailé en haut à gauche au sommet de la gouttière de descente, et des figures à la limite du visionnaire surgissant de la masse des feuillages surplombant la porte (où l'on a malheureusement fiché une lampe assez disgracieuse)...

Tête rieuse (2).jpg

Chouette et personnage composite (2).jpg

Figures fantastiques au-dessus porte (2).jpg

Sur cette composition au-dessus de la porte d'entrée de la maison, on aperçoit deux êtres fantastiques, dont l'un à tête humanoïde, surgissant de l'amas des rameaux de feuillages, ceux-ci composant même un masque fantastique (involontaire?) ; ph. B.M.

 

       Sur cette maison, on découvre ainsi, aussi, une décoration sculptée assez fantaisiste, analogue à celles des maisons que j'ai mentionnées en Bretagne, Pays de la Loire et Centre Val de Loire, avec une même apparence de personnalisation atypique, fort rare dans une agglomération comme Paris, terriblement sage (vide) du point de vue de l'ornementation de ses façades, si l'on excepte les rares vestiges d'architecture de type Art Nouveau (comme le Castel Béranger d'Hector Guimard dans le XVIe arrondissement ou l'immeuble de Lavirotte, avenue Rapp), si souvent menacées elles-mêmes, cela dit...

 

21/08/2021

Pour changer des mascarons et autres cariatides, des dragons et des griffons

           Il y a quelques années (dix-sept ans exactement), me baladant à Cholet, j'étais allé photographier la façade d'une maison que j'avais découverte, intrigué, dans un des deux volumes des éditions Flohic consacrés au patrimoine du Maine-et-Loire. Il s'agissait d'un décor de façade dû à un certain Fernand Dupré (1879-1969), sculpteur-marbrier de son état, qui avait pris plaisir dans les années 1920-1930 à se concocter des fenêtres et balconnets ornés de sujets inspirés d'un médiéval de fantaisie. On trouvait là des figures proches des gargouilles et des monstres, des masques, et des cariatides masculines, dont un homme soufflant dans une cabrette tout en soutenant un des balcons. L'ensemble, au point de vue des personnages choisis, était relativement classique, même si cela présentait un aspect un peu inquiétant. Et cela m'avait intéressé parce que ce décor, tout de même atypique, avait été créé par un artisan local pour sa propre maison, en dehors de commanditaires extérieurs apparemment. On s'approchait, sans y être pour autant, des créations des autodidactes de bords de routes n'ayant, eux, aucune formation artisanale ou artistique.

Maison Dupré, façade médiév fantaisiste (2).jpg

Maison sculptée par Fernand Dupré, 5 rue Darmaillacq, Cholet, ph. Bruno Montpied ,septembre 2004.

Maison Dupré, Cholet, les 2 fen par-dessous (2).jpg

Maison Fernand Dupré, Cholet, ph. B.M., 2004.

Maison Dupré, crochu et cabrette (2).jpg

Maison Fernand Dupré, détail des ornements de la façade; le personnage au bec crochu n'est pas très engageant... ; ph. B.M., 2004

 

       Plus récemment, je suis tombé sur deux autres maisons (respectivement en 2017 et 2021), situées à bonne distance l'une de l'autre – de la Bretagne finistérienne à la région des étangs de la Brenne (région Centre-Val de Loire pour ceusses qui savent pas où c'est). Elles sont pourvues cette fois de dragons (et de griffons, voir commentaire ci-après) sculptés. Sculptés dans des styles différents, quoique visiblement, là aussi, par des artisans possédant un certain métier. Donc, là non plus on n'a pas affaire à des habitants ayant sculpté par eux-mêmes, en purs autodidactes. Mais le choix des sujets décoratifs était là aussi peu commun, reflet de goûts hors les normes.

 

Façade avec les trois figurines, dragons et lion (2).jpg

Maison à Douarnenez, ph. B.M., été 2017.

Lion portant un écu daté 1910 (recentré) (2).jpg

Lion tenant un écu où l'on lit la date de 1910 (plutôt que 1210, en dépit d'un 9 très sinueux, proche d'un 2) ; ph .B.M. 2017.

Dragon de gauche (2).jpg

Un dragon à gauche, ph. B.M., 2017.

Dragon de droite (2).jpg

Dragon de droite, comme  prêt à plutôt aboyer qu'à cracher des flammes? ; ph. B.M., 2017.

 

       La première maison ci-dessus, située à Douarnenez, plutôt discrète, un peu  à l'écart et sans doute pas signalée sur les dépliants touristiques, comporte un écu que présente un lion efflanqué au milieu de sa façade. De part et d'autre du félin, on aperçoit deux petits dragons bien patelins, pas loin de ressembler à des chiens, puisqu'ils ont sans doute, comme ces derniers, la mission de garder symboliquement la petite maison. Leur style n'est pas loin d'être naïf... Ces sculptures sont-elles des pièces rapportées?

      La deuxième maison, ci-dessous, on est tombé dessus avec l'ami Sganarelle, ces dernières semaines, dans la bourgade de Le Blanc, dans le Parc Régional de la Brenne, pas loin de Saint-Benoît-du-Sault. Juchés au-dessus des fenêtres d'une maison plus cossue, à la maçonnerie couverte de curieux motifs compartimentés qui me faisaient personnellement un peu penser à une vague toile d 'araignée.

       Ses dragons (et griffon(s)) étaient plus baroques. Même si ces motifs peuvent paraître connus et manifestant une certaine culture de la part des commanditaires, ils restent peu communs sur des façades de villas, qui plus est en milieu urbain. Ils sont d'un style également plutôt personnalisé, ne paraissant pas trop provenir d'une production en série... Manifestent-ils  un désir de la part de propriétaires plus aisés que la moyenne de s'égaler dans le choix de leur décoration de façade aux ornementations des demeures seigneuriales de l'Ancien Régime? Est-ce, en bref, de l'ornementation de bourgeois de province, distincte des goûts des prolétaires de bords de routes?

 

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Maison aux dragons (et griffon) dans la bourgade du Blanc (Indre), 17-19 rue Villebois-Mareuil ; ph. B.M., 2021.

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Griffon à gauche ; ph. B.M., 2021.

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Dragon au centre; ph. B.M., 2021.

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Dragon (ou griffon?) de droite ; ph. B.M., 2021.